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Allégations: Décret-loi royal suspendant une convention collective dans l’ensemble des administrations publiques en ce qui concerne les augmentations des rémunérations
- 323. La plainte figure dans une communication en date du 17 novembre 2011, présentée par la Fédération des services aux citoyens de la CCOO (FSC-CCOO).
- 324. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 24 avril 2012.
- 325. L’Espagne a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 326. Dans sa communication du 17 novembre 2011, la Fédération des services aux citoyens de la CCOO (FSC-CCOO) déclare déposer plainte contre le gouvernement d’Espagne pour violation du droit à la négociation collective et à la liberté syndicale et, plus précisément, pour violation des conventions nos 87, 98, 151 et 154 de l’OIT.
- 327. La FSC-CCOO explique que, le 25 septembre 2009, elle a signé l’accord gouvernement-syndicats pour la fonction publique, par lequel il était convenu, entre autres mesures, une augmentation de salaire de 0,3 pour cent en 2010 et une clause de révision salariale applicable en 2012, dont l’objectif était le maintien du pouvoir d’achat du personnel des administrations publiques pendant la durée de validité de l’accord, qui se lisait comme suit:
5. Rétributions du personnel des administrations publiques
- 45. Les mesures salariales répondent au principe du maintien du pouvoir d’achat du personnel des administrations publiques pendant la durée de validité du présent accord. A cet effet, il sera tenu compte de l’évolution budgétaire de la hausse de l’IPC, des prévisions en termes de croissance économique, de la capacité de financement du budget général de l’Etat et de l’estimation de l’augmentation de la productivité de la fonction publique résultant d’actions ou de programmes spécifiques.
- 46. Pour 2010, il est convenu que la hausse des salaires est fixée à 0,3 pour cent du total de la masse salariale.
- 47. Afin d’atteindre ces objectifs, le gouvernement et les syndicats se sont mis d’accord sur la clause de révision salariale suivante: l’administration s’engage à adopter les mesures qui s’imposent pour prévoir dans le budget de 2012 les crédits nécessaires pour compenser la perte du pouvoir d’achat des agents publics qui pourrait survenir pendant la durée de validité du présent accord.
- Avec effet au 1er janvier 2012 et au cours du premier trimestre de cette même année, le montant correspondant à l’écart qui se serait, le cas échéant, produit entre les hausses prévues dans la loi sur le budget général de l’Etat pour les exercices budgétaires 2010 et 2011 et l’inflation réelle au cours de ces exercices sera versé. Ces crédits seront incorporés à la masse salariale de l’exercice 2012.
- Avec effet au 1er janvier 2013 et au cours du premier trimestre de cette même année, le montant correspondant à l’écart qui se serait, le cas échéant, produit entre les hausses prévues dans la loi sur le budget général de l’Etat pour l’exercice 2012 et l’inflation réelle au cours de cet exercice sera versé.
- Ces crédits seront également incorporés dans la masse salariale de l’exercice 2013.
- 48. Outre les hausses susvisées, le respect des accords économiques conclus et dont l’application est prévue au cours de la période 2010-2012 est garanti. Par conséquent, les augmentations de rétribution susvisées seront appliquées en plus des augmentations salariales obtenues dans les conventions ou accords précédemment signés par les différentes administrations publiques dans le cadre de leurs compétences, notamment celles destinées à inclure la totalité du complément spécifique dans les versements supplémentaires.
- 328. La loi no 26/2009, du 23 décembre, sur le budget général de l’Etat pour l’exercice 2010, en son titre III, chapitre I, a défini les bases et la coordination de la planification générale de l’activité économique en matière de dépenses de personnel du secteur public, donnant effet à l’accord précité en prévoyant l’augmentation salariale convenue. L’article 22, paragraphe 2, de cette loi dispose qu’avec effet au 1er janvier 2010 les rétributions du personnel du secteur public ne pourront pas bénéficier d’une hausse globale supérieure à 0,3 pour cent par rapport à celles de 2009, ce qui, sensu contrario, permet d’appliquer une hausse de salaire de 0,3 pour cent. Cette disposition se lit comme suit:
Sur la hausse des dépenses de personnel du secteur public
- Article 22. Bases et coordination de la planification générale de l’activité économique en matière de dépenses de personnel du secteur public
- […]
- Deuxièmement. Avec effet au 1er janvier 2010, les rétributions du personnel du secteur public, y compris, le cas échéant, les rétributions au titre de versements supplémentaires en application de l’article 21, paragraphe 3, de la loi no 42/2006, du 29 décembre, sur le budget général de l’Etat pour l’exercice 2007, dans les termes reproduits à l’article 22, paragraphe 2, de la loi no 2/2008, du 23 décembre, sur le budget général de l’Etat pour l’exercice 2009, ne pourront pas bénéficier d’une hausse globale supérieure à 0,3 pour cent par rapport à celles de l’exercice 2009, en termes d’homogénéité des deux périodes de comparaison, tant en ce qui concerne les effectifs que l’ancienneté de ceux-ci.
- Ces augmentations de rétributions seront appliquées en sus des hausses de salaires obtenues dans les conventions ou accords précédemment signés par les différentes administrations dans le cadre de leurs compétences.
- Troisièmement. Outre la hausse générale des rétributions prévue au paragraphe précédent, les administrations, entités et sociétés visées au premier paragraphe du présent article pourront consacrer au maximum 0,3 pour cent de la masse salariale au financement de versements à des plans de pension ou à des contrats d’assurance de groupe incluant la couverture de la prévoyance retraite, pour le personnel relevant de leurs compétences respectives, conformément à la deuxième disposition finale de la refonte de la loi régissant les plans et fonds de pensions.
- 329. La FSC-CCOO ajoute que, le 20 mai 2010, les syndicats ont été convoqués par le Secrétariat d’Etat à la fonction publique à assister à une réunion de la Table générale de négociation des administrations publiques, sans avoir reçu aucun ordre du jour et dans le but de leur expliquer comment une réduction de salaire de 5 pour cent allait être appliquée aux agents publics, laquelle serait approuvée, leur était-il assuré, lors du Conseil des ministres qui allait se tenir le jour même. Loin de mettre en place une «véritable» négociation, au cours de la réunion, l’administration n’a même pas été en mesure d’expliquer la teneur de ce qui allait être approuvé quelques heures plus tard, laissant aux représentants syndicaux le soin d’écouter la radio de 18 heures à 18 h 30, lors de la retransmission de la conférence de presse à l’issue du Conseil des ministres de l’après-midi pour connaître les détails des mesures annoncées de limitation des salaires des fonctionnaires.
- 330. En l’espèce, il n’y a pas eu de négociation, ni même d’information précise sur les mesures et la portée de celles-ci, le gouvernement ayant opté pour la politique du fait accompli. Les mesures en cause ont été adoptées unilatéralement.
- 331. Lors du Conseil des ministres du 20 mai 2010, les ministres ont approuvé le contenu d’un décret-loi royal prévoyant un «Plan de mesures extraordinaires en vue de réduire les dépenses publiques de 15 milliards de plus en deux ans», dont le gouvernement a présenté les grandes lignes lors de la conférence de presse postérieure, à savoir:
- Le décret-loi royal approuvé aujourd’hui permettra de clôturer l’exercice 2011 sur un déficit équivalant à 6 pour cent du PIB pour l’ensemble des administrations publiques, par rapport aux 7,5 pour cent prévus antérieurement.
- Les mesures approuvées s’efforcent de répartir l’effort de manière équitable au sein de la société et touchent l’ensemble des administrations publiques.
- Le plan réduira les dépenses publiques de 5,25 milliards d’euros supplémentaires cette année et de 10 milliards de plus en 2011.
- Le Conseil des ministres a approuvé un décret-loi royal et trois accords adoptant des mesures urgentes de réduction du déficit public. Il s’agit d’un ensemble d’initiatives touchant différents domaines de l’administration et dont l’objectif principal est d’accélérer l’assainissement budgétaire prévu dans le Programme de stabilité et de croissance qui permettra de clôturer l’exercice 2011 sur un déficit public de 6 pour cent du PIB, par rapport aux 7,5 pour cent initialement prévus.
- Ce plan extraordinaire d’ajustement souligne la contribution espagnole à la stabilité de la monnaie unique et à la réponse coordonnée que les pays membres de l’Union monétaire ont décidé d’apporter aux turbulences qui ont secoué les économies de la zone euro ces dernières semaines et qui ont incité à accélérer les plans d’assainissement budgétaire prévus dans une grande partie des pays de la zone.
- De même, ce plan s’inscrit également dans le cadre de l’engagement ferme pris par le gouvernement en matière de viabilité des finances publiques, qui s’est déjà traduit dans le budget de l’Etat de 2010, par une réduction des dépenses courantes de 0,8 pour cent du PIB et qui est encore renforcé par l’actualisation du programme de stabilité et de croissance, qui a été communiquée à Bruxelles en janvier dernier et a pour objectif de réduire le déficit public espagnol à 3 pour cent du PIB en 2013.
- Ce même document détaillait les instruments pour atteindre cet objectif: le Plan d’action immédiate 2010, qui supposait une réduction de 5 milliards d’euros, par le biais d’accords de non-disponibilité, des dépenses inscrites au budget de l’Etat pour le présent exercice, les accords-cadres avec les communautés autonomes et les administrations locales afin que les entités territoriales s’engagent dans la voie de l’assainissement budgétaire, et le Plan d’austérité 2011-2013, qui prévoit une réduction généralisée des postes de dépenses publiques afin d’économiser 2,6 pour cent du PIB. Il définissait également un programme de réduction du déficit pour chacune des administrations publiques, selon lequel le déficit de l’ensemble du secteur public emprunterait la voie suivante: 11,2 pour cent en 2009; 9,8 pour cent en 2010; 7,5 pour cent en 2011; 5,3 pour cent en 2012 et 3 pour cent en 2013.
- Les mesures approuvées aujourd’hui modifient cette voie en concentrant près des deux tiers de l’ajustement sur 2010 et 2011 et en laissant à peine un tiers de l’assainissement total pour les deux dernières années du programme, de sorte qu’aujourd’hui il serait fixé à 9,3 pour cent en 2010, 6 pour cent en 2011, 4,4 pour cent en 2012 et 3 pour cent en 2013. Pour y parvenir, le gouvernement a approuvé par ce décret-loi royal et un des accords une série de mesures d’ajustement dans différents domaines et, par ailleurs, il propose aux communautés autonomes et aux administrations locales de nouveaux accords-cadres afin que les entités territoriales coopèrent également à la réalisation de ce nouvel objectif plus ambitieux d’assainissement budgétaire.
Mesures visées dans le décret-loi royal
- Le contenu du décret-loi royal précise les mesures d’ajustement qui seront adoptées dans les prochaines semaines pour parvenir à cette réduction supplémentaire du déficit public de 1,6 point du PIB en 2011. L’économie prévue des dépenses publiques s’élève à 5,250 milliards d’euros supplémentaires en 2010 et à 10 milliards en 2011.
Réduction de 5 pour cent des salaires des agents publics
- Le décret-loi royal établit une réduction moyenne de 5 pour cent en termes annuels des salaires des agents publics, qui sera appliquée selon des critères de progressivité afin de réduire au minimum l’effet sur les salaires les plus bas. L’échelle oscillera entre 0,56 et 7 pour cent en fonction du niveau de revenu du groupe professionnel, affectera le personnel de toutes les administrations publiques et s’appliquera aussi bien aux rémunérations de base qu’aux rétributions complémentaires. Les salaires des postes élevés subiront une réduction comprise entre 8 et 15 pour cent. Cette réduction sera effective à partir du mois de juin et les salaires seront gelés en 2011.
- L’économie que représente cette mesure pour l’Administration générale de l’Etat se chiffre à 535 millions d’euros en 2010 et à 1 035 millions en 2011. Pour les administrations territoriales, cette mesure représentera une économie de 1 765 millions cette année et de 3 465 millions l’an prochain.
- […]
- Du côté des dépenses, trois facteurs essentiels vont contribuer à cet ajustement: le retrait des mesures transitoires, les dépenses moindres liées aux allocations de chômage du fait du scénario de redressement économique progressif et, enfin, les mesures d’ajustement que le gouvernement va appliquer au cours des trois prochains exercices. Ces mesures sont les suivantes: gel des salaires du personnel de la fonction publique en 2011, après la réduction de 5 pour cent prévue pour 2010.
- 332. Ainsi, comme le souligne l’organisation plaignante, le résultat obtenu par la négociation collective dans la fonction publique est totalement anéanti, ôtant toute validité aux engagements pris, lesquels étaient contraignants pour les parties qui les avaient conclus.
- 333. L’organisation plaignante précise que le texte du décret-loi royal no 8/2012 prévoit ce qui suit:
- De même, conformément aux dispositions de l’article 36, paragraphe 2, deuxième alinéa, et à l’article 38, paragraphe 10, de la loi sur le statut de base de l’agent public, la Table générale de négociation des administrations publiques s’est réunie le 20 mai de cette année afin d’informer les organisations syndicales de la suspension de l’accord du 25 septembre dans les termes exprimés et des mesures et critères énoncés dans ce domaine par le présent décret-loi royal.
- 334. Ce décret-loi royal portant mesures extraordinaires en vue de réduire le déficit public a été validé par le Congrès des députés le 27 mai 2010. Son article premier modifie la loi no 26/2009, du 23 décembre, sur le budget général de l’Etat pour l’exercice 2010, laquelle, dans sa nouvelle rédaction (l’exercice budgétaire étant déjà bien avancé), fixe pour le personnel du secteur public une réduction de 5 pour cent de la masse salariale, incluant l’ensemble des salaires et des éléments non salariaux ainsi que les dépenses sociales. Dans son exposé des motifs, le décret-loi royal affirme que:
- Il convient de faire référence à l’accord gouvernement-syndicats pour la fonction publique dans le cadre du dialogue social 2010-2012, signé le 25 septembre 2009, qui prévoyait, entre autres mesures, une augmentation des salaires de 0,3 pour cent pour l’exercice 2010 et une clause de révision salariale dont l’objectif était de tenter de répondre au principe du maintien du pouvoir d’achat du personnel des administrations publiques pendant la durée de validité de l’accord, compte tenu de l’évolution budgétaire de l’IPC, des prévisions en termes de croissance économique, de la capacité de financement du budget général de l’Etat et de l’estimation de l’augmentation de la productivité de la fonction publique résultant d’actions ou de programmes spécifiques.
- Les mesures à caractère économique dudit accord sont directement affectées par le contexte de crise économique évoqué plus haut, dans lequel il n’est pas possible de maintenir les mesures salariales convenues, étant donné qu’il convient de prendre des mesures permettant de réduire d’urgence le déficit public.
- Par ces motifs, le Conseil des ministres est convenu par le présent décret-loi royal, en application des dispositions de l’article 38, paragraphe 10, de la loi no 7/2007, du 12 avril, sur le statut de base de l’agent public, de suspendre en partie l’application des clauses de l’accord qui concernent les salaires.
- De ce fait, en application des dispositions de l’article 36, paragraphe 2, deuxième alinéa, et de l’article 38, paragraphe 10, de la loi sur le statut de base de l’agent public, la Table générale de négociation des administrations publiques s’est réunie le 20 mai de cette année afin d’informer les organisations syndicales de la suspension de l’accord gouvernement-syndicats du 25 septembre dans les termes convenus et des mesures et critères prévus par le présent décret-loi royal dans ce domaine.
- 335. Selon l’organisation plaignante, la deuxième disposition additionnelle du décret-loi royal no 8/2010 cherche à justifier l’attaque portée contre le salaire des agents publics, en méconnaissant totalement les droits salariaux prévus par les conventions et accords collectifs en vigueur. Cette disposition suspend l’accord gouvernement-syndicats pour la fonction publique du 25 septembre 2009, qui prévoyait, entre autres mesures, une augmentation de salaire de 0,3 pour cent en 2010 et une clause de révision salariale applicable en 2012, dont l’objectif était de maintenir le pouvoir d’achat du personnel des administrations publiques pendant la durée de validité de l’accord. Cette disposition se lit comme suit:
- Deuxième disposition additionnelle. Suspension de l’accord gouvernement-syndicats pour la fonction publique dans le cadre du dialogue social 2010-2012. Avec effet au premier juin 2010, il est décidé de suspendre partiellement l’accord gouvernement-syndicats de la fonction publique dans le cadre du dialogue social 2010-2012, signé le 25 septembre 2009, dans la mesure nécessaire à la bonne application du présent décret-loi royal et, en particulier, les mesures à caractère économique.
- 336. Or la modification unilatérale des conditions salariales ne se limite pas, comme on peut le voir, à la suspension de l’accord gouvernement-syndicats susvisé, ce qui aurait entraîné un gel des salaires pour l’année précédente, l’augmentation de salaire d’un maximum de 0,3 pour cent pour 2010 cessant de s’appliquer; elle implique en outre une réduction de 5 pour cent en moyenne des salaires et d’autres éléments de rémunération, tant pour les fonctionnaires que pour les employés ordinaires. Ces réductions salariales, imposées unilatéralement par le gouvernement par le biais d’un décret-loi royal, ont été appliquées à tous les agents publics à partir du versement du salaire de juin 2010.
- 337. L’organisation plaignante indique que, une fois les démarches juridiques préalables effectuées, elle a appelé à une grève de 24 heures pour le 8 juin 2010, touchant tous les fonctionnaires et employés du secteur public afin de faire respecter les accords conclus entre les organisations syndicales et le gouvernement et, plus précisément, d’obtenir le respect strict de l’accord gouvernement-syndicats pour la fonction publique signé le 25 septembre 2009, ainsi que le respect des clauses de tous les accords et conventions conclus non seulement dans les différentes administrations publiques, mais aussi des clauses salariales des accords et conventions conclus avec des entités et des entreprises publiques que les mesures du gouvernement ont purement et simplement abrogés.
- 338. Lorsque se sont produits les faits à l’origine de la présente plainte, ces employés bénéficiaient de conventions ou d’accords collectifs dont les clauses relatives aux rétributions ne prévoient absolument pas la possibilité de réductions salariales, d’autant moins si ces pratiques sont imposées unilatéralement par l’administration. Les mesures restrictives adoptées en matière de rémunérations sont applicables aux fonctionnaires comme aux employés ordinaires des diverses institutions et entreprises du secteur public (ces derniers étant soumis au régime des travailleurs du secteur privé). L’organisation plaignante soutient que ces mesures sont contraires à la Constitution et à la législation en vigueur.
- 339. La FSC-CCOO fait valoir que ses services juridiques ont formé une multitude de recours devant divers organes juridictionnels. Les premiers recours formés devant la chambre des affaires sociales de l’Audience nationale se sont soldés par deux ordonnances dans lesquelles la question de l’inconstitutionnalité était soulevée; toutefois, par ordonnance du 7 juin, publiée au Journal officiel du 4 juillet, la Cour constitutionnelle a jugé irrecevable la question de l’inconstitutionnalité soulevée par la chambre des affaires sociales de l’Audience nationale, sans procéder à un examen du fond de l’affaire, estimant que le décret-loi royal «ne réglemente pas le régime général du droit à la négociation collective et [que] l’intangibilité de la convention collective n’est pas présentée comme l’un de ses éléments essentiels».
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 340. Dans sa communication du 24 avril 2012, le gouvernement nie que le décret-loi royal no 8/2010 portant mesures extraordinaires en vue de réduire le déficit public soit contraire aux articles de la Constitution espagnole ou aux conventions de l’OIT nos 87, 98, 151 et 154 et déclare que, en ce qui concerne l’accord gouvernement-syndicats pour la fonction publique dans le cadre du dialogue social 2010-2012, signé le 25 septembre 2009 (Journal officiel du 26 octobre), il ne s’agit pas d’une convention collective destinée aux personnes couvertes par le titre III du statut des travailleurs, mais bien d’un accord inscrit dans le cadre du dialogue social bilatéral gouvernement-syndicats, qui ne fixe pas des conditions de travail, mais qui détermine, en sa qualité d’accord politique, l’orientation précise que doit suivre la politique en matière de dépenses de personnel et dans d’autres domaines, comme la formation, etc. Effectivement, le contenu de l’accord, détaillé en 50 points regroupés en six sections, couvre autre chose que les seules questions salariales. Il traite également des questions suivantes: promouvoir la bonne administration, la qualité et l’efficacité des services publics; améliorer les conditions de travail, la professionnalisation et la productivité des travailleuses et des travailleurs publics; rationaliser l’emploi public, réduire le travail temporaire et moderniser l’administration; renforcer les droits syndicaux et privilégier les canaux de la négociation collective; et réglementer la commission de suivi, d’interprétation et d’évaluation de l’accord correspondante. Parmi tous ces éléments, seules les rétributions du personnel des administrations publiques sont concernées par la plainte de la CCOO relative au décret-loi royal no 8/2010.
- 341. Le gouvernement fait valoir que le protocole d’accord a été conclu dans un contexte de crise économique, comme le mentionne expressément le libellé de celui-ci, et que l’approche salariale est également claire: le principe, et non l’objectif, qui régit les mesures salariales est le maintien du pouvoir d’achat, et ce compte tenu de l’évolution budgétaire d’augmentation de l’indice des prix à la consommation (IPC), des prévisions en termes de croissance économique, de la capacité de financement du budget de l’Etat et de l’estimation de l’augmentation de la productivité de la fonction publique résultant d’actions ou de programmes spécifiques. L’accord prévoit une modeste hausse nominale de la masse salariale de 0,3 pour cent. L’accord est intervenu dans ces circonstances économiques difficiles et le décret-loi royal no 8/2010 a également été validé dans des circonstances économiques difficiles. Par conséquent, le décret-loi royal no 8/2010 met en évidence le fait que la mesure convenue dans un premier temps s’est, par la suite, révélée inadéquate ou insuffisante pour faire face aux exigences imposées par la conjoncture. Le gouvernement rappelle que l’article 169, paragraphe 1, de la Constitution confère à l’Etat les compétences pour jeter les bases et organiser la planification générale de l’activité économique et souligne le poids important que représentent pour les Finances publiques les rétributions du personnel, qu’il soit fonctionnaire ou employé ordinaire, des administrations publiques. Cette compétence d’Etat en matière de direction de l’activité économique générale a pour objet de parvenir à la stabilité économique, un objectif macroéconomique consacré par l’article 40, paragraphe 1, de la Constitution, auquel peut progressivement contribuer le retour à l’équilibre budgétaire.
- 342. Quant à la convocation envoyée par le Secrétariat d’Etat à la fonction publique à une réunion de la Table générale de négociation des administrations publiques, le 20 mai 2010, sans ordre du jour, l’objet de cette réunion, selon la CCOO, était d’expliquer comment allait être appliquée la réduction de 5 pour cent du salaire des agents publics qui allait être décidée au Conseil des ministres suivant. A cet égard, le gouvernement joint les observations de la Direction générale de la fonction publique, non seulement parce qu’elle était présente, mais aussi en raison de sa responsabilité dans l’application des normes de l’OIT. Ces observations se lisent comme suit:
- Quant à la convocation, le 20 mai 2010, de la Table générale de négociation des administrations publiques, «il résulte du procès-verbal de cette réunion que, malgré la pression du temps et l’urgence résultant d’une situation particulièrement grave de l’économie européenne et espagnole, les parties à la Table générale de négociation ont pu avoir connaissance des propositions de modification que l’administration entendait introduire dans la loi sur le budget général de l’Etat pour l’exercice 2010. A cet égard, le procès-verbal mentionne que le Secrétariat d’Etat à la fonction publique a pris la parole et rappelé que la convocation de cette réunion répondait à l’engagement pris par la Table générale de négociation le 12 mai 2010 de procéder dans les meilleurs délais à une analyse des mesures que le gouvernement allait prendre pour réduire le déficit public. Au cours de cette dernière réunion du 12 mai, les organisations syndicales présentes ont fait part de leurs positions sur les effets que pourraient avoir ces mesures sur les rétributions des agents publics et ont demandé la convocation d’une nouvelle réunion de la Table générale de négociation afin de pouvoir procéder à une évaluation plus approfondie de leurs effets potentiels. Cette nouvelle réunion s’est tenue le 20 mai. Il est dès lors établi que chacune des parties présentes à la réunion de la Table générale de négociation des administrations publiques du 20 mai a eu connaissance des propositions présentées par l’autre partie et que chacune d’entre elles a eu l’occasion d’avancer la proposition qu’elle jugeait pertinente pour la défense de ses intérêts en connaissant les souhaits de l’autre partie. […]; chacune des parties a pu exposer sa position et a eu connaissance de ce que pensait l’autre sur la question […].»
- 343. Ainsi, sans préjudice du contenu dudit rapport de la Direction générale de la fonction publique, il convient de souligner que, aux termes de l’exposé des motifs du décret-loi royal no 8/2010, la convocation des organisations syndicales à la réunion du 20 mai avait pour but de les informer. Il ne s’agissait pas – et elle n’était pas présentée comme telle – d’une convocation en vue de négocier. En l’espèce, il s’agissait de respecter l’engagement du gouvernement d’accélérer, en 2010 et 2011, la réduction initialement prévue du déficit en raison d’une grave détérioration des finances publiques qui devait être impérativement corrigée pour parvenir à un redressement économique solide et durable. C’est également ce que dit l’exposé des motifs du décret-loi royal.
- 344. Par ordonnance no 85/2011, du 7 juin, la Cour constitutionnelle s’est prononcée en déclarant irrecevable la question relative à l’inconstitutionnalité alléguée soulevée dans le litige de la FNMT. Par ordonnance no 101/2011, du 5 juillet, elle a également déclaré irrecevable la question sur l’inconstitutionnalité soulevée par la chambre des affaires sociales de l’Audience nationale dans l’affaire Puertos del Estado y Autoridades Portuarias [Ports de l’Etat et Autorités portuaires]. L’ordonnance no 104/2011, du 5 juillet, a également rejeté la question de constitutionnalité soulevée par la chambre des affaires sociales du Tribunal supérieur de justice d’Andalousie dans l’affaire concernant le personnel du Conseil d’Andalousie.
- 345. Le gouvernement indique que les conventions collectives résultant de la négociation collective garantie par la Constitution déploient leurs effets contraignants de normes dans l’ordre juridique selon un système hiérarchisé des sources, à l’intérieur duquel la norme de rang supérieur est la loi, au sens matériel. En d’autres termes, c’est uniquement dans le cas où le décret-loi royal n’aurait pas été validé par le Congrès des députés que l’on aurait pu considérer qu’il y avait eu application injustifiée de l’accord gouvernement-syndicats par le pouvoir exécutif. Or le décret-loi royal a été approuvé par le Congrès des députés, lequel n’a pas jugé nécessaire de le traiter comme un projet de loi.
- 346. Le gouvernement ajoute qu’aux termes de l’article 86 de la Constitution: 1) En cas de nécessité exceptionnelle et urgente, le gouvernement pourra édicter des dispositions législatives provisoires qui prendront la forme de décrets-lois et qui ne pourront pas modifier l’ordre juridique des institutions fondamentales de l’Etat, les droits, les devoirs et les libertés des citoyens, régis par le titre I, le régime des Communautés autonomes ni le droit électoral général; 2) Les décrets-lois devront être immédiatement soumis au Congrès des députés qui procédera à un débat et à un vote sur l’ensemble; il sera convoqué à cet effet, s’il n’est pas en session, dans le délai de 30 jours suivant leur promulgation. Le Congrès devra se prononcer expressément dans ce délai de 30 jours sur leur validation ou leur abrogation; le règlement établira, à cette fin, une procédure spéciale et sommaire; 3) Pendant le délai fixé au paragraphe précédent, les Cortes pourront traiter des décrets-lois, selon la procédure d’urgence, comme des projets de loi.
- 347. Le gouvernement précise que la concurrence des deux conditions préalables – la nécessité exceptionnelle et urgente – a été appréciée par la Cour constitutionnelle, qui a considéré qu’en tant que manifestation de la direction de l’action politique (art. 97 de la Constitution): «Conformément à l’arrêt no 29/1982, du 31 mai (RTC 1982/29), de la Cour constitutionnelle, en principe et sous réserve d’un pouvoir discrétionnaire raisonnable, il incombe aux organes politiques, c’est-à-dire au gouvernement et au Congrès, de déterminer quand la situation, pour des raisons de nécessité exceptionnelle et urgente, requiert l’adoption d’une norme par voie d’un décret-loi. Cette marge d’appréciation de la concurrence des conditions préalables conférant aux organes politiques le pouvoir d’agir n’empêche pas que la Cour puisse la contrôler…» (STC 111/1983 du 2 décembre [RTC 1983, 111], FJ 5). Le gouvernement dispose donc, en principe, de la compétence et du pouvoir d’initiative pour apprécier quand une situation, pour des raisons de nécessité exceptionnelle et urgente, requiert d’agir par voie d’un décret-loi, mais en expliquant ces raisons.
- 348. La Cour constitutionnelle a confirmé, en l’espèce, la concurrence des conditions préalables en soulignant que «si des mesures n’avaient été prises d’urgence pour réduire radicalement le déficit public, on peut assurer que les attaques spéculatives contre notre économie se seraient intensifiées et les plus de 27 000 milliards d’euros que coûteront les intérêts de la dette en 2011 auraient pu augmenter de façon exponentielle, rendant impossible l’utilisation des fonds économisés par ces mesures pour des activités productives, lesquelles, en stimulant l’économie réelle, permettront d’atténuer, dans les délais les plus courts, le problème gravissime du chômage que connaît notre pays», estimant donc que les mois qui auraient été nécessaires à l’examen d’un projet de loi, même dans le cadre de la procédure d’urgence, auraient entraîné «une détérioration extrêmement grave de notre système financier, auraient affecté la crédibilité de notre économie et nous auraient probablement empêchés de jeter les bases d’un redressement durable, lequel serait devenu impossible parce que nous aurions été contraints d’augmenter de façon exponentielle les intérêts de la dette». Le gouvernement précise qu’il s’agit dès lors ici d’un de ces décrets-lois royaux évidents, utilisés pour régler des «conjonctures économiques problématiques» au moyen d’un instrument légal autant que pertinent et adéquat pour faire face à des situations concrètes qui, pour des raisons difficilement prévisibles, requièrent une action normative immédiate dans un délai plus court que celui qu’impose la voie normale ou la procédure d’urgence d’examen parlementaire des lois.
- 349. L’Audience nationale allègue que la convention collective peut être modifiée pendant sa durée de validité par une autre convention collective et que sa suspension, sa modification, voire sa suppression peuvent être décidées pendant sa durée de validité par une loi, qui devra respecter son essence, lorsque des circonstances urgentes et exceptionnelles surviennent, dans le respect du principe général de pondération, de sorte que la satisfaction du ou des biens juridiques protégés par ces mesures légales ait lieu de manière à porter le moins possible atteinte au droit de négociation collective proprement dit, ainsi qu’à sa dimension fonctionnelle de liberté syndicale.
- 350. Le gouvernement précise que, lors du débat et du vote sur la validation du décret-loi royal no 8/2010 au Congrès, la question du traitement de celui-ci en tant que projet de loi a également été examinée, mais a été rejetée par la majorité. En effet, cette procédure aurait assorti la norme ainsi élaborée de la possibilité de faire participer les différentes formations politiques, conformément à la procédure normale d’élaboration des lois dans une démocratie, mais le décret-loi royal validé n’a pas pour autant une légitimité constitutionnelle moindre pas plus qu’un rang hiérarchique inférieur à la loi, comme indiqué plus haut.
- 351. En tout état de cause, la Cour constitutionnelle a déclaré irrecevable le recours en inconstitutionnalité, le jugeant manifestement non fondé, étant donné qu’à l’issue d’un examen préliminaire des questions soulevées, la Cour a jugé que le recours n’était pas viable et qu’il était donc opportun de statuer durant la première phase de la procédure afin d’éviter des retards dans d’autres procédures. Dans la motivation de son ordonnance no 85/2011, la Cour rejette le recours pour les motifs principaux suivants en rapport avec l’«atteinte» aux droits en tant que limite matérielle du décret-loi: 1) la limite matérielle interdit au décret-loi de réglementer le régime général du droit en cause ou d’aller à l’encontre du contenu ou de l’essence de celui-ci; 2) les principes contestés du décret-loi royal no 8/2010 «ne réglementent pas le régime général du droit à la négociation collective consacré à l’article 37, paragraphe 1, de la Constitution, ni ne disposent quoi que ce soit sur la force contraignante des conventions collectives en général ni, en particulier, sur les personnes directement concernées par celles-ci, qui maintiennent la force contraignante propre à ce type de source en raison de leur position dans le système des sources»; 3) s’agissant de la force contraignante, la Cour précise qu’il ne faut pas confondre intangibilité ou inaltérabilité avec la force contraignante de la convention collective et elle répète, comme elle l’avait déjà dit dans l’arrêt de la Cour constitutionnelle no 210/1990, du 20 décembre, FFJJ 2 et 3, «la prétendue intangibilité ou inaltérabilité de la convention collective par rapport à la norme juridique n’émane ni ne découle de l’article 37, paragraphe 1, de la Constitution, même s’il s’agit d’une norme intervenue», de sorte que, «en vertu du principe de la hiérarchie des normes, c’est la convention collective qui doit respecter et se soumettre non seulement à la loi formelle, mais aussi, de façon plus générale, aux normes de rang supérieur, et non le contraire»; 4) étant donné que la Cour réfute l’atteinte au droit de négociation collective, elle n’examine pas la prétendue violation de la liberté syndicale.
- 352. L’Audience nationale (qui avait posé la question de constitutionnalité) a, notamment, rendu l’arrêt no 115/2011, du 20 juillet, dans lequel, après une description détaillée des difficultés de la procédure et une référence à l’ordonnance de la Cour constitutionnelle, elle rejette les recours de certaines organisations syndicales et poursuit en déclarant:
- Les doutes relatifs à la constitutionnalité soulevés par la chambre ayant été levés par la Haute Cour, qui les juge manifestement infondés, en admettant qu’une convention collective statutaire en vigueur peut être modifiée par un décret-loi royal, pour les motifs exposés plus haut, nous devons nécessairement conclure que la réduction salariale imposée par l’AEAT à ses travailleurs n’a pas enfreint les articles 7, 28.1, 37.1 et 86.1 de la Constitution, pas plus que l’article 41 du statut des travailleurs, puisque l’AEAT est soumise à la loi et au droit, conformément aux dispositions de l’article 103, paragraphe 1, de la Constitution et est, dès lors, tenue d’appliquer la réduction imposée par les articles 22.4 et 25 de la loi no 26/2009, du 23 décembre, sur le budget général de l’Etat pour l’exercice 2010, dans la rédaction visée à l’article premier du décret-loi royal no 8/2010 du 20 mai.
- […]
- Nous considérons également qu’il n’y a pas eu d’expropriation, au motif que les rétributions du personnel des administrations publiques ne peuvent dépasser la masse salariale fixée annuellement par la loi sur le budget général de l’Etat, en application de l’article 21, paragraphe 2, de l’EBEP, ce qui est précisément ce qui s’est passé en l’espèce, étant donné que le décret-loi royal no 8/2010, du 20 mai, a réduit, dans un contexte de nécessité urgente et exceptionnelle, la masse salariale des agents publics, la Cour constitutionnelle ayant considéré que le moyen utilisé n’affecte pas l’essence du droit à la liberté syndicale dans sa dimension fonctionnelle de négociation collective, que cette chambre reprend dans ses propres termes, conformément au mandat conféré par l’article 5, paragraphe 1, de la LOPJ. En conséquence, si la réduction salariale imposée par l’AEAT a été le résultat de son obligation de se conformer aux articles 22.4 et 25 de la loi no 26/2009, du 23 décembre, dans la version donnée par le décret-loi royal no 8/2010, du 20 mai, on doit obligatoirement en conclure que cette mesure est conforme au droit et n’a pas violé les dispositions des articles 7, 28.1, 37.1 et 86.1 de la Constitution, lues conjointement avec l’article 41 du statut des travailleurs, ce qui nous conduit à devoir rejeter tant le recours au principal que le recours subsidiaire concernant les requêtes jointes, étant donné que la réduction incriminée a affecté l’ensemble de la masse salariale, qui a été réduite de 5 pour cent, rendant dès lors inadmissible le maintien des salaires perçus au 31 décembre 2009.
- 353. En conclusion, le gouvernement réitère qu’il n’y a pas eu de violation des conventions de l’OIT relatives à la négociation collective et aux conditions de travail dans les administrations publiques pour les motifs exposés tout au long de ce rapport, à savoir, en résumé:
- – la limitation par la loi des dépenses de personnel est possible, n’est pas injustifiée et est conforme à la Constitution espagnole et à l’ordre juridique dans son ensemble, selon lequel il appartient à l’Etat de fixer le plafond d’accroissement de la masse salariale des agents publics, dans le cadre d’une politique de limitation de l’inflation par la réduction du déficit public et de priorité donnée aux investissements plutôt qu’aux dépenses de consommation;
- – la plainte se réfère, à tous moments, à l’accord gouvernement-syndicats du 25 septembre 2009, lequel, comme indiqué plus haut, régissait les conditions de travail applicables aux agents publics, mais s’inscrivait dans le cadre du dialogue social dans lequel les parties sont convenues de l’orientation précise que devait suivre la politique en matière de dépenses de personnel et qui, en tant que tel, a été traduit dans la loi sur le budget général de l’Etat pour l’exercice 2010;
- – néanmoins, la modification de la loi sur le budget général de l’Etat par le décret-loi royal no 8/2010 affecte les agents publics couverts par le champ d’application des conventions collectives conclues en application du libellé original de ladite loi sur le budget général de l’Etat, dont les salaires ont été réduits;
- – le décret-loi royal no 8/2010 a été adopté conformément aux dispositions de l’article 86 de la Constitution et, partant, produit le même effet qu’une loi adoptée par les Cortes Generales;
- – les conventions collectives doivent se soumettre au droit établi par la loi de rang supérieur dans la hiérarchie des normes; en d’autres termes, la primauté de la loi sur la convention résulte du fait que cette dernière est subordonnée aux dispositions contraignantes de la première;
- – en conséquence, la convention collective peut être modifiée par un décret-loi en application du principe de la hiérarchie des normes.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 354. Le comité observe que, en l’espèce, l’organisation plaignante conteste le décret-loi royal no 8/2010 approuvé par le Conseil des ministres le 20 mai 2010 (publié le 24 mai 2010) et validé par le Congrès des députés le 27 mai 2010, qui: 1) en invoquant le contexte de crise économique et la nécessité de mesures urgentes en vue de réduire le déficit public, suspend les clauses de l’accord gouvernement-syndicats pour la fonction publique du 25 septembre 2009 dans lequel les parties étaient convenues d’une augmentation de salaire de 0,3 pour cent pour l’exercice 2010 et d’une clause de révision salariale applicable en 2012; cette mesure unilatérale fait partie de la réduction de 5 pour cent du salaire et d’autres éléments de rémunération des fonctionnaires des différentes administrations publiques, mais aussi du salaire et d’autres éléments de rémunération d’une grande partie des entités du secteur public, y compris les entreprises, sociétés et autres entités publiques occupant du personnel dont les travailleurs sont régis par les normes du travail applicables au secteur privé; 2) tous ces employés du secteur public bénéficiaient de conventions ou d’accords collectifs dont les clauses en matière de rétributions ne prévoyaient pas la possibilité de réductions salariales. Selon les allégations, les organisations syndicales ont été informées le 20 mai 2010, comme s’il s’agissait d’une simple formalité, des mesures susvisées sans autre détail et sans négociation, selon une politique du fait accompli.
- 355. S’agissant de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle le décret-loi royal no 8/2010 de mai 2010, qui prévoyait des réductions des salaires et d’autres éléments de rémunération dans l’administration publique et dans le secteur public en général, a été adopté unilatéralement par le Conseil des ministres après une réunion d’information avec le Secrétariat d’Etat à la fonction publique qu’elle qualifie de simple formalité, le comité note que, selon ce Secrétariat d’Etat, les parties à la Table générale de négociation (organe prévu par la législation) ont pu avoir connaissance le 12 mai 2010 des propositions de modification que le gouvernement entendait introduire (afin d’examiner dans les meilleurs délais les mesures que le gouvernement allait appliquer pour réduire le déficit public), les organisations syndicales exprimant leur position en la matière, et ont demandé une nouvelle réunion afin de pouvoir évaluer plus en détail leurs effets potentiels, réunion qui s’est déroulée le 20 mai 2010. Le comité note que le gouvernement insiste sur la pression du temps et l’urgence découlant d’une situation particulièrement grave de l’économie européenne et espagnole. Le comité observe toutefois que le texte du décret-loi royal no 8/2010 ne fait pas référence à des consultations, mais indique que «la Table générale de négociation des administrations publiques s’est réunie le 20 mai afin d’informer les organisations syndicales de la suspension de l’accord gouvernement-syndicats du 25 septembre dans les termes convenus et des mesures et critères prévus par le présent instrument».
- 356. Le comité constate que les versions de l’organisation plaignante et du gouvernement sont diamétralement opposées; néanmoins, bien qu’il note que le gouvernement invoque des circonstances économiques d’une gravité extraordinaire qui appelaient des actions urgentes, le comité regrette l’absence d’un véritable processus de consultation, compte tenu notamment du fait que les mesures envisagées s’appliquaient à une grande partie du secteur public et avaient pour effet la suspension de clauses à caractère économique des conventions collectives. Le comité attire l’attention sur «l’importance de promouvoir le dialogue et les consultations sur les questions d’intérêt commun entre les autorités publiques et les organisations professionnelles les plus représentatives du secteur en question», ainsi que sur «l’intérêt d’une consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs lors de la préparation et de la mise en œuvre d’une législation touchant leurs intérêts». Le comité souligne à cet égard l’importance de consultations détaillées et du fait que les parties disposent de suffisamment de temps pour préparer et exposer leurs points de vue et les discuter de manière approfondie. Le comité souligne également que le processus de consultation sur la législation contribue à ce que les lois, programmes et mesures que les autorités publiques doivent adopter ou appliquer disposent d’une assise plus solide et soient mieux respectés et appliqués; dans la mesure du possible, le gouvernement devrait s’appuyer sur le consentement général, étant donné que les organisations d’employeurs et de travailleurs doivent pouvoir participer à la responsabilité de procurer le bien-être et la prospérité à la communauté générale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1067 et 1072.]
- 357. Le comité souligne l’importance de ces principes en ce qui concerne les consultations relatives à des législations qui affectent les intérêts des organisations syndicales et de leurs affiliés.
- 358. Le comité souhaite se référer à la question de fond soulevée par l’organisation plaignante, à savoir si le décret-loi royal viole les conventions no 87, 98, 151 et 154 ratifiées par l’Espagne en suspendant les clauses relatives aux salaires et à d’autres éléments de rémunération de l’accord gouvernement-syndicats pour la fonction publique du 25 septembre 2009 (qui avait prévu une hausse des salaires de 0,3 pour cent pour l’exercice 2010 et une clause de révision salariale applicable en 2012) dans le cadre d’une réduction de 5 pour cent du salaire et d’autres éléments de rémunération applicable aux différentes administrations publiques et à une grande partie du secteur public, y compris les entreprises, sociétés et autres entités publiques occupant du personnel salarié (dont les travailleurs sont soumis au régime du secteur privé et à des conventions collectives ou à des accords dont les clauses en matière de rétributions ne prévoyaient pas, selon les allégations, la possibilité de réductions salariales).
- 359. Le comité prend note des déclarations du gouvernement, des textes de loi et de la jurisprudence ainsi que des arrêts auxquels il se réfère, tout comme de son affirmation selon laquelle le décret-loi royal no 8/2010 ne viole pas les conventions no 87, 98, 151 et 154. Le comité note qu’il ressort des éléments d’information fournis par le gouvernement ainsi que des textes de loi et des arrêts cités (dont certains sont également cités par le syndicat plaignant) que: 1) l’accord gouvernement-syndicats pour la fonction publique du 25 septembre 2009 a été conclu dans des circonstances économiques difficiles, tout comme le décret-loi royal contesté par l’organisation plaignante, et ce parce que l’accord gouvernement-syndicats est apparu, par la suite, comme inadéquat ou insuffisant pour faire face aux exigences imposées par la conjoncture; le décret-loi royal cherchait à donner effet à l’engagement pris par le gouvernement d’accélérer en 2010 et 2012 la réduction initialement prévue du déficit en raison de la grave détérioration des finances publiques, qui devait être impérativement corrigée pour parvenir à un redressement économique solide et durable; 2) il appartient au gouvernement d’apprécier quand une situation, pour des raisons de nécessité exceptionnelle et urgente requiert l’action normative d’un décret-loi (dont les conditions sont énoncées dans la Constitution et reproduites dans la réponse du gouvernement); 3) le Congrès des députés a validé le décret-loi royal, et la Cour constitutionnelle a confirmé la concurrence des conditions préalables de nécessité urgente pour que soit édicté le décret-loi; elle a également déclaré que, en vertu du principe de la hiérarchie des normes, la convention collective doit être subordonnée non seulement à la loi, mais, de manière générale, aux normes de rang supérieur; l’Audience nationale a jugé que le décret-loi royal no 8/2010 est conforme au droit; selon la jurisprudence de cet organe juridictionnel, une loi peut suspendre ou modifier une convention collective lorsque sont réunies des circonstances de nécessité exceptionnelle et urgente, mais l’essence de la convention doit être respectée et l’atteinte au droit de négociation collective doit être la plus réduite possible; 4) l’accord gouvernement-syndicats pour la fonction publique du 25 septembre 2009 dans le cadre du dialogue social 2010-2012 n’est pas une convention collective destinée aux personnes couvertes par le Statut des travailleurs, mais bien un accord inscrit dans le dialogue social bilatéral gouvernement-syndicats qui ne fixe pas des conditions de travail, mais détermine, en tant qu’accord politique, l’orientation précise que doit suivre la politique en matière de dépenses de personnel et dans de nombreux autres domaines (qualité et rationalisation des services publics, productivité, professionnalisation, etc.). Sur ce point, le comité souhaite souligner que les termes de l’accord gouvernement-syndicats prévoient, en matière de rétributions, des engagements concrets et détaillés ainsi qu’il ressort du texte reproduit dans les allégations (clause 47) et, de l’avis du comité, ledit accord (qui a été incorporé dans la loi sur le budget de l’Etat en ce qui concerne l’augmentation des rétributions, avant l’adoption du décret-loi) s’inscrit dans le cadre de la négociation collective couverte par les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective.
- 360. Quant à l’urgence et à la nécessité alléguées par le gouvernement des mesures contenues dans le décret-loi royal et si la non-application de la hausse des rétributions convenue dans les accords ou conventions collectives se justifie, le comité observe que les textes pertinents fournis ou mentionnés par l’organisation plaignante et le gouvernement soumettent les mesures gouvernementales à des exigences de stabilité de la monnaie unique et à la réponse coordonnée que les Etats membres de l’Union monétaire ont décidé d’apporter aux turbulences qui ont secoué les économies de la zone euro et qui ont incité à accélérer l’exécution des plans d’assainissement budgétaire prévus par une grande partie des pays de la zone; le plan extraordinaire d’ajustement s’inscrit également dans l’engagement ferme du gouvernement de garantir la viabilité des finances publiques, lequel s’est déjà traduit dans le budget de l’Etat de 2010 par une réduction des dépenses courantes équivalant à 0,8 pour cent du PIB et est encore renforcé par l’actualisation du programme de stabilité et de croissance communiquée à Bruxelles en janvier 2012 et visant à réduire le déficit public espagnol à 3 pour cent du PIB en 2013 (conformément aux règles de l’Union européenne).
- 361. S’agissant de la nécessité et de l’urgence du décret-loi royal, le comité note tout particulièrement les arguments de la Cour constitutionnelle, reproduits par le gouvernement, sur les répercussions de la crise de la dette souveraine et ses conséquences sur le financement de l’Etat:
- … si des mesures n’avaient été prises d’urgence pour réduire radicalement le déficit public, on peut assurer que les attaques spéculatives contre notre économie se seraient intensifiées et les plus de 27 000 milliards d’euros que coûteront les intérêts de la dette en 2011 auraient pu augmenter de façon exponentielle, rendant impossible l’utilisation des fonds économisés par ces mesures pour des activités productives, lesquelles, en stimulant l’économie réelle, permettront d’atténuer, dans les délais les plus courts, le problème gravissime du chômage que connaît notre pays, considérant ainsi que les mois qui auraient été nécessaires à l’examen d’un projet de loi, même dans le cadre de la procédure d’urgence, auraient entraîné une détérioration extrêmement grave de notre système financier, auraient affecté la crédibilité de notre économie et nous auraient probablement empêchés de jeter les bases d’un redressement durable, qui ne serait plus possible parce que nous aurions été contraints d’augmenter de façon exponentielle les intérêts de la dette.
- 362. Le comité souhaite souligner la complexité de ce cas, lié dans une large mesure à des engagements résultant de l’adhésion à la monnaie unique européenne et qui se situe, en outre, dans un contexte de crise économique frappant durement un certain nombre d’autres pays. Le comité note que le gouvernement souligne que les allégations de violation de la négociation collective ont trait à une modeste hausse nominale de la masse salariale de 0,3 pour cent dans des circonstances économiques difficiles. Le comité relève que cette hausse négociée assumait et améliorait les salaires antérieurs et que le décret qui l’a suspendue s’inscrivait dans le cadre d’une réduction salariale plus large de 5 pour cent. Le comité rappelle que, la négociation collective étant un droit fondamental, dans un contexte de stabilisation économique, il convient de privilégier la négociation collective pour fixer les conditions de travail des fonctionnaires au lieu de promulguer une loi sur la limitation des salaires dans le secteur public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1040.] Le comité rappelle également que, si, au nom d’une politique de stabilisation, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par voie de négociations collectives, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d’exception, limitée à l’indispensable, elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1024.] De plus, dans des cas précédents, le comité a estimé que, si un gouvernement souhaite que les dispositions d’une convention collective soient adaptées à la politique économique du pays, il doit essayer d’amener les parties à prendre en compte volontairement ces considérations, sans leur imposer la renégociation des conventions collectives en vigueur. [Voir 365e rapport, cas no 2820 (Grèce), paragr. 995.] Le comité a souligné l’importance de maintenir, dans des situations de crise économique, un dialogue permanent et intensif avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, et que des mécanismes adéquats pour traiter des situations économiques exceptionnelles peuvent être développés dans le cadre du système de négociation collective dans le secteur public. [Voir 364e rapport, cas no 2821 (Canada), paragr. 378.]
- 363. Le comité invite le gouvernement à considérer à l’avenir, dans le cadre du dialogue social, les principes susvisés.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 364. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Bien qu’il note que le gouvernement invoque des circonstances urgentes économiques d’une gravité extraordinaire qui appelaient des actions, le comité regrette l’absence d’un véritable processus de consultation des organisations syndicales au sujet du décret-loi royal no 8/2010 en dépit de l’importance des réductions salariales qu’il prévoyait et il souligne l’importance des principes relatifs à la consultation mentionnés dans les conclusions.
- b) Le comité invite le gouvernement à considérer à l’avenir, dans le cadre du dialogue social, les principes mentionnés dans les conclusions et relatifs à la négociation collective en cas de difficulté économique ou de crise.