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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Niger (Ratification: 2000)

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Article 3 a) et article 7, paragraphe 1, de la convention. Toutes formes d’esclavage ou pratiques analogues. Vente et traite d’enfants. Suivant ses commentaires précédents, la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement, dans son rapport, relatives aux activités mises en œuvre dans le cadre du projet BRIDGE du BIT «Du Protocole à la pratique: une passerelle pour une action mondiale sur le travail forcé», mis en œuvre depuis 2015. Entre autres, ce projet a appuyé le développement de modules de formation et l’organisation d’ateliers de formation de divers acteurs de la chaîne judiciaire (justice, police et gendarmerie). La commission note, à cet égard, que selon un rapport de 2022 sur la perspective de l’Organisation internationales pour les migrations (OIM) sur la traite des personnes au Niger (rapport de l’OIM, 2022), l’OIM et l’Agence nationale de lutte contre la traite des personnes (ANLTP), une structure clé au niveau national dans la lutte contre la traite des personnes, ont travaillé ensemble pour rendre opérationnels trois bureaux décentralisés de l’ANLTP dans les villes de Zinder, Koni et Diffa. Le soutien de l’OIM à ces bureaux a permis à l’ANLTP de faire avancer sa stratégie nationale de présence opérationnelle dans ces trois villes visant à assurer sa présence opérationnelle dans les huit régions du Niger, ce qui facilite ses interventions pour prévenir et lutter contre la traite des êtres humains dans l’ensemble du pays, tout en poursuivant les auteurs.
La commission note que le gouvernement a communiqué avec son rapport l’Annuaire statistique du ministère de la Justice 2015-2019, édition 2020, qui comprend des statistiques sur le nombre de victimes de traite et d’auteurs jugés qui ont été recensés durant les années en question. Selon ces statistiques, 54 auteurs de la traite des enfants ont été déférés et poursuivis en justice en 2017, mais un seul de ces auteurs aurait été jugé. La commission observe pourtant que 147 victimes mineures de traite ont été recensées en 2017, ainsi que 57 en 2015, 30 en 2016 et 31 en 2018. À cet égard, la commission observe que, dans ses observations finales du 16 mai 2019, le Comité de l’ONU des droits de l’homme s’est dit préoccupé par le faible taux d’application des dispositions légales relatives à la vente et la traite de personnes (CCPR/C/NER/CO/2, paragr. 34), en particulier en application de l’ordonnance nº 2010-086 du 16 décembre 2010 relative à la lutte contre la traite des personnes au Niger, laquelle interdit toutes les formes de vente et de traite et prévoit des peines d’emprisonnement de dix à trente ans dans les cas où la victime est un enfant.
La commission se doit donc de noter à nouveau avec profonde préoccupation le faible nombre de personnes poursuivies au vu de l’importance du phénomène de traite dans le pays. Rappelant que les sanctions prévues ne sont efficaces que si elles sont effectivement appliquées, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires sans délai afin que des enquêtes approfondies et des poursuites vigoureuses soient menées à l’encontre des auteurs d’infractions relatives à la vente et à la traite d’enfants. Elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard et de communiquer des statistiques à jour sur le nombre et la nature des infractions signalées, les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les sanctions pénales imposées dans les cas d’enfants victimes de traite.
Article 3 et article 7, paragraphe 1. Sanctions. Alinéa a). Toutes formes d’esclavage ou pratiques analogues. Travail forcé ou obligatoire. Mendicité. Suivant ses commentaires précédents, la commission note que, selon l’Annuaire statistique du ministère de la Justice 2015-2019, édition 2020, neuf auteurs d’exploitation de la mendicité ont été déférés et poursuivis en justice et quinze auteurs de cette infraction ont été jugés en 2018. La commission note cependant que le Comité des droits de l’homme, dans ses observations finales du 16 mai 2019, s’est dit préoccupé de la situation particulière des enfants talibés remis aux marabouts dans les écoles coraniques et contraints à la mendicité (CCPR/C/NER/CO/2, paragr. 44). En outre, la commission observe que, selon le rapport de l’OIM, 2022, sur 565 victimes de traite identifiées entre janvier 2017 et juillet 2021, 23 pour cent constituaient des cas d’exploitation de la mendicité, dont tous étaient des enfants. La commission se doit donc de constater que l’exploitation de la mendicité des enfants demeure un problème dans la pratique. La commission prie donc instamment le gouvernement de renforcer ses efforts pour faire en sorte que des enquêtes approfondies soient menées à leur terme, des poursuites engagées et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient imposées aux marabouts qui utilisent des enfants de moins de 18 ans à des fins purement économiques. Elle prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard et les résultats obtenus.
Alinéa d) et article 4, paragraphe 1. Travaux dangereux et détermination des travaux dangereux. Enfants travaillant dans les mines et carrières. La commission, ayant précédemment pris note du décret nº 2017-682-PRN/MET/PS de 2017 qui contient une liste révisée des travaux dangereux interdits aux enfants de moins de 18 ans, incluant l’interdiction d’employer des enfants de moins de 18 ans dans les travaux dans l’orpaillage et autres exploitations minières artisanales, note l’indication du gouvernement selon laquelle l’arrêté no 070/MME/DM de 2004 définissant le code de conduite sur les sites d’exploitation minières artisanales (EMA) prévoit aussi l’interdiction aux enfants de moins de 18 ans d’exercer les pires formes de travail dans les EMA. Cependant, la commission observe que, dans ses observations finales du 4 juin 2018, le Comité de l’ONU des droits économiques, sociaux et culturels se dit préoccupé par le nombre d’enfants exploités à des fins économiques dans les mines, en particulier dans des conditions dangereuses (E/C.12/NER/CO/1, paragr. 46). En outre, dans ses observations finales du 21 novembre 2018, le Comité de l’ONU des droits de l’enfant se dit aussi sérieusement préoccupé par le fait que le travail des enfants demeure très répandu, notamment dans les carrières et les mines d’or (CRC/C/NER/CO/3-5, paragr. 43). La commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour s’assurer de l’application effective de la législation nationale sur la protection des enfants contre le travail souterrain dans les mines et contre le travail dans l’orpaillage et les exploitations minières artisanales, et de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard et les résultats obtenus.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéas a) et e). Empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants et tenir compte de la situation particulière des filles. Accès à l’enseignement de base universel gratuit. Suivant ses commentaires précédents, la commission prend note des informations du gouvernement relatives aux mesures prises pour améliorer les taux de scolarisation, en particulier ceux des filles, telles que l’adoption en 2019 de plusieurs arrêtés visant à améliorer les conditions de scolarité des filles et leur protection. Les autres mesures dont fait part le gouvernement incluent un programme de remédiation au niveau du primaire et du secondaire qui devraient bénéficier à 250 000 élèves et un programme de rattrapage accéléré pour les jeunes non scolarisés et les réfugiés (au moins 45 pour cent de filles) par le biais de classes passerelles et de centres d’éducation alternative.
La commission note en outre que le Niger s’est doté du Plan sectoriel de l’éducation et de la formation pour la période 2014-2024, dans le cadre duquel il réaffirme son engagement à faire de l’éducation et de la formation une priorité. Le plan présente une série de priorités, dont l’amélioration de la qualité de l’éducation de base, le recrutement d’enseignants et le développement de programmes d’incitation pour encourager la scolarisation des filles et leur rétention dans le système scolaire.
Le gouvernement a également adopté la Stratégie nationale d’accélération de l’éducation et de la formation des filles et des femmes au Niger 2020-2030, qui vise à relever le défi de la scolarisation des filles dans les zones rurales où la proportion des filles scolarisées est faible. Pour y parvenir, il est prévu notamment de promouvoir la scolarisation et le maintien des filles à l’école, lutter contre les violences basées sur le genre en milieu scolaire, et absorber les enfants en dehors du système scolaire. Selon une «Analyse documentaire des politiques et programmes nationaux sectoriels contribuant à agir sur les causes profondes du travail des enfants» de 2023 réalisée par un consultant dans le cadre du projet de l’OIT/MAP16, il est attendu que le pourcentage de filles inscrites au primaire passe de 45,9 pour cent en 2018 à 50 pour cent en 2030, que le taux de survie des filles au primaire passe de 62,2 pour cent en 2018 à 74,2 pour cent en 2030 et que le taux d’abandon des filles en sixième passe de 28,7 pour cent en 2018 à 5 pour cent en 2030. Le gouvernement indique en outre que la Stratégie prévoit la construction d’internats en milieu rural et, à cet égard, que le Président de la République s’est engagé à construire 100 internats d’ici 2026.
Tout en prenant note des mesures prises par le gouvernement, la commission observe avec préoccupation que les taux d’inscription demeurent faibles et les taux d’abandon élevés. La commission note aussi que le Comité des droits de l’enfant, dans ses observations finales du 21 novembre 2018, a notamment exprimé sa préoccupation face aux disparités importantes entre garçons et filles en ce qui concerne les taux d’inscription au niveau primaire, malgré les progrès réalisés; le pourcentage élevé d’élèves non scolarisés; et les disparités en ce qui concerne l’accès à l’éducation entre les populations urbaines et rurales (CRC/C/NER/CO/3-5, paragr. 38). En outre, selon la note trimestrielle publique sur les tendances de la situation des droits de l’homme au Niger du 1er septembre au 31 décembre 2022, l’insécurité a mis à mal le droit à l’éducation et placé hors du circuit scolaire des milliers d’enfants au Niger (paragr. 12). Par exemple, à la date du 12 septembre 2022, selon les autorités départementales, 240 écoles accueillant au moins 21 637 élèves dans la région de Tillabéry avaient déjà été fermées dans le département de Téra. Considérant que l’éducation est essentielle pour prévenir l’engagement des enfants dans les pires formes de travail des enfants, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de redoubler d’efforts afin d’améliorer le fonctionnement du système éducatif, en tenant compte de la situation particulière des filles. À cet égard, elle prie également à nouveau le gouvernement de veiller à l’augmentation du taux d’inscription scolaire et à la diminution du taux d’abandon scolaire, ainsi que d’adopter des mesures additionnelles pour rescolariser les milliers d’enfants placés hors du circuit scolaire en raison de l’insécurité. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations mises à jour les mesures prises et les résultats obtenus.
Article 7, paragraphe 2, alinéa (d). Identifier les enfants particulièrement exposés à des risques. Enfants en situation de rue. Suivant ses commentaires précédents, la commission note l’indication du gouvernement selon laquelle la protection des enfants de la rue se fait par le biais du Document-Cadre de la Protection de l’Enfant et que ces enfants se retrouvent parmi les enfants qui ont reçu des services de protection. La commission observe cependant que les enfants des rues ne figurent pas clairement parmi les catégories d’enfants ayant reçu des services de protection, selon les statistiques fournies par le gouvernement pour 2021.
À cet égard, la commission constate que le Comité des droits de l’enfant compte tenu d’informations faisant état d’un grand nombre d’enfants en situation de rue, a notamment recommandé au Niger d’entreprendre une évaluation systématique de la situation des enfants en situation de rue et de prendre des mesures pour assurer leur protection, dont une politique globale pour s’attaquer aux causes profondes du phénomène et définir des mesures de prévention et de protection qui fixent des objectifs annuels pour réduire le nombre d’enfants en situation de rue (observations finales du 21 novembre 2018, CRC/C/NER/CO/3-5, paragr. 45). La commission rappelle à nouveau que les enfants en situation de rue sont particulièrement vulnérables aux pires formes de travail des enfants, et prie le gouvernement de prendre des mesures pour les en protéger et pour prévoir leur réadaptation et leur réinsertion de manière ciblée. Elle prie le gouvernement de fournir des informations concrètes sur les résultats obtenus à cet égard.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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