Allégations: Pressions exercées sur les membres d’un syndicat pour les obliger à
se désaffilier; refus d’accorder à six affiliés les prestations financières prévues en
compensation de la perte de postes de travail entraînée par la concession administrative à
une nouvelle entreprise du terminal El Espigón du port de San Antonio; exclusion de
l’organisation plaignante des négociations engagées pour répondre aux revendications des
travailleurs, les fédérations de travailleurs portuaires ayant été les seules à participer
au processus
- 143. La plainte figure dans une communication du Syndicat des employés
maritimes et portuaires spécialisés (SEMPE) d’octobre 2012.
- 144. Le gouvernement a fait part de ses observations dans une
communication en date du 23 janvier 2014.
- 145. Le Chili a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation
et de négociation collective, 1949, la convention (nº 135) concernant les représentants
des travailleurs, 1971, et la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la
fonction publique, 1978.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 146. Dans une communication d’octobre 2012, le Syndicat des employés
maritimes et portuaires spécialisés (SEMPE), qui regroupe les travailleurs du terminal
El Espigón dans le port de San Antonio, explique de manière très détaillée les
différentes étapes de la modernisation du secteur portuaire depuis la promulgation de la
loi no 19542 de 1997, un processus qui, selon les allégations, a engendré la perte de
milliers de postes de travail, la prise de décisions qui ont gravement nui au terminal
El Espigón, objet d’une discrimination par rapport aux autres terminaux, et l’adoption
de pratiques ou des omissions de la part des autorités en faveur des autres syndicats.
Les pratiques de la fédération à laquelle le SEMPE a appartenu (et dont il s’est séparé)
et celles des autres fédérations syndicales ont porté préjudice au syndicat qui a fini
par se scinder pour donner naissance à un autre syndicat sur fond de conflits d’intérêts
et de luttes entre organisations syndicales.
- 147. Plus concrètement, la plainte a trait aux conditions dans lesquelles
la seconde procédure d’adjudication devait se dérouler, à l’accueil que l’entreprise
publique portuaire réserverait aux propositions des travailleurs et à la manière dont
les futures conditions de travail portuaire seraient fixées, une procédure qui, selon
une ordonnance de 2008 du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, devrait se
dérouler «en concertation avec les travailleurs». C’est pour cette raison que, en juin
2009, l’organisation plaignante a demandé à la direction de la société Empresa Portuaria
San Antonio (EPSA) de l’inclure dans la phase initiale des négociations et que le
représentant de l’entreprise lui a fait savoir qu’il participerait au processus des
négociations de la même façon que les autres syndicats représentés par leurs fédérations
respectives. Après la rupture des négociations, une grève de quarante jours a été
déclarée. Le 10 janvier 2011, les fédérations ont signé un accord avec les fédérations
syndicales opérant sur le terminal portuaire El Espigón qui prévoyait l’octroi d’une
compensation ou d’une indemnisation aux travailleurs portuaires concernés par la
concession imminente du terminal par adjudication, en fonction de critères se rapportant
à l’âge, au nombre d’années comptabilisé dans une activité portuaire, à l’inscription
sur les listes approuvées par l’Autorité maritime durant la période 2007-2010 et au lieu
de l’activité exercée, étant entendu qu’une distinction était faite entre les
travailleurs qui opéraient sur le terminal international (STI) et ceux qui opéraient sur
le terminal El Espigón. En outre, deux syndicats étaient protégés, parmi lesquels le
Syndicat des auxiliaires d’inspection (aforistas) de San Antonio (travailleurs engagés
par les services des douanes pour accomplir des travaux de manutention de cargaisons
dans les conteneurs, c’est-à-dire des fonctions d’appui à l’activité douanière
proprement dite) dont les membres n’étaient pas des travailleurs portuaires selon
l’ordonnance no 4413/172 de la Direction du travail. En revanche, cela a bénéficié au
SEMPSAI, syndicat né de la scission du SEMPE.
- 148. Le SEMPE ajoutait que, plus de seize mois s’étant écoulés depuis le
dépôt de la demande auprès du responsable d’exploitation de l’EPSA en juin 2009, et en
raison des nombreuses tentatives qu’il avait faites pour obtenir que ses dirigeants
puissent participer aux négociations, à la fin de décembre 2010, il avait convoqué une
assemblée extraordinaire afin d’informer ses membres de la situation que connaissait le
syndicat et de l’attitude méprisante de l’EPSA face à ses demandes. Pour finir, le SEMPE
avait décidé que chacun de ses membres gérerait de manière individuelle sa participation
éventuelle au programme prévoyant les prestations financières qui allaient être versées
dans le cadre de l’adjudication du terminal public. Toutefois, en janvier 2011, le
responsable d’exploitation de l’EPSA avait informé le SEMPE, au nom des propres
fonctionnaires de l’EPSA, que seuls les travailleurs qui faisaient partie de l’alliance
de fédérations FTP (Front des travailleurs portuaires) pourraient demander à bénéficier
des prestations obtenues par les fédérations. En conséquence, les membres du SEMPE
avaient été maintenus à l’écart du programme de compensation ou d’indemnisation parce
qu’ils n’appartenaient pas à cette alliance.
- 149. Par ailleurs, poursuivait le SEMPE, le responsable d’exploitation de
l’EPSA lui-même avait encouragé plusieurs membres du SEMPE à renoncer à leur affiliation
au syndicat en contrepartie de l’acceptation de leur dossier de demande. Ces membres
avaient fini par se désaffilier parce qu’ils avaient besoin de ces prestations. En
outre, on assistait à l’éloignement en silence d’une autre partie des affiliés du
syndicat (l’un des ex-membres du SEMPE, par exemple, avait remis sa déclaration
volontaire et sa lettre de désaffiliation au SEMPE, par l’intermédiaire de l’EPSA). Les
membres du syndicat qui avaient renoncé à leur affiliation syndicale dans l’espoir de
percevoir des prestations n’avaient pourtant pas été pris en considération par
l’EPSA.
- 150. Le 11 mars 2011, le secrétaire du SEMPE, Eduardo Rojas Muñoz, était
parvenu à s’entretenir avec le responsable d’exploitation de l’EPSA et à lui exposer la
situation de l’organisation syndicale; à la fin de cette réunion, les offres du
responsable n’avaient rien de concret; elles ne garantissaient pas de pouvoir percevoir
l’indemnisation ou la compensation contrairement aux assurances qui avaient été données
à d’autres organisations syndicales, preuve du favoritisme exercé à l’égard des autres
syndicats mentionnés précédemment. Comme le représentant de l’entreprise n’avait fourni
aucune garantie, le 14 mars 2011, un courrier électronique lui était parvenu dans lequel
on insistait sur le fait que le syndicat et l’EPSA devaient signer un protocole d’accord
qui assurerait au SEMPE l’accès aux prestations prévues.
- 151. En juin 2011, l’entreprise a informé le SEMPE que la direction de
l’EPSA avait décidé d’étendre le protocole d’accord à tous les travailleurs portuaires,
syndiqués ou non, à égalité de conditions avec les travailleurs appartenant aux
fédérations signataires. De ce fait, le directeur général de l’EPSA et le responsable
d’exploitation s’étaient engagés verbalement à les considérer comme des exceptions dans
le cadre du programme.
- 152. Le SEMPE ajoutait que les dossiers de demande avaient été présentés
à l’entreprise publique, dans les délais prescrits, conformément aux accords passés
verbalement par l’EPSA en vertu desquels les membres du syndicat pouvaient bénéficier de
l’extension de l’accord, en particulier le point 7, qui disposait que les travailleurs
auxquels l’accord était appliqué à titre exceptionnel acquéraient la qualité de
travailleur sélectionné et seraient admis au bénéfice de la prestation mentionnée au
point 6, les conditions énoncées aux alinéas e) et f) du point 5 devant être remplies
auprès de l’EPSA.
- 153. L’organisation plaignante souligne que, comme c’étaient les
conditions générales de l’accord qui avaient été appliquées aux membres du syndicat,
seuls trois affiliés avaient pu bénéficier des prestations parce qu’ils avaient conservé
leur travail dans d’autres entreprises de manutention et qu’ils avaient pu, de ce fait,
satisfaire à toutes les exigences générales établies dans les protocoles d’accord alors
qu’il aurait fallu prendre en considération la situation particulière de la plupart des
membres du SEMPE qui auraient mérité d’être considérés comme des exceptions, au même
titre que les membres du SEMPSAI ou que les auxiliaires d’inspection (aforistas).
- 154. Cette décision arbitraire, qui mettait les membres du SEMPE à
l’écart du programme, a été contestée le 7 octobre 2011 par un courrier adressé au
président de la direction de l’entreprise publique, Patricio Arrau Pons; or la direction
n’a jamais répondu à ce courrier.
- 155. Enfin, en novembre 2011, l’EPSA a procédé au versement des
prestations de compensation respectives, écartant en définitive les membres du SEMPE au
motif que, selon elle, ils ne remplissaient pas des conditions appliquées de façon
arbitraire.
- 156. Devant cette discrimination arbitraire flagrante, le SEMPE s’est
adressé à diverses autorités tant parlementaires que ministérielles.
- 157. Le ministère des Transports et des Télécommunications a répondu le
21 décembre 2011 en indiquant que, conformément à ce qui était établi à l’article 31 de
la loi no 19542, c’étaient les propres directeurs des entreprises portuaires qui étaient
appelés à conduire les procédures de concession des zones d’accostage et, donc, à
décider de l’application de mesures d’accompagnement. La loi leur accordait une
autonomie complète en la matière. Par définition, le «ministère des Transports et des
Télécommunications n’avait pas à intervenir».
- 158. Par la suite, le ministère des Transports et des Télécommunications
a réaffirmé que l’EPSA était autonome dans le cadre des procédures d’adjudication (la
question débattue étant le programme de compensation) se déchargeant ainsi de sa
responsabilité en matière d’inspection et de contrôle des actes de l’entreprise qui
dépendait pourtant de lui.
- 159. Face à cette situation, le dirigeant syndical Eduardo Rojas Muñoz a
entamé une grève de la faim le 3 janvier 2012 pour protester contre les pratiques
antisyndicales et les atteintes portées aux droits des travailleurs par l’EPSA et par
l’Etat du Chili et pour percevoir la prime de compensation ou d’indemnisation
correspondant aux années de travail accomplies sur le terminal public du port de San
Antonio. Il a poursuivi cette grève de la faim pendant soixante-quatorze jours, ce qui
lui a occasionné de graves troubles de la santé et a mis ses jours en péril. Pendant la
grève, les pouvoirs publics ont entrepris plusieurs démarches pour tenter de trouver une
solution au conflit; toutefois, leur argument principal a toujours été que l’EPSA était
une entreprise autonome.
- 160. Le ministère du Travail a fait savoir que, d’après la loi, c’était
le bureau du Contrôleur général de la République qui était chargé d’interpréter le Code
du travail, de veiller à son application correcte et d’exercer son contrôle sur les
entreprises publiques et étatiques et que, par conséquent, il était l’institution
compétente pour se prononcer sur les irrégularités à l’origine du conflit.
- 161. Le bureau du Contrôleur général de la République a rendu sa décision
no 16812 le 23 mars 2012, dans laquelle il ne se prononçait que sur les termes du
protocole d’accord et sur les dossiers remis par l’EPSA, en ne faisant aucune mention du
refus de l’entreprise d’Etat de négocier avec le syndicat, de l’application arbitraire
des conditions de l’accord aux membres du SEMPE et des pratiques antisyndicales de
l’EPSA. Autrement dit, le bureau du contrôleur n’a tenu compte que des arguments de
l’EPSA en omettant complètement de se prononcer sur les arguments présentés par
l’organisation syndicale.
- 162. Sur la base de ce qui précède, le SEMPE demande qu’il soit remédié
aux violations des droits syndicaux et du travail et à la discrimination dont ont été
victimes ses membres et qu’il soit versé, à bref délai, à ses affiliés les primes de
compensation ou d’indemnisation.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 163. Dans sa communication du 23 janvier 2014, le gouvernement se réfère
à la plainte du SEMPE et indique qu’il a sollicité l’opinion de la société Empresa
Portuaria San Antonio (EPSA) et que, d’après la réponse de cette dernière, on peut
formuler les observations suivantes: le SEMPE mentionne la loi no 19542 de 1997 portant
modernisation du secteur portuaire public. Il explique comment les actes de l’EPSA
auraient fait perdre sa compétitivité à la zone d’accostage sur laquelle ses affiliés
travaillaient (El Espigón) face à celle de Molo Sur (terminal STI). En outre, il fait
référence aux faits qui, selon lui, ont motivé la séparation du syndicat de la
Fédération des travailleurs maritimes et portuaires occasionnels sous contrat et
assimilés (FETRAMPEC), une fédération bénéficiant des mesures de compensation appliquées
par l’EPSA. Ensuite, il décrit en détail le programme de compensation mis en place par
l’EPSA et il mentionne les procédures judiciaires et administratives que le syndicat a
engagées, voyant que ses membres ne bénéficiaient pas de ces mesures de compensation et
en raison de conflits persistants avec les autres syndicats.
Observations de la société Empresa Portuaria San Antonio (EPSA) au sujet des allégations du SEMPE
- 164. L’entreprise signale que, dans l’exercice des pouvoirs que lui
confère la loi, la direction de l’EPSA a engagé une procédure d’adjudication publique en
vue de la concession de la zone d’accostage Costanera Espigón du port de San Antonio,
laquelle a été adjugée à la société Puerto Lirquén S.A. et confiée à la société
concessionnaire constituée à cet effet, dénommée Puerto Central S.A., le 7 novembre
2011.
- 165. L’entreprise fait savoir que la concession de la zone d’accostage
mentionnée entre dans le cadre du système d’exploitation portuaire «à opérateur unique»
qui a remplacé le système «à opérateurs multiples». Cette situation a entraîné une
réorganisation de l’offre de travail portuaire puisque les entreprises de manutention
agréées ont cessé leurs activités sur le site d’El Espigón.
- 166. L’EPSA précise que, même si ce n’est pas avec cette entreprise que
les travailleurs portuaires ont un lien de subordination ou de dépendance, mais avec
celles qui accomplissent des tâches de manutention et de transfert de cargaisons, la
direction de l’EPSA a jugé qu’il fallait mettre en place un programme de compensation
pour faire en sorte que la procédure d’adjudication puisse être menée à bien sans être
entravée par des obstacles de nature sociale ou relatifs au travail.
- 167. A cet égard, et après les consultations appropriées, le bureau du
Contrôleur général de la République, par la décision no 34218 du 24 juin 2010, a décidé
que l’EPSA était habilitée à prévoir dans les clauses de l’adjudication un montant
destiné à financer le programme de compensation pour les travailleurs portuaires qui, en
raison du passage d’un système à opérateurs multiples à un système à opérateur unique,
verraient leur emploi menacé.
- 168. Compte tenu de ce qui précède, sous la rubrique «provision de
fonds», la section 3.11.2 des clauses de l’adjudication établit l’obligation pour le
concessionnaire de fournir des fonds, s’élevant à un montant maximal de
18 500 000 dollars E.-U., qui sont destinés à financer ces programmes de
compensation.
- 169. Eu égard aux éléments précédemment évoqués et après des négociations
ardues pendant lesquelles un arrêt prolongé des activités a eu lieu, les 10 et
22 janvier 2011, l’EPSA a signé deux protocoles d’accord avec les six fédérations de
travailleurs du secteur dans le cadre desquels un programme de compensation était
établi, à la charge de l’adjudicataire, en faveur des travailleurs portuaires qui
remplissaient des critères se rapportant à l’âge, au nombre d’années de travail
portuaire et au lieu de la prestation de services.
- 170. En outre, la direction de l’entreprise a jugé pertinent d’étendre
les prestations prévues dans les protocoles aux travailleurs non syndiqués qui
réunissaient de manière cumulative les conditions d’âge et de prestation de services
assimilables à celles des travailleurs visés par les instruments signés.
- 171. Pour bénéficier du programme de compensation, les travailleurs
portuaires (syndiqués ou non) devaient réunir les conditions suivantes de manière
cumulative:
- a) avoir été travailleur portuaire pendant les années 2007, 2008,
2009 et jusqu’en septembre 2010, comme l’atteste la carte rouge délivrée pour
chacune des années en question;
- b) figurer sur les listes de personnes
«nommées» par la capitainerie du port de San Antonio pour les années 2007, 2008,
2009 et jusqu’en septembre 2010 ou, à défaut, pouvoir justifier d’un engagement dans
l’enceinte portuaire, attesté par un contrat de travail valable et par les
cotisations provisionnelles correspondant à ces périodes;
- c) avoir accompli
au moins 36 vacations au cours de chacune des années 2007, 2008, 2009, et au moins
27 jusqu’en septembre 2010, dans des entreprises de manutention constituées en
sociétés pendant ces périodes dans le port de San Antonio;
- d) détenir une
carte de travailleur portuaire, délivrée par l’autorité maritime du Chili
(DIRECTEMAR), en cours de validité au 31 décembre 2010 et au moment de la demande et
de la perception de la prestation;
- e) ne pas avoir déjà reçu des prestations
de l’Etat, comme ex-travailleur de l’ancienne entreprise portuaire du Chili, ou
bénéficié du produit de concessions antérieures de terminaux portuaires ou des
avantages découlant de la restructuration ou de la modernisation du secteur
portuaire public.
- 172. Aux fins de l’acceptation des dossiers, les mécanismes ci-après ont
été établis:
- a) ancienneté dans le système: attestations de l’Institut de
prévoyance sociale (IPS) ou de l’Administration des fonds de pensions
(AFP);
- b) nombre minimal de vacations: «nominations» de la capitainerie du
port;
- c) document d’accréditation du travailleur portuaire: détention de la
carte rouge, en cours de validité en 2010, attestée pour chacune des années 2007,
2008, 2009 et 2010;
- d) entreprise de manutention employeuse: certifiée par
l’autorité maritime.
- 173. Tant les protocoles respectifs que les noms des bénéficiaires du
programme de compensation ont été publiés sur le portail Web de l’EPSA, sous une forme
claire et dans la transparence; les travailleurs dont le nom figurait sur les listes
correspondantes étant invités à se rendre dans les locaux de l’entreprise pour dissiper
les doutes qui pouvaient subsister.
- 174. Dans le cadre de la procédure mentionnée, un total de 1 207 dossiers
de demande a été déposé par des travailleurs souhaitant bénéficier du programme de
compensation. Ces données ont été soumises à un processus étendu de validation et
d’audit qui a abouti à l’établissement d’une liste définitive de 1 020 travailleurs dont
le dossier a été retenu, ce qui donne seulement 187 demandes rejetées, soit 15,4 pour
cent du total.
- 175. Enfin, par la lettre no 255 de l’EPSA du 25 octobre 2011, il a été
communiqué au concessionnaire Puerto Central S.A. les instructions appropriées en vue du
versement des primes de compensation dues aux travailleurs sélectionnés, pour un montant
total de 7 744 500 000 pesos; ce versement a été effectué sans le moindre
contretemps.
- 176. En ce qui concerne le SEMPE, compte tenu du fait qu’il ne faisait
partie d’aucune des six fédérations signataires, ses dirigeants se sont réunis avec des
responsables de l’EPSA quelques mois après la signature des protocoles d’accord pour
demander l’ouverture de négociations parallèles à celles qui étaient déjà en cours, dans
des conditions différentes de celles qui avaient déjà été accordées. Considérant cette
demande comme trop tardive et inutile, l’EPSA a informé le syndicat que cela n’était pas
possible mais que la direction avait décidé d’étendre les prestations prévues dans les
accords aux autres travailleurs portuaires qui remplissaient les critères mentionnés
précédemment. Ainsi, le syndicat a été invité à présenter les dossiers de ses membres.
En réponse à cette invitation, le président du SEMPE a fait parvenir à l’EPSA, dans un
courrier du 17 août 2011, la liste des travailleurs affiliés à son organisation
syndicale, soit neuf personnes dont l’analyse des dossiers a donné le résultat indiqué
dans le tableau suivant:
Vacations |
Nom | | Résultat de la demande | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 |
Funzalida Hernández, Luis Andrés | | N’a pas effectué les vacations requises | 151 | 15 | 44 | 0 |
González Gaete, Juan Carlos | | Admis à bénéficier des prestations. A reçu 6 000
000 pesos | 405 | 301 | 234 | 262 |
González Gaete,
Roberto Carlos | | N’a pas effectué les
vacations requises. N’est pas un travailleur portuaire | 0 | 0 | 0 | 0 |
Lois Barrera, Manuel Eduardo | | N’a pas effectué les vacations requises | 295 | 101 | 22 | 87 |
Lucero Pinats, Nelson
Patricio | | N’a pas effectué les vacations
requises | 99 | 13 | 0 | 0 |
Quinteros Escorza, Juan
Carlos | | Admis à bénéficier des
prestations. A reçu 5 000 000 pesos | 325 | 300 | 87 | 91 |
Rojas Muñoz, Alejandro Mario | | N’a pas effectué les vacations requises | 81 | 18 | 1 | 25 |
Rojas Muñoz, Eduardo Antonio | | N’a pas effectué les vacations requises | 124 | 23 | 0 | 16 |
Saenz-Diez Soto, Juan José | | Admis à bénéficier des prestations. A reçu 5 000 000 pesos | 209 | 178 | 122 | 49 |
>
- 177. Comme on peut l’observer, parmi les neuf travailleurs concernés,
trois personnes remplissaient les critères établis et ont reçu des primes de
compensation. Les autres travailleurs n’avaient pas effectué le nombre minimal de
vacations requis, c’est pourquoi leurs demandes ont été rejetées comme ils en ont été
informés par courrier à leur domicile. Malgré les raisons objectives pour lesquelles
trois demandes ont été acceptées et six rejetées, M. Alejandro Rojas Muñoz, président du
SEMPE, a entamé une grève de la faim qui a duré plus de deux mois. Son état de santé
n’en a toutefois pas souffert comme l’a établi de manière opportune le directeur de
l’hôpital de San Antonio.
- 178. Par ailleurs, il a présenté une réclamation concernant le dossier
porté devant le bureau du Contrôleur général de la République, lequel a rejeté cette
réclamation par la décision no 016812 du 23 mars 2012 en indiquant ce qui suit:
- … il n’est observé aucun défaut sur le plan de la légalité en ce
qui concerne les critères objectifs d’application générale que la susmentionnée
Empresa Portuaria San Antonio a établis afin de définir la forme, l’opportunité et
les bénéficiaires des ressources offertes par le concessionnaire, conformément aux
clauses de l’adjudication, pour financer les versements en question et, par
conséquent, n’accorder les prestations qu’à ceux qui remplissent ces
critères.
- 179. Le SEMPE a allégué dans sa plainte au Comité de la liberté syndicale
que l’EPSA avait refusé de recevoir les dirigeants du syndicat, qu’elle s’était employée
à affaiblir l’organisation syndicale en exigeant des travailleurs qu’ils se désaffilient
en contrepartie du versement des prestations et qu’elle avait refusé de négocier les
conditions d’octroi des prestations de compensation.
- 180. A cet égard, l’EPSA indique que tant le SEMPE que les travailleurs
qui le composent n’ont aucun lien contractuel avec l’EPSA. De même, il est utile de
répéter que l’EPSA a engagé des négociations de manière volontaire sans être aucunement
tenue de le faire. Cela étant, les dirigeants syndicaux du SEMPE ont été reçus à de
nombreuses reprises par les représentants de l’entreprise et il a été répondu à leurs
doléances. En aucun cas, il n’a été exigé des travailleurs qu’ils se désaffilient du
syndicat pour pouvoir bénéficier des prestations issues du programme de compensation
convenu, contrairement à ce qui est affirmé. A l’inverse, pour prouver qu’elle respecte
la liberté syndicale, la direction de l’EPSA a étendu les prestations prévues dans les
protocoles d’accord signés avec les six fédérations de travailleurs portuaires de San
Antonio à tous ceux qui remplissaient les critères établis, qu’ils soient syndiqués ou
non. Par conséquent, si, pour recevoir les prestations, il n’était pas nécessaire d’être
syndiqué ni d’appartenir à une organisation en particulier, cela n’a aucun sens
d’affirmer, comme le fait le SEMPE, que la désaffiliation était exigée des travailleurs
demandant à bénéficier des prestations. L’entreprise considère qu’on ne peut accorder à
cette assertion assez grave aucune véracité ni aucune créance.
- 181. Par ailleurs, il n’est pas possible de comprendre la raison pour
laquelle le SEMPE estime qu’il aurait dû être traité de manière différente par rapport
aux autres organisations syndicales du premier degré du secteur et qu’un processus de
négociation aurait dû être engagé exclusivement à son égard. Les négociations ont porté
sur l’ensemble des fédérations de travailleurs du secteur, englobant ainsi l’immense
majorité des organisations syndicales, car il n’était pas réaliste ni possible de
négocier avec chacun des syndicats du premier degré du secteur, contrairement à ce
qu’aurait souhaité le SEMPE.
- 182. Quant aux accusations de pratiques antisyndicales et à la demande de
versement des primes de compensation, l’entreprise indique en premier lieu qu’il
n’existe aucune pratique antisyndicale possible, compte tenu du fait que l’EPSA
n’entretient aucun lien contractuel quel qu’il soit avec cette organisation syndicale et
qu’elle n’a pas agi de manière arbitraire envers les membres du SEMPE mais qu’elle a
appliqué les accords de manière objective aux dossiers présentés par les neuf membres du
syndicat.
- 183. L’entreprise souligne qu’il s’agit d’une procédure qui s’est achevée
sur le plan administratif par la communication que l’EPSA a adressée au concessionnaire
Puerto Central S.A. dans laquelle elle donnait les instructions appropriées en vue du
versement des primes de compensation correspondantes. Le paiement a été effectué sans le
moindre contretemps. C’est pourquoi il n’est pas possible d’engager une nouvelle
procédure de paiement étant donné que l’EPSA ne dispose ni des ressources ni des
pouvoirs contractuels pour en faire la demande audit concessionnaire.
Observations du gouvernement du Chili
- 184. Le gouvernement estime que les arguments avancés par l’EPSA sont
suffisamment éloquents et ne nécessitent guère plus que quelques précisions invalidant
encore davantage la position du SEMPE.
- 185. C’est ce même syndicat qui déclare avoir eu recours à la justice
ordinaire (tribunaux du travail, cour d’appel, Cour suprême) ainsi qu’au bureau du
Contrôleur général de la République sans obtenir d’eux une décision en sa faveur, ce qui
l’a incité à déposer la présente plainte.
- 186. Au vu de ce qui précède, on peut difficilement affirmer que l’Etat
du Chili est de ceux qui ne respectent pas les conventions de l’OIT au motif que seules
six personnes sur neuf au total n’ont pas reçu de compensations volontaires de la part
de l’une de ses entreprises publiques.
- 187. En conclusion, eu égard à toutes les précisions qui viennent d’être
exposées et compte tenu des éléments communiqués par l’EPSA, le gouvernement rejette et
tient pour infondées les réclamations du SEMPE concernant des violations de la liberté
syndicale.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 188. Le comité observe que, dans la présente plainte qui se rapporte à
des faits remontant à 2011, l’organisation plaignante allègue que la société Empresa
Portuaria San Antonio (EPSA) l’a écarté du processus de négociation collective engagé en
vue de l’indemnisation de travailleurs portuaires, décidée après l’adjudication du
terminal El Espigón du port de San Antonio, et que seuls trois de ses affiliés ont pu
bénéficier des prestations prévues, en particulier des primes d’indemnisation.
L’organisation plaignante allègue également le recours à des pratiques antisyndicales
consistant en des pressions exercées sur les affiliés afin qu’ils renoncent à leur
affiliation au syndicat en contrepartie de l’acceptation de leur dossier et des données
requises pour obtenir l’indemnisation en question.
- 189. Par ailleurs, le comité note que selon l’organisation plaignante les
autorités auraient omis de remplir leurs fonctions de contrôle et que l’entreprise
aurait désavoué les engagements pris verbalement par ses responsables, selon lesquels il
serait appliqué aux membres du syndicat le point 7 de l’accord collectif signé avec les
six fédérations concernant les travailleurs auxquels était appliqué à titre exceptionnel
l’accord collectif mentionné; or il a été accordé une indemnisation à d’autres
travailleurs qui ne remplissaient pas les critères minimaux pour en bénéficier et qui
étaient affiliés à deux syndicats différents. Le comité observe que, selon ce qui
ressort de la plainte et des informations fournies par le gouvernement, l’organisation
plaignante n’a pas obtenu gain de cause dans les décisions administratives ou
judiciaires rendues suite aux recours qu’il a déposés.
- 190. En ce qui concerne les pratiques antisyndicales alléguées et
l’exclusion alléguée de l’organisation plaignante du processus de négociation collective
relatif à la formation et à l’indemnisation suite à la concession par adjudication de la
zone portuaire El Espigón (port de San Antonio) à une seule entreprise, négociation au
cours de laquelle ont été fixés les critères permettant de déterminer les prestations au
titre de l’indemnisation prévue par la loi après la cessation des activités des
différentes entreprises qui opéraient dans la zone, le comité note les informations de
l’EPSA fournies par le gouvernement selon lesquelles: 1) les critères d’indemnisation
ont été fixés dans le cadre d’un accord conclu avec six fédérations du secteur, et
certaines conditions doivent être respectées (par exemple ne pas avoir déjà reçu une
indemnisation dans le cadre de restructurations); 2) après des discussions avec
l’organisation plaignante, les prestations d’indemnisation ont été étendues à l’ensemble
des travailleurs qui remplissaient les exigences convenues, qu’ils soient syndiqués ou
non, une situation qui exclut toute discrimination du syndicat ou pression exercée sur
les travailleurs pour qu’ils se désaffilient de l’organisation syndicale, et
l’entreprise n’a exigé en aucun cas des travailleurs qu’ils renoncent à leur affiliation
syndicale; 3) l’entreprise a reçu à de nombreuses reprises les dirigeants de
l’organisation plaignante, et il a été répondu à leurs doléances par l’engagement de
négociations avec toutes les fédérations du secteur, une négociation avec chacun des
syndicats n’étant ni réaliste ni possible; 4) des indemnités ont été versées à trois
membres de l’organisation plaignante qui remplissaient les conditions fixées avec les
fédérations et non aux autres six affiliés qui ne remplissaient pas les critères pour en
bénéficier.
- 191. Selon le comité, il ne peut être reproché aux autorités et à
l’entreprise d’avoir négocié les mesures de compensation ou d’indemnisation avec les
fédérations de travailleurs portuaires, à l’exclusion de l’organisation plaignante,
étant donné que les problèmes soulevés concernaient l’ensemble du secteur portuaire; le
fait que le syndicat n’ait pas été autorisé à participer aux négociations n’est donc pas
injustifié. Le comité souligne par ailleurs la divergence entre les versions des faits
données par l’organisation plaignante et l’entreprise sur l’existence de pratiques
antisyndicales (pressions exercées sur les travailleurs pour qu’ils renoncent à leur
affiliation en contrepartie de l’acceptation de leur dossier de demande d’indemnisation,
refus de recevoir les dirigeants syndicaux), mais il ne peut pas omettre d’observer que
l’organisation plaignante et le gouvernement s’accordent sur le fait que, pour finir,
l’entreprise a étendu à tout travailleur portuaire, syndiqué ou non, la possibilité de
bénéficier des indemnités négociées, de sorte que parmi les bénéficiaires potentiels se
trouvaient aussi les membres de l’organisation plaignante qui remplissaient les critères
établis.
- 192. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, seuls trois de
ses membres ont obtenu une indemnisation et que, d’après l’entreprise, six autres
affiliés ne remplissaient pas les conditions négociées concernant le nombre de vacations
et que, de ce fait, ils n’ont pas bénéficié des indemnités. Le comité note que
l’organisation plaignante évoque des engagements pris verbalement par l’entreprise selon
lesquels ces travailleurs seraient considérés comme relevant du point 7 de l’accord
conclu avec les fédérations, lequel porte sur les travailleurs auxquels l’accord est
appliqué à titre exceptionnel et que cette disposition a bien été appliquée aux membres
de deux syndicats qui ne satisfaisaient pas aux conditions requises. Le comité observe
que la question de savoir si l’accord conclu, et précisément le point 7, s’applique ou
non aux membres de l’organisation plaignante et si ces derniers satisfont ou non aux
critères de l’accord collectif qu’il faut remplir pour recevoir des indemnités a été
interprétée de manière divergente par les parties. Le comité rappelle que la «solution
d’un conflit de droit motivé par une différence d’interprétation d’un texte légal
devrait relever des tribunaux compétents». [Voir Recueil de décisions et de principes du
Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 532.] A cet égard, le
comité observe que les actions en justice et les recours formés par l’organisation
plaignante en vue du versement d’indemnités à tous ses membres ne lui ont pas permis
d’obtenir gain de cause puisque les décisions rendues ont confirmé la légalité des
critères négociés avec les fédérations syndicales.
- 193. Dans ces conditions, le comité estime que ce cas n’appelle pas
d’examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 194. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à décider que le présent cas n’appelle pas d’examen plus
approfondi.