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Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Malaisie (Ratification: 1957)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Malaisie (Ratification: 2022)

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La commission salue la ratification par la Malaisie du protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930. Elle espère que le gouvernement fournira des informations détaillées sur son application, conformément au formulaire de rapport adopté par le Conseil d’administration.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Situation de vulnérabilité des travailleurs migrants à l’imposition de travail forcé. La commission a précédemment noté que, malgré les différentes mesures prises par le Département du travail pour protéger les travailleurs migrants, les violations des droits au travail et les conditions de travail abusives des travailleurs migrants relevant du travail forcé persistaient dans la pratique, dont la confiscation du passeport par l’employeur, les arriérés de salaire, les longues heures de travail et la prolongation forcée des contrats. La commission note l’adoption de la loi de 2022 portant modification de la loi sur l’emploi (loi A1651) et plus particulièrement les éléments suivants:
  • –la modification de l’article 60 K, qui dispose désormais que nul employeur ne peut employer de travailleur étranger sans l’accord préalable du Directeur général du Travail. Un employeur qui enfreint cette disposition commet une infraction et encourt une amende ou une peine d’emprisonnement de cinq ans maximum. Le Directeur général du Travail peut approuver la demande si l’employeur remplit des conditions précises, notamment le fait de ne pas avoir d’affaire ou de cas en instance lié à une condamnation pour infraction en vertu de la loi sur l’emploi ou en lien avec la traite des personnes et le travail forcé;
  • –le nouvel article 60 KA, qui dispose que, dans les 30 jours qui suivent le licenciement, l’employeur doit en informer le Directeur général du Travail; et
  • –le nouvel article 90 B, qui dispose que «tout employeur qui menace, trompe ou contraint un employé pour qu’il exécute une activité, un service ou un travail et qui l’empêche d’aller au-delà du lieu ou de l’endroit où cette activité, ce service ou ce travail est exécuté commet une infraction et sera condamné à une amende (…) ou à une peine de prison de deux ans maximum, ou les deux.»
La commission note avec intérêt ces développements législatifs ainsi que l’adoption du Plan d’action national contre le travail forcé (2021-2025), élaboré avec l’assistance technique du BIT. Le Plan d’action définit quatre objectifs stratégiques axés sur: 1) la sensibilisation; 2) le respect de la légalité et le contrôle de l’application; 3) la gestion de la migration de main-d’œuvre; et 4) l’accès aux voies de recours et de réparation, à l’appui et aux services de protection. La commission note que des mesures spécifiques sont prévues, dans le cadre du Plan d’action, pour améliorer la gouvernance de la migration de main-d’œuvre dans le but: 1) d’améliorer les systèmes et les pratiques de recrutement pour les travailleurs migrants; 2) de renforcer les capacités des agents chargés de l’application des lois en matière de gestion de la migration et de la prévention du travail forcé; et 3) d’informer les travailleurs migrants sur les voies migratoires légales, les droits et les avantages liés au travail, ainsi que sur les principaux textes législatifs relatifs au travail forcé et à la traite des personnes, dans leur propre langue.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que, le 1er janvier 2022, le moratoire sur le recrutement de travailleurs étrangers, imposé depuis mars 2021 du fait de la pandémie de COVID-19, a été levé. Toutefois, pour les employeurs, la reprise des candidatures et de l’admission de travailleurs étrangers en Malaisie n’a eu lieu que le 15 février 2022. Le gouvernement ajoute que le recrutement et l’emploi de travailleurs étrangers s’effectue toujours dans le cadre de mémorandums d’accord conclus entre gouvernements. À l’heure actuelle, la Malaisie coopère avec dix pays d’origine et des mémorandums d’accord ont été signés avec le Bangladesh, l’Indonésie et le Viet Nam. De nouveaux mémorandums d’accord sont actuellement négociés avec le Cambodge, l’Inde, Sri Lanka, le Népal et la Thaïlande. Le gouvernement indique également qu’en 2021 et 2022, des activités de formation ont été menées, avec l’assistance du BIT, pour renforcer les capacités des inspecteurs du travail en matière de travail forcé et un Guide de l’utilisateur en matière d’établissement de rapports et d’orientation en cas de travail forcé et de traite des êtres humains a été publié. En outre, en mai 2021, l’application «Working for Workers» a été lancée pour permettre aux travailleurs de déposer une plainte en ligne. Sur ce point, la commission note qu’en juin 2022, le ministère des Ressources humaines avait reçu 17 091 plaintes concernant différentes questions relatives au travail.
La commission note que, comme souligné dans le cadre du programme par pays de promotion du travail décent (PPTD) pour 2019-2025, les travailleurs migrants sont toujours vulnérables aux pratiques de travail forcé et sont principalement employés à des emplois peu qualifiés et à forte intensité de main-d’œuvre, notamment dans la construction, le travail domestique, l’agriculture et les activités de production. En outre, l’attitude de la population à l’égard des travailleurs migrants demeure négative et se traduit par des actes discriminatoires, notamment la limitation ou le refus d’entrée, l’exclusion en matière d’accès aux services, le soutien à des lois qui consacrent l’exclusion sociale des travailleurs migrants et le refus de l’égalité de rémunération avec les nationaux (OIT et ONU-Femmes, Note de recherche, Public attitudes towards migrant workers in Malaysia, décembre 2020). Plus particulièrement, les niveaux d’exploitation et d’abus sont disproportionnellement élevés dans les plantations et le travail domestique, essentiellement en raison de l’isolement géographique des lieux de travail, des restrictions de mouvement et de l’inadéquation des mécanismes établis pour garantir que les employeurs sont tenus de rendre des comptes (Enhancing standard employment contracts for migrant workers in the plantation and domestic work sectors in Malaysia, 2020). La commission note que, dans son rapport de 2020, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté a indiqué que, selon les estimations, le nombre de travailleurs migrants – en situation régulière ou irrégulière – était compris entre 3 et 6 millions en Malaisie. Les travailleurs migrants seraient confrontés aux difficultés suivantes: confiscation du passeport, bas salaires contraires aux lois sur le salaire minimum, imposition de sanctions sous forme d’amendes, frais de recrutement élevés, dettes à l’égard des agences de recrutement et des employeurs et retenues sur salaire. Les rapports faisant état des abus dont sont victimes les travailleurs migrants sont nombreux et concordants. Les mesures prévues pour protéger les droits des travailleurs sont largement inappliquées et la situation ne s’est pas améliorée ces dernières années (A/HRC/44/40/Add.1, 6 avril 2020, paragr. 58 - 60).
Tout en saluant les mesures prises par le gouvernement, la commission note avec préoccupation que les conditions de travail abusives relevant du travail forcé persistent, notamment la confiscation du passeport, les frais de recrutement élevés, le non-paiement des salaires, la privation de liberté et les abus physiques et sexuels. En outre, elle observe à ce sujet que le gouvernement n’a pas fourni d’informations sur le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées concernant les cas d’exploitation de travailleurs migrants au travail. La commission prie donc instamment le gouvernement de continuer à renforcer ses efforts pour s’assurer que les travailleurs migrants sont pleinement protégés contre les pratiques abusives et les conditions relevant de l’imposition de travail forcé. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur la mise en œuvre du Plan d’action national contre le travail forcé (2021-2025) et, en particulier, sur les mesures prises pour:
  • i)informer les travailleurs migrants sur les voies migratoires légales et les droits au travail et sensibiliser la population à la situation des travailleurs migrants afin de combattre les attitudes négatives à leur égard;
  • ii)renforcer les capacités des inspecteurs du travail afin d’assurer l’application efficace de l’article 60K de la loi sur l’emploi et de leur donner les moyens de détecter et d’identifier les cas de travail forcé et de recueillir des éléments de preuve;
  • iii)renforcer les capacités des autorités chargées de l’application de la loi et leur coopération, en indiquant le nombre de cas de travail forcé de travailleurs migrants identifiés, d’investigations menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées;
  • iv)améliorer la gestion de la migration de main-d’œuvre, en fournissant des informations sur les accords bilatéraux conclus avec les pays d’origine et sur toute mesure prise pour renforcer la coopération internationale sur ce point; et
  • v) assurer qu’une protection et une assistance adéquates sont fournies aux travailleurs migrants victimes de pratiques de travail forcé, en indiquant le nombre de victimes qui ont été identifiées et qui ont reçu des services d’assistance.
2. Traite des personnes. La commission a pris note des mesures prises pour renforcer le cadre législatif et institutionnel dans le but de combattre la traite des personnes et a prié le gouvernement de poursuivre son action en ce sens. La commission salue l’adoption des textes suivants:
  • i)la loi de 2022 portant modification de la loi contre la traite des personnes et le trafic des migrants (loi A1644) qui a: i) élargi la définition de la traite des personnes; ii) supprimé la «coercition» en tant qu’unique élément déterminant pour caractériser les cas de traite; et iii) aggravé les peines encourues pour certaines infractions, y compris quand des agents de l’État sont jugés coupables de complicité avec les auteurs; et
  • ii)le troisième Plan d’action national contre la traite des personnes (2021-2025) qui comprend quatre piliers: la prévention, la poursuite et le contrôle de l’application, la protection et les partenariats.
La commission note que le gouvernement indique que plusieurs activités de formation ont été dispensées aux policiers, aux procureurs et aux agents de protection afin de renforcer leurs capacités en matière d’enquête et de poursuite dans les cas de traite des personnes et de fournir protection et assistance aux victimes. Le gouvernement ajoute que des unités spécialisées sur la traite des personnes ont été établies au sein de la police malaisienne royale et du Département de l’immigration. La commission note que le Conseil chargé de la lutte contre la traite des personnes le trafic de migrants (MAPO) a établi, en 2020 et 2021, des procédures opérationnelles normalisées pour les organismes chargés du contrôle de l’application et des Lignes directrices nationales sur les indicateurs de la traite des êtres humains. Ces lignes directrices servent de guide normatif, en particulier pour les policiers, lorsqu’ils doivent identifier des victimes de traite. Le gouvernement ajoute que le ministère de la Femme, de la Famille et du Développement de la communauté a publié, en novembre 2021, un manuel de formation sur la traite des personnes fondé sur une approche centrée sur la victime et tenant compte des traumatismes, afin de mieux aider les victimes de traite.
D’après les informations fournies par le gouvernement, en 2021, 43 victimes de traite ont été rapatriées et 47 ont obtenu la permission de se déplacer librement et de travailler. En 2021, 11 cas de traite des personnes faisaient l’objet d’investigations (contre 32 en 2020) et aucun cas ne faisait l’objet de poursuites judiciaires (contre 7 en 2020). La commission prend note de la baisse importante du nombre d’enquêtes et de poursuites dans les cas de traite et observe que le gouvernement n’a pas fourni d’informations sur le nombre de personnes condamnées pour traite. Compte tenu de ce qui précède, la commission encourage vivement le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour mettre efficacement en œuvre les quatre piliers du Plan d’action national contre la traite des personnes (2021-2025) et à fournir des informations sur les mesures spécifiques prises à ce sujet, ainsi que sur l’évaluation des résultats obtenus et des difficultés rencontrées. Elle prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application de la loi contre la traite des personnes, dans la pratique, ainsi que sur le nombre de victimes de traite qui ont été identifiées et qui ont bénéficié d’une protection adéquate. Rappelant que l’article 25 de la convention dispose que le fait d’exiger du travail forcé doit être passible de sanctions réellement efficaces et strictement appliquées, la commission prie le gouvernement de fournir des informations précises sur les enquêtes menées et les poursuites engagées, ainsi que sur le nombre de personnes condamnées en vertu de la loi contre la traite des personnes et les sanctions imposées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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