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RECLAMATION (article 24) - FRANCE - C087, C098, C111, C135, C151 - 1987

LA CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL (CGT), L'UNION INTERNATIONALE DES SYNDICATS DU TEXTILE, DE L'HABILLEMENT ET DES CUIRS ET PEAUX

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Rapport No. 250 du Comité de la liberté syndicale, cas no. 1364 -- Réclamation contre le gouvernement de la France présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Confédération générale du travail (CGT). Plainte contre le gouvernement de la France présentée par l'Union internationale des syndicats du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux

Rapport No. 250 du Comité de la liberté syndicale, cas no. 1364 -- Réclamation contre le gouvernement de la France présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Confédération générale du travail (CGT). Plainte contre le gouvernement de la France présentée par l'Union internationale des syndicats du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux

Decision

Decision
  1. Conventions nos. 111 et 151: non-recevable. Procédure close (mars 1986). --- Conventions nos. 87, 98 et 135: déférée au Comité de la liberté syndicale (cas no. 1364). Rapport no. 250, mars 1987.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. 4. Par une lettre en date du 18 février 1986, la Confédération générale du travail (CGT), invoquant l'article 24 de la Constitution de l'OIT, a présenté une réclamation alléguant l'inexécution par le gouvernement de la France des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession) , 19S8, (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et (no 151) sur les relations de travail dans la fonction public, 1978. Dans des communications des 21 mai et 16 septembre 1986, la CGT a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa réclamation. L'Union internationale des syndicats du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux a présenté quant à elle une plainte dans une communication du 1er octobre 1986.
  2. 5. Dans un rapport présenté au Conseil d'administration à sa session de mars 1986, le bureau du Conseil a constaté que les quatre premières conventions susmentionnées ont été ratifiées par la France mais qu'en revanche la convention no 151 n'a pas été ratifiée par ce pays. Le bureau du Conseil a également relevé que la réclamation indiquait sur quels points la France n'aurait pas assuré l'application des conventions nos 87, 98 et 135 mais qu'elle ne contenait pas une telle indication en ce qui concerne la convention no 111.
  3. 6. Dans ces conditions, le Conseil d'administration a décidé, sur recommandation de son bureau, de: a) déclarer non recevable la réclamation présentée contre la France en ce qui concerne les conventions nos 111 et 151; b) déclarer recevable la réclamation présentée contre la France en ce qui concerne les conventions nos 87, 98 et 135; c) renvoyer la réclamation au Comité de la liberté syndicale pour examen.
  4. 7. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications des 5 août 1986 et 16 janvier 1987.
  5. A. Allégations des plaignants
  6. 8. Dans sa réclamation, la CGT déclare que la répression antisyndicale en France a pris, depuis 1984, une dimension et un caractère de gravité très importants. Dans le cadre de sa réclamation concernant les conventions nos 87, 98 et 135, la CGT articule ses allégations autour de cinq points qui se réfèrent chacun aux engagements internationaux souscrits par la France: atteintes aux droits syndicaux dans les secteurs privé et nationalisé, locaux syndicaux et moyens d'action des organisations syndicales, atteintes aux droits des représentants des travailleurs dans les secteurs privé et nationalisé, atteintes au droit à la négociation, répression contre l'exercice du droit de grève et du droit syndical.
  7. 9. Selon la CGT, les atteintes aux droits syndicaux dans les secteurs privé et nationalisé constituent des violations des articles 3, 8 et 11 de la convention no 87 et 1 de la convention no 98.
  8. 10. La CGT explique qu'elle a apprécié positivement les progrès législatifs accomplis en 1982 et 1983 au niveau du droit syndical (généralisation de la section syndicale, représentation des petites entreprises, redéfinition positive de l'objet du syndicat, libertés plus grandes de circulation et de contacts, etc. ). Il n'en reste pas moins, selon elle, que la liberté syndicale reste organisée autour des représentants élus ou désignés et n'a pas été élargie aux salariés ni aux syndiqués avec des droits et des garanties plus concrets.
  9. 11. Pour la CGT, les licenciements économiques sont le moyen privilégié utilisé par les employeurs pour se débarrasser des salariés syndiqués en priorité. De nombreux exemples illustrent cette pratique discriminatoire. Elle estime que l'Administration du travail, saisie des demandes d'autorisation de licencier, n'exerce pas la vigilance et la fermeté nécessaires dans le cadre de ses prérogatives légales.
  10. 12. Les licenciements de grévistes sont fréquents de la part d'employeurs qui refusent brutalement toute reconnaissance des droits syndicaux les plus élémentaires, comme l'entreprise Scapie à Bordeaux et Bègles (Gironde). Des travailleurs font grève pour leurs revendications professionnelles - les grévistes sont licenciés suite à la grève.
  11. 13. Certains employeurs n'hésitent pas à liquider leur entreprise, la dissoudre ou déposer leur bilan pour se débarrasser de la section syndicale comme, par exemple, les entreprises S.G. Etanchéité à Paris (40 salariés), Forclum (150 salariés, fermeture de l'agence de Paris), Coignet (1.500 salariés, dépôt de bilan, création d'une nouvelle société en excluant de la reprise l'agence où la CGT était majoritaire), EGPI, Batinger, Fijon.
  12. 14. Pour la CGT, le licenciement d'Alain Clavaud par la direction de Dunlop-Montluçon (groupe SUMITOMO) pour délit d'opinion illustre, de façon éclatante, certaines pratiques patronales. L'organisation plaignante précise qu'Alain Clavaud a raconté ses conditions de vie au travail, sa vie d'ouvrier de fabrication en poste de nuit sur chaîne, à un journal, l'Humanité, qui a publié son carnet d'impressions du travail. Il lui est reproché d'avoir failli à l'obligation de réserve, contrainte inventée de toute pièce et que ni son emploi ni ce qu'il en a raconté ne peuvent fonder.
  13. 15. Au sujet de la situation syndicale dans les petites entreprises, la CGT rappelle que les principales dispositions législatives en vue de favoriser l'implantation syndicale sur ces lieux de travail reposaient sur l'institution de délégués de site, des commissions locales paritaires, la protection des candidatures de délégués syndicaux et sur l'appel obligatoire annuel de candidatures en vue de l'élection de délégués du personnel, assortie de la publicité sur les procès-verbaux de carence par l'inspecteur du travail. Selon la CGT, les tentatives d'élections de délégués de site ont échoué du fait de l'interprétation restrictive des textes par l'Administration du travail. Un rapport établi par Mme Frachon, député à l'Assemblée nationale, en juin 1985, et le ministre du Travail lui-même reconnaissent que ces dispositions n'ont amené aucun progrès dans la représentation du personnel de ces petites entreprises. L'inertie de l'administration jointe à la position très restrictive des tribunaux, sur la charge de la preuve pour les candidatures, en sont les principales causes.
  14. 16. La CGT estime en outre que, dans certains groupes qui mènent une stratégie antisyndicale drastique, la constitution de syndicats, la désignation de délégués syndicaux, la mise en place de délégués du personnel sont systématiquement vouées à l'échec. C'est le cas, par exemple, pour S.A. Galeries du papier peint, Casino, RCS (ascenseurs) et CGEE-Alsthom. A cette liste, il faut ajouter la situation toute particulière, au regard des libertés syndicales et du système de relations du travail, dans les établissements Citroën, Peugeot et Talbot, où la loi française s'efface derrière la loi patronale, où la répression contre les travailleurs syndiqués et les élus CGT du personnel est menée avec un acharnement sans faille.
  15. 17. Au sujet des locaux syndicaux, la CGT allègue une violation des articles 1, 2 et 3 de la convention no 87. Elle explique que, depuis 1983, les bourses du travail, maisons des syndicats, sièges des unions locales CGT sont l'objet, dans plusieurs villes importantes du pays, de graves attaques de la part des autorités municipales. De tels comportements et ingérences sont, selon elle, gravement préjudiciables aux bourses du travail, aux maisons des syndicats et aux unions locales CGT concernées. Certaines bourses du travail, pourtant dotées de la personnalité morale et de l'autonomie de gestion, ont été supprimées en pleine illégalité. Des bourses du travail, maisons des syndicats et unions locales de syndicats ont été évincées des locaux dont elles disposaient régulièrement et paisiblement depuis de nombreuses années, sans relogement ou sans un relogement convenable et conforme à leurs besoins. Des municipalités, en tentant d'exercer un prétendu droit de reprise des locaux sans proposer l'équivalent, sans en négocier les modalités, ont contribué à désorganiser la vie des organisations syndicales concernées. Dans certains cas, après des semaines de conflit, des organisations syndicales se sont vu imposer un relogement insuffisant, inférieur aux besoins, dispersé pour les diverses organisations syndicales (antérieurement regroupées), éloigné du centre de l'activité économique et administrative locale, ne tenant pas compte de la représentativité réelle et de l'activité des structures syndicales concernées. Très souvent, la CGT a été l'objet d'une attitude de discrimination de la part des municipalités. Le gouvernement français n'a pris aucune disposition ni tenté de mener une action visant à garantir ou à restaurer les droits des bourses du travail, maisons des syndicats et unions locales interprofessionnelles et professionnelles des syndicats CGT à être logées dans des conditions paisibles et satisfaisantes, conformes à leurs besoins, sans menaces liées aux revirements des majorités politiques locales.
  16. 18. A l'appui de ces allégations, la CGT cite un certain nombre de cas concrets où de telles opérations auraient été menées. Ainsi, à Levallois-Perret, le maire de la ville et son conseil municipal ont illégalement dissous la Bourse du travail, sans aucun prétexte tiré d'un motif d'intérêt général. Ils ont, en conséquence, chassé par la force les unions syndicales locales logées à la bourse puis ont dû se résoudre à les reloger. Condamnée à plusieurs reprises par les juridictions administratives françaises, la municipalité de Levallois résiste ouvertement à l'autorité de la chose jugée. La Bourse du travail de Levallois, qui jouit pourtant du statut juridique d'établissement public à vocation sociale, n'a pu retrouver ses droits. Dans plusieurs villes, des bourses du travail dont l'existence remontait au début du siècle, en tout cas à plusieurs décennies, des unions locales de syndicats CGT ont subi les attaques des nouvelles municipalités élues en 1983: Saint-Germain-en-Laye, Chelles, Nîmes, Arles, Fréjus, Noisy-le-Grand, Aulnay-sous-Bois, Franconville, Rosny-sous-Bois, Gagny, Montfermeil, Neuilly-Plaisance, Vaison-la-Romaine, Sète.
  17. 19. Cette offensive contre la mise à disposition bénévole des locaux syndicaux s'accompagne, selon la CGT, de décisions de suppressions ou de diminutions importantes des subventions municipales allouées depuis la création des bourses et unions locales et votées chaque année sur le budget des communes considérées. Dans certains cas, les municipalités ont également supprimé la mise à disposition à la bourse de personnel communal affecté à des tâches administratives.
  18. 20. En outre, à la Bourse du travail de Paris, la CGT, qui, selon elle, est l'organisation la plus représentative des travailleurs, fait l'objet d'une action de la municipalité visant à la priver purement et simplement de ses justes droits de représentation au sein du conseil d'administration, instance dirigeante de la bourse et, ainsi, à lui supprimer une partie importante des locaux et avantages pécuniaires (subventions, emplois) auxquels sa représentativité lui donne droit. Elle est victime d'une double discrimination de la part de la ville de Paris qui, d'une part, a, depuis plusieurs années, logé "hors bourse", dans des locaux modernes, les organisations syndicales adhérant aux autres confédérations et qui, d'autre part, prétend aujourd'hui restreindre à la portion congrue la seule union départementale CGT de Paris dans des locaux vétustes de la bourse et amputer ses moyens de fonctionnement. Cette situation est un facteur de difficultés importantes au fonctionnement quotidien des nombreux syndicats professionnels et locaux organisés au sein de la CGT à Paris.
  19. 21. Au sujet des atteintes aux droits des représentants des travailleurs dans les secteurs privé et nationalisé qui constituent, selon elle, des violations des articles 1 et 2 de la convention no 135, la CGT explique que les représentants des travailleurs élus ou désignés dans l'entreprise bénéficient d'une procédure légale spéciale lorsqu'un licenciement est envisagé par l'employeur. Qu'il s'agisse d'un licenciement pour motif dit personnel ou pour motif économique, aucun licenciement ne peut intervenir régulièrement sans une autorisation préalable de l'inspecteur du travail. Cette autorisation administrative peut elle-même faire l'objet d'un recours hiérarchique devant le ministre et d'un recours contentieux devant la juridiction administrative.
  20. 22. Pour la CGT, les procédures administratives internes ne jouent pas, dans la pratique, pleinement leur rôle pour garantir de façon satisfaisante la protection des représentants contre les menaces patronales de licenciement pour motif économique ou disciplinaire. La responsabilité du ministre du Travail est engagée à cet égard, tant au regard de l'insuffisance du nombre des fonctionnaires affectés à l'instruction et aux enquêtes de ces dossiers qu'au regard de la sous-estimation de l'ampleur et de la gravité de l'offensive patronale contre la représentation des travailleurs, tout particulièrement contre les élus CGT; de la sous-estimation de la portée des décisions administratives et des conséquences qui en résultent directement sur l'activité syndicale dans les entreprises autorisées à licencier.
  21. 23. Cette responsabilité est engagée par le fait que l'administration centrale, agissant sous la responsabilité directe du ministre, manque de fermeté dans la mise en oeuvre de son action auprès des services. L'administration et le ministre n'utilisent pas, lorsqu'ils sont saisis d'un recours hiérarchique, les pouvoirs réels que leur donnent les textes de prendre en considération la protection du droit syndical en s'appuyant sur des motifs d'intérêt général, et cela, selon la formule consacrée, sans porter une atteinte excessive aux intérêts de l'employeur. Enfin, lorsqu'un recours contentieux est introduit devant les juridictions administratives par l'employeur, l'administration centrale du travail défend ses décisions et le dossier de manière très formelle. Les observations statistiques et la connaissance des cas concrets illustrent la gravité de cette offensive patronale contre la représentation CGT dans les entreprises relevant du secteur privé et du secteur nationalisé. Selon la CGT, c'est une stratégie de décapitation des directions syndicales d'entreprises que conduisent les employeurs.
  22. 24. Ainsi, il y a eu 10.500 travailleurs élus et délégués syndicaux licenciés avec autorisation administrative de 1978 à 1982 pour motifs économique et non économique. Selon les éléments d'appréciation dont la CGT dispose (bien que les statistiques officielles n'aient pas été publiées pour la période de 1983 à 1985), c'est à plus de 5.00O qu'il faut chiffrer ces licenciements autorisés pour les seules années 1983 et 1984. Or, de l'avis du plaignant, cette tendance s'est accélérée en 1985. Fin 1984, plus de 1.000 recours étaient sur le bureau du ministre. En augmentation de 40 pour cent sur 1983, la courbe des recours accuse une nouvelle progression de 30 pour cent au premier trimestre 1985.
  23. 25. Pour la CGT, la signification de ces données chiffrées est la suivante: près de 20.000 délégués protégés licenciés en sept ans, de 1978 à 1984, dont 12.000 en quatre ans, c'est-à-dire plus d'un élu CGT sur dix, ce qui est considérable. En outre, ces chiffres ne représentent qu'une partie des militants et responsables syndicaux en réalité touchés (ceux qui bénéficient d'une protection juridique). Les statistiques font apparaître que huit licenciements sur dix le sont à l'occasion de licenciements pour motif économique dans lesquels, par ailleurs, sont compris, en très forte proportion (plus que proportionnelle à l'influence de la CGT), des militants et adhérents syndicaux CGT et des électeurs CGT, les uns et les autres non protégés. La CGT ajoute qu'il est impossible de chiffrer avec précision le nombre de sections syndicales, de comités d'entreprise, de délégations du personnel ainsi anéantis ou amputés (souvent des éléments les plus dynamiques) . Ces mesures ont nécessairement un impact psychologique dissuasif au niveau local sur l'activité syndicale dans les autres entreprises. A l'inverse, elles ne peuvent qu'avoir un effet incitatif sur les employeurs. Une demande sur deux de licenciement de salariés protégés concerne la CGT (pour motif économique ou autre). Le reste est réparti entre la totalité des quatre autres confédérations et les élus non syndiqués. La CGT est donc visée bien au-delà de sa représentativité. Les autorisations des inspecteurs du travail de licenciements de militants CGT pour motif économique s'établissent autour de 68 pour cent. Enfin, pour les autres motifs (disciplinaires), qui représentent une demande patronale sur deux, les autorisations des services sont données dans 40 pour cent des cas; sur recours auprès du ministre pour les 60 pour cent refusés, celui-ci accueille favorablement 40 pour cent des recours patronaux. Les licenciements pour motif dit disciplinaire sont donc élevés et constituent une forme de répression patronale significative.
  24. 26. Selon la CGT, les licenciements économiques, dépôts de bilan, restructurations ont un aspect financier, mais l'aspect antisyndical leur est intimement lié et, dans certains cas, il est évident qu'il passe au premier plan. Un inventaire partiel indique que, sur 3.146 licenciés, 1.854 appartenaient à la CGT. Ce chiffre donne une indication éloquente sur les pratiques discriminatoires des entreprises à l'égard de l'organisation. Le démantèlement de Creusot-Loire en est un exemple probant. Dans un établissement de Chalon-s/Saône (192 licenciements), 80 pour cent des syndiqués CGT sont licenciés (65 sur 80, tout le secrétariat du syndicat et huit . élus CGT). Au Creusot, cette proportion discriminatoire apparaît nettement envers les élus (5 CGT, 2 CFDT, 2 FO, 1 CGC). A Nantes, les principaux responsables CGT, dont le secrétaire général, Gaston Auffray, sont dans le train de licenciements. Le licenciement des trois CGT est confirmé par le ministre du Travail alors que celui des trois CFDT est refusé. A Châteauneuf (Loire), la plus grande partie des 130 licenciés sont CGT ou sympathisants, y compris les trois principaux responsables du syndicat. En outre, pour faire bonne mesure, la direction a engagé une procédure de licenciement contre six militants CGT, pour faute grave, après avoir monté une provocation.
  25. 27. A l'AFO Saint-Nazaire, sur 24 licenciements, 16 concernent des syndiqués et trois, d'anciens délégués CGT. A l'AFO Brest, sur 170 licenciements, 11 touchent des délégués CGT et 22, d'anciens délégués. Les cent soixante-dix licenciés représentent 16 pour cent du personnel et 50 pour cent des élus CGT. A l'AFO Dunkerque, 117 congés de conversion constituent plutôt des licenciements différés. Ils concernent 104 syndiqués et sympathisants connus, le représentant syndical, un délégué du personnel, le secrétaire et un membre du CHSCT, un conseiller prud'homme et dix anciens élus.
  26. 28. La CGT cite en outre des cas, selon elle, encore plus nets où l'action antisyndicale est bien le motif majeur et se présente comme une véritable machination. Ainsi, la société ECVI Bordeaux-Maisons Mallardeau a prononcé, en 1984, 30 licenciements économiques, dont deux délégués CGT, licenciements confirmés par le ministre du Travail contre le recours de la CGT. Quelques mois après, une partie des licenciés ont été réembauchés sous contrat à durée déterminée, sauf les deux délégués CGT. Dans la société EGNEC-Pessac, suite à la création d'un syndicat CGT durant l'été 1984, un syndicat Force ouvrière (FO) a été constitué. Il n'obtint aucun élu aux élections. Deux "sociétés distinctes" ont alors été créées - FO a connu un nouvel échec aux élections dans ces deux sociétés. Par la suite, l'une des sociétés, où travaille le secrétaire du syndicat CGT, a déposé son bilan et, après le licenciement de ce dirigeant syndical, les deux sociétés ont fusionné. Dans l 'entreprise Derruppe-Le Bouscat (métaux), la société reprend ses activités au début de 1985, suite à l'action de la CGT. Aucun des dix élus et militants CGT n'est repris. Des négociations en coulisse ont eu lieu entre la CFDT, la CGC, le nouvel employeur et les pouvoirs publics afin de s'assurer la représentativité dans la nouvelle entreprise contre la CGT qui était auparavant largement majoritaire. Un comité de lutte est constitué avec tous les travailleurs non repris.
  27. 29. Selon la CGT, de multiples autres cas pourraient être cités sur l'utilisation du licenciement économique, le dépôt de bilan, les restructurations, les reprises d'activité. La CGT cite, à cet égard, un écrit d'une Direction départementale du travail (celle de la Loire) à une demande patronale de licenciement économique d'un militant CGT, secrétaire de la section syndicale de la société FOP (outillage à main), à Saint-Etienne, entreprise liquidée en janvier 1985 et reprise par la société UNICUM. Après avoir reconnu qu'il y a relation avec l'activité syndicale, que le licenciement de ce militant risque de compromettre l'existence du syndicat dans l'entreprise et que, professionnellement, rien ne justifie le licenciement, ce fonctionnaire ajoute: ". . . compte tenu que le repreneur fait du licenciement de M. . . . une condition sine qua non pour la reprise de l'activité de la FOP et des 23 emplois qui s'y réfèrent, j 'autorise le licenciement". Dans l'affaire Bata (Dordogne), qui se poursuit à l'heure actuelle, le ministre du Travail a cédé à la pression du trust canadien dans son chantage: fermeture de l'unité de production de 812 salariés ou licenciement de cinq des douze responsables syndicaux CGT, c'est-à-dire ceux que la direction a choisis parce qu'ils sont les dirigeants du syndicat. Ainsi, "sauver l'entreprise" passe par la liquidation de la direction syndicale (cinq salariés sur 812).
  28. 30. La CGT se réfère également au cas du secrétaire général du Bassin des mineurs de charbon des Cévennes, F. Iffernet, et à celui de deux responsables syndicaux des mineurs de Ladrecht (P. Baducco et Saïd Smaïl), qui ont été révoqués par la direction de la houillère du Bassin, en accord avec la direction générale des Charbonnages de France et le ministre de tutelle, le ministre de Redéploiement industriel et du Commerce extérieur. C'est la première fois depuis 1952 que des mesures aussi graves à l'égard de dirigeants syndicaux des mineurs de charbon sont prises. Pour la CGT, elles revêtent la signification d'une agression ouverte et grave contre leurs droits fondamentaux, contre l 'exercice du droit syndical et du droit de grève. Elles interviennent alors que les mineurs ont repris leur action pour défendre, dans l 'intérêt économique et social du pays, l'avenir de leur bassin, de leurs emplois, de leur région menacée de désertification et de mort lente. Ces mesures sont inspirées d'une volonté délibérée de briser la CGT et la lutte des mineurs menée sous son impulsion en frappant les principaux dirigeants syndicaux du bassin minier. Selon la CGT, la démarche s'inspire, de plus, d'une véritable volonté de répression antisyndicale d'une grande violence. Elle a été préparée et s 'accompagne d'un climat de haine contre les mineurs. Plusieurs procès sont intentés contre les dirigeants mineurs pour tenter de les salir et de briser leur résistance. Un autre délégué mineur CGT, A. Tassera, vient d'être également sanctionné, et cette sanction est dictée par les mêmes objectifs antisyndicaux.
  29. 31. La CGT observe en outre, depuis 1985, un développement sans précédent des mesures disciplinaires: blocage des rémunérations des militants au travers de la mise en place des politiques de salaires individualisés; blocage des promotions; non-paiement des heures de délégation; refus d'habilitation en matière d'accès aux zones classées "défense" dans certaines entreprises (Thomson, Matra, Dassault-Aérospatiale); extension de ces zones sous des prétextes non justifiés qui aboutissent à des situations d'interdits de droits syndicaux; isolement des militants, refus de leur donner du travail, tel le cas de M. A. Mattighello, membre du CEF à la Selnor-Lesquin. Dans les faits, ce sont des milliers de militants, de syndiqués CGT, de salariés qui sont victimes de brimades et d'atteintes aux droits et libertés.
  30. 32. Concernant la négociation collective et les atteintes à l'article 4 de la convention no 98, la CGT, très attachée au régime des conventions collectives, considère que le régime légal instauré par la loi du 13 novembre 1982 comporte un principe de discrimination et n'est pas conforme aux règles de la plus élémentaire démocratie qui donnent à la majorité les droits de gouverner ou de légiférer dans toutes les démocraties et que, par voie de conséquence, le "droit des travailleurs à la négociation collective" n'est pas respecté. En effet, si, comme le veut la Déclaration de Philadelphie, tout ce qui concerne la négociation collective repose sur le droit des travailleurs, le régime légal en vigueur en France méconnaît tout à la fois ce droit des travailleurs, la plus élémentaire démocratie et le principe de non-discrimination, dans la phase ultime et décisive de la négociation, celle de la signature et de la validité des conventions et accords collectifs.
  31. 33. A cet égard, la CGT rappelle que, du côté des travailleurs, seules peuvent être valablement appelées à négocier les organisations syndicales considérées comme représentatives: c'est tout à la fois conforme à la nécessité des garanties que sont en droit d'exiger les travailleurs (normalement représentés par des organisations syndicales dans ces négociations) et au respect du principe de non-discrimination dans la réalité pluraliste du syndicalisme français. La convention collective signée s'applique à tous les travailleurs employés dans les entreprises signataires soit directement, soit par le canal de l'organisation d'employeurs à laquelle elles sont affiliées. Tous les travailleurs, cela signifie: indépendamment de l'organisation syndicale à laquelle ils appartiennent ou de leur non-affiliation syndicale. Cela aussi est parfaitement conforme au principe de la non-discrimination. Mais, entre la phase de négociation qui doit, selon la loi, se dérouler dans des formes conformes aux principes, conventions et recommandations de l'OIT et la phase d'application, elle aussi incontestable au regard de ces mêmes critères, intervient l'acte - la signature - qui donne validité à la convention et entraîne son applicabilité. Or, en ce moment, le régime légal français méconnaît le droit des travailleurs, ignore la démocratie et introduit la pire discrimination qui puisse exister, celle qui favorise la minorité et lui reconnaît le droit exorbitant d'imposer sa loi à la majorité. La lettre, l'esprit et l'application sans réserve ni exception des règles en vigueur font qu'une convention collective, fût-elle signée par une organisation réputée représentative très minoritaire, est juridiquement valable pour tous les salariés employés dans les entreprises signataires du côté patronal. Plus encore: si cette convention - s'agissant d'un accord de branche ou interprofessionnel - ne contrevient pas, dans son contenu, aux dispositions légales et réglementaires, rien ne peut s'opposer, du côté des salariés, à ce que son application soit étendue aux entreprises non signataires. C'est ce que le ministre du Travail lui-même a confirmé lors d'un débat à l'Assemblée nationale: "Le ministre du Travail procède ou non à l'extension après une analyse de la légalité du texte et des incidences de celui-ci sur la situation économique et sociale de la branche. Il ne peut refuser d'étendre un accord au motif que le ou les signataires seraient minoritaires; je renvoie donc à ce que je viens de dire. Procéder autrement serait non seulement illégal mais se situerait en retrait par rapport à la situation acquise depuis 1982, dans la mesure où cela mettrait directement en cause la notion de représentativité des organisations syndicales." Cette règle permet et entretient une pratique socialement malsaine et antidémocratique. Par contre, il y a discrimination sur ce point entre les droits des organisations de salariés et ceux des organisations d'employeurs: si une organisation d'employeurs minoritaire est signataire contre la volonté d'organisations majoritaires, l'extension n'aura pas lieu et la convention ne sera appliquée (à tous les salariés) que dans les entreprises affiliées à l'organisation minoritaire.
  32. 34. La CGT signale toutefois que, formellement, la non-conformité aux principes de l'OIT de ce régime est tempérée par deux dispositions, mais celles-ci sont sans portée pratique. L'une concerne les conventions ou accords de branche, l'autre, les conventions ou accords d'entreprise. Dans les deux cas, les dispositions ne concernent que les conventions on accords qui dérogent, dans un sens défavorable aux travailleurs, à la législation et/ou à la réglementation en vigueur, lorsque la loi a préalablement autorisé de telles dérogations. S'il s'agit de conventions ou accords de branche comportant de telles dérogations, ils ne sont applicables qu'après avoir été étendus et rien ne s'oppose à l'extension d'accords minoritaires. La CGT cite un exemple particulièrement caractéristique, selon elle: un accord national sur la durée du travail dans l 'ensemble des industries chimiques, conclu de surcroît dans des conditions irrégulières et signé par une seule organisation représentative, a été étendu malgré l'opposition exprimée par les quatre autres organisations représentatives, très largement majoritaires. S'agissant de conventions ou d'accords d'entreprise comportant des dérogations à la législation et/ou à la réglementation - et seulement dans ce cas -, l'accord ne peut être mis en cause qu'à l'intérieur d'un délai de huit jours après sa signature et par une opposition écrite et motivée d'une ou de plusieurs organisations ayant recueilli ensemble, lors des élections professionnelles, plus de la moitié des voix des électeurs inscrits, ce qui, compte tenu du taux statistique des votants par rapport aux inscrits, représente plus de 70 pour cent des votants.
  33. 35. Pour ce qui concerne le droit de grève, la CGT estime que ce droit est l'objet d'attaques de la part du patronat, tant du secteur privé que nationalisé ou du secteur public. Pour combattre la grève, tenter de neutraliser son efficacité, intervenir sur sa durée, sur la participation des travailleurs, le patronat porte atteinte à l 'exercice des droits syndicaux, s'attaque directement aux représentants syndicaux et aux organisations syndicales. Ces pratiques visent à intimider les travailleurs, à jeter l'opprobe et la vindicte sur les grévistes, à tenter d'isoler, à déconsidérer et à réprimer les dirigeants syndicaux et les élus du personnel. Elles consistent enfin à s'attaquer directement aux moyens des organisations syndicales, notamment en les sanctionnant financièrement et les privant des moyens d'agir. Dans cette action, le patronat utilise sa puissance économique, ses moyens institutionnels, l'arsenal judiciaire, les médias. Selon la CGT, le gouvernement ne mène pas, face à cette offensive d'une ampleur jamais connue, une action visant à défendre les libertés syndicales et l'exercice du droit de grève avec les instruments et les divers moyens d'intervention dont il dispose et qui sont importants (notamment, action de l'administration du travail, définition d'une politique judiciaire, directives aux parquets, etc. ). Il n'a pas accueilli, par exemple, la demande de la CGT de proposer le vote d'une loi abrogeant l'article 414 du Code pénal, vieux de 120 ans, qui a été exhumé pour donner un fondement juridique à l'action des non-grévistes contre les grévistes et les délégués. Or, de plus en plus souvent, le patronat se sert des non-grévistes pour mener l'offensive et les procès contre les responsables syndicaux et les grévistes.
  34. 36. La CGT se réfère en particulier à l 'utilisation des médias, lors des grèves ayant un retentissement national ou régional, afin de conditionner l'opinion publique contre les grévistes, la grève et, par contre-coup, l'organisation syndicale ayant lancé le mot d'ordre de grève ou la soutenant. Ces campagnes visent à déformer ou à passer sous silence les motifs réels de la grève (grève des agents de conduite de la SNCF et de la RATP), à exercer un véritable chantage en mettant en balance la situation de l'entreprise ou de l'économie nationale et les risques qui pèsent sur son avenir du fait de la grève, à présenter le conflit comme poursuivant un objectif antinational, nocif, au mieux, égoïste et sans fondement et à présenter systématiquement la grève comme une action illégale ou illicite, faire peur à l'opinion ou alimenter des réflexes racistes (conflit Citroën).
  35. 37. Selon la CGT, des campagnes idéologiques et offensives sur le plan de la doctrine juridique sont développées en permanence autour des conceptions suivantes: primauté de la défense de l'entreprise pour affronter la crise économique et la concurrence internationale. A cette fin, la "liberté d'entreprise" doit primer l'exercice des libertés syndicales et la grève dès lors présumée fautive et nuisible à l'intérêt général symbolisé par l'entreprise. Le droit de propriété doit primer le droit de grève; assimilation de la grève à une action illégale, illicite ou fautive ou s'accompagnant de comportements condamnables, en prenant appui sur l'évolution de la jurisprudence; assimilation de l'action syndicale à une action délinquante ou de violence. L'occupation des locaux de l'entreprise est illicite, selon la jurisprudence dominante, et elle est représentée comme une forme de délinquance. La polémique dans l'expression syndicale est, pour le patronat, une diffamation sanctionnable, donc coupable.
  36. 38. La CGT allègue également que le patronat des diverses branches met en place une politique dite de "gestion des conflits" s'appuyant sur un appareil important de spécialistes dotés de directives générales, de conseils adaptés aux situations agissant en liaison avec les directions départementales et fédérales, afin de mettre en oeuvre un véritable "plan de guerre" contre les grévistes, les responsables syndicaux et représentants du personnel lorsqu'un conflit se produit. Cette politique est aussi accompagnée d'une politique préventive dite de "gestion des relations sociales".
  37. 39. Selon la CGT, le patronat mène également une stratégie de judiciarisation des conflits, dirigée et coordonnée par ses organisations. Traditionnellement, on relevait que, selon les périodes, de 1 à 3 pour cent des grèves donnaient lieu, dans le passé, à des procès. La jurisprudence de la grève était celle du non-droit ou de l'échec de la grève. Depuis plusieurs années, la situation s'est inversée: il n'est pas rare qu'une grève engendre plusieurs procès introduits à l'initiative de l'employeur, voire des non-grévistes, contre les dirigeants syndicaux, le syndicat d'entreprise ou extérieur à l'entreprise (union locale, union départementale, fédération de branche) et les grévistes. Aussi le patronat introduit-il des procès préventifs d'intimidation, multiplie-t-il les procès tout au long d'un conflit, fait-il des constats en vue de rassembler les éléments nécessaires à l'introduction de procès ultérieurs (pénaux ou en responsabilité civile) et utilise-t'il systématiquement les procédures d'urgence en vue d'obtenir que le tribunal ordonne l'expulsion des locaux. C'est une démarche d'intimidation ou de répression pour faire diversion, pour contraindre l'organisation syndical à assumer la défense de procédures nécessairement complexes et coûteuses. C'est aussi une démarche qui vise à donner une légitimité au chef d'entreprise et, ainsi, échapper à la négociation; elle lui permet de transporter le conflit sur un autre terrain que l'entreprise où il devrait normalement trouver les voies d'une solution par la négociation directe.
  38. 40. Pour conduire ces procès, poursuit la CGT, le patronat utilise les services fort coûteux d'huissiers de justice, présents jour et nuit dans l'entreprise pendant le conflit, chargés de surveiller et noter les moindres faits et gestes des responsables syndicaux et des grévistes, cela en vue de la production des procès-verbaux (ainsi établis unilatéralement) qui serviront de preuve dans des procès ultérieurs. Mais, surtout, il bénéficie de moyens privilégiés d'accès à la justice (maîtrise technique et juridique, existence d'appareils contentieux très opérationnels, banques informatiques de données juridiques, nombreux cabinets d'avocats spécialisés, coûts des procédures financés sur frais généraux des entreprises, etc. ). L'inégalité des moyens est considérable sur tous ces terrains. Sur le plan du coût financier, ni les salariés ni les syndicats, dont les moyens sont très faibles, ne peuvent faire face. Ils sont ainsi souvent conduits à renoncer à des procès, à renoncer à faire assurer leur défense par un avocat.
  39. 41. La CGT signale en outre que, lors des conflits du travail, on voit se créer des associations, sous l'égide de l'encadrement et de la direction patronale, constituées des personnels non grévistes. De telles associations bénéficient de larges moyens pour propager des thèses pro-patronales, intervenir pour la "défense de l'entreprise" et la "liberté du travail", se présenter en victimes des grévistes et agir en justice contre eux et les délégués syndicaux. Elles se livrent à des provocations, organisent des commandos contre les grévistes. Ces associations de fait ou ayant une existence juridique et leurs membres bénéficient de l'aide, du soutien et, en tout cas, de la compréhension des directions patronales dans la conduite des procès intentés par elles ou au nom de leurs membres salariés contre les représentants syndicaux et les grévistes. Elles agissent pour demander l'expulsion des grévistes, mais, plus fréquemment, pour faire sanctionner "l'atteinte à la liberté du travail" et obtenir des condamnations pécuniaires contre les représentants syndicaux et les grévistes.
  40. 42. A l'égard des dirigeants syndicaux, des élus du personnel et des grévistes, la répression patronale prend, selon la CGT, deux voies: celle du licenciement disciplinaire ou pour motif économique, dès que les circonstances le permettent. Dès lors, ils sont condamnés à un chômage prolongé; celle d'une guerre d'usure (brimades, mises à pied, sanctions disciplinaires répétées, vexations, isolements, mutations, blocage dans la promotion professionnelle et la rémunération, entraves diverses à l 'exercice des fonctions, etc. ) dans l'entreprise. En outre, les procédures pénales et civiles sont utilisées systématiquement et massivement pour accréditer l'idée que les élus ont, puisque la justice leur réclame des comptes, commis des actes répréhensibles et pour obtenir des condamnations à des peines d'amende, d'emprisonnement, des contrôles judiciaires, des privations des droits civiques, des condamnations pécuniaires à des dommages-intérêts d'un montant considérable, amendes civiles, frais de procédure. Les employeurs privilégient et systématisent pourtant les poursuites contre les délégués es-qualité ou à titre individuel et contre des grévistes soigneusement sélectionnés. Ils font exécuter les condamnations pécuniaires obtenues par des décisions judiciaires provisoires ou définitives, plaçant ainsi les hommes et leur famille dans des situations dramatiques aux plans moral et matériel.
  41. 43. Les procès en responsabilité civile intentés par les directions patronales et les non-grévistes contre les syndicats d'entreprise ou les structures syndicales extérieures à l'entreprise (unions syndicales de branche, unions locales ou départementales, fédérations, confédérations) sont nombreux. Il s'agit d'une stratégie de guerre ouverte et d'affaiblissement du mouvement syndical qui a pris son essor après les décisions du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation. Elles se fondent souvent sur les prétendus préjudices subis du fait des grèves. De plus, elles s 'étendent à des formes d'action normales et traditionnelles de la vie syndicale qui causeraient un préjudice moral ou matériel à l'entreprise (diffamation, prises de parole, visites au local syndical ou du comité d'entreprise, etc. ). Des entreprises nationales puissantes sont en tête de cette offensive (Renault, Air France, banques nationalisées), de même que des groupes privés importants: Trailor, RTC, GPP, etc. , ainsi que de nombreuses petites et moyennes entreprises bénéficiant du soutien logistique de leur fédération patronale.
  42. 44. La CGT allègue aussi que le patronat recourt à des commandos d'hommes armés, à des gardiens avec des chiens d'attaque, à l'encadrement de l'entreprise, à des milices privées organisées de façon quasi militaire, à des sociétés commerciales de gardiennage pour expulser par la force et la violence des travailleurs grévistes, hors de toute procédure légale, dans des opérations de police privées, à force ouverte, conduites et organisées en pleine illégalité. De telles interventions ont eu lieu en présence des forces de l'ordre, massées autour de l'entreprise, refusant d'intervenir pour faire cesser les exactions au prétexte de n'avoir pas de consignes de la hiérarchie ou d'avoir des consignes de passivité (SEV-Marchal, Ducellier, etc. ). L'intervention des forces de l'ordre a, de plus, dans certains conflits, été utilisée pour créer un climat de tension, impressionner l'opinion ou procéder à l'expulsion des grévistes dans des opérations conduites avec une brutalité particulière (SKF, Ducellier, Plastiques de Gien, Cacharel à Nîmes, Renault-Le Mans, etc.). La CGT relève enfin les recours fréquents, de la part des entreprises, à l'utilisation de main-d'oeuvre extérieure de remplacement pendant les conflits. La législation qui interdit à un employeur de remplacer un gréviste ne vise pas tous les cas possibles (sous-traitance, contrats à durée indéterminée, contrats intérimaires dont la mission a commencé avant le conflit) et ces méthodes sont ainsi encouragées.
  43. 45. En conclusion, la CGT déclare que l'extension systématique des violations des droits les plus élémentaires des salariés démontre à l'évidence que s'est développée une véritable offensive contre les droits syndicaux, individuels et collectifs. Il ne s'agit pas, selon elle, de faits isolés et sans relation entre eux, mais, au contraire, une étroite correspondance apparaît entre une véritable stratégie du patronat privé et public et les diverses pratiques gouvernementales.
  44. 46. Dans sa communication du 21 mai 1986, la CGT fournit un dossier sur le licenciement d'Alain Clavaud et indique notamment que le syndicaliste avait été chargé par son syndicat CGT Dunlop-Montluçon de répondre aux questions d'un journaliste qui effectuait une interview pour l'Humanité dans le cadre d'un reportage sur les conditions de travail d'un ouvrier posté.
  45. 47. Dans sa communication du 16 septembre 1986, la CGT se réfère à d'autres faits qui constituent, selon elle, des atteintes aux droits syndicaux.
  46. 48. Elle mentionne ainsi la dissolution du corps des sapeurs-pompiers de Lorient prononcée par le ministre de l' Intérieur à la suite d'une manifestation revendicative organisée par l'Union locale CGT, le 8 octobre 1985. Les revendications les plus importantes des pompiers portaient sur les rémunérations et le système de retraite. La CGT précise que, par leur statut national, les sapeurs-pompiers professionnels bénéficient du droit de grève et du droit syndical, dont ils usent en respectant rigoureusement les obligations de sécurité qu'ils doivent à la population. Selon la CGT, la police a agressé les manifestants, comme le prouvent tous les témoignages, y compris filmés. Comme d'autres, les sapeurs-pompiers ont dû se défendre contre des violences physiques exercées sans justification. Contre l'évidence, le gouvernement a affirmé que les policiers avaient été agressés. Il a de plus fait grief aux pompiers d'avoir manifesté en uniforme alors qu'aucune interdiction de cet ordre n'avait jamais été prononcée. Le gouvernement a également invoqué le refus des agents de donner des cours de secourisme et de participer aux jurys d'examen qui les sanctionnent, alors qu'il ne s'agit que d'une participation volontaire et bénévole ainsi que leur refus de participer à des services de sécurité pendant certains spectacles, qui était pourtant annoncé longtemps à l'avance, ce qui permettait aux autorités municipales de prendre toutes dispositions nécessaires. A la suite de l'arrêté de dissolution du corps des sapeurs-pompiers, le maire a réduit ses effectifs de 92 à 76 agents. Les 16 fonctionnaires suspendus étaient tous syndiqués à la CGT et comprenaient tons les membres du bureau de la section syndicale. Par la suite, six seulement, dont un seul membre du bureau, furent repris. La CGT précise que la procédure employée ne permet aucun droit de défense ni de représentation syndicale. Les fonctionnaires exclus ont été reclassés dans des emplois de la ville de Lorient mais ont perdu une part importante de leur rémunération.
  47. 49. La CGT cite également le cas de l'entreprise RTC de Dreux (groupe Philips) où des non-grévistes, sur incitation de la direction et d'agents de maîtrise, ont assigné les dirigeants syndicaux de l'entreprise comme instigateurs d'une grève de protestation contre des licenciements collectifs en paiement des salaires perdus. Dix dirigeants élus ont été ainsi condamnés par le Conseil des prud'hommes de Dreux à payer solidairement 400.000 francs à 350 non-grévistes. Ils subissent des saisies-arrêts sur leurs salaires allant de 60O francs à 2.500 francs. Un pourvoi en cassation a été formé contre ce jugement mais ne connaîtra son aboutissement que dans plusieurs années.
  48. 50. La CGT se réfère aussi au licenciement d'un délégué syndical de la Société routière Colas de Caen, dirigeant de la Fédération nationale des travailleurs de la construction qui, à la suite d'un mot malheureux prononcé envers un de ses collègues, a été licencié pour faute grave bien que, dans un premier temps, l 'Inspection du travail et le ministre du Travail avaient refusé le licenciement.
  49. 51. Dans la société de prêt-à-porter Goutille, sise à Roanne, dont les biens étaient en liquidation judiciaire, le personnel a décidé de récupérer le stock de tissu et de le placer sous sa protection afin d'éviter sa vente à bas prix et de permettre un redémarrage de l 'entreprise, ce qui a effectivement eu lieu. Malgré cela, 28 mois plus tard, le Tribunal correctionnel de Roanne a condamné cinq travailleurs à six mois de prison avec sursis, et à 2.000 francs d'amende chacun et à 964.975 francs de remboursement au syndic. Sur appel des intéressés, la Cour d'appel de Lyon a condamné quatre d'entre eux à cinq ans d'interdiction d'exercice des droits civiques et l'un d'entre eux à 2000 francs d'amende, et les cinq travailleurs à payer 500.0OO francs solidairement au syndic.
  50. 52. Enfin, la CGT tout comme l'UIS du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux, dans sa plainte, mentionnent le cas des établissements Marbot appartenant à la société multinationale Bata. En juin 1985, cette société a annoncé un plan de restructuration qui aboutit à 150 licenciements, dont deux délégués CGT, lesquels sont refusés par l'Inspection du travail. Après le dépôt de bilan des établissements Marbot, la société Bata a fait reprendre l'entreprise par une autre de ses filiales, la Compagnie française textile, ce qui provoqua 300 nouveaux licenciements dont 21 délégués syndicaux. Les délégués refusant de quitter l 'entreprise car aucune autorisation de licenciement n'avait été demandée, l 'entreprise adopta un dispositif pour monter les autres salariés contre les élus: coupures de courant et lock-out. En outre, un commando a agressé avec une rare violence les intéressées, entraînant pour l'une d'entre elles un arrêt de travail de plusieurs semaines avec hospitalisation. Finalement, l'entreprise a demandé l'autorisation de licenciement mais a en même temps menacé de fermer l'usine au cas où elle ne serait pas accordée. L'inspecteur du travail n'autorisa que huit licenciements sur les 21 demandés. Toutefois, les 13 délégués maintenus se virent refuser l'entrée de l'usine. En outre, à la suite de l'appel de l'entreprise, le ministre du Travail autorisa le licenciement des cinq responsables principaux de la CGT. Les délégués restants sont tout de même victimes d'agissements de la direction: quatre d'entre eux sont totalement isolés et les antres sont aussi contraints de ne pas bouger. Il est en outre interdit aux salariés de leur adresser la parole sous peine de sanctions.
  51. B. Réponses du gouvernement
  52. 53. Dans sa réponse du 5 août 1986, le gouvernement relève en premier lieu le caractère polémique et très général de la réclamation selon laquelle la "répression antisyndicale a pris depuis 1984 une dimension et un caractère de gravité très importants, la CGT, ses organisations, ses dirigeants et les travailleurs qui luttent pour faire valoir leurs droits économiques, sociaux et professionnels légitimes constituant la cible privilégiée des attaques".
  53. 54. Au sujet plus particulièrement des atteintes aux droits syndicaux dans le secteur privé et nationalisé, le gouvernement observe que la CGT commence par faire référence à des articles déterminés des conventions nos 87 et 98, ratifiées par la France, puis cite "les progrès législatifs accomplis en 1982 et 1983 au niveau du droit syndical" tout en regrettant que la "liberté syndicale reste organisée autour des représentants élus ou désignés et n'ait pas été élargie aux salariés ni aux syndiqués avec des droits et des garanties plus concrets". D'après le gouvernement, les articles L.122-45 et L. 412-2 du Code du travail ont pour objet d'assurer la protection, tant au niveau de l'embauche que de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, des salariés adhérant à un syndicat. Les dispositions combinées de ces deux articles permettent de sanctionner, sur le plan pénal et civil, tout employeur qui prendrait en compte l'appartenance d'un salarié à une organisation syndicale pour arrêter ses décisions, notamment en matière de licenciement. Cette protection a été encore récemment étendue par la publication en 1985 de deux textes de loi, l'un ajoutant aux dispositions de l'article L.122-45 "l'exercice normal du droit de grève" (loi no 85-772 du 25 juillet 1985), l'autre introduisant la nullité des mesures disciplinaires contraires à ce même article (loi no 85-10 du 3 janvier 1985). Le gouvernement estime qu'il est inexact d'affirmer que seuls sont protégés les représentants élus ou délégués et que le droit de se syndiquer des salariés ne repose pas sur des droits et des garanties concrets.
  54. 55. Au sujet des licenciements de grévistes, de la dissolution-sanction de certaines entreprises en vue d'éliminer la section syndicale et de la liberté d'expression syndicale et politique des syndiqués, le gouvernement observe que les références apportées sont le plus souvent insuffisantes et qu'elles rendent les vérifications difficiles. Certains exemples, cependant, ont pu donner lieu à contrôle de l 'administration centrale du travail et sont tout à fait significatifs estime le gouvernement. Ainsi, au sujet du dépôt de bilan intervenu à l'entreprise Coignet et de la création d'une nouvelle société excluant de la reprise l'agence où la CGT était majoritaire, il est exact que dans le cadre du règlement judiciaire de la société Coignet-entreprise et de sa reprise par la société nouvelle Coignet-entreprise, l'établissement de Paris a effectivement été fermé. Cette décision résulte toutefois du pouvoir de gestion du chef d'entreprise et aucune autorité administrative ne peut s 'y opposer. Aucun élément probant ne permet d'ailleurs d'établir de lien entre cette fermeture et la présence d'une représentation du personnel CGT majoritaire dans cet établissement. Bien au contraire, la situation de l'entreprise, dans son ensemble, tend à doter cette décision d'un caractère économique et non discriminatoire. Saisi d'un recours hiérarchique portant sur les décisions prises par les inspecteurs du travail compétents en matière de licenciement des représentants du personnel, le ministre du Travail s'est attaché à maintenir une représentation du personnel dans les divers établissements de l'entreprise en Ile-de-France, en refusant le licenciement de six délégués dont trois rattachés à l'agence de Paris. Ces trois derniers salariés ont dû être reclassés au sein de l 'entreprise, ce qui montre l'efficacité de la lutte contre la discrimination menée par l'administration du travail.
  55. 56. Au sujet de la liberté politique et syndicale des salariés, le gouvernement affirme que l 'affaire Clavaud constitue un bon exemple du caractère tendancieux de la réclamation de la CGT. En effet, la confédération plaignante rappelle le licenciement d'Alain Clavaud par la direction Dunlop-Montluçon (groupe Sumitomo) à la suite de la publication dans le journal "L'Humanité" de son carnet d'impressions de travail, carnet dans lequel Alain Clavaud racontait ses conditions de vie au travail, et sa vie d'ouvrier de fabrication en poste de nuit sur chaîne. Elle estime que l'obligation de réserve à laquelle il lui est reproché d'"avoir failli" est une contrainte inventée de toutes pièces que ni son emploi, ni ce qu'il en a raconté ne peuvent fonder. Or en l'occurrence, d'après le gouvernement, cette réclamation est particulièrement malvenue puisqu'une instance est engagée devant les tribunaux judiciaires et qu'au surplus, au cours de cette instance, le ministère public a réclamé la réintégration d'Alain Clavaud chez Dunlop à titre conservatoire. Le ministre du Travail avait d'ailleurs auparavant demandé lui-même à la direction de Dunlop de revenir sur sa décision, tout en réaffirmant, à la suite du refus de celle-ci, que la décision appartenait désormais au tribunal des prud'hommes. Ainsi que l'indique l'ordonnance de référé dont le texte figure dans le dossier fourni par la CGT à l'appui de sa réclamation, M. Clavaud a présenté devant le Conseil des prud'hommes de Montluçon, le 4 février 1986, une demande de référé tendant à "la reprise de son travail dans les plus brefs délais". Le Conseil des prud'hommes, au cours de son audience du 20 février, a estimé dans ses attendus que "pour apprécier et établir le caractère manifestement illicite de la sanction infligée au salarié, il faut obligatoirement analyser les motifs de licenciement et contrôler si cette sanction ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse qu'il n'appartient pas à la juridiction des référés de trancher". En conséquence, le Conseil des prud'hommes s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties "à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront devant la juridiction de fond". La Cour d'appel, saisie à son tour, a confirmé ce jugement et c'est alors seulement que M. Clavaud a introduit un recours devant la juridiction prud'homale de Montluçon selon la procédure normale. Le tribunal des prud'hommes s'est réuni le lundi 23 juin. Après l'échec d'une tentative de conciliation, il a écouté les plaidoiries présentées par les parties. M. Clavaud a demandé la nullité de la décision de licenciement et sa réintégration ainsi que le remboursement des salaires correspondants à la période où il n'avait pu travailler de ce fait. Le tribunal, après délibération, a renvoyé sa décision au 29 septembre 1986.
  56. 57. Dans cette affaire, le gouvernement estime avoir utilisé ses pouvoirs pour obtenir la réintégration de M. Clavaud dans le respect du principe de l'indépendance du juge. Il déclare qu'il appartient maintenant à l'autorité compétente de trancher ce litige et que la plainte de la CGT est prématurée.
  57. 58. Dans sa communication du 16 janvier 1987, le gouvernement indique que de nouveaux éléments sont intervenus dans cette affaire: le Conseil des prud'hommes, réuni le 24 novembre 1986, a déclaré le licenciement de M. Clavaud "nul" et ordonné à son employeur "la poursuite du contrat de travail sous astreinte de 500 francs par jour de retard à partir du 24 novembre". L'avocat de la firme a déclaré qu'il ferait appel mais le Conseil des prud'hommes ayant ordonné l'exécution de ce jugement la réintégration de M. Clavaud est de droit. La firme Dunlop Sumitomo est aussi condamnée à verser à M. Clavaud une indemnité correspondant au salaire non versé depuis le 24 janvier, au franc symbolique de réparation du préjudice moral et à verser 3.000 francs de provisions sur les frais de justice.
  58. 59. Au sujet de la situation syndicale dans les petites entreprises, le gouvernement relève que la CGT regrette que les tentatives d'élections des délégués de site aient échoué, "du fait de l'interprétation restrictive des textes par l'administration du travail". Pour le gouvernement, il est clair que pareil grief ne peut s'appuyer sur le non-respect des conventions internationales ratifiées par la France qui ne comprennent rien de précis à ce sujet. Il explique que la législation nationale prévoit seulement pour sa part (article L.421-1 du Code du travail) la possibilité d'élections de ce type, que le délit d'entrave existe en France (article L.481-2) et qu'il appartient aux syndicats de saisir l'inspection du travail s'ils estiment qu'un problème se pose dans une entreprise, grande ou petite. Aux termes des articles L.481-2, L.482-1 et L.483-1, l'entrave à la désignation des délégués syndicaux, à l'élection des délégués du personnel ou à la constitution du comité d'entreprise et les entraves à l'exercice régulier des fonctions de ces organes de représentation constituent un délit puni d'un emprisonnement et/ou d'une amende.
  59. 60. En ce qui concerne donc le droit d'organisation et de constitution de sections syndicales et de mise en place des institutions représentatives, le gouvernement souligne que des interventions appropriées auprès de l 'inspection du travail sont à même de régler les conflits. Dans le cas de la CGEE-ALSTHOM cité par la CGT, le gouvernement observe qu'à la suite de l'intervention de l'Union nationale des syndicats CGT, en date du 12 décembre 1984, une vaste enquête a été menée par les services de l 'inspection du travail dans les divers établissements de la CGEE-ALSTHOM où les atteintes au droit syndical étaient signalées. Cette enquête a mis en lumière l 'existence de difficultés réelles rencontrées par les sections syndicales et les institutions représentatives du personnel dans les établissements de Levallois, Nanterre, Bègles et Carpiquet notamment. Les entraves apportées à la mise en place ou au fonctionnement de ces instances ont été relevées par voie de procès-verbal par les inspecteurs du travail compétents. Les inspecteurs du travail, dans le cadre de leur rôle de médiateurs, ont permis par leurs interventions de régler certaines situations conflictuelles, notamment pour l 'établissement d'Ivry. Par ailleurs, saisis de demandes de licenciement de représentants du personnel, l'inspection du travail et le ministre ont exercé un contrôle strict sur une éventuelle discrimination. C'est ainsi qu'en 1985, les licenciements de trois délégués syndicaux des établissements de Carpiquet, Nanterre et Belfort ont été refusés sur recours hiérarchique.
  60. 61. En ce qui concerne "la situation toute particulière au regard des libertés syndicales et du système des relations du travail dans les établissements Citroën, Peugeot, Talbot" dénoncée par la CGT, il convient de tenir compte de l'évolution de la situation sociale et des relations professionnelles au sein du groupe PSA depuis 1982, estime le gouvernement. En effet, si à cette date la situation conflictuelle rencontrée au sein de l'entreprise Citroën avait nécessité l'intervention d'un médiateur et d'un mandataire de justice chargés de mettre en place le processus d'élection des délégués du personnel, les relations professionnelles ont depuis repris leur cours normal. Les élections professionnelles, objet d'un lourd contentieux avant 1982, se déroulent à présent sans qu'aucun problème majeur ait été porté à la connaissance des services de l'inspection du travail. Il en va de même pour Talbot qui, après avoir connu une situation sociale difficile dans les années soixante-dix, ne donne plus lieu à entrave à la mise en place et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel. En ce qui concerne enfin Peugeot, aucune intervention de la CGT auprès des services de l'inspection du travail n'a été portée à la connaissance du gouvernement qui ajoute que, à l'inverse, une plainte d'une autre organisation syndicale, en 1985, intéressant l'établissement de Mulhouse a donné lieu à une demande d'enquête de la part du ministre du Travail auprès de ses services extérieurs. Il précise que les atteintes au droit syndical signalées s'étant avérées établies, l'inspection du travail a dressé procès-verbal à l'encontre du directeur de l'établissement concerné. Selon lui, dans cette entreprise comme dans les deux autres, sans que l'on doive nier l'existence de problèmes ponctuels rencontrés par les représentants du personnel dans certains établissements (qui en tout état de cause font l'objet d'intervention des services de l'inspection du travail là où ils sont signalés), aucune difficulté majeure dans le fonctionnement des institutions représentatives du personnel ne peut être retenue actuellement. Concernant les sanctions disciplinaires et, en particulier, les licenciements touchant les salariés syndiqués, outre l'existence de recours possibles auprès du juge du contrat de travail, aucun litige n'a été soulevé auprès des services de l'inspection du travail. A l'inverse, en ce qui concerne des licenciements de représentants du personnel, le ministre a été appelé à statuer sur des dossiers de licenciements économiques visant des délégués de l 'entreprise Citroën. Saisi d'un recours portant exclusivement sur des délégués CGT et CFDT, dont l'entreprise Citroën souhaitait obtenir le licenciement pour motif économique, le ministre a opposé un refus sur la base de la non-discrimination. En conclusion, selon le gouvernement, l 'autorité administrative a toujours veillé au respect des lois et règlements en vigueur en matière de mise en place et de fonctionnement des institutions représentatives du personnel au sein du groupe PSA et ce dernier n'a pas méconnu ses droits et ses devoirs en matière de licenciement.
  61. 62. Au sujet des locaux syndicaux et des moyens d'action des organisations syndicales, le gouvernement relève que la réclamation de la CGT se réfère expressément aux articles l, 2, 3 et 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, avant d'affirmer que la liberté syndicale qui suppose des moyens d'action adéquats est entravée. Il fait remarquer que les articles précités, s'ils établissent le droit, pour les travailleurs et les employeurs, de "constituer des organisations de leur choix, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité sans être sujets à dissolution ou à suspension par voie administrative" ne prévoient, en aucune manière, des prestations positives de la part de l 'Etat ou des collectivités locales. Toutefois, il admet que, traditionnellement, des organisations syndicales disposent de certains avantages de la part de municipalités qui mettent volontiers à leur disposition, à titre bénévole, des locaux et des moyens et il conçoit que ces organisations syndicales y soient attachées, jusqu'à y voir des droits acquis.
  62. 63. Le gouvernement estime que, si certaines contestations se produisent à la suite de changements de majorité dans les municipalités, il appartient aux tribunaux administratifs de distinguer en la matière ce qui relève de la "voie de fait" et ce qui relève de la "voie de droit" et il affirme que ceux-ci s'y emploient effectivement comme le montre l'exemple apporté de manière incomplète par la CGT, concernant la Bourse du travail de Levallois-Perret. En fait, d'après le gouvernement, par une lettre en date du 22 juillet 1983 et par une décision du conseil municipal de cette ville du 28 septembre 1983 "portant modification de l'affectation des propriétés communales", le maire de Levallois-Perret avait avisé le secrétaire de la Commission administrative de la Bourse du travail du "transfert de la direction générale des services techniques de la mairie dans les locaux actuels de la Bourse du travail" sans proposer d'autres locaux. Cette décision revenait, selon les syndicats intéressés (CGT, CFDT, CGC, FO, SNI), à supprimer purement et simplement la Bourse du travail de Levallois-Perret, créée par délibération municipale en date du 9 février 1966. Considérant que les conditions de l'exécution forcée de la délibération du 28 septembre 1983 n'étaient pas réunies, la CGT a présenté une requête en annulation de cette décision auprès du Tribunal administratif de Paris. Par décision du 7 novembre 1984, le tribunal administratif a annulé la délibération attaquée, en considérant que la décision de réaffectation des locaux supposait une décision de suppression de la Bourse du travail qui n'avait pas été prise par le conseil. En conséquence, par décision du 28 mars 1985, le conseil municipal de Levallois-Perret a annulé la décision de création de la Bourse du travail en date du 6 mars 1966 et supprimé comme tel cet organisme. Par ailleurs, la municipalité a mis gratuitement à la disposition des différentes organisations syndicales deux locaux à Levallois. L'un d'entre eux est occupé par l 'union locale CGT de Levallois et par des militants CFDT. L'union locale CGT a marqué son mécontentement devant cette situation, compte tenu notamment de la nature exiguë des locaux et de l 'absence de salles de réunion. Cependant, selon le gouvernement, après sa décision du 28 mars 1985, la position juridique du conseil municipal est bien meilleure qu'auparavant et la situation actuelle risque de durer malgré un nouveau recours introduit devant le Conseil d'Etat. Le gouvernement conçoit que cette situation ne donne pas satisfaction à la CGT. Toutefois, estime-t-il, à partir du moment où l'irrégularité juridique dénoncée par le Tribunal administratif de Paris a été corrigée par une nouvelle délibération du conseil municipal, prenant en compte la décision du tribunal, on ne voit pas comment, sauf nouveau recours devant la juridiction administrative, cette nouvelle situation pourrait être remise en cause. Sur le plan des faits, l'union locale de la CGT a été relogée par la municipalité et c'est là l'essentiel.
  63. 64. En ce qui concerne la Bourse du travail de Paris, le gouvernement observe que la CGT dénonce une action de la municipalité "visant à la priver purement et simplement de ses justes droits" au sein du Conseil d'administration, instance dirigeante de la Bourse du travail. Le gouvernement reconnaît qu'un arrêté récent du maire de Paris a modifié la répartition des sièges au sein du Conseil d'administration de la Bourse du travail, en s'appuyant sur les résultats des élections syndicales aux caisses primaires d'allocations familiales en 1983, ce qui a eu pour effet de faire perdre à la CGT la majorité qui lui était habituellement attribuée. Il affirme, cependant, que cette décision qui résulte du pouvoir propre reconnu au maire de Paris par le décret du 3 avril 1970, modifié en 1978, ne pouvait être modifiée par aucune autorité administrative et qu'il appartenait au seul juge administratif de statuer éventuellement sur la légalité de cette décision, mais qu'aucun recours n'a été déposé.
  64. 65. Le gouvernement relève que la CGT ne fournit aucun élément matériel d'information concernant d'autres bourses du travail qui auraient fait l'objet de comportements ou d'ingérences critiquables de la part des municipalités élues en 1983 et qu'aucune plainte n'est parvenue à ce sujet à l'inspection du travail.
  65. 66. Au sujet des atteintes aux droits des représentants des travailleurs dans le secteur privé et nationalisé, le gouvernement déclare que la convention no 135, à laquelle il est fait référence, prévoit pour les représentants des travailleurs dans l'entreprise "une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale ou leur participation à des activités syndicales". Il explique que de fait, en France, qu'il s'agisse d'un licenciement dit personnel ou pour motif économique, aucun licenciement d'un représentant des travailleurs ne peut intervenir régulièrement sans une autorisation préalable de l'inspecteur du travail. Cette autorisation administrative peut elle-même faire l'objet d'un recours hiérarchique devant le ministre et d'un recours contentieux devant la juridiction administrative. Or, observe le gouvernement, la CGT estime que les procédures administratives internes qui viennent d'être rappelées ne jouent pas, dans la pratique, pleinement leur rôle pour garantir de façon satisfaisante la protection des représentants des travailleurs contre les menaces patronales de licenciements pour motif économique ou disciplinaire. Elle estime que la responsabilité du ministre du Travail est engagée à cet égard et incrimine: "l 'insuffisance du nombre des fonctionnaires affectés à l'instruction et aux enquêtes de ces dossiers; la sous-estimation de l'ampleur et de la gravité de l'offensive patronale contre la représentation des travailleurs, tout particulièrement contre les élus CGT; et la sous-estimation de la portée des décisions administratives et des conséquences qui en résultent directement sur l'activité syndicale dans les entreprises autorisées à licencier. L'administration centrale, agissant sous la responsabilité directe du ministre, manquerait de fermeté dans la mise en oeuvre de son action auprès des services, . . .."
  66. 67. D'après le gouvernement, l'ensemble de cette argumentation montre le glissement auquel procède la centrale syndicale dans son recours, qui consiste à traiter comme un élément d'une bataille politico-syndicale ce qui doit donner lieu à jugement, au coup par coup, compte tenu de la situation économique ou disciplinaire du travailleur visé. Il déclare que la législation du travail prévoit une protection particulière des représentants du personnel, qu'il s 'agisse des délégués du personnel (article L.425-1), des membres des comités d'entreprise ou d'établissement (article L.436-1), des membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (article L.236.11) et même des candidats à ces élections et des salariés qui ont demandé l'organisation d'élections ou des anciens membres de ces comités (pendant six mois après l'expiration de leur mandat). Les représentants syndicaux nommés en application des dispositions légales bénéficient d'un régime de protection très voisin (article L.412-18; article L.436-1); il en est de même en ce qui concerne les représentants élus ou désignés en application des dispositions conventionnelles. Le gouvernement poursuit en expliquant que l'autorisation administrative de tous les licenciements de personnes protégées ne peut signifier cependant que celles-ci sont à l 'abri de toutes sanctions et de tous licenciements pour fautes graves ou pour des raisons économiques générales. L'intervention nécessaire de l'inspection du travail et le recours hiérarchique contre la décision de l 'inspecteur du travail, voire le recours contentieux devant l'autorité administrative, rendent plus difficile le licenciement. Ils ne sauraient le rendre impossible. Selon le gouvernement, une argumentation tirée du nombre croissant de recours n'a pas grande signification car elle est probablement le reflet de la crise économique grandissante et de ses incidences sur l'emploi. C'est au coup par coup que l'on peut contester certaines décisions de certains jugements et, affirme-t-il, la CGT ne s'en prive pas mais il n'est pas possible de la suivre dans son évaluation globale ou statistique. Quand toutes les voies de recours prévues par la loi ont été utilisées, on ne peut que s'en tenir à la chose jugée, sauf éléments nouveaux susceptibles d'appeler une révision des jugements rendus. Le gouvernement explique, en outre, que le juge administratif ne se contente plus de rechercher si les faits reprochés au salarié sont matériellement exacts, s'il y a eu détournement de pouvoir, erreur de droit ou erreur manifeste d'appréciation mais il apprécie lui-même la gravité des faits reprochés au salarié et décide si ces faits sont d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement. De même, si le licenciement projeté a un motif économique, le juge administratif vérifie la pertinence du motif économique. Enfin le gouvernement observe que 105.129 membres titulaires des comités d'entreprise ont été élus en 1982-83 (avec un nombre très voisin de suppléants), que 44.140 délégués syndicaux ont été dénombrés en 1981, qu'une enquête effectuée en septembre 1985 a fait apparaître un nombre de délégués du personnel s'élevant à 308.00O salariés et que, par ailleurs, le nombre total des licenciements pour motif économique s'est élevé à 366.173 en 1983 et à 429.386 en 1984. En regard de ces chiffres, le nombre avancé par la CGT pour les travailleurs élus et les délégués syndicaux licenciés avec autorisation administrative, de 1978 à 1982, pour motif économique et non économique (10.500), ne paraît pas anormalement élevé, estime le gouvernement.
  67. 68. Pour ce qui concerne les cas cités par la CGT, d'après le gouvernement, à Creusot-Loire, saisis de demandes de licenciement pour motif économique concernant des représentants du personnel de divers établissements, l'inspection du travail et le ministre ont apprécié, cas par cas, la réalité de la suppression de l'emploi occupé, les possibilités de reclassement et l'éventualité d'une discrimination syndicale. Ce contrôle strict a abouti à refuser le licenciement des délégués CGT (établissement de Châteauneuf notamment). Pour ce qui est des décisions d'autorisation prises au terme de ce contrôle, les salariés concernés ont fait valoir leurs droits auprès du juge administratif qui sera appelé à se prononcer.
  68. 69. A AFO (Saint-Nazaire, Brest, Dunkerque), l'entreprise a dû diminuer sensiblement ses effectifs, au cours des deux années antérieures, à la suite de difficultés économiques sérieuses. Les représentants du personnel concernés par ces licenciements économiques étaient, pour la plupart, volontaires pour quitter l'entreprise, soit pour bénéficier d'un congé de conversion, soit parce qu'ils disposaient d'une possibilité de reclassement. En tout état de cause, les inspecteurs du travail appelés à statuer sur leurs licenciements n'ont pas été avisés par ces délégués de l'existence de mesures discriminatoires à leur encontre.
  69. 70. A ECVI (Bordeaux), le recours hiérarchique formé contre la décision d'autorisation de licenciement de deux représentants du personnel dans le cadre de 30 licenciements s'appuyait exclusivement sur la contestation de la réalité du motif économique invoqué par la société ECVI et ne faisait nullement état d'une quelconque discrimination.
  70. 71. A Egnec-Pessac, suite au conflit qui a éclaté après le dépôt de bilan d'une des deux sociétés créées en 1984, une partie du personnel licencié a été reprise dans le cadre de la fusion. Le syndicat CGT n'a pas fait appel aux pouvoirs publics dans cette affaire, il ne peut donc reprocher à ceux-ci de n'être pas intervenus.
  71. 72. A Derruppe Le Bouscat, dans le cadre d'un dépôt de bilan, l'entreprise Derruppe a cessé ses activités et a procédé au licenciement total du personnel. L'autorité administrative n'a donc pas été appelée à statuer sur les licenciements des représentants du personnel. Actuellement, le directeur départemental du travail et de l 'emploi concerné s'emploie auprès du repreneur pour que celui-ci tienne ses engagements (reprise de 80 salariés).
  72. 73. Dans le cas de l'entreprise FOP, saisi sur recours gracieux, à la suite d'une première décision refusant le licenciement de ce militant CGT, l'inspecteur du travail a été amené à autoriser cette mesure, en prenant en considération la pression exercée par le repreneur éventuel de la société FOP. Le gouvernement admet que cette décision d'opportunité, contestable en droit, a été normalement annulée par le juge administratif, le ministre, pour sa part, n'ayant pas été saisi.
  73. 74. La société Bata-Marbot, qui occupait plus de 1.000 salariés, a été mise en règlement judiciaire en novembre 1985, après avoir procédé à un premier licenciement collectif de 110 salariés, dont six représentants du personnel, qui s'est révélé insuffisant. Le syndic a alors sollicité l'autorisation de licencier 21 délégués auprès de l'inspection du travail, après suppression de 227 emplois de salariés non protégés. Sur ces 21 licenciements demandés, 14, dont 13 visant des délégués CGT, ont été refusés. Sur recours hiérarchique, le ministre a autorisé le licenciement de cinq représentants du personnel CGT. Au total, 337 salariés non protégés ont été licenciés contre 18 représentants du personnel. Sur les 812 emplois maintenus, on compte des représentants de l'ensemble des organisations syndicales initialement en place dans l'entreprise, dont la CGT. La promotion de délégués visés par le licenciement collectif démontre bien, à elle seule, l'absence de discrimination dans cette affaire, estime le gouvernement.
  74. 75. Au sujet des autres formes de "répression" dénoncées par la CGT, telles que le refus d'habilitation en matière d'accès aux zones classées "défense", le gouvernement explique que la loi prévoit des conditions particulières d'accès aux zones classées "défense" pour les représentants du personnel des entreprises travaillant pour la défense nationale. Il ajoute que l'existence de ces conditions, notamment l'obligation d'une demande de visite assortie d'un préavis ou de la présence conjointe d'une personne habilitée, a toujours été parfaitement admise par l'ensemble des organisations syndicales et que les rares litiges portés à sa connaissance, et notamment celui de Matra Centre Equipement à Vélisy, sont liés au refus d'un représentant du personnel à se plier à ces exigences préalables.
  75. 76. Au sujet de l'isolement des militants, d'après le gouvernement, la grande majorité des cas où un délégué ne se voit attribuer aucun travail ou est placé en situation d'isolement dans l 'entreprise donne lieu à procès-verbal de la part des inspecteurs du travail saisis. Par ailleurs, le juge du contrat de travail, statuant en référé, impose généralement la poursuite normale du contrat sous astreinte. Ce type de situation n'est donc pas sans remède, la loi prévoyant des voies de recours sur le plan civil et pénal. Le gouvernement assure que le problème rencontré par la travailleuse, membre du CEF à la Selnor-Lesquire, est à présent réglé.
  76. 77. Au sujet de la mise en place de sections spécialisées, d'après le gouvernement, à Ratheau (La Courneuve), un inspecteur du travail ayant été alerté par un délégué syndical de cet établissement est intervenu pour constater l 'existence d'un atelier "disciplinaire". Suite à cette intervention, les trois délégués syndicaux qui y étaient affectés ont quitté cet atelier où régnait une tension certaine.
  77. 78. Au sujet du droit de négociation, le gouvernement souligne que la loi du 13 novembre 1982, relative à la nouvelle législation de la négociation collective, détermine les modalités de ces "procédures de négociation volontaire des conventions collectives". Elle prévoit notamment les procédures d'extension par lesquelles les dispositions d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs, compris dans le champ d'application de ladite convention ou dudit accord, par arrêté du ministre chargé du Travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective (article L.133-8 du Code du travail). Le Code du travail précise (article L.133-11): "En cas d'opposition dans les conditions prévues au premier alinéa (c'est-à-dire lorsque le texte n'a pas été signé par la totalité des organisations les plus représentatives intéressées), le ministre chargé du Travail peut consulter à nouveau la commission sur la base d'un rapport qui précise la portée des dispositions en cause ainsi que les conséquences d'une éventuelle extension. Le ministre chargé du Travail peut décider l'extension, au vu du nouvel avis émis par la commission."
  78. 79. Sur le point concernant la possibilité, pour une organisation minoritaire mais représentative, de signer valablement une convention ou un accord collectif en dépit du désaccord exprimé par les organisations représentatives majoritaires, les textes internationaux visés par la CGT énoncent un principe général de libre discussion et de coopération sur un pied d'égalité (Déclaration de Philadelphie et principes constitutionnels de l'OIT). La convention no 98 (article 4) et la recommandation no 91 (paragraphe 1) prévoient que la législation nationale doit contenir des dispositions permettant la mise en oeuvre du principe de la négociation collective. Quant à la qualité des signataires, la recommandation no 91 prévoit que les organisations de salariés signataires d'une convention ou d'un accord doivent être représentatives. La législation française, dans la loi du 13 novembre 1982, met en oeuvre ces grands principes. Les dispositions adoptées sont parfaitement compatibles avec la convention no 98 et la recommandation no 91 dont la formulation, très générale, ne fait aucunement référence au caractère majoritaire ou pas chez les salariés, de telle ou telle organisation représentative, pour la signature d'une convention.
  79. 80. Sur le point relatif à l'extension de conventions ou d'accords collectifs conclus par des organisations représentatives minoritaires, la recommandation no 91 prévoit que chaque pays peut prendre des dispositions permettant de rendre applicables toutes ou certaines dispositions d'une convention collective à tous les employeurs et travailleurs compris dans le champ d'application professionnel et territorial de la convention (paragraphe IV). La législation française non seulement applique un principe qui n'est que suggéré par cette recommandation mais a adopté des dispositions pour sa mise en oeuvre conforme au texte international. La consultation de tous les représentants des travailleurs est de droit et l'extension suppose la signature préalable par une organisation représentative de salariés. Selon le gouvernement, l'exemple fourni par la CGT de l'accord signé le 25 mars 1982 dans la chimie, et étendu par arrêté du ministre chargé du Travail malgré l'opposition exprimée par la majorité des organisations syndicales, ne serait donc pas susceptible d'être invoqué à l'appui d'une réclamation devant le BIT.
  80. 81. Enfin, sur le point relatif au caractère discriminatoire relevé par la CGT entre les organisations de salariés et les organisations d'employeurs, il convient de préciser que, de même qu'un accord signé par une organisation de salariés représentative peut être étendu malgré l'opposition de la majorité des organisations syndicales représentatives dans le même champ d'application, de même un accord signé par une organisation d'employeurs représentative peut être étendu malgré l'opposition d'autres organisations professionnelles, dans la mesure ou, bien sûr, toutes sont représentatives des mêmes secteurs d'activité. L'affirmation de la CGT selon laquelle il y aurait discrimination de ce point de vue entre organisations d'employeurs et organisations de salariés est donc inexacte. La législation ne fait qu'appliquer le principe général de l'extension prévue au paragraphe IV de la recommandation no 91, à savoir que l'extension est possible dans le champ d'application professionnel et territorial de la convention.
  81. 82. En ce qui concerne enfin les conventions ou accords d'entreprise comportant des dérogations à la législation on à la réglementation, il est exact que l'accord ne peut être mis en cause qu'à l'intérieur d'un délai de huit jours après sa signature et par une opposition écrite et motivée d'une ou de plusieurs organisations ayant recueilli ensemble, lors des élections professionnelles, plus de la moitié des électeurs inscrits (article L.132-26). Ces dispositions sont destinées à la fois à faciliter l'adoption des conventions ou des accords d'entreprise entre l'employeur et les organisations syndicales de salariés et à éviter, lorsqu'il s'agit de textes dérogatoires, qu'ils ne reposent sur une assise insuffisante. Les organisations de travailleurs prenant souvent des positions distinctes, voire opposées, le législateur a estimé devoir encourager tout consensus, fut-il minimal, conformément aux dispositions de la convention internationale précitée, indique le gouvernement.
  82. 83. Enfin, au sujet de la "répression de l'exercice du droit de grève et du droit syndical", le gouvernement déclare que la référence apportée aux conventions nos 87 et 98 à cet égard a de quoi surprendre, car rien dans ces conventions ne se rapporte au droit de grève qui n'y est même pas cité. Cependant, la CGT considère que le droit de grève est indissolublement lié à la liberté syndicale. Ce n'est pas l'avis de la Cour de cassation qui a affirmé, à plusieurs reprises, que la grève est un droit qui s'exerce individuellement, le syndicat n'étant pas le commettant des grévistes et sa personnalité restant distincte de celle de ses membres. La Constitution française de 1946 dans son préambule, auquel fait référence la Constitution de 1958, a reconnu le droit de grève tout en admettant ses limites puisqu'elle prévoit que "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent". Le Conseil d'Etat a précisé que "la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit comme à tout autre en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public". En l'absence de réglementation légale, la jurisprudence a délimité les territoires du licite et de l'illicite.
  83. 84. Le gouvernement reconnaît qu'il convient cependant de répondre aux observations présentées par la CGT parce qu'il est vrai que la protection des libertés syndicales inclut la protection du droit de grève des salariés, notamment syndiqués.
  84. 85. la CGT, remarque le gouvernement, prend à partie le patronat de manière globale, l'accusant d'utiliser "sa puissance économique, ses moyens institutionnels, l'arsenal judiciaire, les médias". Le gouvernement laisserait faire, refusant d'accueillir "par exemple la demande de la CGT de proposer le vote d'une loi abrogeant l'article 414 du Code pénal, vieux de 120 ans qui a été exhumé pour donner un fondement juridique à l'action des non-grévistes contre les grévistes et les syndiqués. De plus en plus souvent, le patronat se sert des non-grévistes pour mener l'offensive et les procès contre les responsables syndicaux et les grévistes".
  85. 86. Au sujet du caractère archaïque de l'article 414 du Code pénal qui sanctionne l'entrave à la liberté du travail qui constitue une forme caractérisée de l'abus du droit de grève par la contrainte exercée sur les non-grévistes, le gouvernement rappelle qu'il a été repris et rajeuni par une loi beaucoup plus récente du 29 décembre 1956.
  86. 87. Au sujet de la prétendue "stratégie de judiciarisation des conflits" par le patronat, le gouvernement rétorque que la législation du travail n'a pas d'autre objet que de se substituer, par la conciliation ou le jugement des tribunaux, des voies légales à l'épreuve de force. L'utilisation systématique et massive des procès pénaux et civils par le patronat tend seulement à suggérer que parfois les syndicats perdent l'initiative dans les conflits sociaux. Si enfin les employeurs font exécuter les condamnations pécuniaires obtenues par les décisions judiciaires, provisoires ou définitives, ce n'est qu'en vertu du principe très clair selon lequel les jugements de justice doivent être exécutés (sauf insaisissabilité du patrimoine syndical). Cependant, la CGT se fait l'écho de l'émotion suscitée dans les milieux syndicaux par le recours, devenu fréquent, des chefs d'entreprise aux régles de la responsabilité civile pour obtenir en justice la condamnation de grévistes ou d'organisations syndicales à l 'origine d'un mouvement de grève. Lorsque, à l 'occasion d'une grève, un salarié ou un syndicat a commis un acte illicite, celui-ci peut être condamné à réparer le préjudice qu'il a provoqué. C'est ainsi que le Tribunal de grande instance du Mans a retenu (jugement du 6 mars 1959) la responsabilité du syndicat CGT de la régie Renault du Mans qui avait organisé une grève "perlée", grève qu'une jurisprudence constante déclare illicite. Si la grève n'est pas un droit syndical, un syndicat ne saurait engager sa responsabilité à l'occasion d'une grève illicite sans commettre une faute. Les juges n'ont donc pas retenu l'allégation avancée par les syndicats poursuivis civilement selon laquelle l'assignation dirigée contre eux constituerait une atteinte à la liberté syndicale ou une discrimination. Le gouvernement note toutefois que l'insaisissabilité du patrimoine syndical a été introduite dans le Code du travail par la loi du 12 mars 1920 (actuel article L.411-12) mais que cette insaisissabilité n'est que partielle. La Cour de cassation (Chambre criminelle, 24 janvier 1978 RMVR) a débouté le syndicat qui arguait de son insaisissabilité pour démontrer le caractère abusif de l'action intentée contre lui. La cour a estimé que "l'insaisissabilité en question n'était pas absolue et que la disposition précitée, relative seulement aux voies d'exécution, ne pouvait avoir pour effet de soustraire les syndicats aux règles de la responsabilité civile".
  87. 88. Par ailleurs, ajoute le gouvernement, le Conseil constitutionnel, dans son jugement du 22 octobre 1982, a estimé qu'il n'était pas possible d'interdire à certaines personnes, victimes d'un préjudice, toute action ou réparation, sauf violation du principe d'égalité. La Cour de cassation, dans des arrêts rendus peu après, (Chambre sociale - Syndicat CGT de l'usine Trailor de Lunéville, 9 novembre 1982) a estimé que les syndicats devraient être déclarés responsables des agissements auxquels ils ont effectivement participé lorsque ces agissements sont consécutifs d'infraction pénale ou ne peuvent se rattacher à l'exercice normal du droit de grève.
  88. 89. Sur les différents griefs invoqués par la CGT, le gouvernement affirme que les médias ne relèvent pas de l'autorité gouvernementale, que la radio et la télévision exercent leur activité sous le contrôle d'une commission indépendante, que la presse est libre, et que la concentration des groupes de presse est limitée par la loi. Il appartient aux organisations syndicales de faire passer dans le public leurs demandes et leurs revendications.
  89. 90. Il déclare, à propos de la prétendue campagne idéologique qui tendrait à affirmer la primauté de la défense de l'entreprise pour affronter la crise économique et la concurrence internationale qui serait menée par les milieux patronaux dans le cadre des lois, que si les organisations syndicales s 'estiment diffamées, un droit de réponse existe dans la presse écrite ou l'audiovisuel et qu'il leur est possible de procéder à des poursuites judiciaires. Si une campagne d'opinion tend parfois à assimiler la grève à une action illégale, illicite ou fautive "en prenant appui sur l'évolution de la jurisprudence", il appartient aux organisations syndicales de faire clairement la distinction entre la grève - cessation collective et concertée du travail en vue de satisfaire des revendications professionnelles définies - que la Constitution, la loi et la jurisprudence protègent - et les actes illégaux qui l'accompagnent parfois (fautes lourdes, délits, voies de fait, séquestrations) et qui peuvent donner lieu à la mise en cause de la responsabilité pénale ou civile des salariés. En ce qui concerne l'occupation des locaux de l 'entreprise, la jurisprudence fait une distinction entre l'occupation limitée au temps de travail à certains locaux de l'entreprise et qui ne fait pas obstacle au travail des non-grévistes, et l'occupation qui se prolonge en dehors des heures affectées normalement au travail et a pour effet d'empêcher les non-grévistes de travailler, ce qui constitue une faute lourde. L'occupation des lieux de travail au-delà de l'horaire normal peut constituer une atteinte au droit de propriété et une atteinte à la liberté de travail des non-grévistes. Elle justifie souvent, mais non toujours, une ordonnance d'expulsion. Depuis 1974, notamment, la jurisprudence apparue dans les ordonnances rendues par le président du Tribunal de grande instance de Bobigny, à la suite de réformes du Code de procédure civile de 1971 et de 1973, témoigne de la volonté du juge des référés de prendre en compte les finalités des grévistes par la désignation d'un expert chargé d'amener l'employeur à négocier, le prononcé éventuel de l'expulsion n'intervenant qu'après le dépôt du rapport de cet expert. L'exécution de la décision judiciaire d'expulsion elle-même ne va pas de soi, l'autorité administrative ayant le devoir d'apprécier les conditions de cette exécution et le droit de refuser le concours de la force publique tant qu'elle estime qu'il y a danger pour l'ordre et la sécurité selon un arrêt du Conseil d'Etat (cartonnerie Saint-Charles, 1938). L'autorité administrative peut donc refuser son concours, quitte à engager la responsabilité de la puissance publique.
  90. 91. Sur le point relatif à la mise en place par le patronat d'une politique dite de "gestion des conflits" et d'une politique préventive dite "de gestion des relations sociales" pour le gouvernement cette politique n'a rien d'illicite dès lors qu'elle s'effectue dans le cadre des lois.
  91. 92. Le gouvernement estime qu'on ne peut reprocher au patronat de poursuivre une "stratégie de judiciarisation" des conflits, car l'objet du droit du travail est de substituer des voies de droit aux voies de fait dans les conflits sociaux, que les règles du jeu sont les mêmes pour tous les partenaires sociaux, et qu'il leur appartient d'en user au mieux de leurs intérêts.
  92. 93. Le gouvernement admet qu'il puisse exister une certaine inégalité des moyens financiers et autres, entre les salariés et le patronat. Mais la loi elle-même n'est pour rien dans cette inégalité présumée. La jurisprudence va même jusqu'à prohiber le "lock-out", celui-ci n'étant déclaré licite qu'en cas de force majeure, ou de mise en chômage technique. Il n'y a pas, dans ce cas précis, de "symétrie" entre la grève et le lock-out et la loi comme la jurisprudence se montrent plutôt favorables aux salariés qu'aux employeurs.
  93. 94. Au sujet des associations constituées de personnels non grévistes lors des conflits du travail, le gouvernement explique qu'elles n'ont rien d'illégal. Si l'action civile exercée par l 'employeur devant les tribunaux répressifs pour entrave à la liberté du travail est irrecevable, cette action peut être exercée valablement par des salariés, réunis ou non en associations, empêchés par les grévistes de poursuivre leur travail. Par ailleurs, les grévistes, éventuellement victimes d'actes illégaux ou pénalement répréhensibles commis par les organes d'une association ou par une personne physique quelconque, peuvent utiliser les voies de droit interne et notamment faire appel aux instances judiciaires compétentes.
  94. 95. Au sujet de la prétendue utilisation massive de procès, le gouvernement rappelle que les dirigeants syndicaux et les élus du personnel sont protégés par une procédure particulière contre les licenciements, que l'autorisation de l'inspection du travail est requise et qu'il existe un recours hiérarchique et un recours contentieux contre la décision de l'inspecteur du travail. Il n'y a pas d'utilisation systématique et massive de procès pénaux et civils: on évalue à quelques dizaines par an le nombre total de décisions de justice relatives à la responsabilité civile à l'occasion d'une grève. Dans. 85 pour cent des cas, les condamnations pécuniaires éventuellement obtenues à l'issue de ces actions ne sont pas exécutées.
  95. 96. Le gouvernement indique qu'il a déjà été fait référence aux décisions de 1982 du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation établissant le bien-fondé des procès en responsabilité civile intentés par les directions patronales et les non-grévistes contre les syndicats d'entreprise ou les structures syndicales extérieures à l'entreprise, dès lors qu'il y a eu faute lourde caractérisée ou infraction à la loi pénale. La CGT doit en prendre acte comme toute personne morale ou physique dans un Etat de droit. Ces décisions ne s'opposent nullement à la prise en compte de conventions internationales ratifiées par la France. Elles visent l'abus de droit selon une jurisprudence constante.
  96. 97. En ce qui concerne l'intervention ou l'absence d'intervention de l'administration au cours de conflits collectifs, le gouvernement signale que la décision de recourir aux forces de l'ordre en vue d'exécuter une décision de justice - notamment une ordonnance d'expulsion - ou de faire cesser un trouble de l'ordre public relève de l'appréciation du Commissaire de la République, sous le contrôle du juge administratif. En effet, les conditions dans lesquelles s'est déroulée une intervention policière, ou l'absence de telle intervention, peuvent donner lieu à des recours devant les juridictions de l 'ordre administratif. Dans les cas particuliers cités par la CGT, l'intervention des forces de l'ordre s'est déroulée dans les conditions suivantes:
  97. - En ce qui concerne l 'entreprise SKF, les incidents survenus au cours des mois de mai et juin 1984 ont été provoqués par des manifestants, pour la plupart extérieurs à l'entreprise, qui ont tenté de réinvestir par la force des locaux après que ceux-ci eurent été libérés sans violence par les forces de l 'ordre, le 28 mai 1984, en exécution d'une ordonnance d'expulsion du président du Tribunal de grande instance de Créteil.
  98. - A l'usine Cacharel de Saint-Christol-les-Alès, les forces de police sont intervenues sans incident, le 25 mai 1985, pour libérer les locaux de l 'entreprise, en application d'une décision de justice en date du 2 mai 1985.
  99. - En ce qui concerne le conflit survenu le 8 octobre 1985 à l 'usine Renault du Mans, les forces de police, contrairement à ce qui est indiqué dans la réclamation, n'ont pas eu à intervenir, le Commissaire de la République ayant préféré accorder un délai entre la décision d'expulsion, rendue le 11 octobre, et l'exécution de celle-ci, afin de favoriser la négociation entre les partenaires en conflit. Cette négociation a finalement abouti à la signature d'un protocole d'accord permettant une reprise immédiate du travail le 15 octobre.
  100. 98. Enfin, sur le point concernant le prétendu "encouragement des pratiques patronales de remplacement des grévistes par des salariés extérieurs, et plus particulièrement le remplacement des grévistes par des salariés temporaires, d'après le gouvernement l'affirmation contenue dans la réclamation est inexacte. En effet, même avant l'intervention de l'ordonnance no 82-131 du 6 février 1982, la jurisprudence imposait des conditions restrictives au remplacement de grévistes par des intérimaires embauchés avant le conflit, en interdisant qu'ils soient affectés à des tâches étrangères à celles prévues par le contrat d'embauche (arrêt de principe de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 2 décembre 1980). L'ordonnance précitée de 1982 a renforcé l'interdiction primitive ainsi que la loi du 25 juillet 1985 (article L.124-2-3-1). "Il ne peut être fait appel aux salariés d'entreprises de travail temporaire pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu par suite d'un conflit collectif du travail dans l'établissement utilisateur." Par contre, ajoute le gouvernement, il est exact que le remplacement des grévistes par des salariés d'une entreprise sous-traitante ou des salariés sous contrat à durée déterminée demeure licite.
  101. 99. Dans sa communication du 16 janvier 1987, le gouvernement fournit ses observations au sujet des informations complémentaires déposées par la CGT et de la plainte déposée par l'Union internationale des syndicats du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux.
  102. 100. Le gouvernement indique à propos de la dissolution du corps des sapeurs-pompiers de Lorient que cette mesure est la conséquence d'un ensemble de dysfonctionnements du corps de sapeurs-pompiers qui n'était plus en mesure d'assurer, dans des conditions normales, la défense des neuf communes dont il est responsable au plan de la lutte contre l'incendie. En effet, de 1980 à 1983, les personnels, gradés ou sapeurs, ont refusé d'obéir aux ordres donnés, se plaçaient en situation de "grève administrative" dès que le chef de corps pénétrait dans la caserne, affichaient des tracts hostiles, suspendaient des banderoles demandant sa démission autour de la caserne, etc. Pourtant à partir de 1983, date d'affectation d'un nouveau chef de corps, le corps de sapeurs-pompiers de Lorient semblait devoir retrouver un fonctionnement normal, aidé en cela par de nouveaux recrutements, la modernisation des casernements et l'octroi d'un régime de travail particulièrement favorable. Or, dès 1984, le chef de corps se heurte à de nouvelles difficultés, dont la caractéristique principale est un refus d'obéir à la hiérarchie: refus d'organiser les cours de secourisme, refus de participer à des jurys départementaux d'examen de secourisme, ou de participer aux manoeuvres décidées par le commandement, refus d'assurer la sécurité lors de certains spectacles. Enfin, des représentants syndicaux du centre de secours de Lorient ont appelé les sapeurs-pompiers professionnels des départements de l'ouest à manifester lors de la venue du Président de la République, le 8 octobre 1985, faisant du centre de secours le point de rassemblement des manifestants. A cette occasion, ils n'ont tenu aucun compte de l'avertissement solennel du directeur de la sécurité civile, rappelant que le port de l'uniforme exige une attitude de réserve. En dépit des injonctions des forces de l'ordre, les manifestants pompiers professionnels ont cherché à franchir les barrières implantées, pour des raisons de sécurité, le long du trajet emprunté par le cortège présidentiel. Ils ont alors engagé une épreuve de force avec les policiers, à l'aide de barres de fer, en projetant, à tir tendu, des fusées de détresse et en lanóant des matériaux divers. Cette situation inadmissible, retransmise par les chaînes de télévision, et qui a porté gravement atteinte à l'honneur des sapeurs-pompiers, a imposé de faire appel à des renforts de maintien de l'ordre. La violence et l'acharnement de ces pompiers, qui n'avaient plus aucun rapport avec le droit de manifestation dont le gouvernement a toujours veillé à garantir le libre exercice, ont provoqué 36 blessés parmi les forces de l'ordre, dont quatre, sérieusement atteints, ont subi une incapacité de travail supérieure à dix jours.
  103. 101. De l'avis du gouvernement, de tels comportements, se répétant sous des formes diverses depuis de nombreuses années, sont incompatibles avec le fonctionnement d'un service public chargé d'assurer la sécurité des biens et des personnes et ont rendu nécessaire le recours à la dissolution du corps de sapeurs-pompiers que l'on pouvait, à juste titre, considérer comme frappé de dysfonctionnement chronique.
  104. 102. La décision de dissolution a été prise par le ministre de l'Intérieur, sur proposition du préfet, Commissaire de la République du Morbihan, et au vu de la délibération du syndicat intercommunal à vocation multiple du pays de Lorient en date du 11 octobre 1985 demandant cette dissolution. Il convient enfin de préciser qu'une telle décision n'a pas le caractère d'une mesure disciplinaire. Les sapeurs-pompiers professionnels de l'ancien corps de sapeurs-pompiers ont conservé la qualité de fonctionnaires communaux, et des propositions de reclassement ont été faites à tous ceux qui n'ont pas été repris dans le corps nouvellement créé.
  105. 103. Au sujet de l'affaire RTC de Dreux, le gouvernement affirme, comme dans sa communication précédente, que lorsque, à l'occasion d'une grève, un salarié ou un syndicat a commis un acte illicite (comme l'atteinte au droit au travail), celui-ci peut être condamné, aux termes de l'article 1382 du Code civil, à réparer le préjudice qu'il a provoqué. 0n ne peut nier, sur la base du libellé du jugement du Conseil des prud'hommes de Dreux, présidé par un juge départiteur et rendu en dernier ressort le 19 septembre 1985, qu'il y a eu, de la part des défendeurs, atteintes à la liberté du travail "les grévistes assignés s'opposant à l'accès dans l'usine des travailleurs non grévistes et à l'entrée et à la sortie des marchandises, les représentants assignés ne contestant pas sérieusement l 'entrave à la libre circulation des personnes et des biens". Il est difficile de contester au plan juridique la licéité des condamnations prononcées dès lors que les salariés incriminés ont commis une faute, que les non-grévistes ont subi un préjudice et qu'il existe un lien entre cette faute et ce préjudice.
  106. 104. Récemment encore, précise le gouvernement, le Conseil constitutionnel saisi d'une loi limitant les possibilités d'actions à l'encontre de salariés en réparation des dommages causés par un conflit collectif, hormis les actions en réparation du dommage causé par une infraction pénale, a annulé en 1982 l'article litigieux de la loi, considérant que le législateur ne pouvait interdire à certaines personnes, victimes d'un préjudice, toute action en réparation. Les principes juridiques applicables en l'occurrence ont été donc explicités en droit français avec toute la clarté désirable.
  107. 105. Dans le cas visé, l'atteinte à la liberté du travail, l'entrave à la libre circulation des personnes et des biens et la responsabilité civile des personnes condamnées sont attestées par les termes mêmes du jugement du Conseil des prud'hommes inclus dans le dossier. Un pourvoi en cassation est formé contre ce jugement. Il appartient maintenant à l'instance judiciaire de l'ordre le plus élevé de se prononcer,
  108. 106. Dans l'affaire opposant M. Morlier à la société Colas, la chronologie des faits rappelés par la CGT n'appelle pas d'observation particulière de la part du gouvernement: saisie à plusieurs reprises par la société Colas d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute en raison de propos insultants tenus à l'égard d'un autre salarié, l'Inspection du travail a refusé, le 10 novembre 1981 et le 15 novembre 1984, le licenciement de M. Morlier, délégué syndical et représentant élu du personnel. Le ministre du Travail a confirmé sur recours hiérarchique cette dernière décision le 3 mai 1985.
  109. 107. Saisi de ces différentes décisions, le Tribunal administratif de Caen a, dans deux jugements des 3 juillet 1984 et 4 février 1986, annulé les décisions prises par l'autorité administrative, en considérant que les faits reprochés, non contestés, constituaient une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement, que le licenciement ne trouvait pas son origine dans l 'exercice normal des mandats détenus, qu'aucun motif d'intérêt général tenant au maintien de la représentation des salariés ou à l'ordre public ne pouvait enfin être invoqué.
  110. 108. La CGT et le ministre des Affaires sociales et de l'Emploi ont, indépendamment l'un de l'autre, interjeté appel de ce jugement devant le Conseil d'Etat. Cette procédure d'appel ne présente cependant pas un caractère suspensif. Dès lors, l'inspecteur du travail, saisi à nouveau par la société Colas aux fins d'exécution du jugement rendu par le Tribunal administratif le 4 février 1986, ne pouvait qu'autoriser le licenciement de M. Morlier le 16 juin 1986 dans le respect de l 'autorité de la chose jugée.
  111. 109. Cependant, la CGT et M. Morlier avaient déposé auprès du Conseil d'Etat une requête tendant à obtenir le sursis à exécution du jugement rendu par le Tribunal administratif. Dans une décision du 19 novembre 1986, le Conseil d'Etat a donné une suite favorable à la demande et ordonné le sursis à exécution du jugement entrepris. Dans ces conditions, le ministre des Affaires sociales et de l'Emploi, saisi d'un recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail du 16 juin 1986, a annulé celle-ci et refusé le licenciement de M. Morlier le 1er décembre 1986. Cette décision de l'autorité administrative est exécutoire dans les conditions prévues aux articles L.412-19, L.425-3 et L.436-3 du Code du travail. M. Morlier est en mesure éventuellement de saisir à cette fin le Conseil des prud'hommes dans le cadre d'une procédure d'urgence. En s'opposant à la réintégration de M. Morlier, la société Colas s'exposerait par ailleurs à des poursuites pénales susceptibles d'être engagées à l'initiative de l'intéressé, de l'organisation syndicale ou de l'inspecteur du travail.
  112. 110. En ce qui concerne "l'affaire Goutille", le gouvernement indique que cette société a été mise en liquidation de biens le 31 mai 1982, après la démission du Président directeur général, en date du 1er mai 1982, et la nomination d'un administrateur provisoire. Le personnel, dès l'annonce de cette liquidation, a occupé l'entreprise et, afin de repartir avec une société coopérative ouvrière de production, est allé récupérer une partie du stock de l'entreprise à Mulhouse, en toute illégalité, et ceci afin de pouvoir se constituer un stock de départ. Ce stock avait été vendu par la société Goutille avant la liquidation de biens et n'appartenait donc plus à l'entreprise. Le 28 juillet 1982, le Tribunal de commerce de Roanne a autorisé le syndic à céder à forfait les biens de l'ex-société Goutille à la Coopérative nouvelle société création Goutille. Ce jugement a été réformé par la Cour d'appel de Lyon, qui a déclaré inexistant le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Roanne et l'a déclaré de nul effet.
  113. 111. Parallèlement, le syndic avait porté plainte auprès du Parquet de Roanne pour vol de 1.346 pièces de confection qui appartenaient à la société Goutille. Ces pièces ont été vendues en partie et utilisées pour la confection de robes et vêtements, ceci en toute irrégularité, puisque la coopérative n'avait pas d'existence juridique. Le Tribunal correctionnel de Roanne, en date du 27 novembre 1984, condamnait pour vol cinq salariés de l'entreprise Goutille qui avaient récupéré les pièces de confection à Mulhouse. Sur appel des intéressés, la Cour d'appel de Lyon a confirmé le jugement du Tribunal de Roanne, tout en l'assortissant de peines moins importantes. Elle a, parallèlement, condamné les cinq salariés à payer solidairement au syndic es-qualité la somme de: cinq cent mille francs à titre de paiement de dommages et intérêts pour le préjudice causé par l'utilisation de ces pièces volées.
  114. 112. L'administration est étrangère aux difficultés qu'ont connues devant les tribunaux les cinq salariés condamnés. En effet, elle n'a jamais fait obstacle à la reprise de cette nouvelle société et la plainte qui a été déposée auprès du Tribunal de Roanne l'a été par le syndic, sans consultation de la Direction départementale du travail et de l'emploi. D'autre part, les accusations qui sont portées au sujet du traitement des difficultés des entreprises et au regard des décisions qui ont été prises concernant tant la constitution de la nouvelle société et l'annulation de cette création que les condamnations pénales vis-à-vis des salariés concernés, sont du ressort des tribunaux judiciaires qui ont agi conformément au droit français, en toute indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif et principalement du ministère des Affaires sociales et de l'Emploi. Il apparaît ainsi que, d'une part, l'administration du travail est totalement étrangère aux difficultés rencontrées par les salariés devant les tribunaux et, d'autre part, que les activités ayant donné lieu à action en justice ne relevaient en rien d'une activité syndicale.
  115. 113. Au sujet de l'affaire Bata-Marbot, le gouvernement, complétant les informations déjà fournies dans sa communication précédente, indique que malgré des réductions d'effectifs l 'entreprise a dû déposer son bilan le 31 octobre 1985, et a été admise au bénéfice du règlement judiciaire par jugement en date du 4 novembre 1985. Le 8 novembre 1985, les syndics chargés de l'administration provisoire ont reçu une offre de la Compagnie française de textile (CFT) qui proposait de prendre la SA Marbot en location-gérance avec le maintien de 812 salariés seulement. Par jugement du 14 novembre 1985, le Tribunal de commerce de Périgueux a autorisé la location au profit de la CFT. Les syndics ont procédé le même jour au licenciement pour motif économique de 227 personnes, dans le cadre des dispositions légales (article L.321-7 du Code du travail). Chacune des personnes concernées était en mesure de contester son licenciement devant le Conseil des prud'homnmes compétent.
  116. 114. Les syndics chargés de l'administration provisoire ont dans le même temps saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation concernant 21 salariés protégés après intervention des services de la Direction départementale du travail et de l'emploi de Dordogne. Par décisions du 17 décembre 1985, l'inspecteur du travail a refusé le licenciement de 13 salariés protégés et autorisé le licenciement de huit autres. La SA Marbot a formé, le 20 décembre 1985, un recours hiérarchique contre la décision de refus. Par décision du 9 janvier 1986, ce recours a été déclaré irrecevable, au motif que le Président directeur général et les syndics de la Société Marbot n'avaient plus qualité pour contester les décisions de l'inspecteur du travail, et que les contrats de travail en cours le 14 novembre 1985 avaient été transférés à la Société CFT qui reprenait l'activité de la Société Marbot. La CFT a alors présenté, le 9 janvier 1986, un recours hiérarchique contre les décisions du 17 décembre 1986. Ce recours ne concernait que 10 salariés dont les licenciements avaient été refusés. Par décisions du 17 janvier 1986, le recours hiérarchique a été partiellement rejeté et les licenciements de cinq salariés ont été refusés. Le recours était accepté en ce qui concerne les cinq autres salariés dont le licenciement a été autorisé. Ces personnes ont alors saisi le Tribunal administratif de Bordeaux d'un recours en annulation de la décision considérée, qui est encore en instance.
  117. 115. Le gouvernement fait remarquer au sujet de cette affaire qu'un premier refus a été opposé à la Société Marbot qui, si elle existait toujours sur le plan du droit des sociétés, n'était plus, à la date de son recours hiérarchique, l'employeur des salariés concernés. Considérant qu'il y avait urgence, au regard de la situation économique de l'entreprise et au regard du climat social très dégradé - l 'illustration en est apportée dans sa requête par la CGT elle-même -, le ministre du Travail a demandé, dès qu'il a été saisi par la CFT, au Directeur régional du travail et de l'emploi de procéder ou de faire procéder à une enquête dans les délais les plus brefs. Dans le cadre de celle-ci, les représentants du personnel concernés ont été entendus par le Directeur départemental du travail et de l'emploi de la Dordogne le 16 janvier 1986. Ils étaient assistés, comme la loi le permet, du secrétaire général de l'Union départementale CGT. Il ne peut ainsi en aucune manière être fait grief à l 'autorité administrative de ne pas avoir procédé à une enquête approfondie et contradictoire sur le recours formé par la CFT.
  118. 116. Pour autoriser certains licenciements, le ministre du Travail, usant de son pouvoir hiérarchique dans le respect des dispositions légales, a pris en considération les éléments suivants qui sont indiqués dans les décisions notifiées aux intéressés: la réalité du motif économique existant à l'origine de la procédure du licenciement ne peut être sérieusement contestée; le nombre de suppressions d'emplois en quelques mois et le dépôt du bilan traduisent les difficultés économiques et financières de l'entreprise; le maintien des représentants du personnel n'est pas envisageable ni dans leur emploi ni dans un emploi de reclassement; la mesure de licenciement ne trouve pas son origine dans les mandats détenus par ces salariés.
  119. 117. Sur les prétendues atteintes à la liberté syndicale dans cette entreprise, le gouvernement observe que l'inspecteur du travail a dressé deux procès-verbaux pour entrave à l'exercice des fonctions de représentant du personnel en l 'absence de la réintégration de ceux-ci dans leur emploi (28 novembre 1985), pour entrave au fonctionnement de l 'institution des délégués du personnel en l 'absence de convocation des réunions mensuelles par l'employeur (27 mai 1986). Les procès-verbaux ont été adressés à l'autorité judiciaire aux fins de poursuites pénales. Dans le cadre des procédures normalement applicables en la matière, le Procureur de la République a fait procéder à l 'audition des personnes dont la responsabilité est susceptible d'être engagée. Les procédures suivent leur cours normal.
  120. 118. Les faits rapportés dans la plainte de l'Union internationale des industries du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux au sujet des violences subies par Mme Parade, pour regrettables qu'ils soient, échappent au droit du travail et relèvent d'un examen et d'un traitement dans le cadre de la législation générale applicable aux coups et blessures. C'est dans ce cadre que Mme Parade a, par l'intermédiaire de son avocat, déposé une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction du Tribunal de Périgueux. Il appartient aujourd'hui à la justice, juge d'instruction puis juridiction de jugement de déterminer les personnes responsables, d'envisager une sanction sur la base des dispositions du Code pénal et de réparer le préjudice subi par Mme Parade.
  121. C. Conclusions du comité
  122. 119. La réclamation déposée par la CGT est motivée par le fait que, selon elle, la répression antisyndicale en France a pris depuis 1984 une dimension et un caractère de gravité très importants. Pour développer son argumentation, l'organisation plaignante se réfère à cinq séries d'allégations que le comité examinera successivement: atteintes aux droits syndicaux dans les secteurs privé et nationalisé; suppression d'avantages accordés aux organisations syndicales en matière de locaux syndicaux et de moyens d'action; atteintes aux droits des représentants des travailleurs; atteintes au droit de négociation collective et enfin mesures de répression contre l'exercice du droit de grève.
  123. I. Atteintes aux droits syndicaux dans les secteurs privé et nationalisé
  124. 120. La CGT allègue en premier lieu que les licenciements économiques constituent le moyen privilégié pour se débarrasser des salariés syndiqués en priorité. Elle cite notamment des exemples d'employeurs qui liquident leur entreprise ou déposent leur bilan en vue d'éliminer la section syndicale en excluant de la reprise de l'entreprise les secteurs où la CGT était majoritaire. Le gouvernement observe, en revanche, que le code du travail prévoit une protection contre les licenciements motivés par des activités syndicales, protection qui a encore été renforcée par des lois adoptées en 1985.
  125. 121. Le comité note en particulier que, dans les exemples où le gouvernement a pu procéder à certaines vérifications, aucun élément probant n'a permis d'établir de liens entre la fermeture d'une entreprise et la présence d'une représentation du personnel CGT majoritaire dans l'établissement.
  126. 122. Il ressort en outre des explications détaillées fournies par le gouvernement avec exemples à l'appui (entreprises Coignet, Citroën, Carpiquet et Bata-Marbot notamment) que le ministère du Travail, lorsqu'il a été saisi de dossiers étayés concernant des atteintes aux droits syndicaux, s'est efforcé de veiller au respect des lois et règlements et a notamment refusé le licenciement de délégués du personnel.
  127. 123. En conséquence, compte tenu de la législation qui permet de sanctionner, sur les plans pénal et civil, tout employeur ayant exercé des actes de discrimination antisyndicale et des explications fournies par le gouvernement quant aux actions menées par le ministère du Travail en vue de protéger l'exercice des droits syndicaux, le comité estime que cet aspect de la réclamation n'appelle pas un examen plus approfondi.
  128. 124. La CGT a mis en exergue dans sa réclamation l'affaire Clavaud et le licenciement de ce syndicaliste par la direction Dunlop-Montluçon à la suite de la publication par le journal l'Humanité de son "carnet d'impression de travail". Le comité note avec intérêt que le Conseil des prud'hommes a prononcé la réintégration de M. Clavaud sous astreinte de 500 francs par jour de retard.
  129. 125. La CGT a également allégué que les employeurs portaient fréquemment atteinte, notamment dans les petites entreprises, au droit d'organisation et de constitution de sections syndicales et de mise en place des institutions représentatives du personnel. Le gouvernement indique à cet égard que des entraves à ces droits constituent, en vertu du code du travail, des délits punis d'emprisonnement et/ou d'une amende, et que des interventions appropriées auprès de l'Inspection du travail sont à même de régler les conflits. Le gouvernement cite à cet égard des cas où l'intervention de l' Inspection du travail, notamment au sein de l'entreprise CGEE-Alsthom et du groupe PSA, a permis de régler des situations conflictuelles.
  130. 126. Sur ce point, considérant que la législation et la pratique suivie par le ministère du Travail constituent des garanties sérieuses pour la protection du droit syndical, le comité estime que cet aspect de la réclamation n'appelle pas un examen plus approfondi.
  131. II. Suppression d'avantages accordés aux organisations syndicales en matière de locaux syndicaux et de moyens d'action
  132. 127. Les allégations présentées en ce domaine se réfèrent à l 'éviction de locaux syndicaux dans plusieurs villes, et notamment à Levallois-Perret où le maire a dissous la Bourse du travail. D'après la confédération plaignante, après les élections municipales de 1983, les maires de ces villes auraient supprimé les mises à la disposition bénévoles des bourses du travail et de locaux syndicaux à la CGT, et supprimé ou diminué les subventions municipales. Enfin, à Paris, une partie importante des locaux syndicaux et des avantages, qui étaient attribués à la CGT en tant qu'organisation la plus représentative par la municipalité, au sein de la Bourse du travail de Paris, a été supprimée. Le gouvernement a répondu spécifiquement à ces allégations sur les deux cas où l'organisation plaignante a fourni des informations détaillées, ceux des municipalités de Levallois-Perret et de Paris. Dans le premier cas, la Bourse du travail a été effectivement supprimée, mais d'autres locaux syndicaux jugés exigus par la CGT ont été mis à la disposition des organisations. En outre, un recours est actuellement en instance devant le Conseil d'Etat. Pour ce qui concerne Paris, le gouvernement admet également qu'un arrêté récent du maire a modifié la répartition des sièges au Conseil d'administration de la Bourse du travail à la suite des élections syndicales aux caisses d'allocations familiales de 1983, ce qui a eu pour effet de faire perdre à la CGT la majorité, mais il indique qu'aucun recours n'a été déposé devant le juge administratif contre cette décision. Pour les autres allégations, aucune plainte n'a été déposée devant l'Inspection du travail.
  133. 128. Le comité prend note de ces informations. Comme le gouvernement le souligne dans sa réponse, il est certain que la convention no 87 n'impose pas de prestations positives aux organisations syndicales de la part de l'Etat ou des collectivités locales. Les faits allégués par la CGT ne sauraient donc constituer une violation de la convention. Toutefois, force est de constater que le retrait ou la diminution de la mise à disposition de locaux syndicaux dont les syndicats avaient l'usage depuis longtemps n'a pu qu'entraîner des conséquences dommageables pour les organisations syndicales.
  134. 129. Pour ce qui plus précisément de la modification de la répartition des sièges au Conseil d'administration de la Bourse du travail de Paris, le comité note que cette nouvelle répartition s'est fondée sur le résultat d'élections syndicales et estime en conséquence que cet aspect de la réclamation n'appelle pas un examen plus approfondi.
  135. III. Atteintes aux droits des représentants des travailleurs
  136. 130. Les allégations portent sur le licenciement avec autorisation administrative pour des motifs économiques ou non économiques de plus de 15.000 représentants de travailleurs entre 1978 et 1985. A cet égard, le gouvernement rétorque que la législation française du travail prévoit une protection particulière des représentants du personnel, et même des candidats aux élections, des salariés qui ont demandé l'organisation d'élections et des anciens membres de ces comités. Cependant, pour le gouvernement, l'autorisation administrative de licenciement des personnes protégées ne signifie pas que celles-ci sont à l'abri de licenciement pour fautes graves ou pour des raisons économiques générales. Au sujet du nombre croissant des recours, le gouvernement estime qu'il est le reflet de la crise économique grandissante et de ses incidences sur l'emploi, et il affirme qu'en cas de recours le juge administratif vérifie la gravité des faits reprochés au salarié ou la pertinence du motif économique. Le gouvernement cite un certain nombre de cas où le licenciement de délégués CGT a été refusé soit directement par l'Inspection du travail (Creusot-Loire, Bata), soit pas décision du juge administratif (FOP).
  137. 131. Au sujet des autres formes de répression, et notamment des refus allégués d'habilitation en matière d'accès aux zones classées défense, le gouvernement confirme que la loi prévoit des conditions particulières d'accès dans ces zones pour les représentants du personnel des entreprises travaillant pour la défense nationale mais il affirme que les organisations syndicales les acceptent généralement. Dans des cas d'isolement de militants syndicaux ou de mesures discriminatoires à leur encontre, les situations ont pu être redressées par l'Inspection du travail ou les tribunaux du travail.
  138. 132. Dans le cas de la dissolution par le ministère de l'Intérieur du corps des sapeurs-pompiers de Lorient qui a entraîné la suspension puis le reclassement de syndicalistes et de dirigeants CGT, il ressort des déclarations mêmes des plaignants que les agents en question avaient refusé à plusieurs reprises d'assurer des missions essentielles pour la sécurité des personnes. De l'avis du comité, de telles actions dépassent le cadre d'activités syndicales légitimes, et les mesures prises pour remédier à une telle situation ne peuvent être considérées comme des actes de discrimination antisyndicale.
  139. 133. Il ressort cependant de la réponse du gouvernement que, dans un certain nombre de cas, des atteintes aux droits des représentants des travailleurs ont effectivement eu lieu. Cependant, dans la mesure où des situations concrètes ont été portées devant les juges ou les autorités administratives, il y a été porté remède. Il n'en demeure pas moins que, de l'avis du comité, d'une manière générale, la crise économique risquant de servir de prétexte à des mesures de représailles antisyndicales, les gouvernements se doivent de veiller avec intransigeance à la protection des représentants des travailleurs.
  140. 134. A cet égard, le comité doit attirer l'attention du gouvernement sur la recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, qui prévoit que des dispositions particulières devraient être prises en vue d'assurer une protection efficace des représentants des travailleurs. Ces dispositions pourraient inclure des mesures telles que l'obligation pour l'employeur de prouver que le licenciement ou la sanction était en réalité justifié, et la reconnaissance d'une priorité à accorder au maintien en emploi des représentants des travailleurs en cas de réduction du personnel.
  141. IV. Atteintes au droit de négociation collective
  142. 135. La CGT critique les pouvoirs ministériels d'extension de conventions collectives quand celles-ci ne sont pas signées par la majorité des organisations syndicales représentatives. Le gouvernement explique à cet égard que les arrêtés d'extension sont pris par le ministre du Travail après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective. En outre, lorsque le texte n'a pas été signé par la totalité des organisations les plus représentatives intéressées, le ministre du Travail peut consulter à nouveau la commission. Enfin, l'extension suppose la signature préalable par une organisation représentative de salariés.
  143. 136. Dans des cas antérieurs, le comité a estimé que l'extension d'une convention collective à tout un secteur d'activité contre l'avis de l'organisation majoritaire de la catégorie de travailleurs visée par la convention étendue risque de limiter le droit de négociation volontaire d'une organisation majoritaire. En effet, un tel système pourrait permettre d'étendre des conventions contenant des dispositions constituant une détérioration des conditions de travail des travailleurs de cette catégorie professionnelle. (Voir notamment 217e rapport, cas no 1087 (Portugal) paragr. 223.)
  144. 137. Dans la présente affaire cependant, le comité observe que la législation contient certaines clauses de sauvegarde puisque l'extension suppose la consultation préalable de la Commission nationale de la négociation collective et la signature d'une organisation représentative de salariés. Dans ces conditions, étant donné en outre que la législation fixe des critères objectifs de la détermination de la représentativité des organisations syndicales, le comité estime en conséquence que cet aspect de la réclamation n'appelle pas un examen plus approfondi.
  145. V. Mesures de répression contre l'exercice du droit de grève
  146. 138. Les allégations se réfèrent à des atteintes au droit de grève qui résulteraient notamment de recours abusifs aux procédures judiciaires dans les entreprises nationalisées et privées, d'expulsion de grévistes et de recours à la sous-traitance ou aux contrats intérimaires pour remplacer les grévistes.
  147. 139. Tout en observant que le droit de grève n'est pas mentionné dans les conventions nos 87 et 98, le gouvernement indique que ce droit est reconnu dans le Préambule de la Constitution qui dispose que ce droit s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Le Conseil d'Etat a précisé à cet égard que ce droit, tout comme tout autre droit, doit être limité en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l 'ordre public. En outre, la Cour de cassation a estimé dans un arrêt de novembre 1982 cité par la CGT que les syndicats devaient être déclarés responsables des agissements auxquels ils ont effectivement participé, lorsque ces agissements sont constitutifs d'infractions pénales ou ne peuvent se rattacher à l'exercice normal du droit de grève.
  148. 140. Comme il l'a souligné à plusieurs reprises, le comité estime que le recours à la grève est un moyen légitime de défense des intérêts des travailleurs. (Voir, par exemple, 244e rapport, cas no 1270 (Brésil), paragr. 225.) Il appartient donc au comité d'examiner si les faits allégués mettent en cause indûment l'exercice du droit de grève.
  149. 141. Le comité constate que les condamnations de grévistes ou de syndicats à l'occasion de grèves auxquelles a fait référence l'organisation plaignante sont prononcées par les tribunaux en cas d'actes illégaux, comme par exemple voies de fait, séquestration, délits, atteinte à la circulation des personnes et des biens, etc. De même, l'expulsion de grévistes occupant un lieu de travail n'est réalisée que sous certaines garanties et dans les cas où il y a obstacle au travail des non-grévistes. Le comité, considérant que le recours à la grève n'est légitime que s'il s'exerce de façon pacifique et sans intimidation ou contrainte physique, estime donc que ces aspects de la réclamation n'appellent pas un examen plus approfondi.
  150. 142. Au sujet du remplacement des grévistes par une main-d'oeuvre temporaire, le comité note qu'il ne peut être fait appel aux salariés d'entreprises de travail temporaire aux termes de la loi du 25 juillet 1985. Le comité observe également que, par une ordonnance du 11 août 1986, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir pour objet le remplacement d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu par suite d'un conflit collectif du travail. Le comité estime en conséquence que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
  151. Recommandation du comité
  152. 143. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
  153. a) Au sujet de la suppression d'avantages qui étaient accordés aux organisations syndicales en matière de locaux syndicaux et de moyens d'action, bien que les faits allégués ne constituent pas une violation de la convention, le comité demande aux autorités compétentes, afin d'éviter des conséquences dommageables pour les organisations syndicales, de s'efforcer, lorsqu'il n'est pas possible de maintenir les organisations syndicales dans leurs locaux, de prévoir des solutions de remplacement qui permettent à ces dernières de continuer à exercer normalement leurs activités.
  154. b) Au sujet des atteintes aux droits des représentants des travailleurs, le comité, tout en notant que les autorités judiciaires ou administratives ont porté remède à ce type d'atteintes lorsqu'elles en ont été saisies, demande au gouvernement de s'inspirer des moyens énoncés dans la recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, en vue d'assurer une protection efficace de ces représentants.
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