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RECLAMATION (article 24) - QATAR - C029 - (Présentée: 2013 - Rapport: 2014)

Confédération syndicale internationale , Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois

Clos

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Rapport du comité chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par le Qatar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT par la Confédération syndicale internationale et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois

Rapport du comité chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par le Qatar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT par la Confédération syndicale internationale et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois

Décision

Décision
  1. Le Conseil d’administration:
  2. a) a approuvé le rapport figurant dans le document GB.320/INS/14/8;
  3. b) a prié le gouvernement, compte tenu des conditions de travail auxquelles certains travailleurs migrants peuvent être soumis et afin de s’assurer que ces travailleurs jouissent de la protection prévue dans la convention, de tenir compte des mesures préconisées aux paragraphes 45, 46, 47, 48, 51, 53, 56, 57, 58 et 63 du document GB.320/INS/14/8 et en particulier:
  4. i) de revoir sans délai le fonctionnement du système de parrainage, de sorte que celui-ci ne place pas les travailleurs migrants dans une situation de vulnérabilité accrue face à l’imposition de conditions d’exploitation au travail auxquelles ils ne pourraient se soustraire;
  5. ii) de veiller sans délai à ce que les travailleurs migrants puissent accéder à la justice et ainsi faire effectivement valoir leurs droits, notamment en renforçant le mécanisme de traitement des plaintes et le système d’inspection du travail ainsi que les moyens d’action de ces travailleurs;
  6. iii) de veiller à ce que des sanctions appropriées soient appliquées aux infractions liées au travail forcé prévues dans le Code pénal, la loi du travail ou la loi no 15 de 2011 sur la lutte contre la traite des personnes;
  7. c) a invité le gouvernement à fournir des informations sur les mesures prises pour donner effet aux recommandations du comité et, en particulier, des données appropriées sur le nombre et la nature des infractions à la législation pertinente ainsi que sur les sanctions spécifiques appliquées afin de soumettre ces informations pour examen de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations à sa prochaine session en novembre-décembre 2014;
  8. d) a invité le gouvernement à recourir à l’assistance technique du Bureau international du Travail pour mettre en œuvre ces recommandations;
  9. e) a décidé de rendre public le présent rapport et de déclarer close la procédure de réclamation.

I. Introduction

I. Introduction
  1. 1. Dans une communication datée du 16 janvier 2013, la Confédération syndicale internationale (CSI) et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) ont, en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’Organisation internationale du Travail, adressé au Bureau une réclamation alléguant l’inexécution par le Qatar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, convention ratifiée en 1998 et actuellement en vigueur au Qatar.
  2. 2. Les dispositions de la Constitution de l’OIT concernant les réclamations sont les suivantes:
    • Article 24
    • Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l’un quelconque des Membres n’aurait pas assuré d’une manière satisfaisante l’exécution d’une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d’administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu’il jugera convenable.
    • Article 25
    • Si aucune déclaration n’est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d’administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  3. 3. Conformément aux dispositions de l’article 1 du Règlement relatif à la procédure à suivre pour l’examen des réclamations présentées au titre des articles 24 et 25 de la Constitution de l’OIT dans sa teneur modifiée par le Conseil d’administration à sa 291e session (novembre 2004), le Directeur général a accusé réception de la réclamation, en a informé le gouvernement du Qatar et l’a transmise au bureau du Conseil d’administration.
  4. 4. A sa 317e session (mars 2013), le Conseil d’administration a déclaré la réclamation recevable et désigné un comité chargé de l’examiner, composé de M. Dongwen Duan (membre gouvernemental, Chine), M. Khalifa Khamis Mattar (membre employeur, Emirats arabes unis) et Mme Binda Pandey (membre travailleuse, Népal).
  5. 5. Le gouvernement du Qatar a soumis ses observations écrites dans une communication datée du 10 juillet 2013.
  6. 6. Le comité a tenu sa première réunion le 24 octobre 2013 et a décidé de demander aux organisations plaignantes et au gouvernement de fournir des informations supplémentaires sur certains points. Les informations de la CSI ont été reçues le 21 novembre 2013, celles du gouvernement le 22 janvier 2014.
  7. 7. Le comité s’est réuni les 20 et 24 mars 2014 pour examiner la réclamation et adopter son rapport.

II. Examen de la réclamation

II. Examen de la réclamation
  • A. Allégations des organisations plaignantes
    1. 8. Dans leurs communications du 16 janvier et du 21 novembre 2013, les organisations plaignantes allèguent l’inexécution par le Qatar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, à travers des politiques et des pratiques qui favorisent le recours au travail forcé par les employeurs. Selon ces organisations, le cadre juridique du Qatar n’assure pas une protection suffisante des droits des travailleurs migrants et les protections prévues par la loi ne sont pas correctement appliquées. A cet égard, les organisations plaignantes évoquent diverses situations auxquelles des travailleurs migrants ont été confrontés, tant avant leur départ qu’à leur arrivée dans le pays, et qui facilitent le recours au travail forcé.
    2. 9. Les organisations plaignantes indiquent que les travailleurs migrants arrivent souvent au Qatar sans contrat de travail écrit, ou, une fois sur place, qu’ils se voient proposer un nouveau contrat qui diffère substantiellement de ce qui leur avait été promis dans le pays d’origine, notamment en ce qui concerne la nature de l’emploi et le salaire. Bien que la législation nationale interdise aux agences de recrutement basées et enregistrées au Qatar d’imposer aux travailleurs des frais ou des honoraires de recrutement, les organisations plaignantes allèguent que la législation n’aborde pas la question des sociétés de recrutement qui passent par des organisations apparentées établies à l’étranger, qui, elles, imposent ce type de frais. Par ailleurs, il n’existe pas dans la législation de disposition qui fasse expressément obligation aux employeurs de prendre à leur charge les dépenses liées au recrutement. En raison des frais élevés de recrutement qui leur sont imposés avant le départ et des coûts du voyage, de nombreux travailleurs arrivent endettés et se voient contraints de conserver leur emploi au Qatar quelles que soient les conditions de travail, ce qui implique parfois de ne pas percevoir de salaire pendant plusieurs mois, de se voir proposer un logement insalubre et sans électricité et des conditions de travail dangereuses, susceptibles d’entraîner des accidents parfois mortels.
    3. 10. Selon les organisations plaignantes, la loi no 4 de 2009 sur le système de parrainage (Kafala) compte parmi les plus restrictives de la région et favorise le travail forcé en multipliant les obstacles pour le travailleur migrant qui voudrait mettre fin à des conditions de travail abusives. En vertu de cette loi, les employeurs peuvent exercer un contrôle sur la liberté de mouvement des travailleurs qu’ils emploient notamment en ce qui concerne leur droit d’obtenir un permis de séjour, de changer d’emploi ou de quitter le pays; concrètement, les travailleurs ne peuvent pas changer d’emploi sans le consentement de l’employeur. La loi no 4 de 2009 dispose que le ministère de l’Intérieur peut ordonner un transfert de parrainage en cas d’abus de la part de l’employeur, mais cette disposition est relativement peu appliquée. Les travailleurs qui quittent leur emploi sans autorisation peuvent être dénoncés aux autorités comme «fugueurs», et la loi ne leur permet pas de se défendre en faisant valoir qu’ils sont victimes de pratiques abusives de la part de leur employeur ou qu’ils ne reçoivent pas de salaire. Ces «fugueurs» sont placés en détention et risquent de devoir payer une amende, d’être expulsés ou de faire l’objet de poursuites pénales. Les coûts correspondants doivent en principe être assumés par l’employeur, mais il arrive fréquemment qu’ils soient à la charge du travailleur et, parfois, du gouvernement ou de l’ambassade du pays d’origine.
    4. 11. Les organisations plaignantes font observer que, bien que la confiscation des passeports des travailleurs soit une pratique illégale, la majorité des travailleurs migrants se voient confisquer leur passeport par l’employeur dès leur arrivée dans le pays. Citant une étude publiée en novembre 2012 par l’Institut de recherche économique et sociale de l’Université du Qatar, les organisations plaignantes indiquent que 86 pour cent des travailleurs expatriés doivent remettre leur passeport aux employeurs, qui sont ainsi en mesure d’exercer sur eux un contrôle permanent. Ce problème ne fait pas l’objet d’enquêtes ou d’un suivi régulier de la part des services d’inspection, lesquels n’effectuent pas dans les entreprises de contrôles systématiques susceptibles d’exercer un effet dissuasif. Il arrive en outre fréquemment que les employeurs ne fournissent pas de permis de séjour aux travailleurs, alors qu’il s’agit pour eux d’une obligation légale. Privés de leurs papiers, les travailleurs voient leur liberté de mouvement réduite dans la mesure où ils risquent d’être arrêtés et n’ont pas accès aux services médicaux et bancaires de base.
    5. 12. Les organisations plaignantes indiquent également que, pour dissuader les travailleurs migrants de tenter de quitter leur emploi, on les menace de ne pas leur verser le salaire qui leur est dû ou de les expulser. Les employeurs peuvent en outre empêcher les travailleurs de quitter le Qatar, en leur refusant le visa de sortie nécessaire.
    6. 13. Les organisations plaignantes allèguent également que les travailleurs n’ont pas accès à un mécanisme de traitement des plaintes approprié. Cette situation s’explique par le fait que les agents du service d’inspection du ministère du Travail ne se rendent dans les entreprises pour s’assurer qu’elles respectent la législation que si une plainte est déposée. Il incombe, par conséquent, aux travailleurs de porter plainte, mais ces derniers ne disposent pas souvent des informations nécessaires sur les mécanismes existants. Il faut également tenir compte des barrières linguistiques; en effet, la plupart des services ne sont disponibles qu’en anglais et en arabe, deux langues que la majorité des travailleurs migrants ne maîtrisent pas. La majorité des 150 inspecteurs du travail que compte le pays ne parlent que l’arabe et un peu d’anglais et ne sont donc pas en mesure de communiquer avec la plupart des travailleurs migrants. Par ailleurs, dans la mesure où les employeurs ont le pouvoir de mettre fin à la relation de travail (ce qui, pour le travailleur concerné, est synonyme d’expulsion), d’annuler un permis de séjour et de refuser un changement d’emploi ou un visa de sortie, les travailleurs ont souvent peur de signaler les abus dont ils font l’objet.
    7. 14. Les travailleurs qui déposent une plainte auprès du ministère du Travail se retrouvent souvent sans revenus ou sans logement légal pendant toute la durée de la procédure, ce qui complique les démarches qu’ils entreprennent pour obtenir réparation. Il est en principe possible de procéder provisoirement à un transfert de parrainage pendant qu’une affaire est en instance, mais, selon les organisations plaignantes, cette option est rarement appliquée. Les travailleurs qui déposent une plainte risquent en outre d’être confrontés à l’obstacle de la langue et de devoir attendre pendant de longues périodes. Quant aux poursuites judiciaires, il est rare qu’une action en justice soit engagée contre les employeurs coupables d’abus.
    8. 15. Les organisations plaignantes fournissent des informations sur la situation de sept travailleurs migrants – sans révéler leur identité – dont ils estiment qu’ils constituent des cas représentatifs. Dans les informations complémentaires fournies, les organisations plaignantes mentionnent plusieurs cas spécifiques, sur la base d’entretiens menés par une organisation non gouvernementale avec 210 travailleurs migrants. Les exemples figurant dans les deux communications concernent diverses situations: confiscation de passeport, notamment le cas d’un employeur exigeant d’être payé pour la restitution du passeport; substitution de contrats, tant en ce qui concerne le niveau de rémunération que la nature du travail; non-versement de salaires; privation de permis de séjour; conditions de travail incluant des horaires excessifs, des violences physiques, des abus sexuels, des mauvaises conditions de logement. D’autres exemples concrets sont fournis: cas de travailleurs n’étant pas en mesure d’accéder au mécanisme de traitement des plaintes ou qui, ayant porté plainte, sont victimes de représailles de la part de leur parrain ou se voient refuser un transfert de parrainage.
    9. 16. Les organisations plaignantes se réfèrent également à la déclaration faite par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants après sa visite au Qatar en novembre 2013. Celui-ci a noté que, bien qu’interdite par la loi, la pratique de la confiscation des passeports par les parrains semble encore largement répandue. Par ailleurs, malgré l’interdiction faite aux agences de recrutement du Qatar d’imposer des frais de recrutement, de nombreux migrants doivent acquitter ces frais dans leur pays d’origine pour pouvoir se rendre au Qatar. Plusieurs migrants ont été confrontés à la pratique de la substitution de contrat: le contrat qu’ils avaient signé dans leur pays d’origine a tout simplement été remplacé à leur arrivée au Qatar par un autre contrat, prévoyant un salaire inférieur et une description de poste différente. Par ailleurs, la disposition de la loi sur le parrainage qui permet au ministère de l’Intérieur de transférer le parrainage en cas d’abus de la part de l’employeur n’a que rarement été appliquée. Le Rapporteur spécial des Nations Unies s’est dit préoccupé par le fait que de nombreux migrants sont exposés à des violations des droits de l’homme sur leur lieu de travail: non-versement des salaires, nombre élevé d’accidents sur les chantiers de construction, conditions de travail dangereuses susceptibles d’entraîner blessures ou décès. Il a également noté qu’il était pratiquement impossible pour la plupart des travailleurs migrants d’accéder au mécanisme de plainte et a regretté le faible nombre de poursuites judiciaires engagées contre les employeurs qui commettent des abus.
    10. 17. En ce qui concerne la traite des personnes, les organisations plaignantes déclarent que la nouvelle législation sur la traite des personnes – la loi no 15 de 2011 – fournit certains outils importants pour combattre le travail forcé dans le pays. Elles indiquent toutefois que le gouvernement n’a eu qu’un succès limité en ce qui concerne les actions en justice engagées dans ce domaine et qu’aucun fonctionnaire n’a fait l’objet d’une enquête ou d’une poursuite pour complicité dans des délits liés à la traite des personnes. Elles allèguent par ailleurs que les autorités ont arrêté, maintenu en détention et expulsé des victimes potentielles de la traite, au motif qu’elles avaient, en quittant leur employeur ou leur garant, enfreint la législation sur l’immigration.
    11. 18. Les organisations plaignantes concluent en affirmant que le gouvernement viole les obligations qui sont les siennes en vertu de la convention en maintenant un système de parrainage qui facilite le recours au travail forcé par les employeurs qatariens et en omettant de mettre en place un mécanisme apte à garantir l’application effective des quelques protections prévues par la loi. Elles rappellent que les travailleurs migrants représentent environ 94 pour cent de la main-d’oeuvre du Qatar (soit 1,2 million de travailleurs). Bien que les responsables gouvernementaux affirment souvent que les travailleurs migrants qui subissent des abus constituent des cas isolés, de tels abus sont fréquents et répandus.
    12. 19. Les organisations plaignantes demandent au gouvernement du Qatar d’abroger ou d’apporter des modifications substantielles à la loi sur le parrainage afin d’empêcher que les travailleurs migrants ne soient assujettis au travail forcé. En attendant l’adoption de ces mesures, les organisations plaignantes recommandent de faire appliquer la loi qui érige la confiscation des passeports en infraction et d’exiger, pour prévenir tout abus, que les travailleurs reçoivent leur permis de séjour dans un délai d’une semaine. Elles demandent enfin au gouvernement de mettre pleinement en oeuvre la loi no 15 de 2011 en multipliant substantiellement les efforts pour enquêter sur les délits de traite des personnes et poursuivre, condamner et sanctionner les auteurs.
  • B. Réponse du gouvernement
    1. 20. Dans ses communications du 10 juillet 2013 et du 22 janvier 2014, le gouvernement fournit des informations sur le cadre général de la législation du travail, le système de parrainage et les mesures qu’il a prises pour combattre la traite des personnes.
    2. 21. En ce qui concerne l’établissement des contrats de travail, le gouvernement indique que la législation en vigueur garantit au travailleur le droit de conclure un contrat et la liberté de quitter son emploi à tout moment et qu’elle ne contient aucune disposition qui impliquerait que les travailleurs doivent travailler contre leur gré. Le gouvernement renvoie à cet égard à l’article 30 de la Constitution, selon lequel la relation entre l’employeur et l’employé est fondée sur un principe de justice sociale applicable à tous les travailleurs, et il précise que ce principe vaut autant pour les nationaux que pour les travailleurs migrants. Le gouvernement renvoie également aux dispositions de la loi du travail (loi no 14 de 2004) suivantes:
      • - L’article 38 dispose qu’il doit exister un contrat de travail écrit, approuvé par l’administration compétente du ministère du Travail, et que ce contrat doit préciser la nature et le type de travail ainsi que le salaire convenu. Le gouvernement souligne à ce sujet que tout contrat de travail qui restreint les droits reconnus aux travailleurs ou qui est contraire à la loi est refusé et ne peut être approuvé qu’une fois modifié.
      • - L’article 45 dispose que l’employeur ne peut pas demander au travailleur d’effectuer un autre travail que celui qui a été convenu, sauf en cas de nécessité (pour prévenir un accident ou remettre les choses en état à la suite d’un accident), à condition que le travailleur perçoive le complément de salaire auquel il a droit en ce cas. L’employeur peut, à titre exceptionnel, demander au travailleur d’effectuer un autre travail que celui qui a été convenu, pour autant que le travail en question soit de nature provisoire, qu’il ne diffère pas fondamentalement de celui qui lui a été initialement assigné, que la demande adressée au travailleur n’ait pas de caractère insultant et que le salaire du travailleur ne s’en trouve pas diminué.
      • - L’article 49 dispose que, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, chacune des parties peut mettre fin à la relation de travail sans donner de raisons. Dans ce cas, la partie qui souhaite résilier le contrat en avise l’autre partie par écrit.
      • - L’article 43 dispose que toute clause d’un contrat de service indiquant que le travailleur s’engage à rester toute sa vie au service de son employeur sera considérée comme nulle et non avenue.
      • - L’article 4 dispose que les droits prévus par la loi du travail constituent les droits minimaux des travailleurs, que toute clause contraire à cette législation sera frappée de nullité, sauf si ladite clause est plus avantageuse pour les travailleurs, et que toute clause impliquant renonciation, atteinte ou dérogation aux droits reconnus aux travailleurs par la loi sera considérée comme nulle et non avenue.
    3. 22. En ce qui concerne les travailleurs domestiques, le gouvernement indique que, bien que cette catégorie de travailleurs ne relève pas du champ d’application de la loi du travail, le ministère du Travail approuve les contrats des travailleurs domestiques de manière à protéger les droits qui y sont spécifiés. Le gouvernement indique que la relation contractuelle se fonde sur les modèles de contrats annexés aux accords bilatéraux conclus avec les pays d’origine.
    4. 23. Le gouvernement indique à ce sujet qu’il a conclu 31 accords bilatéraux avec les pays pourvoyeurs de main-d’oeuvre, accords portant notamment sur les conditions qui doivent figurer dans les contrats de travail consolidés, lesquels garantissent de meilleures conditions que celles prévues par la législation. Il collabore avec les pays fournisseurs de main-d’oeuvre pour établir un accord sur la procédure de recrutement des travailleurs migrants (travailleurs domestiques compris), sur leurs conditions de travail et la protection à laquelle ils ont droit. Le gouvernement indique que le contrat de travail peut soit être conclu dans le pays d’origine du travailleur migrant et certifié par l’ambassade du Qatar établie dans ce pays, soit conclu au Qatar et certifié par le ministère du Travail du Qatar et l’ambassade du pays d’origine du travailleur.
    5. 24. Le gouvernement indique également qu’il a mis en place des mécanismes pour assurer la mise en oeuvre et l’application de ces accords internationaux. Il déclare qu’il tient tout particulièrement à s’acquitter de ses obligations envers les travailleurs migrants et qu’il s’emploie à combattre toutes les formes de travail forcé ou obligatoire. Le ministère du Travail collabore avec les ambassades des pays fournisseurs de main-d’oeuvre pour suivre la situation des travailleurs migrants et remédier aux éventuelles infractions commises par les entreprises.
    6. 25. En ce qui concerne le système de parrainage, le gouvernement indique que ce système ne donne pas lieu à des pratiques répréhensibles et qu’il permet d’assurer un juste équilibre entre les droits des employeurs et ceux des travailleurs migrants. La loi no 4 de 2009 dispose que chaque travailleur migrant bénéficiant d’un visa d’entrée au Qatar doit être parrainé. L’article 5 de la loi prévoit que le travailleur et son parrain doivent se rendre auprès des services compétents dans les sept jours ouvrables suivant l’arrivée du travailleur pour effectuer les tests médicaux requis et procéder au relevé des empreintes digitales. La délivrance du permis de séjour est accordée dès que ces procédures ont été menées à bien, ce qui, sauf obstacle particulier, ne doit pas prendre plus d’une semaine.
    7. 26. Le gouvernement indique que la loi interdit aux travailleurs de travailler pour le compte d’une autre personne que son parrain. S’il apparaît qu’un travailleur travaille pour quelqu’un d’autre, le cas est traité dans le cadre des dispositions légales applicables, et des sanctions sont prises contre l’employeur qui a enfreint la loi. Le parrain est tenu d’informer l’autorité compétente de tout changement de statut du travailleur qu’il parraine. L’article 24 de la loi no 4 de 2009 dispose que le parrain doit assurer le rapatriement du travailleur dans son pays d’origine quand son permis de séjour expire ou est annulé, ou si une ordonnance de rapatriement est émise.
    8. 27. L’article 12 de la loi no 4 de 2009 précise que le ministre ou l’agent mandaté par ce dernier peut, à titre provisoire, opérer un transfert de parrainage en cas de litige entre le travailleur migrant et son parrain. Le ministre peut approuver que le parrainage d’un travailleur migrant (même si celui-ci n’est pas couvert par la législation du travail) soit transféré à un autre employeur si son parrain a commis des abus ou si l’intérêt public l’exige. Le gouvernement indique ainsi que 471 transferts de parrainage ont été opérés entre 2010 et 2013.
    9. 28. Quant aux employeurs qui laissent leurs travailleurs sans document d’identification, le gouvernement fait observer que, sur un plan purement procédural, tout travailleur qui réside légalement dans le pays doit impérativement être muni d’un document d’identification. Dès lors que le travailleur a obtenu son permis de séjour et a mené à terme les procédures correspondantes, un document d’identification lui est délivré.
    10. 29. En ce qui concerne la confiscation des passeports, le gouvernement confirme que cette pratique a existé dans le passé mais qu’elle a aujourd’hui disparu, étant donné que tout employeur qui y recourt sera tenu légalement responsable et fera l’objet de sanctions administratives. Cette évolution est l’aboutissement des campagnes qui ont été menées pour sensibiliser les employeurs à ce problème. Le gouvernement renvoie à cet égard à l’article 9 de la loi no 4 de 2009, qui oblige l’employeur à restituer le passeport ou le titre de voyage lorsque les procédures relatives au permis de séjour ont été menées à terme, ainsi qu’à l’article 52, qui prévoit l’imposition d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 riyals.
    11. 30. Le gouvernement ne nie pas l’existence de cas de retards dans le versement des salaires, mais précise qu’il a pris des mesures radicales et réglé rapidement tous les cas de non-versement de salaire qui ont été portés à son attention. Grâce aux mesures qu’il a prises, cette pratique est en régression et ne concerne plus que quelques cas isolés. Les sanctions administratives prévues dans ce domaine comprennent l’interdiction, pour l’entreprise fautive, de travailler avec le ministère du Travail et le ministère de l’Intérieur, et des initiatives ont été prises en vue d’étendre ce type d’interdiction au ministère de l’Economie et du Commerce.
    12. 31. En ce qui concerne l’imposition de frais de recrutement, le gouvernement indique qu’aucune plainte n’a été déposée contre une agence de recrutement qatarienne au motif qu’elle aurait facturé des frais de recrutement ou les aurait retenus sur le salaire du travailleur. Des travailleurs ont certes signalé que des agences de recrutement certifiées de leur pays d’origine leur avaient imposé le versement de ces frais, mais le gouvernement n’a aucun pouvoir de contrôle sur ces agences. Le gouvernement fournit aux ambassades des pays d’origine de la main-d’oeuvre des noms d’agences de recrutement certifiées, ainsi que la liste de celles qui sont sous le coup d’une interdiction. Les gouvernements des pays d’origine sont également priés de fournir au gouvernement la liste des agences certifiées, liste qui est ensuite communiquée aux employeurs et aux agences de recrutement du Qatar qui collaborent avec des agences de recrutement étrangères.
    13. 32. En ce qui concerne la protection et l’accompagnement des travailleurs migrants, le gouvernement indique qu’il prend des mesures pour: protéger les travailleurs migrants lors du recrutement; surveiller les salaires; leur fournir un logement et des soins de santé convenables; créer un environnement de travail qui garantisse leur sécurité; leur fournir une assistance continue pendant leur séjour dans le pays, notamment en les informant et en les conseillant. Le gouvernement indique également que le Service des relations publiques et la Direction générale des passeports et des affaires relatives aux expatriés prennent contact avec les groupes de travailleurs migrants pour les informer de leurs droits et de leurs obligations. Le gouvernement prend également des mesures pour rappeler aux entreprises qu’elles sont tenues d’assurer la protection des droits des travailleurs migrants dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises.
    14. 33. Le gouvernement souligne le rôle joué par le Département de l’inspection du travail dans la détection des infractions comme dans la protection des droits des travailleurs, droits spécifiés tant dans la législation que dans leur contrat de travail. Les agents de ce département ont effectué 42 586 visites d’inspection en 2011 et 46 624 en 2012 – qu’il s’agisse de visites de routine, d’inspections impromptues ou de contrôles effectués à titre de suivi. Le gouvernement indique qu’il a l’intention d’accroître le nombre d’inspecteurs et d’améliorer la qualité de leur travail, notamment en leur assurant une formation et en faisant appel aux services d’interprètes parlant anglais et maîtrisant en outre les langues parlées par la majorité des travailleurs asiatiques.
    15. 34. En ce qui concerne les travailleurs domestiques, le gouvernement indique que le ministère exerce une surveillance sur les agences qui les recrutent et y effectue régulièrement des inspections, parfois à l’improviste, pour s’assurer que les travailleurs ne sont pas exploités. En 2012, 13 agences de recrutement ont été fermées pour avoir enfreint les dispositions de la loi du travail et de l’arrêté ministériel réglementant les activités de ces agences.
    16. 35. Le gouvernement déclare qu’il autorise les travailleurs migrants à porter plainte et qu’ils peuvent à cet effet utiliser un service d’assistance en ligne, envoyer un courrier électronique ou se rendre au Département des relations du travail. Le nombre de plaintes déposées a diminué, passant de 11 355 en 2010 à 8 668 en 2012. Le gouvernement déclare par ailleurs que le ministère va s’employer à résoudre les conflits opposant travailleurs et employeurs et aider ces derniers à trouver un terrain d’entente. Si aucune solution ne peut être trouvée, le différend sera porté devant le tribunal du travail. Le ministère a d’ailleurs mis en place, au sein de ce dernier, un service d’assistance aux travailleurs qui, à titre gratuit, aide les travailleurs à présenter leurs plaintes selon les formes requises et leur propose un service de traduction dans le cadre des poursuites judiciaires engagées contre leur employeur afin de faciliter et d’accélérer la procédure. Le gouvernement affirme également que l’accès à la justice est garanti aux travailleurs migrants et qu’ils n’ont aucun frais à acquitter à cet égard. La juridiction civile comporte des unités qui s’occupent essentiellement des poursuites engagées par les travailleurs et s’attachent à accélérer les décisions de justice.
    17. 36. Le gouvernement indique que le service du Département des droits de l’homme du ministère de l’Intérieur chargé d’examiner les réclamations est quotidiennement saisi de diverses plaintes et requêtes qui, pour l’essentiel, portent sur les relations de travail entre les travailleurs et leurs parrains. Le Département des droits de l’homme assure une fonction de consultation et de conseil et informe les plaignants de leurs droits.
    18. 37. Se référant à la déclaration du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants, le gouvernement fait observer que ce dernier a souligné plusieurs éléments positifs en ce qui concerne les droits des travailleurs migrants, notamment la disposition de la loi no 4 de 2009 interdisant la confiscation des passeports, l’intention du gouvernement d’accroître le nombre d’inspecteurs du travail, l’élaboration par le gouvernement de la liste noire des entreprises qui exploitent les travailleurs migrants, et les divers mécanismes qui permettent aux travailleurs de porter plainte en passant par le ministère du Travail, le ministère de l’Intérieur et la Commission nationale des droits de l’homme.
    19. 38. Le gouvernement se réfère également à la loi no 15 de 2011 sur la lutte contre la traite des êtres humains, qui interdit la traite à des fins d’exploitation. L’exploitation englobe le travail forcé, la servitude, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage. L’article 2 de la loi rend la traite des personnes passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à sept ans et d’une amende maximale de 250 000 riyals, sanctions qui, dans certaines circonstances particulières, peuvent être portées respectivement à quinze ans et 300 000 riyals. Le gouvernement indique qu’il a adopté une stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes et mis en place le cadre institutionnel nécessaire pour permettre sa mise en oeuvre, laquelle est assurée par la Fondation du Qatar pour la lutte contre la traite des êtres humains, en coopération avec d’autres organismes compétents. Le gouvernement affirme que les travailleurs migrants bénéficient donc d’une protection juridique, sociale et procédurale contre toute forme ou manifestation d’exploitation ou de traite.
    20. 39. Le gouvernement indique qu’il a adopté des politiques équilibrées en matière de recrutement des travailleurs migrants afin d’atteindre l’objectif ambitieux qu’il s’est assigné de construire un Etat moderne à travers la création des conditions nécessaires pour embaucher et conserver un effectif approprié de travailleurs étrangers tout en assurant la protection des droits de ces derniers et en répondant à leurs besoins en matière d’hébergement et de services publics.

    III. Conclusions du comité

    III. Conclusions du comité
    1. 40. Le comité note que la réclamation soulève deux questions principales liées au respect de la convention no 29. La première concerne la situation, dans le pays, des travailleurs migrants soumis à un travail forcé au sens de la convention. La seconde a trait à la responsabilité de l’Etat de respecter son obligation, découlant de la convention, de mettre un terme à l’utilisation du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes. Le comité fait observer que les questions soulevées dans la réclamation se rapportent à l’application de l’article 1, paragraphe 1, de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 25 de la convention.
    2. 41. Le comité doit évaluer la façon dont le gouvernement s’acquitte de son obligation, aux termes de l’article 1 de la convention, de «supprimer l’emploi du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes». A cet effet, il examinera le cadre juridique qui réglemente la situation des travailleurs migrants pour ce qui concerne leur protection contre le travail forcé ainsi que la manière dont ce cadre juridique est appliqué dans la pratique. Une fois cet examen effectué, le comité sera en mesure de déterminer si, au Qatar, sur la base des informations reçues, certains travailleurs migrants sont obligés de travailler dans des conditions qui relèvent de la définition du travail forcé énoncée au paragraphe 1 de l’article 2 de la convention, à savoir «tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de son plein gré».
  • A. Cadre juridique national
    1. 42. En ratifiant la convention, les Etats sont tenus de prendre des mesures, en droit et dans la pratique, afin de s’assurer qu’aucune forme de travail forcé n’est tolérée sur leur territoire. A cet effet, il importe que le gouvernement adopte une législation appropriée, qu’il institue des garanties légales contre toute contrainte au travail qui existerait de fait et qu’il s’assure qu’en cas d’exaction de travail forcé des sanctions adéquates sont infligées aux auteurs de ces infractions..
    2. 43. Tant les organisations plaignantes que le gouvernement se réfèrent à plusieurs textes de lois à cet égard. Le gouvernement fait valoir que la législation nationale, y compris la Constitution, garantit les droits des travailleurs et leur liberté au travail, alors que les organisations plaignantes considèrent que le cadre juridique ne suffit pas à protéger les droits des travailleurs migrants du recours au travail forcé. Le comité constate que plusieurs dispositions du Code pénal criminalisent le travail forcé ou les pratiques directement liées au recours au travail forcé (notamment l’article 322 concernant le fait de contraindre une personne à travailler avec ou sans rémunération et l’article 321 relatif à l’esclavage). Une loi particulière porte en outre sur la traite des personnes (loi no 15 de 2011) et, si elle est convenablement appliquée, constitue un cadre approprié pour lutter contre cette forme de travail forcé. Ces deux textes législatifs prévoient des sanctions qui peuvent avoir un effet dissuasif sur les pratiques de travail forcé. Le comité considère cependant qu’il importe d’examiner la législation concernant le travail et les migrations, laquelle devrait apporter des garanties appropriées pour empêcher l’exploitation des travailleurs migrants dans des conditions relevant du travail forcé.
  • (i) Loi du travail
    1. 44. Le comité note que la loi du travail comporte une série de mesures de protection, et notamment des dispositions concernant le versement régulier des salaires (art. 65 et 66), la sécurité et la santé au travail (art. 99 à 106), le temps de travail (art. 73), les heures supplémentaires (art. 74) et le repos hebdomadaire (art. 75). La loi prévoit aussi que des informations doivent figurer dans le contrat de travail et que chaque contrat doit être approuvé par le ministère du Travail (art. 38). La durée des contrats de travail à durée déterminée ne peut excéder cinq ans (art. 40). Il est interdit aux employeurs de demander aux travailleurs d’effectuer des tâches différentes de celles mentionnées dans le contrat, à de rares exceptions près (art. 45). Pendant un délai d’un an à compter de la fin d’un contrat, tout travailleur qui engage une poursuite judiciaire afin de faire valoir ses droits en vertu de la loi du travail est exonéré de tous frais de justice. Tout en prenant note des sanctions prévues aux articles 144 et 145 pour les infractions concernant la sécurité et la santé au travail, le temps de travail et le repos hebdomadaire, le comité constate que la loi du travail ne prévoit apparemment aucune sanction en cas de violation des dispositions relatives au versement des salaires et aux contrats de travail.
    2. 45. A cet égard, le comité prend note des allégations des organisations plaignantes selon lesquelles le paiement tardif ou le non-paiement des salaires est un problème auquel sont confrontés de nombreux travailleurs migrants et du fait que le gouvernement admet que des retards de paiement des salaires ont effectivement été enregistrés par le passé. Le gouvernement indique cependant que ce problème s’est nettement atténué grâce aux mesures qu’il a prises pour régler tous les litiges portés à son attention dans ce domaine. Tout en accueillant favorablement le fait que le gouvernement reconnaît que le non-paiement des salaires constitue une question importante, l’absence d’informations sur les sanctions infligées en la matière rend difficile l’évaluation de la portée et de l’efficacité des mesures prises par le gouvernement. Le comité encourage donc le gouvernement à intensifier ses efforts pour traiter le problème du non-paiement des salaires, qui constitue une violation grave du contrat de travail. De telles violations contribuent à accentuer la dépendance des travailleurs migrants envers leurs employeurs, qui peuvent ainsi exercer un pouvoir disproportionné à leur encontre.
    3. 46. Le comité note qu’en réponse aux allégations concernant la substitution de contrats le gouvernement invoque l’article 38 de la loi du travail, disposant que tous les contrats doivent être soumis au ministère du Travail. Le gouvernement indique que le ministère refusera d’approuver tout contrat limitant les droits des travailleurs ou contraire à la loi du travail. Tout en reconnaissant que cette disposition pourrait contribuer à protéger les travailleurs contre des pratiques trompeuses, le comité encourage le gouvernement à prendre des mesures pour s’assurer de son application effective, notamment en prévoyant des sanctions en cas d’infraction. Des mesures pourraient également être prises pour mettre en place des procédures visant à s’assurer que les autorités compétentes vérifient que le contrat certifié correspond à l’offre d’emploi initiale acceptée par le travailleur.
    4. 47. Le comité note que la loi du travail impose à toutes les agences de recrutement d’obtenir une licence (art. 29) et leur interdit de facturer des frais de recrutement (art. 33), ces infractions pouvant être sanctionnées par une peine d’emprisonnement d’un mois maximum et/ou une amende. Rappelant que le fait d’imposer aux travailleurs migrants des frais élevés peut conduire à leur endettement et les rendre plus vulnérables, le comité considère que ces dispositions constituent une mesure importante en matière de protection des travailleurs et tient à souligner l’importance de leur application effective. Il note aussi que, selon les organisations plaignantes, la législation n’aborde pas la question des agences de recrutement qui recourent à des organisations apparentées établies à l’étranger, lesquelles facturent ce type de frais. A cet égard, le gouvernement indique qu’il sait fort bien que des frais ont été facturés à des travailleurs dans leurs pays d’origine mais qu’il n’est pas en mesure de contrôler les agissements d’agences de recrutement établies dans d’autres pays. Il ajoute qu’il demande aux gouvernements des pays d’origine des travailleurs migrants de fournir une liste d’agences certifiées pour pouvoir la communiquer aux agences de recrutement qatariennes. Le comité tient à souligner que l’application de dispositions réglementant l’activité des agences de recrutement constitue un outil important pour prévenir les situations de travail forcé. Il accueille par conséquent favorablement les mesures prises pour contrôler ces agences de recrutement, dans la mesure où les pratiques de facturation de frais de recrutement, conjuguées au non-paiement des salaires, accroissent la dépendance des travailleurs et constituent un obstacle sérieux pour ceux qui souhaitent quitter leur emploi. Le comité relève toutefois que la législation ne prévoit apparemment aucune sanction pour les agences de recrutement nationales qui collaborent avec des agences étrangères ne figurant pas sur la liste communiquée, ni n’établit une responsabilité conjointe pour les agences de recrutement qatariennes qui sont associées ou qui collaborent avec des agences étrangères connues pour facturer des frais élevés. Par conséquent, le comité encourage le gouvernement à envisager de prendre des mesures à cet égard.
    5. 48. Le comité relève par ailleurs que les travailleurs domestiques sont exclus du champ d’application de l’article 3(4) de la loi du travail. Tout en notant la déclaration du gouvernement selon laquelle les travailleurs domestiques bénéficient de la protection assurée par le Code pénal, le comité observe que cette catégorie de travailleurs ne dispose d’aucune protection pour ce qui concerne la sécurité et la santé au travail, la durée de travail, la compensation des heures supplémentaires, les périodes de repos journalier et hebdomadaire et les salaires. Il note cependant que, d’après les indications du gouvernement, un projet de loi sur les travailleurs domestiques est actuellement à l’étude. Rappelant que ces travailleurs se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable – en partie du fait du manque de visibilité de leur travail –, le comité considère qu’il est essentiel que soit adoptée de toute urgence une législation garantissant leurs droits au travail et encourage le gouvernement à tenir compte de la convention (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, lors de l’examen de toute législation dans ce domaine. L’adoption d’un cadre juridique assurant les droits au travail des travailleurs domestiques est d’autant plus importante que le pays compte plus de 130 000 travailleurs domestiques.
  • (ii) Système de parrainage
    1. 49. Le comité note que la loi no 4 de 2009 réglemente le système de parrainage dans le cadre duquel les travailleurs migrants sont recrutés et employés et qu’elle impose à tout expatrié ayant obtenu un visa d’ avoir un parrain (art. 18). Si le gouvernement soutient que cette loi maintient l’équilibre entre les intérêts des employeurs et les droits des travailleurs migrants, les organisations plaignantes affirment cependant que la loi en question est l’une des plus restrictives de la région et qu’elle favorise l’imposition du travail forcé en permettant aux employeurs de contrôler les déplacements des travailleurs qu’ils emploient.
    2. 50. Le comité note qu’aux termes de l’article 18 de la loi les expatriés ne peuvent quitter le pays à titre provisoire ou définitif sans être en possession d’un visa de sortie délivré par leur parrain. A cet égard, les organisations plaignantes font valoir que des employeurs ont usé de ce pouvoir d’empêcher des travailleurs de quitter le Qatar pour leur imposer un travail forcé. Le gouvernement indique toutefois que la loi assure une protection contre d’éventuelles pratiques abusives des parrains en permettant aux travailleurs migrants de se déplacer sans l’aval de l’employeur si ce dernier refuse de leur accorder cette autorisation sans raison valable. Le comité note à ce propos que l’article 18 de la loi dispose que, si un parrain refuse d’accorder un visa de sortie à un employé, celui-ci ne peut sortir du pays qu’en fournissant un certificat garantissant qu’il ne fait l’objet d’aucun jugement ou recours de la part des tribunaux compétents, dans un délai de quinze jours après publication de l’avis correspondant dans deux quotidiens. Le comité constate que la procédure à suivre pour quitter le pays sans l’autorisation de l’employeur paraît compliquée, au point de mettre en question son accessibilité et son efficacité.
    3. 51. Le comité prend note de l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle, malgré la disposition imposant au garant de rendre au travailleur son passeport une fois la procédure d’obtention d’un permis de séjour arrivée à son terme (art. 9 de la loi no 4 de 2009), la rétention de passeports reste une pratique très répandue. Les organisations plaignantes affirment qu’il s’agit là d’une autre méthode utilisée par les employeurs pour empêcher les travailleurs migrants de quitter le pays et que les inspecteurs du travail n’effectuent aucun contrôle en la matière. A cet égard, le gouvernement reconnaît qu’il est arrivé par le passé que des passeports soient confisqués, mais soutient que cette pratique n’a plus cours et qu’il a organisé une campagne visant à sensibiliser les employeurs à cette question. Bien que le gouvernement affirme que les employeurs seront tenus juridiquement responsables et encourront des amendes en cas de rétention de passeports, le comité observe que le gouvernement ne fournit aucune information sur les sanctions spécifiques qui ont été infligées à cet égard. Le comité considère que, par principe, les documents d’identité et les passeports doivent rester en la possession des travailleurs. La rétention du passeport prive les travailleurs de leur liberté de mouvement et constitue un obstacle sérieux à la cessation d’une relation de travail, ce qui a pour effet de rendre les travailleurs plus vulnérables aux abus. A cet égard, le comité considère qu’il est essentiel que le gouvernement poursuive et intensifie ses efforts afin de veiller à ce qu’aucun travailleur migrant n’ait son passeport retenu et que les employeurs qui recourent à cette pratique soient dûment sanctionnés.
    4. 52. S’agissant des procédures de résidence, le comité note l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle les employeurs laissent souvent les travailleurs «sans papiers», en ne prenant pas les dispositions voulues pour qu’ils obtiennent un document d’identification en règle. Selon ces organisations, cela empêche les travailleurs de bénéficier des services médicaux et bancaires de base et restreint leur liberté de mouvement puisqu’ils peuvent être mis en détention ou expulsés, s’ils ne possèdent pas ce document. Dans sa réponse, le gouvernement indique que, dès que les travailleurs obtiennent un permis de séjour et ont mené la procédure de résidence à terme, on leur délivre un document d’identification. Notant que l’article 9 de la loi no 4 de 2009 dispose qu’il incombe au parrain de mener à bien les procédures de résidence pour le travailleur migrant, le comité observe que le gouvernement ne donne aucune information sur les éventuelles sanctions appliquées aux parrains qui ne s’acquittent pas de leurs obligations en la matière.
    5. 53. A propos de la liberté de changer d’emploi, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la loi no 4 de 2009 interdit aux travailleurs de travailler avec une autre personne que leur parrain et que des sanctions seront appliquées s’il est avéré qu’un travailleur est employé par quelqu’un d’autre. Il est néanmoins possible de procéder à un transfert temporaire du parrainage d’un travailleur migrant lorsqu’une action en justice a été engagée entre le travailleur et le garant, avec l’aval du ministère de l’Intérieur (art. 12). A cet égard, le comité relève que cette disposition n’a pas été fréquemment utilisée, puisque le nombre de transferts de parrainage approuvés entre 2010 et 2013 (471 transferts) paraît bien faible en comparaison du nombre de travailleurs migrants dans le pays (1,2 million environ). Ces chiffres soulèvent des questions quant à la possibilité, pour les travailleurs migrants, d’avoir recours au transfert de parrainage. Le comité encourage donc le gouvernement à prendre des mesures concrètes pour s’assurer que, dans la pratique, les travailleurs sont effectivement en mesure de recourir à cette procédure et à envisager la possibilité d’étendre les circonstances dans lesquelles les travailleurs peuvent changer d’employeur.
    6. 54. Se fondant sur l’analyse qui précède, le comité constate que, même si certaines dispositions de la loi no 4 de 2009 visent à offrir une protection aux travailleurs tout en tenant dûment compte des intérêts de leurs employeurs, leur application pratique soulève cependant des difficultés, notamment en ce qui concerne la nécessité d’enregistrer les travailleurs, l’interdiction de la confiscation des passeports et la rareté apparente des transferts de parrainage. De plus, peu d’informations ont été données sur les sanctions appliquées en cas d’infraction à ces dispositions. Le comité relève en outre que certaines dispositions de la loi (en particulier celles concernant les limitations relatives à la possibilité pour les travailleurs migrants de quitter le pays ou de changer d’employeur) semblent disproportionnellement restrictives et permettent difficilement aux travailleurs qui pourraient être victimes de pratiques abusives d’échapper à ces situations. Le comité observe que les dispositions législatives qui empêchent un travailleur de mettre fin à son emploi, moyennant un préavis raisonnable, peuvent avoir pour effet de transformer une relation contractuelle fondée sur la volonté des parties en un service imposé et peuvent donc avoir une incidence sur l’application de la convention. Si le comité reconnaît la nécessité de protéger les intérêts des employeurs en ce qui concerne le respect des clauses dûment approuvées du contrat de travail, il estime cependant que les dispositions législatives ne devraient pas avoir pour effet d’empêcher les travailleurs de quitter leur emploi en cas de pratiques abusives ou moyennant un préavis raisonnable s’il sont au bénéfice de contrats de longue durée.
  • B. Application effective
    1. 55. Le comité rappelle que tout cadre juridique doit être assorti de mesures permettant aux travailleurs de faire valoir efficacement les droits que ce cadre leur garantit et d’un système judiciaire efficace qui permette d’appliquer des sanctions adéquates en cas d’infraction au droit du travail ainsi que des sanctions pénales à l’encontre de ceux qui recourent au travail forcé.
  • (i) Inspection du travail
    1. 56. Le comité prend note de la déclaration des organisations plaignantes selon laquelle les inspecteurs du travail ne se rendent dans les entreprises pour s’assurer qu’elles se conforment à la législation qu’en cas de plainte et qu’ils ne contrôlent pas la question de la confiscation des passeports. A ce sujet, le gouvernement indique qu’il a procédé à 46 624 inspections en 2012 (soit environ 310 inspections par inspecteur), dont des visites périodiques et impromptues et des inspections de suivi. Le comité accueille favorablement le fait que le gouvernement ait l’intention d’augmenter le nombre des inspecteurs ainsi que la qualité de leur travail. Se référant aux observations qu’il a formulées ci-dessus au sujet des difficultés que suscite l’application effective du cadre juridique réglementant le travail des travailleurs migrants, le comité souligne l’importance du rôle de l’inspection du travail dans le contrôle du respect des droits au travail de ces travailleurs. En effet, la détection précoce des infractions en la matière constitue une première étape importante de l’identification de pratiques de travail forcé. Par conséquent, le comité considère essentiel que des mesures continuent à être prises pour renforcer les capacités en matière d’inspection du travail, notamment en vue d’assurer la réalisation proactive d’inspections aléatoires non motivées par des plaintes, d’intensifier la formation des inspecteurs du travail à la détection des pratiques de travail forcé, de recruter plus d’inspecteurs maîtrisant les langues parlées par les travailleurs migrants et de favoriser le contrôle régulier, par les inspecteurs, de questions telles que la confiscation des passeports, les conditions de travail et le versement des salaires en temps voulu.
  • (ii)Accès à la justice
    1. 57. Le comité prend note de l’affirmation des organisations plaignantes selon laquelle les travailleurs migrants n’ont pas accès à un mécanisme de traitement des plaintes approprié. Selon ces organisations, les travailleurs se heurtent à des obstacles lorsqu’ils veulent porter plainte en cas d’abus, dont la crainte d’être expulsés, et font face, tout au long de la procédure relative aux plaintes, à des difficultés telles que les barrières linguistiques ou le fait d’être privés de logement et de revenu pendant toute la durée d’un processus de longue haleine. Le comité prend cependant note des déclarations du gouvernement selon lesquelles les travailleurs peuvent porter plainte par le biais d’un service d’assistance en ligne ou de courrier électronique, ou encore en se rendant en personne au Département des relations du travail. Le gouvernement indique qu’il a pris d’autres mesures consistant notamment à exempter les travailleurs migrants de tous frais judiciaire et à créer un service destiné à aider les travailleurs à rédiger et traduire leurs plaintes. Le gouvernement mentionne en outre la mise en place d’un certain nombre de mécanismes de traitement des plaintes, dont le tribunal du travail et le Département des droits de l’homme relevant du ministère de l’Intérieur. Le ministère du Travail s’emploiera à résoudre les différends des travailleurs avec leurs employeurs et à faciliter la réconciliation des parties, sachant qu’en cas d’échec l’affaire sera portée devant le tribunal du travail. A cet égard, le comité note l’absence d’informations sur le nombre de cas résolus ou sur les résultats de tous les cas soumis au tribunal du travail. Il observe que, si la législation prévoit la mise en place de différents mécanismes de traitement des plaintes, les travailleurs semblent rencontrer certaines difficultés à en faire usage. Le comité estime par conséquent que le gouvernement devrait continuer de prendre des mesures pour lever ces obstacles, par exemple en sensibilisant les travailleurs à leurs droits en vertu de la législation nationale – notamment grâce à la traduction des textes législatifs pertinents dans la langue des travailleurs migrants – et en renforçant la coopération avec les pays exportateurs de main-d’oeuvre et les organisations non gouvernementales compétentes dans ce domaine. Le comité rappelle que la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les travailleurs migrants nécessite des mesures proactives qui leur permettent de faire valoir leurs droits sans crainte de représailles, notamment en facilitant leur autonomisation, par exemple à travers le droit de s’affilier à des organisations de leur choix. Il encourage en outre le gouvernement à prendre des mesures pour assurer la protection des victimes présumées du travail forcé, et en particulier des mesures efficaces leur permettant de disposer d’une assistance et d’un hébergement pendant toute la durée des procédures de traitement des plaintes, ce qui constitue un élément important pour garantir leur accès à la justice.
  • (iii) Sanctions
    1. 58. Le comité note que le gouvernement ne fournit pas d’informations sur les sanctions appliquées en cas d’infraction à la loi du travail (loi no 14 de 2004) et à la loi no 4 de 2009, comme cela est indiqué aux paragraphes 45, 50, 51 et 53 ci-dessus. Il note également que la législation ne prévoit pas de sanction pour certaines infractions, et en particulier celles qui concernent le non-paiement des salaires ainsi que le contenu et la certification des contrats, ainsi qu’il est indiqué aux paragraphes 43 et 45 ci-dessus. Le comité souligne qu’il est important de sanctionner effectivement les infractions à la législation du travail, dans la mesure où la détection et la réparation de ces infractions contribue à la prévention des pratiques de travail forcé. De plus, compte tenu des difficultés auxquelles les travailleurs peuvent être confrontés pour accéder aux mécanismes de traitement des plaintes ainsi que des préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants au sujet du faible nombre de procédures judiciaires engagées contre des employeurs, le comité appelle le gouvernement à prendre des mesures efficaces afin que des sanctions appropriées soient appliquées aux employeurs qui recourent à des pratiques de travail forcé, conformément à l’article 25 de la convention. A cet égard, le comité souligne qu’il est important de s’assurer que les entités responsables de l’application des lois et le pouvoir judiciaire sont convenablement formés et sensibilisés aux pratiques de travail forcé dans le pays, notamment parce que l’application de sanctions joue un rôle essentiel pour dissuader ceux qui voudraient recourir à ces pratiques.
  • C. Pratiques de travail forcé
    1. 59. Sur la base de l’analyse ci-dessus et des informations communiquées, le comité examinera si certains travailleurs migrants se trouvent dans des situations relevant du travail forcé, tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, de la convention. Cette définition comprend trois éléments qui doivent être réunis pour qu’une pratique puisse être qualifiée de travail forcé, à savoir l’imposition d’un travail ou d’un service, l’absence d’offre de plein gré (ou de consentement) et la menace d’une peine quelconque.
    2. 60. S’agissant du premier élément, les travailleurs migrants effectuent manifestement un travail, comme le reconnaissent aussi bien les organisations plaignantes que le gouvernement. Quant à savoir si les travailleurs migrants s’offrent de leur plein gré à entreprendre le travail qui leur est confié, le comité prend note de la pratique de la substitution de contrats, aux termes de laquelle les conditions de travail sont différentes de celles promises au moment du recrutement. Le comité considère que la fraude, la tromperie et la substitution de contrats sont des moyens de coercition indirects qui excluent le consentement éclairé du travailleur. Il note que l’expression d’un consentement libre et éclairé est indispensable non seulement quand le travailleur accepte le travail proposé, mais aussi pendant toute la durée de la relation de travail. A cet égard, le comité considère que la pratique de la confiscation des passeports a une incidence majeure sur la liberté de mouvement des travailleurs et peut par conséquent constituer un obstacle lorsqu’ils souhaitent mettre un terme à leur relation de travail. Il relève aussi que, comme il est indiqué précédemment, la loi no 4 de 2009 comporte des dispositions qui pourraient grandement contribuer à limiter la liberté de mouvement des travailleurs migrants, comme les restrictions concernant le changement de parrains et la nécessité de demander un visa de sortie à l’employeur. Cela concourt à accroître la vulnérabilité des travailleurs migrants et a un impact sur leur capacité à reprendre leur consentement libre et éclairé au travail et à mettre un terme à une relation de travail relevant de l’exploitation.
    3. 61. Quant à savoir si certains travailleurs migrants effectuent leur travail sous la menace d’une peine quelconque, le comité rappelle que la notion de peine ne couvre pas uniquement les sanctions pénales, mais bien tout type de sanction et de punition ou toute forme de privation d’un droit. Cela comprend les peines telles que l’expulsion ou l’emprisonnement ainsi que la perte des salaires dus. A cet égard, le comité observe que tant les organisations plaignantes que le gouvernement évoquent la pratique de la retenue des salaires. De plus, il relève que, compte tenu du faible nombre de sanctions infligées aux employeurs qui enfreignent la législation en vigueur, les travailleurs peuvent hésiter à porter plainte et craindre des représailles de la part de leur employeur au cas où ils le feraient. Comme le comité l’a noté ci-dessus, les procédures de traitement des plaintes semblent d’un accès difficile, et les travailleurs confrontés à des situations d’exploitation peuvent donc considérer que la seule possibilité qui leur est offerte est de quitter leur emploi. Toutefois, en vertu de la loi no 4 de 2009, les travailleurs qui quittent leur emploi sans autorisation doivent être déclarés «fugueurs», ce qui peut leur valoir d’être mis en détention et expulsés, de se voir infliger des amendes et/ou de faire l’objet de poursuites au pénal.
    4. 62. Le comité rappelle que toutes les formes d’exploitation au travail ne relèvent pas du travail forcé au sens de la convention. Cependant, sur la base de l’analyse ci-dessus ainsi que des exemples précis fournis par les organisations plaignantes, il apparaît au comité que certains travailleurs migrants présents dans le pays pourraient se trouver dans des situations interdites par la convention en raison de la présence de plusieurs facteurs énumérés précédemment, dont la substitution de contrats, les restrictions auxquelles sont confrontés les travailleurs qui veulent mettre un terme à leur relation de travail ou quitter le pays, le non-paiement des salaires et la menace de représailles.
    5. 63. En conclusion, le comité considère que d’autres mesures doivent être prises par le gouvernement pour respecter son obligation aux termes de l’article 1 de la convention de supprimer le recours au travail forcé sous toutes ses formes. Le comité encourage par conséquent le gouvernement à adopter une approche intégrée afin de prévenir les pratiques de travail forcé et d’assurer leur sanction effective. La protection des travailleurs migrants contre ces pratiques exige la garantie formelle et la mise en oeuvre d’un large éventail de droits au travail, y compris un ensemble de mesures pour contrôler cette mise en oeuvre. Il importe également de veiller à ce que les dispositions de la loi no 4 de 2009 ne servent pas, dans la pratique, à empêcher les travailleurs migrants de mettre un terme à leur relation de travail lorsqu’ils sont victimes de conditions d’exploitation au travail.
    6. 64. Le comité encourage également le gouvernement à recourir à l’assistance technique du Bureau international du Travail pour toutes les questions évoquées dans ses conclusions.

    IV. Recommandations du comité

    IV. Recommandations du comité
    1. 65. A la lumière des conclusions qui figurent aux paragraphes 40 à 64 ci-dessus au sujet des questions soulevées dans la réclamation, le comité recommande au Conseil d’administration:
      • a) d’approuver le présent rapport;
      • b) de prier le gouvernement, compte tenu des conditions de travail auxquelles certains travailleurs migrants peuvent être soumis et afin de s’assurer que ces travailleurs jouissent de la protection prévue dans la convention, de tenir compte des mesures préconisées aux paragraphes 45, 46, 47, 48, 51, 53, 56, 57, 58 et 63, et en particulier:
        • i) de revoir sans délai le fonctionnement du système de parrainage, de sorte que celui-ci ne place pas les travailleurs migrants dans une situation de vulnérabilité accrue face à l’imposition de conditions d’exploitation au travail auxquelles ils ne pourraient se soustraire;
        • ii) de veiller sans délai à ce que les travailleurs migrants puissent accéder à la justice et ainsi faire effectivement valoir leurs droits, notamment en renforçant le mécanisme de traitement des plaintes et le système d’inspection du travail ainsi que les moyens d’action de ces travailleurs;
        • iii) de veiller à ce que des sanctions appropriées soient appliquées aux infractions liées au travail forcé prévues dans le Code pénal, la loi du travail ou la loi no 15 de 2011 sur la lutte contre la traite des personnes;
      • c) d’inviter le gouvernement à fournir des informations sur les mesures prises pour donner effet aux recommandations du comité et, en particulier, des données appropriées sur le nombre et la nature des infractions à la législation pertinente ainsi que sur les sanctions spécifiques appliquées afin de soumettre ces informations pour examen de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations à sa prochaine session en novembre-décembre 2014;
      • d) d’inviter le gouvernement à recourir à l’assistance technique du Bureau international du Travail pour mettre en oeuvre ces recommandations;
      • e) de rendre public le présent rapport et de déclarer close la procédure de réclamation.
    2. Genève, le 24 mars 2014
    3. (Signé)
    4. D. Duan
    5. K. Khamis Mattar
    6. B. Pandey
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