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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Venezuela (République bolivarienne du)

Convention (n° 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928 (Ratification: 1944)
Convention (n° 95) sur la protection du salaire, 1949 (Ratification: 1982)

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Afin de fournir une vue d’ensemble des questions relatives à l’apAplication des conventions ratifiées en matière de salaires, la commission estime qu’il convient d’examiner les conventions nos 26 (salaire minimum) et 95 (protection des salaires) dans un même commentaire.
La commission prend note des observations relatives à la convention no 26 formulées par la Fédération des chambres et associations de commerce et de production du Venezuela (FEDECAMARAS), reçues le 1er septembre 2023. Elle prend également note des observations formulées par la Confédération des syndicats autonomes (CODESA), la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), la Fédération des associations de professeurs d’université du Venezuela (FAPUV), la Centrale des travailleurs Alliance syndicale indépendante (CTASI), l’Union nationale des travailleurs du Venezuela (UNETE), la Centrale unitaire des travailleurs du Venezuela (CUTV) et la Confédération générale du travail (CGT) relatives aux conventions nos 26 et 95, reçues le 30 août 2023.

Suivi des recommandations de la commission d ’ enquête (plainte présentée en vertu de l ’ article 26 de la Constitution de l ’ OIT)

A. Salaire minimum

Article 3 de la convention no 26. Participation des partenaires sociaux à la fixation du salaire minimum. Faisant suite à son commentaire précédent, la commission prend note des discussions tenues aux 347e et 349e sessions (mars et novembre 2023) du Conseil d’administration relatives au rapport sur tout fait nouveau concernant le Forum de dialogue social et la mise en œuvre par le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela du plan d’action convenu aux fins de donner effet aux recommandations de la commission d’enquête, ainsi que des décisions correspondantes adoptées. Elle prend en particulier note des points suivants: i) entre le 3 janvier et le 1er février 2023, la troisième session du Forum de dialogue social s’est déroulée, avec l’assistance technique du BIT, sous la présidence du ministre du Pouvoir populaire pour le processus social du travail, et les organisations d’employeurs et de travailleurs suivantes y ont participé: la FEDECAMARAS, la Fédération des chambres et associations d’artisans, micro, petites et moyennes industries et entreprises du Venezuela (FEDEINDUSTRIA), la Centrale bolivarienne socialiste des travailleurs et travailleuses de la ville, de la campagne et de la pêche du Venezuela (CBST-CCP), la CTASI, la CTV et la CGT; au cours de cette réunion, il a été décidé de poursuivre et d’actualiser le plan d’action convenu afin de donner effet aux recommandations de la commission d’enquête concernant les conventions nos 26, 87 et 144; ii) entre le 16 février et le 24 août 2023, 13 réunions tripartites ont été organisées, avec l’appui du BIT, et consacrées à la question de la détermination des méthodes de fixation des salaires minima; iii) du 3 au 7 octobre, une mission du BIT s’est rendue en République bolivarienne du Venezuela dans le but de participer à la quatrième session du forum et de faciliter des espaces de dialogue, mais le gouvernement a estimé que les conditions n’étaient pas favorables à la tenue de ce forum, en raison d’une série de communications que différentes organisations de travailleurs et d’employeurs lui avaient adressées et, tant la délégation du BIT que le ministre ont tenu, de leur côté, des réunions bilatérales avec les organisations de travailleurs et d’employeurs; et iv) le 6 octobre, une réunion tripartite à huis clos a été organisée au siège du ministère du Pouvoir populaire pour le processus social du travail à laquelle les organisations de travailleurs et d’employeurs susmentionnées ont participé, et il a été décidé que la quatrième session du forum serait reportée à début 2024.
La commission note qu’à la 349e session du Conseil d’administration, le gouvernement a dit que, tenant à concrétiser une proposition formulée par consensus sur la méthode de fixation du salaire minimum, le 19 octobre 2023, une réunion a été organisée avec la FEDECAMARAS, la FEDEINDUSTRIA, la CBST-CCP, l’ASI, la CTV et la CGT et cette proposition a été expliquée. Le gouvernement dit également qu’à cette réunion, la principale question réglée a été celle du choix des porte-parole des employeurs et des travailleurs dont les organisations, en toute autonomie, élaboreront les accords nécessaires et fourniront des informations afin d’enrichir la méthode. Le gouvernement dit également qu’il a remis la version finale du texte et la note conceptuelle de la méthode à ces organisations et qu’il n’a à ce jour reçu aucune observation à ce sujet, ce qui permet de continuer à avancer sur la voie de la consolidation de cette méthode importante.
La commission fait observer que le Conseil d’administration examinera de nouveau, à sa 350e session (mars 2024), les progrès que le gouvernement aura accomplis pour garantir la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête.
Par ailleurs, comme suite à ses commentaires précédents à ce sujet, la commission note que, dans son rapport, le gouvernement: i) dit mettre en œuvre chaque activité convenue dans le plan d’action, actualisé en février 2023, avec les différentes organisations de travailleurs et d’employeurs; ii) dit avoir constitué une instance technique tripartite chargée d’élaborer la proposition de méthode de consultation pour la fixation du salaire minimum, qui a conclu ses travaux fructueux à sa 13ème réunion, en élaborant cette proposition qui sera soumise au plus haut niveau; et iii) réaffirme son engagement à continuer de progresser sur la voie de la mise en œuvre des décisions du Forum de dialogue social et de continuer à travailler selon les programmes fixés, ce qui a jusqu’à présent permis aux parties de bien avancer, compte tenu des effets considérables des mesures coercitives unilatérales sur le salaire des travailleurs.
La commission constate que le plan d’action actualisé, adopté par le Forum de dialogue social en février 2023, comprend les éléments suivants: i) la création d’une instance technique chargée de déterminer les méthodes de fixation du salaire minimum et les procédures de consultation efficace; et ii) la détermination, par l’instance technique, de la méthode dynamique de fixation du salaire minimum (compte tenu des variables et des indicateurs économiques et socioprofessionnels, ainsi que des facteurs exogènes déjà mentionnés dans le texte de la déclaration).
La commission note que, dans ses observations, la FEDECAMARAS dit que: i) au cours de deux réunions tripartites tenues, avec l’assistance technique du BIT à distance, les 15 et 24 août 2023, le document envoyé par le ministère sur la «méthode de fixation du salaire minimum national» a fait l’objet de discussions et de modifications et la FEDECAMARAS a fait part de ses observations relatives à la méthode proposée par le ministère à prendre en compte dans le document final; et ii) le document final de la proposition ministérielle définitive, qui devait être présentée entre le 25 et le 28 août 2023 aux fins de révision finale et d’adoption, n’a pas été reçu. La FEDECAMARAS dit que, même s’il existe déjà une proposition formulée par le ministère, encore sujette à approbation, le dialogue doit être plus efficace et structuré et passe par un suivi permanent, car les indicateurs économiques, socioprofessionnels et exogènes officiels, mentionnés dans le plan d’action du Forum de dialogue social, indispensables pour accélérer le dialogue social visant à fixer le salaire minimum, n’ont pas été présentés, alors que l’instance technique est opérationnelle depuis sept mois.
La commission note également que, dans leurs observations conjointes, la CODESA, la CTV, la FAPUV, la CTASI, l’UNETE, la CUTV et la CGT confirment que les activités, mentionnées par le gouvernement, visant à mieux comprendre la méthode de consultation aux fins de la fixation du salaire minimum se sont déroulées en marge des séances formelles du forum et disent qu’elles ont abouti à un accord. Sur ce point, elles regrettent les points suivants: i) en 2023, l’augmentation du salaire minimum escomptée n’a pas eu lieu, alors que sa valeur diminue jour après jour en raison de la dévaluation constante du bolivar; ii) le 1er mai 2023, le cestaticket socialista (ticket d’alimentation) a été augmenté et un «bon contre la guerre économique» instauré, sans la moindre consultation avec les partenaires sociaux, alors que ces versements ne sont pas des paiements de salaire; et iii) le gouvernement n’a pas communiqué les indicateurs économiques, sociaux et professionnels demandés par toutes les centrales qui sont indispensables pour avancer sur la voie de la réalisation des objectifs fixés dans le cadre du groupe de travail technique chargé de déterminer les méthodes de fixation du salaire minimum.
Tout en prenant dûment note des indications du gouvernement, ainsi que des activités et des réunions tripartites menées tout au long de l’année, avec l’assistance du Bureau, au cours desquelles la question de la détermination de la fixation du salaire minimum national a été abordée, la commission constate avec préoccupation qu’il n’a pas encore été possible de concrétiser cette méthode. Dans ce contexte, la commission note avec regret qu’il n’y a pas eu, en 2023, d’augmentation du salaire minimum dans le pays, après consultations. En dernier lieu, la commission note avec regret que la quatrième session du Forum de dialogue social a été reportée, tout en prenant dûment note que le gouvernement et les partenaires sociaux réaffirment leur engagement à participer au dialogue social et de la tenue de cette session début 2024.
La commission exprime le ferme espoir que, dans le cadre des perspectives ouvertes grâce au processus engagé par la mise en place et le suivi du Forum de dialogue social, toutes les mesures prévues dans le plan d’action actualisé en février 2023, ainsi que dans le calendrier d’activités présenté par le gouvernement, seront appliquées et que la quatrième session du Forum de dialogue social se tiendra comme prévu. Elle espère également que ces mesures donneront lieu à des progrès tangibles dans l’élaboration et l’application des méthodes de fixation du salaire minimum, comme l’exige la convention, ainsi que dans le suivi des recommandations de la commission d’enquête. En particulier, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la prochaine augmentation du salaire minimum dans le pays soit précédée d’une phase de consultations rigoureuse, menée suffisamment en amont, sous forme de discussions structurées, éclairées et efficaces, dans lesquelles il sera dûment tenu compte des propositions présentées par les organisations de travailleurs et d’employeurs à ce sujet. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout fait nouveau à ce sujet.

B. P rotection du salaire

Article 4 de la convention no 95. Paiement en espèces. «Cestaticket socialista». Faisant suite à ses commentaires précédents, la commission note que, d’après le gouvernement: i) la valeur du cestaticket socialista a été augmentée à compter du 1er mai 2023 et sera réajustée tous les mois, en fonction du taux de change publié par la Banque centrale du Venezuela; ii) des groupes de négociation collective, auxquels participent activement les organisations d’employeurs et de travailleurs, ont été constitués et permettent de conclure des accords sur ces prestations, y compris les prestations complémentaires, notamment la cantine, la distribution d’aliments du panier de base et les primes supplémentaires.
La commission note également que la CODESA, la CTV, la FAPUV, la CTASI, l’UNETE, la CUTV et la CGT font part des éléments suivants dans leurs observations conjointes: i) dans les secteurs public et privé, il arrive fréquemment que le salaire soit payé avec des bons divers ou que de la nourriture soit distribuée, ce qui fait qu’il est très difficile pour les travailleurs de connaître avec exactitude leur salaire réel, ainsi que d’en garder la trace; ii) le gouvernement refuse d’employer le terme «salaire» et parle plutôt du «salaire minimum intégral» qui comprend le salaire minimum et le cestaticket socialista; iii) nombre de travailleurs ne reçoivent pas le cestaticket en espèces, comme les travailleurs de l’administration publique, tandis que certaines entreprises ont choisi de fournir un repas par journée de travail pour s’acquitter de la prestation alimentaire; et iv) ces organisations ignorent tout des négociations mentionnées par le gouvernement et disent que, dans le secteur public, l’État a suspendu les négociations collectives depuis la promulgation du mémorandum no 2792 du 11 octobre 2018. À ce sujet, la commission note de nouveau avec regret que les informations soumises par le gouvernement et les observations des organisations de travailleurs susmentionnées ne lui permettent pas de conclure que des progrès ont eu lieu pour régler cette question. Tout en rappelant son analyse des années précédentes sur cette question (voir en particulier l’observation adoptée en 2017), la commission prie de nouveau le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour trouver, à travers le dialogue avec les organisations d’employeurs et de travailleurs représentatives, les solutions qui permettront d’appliquer pleinement l’article 4 de la convention.
Articles 5 et 14. Paiement électronique du salaire. Informations sur les éléments constituant le salaire. La commission note qu’en réponse à son commentaire précédent le gouvernement fait part des éléments suivants: i) la circulation du bolivar a été touchée par les mesures coercitives unilatérales, ce qui a contraint le gouvernement à mettre au point des plateformes technologiques pour garantir l’accès des travailleurs à leur salaire, mais cette situation appartient désormais au passé; ii) nombre d’entreprises, tant publiques que privées, ont numérisé leurs fiches de paie, ce qui permet aux travailleurs de consulter ces informations à partir de tout dispositif électronique, à tout moment; et iii) lorsque le travailleur a du mal à y accéder, l’employeur est tenu de fournir une copie papier de la fiche de paie sous peine de sanction, conformément à l’article 106 de la loi organique du travail, des travailleurs et des travailleuses. La commission note également que la CODESA, la CTV, la FAPUV, la CTASI, l’UNETE, la CUTV et la CGT disent que: i) depuis le passage au paiement électronique de la rémunération, les travailleurs ont du mal à percevoir leur salaire dans les localités qui ne sont pas bancarisées ou qui ne disposent pas de services Internet et ces difficultés sont aggravées par les fréquentes interruptions des services bancaires numériques; ii) les travailleurs obtiennent plus difficilement des informations détaillées et précises sur leur salaire et les éléments qui le constitue; iii) le paiement du salaire par l’intermédiaire du sistema patria, plateforme à travers laquelle le gouvernement paie ses employés, néanmoins créée et utilisée à d’autres fins que le versement du salaire, présente des inconvénients au moment de calculer le salaire et d’apporter la preuve de son versement et ne permet pas de présenter de réclamation en cas d’erreur ou d’omission au moment du paiement; le gouvernement devrait donc expliquer le régime juridique et la portée du sistema patria et fournir copie des textes qui le régissent. La commission note de nouveau avec regret l’absence de progrès sur ce point. La commission prie de nouveau le gouvernement de prendre des mesures efficaces, en consultation avec les partenaires sociaux, pour régler la question du paiement électronique du salaire et la question des informations fournies aux travailleurs sur les éléments constituant le salaire, conformément à la convention, et de fournir des informations à cet égard.
Article 12. Retard dans le paiement du salaire. La commission note que la CODESA, la CTV, la FAPUV, la CTASI, l’UNETE, la CUTV et la CGT disent qu’à plusieurs reprises, dans le secteur de la santé: i) il y a eu des retards de paiement du salaire dus, d’après le département des ressources humaines, à des failles du sistema patria; et ii) à maintes reprises, plusieurs éléments tels que le travail de nuit, les jours fériés et les dimanches travaillés n’ont pas été payés. Rappelant l’importance du paiement du salaire à intervalles réguliers, la commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires à ce sujet.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2024].
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