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PLAINTE (article 26) - 1987 - NICARAGUA - C087, C098, C144

1. Henri Georget, délégué employeur, Niger., 2. Johan von Holten, délégué employeur, Suède., 3. Hiroshi Tsujino, délégué employeur, Japon., 4. Javier Ferrer Dufoll, délégué employeur, Espagne., 5. Arthur Joao Donato, délégué employeur, Brésil., 6. Raoul Inocentes, délégué employeur, Philippines., 7. Wolf Dieter Lindner, délégué employeur, République fédérale d'Allemagne., 8. Tom D. Owuor, délégué employeur, Kenya., 9. Ray Brillinger, délégué employeur, Canada.

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RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE chargée d'examiner la plainte concernant l'exécution, par le Nicaragua, des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, présentée par plusieurs délégués employeurs à la 73e session (1987) de la Conférence en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT

RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE chargée d'examiner la plainte concernant l'exécution, par le Nicaragua, des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, présentée par plusieurs délégués employeurs à la 73e session (1987) de la Conférence en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT
  1. Rapport de la Commission d'enquête en PDF (1991)

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. I. PLAINTE ET PROCEDURE SUIVIE
  2. CHAPITRE 1
  3. DEPOT DE LA PLAINTE ET INSTITUTION DE LA COMMISSION
  4. Dépôt de la plainte
  5. 1. Par une lettre datée du 17 juin 1987 adressée au Directeur général du Bureau international du Travail, plusieurs délégués employeurs assistant à la 73e session (1987) de la Conférence internationale du Travail ont déposé une plainte en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail (OIT) contre le gouvernement du Nicaragua, relative à la violation des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. La plainte est rédigée dans les termes suivants:
  6. Monsieur le Directeur général,
  7. Nous, soussignés, délégués employeurs à la 73e session de la Conférence internationale du Travail, déposons par la présente plainte, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, dont la teneur est que le gouvernement du Nicaragua n'assure pas de manière satisfaisante l'exécution de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. En tant que Membre de l'OIT, le Nicaragua a ratifié les conventions nos 87 et 98 en 1967 et la convention no 144 en 1981.
  8. Nous fondons notre plainte sur les faits suivants:
  9. I. Concernant la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
  10. Depuis 1981, 21 plaintes au moins ont été déposées au BIT par des organisations de travailleurs et d'employeurs, relatives à des violations par le gouvernement du Nicaragua de ses obligations en vertu de la convention no 87. Les violations ont consisté en meurtre (cas no 1007), agressions physiques (cas nos 1031, 1129, 1169, 1185 et 1298), tortures (cas nos 1283 et 1344), arrestations arbitraires (cas nos 1007, 1031, 1047, 1084, 1129, 1148, 1169, 1185, 1208, 1283, 1298, 1344 et 1351), violations de domiciles (cas nos 1129 et 1148), pillages de bureaux (cas nos 1129 et 1298), confiscation de propriété (cas no 1344), restrictions à la liberté de mouvement (cas nos 1103, 1114, 1129, 1317 et 1351), violations de la liberté d'expression (cas nos 1084, 1129 et 1283) et nombre d'autres questions comprenant la non-reconnaissance d'organisations de travailleurs indépendants jusqu'à ce que des plaintes puissent être présentées au BIT. Toute organisation professionnelle d'employeurs ou de travailleurs qui ne se soumet pas à l'autorité du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) est l'objet de répression par le gouvernement soit par l'intermédiaire de ses fonctionnaires, soit par celui de gangs organisés.
  11. Dans les faits, le Nicaragua est en état d'urgence depuis plusieurs années. Cet état d'urgence a été continuellement prolongé, le plus récemment par le décret no 245 du 9 janvier 1987. L'état d'urgence est utilisé par le gouvernement pour supprimer tous les droits et libertés essentiels à l'exécution satisfaisante de la convention no 87. Il est en fait utilisé pour supprimer toute opposition aux intérêts de l'autorité.
  12. Par ailleurs, une nouvelle Constitution a été promulguée en 1987 qui dénie implicitement aux employeurs le droit de s'associer dont ils jouissaient précédemment, tout en l'accordant à beaucoup d'autres catégories de personnes, ce qui est une violation évidente de l'article 2 et de l'article 8, paragraphe 2, de la convention no 87.
  13. II. Concernant la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  14. Le décret no 530, édicté par le gouvernement le 24 septembre 1980, a, depuis son application, subordonné les conventions collectives à l'approbation du ministère du Travail pour des raisons de politique économique, ce qui, en réalité, rend la liberté de négocier collectivement sans aucune signification. Nonobstant le fait que les organes compétents de l'OIT ont répété que cela est une violation de la convention no 98, le gouvernement n'a rien fait pour corriger la situation. En particulier, les salaires ne peuvent être l'objet de négociation collective puisqu'ils sont déterminés par le Système national du travail et d'organisation des salaires (SNOTS) qui classifie chacune des formes concevables d'emploi et fixe les salaires leur correspondant. Cette violation de l'article 4 de la convention a été le sujet d'une recommandation de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
  15. III. Concernant la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976.
  16. L'organisation la plus représentative d'employeurs au Nicaragua est le "Consejo Superior de la Empresa Privada" (COSEP) (Conseil supérieur de l'entreprise privée). Le COSEP est couvert par l'article 1 de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. Pourtant, le gouvernement n'a pas consulté le COSEP sur les procédures visant à assurer des consultations efficaces tel qu'envisagé à l'article 2 de l'instrument. A l'inverse de ce qu'il a déclaré dans son rapport sur l'application de la convention, le gouvernement a aussi négligé de consulter le COSEP sur les questions couvertes par l'article 5 de la convention. Le gouvernement n'a respecté aucune de ses obligations au regard de la convention dans la mesure où elles se rapportent aux consultations avec le COSEP.
  17. Les soussignés demandent qu'il soit procédé à l'examen de cette plainte et qu'un rapport soit établi par une commission d'enquête, comme prévu à l'article 26, paragraphe 3, de la Constitution de l'OIT, puisque, en particulier, le gouvernement ignore les recommandations du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration et de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations qui, eux, se sont déjà prononcés sur les questions mentionnées ci-dessus.
  18. Signé:
  19. Henri Georget,
  20. Délégué employeur, Niger.
  21. Raoul Inocentes,
  22. Délégué employeur, Philippines.
  23. Johan von Holten,
  24. Délégué employeur, Suède.
  25. Wolf Dieter Lindner,
  26. Délégué employeur, République fédérale d'Allemagne.
  27. Hiroshi Tsujino,
  28. Délégué employeur, Japon.
  29. Tom D. Owuor,
  30. Délégué employeur, Kenya.
  31. Javier Ferrer Dufoll,
  32. Délégué employeur, Espagne.
  33. Ray Brillinger,
  34. Délégué employeur, Canada.
  35. Arthur Joao Donato,
  36. Délégué employeur, Brésil.
  37. 2. Dans deux communications reçues au BIT le 19 juin 1987, MM. Roberto Favelevic et Vicente Bortoni, respectivement délégués des employeurs de l'Argentine et du Mexique, se sont joints à la plainte.
  38. Dispositions de la Constitution de l'OIT relatives aux plaintes concernant l'application des conventions ratifiées
  39. 3. Le Nicaragua a ratifié les conventions nos 87 et 98 le 31 octobre 1967, et la convention no 144 le 1er octobre 1981. Ces conventions sont entrées en vigueur, à l'égard de ce pays, le 31 octobre 1968 et le 1er octobre 1982, respectivement. A la date de présentation de la plainte, les plaignants, MM. Henri Georget, Johan von Holten, Hiroshi Tsujino, Javier Ferrer Dufoll, Arthur Joao Donato, Raoul Inocentes, Wolf Dieter Lindner, Tom D. Owuor, Ray Brillinger, Roberto Favelevic et Vicente Bortoni, étaient délégués des employeurs de leurs pays à la 73e session de la Conférence et, à ce titre, étaient habilités à présenter une plainte, conformément à l'article 26, paragraphe 4 de la Constitution de l'OIT.
  40. 4. Les dispositions relatives aux plaintes concernant l'application des conventions ratifiées se trouvent aux articles 26 à 29 et 31 à 34 de la Constitution de l'OIT, qui se lisent comme suit:
  41. "Article 26
  42. 1. Chacun des Membres pourra déposer une plainte au Bureau international du Travail contre un autre Membre qui, à son avis, n'assurerait pas d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention que l'un et l'autre auraient ratifiée en vertu des articles précédents.
  43. 2. Le Conseil d'administration peut, s'il le juge à propos, et avant de saisir une commission d'enquête selon la procédure indiquée ci-après, se mettre en rapport avec le gouvernement mis en cause de la manière indiquée à l'article 24.
  44. 3. Si le Conseil d'administration ne juge pas nécessaire de communiquer la plainte au gouvernement mis en cause ou si, cette communication ayant été faite, aucune réponse ayant satisfait le Conseil d'administration n'a été reçue dans un délai raisonnable, le Conseil pourra former une commission d'enquête qui aura pour mission d'étudier la question soulevée et de déposer un rapport à ce sujet.
  45. 4. La même procédure pourra être engagée par le Conseil soit d'office, soit sur la plainte d'un délégué à la Conférence.
  46. 5. Lorsqu'une question soulevée par l'application des articles 25 ou 26 viendra devant le Conseil d'administration, le gouvernement mis en cause, s'il n'a pas déjà un représentant au sein du Conseil d'administration, aura le droit de désigner un délégué pour prendre part aux délibérations du Conseil relatives à cette affaire. La date à laquelle ces discussions doivent avoir lieu sera notifiée en temps utile au gouvernement mis en cause.
  47. Article 27
  48. Dans le cas où une plainte serait renvoyée, en vertu de l'article 26, devant une commission d'enquête, chacun des Membres, qu'il soit ou non directement intéressé à la plainte, s'engage à mettre à la disposition de la commission toute information qui se trouverait en sa possession relativement à l'objet de la plainte.
  49. Article 28
  50. La commission d'enquête, après un examen approfondi de la plainte, rédigera un rapport dans lequel elle consignera ses constatations sur tous les points de fait permettant de préciser la portée de la contestation, ainsi que les recommandations qu'elle croira devoir formuler quant aux mesures à prendre pour donner satisfaction au gouvernement plaignant et quant aux délais dans lesquels ces mesures devraient être prises.
  51. Article 29
  52. 1. Le Directeur général du Bureau international du Travail communiquera le rapport de la commission d'enquête au Conseil d'administration et à chacun des gouvernements intéressés dans le différend, et en assurera la publication.
  53. 2. Chacun des gouvernements intéressés devra signifier au Directeur général du Bureau international du Travail, dans le délai de trois mois, s'il accepte ou non les recommandations contenues dans le rapport de la commission et, au cas où il ne les accepte pas, s'il désire soumettre le différend à la Cour internationale de justice.
  54. ..................................................................
  55. Article 31
  56. La décision de la Cour internationale de justice concernant une plainte ou une question qui lui aurait été soumise conformément à l'article 29 ne sera pas susceptible d'appel.
  57. Article 32
  58. Les conclusions ou recommandations éventuelles de la commission d'enquête pourront être confirmées, amendées ou annulées par la Cour internationale de justice.
  59. Article 33
  60. Si un Membre quelconque ne se conforme pas dans le délai prescrit aux recommandations éventuellement contenues soit dans le rapport de la commission d'enquête, soit dans la décision de la Cour internationale de justice, selon le cas, le Conseil d'administration pourra recommander à la Conférence telle mesure qui lui paraîtra opportune pour assurer l'exécution de ces recommandations.
  61. Article 34
  62. Le gouvernement en faute peut, à tout moment, informer le Conseil d'administration qu'il a pris les mesures nécessaires pour se conformer soit aux recommandations de la commission d'enquête, soit à celles contenues dans la décision de la Cour internationale de justice, et peut lui demander de bien vouloir faire constituer une commission d'enquête chargée de vérifier ses dires. Dans ce cas, les stipulations des articles 27, 28, 29, 31 et 32 s'appliqueront et, si le rapport de la commission d'enquête ou la décision de la Cour internationale de justice sont favorables au gouvernement qui était en faute, le Conseil d'administration devra aussitôt recommander que les mesures prises conformément à l'article 33 soient rapportées."
  63. Mesures adoptées par le Conseil d'administration à la suite de la présentation de la plainte
  64. 5. A sa 238e session (novembre 1987), le Conseil d'administration a examiné un rapport présenté par son bureau au sujet de la plainte, rapport qui contenait entre autres les passages suivants:
  65. "Une discussion sur le fond de la plainte ne saurait être envisagée au stade actuel. Il serait incompatible avec le caractère judiciaire de la procédure prévue à l'article 26 et aux articles suivants de la Constitution qu'une discussion ait lieu, au Conseil d'administration, au sujet du fond d'une plainte pendant qu'une proposition de la renvoyer devant une commission d'enquête est en attente devant le Conseil d'administration, et alors que le Conseil ne dispose pas de considérations du gouvernement contre lequel cette plainte a été présentée, ni de l'appréciation objective de l'ensemble du cas de la part d'un organisme indépendant.
  66. On se rappellera, à cet égard, que le Comité de la liberté syndicale a examiné diverses plaintes, présentées par un certain nombre d'organisations de travailleurs et d'employeurs, en violation des principes de la liberté syndicale au Nicaragua. Pour certains de ces cas, le Conseil d'administration a déjà approuvé les conclusions intérimaires formulées par le comité. Un cas a été ajourné par le comité dans l'attente des observations du gouvernement. Il convient également de rappeler que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a récemment adressé des commentaires au gouvernement du Nicaragua sur l'application des conventions auxquelles il est fait référence dans la plainte actuellement présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution, et que la Commission de l'application des conventions et recommandations a, en 1987, discuté des questions relatives à l'application, tant en droit qu'en pratique, de la convention no 87.
  67. Le Conseil d'administration avait déjà décidé (154e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 33) que, dans des cas semblables, lorsque diverses plaintes se réfèrent aux différentes procédures établies par l'Organisation pour l'application des conventions et la protection des droits syndicaux, il serait souhaitable de coordonner les procédures et de tenir compte du rôle dévolu au Comité de la liberté syndicale quant à l'examen des plaintes concernant ces cas. Dans le présent cas, la plainte présentée par des délégués à la Conférence au titre de l'article 26 de la Constitution concerne principalement des questions dont le comité est déjà saisi dans le contexte de la procédure spéciale concernant la liberté syndicale. En ce qui concerne cette dernière procédure, le comité poursuivra l'examen des cas en suspens. Il serait utile que le Conseil d'administration dispose des recommandations du comité sur ces cas et sur la plainte au titre de l'article 26, de façon à pouvoir aboutir à une décision sur les mesures à prendre au sujet de cette dernière plainte."
  68. 6. Sur la recommandation du bureau du Conseil d'administration, le Conseil a adopté les décisions suivantes:
  69. "a) Le gouvernement du Nicaragua, en tant que gouvernement contre lequel la plainte a été déposée, devrait être invité par le Directeur général à lui communiquer ses observations sur la plainte pour le 15 janvier 1988 au plus tard.
  70. b) A sa 239e session, le Conseil d'administration devrait déterminer, à la lumière i) des recommandations du Comité de la liberté syndicale au sujet des aspects de la plainte reçue relatifs à la liberté syndicale, ii) des informations qui pourraient être fournies par le gouvernement du Nicaragua, iii) des recommandations du Comité de la liberté syndicale sur les cas encore en instance, si la plainte dans son ensemble doit être renvoyée à une commission d'enquête."
  71. Réponses du gouvernement aux allégationsprésentées dans la plainte
  72. 7. Le gouvernement a envoyé une première réponse sur les allégations contenues dans la plainte présentée au titre de l'article 26 de la Constitution dans une communication en date du 5 janvier 1988 dans laquelle il affirmait que, s'il était vrai que plusieurs plaintes pour prétendues violations de libertés syndicales avaient été présentées, il était également vrai que ces plaintes avaient été closes car il avait démontré qu'elles n'avaient rien à voir avec les affaires syndicales et qu'il s'agissait de délits de droit commun punis par la loi.
  73. 8. Le gouvernement a déclaré que le 9 janvier 1987, par le décret no 245, l'état d'urgence avait été rétabli en tant que mécanisme juridique de défense face à la guerre menée par les Etats-Unis contre le Nicaragua; son application était destinée à lutter contre les activités contre- révolutionnaires et à préserver ainsi les droits des Nicaraguayens. L'affirmation selon laquelle le décret no 245 suspendait plusieurs droits syndicaux était totalement fausse puisque, parmi les droits suspendus, aucun n'était strictement syndical. Le seul droit suspendu en matière de travail était le droit de grève qui n'est pas un droit des syndicats mais un droit des travailleurs, syndiqués ou non.
  74. 9. Le gouvernement a signalé que l'instauration de l'état d'urgence était conforme aux dispositions de l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et de l'article 27 de la Convention américaine des droits de l'homme. En aucune circonstance, l'état d'urgence n'avait empêché le développement du mouvement syndical et la libre affiliation des travailleurs à leurs organisations professionnelles. De 1980 à 1986, les travailleurs de la campagne et de la ville avaient constitué 1.203 syndicats au total.
  75. 10. Le gouvernement a estimé qu'il était important de rappeler que l'arrêt rendu par la Cour internationale de justice le 27 juin 1986 lui accordait un appui juridique fondamental ainsi que son droit de défendre sa souveraineté, son intégrité territoriale et son indépendance économique et politique à travers l'ordre juridique international. C'était, selon le gouvernement, la politique d'agression menée contre le Nicaragua et non l'état d'urgence qui était à l'origine des circonstances difficiles et exceptionnelles que traversait la société nicaraguayenne dans son ensemble. Le gouvernement a souligné qu'il avait l'espoir de suspendre l'état d'urgence quand cesseraient les causes qui l'avaient motivé.
  76. 11. Le gouvernement a poursuivi en indiquant que l'absence d'inscription du droit des employeurs de s'organiser dans la Constitution ne devait pas être comprise comme une interdiction, puisque l'article 49 de la Constitution politique énonce le principe général du droit d'organisation de toutes les personnes en vue de défendre leurs intérêts. C'est pourquoi le droit des travailleurs de s'organiser est inscrit dans le Code du travail et le Règlement des associations syndicales.
  77. 12. Pour ce qui est du décret no 530 de 1980, le gouvernement a déclaré que les dispositions en question ne portaient atteinte en aucune manière au droit des organisations d'employeurs et de travailleurs de négocier des conventions collectives et, conformément au principe du tripartisme de l'OIT, on prévoyait l'intervention du ministère du Travail. En ce qui concerne les autres conditions d'emploi, celles-ci étaient négociées au moyen d'une procédure de conciliation. En cas d'échec, le ministère du Travail ne pouvait imposer aux parties les clauses d'une convention collective. L'affaire devait être résolue, en période d'état d'urgence, par le tribunal d'arbitrage, organe du pouvoir judiciaire, et, en période normale, par la procédure relative au droit de grève.
  78. 13. Le Système national d'organisation du travail et des salaires (SNOTS) permet aux employeurs et aux travailleurs de participer à la discussion des bases du contenu du travail pour fixer les salaires, selon la quantité et la complexité.
  79. 14. Enfin, le gouvernement a estimé que la convention no 144 n'avait pas été enfreinte, car les consultations auxquelles se réfèrent les plaignants avaient été effectuées avec les organisations que le gouvernement considérait, dans un acte souverain, comme les plus représentatives. Cependant, il ne voyait aucun inconvénient à consulter aussi le COSEP en temps opportun.
  80. 15. Dans une autre communication du 19 janvier 1988, le gouvernement a fourni le texte d'un communiqué déclarant qu'à compter du 19 janvier l'état d'urgence était suspendu sur tout le territoire. Le gouvernement affirmait également dans ce communiqué qu'il avait l'intention d'appliquer la loi d'amnistie no 33 lorsqu'un cessez-le-feu interviendrait et que les groupes qui avaient pris les armes réintégreraient la vie civile. Si un tel cessez-le-feu n'était pas décidé, le gouvernement libérerait les intéressés si le gouvernement des Etats-Unis ou un gouvernement d'Amérique centrale décidait de les accueillir sur son territoire. Ils seraient autorisés à rentrer au Nicaragua quand la guerre serait terminée.
  81. 16. Dans une communication ultérieure du 28 janvier 1988, le gouvernement a fourni le texte des décrets no 296 qui supprime les tribunaux populaires anti-somozistes et no 297 qui lève l'état d'urgence sur tout le territoire national et rétablit les droits et garanties reconnus de la Constitution du Nicaragua.
  82. Procédure suivie par le Conseil d'administration et désignation de la commission d'enquête
  83. 17. Le Conseil d'administration a examiné à six reprises les rapports du Comité de la liberté syndicale sur les cas en cours et sur la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution, ainsi que les réponses successives du gouvernement (voir les 255e, 258e, 261e, 264e, 267e et 269e rapports).
  84. 18. A sa 244e session (quatrième séance), le Conseil d'administration a approuvé le 15 novembre 1989 la recommandation du Comité de la liberté syndicale de renvoyer l'examen de l'ensemble de l'affaire à une commission d'enquête, conformément à l'article 26, paragraphe 3, de la Constitution de l'OIT (voir le 269e rapport). La conclusion et la recommandation du comité à ce sujet sont rédigées de la manière suivante:
  85. "Toutefois, le comité doit constater que le gouvernement n'a pas fourni de réponses sur certaines des questions posées par le comité à sa réunion antérieure, en particulier quant à la mise en place d'une commission permanente de consultations tripartites sur les normes internationales du travail et quant à certains décrets portant atteinte à la liberté d'information économique. Le gouvernement n'a pas non plus répondu aux allégations formulées par l'OIE en juin et août 1989 au sujet d'expropriations de terres de dirigeants employeurs et de refus d'indemnisation et de restitution d'exploitations agricoles. Il apparaît en outre qu'il subsiste encore sur de nombreux points en instance des contradictions entre les déclarations des plaignants et celles du gouvernement, notamment sur les consultations concernant la préparation du nouveau Code du travail."
  86. "Au vu des conclusions qui précèdent, le comité recommande au Conseil d'administration de renvoyer l'examen de l'affaire dans son ensemble à une commission d'enquête, conformément à l'article 26, paragraphe 3, de la Constitution de l'OIT. En formulant cette recommandation, le comité n'entend nullement préjuger la situation au Nicaragua, ni encore moins exprimer un blâme ou une condamnation à l'égard du gouvernement. Il est au contraire convaincu que l'établissement de cette commission permettra d'apporter, en collaboration avec les autorités et les partenaires sociaux, une contribution positive à la solution des problèmes auxquels est confronté le pays dans le domaine du travail et des relations professionnelles, problèmes que le gouvernement a déclaré, à plusieurs reprises, vouloir résoudre." (Voir paragraphes 34 et 35 du 269e rapport du comité.)
  87. 19. Au cours de la même session (novembre 1989), le Conseil d'administration a décidé que la commission d'enquête serait composée comme suit:
  88. Président:
  89. M. José Sette Camara (Brésil), ancien vice-président de la Cour internationale de justice.
  90. Membres:
  91. M. René Ricardo Mirolo (Argentine), professeur titulaire de droit à l'Université de Córdoba.
  92. M. José Vida Soria (Espagne), professeur de droit du travail et de la sécurité sociale et ancien recteur de l'Université de Grenade.
  93. CHAPITRE 2
  94. PROCEDURE SUIVIE PAR LA COMMISSION
  95. Première session
  96. Déclaration solennelle
  97. 20. La commission d'enquête a tenu sa première session à Genève du 12 au 14 février 1990.
  98. 21. Au début de la session, les membres de la commission ont fait une déclaration solennelle, en présence de M. Heribert Maier, Directeur général adjoint du Bureau international du Travail. En les invitant à faire cette déclaration, M. Maier s'est exprimé dans les termes suivants:
  99. "Vous avez été nommés pour constituer une commission d'enquête, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, afin d'examiner des plaintes en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Nicaragua.
  100. La tâche qui vous est confiée est d'établir les faits sans crainte ni préférence et en complète indépendance et impartialité. Vous siégerez donc, au sein de la commission, à titre individuel et personnel.
  101. C'est à votre commission elle-même qu'il appartient de fixer la procédure qu'elle entend suivre. Toutefois, elle pourra, en fixant sa procédure, tenir compte des règles adoptées par les précédentes commissions instituées en vertu de l'article 26 de la Constitution. Une de ces règles fondamentales est que le rôle d'une commission d'enquête n'est pas limité à un examen des informations que les parties pourraient fournir, mais qu'en outre elle doit prendre elle-même toutes les mesures nécessaires pour disposer des informations les plus complètes et objectives qui soient sur les questions en cause.
  102. Le Conseil d'administration du Bureau international du Travail a approuvé les termes d'une déclaration solennelle par laquelle les membres d'une commission d'enquête s'engagent à exercer tous leurs devoirs et attributions "en tout honneur et dévouement, en pleine impartialité et en toute conscience". Les termes de cette déclaration correspondent à ceux de la déclaration qui est faite par les juges de la Cour internationale de Justice.
  103. Je vous invite donc à faire à tour de rôle cette déclaration solennelle."
  104. 22. Les membres de la commission ont alors prononcé la déclaration suivante:
  105. "Je déclare solennellement que j'exercerai en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience, les devoirs et attributions de membre de la commission d'enquête instituée par le Conseil d'administration du Bureau international du Travail, à sa 244e session (novembre 1989), en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, pour examiner l'observation, par le gouvernement du Nicaragua, des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976."
  106. Communication d'informations complémentaires ou nouvelles
  107. 23. Au cours de la première session, la commission a pris connaissance de la plainte et arrêté la procédure qu'elle suivrait pour l'accomplissement effectif de ses travaux.
  108. 24. La commission a décidé d'accorder au gouvernement du Nicaragua la possibilité de communiquer, avant le 1er avril 1990, toute déclaration écrite qu'il désirerait présenter. Elle lui a fait savoir que, comme elle disposait déjà de toutes les informations présentées précédemment aux organes de contrôle, toute déclaration supplémentaire qu'il jugerait opportun de communiquer devrait se limiter à des informations et éléments supplémentaires ou nouveaux. La commission a également invité les représentants désignés par les plaignants à lui communiquer, avant le 1er avril 1990, toutes informations ou observations supplémentaires ou nouvelles qu'ils désireraient présenter. Elle a décidé que celles-ci seraient transmises au gouvernement du Nicaragua pour d'éventuels commentaires avant le 1er mai 1990.
  109. 25. La commission a décidé en outre d'accorder aux organisations ayant le statut consultatif auprès de l'OIT et ayant présenté des plaintes au Comité de la liberté syndicale relatives au présent cas, à savoir la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), la Confédération mondiale du travail (CMT) et l'Organisation internationale des employeurs (OIE), la possibilité d'envoyer des informations supplémentaires ou nouvelles. La commission a aussi décidé d'accorder à l'organisation internationale de travailleurs ayant le statut consultatif auprès de l'OIT et qui n'a pas présenté de plainte au Comité de la liberté syndicale se rapportant au présent cas, à savoir la Fédération syndicale mondiale (FSM), la possibilité de présenter avant le 1er avril 1990 toute communication qu'elle souhaiterait transmettre sur les questions soulevées dans la plainte.
  110. 26. La commission a indiqué aux organisations internationales mentionnées dans le paragraphe précédent que toute information qu'elle recevrait sur ce cas serait transmise au gouvernement et aux plaignants pour d'éventuels commentaires avant le 1er mai 1990.
  111. 27. La commission a signalé à l'attention du gouvernement du Nicaragua et des plaignants ainsi qu'à celle des organisations internationales de travailleurs et d'employeurs que sa compétence s'étendait uniquement à l'examen de l'exécution par le Nicaragua des obligations découlant pour lui de la ratification des conventions nos 87, 98 et 144; il s'ensuivait que les questions ne relevant pas de ce domaine sortaient du champ de compétence de la commission, et que toute documentation qui pouvait lui être soumise devrait se rapporter à l'affaire dont elle est saisie et qu'elle n'examinerait aucune question ne relevant pas de son mandat.
  112. 28. La commission a souhaité préciser au gouvernement du Nicaragua et aux plaignants qu'elle mènerait à bien ses travaux en parfaite objectivité et impartialité et en toute indépendance. Elle a estimé en outre que son rôle ne se limitait pas à un examen des informations fournies par les parties à l'appui de leurs thèses, et qu'elle prendrait toutes les mesures nécessaires pour disposer des informations aussi complètes et objectives que possible sur les questions en cause.
  113. Mesures adoptées en vue de la deuxième session et des travaux ultérieurs de la commission
  114. 29. La commission a décidé de tenir sa deuxième session à Genève, à partir du 10 mai 1990. A cette occasion, elle procéderait à l'audition des représentants des parties les 11 et 12 mai 1990. Elle a aussi invité la CISL, la CMT et l'OIT à formuler une déclaration à l'occasion de cette audience; elle en a informé le gouvernement du Nicaragua et les plaignants.
  115. 30. La commission a invité le gouvernement du Nicaragua à désigner une personne habilitée à le représenter devant elle ainsi que d'éventuels suppléants. Elle a pris note du fait que les parties plaignantes, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, ont désigné comme leurs représentants MM. Johan von Holten, Javier Ferrer Dufoll et Raphael Lagasse. La commission a également invité les organisations internationales de travailleurs et d'employeurs à désigner un représentant pour ladite audition.
  116. 31. La commission a adopté certaines règles de procédure qu'elle entendait appliquer lors de sa deuxième session pour l'audition des représentants des parties et de certaines organisations internationales. Ces règles ont été portées à la connaissance du gouvernement du Nicaragua, des représentants des plaignants et des organisations de travailleurs et d'employeurs concernées. (Le texte de ces règles figure en annexe au présent chapitre.)
  117. 32. La commission s'est proposée de se rendre dans ce pays à partir du 14 mai 1990 pour une période de deux semaines environ, selon des modalités qui seraient établies ultérieurement, afin de compléter ses propres informations sur les questions qui lui ont été soumises. Au cas où ce dernier considérerait la visite dans le pays comme inopportune en mai, elle l'effectuerait à une date qui ne serait pas postérieure à la première semaine de juillet 1990.
  118. 33. La commission a signalé au gouvernement du Nicaragua que, lors de sa visite dans le pays, elle devra jouir d'une liberté totale de mouvement et pourra avoir à cet effet des conversations et des entretiens privés sans la présence de témoins. Les personnes qui seraient entrées en contact avec la commission ne devront, à aucun moment, être l'objet d'un moyen quelconque de pression, de sanction ou de discipline. La commission a demandé au gouvernement de bien vouloir signifier son accord avec les dates mentionnées et les condititions nécessaires pour l'exécution des tâches qui lui ont été confiées.
  119. 34. La commission a autorisé son président à traiter et décider des questions et procédures qui pourraient surgir entre les sessions, en consultation avec les autres membres, s'il l'estimait nécessaire. ELle a également autorisé le secrétariat à rédiger et à signer des communications de routine envoyées aux parties et aux autres organisations.
  120. 35. Le gouvernement du Nicaragua, les plaignants et les organisations internationales de travailleurs et d'employeurs mentionnées ont été informés, respectivement, des décisions adoptées lors de la première session de la commission.
  121. Changement de gouvernement au Nicaragua
  122. 36. Le 25 février 1990, des élections générales ont eu lieu au Nicaragua. Elles ont abouti à la défaite du parti du Front sandiniste de libération nationale (FSLN), ce qui a entraîné un changement fondamental dans la situation du pays. Le nouveau gouvernement, présidé par Mme Violeta Barrios de Chamorro, a pris ses fonctions le 25 avril 1990.
  123. 37. Compte tenu du résultat des élections et de la date d'entrée en fonctions du gouvernement, la commission a décidé en définitive qu'elle tiendrait sa deuxième session les 13, 14 et 15 juin et qu'elle se rendrait au Nicaragua à partir du 4 juillet 1990.
  124. Communications reçues après la première session de la commission
  125. 38. Après que la commission eut décidé d'accorder au gouvernement du Nicaragua, aux plaignants et aux organisations d'employeurs et de travailleurs ayant le statut consultatif à l'OIT la possibilité de présenter toutes informations supplémentaires ou nouvelles concernant les questions soulevées dans la plainte, la commission a reçu les communications suivantes.
  126. Communication des plaignants
  127. 39. Les représentants désignés par les plaignants, MM. Lagasse, von Holten et Ferrer Dufoll, ont envoyé une communication datée du 30 mars 1990 et accompagnée d'une annexe où ils précisent et confirment les allégations présentées dans la plainte. Cette communication comprend plusieurs parties. La première énumère les allégations qui ont été présentées devant le Comité de la liberté syndicale de novembre 1980 à juin 1987 et indique les cas dans le cadre desquels le comité les a examinées. Les plaignants déclarent que de nombreuses questions sont restées en suspens car le gouvernemnt n'a pas répondu aux allégations ou aux questions du comité ou n'a pas tenu les promesses qu'il avait faites d'enquêter sur une situation donnée (Note 1). Une autre partie de la communication des plaignants rappelle les observations faites par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations au sujet de la législation du Nicaragua et de son application pratique en ce qui concerne les principes de la liberté syndicale, de la négociation collective et de la consultation tripartite sur les normes internationales du travail. La communication relève une contradiction entre l'attitude du gouvernement du Nicaragua vis-à-vis des observations des organes de contrôle de l'OIT et le fait que, dans la pratique, il ne s'acquitte pas de ses obligations.
  128. 40. Les plaignants signalent par ailleurs une série de violations de la liberté syndicale et des libertés civiles résultant de diverses mesures qui ont continué même après la présentation de la plainte en juin 1987, comme l'arrestation et la condamnation du directeur d'un institut de recherche économique lié au COSEP, la confiscation, en juin 1989, des terres de trois dirigeants d'une association de producteurs de café affiliée au COSEP qui avaient refusé de participer à la politique agricole du gouvernement, le fait que le COSEP n'a pas été consulté au sujet de la modification du Code du travail et le fait que la commission de consultation tripartite que le gouvernement avait promis d'instituer ne l'a pas été. Selon les plaignants, la situation, en droit et en fait, ne s'est pas améliorée pour l'essentiel et, sur certains points, elle s'est même aggravée.
  129. 41. Enfin, les plaignants prient la commission de se prononcer au sujet d'une série de points soulevés dans la plainte et d'entendre divers témoins désignés dans la communication.
  130. 42. L'annexe à la communication contient une liste d'allégations au sujet desquelles les plaignants souhaitent que la commission se prononce.
  131. Communication du gouvernement du Nicaragua
  132. 43. Le 20 avril 1990, quelques jours avant l'entrée en fonctions du nouveau gouvernement, la Mission permanente du Nicaragua à Genève a envoyé une communication qui traite d'un certain nombre de questions. Elle signale que le Conseil d'administration avait décidé que la commission d'enquête commencerait ses travaux au début de mars 1990 car, jusqu'au 25 février 1990, le Nicaragua se trouverait en pleine période électorale. Compte tenu de ce qui avait été convenu au Conseil, il est surprenant que la commission ait tenu sa première réunion du 12 au 14 février 1990.
  133. 44. La communication signale également que quand bien même en droit international il y a continuité de la personnalité juridique de l'Etat et des engagements qu'il a souscrits lorsqu'il y a changement de gouvernement, dans le cas actuel, la situation est quelque peu particulière pour ce qui est des parties à la procédure. En effet, selon la communication, à partir du 25 avril il y aura assimilation, on pourrait même peut-être dire confusion, entre le gouvernement du Nicaragua et le plaignant, le Conseil supérieur de l'entreprise privée, section nicaraguayenne de l'OIE. Cette affirmation se fonde sur le fait que, comme le gouvernement l'a signalé à maintes reprises, le COSEP n'est pas un organisme des employeurs mais constitue en pratique un parti politique qui a soutenu la nouvelle présidente lors de sa campagne électorale et qui propose des candidats pour les ministères et institutions autonomes. Par ailleurs, l'OIE s'est comportée comme une internationale de partis politiques et a participé aux élections en tant qu'observateur.
  134. 45. Selon la communication, l'intention de l'OIE est de poursuivre la procédure à des fins politiques, c'est-à-dire pour faire condamner un gouvernement qui n'est plus au pouvoir.
  135. 46. La communication fait ensuite référence à la note en date du 30 mars 1990 dans laquelle les plaignants demandent que la commission se prononce sur une série de faits qui ont déjà été réglés et au sujet desquels le Comité de la liberté syndicale a formulé des conclusions définitives. La communication analyse ces diverses questions, fait valoir qu'elles ne devraient pas être rouvertes puisque le comité a formulé des recommandations définitives à leur sujet et propose des témoins que la commission devrait entendre.
  136. 47. Enfin, la communication fournit des informations sur les nouvelles mesures législatives adoptées par l'Assemblée nationale du Nicaragua: loi sur les coopératives d'agriculture et d'éleveurs et les coopératives agro-industrielles, réforme de la loi sur la fonction publique et loi sur l'amnistie générale et la réconciliation nationale.
  137. Communications d'organisations internationales d'employeurs et de travailleurs
  138. 48. L'Organisation internationale des employeurs (OIE) a déclaré, dans une communication du 30 mars 1990, qu'elle souscrivait à la communication présentée par les plaignants à la même date.
  139. 49. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a déclaré quant à elle, dans sa communication du 3 avril 1990, qu'elle n'avait rien à ajouter à la plainte qu'elle avait présentée en temps utile au sujet du Nicaragua.
  140. Deuxième session
  141. 50. La commission a tenu sa deuxième session du 13 au 15 juin 1990. Les 14 et 15 juin ont été consacrés, en deux séances, à l'audition des parties et des organisations internationales qui avaient déposé des plaintes devant le Comité de la liberté syndicale: l'OIE, la CISL et la CMT.
  142. 51. Le gouvernement du Nicaragua était représenté à la session par M. Francisco Rosales Argüello, ministre du Travail, Monsieur l'ambassadeur Gustavo Adolfo Vargas, représentant permanent à Genève, et Mme Mayling Lau Gutiérrez, fonctionnaire du ministère. Au nom des plaignants étaient présents MM. Raphaël Lagasse, Johan von Holten et Javier Ferrer Dufoll, accompagnés de M. Mario Garache Castellón, délégué des employeurs du Nicaragua à la Conférence internationale du Travail. L'OIE était représentée par M. Jean Jacques Oechslin, président de l'organisation, accompagné de M. Antonio Peñalosa, secrétaire exécutif, la CISL par M. Guy Ryder, directeur adjoint de son bureau de Genève, et la CMT par M. Luis Enrique Marius, secrétaire général adjoint de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT).
  143. 52. A l'ouverture de l'audition, le président de la commission a rappelé certaines règles de procédures applicables et a signalé que, comme il était indiqué dans le texte de la procédure qui avait été envoyée en temps utile aux participants, la commission n'avait pas compétence pour traiter les questions de caractère exclusivement politique et sans rapport avec les problèmes à examiner. Elle n'accepterait que les informations et les déclarations relatives à l'exercice des droits syndicaux et aux normes énoncées dans la convention no 144.
  144. 53. Au cours de l'audition, des déclarations ont été faites par M. Rosales Argüello, ministre du Travail, et par MM. von Holten, Ferrer Dufoll, Lagasse, Oechslin, Ryder et Marius. En outre, M. Rosales Arguëllo a répondu aux questions des membres de la commission et des représentants des plaignants.
  145. 54. Les informations recueillies au cours de l'audition sont analysées dans la partie du présent rapport qui traite de l'examen du cas par la commission.
  146. 55. Le ministre du Travail, en réponse à ce que la commission avait signalé dans sa communication au gouvernement, après sa première session, au sujet des facilités dont elle devrait bénéficier pendant la visite au Nicaragua et des conditions nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui avaient été confiées (voir le paragraphe 33), a déclaré qu'il souscrivait pleinement à ces principes. La commission, a-t-il déclaré, aurait toute liberté et jouirait de toutes les garanties nécessaires pour interroger qui elle voudrait, sans interventions d'aucune sorte.
  147. 56. En ce qui concerne le déroulement de la visite, MM. Ferrer Dufoll et Lagasse ont exprimé le désir qu'un représentant des plaignants participe à l'audition des témoins que ceux-ci avaient proposés dans leur communication du 30 mars 1990. A cet égard, la commission a décidé qu'elle s'entretiendrait avec différentes personnes qu'elle choisirait en fonction de leurs connaissances des faits et des données de droit de la situation. Bien entendu, elle tiendrait compte aussi à cette fin des suggestions des parties. A la différence des auditions tenues à Genève et conformément à la pratique suivie par toutes les commissions d'enquête antérieures, ces entrevues auraient lieu en privé, c'est-à-dire en dehors de la présence des parties.
  148. Communications postérieures à la deuxième session
  149. 57. Le 18 juin 1990, les représentants des plaignants ont envoyé à la commission la communication suivante, dans laquelle ils abordent de nouveau et exposent en détail la question que M. Lagasse avait déjà soulevée après que la commission eut pris sa décision lors de l'audition au sujet des entretiens qui auraient lieu durant la visite au Nicaragua:
  150. "Les plaignants désirent se référer à la déclaration que vous avez faite le 15 juin, au nom de la commission d'enquête, selon laquelle les parties ne seraient pas autorisées à être présentes lors des contacts que la commission se propose d'avoir avec les personnes citées par elles dans leur mémoire du 30 mars en qualité de témoins, le mois prochain, à Managua.
  151. Nous n'ignorons pas que la commission est maîtresse de sa procédure, même si les diverses commissions ont toujours tenu à s'inspirer des règles et principes qui ont traditionnellement guidé les commissions d'enquête de l'OIT. Nous regretterions que la commission maintienne une telle décision car il résulterait de la procédure envisagée qu'aux termes des travaux de la commission les parties n'auraient eu, ni à Genève ni au Nicaragua, l'occasion d'entendre les témoins officiellement cités ni, éventuellement, de leur adresser des questions. En citant dans leur mémoire du 30 mars treize témoins directement mêlés aux faits allégués, les plaignants ont eu le même souci que le Conseil d'administration du BIT en établissant la commission d'enquête, à savoir établir les faits et dissiper l'incertitude qui les entourent du fait des contradictions qui subsistent entre les allégations des plaignants et les réponses du gouvernement.
  152. Il ressort du Bulletin officiel rendant compte des travaux des commissions d'enquête ayant étudié des plaintes contre Haïti, la République dominicaine, la Pologne et la République fédérale d'Allemagne que les témoins cités par les parties ont été entendus en présence des parties et que ces dernières ont ainsi eu l'occasion de leur poser des questions. Le simple fait que, dans les cas ci-dessus, les témoins ont effectivement été entendus au siège du BIT ne nous paraît pas un argument pertinent pour se départir, dans le cas présent, du respect de ce qui nous semble un principe essentiel, rappelé dans la déclaration liminaire des plaignants et consacré par la pratique, suivant lequel les parties doivent pouvoir faire entendre leurs témoins, les entendre - de même que les témoins éventuels de la partie adverse - et avoir la possibilité de leur adresser des questions si elles le désirent.
  153. Nous serions heureux que la commission, à la lumière de ce qui précède, veuille bien accepter d'entendre les témoins cités par les parties et de donner à ces dernières la possibilité de participer à cette audience."
  154. 58. Dans une communication du 22 juin 1990, le président de la commission a envoyé aux plaignants la réponse suivante:
  155. "J'ai bien reçu votre communication du 18 juin 1990 concernant les entrevues que la commission d'enquête aura durant sa visite au Nicaragua.
  156. A cet égard, je souhaite me référer à la procédure que la commission a arrêtée pour le présent cas, relatif au Nicaragua. Il s'agit en réalité d'un cas dans lequel le Comité de la liberté syndicale a examiné pendant neuf ans un grand nombre de plaintes contenant diverses allégations de violations de la liberté syndicale, au détriment tant des employeurs que des travailleurs. En outre, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a examiné à plusieurs reprises la législation en vigueur en matière syndicale et dans le domaine de la négociation collective, ainsi que la situation pour ce qui est des consultations tripartites concernant les normes internationales du travail, ce qui a donné lieu ultérieurement à des discussions sur la question à la Commission des normes de la Conférence internationale du Travail. Durant toutes ces procédures, il y a eu deux missions de contacts directs, en 1981 et 1983, et une mission d'étude, en 1988.
  157. On a pu réunir ainsi un ensemble d'informations émanant de tous les intéressés et qui permettent à la commission de disposer d'une base de connaissances assez vaste sur le cas.
  158. Dans ces conditions, la commission a considéré qu'elle pouvait se passer de la déposition des témoins au cours de l'audition qui a eu lieu à Genève et se contenter d'entendre les parties et les organisations internationales d'employeurs et de travailleurs qui ont présenté des plaintes devant le Comité de la liberté syndicale.
  159. Suivant ensuite les précédents de toutes les autres commissions d'enquête et autres commissions analogues, la commission a décidé de recueillir des informations sur place au moyen d'entrevues officielles avec les autorités et d'entrevues privées avec d'autres personnes ayant des connaissances suffisantes des questions sur lesquelles porte l'enquête. Toutes ces entrevues, selon la pratique établie, ont lieu en dehors de la présence des parties. Cette règle générale a déjà été appliquée par la première commission d'enquête instituée par le Conseil d'administration conformément à l'article 26 de la Constitution qui a examiné, en 1961 et 1962, la plainte présentée par le Ghana contre le Portugal, cette commission ayant en effet décidé qu'il n'apparaissait pas nécessaire qu'elle "soit accompagnée, au cours de ses visites actuelles sur les lieux, par l'agent, le conseil ou un représentant de l'une ou de l'autre partie" (rapport de la Commission instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner la plainte déposée par le gouvernement du Ghana au sujet de l'observation par le gouvernement du Portugal de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, paragr. 59).
  160. Il ne s'agit pas dans ces cas de témoins au sens technique du terme, c'est-à-dire de personnes proposées par chacune des parties comme ces témoins et dont l'interrogatoire doive être contrôlé par les parties. En choisissant les personnes avec qui elle s'entretiendra, la commission tient compte bien entendu des noms que les parties ont pu proposer, mais c'est à elle qu'appartient la décision finale à ce sujet. Cette décision sera guidée par l'intention de réunir des informations qui proviennent de sources différentes et que l'on puisse ainsi confronter les unes aux autres pour mieux contrôler leur portée et leur objectivité.
  161. On notera que cette procédure en matière de visites est également appliquée par la Commission interaméricaine des droits de l'homme, dont le règlement dispose, en son article 59, que "la commission spéciale, ou l'un quelconque de ses membres, pourra s'entretenir, librement et en privé, avec des personnes, des groupes, des organismes et des institutions, et le gouvernement devra accorder des garanties appropriées à tous ceux qui soumettront à la commission des informations, des témoignages ou des preuves de quelque caractère que ce soit."
  162. C'est en ce sens que la commission, dans une communication du 27 février 1990, postérieure à sa première session, a signalé au gouvernement du Nicaragua que, "au cours de sa visite dans le pays, la commission devra jouir d'une entière liberté de mouvement et pourra avoir à cet effet des conversations et des entretiens privés sans témoins. Les personnes qui auront été en contact avec la commission ne devront faire l'objet en aucun moment d'une quelconque mesure de coercition, de sanction ou de discipline en raison de ces contacts". Au cours de l'audition récente, le ministre du Travail du Nicaragua a déclaré qu'il était d'accord avec ces conditions.
  163. La commission a estimé que la façon de procéder décrite plus haut avait toujours donné des résultats satisfaisants, s'agissant d'obtenir le plus largement possible les informations nécessaires pour les enquêtes de cette nature. L'intervention des plaignants et du gouvernement dans ces entrevues ne serait pas conforme à leur nature et même introduirait un risque de déséquilibre si elles se limitaient à la partie ayant proposé la personne interrogée.
  164. En conséquence, la commission procédera de la façon qui a été décidée le 15 juin dernier au cours de l'audience tenue à Genève."
  165. Visites de la commission au Nicaragua
  166. 59. La commission a effectué une première visite au Nicaragua du 4 au 14 juillet 1990. Au cours de cette visite, un programme d'entrevues chargé, organisé par le secrétariat dans le pays même, était prévu. Lorsque la commission est arrivée à Managua, le 4 juillet, accompagnée de membres du secrétariat, elle a été informée qu'une grève générale avait été déclenchée peu avant. Dès le début de la mission, cette grève a été la cause de difficultés qui ont empêché l'exécution intégrale du programme. C'est ainsi que les premières entrevues, avec la présidente de la République et avec le ministre du Travail, n'ont pu avoir lieu. Les trois jours suivants, la plupart des entrevues prévues ont eu lieu mais, dès le 9 juillet, les événements avaient pris une telle ampleur et une telle tournure que toutes les réunions (sauf une) confirmées pour ce jour-là et le lendemain ont été annulées. Dans ces conditions, sachant qu'elle ne pourrait exécuter son programme, la commission a décidé de suspendre ses travaux et de les reprendre à une date ultérieure qui serait fixée en temps utile.
  167. 60. Les personnes avec qui la commission a eu des entrevues au cours de cette période sont M. Ervin J. Krüger, vice-ministre de la présidence; MM. Enrique Bolanos, Ramiro Gurdián, Gilberto Cuadra, Arnoldo Alemán Lacayo, Benjamín Lanzas et Mario Garache, du Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP); MM. Juan Ramón Aragón et Daniel Núñez et Mme Celia Morales, de l'Union nationale des agriculteurs et éleveurs (UNAG); MM. Luciano Torres, Oscar Gómez et René Bonilla, de la Centrale sandiniste des travailleurs (CST); M. Francisco Cano et Mme Margarita Ramírez, de l'Association des travailleurs de la campagne (ATC); MM. Benedicto Meneses Fonseca, ancien ministre du Travail, et Adrián Meza Sosa, ancien secrétaire général du ministère du Travail; MM. José Angel Bermúdez et Marvin Cortez Estrada, de l'Union nationale des employés (UNE), Adrian Meza Sosa, du Front national des travailleurs (FNT), et Andrés Zamora Peralta, de la Fédération des travailleurs de la santé (FETSALUD).
  168. 61. La décision de la commission de suspendre ses travaux a été communiquée au ministre du Travail par la lettre suivante, datée du 11 juillet 1990, à Managua:
  169. "Monsieur le Ministre,
  170. La commission d'enquête instituée par le Conseil d'administration du Bureau international du Travail conformément à l'article 26 de la Constitution de l'OIT pour examiner la plainte présentée en ce qui concerne l'observation par le Nicaragua des conventions no 87, 98 et 144 a l'honneur de s'adresser à vous pour vous informer des faits suivants.
  171. La commission est arrivée à Managua le 4 juillet pour exécuter un programme d'entrevues établi au préalable. Encore que quelques-unes de ces entrevues aient pu avoir lieu les premiers jours, certaines difficultés qui ont surgi dès le début ont empêché l'exécution intégrale du programme prévu. A partir du lundi 9 juillet, la situation s'est aggravée à tel point que les activités de la commission ont été pratiquement paralysées, les organisations et les personnes convoquées ne s'étant pas présentées.
  172. Dans ces conditions, après avoir étudié la situation, la commission a acquis la conviction qu'il lui serait matériellement impossible de s'acquitter des tâches qui lui avaient été confiées dans les délais prévus de façon à mener à bien sa mission. En conséquence, elle a décidé de suspendre ses travaux au Nicaragua et de les reprendre à une date qui sera fixée en temps utile conformément à la pratique établie.
  173. La commission est parfaitement consciente de ce que les difficultés qu'elle a rencontrées et qui l'ont amenée à prendre cette décision sont imputables exclusivement aux circonstances exceptionnelles que traverse le pays. Elle forme des voeux pour que cette situation trouve une solution heureuse et espère pouvoir achever ses travaux à bref délai.
  174. En attendant, la commission vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, les assurances de sa haute considération."
  175. 62. La commission a effectué une deuxième visite au Nicaragua, du 17 au 22 septembre 1990, pour terminer son programme d'entrevues.
  176. 63. Les personnes avec lesquelles la commission s'est entretenue au cours de cette nouvelle visite sont M. Francisco Rosales Argüello, ministre du Travail (à deux reprises); Mme Elba Baca, directrice aux associations syndicales, Mme Alba Tábora, directrice générale à la conciliation, et MM. Salvador Fonseca et Víctor Manuel Espinoza Pao, avocats conciliateurs de la direction en question; MM. Orlando Trejo Somarriba, Enrique Villagra et Alfonso Valle Pastora, respectivement président, juge et secrétaire de la Cour suprême de justice; M. Roberto Saravia, conseiller et procureur général adjoint de la justice; M. René Vivas Lugo, chef de la police; M. Nemesio Porras, vice-ministre de l'Institut national de la réforme agraire (INRA), et MM. Adolfo Chávez Rojas, assistant du ministre et directeur de l'INRA, et Ronaldo López, chargé des relations publiques de l'INRA; M. Mario Garache Castellón, secrétaire exécutif du COSEP; M. Jaime Wheelock Roman, ancien ministre du Développement de l'agriculture et de l'élevage et de la Réforme agraire; MM. Alejandro Solórzano, secrétaire aux relations nationales et internationales, et Rolando Velázquez Medina, secrétaire aux comptes rendus et aux accords de la Confédération générale du travail (CGT(i) indépendante); M. Fernando Malespín, secrétaire général du Front ouvrier; M. Lino Hernández, directeur de la Commission permanente des droits de l'homme (CPDH).
  177. 64. Au cours de ses visites, la commission avait invité à plusieurs reprises un certain nombre d'organisations, la Centrale de l'unité syndicale (CUS), la Centrale Action et unité syndicale (CAUS) et la Centrale des travailleurs du Nicaragua (autonome) (CTN(a)), ainsi que M. Carlos Huembes, de la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN), M. Mario Alegría et ses avocats, et M. José Castillo Ocejo, de Radio Corporación, qui ne se sont pas présentés aux rendez-vous fixés, après avoir confirmé qu'ils s'y rendraient. M. Alegría a fait savoir au cours de la deuxième visite qu'il serait absent du pays, mais qu'il essayerait de venir. M. César Jerez, directeur de la Commission nationale de promotion et de protection des droits de l'homme (CNPPDH), ne s'est pas non plus présenté à la convocation.
  178. 65. Se rendant à l'invitation qui lui avait été adressée, la commission a assisté à la séance inaugurale de la Concertation nationale qui a eu lieu le 20 septembre 1990 au centre de réunions "Olof Palme", à Managua.
  179. 66. La commission a tenu sa troisième session à Genève, du 19 au 23 novembre 1990, pour établir, approuver et signer son rapport final.
  180. II. ANTECEDENTS DU CAS
  181. CHAPITRE 3
  182. LEGISLATION SYNDICALE AU MOMENT DE LA PRESENTATION DE LA PLAINTE
  183. 67. Les principes et les normes qui régissent le droit syndical au Nicaragua sont consacrés principalement par la Constitution politique de 1987, le Code du travail de 1945 (et ses modifications) et le règlement des associations syndicales de 1951 (et ses modifications) (Note 2).
  184. a) Reconnaissance du droit d'organisation
  185. 68. Conformément à la Constitution politique du Nicaragua, promulguée le 9 janvier 1987, les travailleurs de la ville et de la campagne, les femmes, les jeunes, les éleveurs et les agriculteurs, les artisans, les cadres, les techniciens, les intellectuels, les artistes, les membres de communautés religieuses, les communautés de la côte Atlantique et, en général, la population ont le droit de constituer des organisations, sans aucune discrimination, afin qu'ils puissent réaliser leurs aspirations en fonction de leurs intérêts propres et participer à l'édification d'une nouvelle société. Ces organisations se constitueront conformément aux procédures de participation électives des citoyens, seront dotées d'une fonction sociale et pourront revêtir un caractère partisan, ou non, selon leur nature et leurs fins (art. 49).
  186. 69. Cet article ne mentionne pas explicitement le droit d'association des employeurs, cité en revanche dans le Code du travail et dans le règlement des associations syndicales.
  187. 70. Par ailleurs, sont exclus du champ d'application du Code les travailleurs indépendants (art. 1 et 3), les travailleurs des ateliers familiaux et les fonctionnaires (art. 9).
  188. b) Constitution d'organisations syndicales
  189. 71. L'article 87 de la Constitution dispose que les travailleurs s'organisent volontairement en syndicats et que ceux-ci peuvent se constituer dans les conditions prévues par la loi.
  190. 72. Le Code du travail établit (art. 188) que l'Etat garantit la libre formation et le fonctionnement des associations syndicales pour la défense des intérêts professionnels et l'amélioration sociale, économique et culturelle de leurs membres. Les syndicats (art. 189) devront comprendre au minimum 25 membres s'il s'agit de travailleurs et cinq membres s'il s'agit d'employeurs. Quant aux syndicats d'entreprise, ils ne pourront se constituer qu'avec la majorité absolue des travailleurs de l'entreprise ou du centre de travail.
  191. 73. Le règlement des associations syndicales, à l'article 1, définit les syndicats comme des associations d'employeurs, d'employés ou d'ouvriers, ou encore de paysans, constituées pour améliorer les conditions morales, économiques et sociales de leurs membres, étudier les problèmes communs et défendre, promouvoir et protéger leurs intérêts professionnels. Il peut y avoir des syndicats (art. 5) d'employeurs, d'employés, d'ouvriers ou de paysans. Les syndicats d'ouvriers peuvent être des syndicats professionnels (ouvriers de la même profession, du même métier ou de la même spécialité), d'entreprise (formés de personnes appartenant à différents métiers, occupées dans la même entreprise), industriels (ouvriers travaillant dans plusieurs entreprises de la même catégorie) ou mixtes (ouvriers occupés dans des branches d'activité sans rapport entre elles, qui n'existent pas dans l'entreprise ou la localité considérée, mais qui réunissent le nombre nécessaire pour constituer un syndicat d'un autre type).
  192. 74. Les syndicats peuvent être, selon l'activité de leurs membres, ruraux ou urbains et, selon leur portée juridictionnelle, particuliers, municipaux, départementaux ou nationaux (branche de production).
  193. 75. Il faut souligner que l'article 5 du règlement définit aussi comme organisation sociale ou professionnelle tout organisme ou groupe d'étude qui, quelle que soit sa dénomination, vise à favoriser la solidarité entre les ouvriers et les paysans, sous quelque forme que ce soit, ou encore à développer les arts, la culture, etc., même si ces groupements ne relèvent pas d'un rapport ouvrier/patron ou si leurs membres ne sont ni employeurs, ni travailleurs. Ces organismes dépendent, pour toutes les dispositions applicables, du Code du travail et du règlement.
  194. 76. En ce qui concerne l'enregistrement d'un syndicat, l'article 195 du Code dispose que le Département des associations du ministère du Travail devra y procéder dans les dix jours suivant la présentation de l'acte constitutif et des statuts de l'organisation. S'il manquait un élément, les intéressés doivent en être informés dans un délai de trois jours ouvrables. En cas de retard dans l'enregistrement, des mesures disciplinaires seront prises par le supérieur responsable. Si le Département refuse d'enregistrer un syndicat, celui-ci peut présenter un recours devant l'inspecteur général du travail, qui doit se prononcer dans les dix jours. Il pourra faire appel de la décision de l'inspecteur devant la Cour suprême de justice, dans les cas et selon les dispositions fixées par la loi sur l'amparo.
  195. c) Elaboration des statuts, élection des dirigeants et administration interne
  196. 77. Le Code du travail précise, à l'article 194, que les statuts du syndicat seront rédigés librement et indiqueront notamment la nature et le nom du syndicat, son siège, son mandat, ses finalités et sa durée, le mode d'élection du comité directeur, etc. L'article 12 du règlement des associations syndicales énumère plus précisément les points qui doivent figurer dans les statuts.
  197. 78. Pour être élus au comité directeur (art. 201 du Code), les membres d'un syndicat doivent être Nicaraguayens, majeurs ou reconnus tels.
  198. 79. L'article 15 du règlement dispose que les travailleurs éliront en toute liberté le comité directeur du syndicat, et que toute ingérence, restriction ou coercition de l'employeur ou de ses représentants sont punissables.
  199. 80. Le règlement établit aussi les conditions pour être élu au comité directeur d'un syndicat (art. 35), à savoir: être Nicaraguayen, avoir 18 ans et savoir lire et écrire. Le mandat des membres du comité directeur ne peut dépasser un an, mais il peut être renouvelé.
  200. 81. L'article 36 du règlement énumère les obligations du comité directeur parmi lesquelles: utiliser et conserver avec soin tous les livres de comptes et documents auxquels il est fait référence et les montrer aux autorités du ministère du Travail à la demande de l'un quelconque des membres du syndicat.
  201. d) Activités et programme d'action
  202. 82. Le Code du travail (art. 188) dispose que l'Etat garantira le libre fonctionnement des associations syndicales pour la défense des intérêts professionnels. Aux termes de l'article 197, les syndicats ont, entre autres droits, celui de conclure des conventions collectives et de faire valoir les droits qui en dérivent, de représenter leurs membres dans les conflits nés des contrats de travail, créer des fonds d'aide, établir des écoles industrielles et professionnelles, créer des coopératives, etc., répondre aux consultations du ministère du Travail, dénoncer devant le ministère les irrégularités observées dans l'application du Code. L'article 4 du règlement des associations interdit aux syndicats et à leurs membres de s'associer à des partis politiques ou à des organismes internationaux qui, par leurs statuts, leurs programmes ou leurs activités, prônent le communisme ou des idées nuisibles à la souveraineté nationale ou à la forme républicaine et démocratique de gouvernement, à l'ordre public, à la morale et aux bonnes moeurs.
  203. 83. La Constitution politique reconnaît le droit de grève à l'article 83, et le Code du travail le définit à l'article 222.
  204. 84. La grève peut être licite ou illicite (art. 224). Elle est licite lorsqu'elle a été autorisée par le Conseil de conciliation compétent, par le juge du travail correspondant (quand il s'agit d'appuyer une grève licite dans le même secteur ou la même branche) ou par le Tribunal supérieur du travail. Toute autre grève est illicite.
  205. 85. Aux termes de l'article 225, paragraphe 3, les grévistes doivent représenter 60 pour cent des travailleurs de l'entreprise ou de l'établissement pour que le Conseil de conciliation puisse autoriser la grève.
  206. 86. La grève n'est pas autorisée dans les travaux des services publics ou d'intérêt collectif (art. 227). L'article 228 définit les travaux des services publics et les travaux d'intérêt collectif parmi lesquels sont cités les semailles, les cultures, la récolte de produits agricoles ou forestiers et les travaux d'élevage, ainsi que l'élaboration de ces produits, dans le cas où un retard apporté à cette tâche entraînerait leur altération.
  207. 87. L'article 314 établit l'arbitrage obligatoire en vue de régler un conflit du travail lorsque trente jours se sont écoulés depuis l'autorisation de la grève ou de l'arrêt de travail.
  208. e) Dissolution des organisations syndicales
  209. 88. Le Code du travail prévoit (art. 202) que les syndicats peuvent être dissous une fois arrivé à terme le mandat fixé par l'acte constitutif ou la prolongation décidée en assemblée générale; en cas de fermeture de l'entreprise, s'il s'agit d'un syndicat d'entreprise; et par la volonté des membres, conformément aux dispositions prévues par les statuts. Les juges du travail du siège du syndicat (art. 203) seront compétents pour connaître de la dissolution du syndicat, lorsqu'elle est demandée par l'un de ses membres ou par un représentant du ministère public. S'il s'agit d'un syndicat d'entreprise, l'employeur peut lui aussi demander la dissolution.
  210. 89. L'article 204 énumère d'autres causes justifiant la demande de dissolution d'un syndicat, notamment l'affiliation à des partis ou associations politiques nationales ou internationales, en faire partie ou intervenir dans leurs activités.
  211. f) Constitution d'organisations de rang supérieur et affiliation à des organisations internationales
  212. 90. Le Code du travail, à l'article 207, dispose que deux syndicats au moins peuvent se constituer en fédération et que deux fédérations au moins peuvent former une confédération. Ces organisations sont réglementées par les mêmes dispositions que les syndicats.
  213. 91. Selon le règlement des associations syndicales (art. 43), deux syndicats au moins qui déploient leurs activités dans le même département peuvent former une fédération, même s'ils ne représentent pas la même activité professionnelle; ils peuvent se fédérer avec un syndicat rural ou paysan. Aux termes de l'article 45 du règlement, les fédérations sont soumises aux mêmes règles, obligations et interdictions que les syndicats, compte tenu des particularités découlant de la nature propre de leur organisation, et jouissent des mêmes prérogatives. L'article 58 établit que deux fédérations au moins peuvent se constituer en confédération et que les confédérations (art. 59) sont soumises aux mêmes dispositions que les fédérations, à moins que ne soient établies des règles spéciales pour elles. Ainsi, une confédération de paysans peut s'unir à une confédération syndicale urbaine (art. 62). Pour qu'une confédération puisse être dénommée "générale" ou autre terme signifiant qu'elle est de portée nationale, elle doit regrouper les fédérations d'au moins huit départements (art. 61).
  214. 92. Il faut souligner qu'aux termes de l'article 64 du règlement deux confédérations au moins peuvent se constituer en conseil ou autre organisme similaire et qu'un tel conseil peut s'affilier à des organismes ouvriers internationaux, sous réserve qu'ils soient démocratiques et qu'ils ne soient pas affiliés à une organisation communiste ou à tout autre parti international visant à changer la forme républicaine de gouvernement.
  215. g) Protection contre la discrimination antisyndicale et liberté négative d'association
  216. 93. L'article 87 de la Constitution dispose qu'aucun travailleur n'est tenu d'adhérer à un syndicat ni de quitter celui auquel il adhère, consacrant ainsi la protection contre la discrimination antisyndicale ainsi que la liberté négative d'association. Cet article reconnaît aussi la pleine autonomie syndicale et le respect du statut syndical.
  217. 94. Ces principes sont développés dans le Code du travail (art. 191), selon lequel nul ne peut être contraint d'adhérer à un syndicat ni empêché de le faire. Toute clause de disposition d'une convention, d'un contrat ou d'un règlement de travail qui, sous quelque forme que ce soit, restreindrait le droit individuel de devenir membre, de s'abstenir de devenir membre ou de cesser d'être membre d'un syndicat est absolument nulle et non avenue. Cet article est repris par l'article 14 du règlement des associations syndicales.
  218. 95. Les cinq premiers membres dirigeants (art. 192) du comité directeur d'un syndicat ne peuvent être licenciés sans raison justifiée préalablement vérifiée par l'inspecteur du travail compétent. Si l'un d'entre eux est licencié sans que cette procédure ait été respectée, il sera réintégré à son poste et l'employeur devra payer les salaires afférents à toute la période écoulée depuis le licenciement jusqu'à la réintégration effective.
  219. 96. Par ailleurs, le règlement (art. 15) stipule que toute ingérence, interdiction ou coercition des employeurs ou de leurs représentants portant atteinte au droit d'association syndicale des travailleurs et de libre élection de leurs représentants sont punissables. L'article 17 du règlement dispose que l'inspecteur du travail peut, à la demande d'une partie, rendre une décision interdisant le licenciement de trois membres du comité directeur du syndicat lorsque, dans un délai d'un an, plus de deux travailleurs de l'entreprise ont été licenciés sans raison justifiée démontrée.
  220. h) Droit de négociation collective
  221. 97. La Constitution politique, à l'article 88, consacre le droit inaliénable des travailleurs de conclure des contrats individuels et des conventions collectives avec leurs employeurs.
  222. 98. Le Code du travail traite de la convention collective aux articles 22 à 31. Aux termes de l'article 22, des conventions collectives peuvent être négociées entre, d'une part, l'employeur ou un groupe d'employeurs et, d'autre part, un syndicat, une fédération ou une confédération de syndicats de travailleurs.
  223. 99. L'article 22, modifié par le décret 530 du 2 octobre 1980, dispose que la "négociation et l'adoption de la convention collective doivent nécessairement être approuvées par le ministère du Travail", conformément aux dispositions fixées par celui-ci.
  224. CHAPITRE 4
  225. PLAINTES SOUMISES AU COMITE DE LA LIBERTE SYNDICALE
  226. 100. Depuis la création du Comité de la liberté syndicale par le Conseil d'administration à sa 117e session (novembre 1951), 37 cas ont été présentés contre le gouvernement du Nicaragua pour des violations des droits syndicaux. Entre mai 1966, date à laquelle fut soumis le premier cas au comité (cas no 479), et juillet 1979, 14 cas ont été présentés. De novembre 1980, après la chute du régime somoziste au pouvoir, jusqu'à la soumission de la plainte en vertu de l'article 26 de la Constitution, 21 cas ont été présentés.
  227. 101. Lorsque le Conseil d'administration a décidé de renvoyer la plainte au Comité de la liberté syndicale (238e session, novembre 1987), cinq cas (nos 1129, 1298, 1344, 1351 et 1372) étaient déjà en instance devant lui. Après la soumission de cette plainte, deux nouveaux cas (nos 1442 et 1454) lui ont été présentés qu'il a examinés conjointement avec ceux en instance et avec la plainte présentée en vertu de l'article 26.
  228. 102. La première plainte contre le gouvernement sandiniste a été examinée dans le cas no 1007. Elle figurait dans une communication de l'Organisation internationale des employeurs (OIE) du 20 novembre 1980 et concernait surtout l'assassinat d'un haut dirigeant du Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP), la détention et la condamnation de dirigeants employeurs et des attaques à la liberté d'information.
  229. 103. Les cas suivants examinés par le Comité de la liberté syndicale portaient sur des allégations relatives en particulier à des détentions arbitraires de syndicalistes (cas nos 1031, 1047, 1084, 1129, 1148, 1169, 1185, 1208, 1283, 1298, 1344, 1351, 1442, 1454); à des agressions physiques, menaces et tortures (cas nos 1031, 1129, 1169, 1185, 1283, 1289, 1344, 1442); à des perquisitions et assauts de locaux syndicaux et violations de domiciles (cas nos 1129 et 1298); à des restrictions de la liberté d'expression (cas nos 1084, 1129, 1283, 1454); à la détention de dirigeants employeurs (cas no 1084); à des interdictions de voyager pour participer à des activités de l'OIT (cas nos 1103, 1114, 1129, 1317, 1283); à la suspension du droit de grève en vertu de l'état d'urgence économique et sociale (cas nos 1123 et 1133). En outre, des allégations ont été présentées concernant des mesures discriminatoires prises contre des membres du COSEP, notamment la confiscation de terres et d'entreprises de divers dirigeants employeurs (cas no 1344); des atteintes au droit d'expression, ainsi que l'arrestation et la condamnation du directeur d'un institut d'études économiques dépendant du COSEP, parce qu'il avait publié certaines données économiques (cas no 1454). Dans les cas nos 1442 et 1454, le comité a aussi examiné des allégations relatives à la discrimination exercée contre le COSEP en matière de participation et de consultations tripartites. Le cas no 1442 se réfère aussi à l'assassinat d'un paysan et d'un avocat.
  230. 104. Les plaignants dans tous ces cas étaient principalement l'Organisation internationale des employeurs (OIE), la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), la Confédération mondiale du travail (CMT) et la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT).
  231. 105. En résumé, ces cas traitaient des questions suivantes:
  232. Allégations relatives à des assassinats
  233. 106. Il ressortait des allégations présentées dans le cas relatif à la mort, entre les mains des policiers, de M. Jorge Salazar Argüello, vice-président du COSEP, que celui-ci avait été tué en raison de ses activités en faveur de l'organisation d'employeurs dont il faisait partie. Le gouvernement, quant à lui, signalait que ce dirigeant transportait des armes de guerre et appartenait à un mouvement séditieux qui s'efforçait de rétablir le régime de Somoza, ce pour quoi il obtenait de l'aide de l'étranger.
  234. 107. Ayant constaté des contradictions entre les déclarations du gouvernement et le jugement rendu dans ce cas, sur le port d'armes par M. Salazar, et déplorant que le texte du jugement ne lui ait été transmis que presque deux ans après qu'il eut été prononcé, le comité considéra que le climat d'incertitude et de doute qui subsiste sur les circonstances de la mort de M. Salazar ne pouvait qu'influer défavorablement sur les relations professionnelles et la confiance qui doit régner dans les organisations professionnelles pour l'exercice de la liberté syndicale.
  235. 108. Au sujet des autres allégations concernant l'assassinat de deux syndicalistes et d'un avocat, conseiller juridique d'une organisation de travailleurs, le comité décida de ne pas se prononcer en raison des déclarations contradictoires des plaignants et du gouvernement.
  236. Allégations relatives à des détentions
  237. 109. De nombreuses plaintes avaient trait à des arrestations de syndicalistes et parfois de dirigeants du COSEP, auxquelles s'ajoutaient, dans certains cas, des agressions physiques et, en ce qui concerne les employeurs, des traitements inhumains infligés en prison. A diverses occasions, le gouvernement a indiqué que ces détentions étaient motivées par des activités contre-révolutionnaires ou des délits de droit commun, sans rapport avec des questions syndicales ni avec la défense d'intérêts professionnels. Dans bon nombre de ces cas, le comité a demandé l'envoi du jugement et a déploré l'arrestation de syndicalistes et de dirigeants employeurs; il a attiré l'attention du gouvernement sur certains principes relatifs aux garanties dont doivent bénéficier les détenus, dans le cas où les dirigeants avaient subi un traitement dégradant et des contraintes inutiles. Dans ce cas comme dans d'autres, il s'agissait de l'application de la loi sur le maintien de l'ordre et la sécurité publique, et le comité a demandé au gouvernement, compte tenu des conséquences que cette loi avait sur l'exercice des droits syndicaux et les libertés publiques liées à ces droits, qu'il prenne des mesures pour qu'elle soit modifiée afin de la rendre compatible avec la convention no 87 et la résolution de l'OIT sur les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles.
  238. Allégations relatives à des agressions physiques, menaces et tortures
  239. 110. De nombreux cas se référaient à des agressions physiques perpétrées et à des menaces proférées par les autorités ou par des groupes d'individus proches du gouvernement, sans que la police intervienne pour empêcher ces agissements, contre des syndicalistes de tendance opposée au gouvernement. Certaines de ces plaintes manquaient de précision mais, dans d'autres cas, le comité avait demandé au gouvernement qu'il veille à garantir un climat propice au développement des différents courants du mouvement syndical au Nicaragua. Quant aux allégations concernant des tortures, le comité avait rappelé que les gouvernements devaient donner les instructions nécessaires pour qu'aucun détenu ne fasse l'objet de mauvais traitement et prévoir l'application de sanctions efficaces quand de telles pratiques étaient démontrées.
  240. Allégations relatives à des perquisitions et assauts dans des locaux syndicaux et violations de domiciles
  241. 111. Certaines plaintes dénonçaient des perquisitions et le saccage d'archives effectués au siège d'une centrale syndicale par les forces de sécurité de l'Etat ou l'occupation du siège d'une confédération syndicale par des groupes de personnes ou encore des perquisitions au domicile de syndicalistes qui avaient par la suite été arrêtés et accusés d'appartenir à une organisation armée opposée au gouvernement et d'avoir commis certains délits de droit commun. Selon les cas, le comité avait rappelé les principes selon lesquels les accusés devaient bénéficier d'un jugement impartial et indépendant et les autorités ne devaient pas s'ingérer dans les activités syndicales et la vie interne des syndicats. Au sujet des assauts contre des locaux syndicaux, le comité a signalé que l'on devrait procéder sans tarder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin de pouvoir sanctionner les responsables.
  242. Allégations relatives à la confiscation de propriétés
  243. 112. Diverses allégations se référaient à la confiscation discriminatoire de terres et de biens comme moyen de pression exercé contre certains membres du COSEP parce qu'ils défendaient des intérêts professionnels. Dans ses réponses, le gouvernement quant à lui n'a pas reconnu le caractère discriminatoire de ces expropriations, indiquant au contraire qu'elles répondaient à une nécessité objective, à savoir exécuter les plans de réforme agraire dans certaines zones du pays. Le gouvernement n'a toujours pas répondu à certaines autres allégations récentes. Dans ses conclusions, le comité s'est déclaré préoccupé du fait que ces mesures de confiscation aient pu toucher de façon discriminatoire un nombre important de dirigeants employeurs, et il a exprimé l'espoir que les personnes lésées seraient justement indemnisées.
  244. Allégations relatives à des restrictions à la liberté de voyage
  245. 113. Le Comité de la liberté syndicale a été saisi de divers cas où les plaignants alléguaient que les autorités avaient interdit à des dirigeants employeurs de voyager ou les en avaient empêchés en leur créant des difficultés. Notamment, des obstacles pour sortir du pays avaient été imposés à un dirigeant d'une organisation d'employeurs qui devait participer à une réunion organisée par l'OIT dans un pays voisin. Dans un autre cas, un grand nombre d'employeurs avaient reçu l'interdiction de se rendre à Managua pour participer à une réunion organisée par le COSEP pour la "Journée de l'entreprise privée", où devait être définie la position de l'entreprise privée devant les problèmes économiques que traversait le pays. D'autres plaintes encore dénonçaient les tracasseries administratives imposées à divers employeurs pour les empêcher de sortir du pays ou leur créer des difficultés à cet égard. Le comité avait souligné que les dirigeants des organisations de travailleurs et d'employeurs doivent jouir des facilités adéquates pour remplir leurs fonctions, y compris le droit de sortir du pays, quand leurs activités en faveur des personnes qu'ils représentent l'exigent. De même, la libre circulation de ces représentants doit être garantie par les autorités.
  246. Allégations relatives à la violation de la liberté d'expression
  247. 114. Dans divers cas soumis au Comité de la liberté syndicale, les plaignants alléguaient notamment que diverses difficultés et contraintes avaient été imposées à certaines organisations d'employeurs et de travailleurs qui souhaitaient exprimer leur opinion dans les moyens de communication (presse, radio). On indiquait notamment que divers dirigeants employeurs avaient été détenus et étaient passés en jugement pour avoir signé une lettre rendue publique dans laquelle ils dénonçaient l'orientation politique qu'avait prise la révolution sandiniste. Dans un autre cas, les plaignants dénonçaient la fermeture d'un journal important qui se faisait fréquemment l'écho des attitudes et des opinions du COSEP. Un autre encore se référait à l'arrestation du directeur d'un institut d'études économiques relevant du COSEP et aux poursuites engagées contre lui parce qu'il avait obtenu certaines données économiques que le gouvernement considérait confidentielles et qui, en vertu d'un décret, ne pouvaient être diffusées que par un organisme public. Le comité avait exprimé sa préoccupation quant à la fréquence des mesures de suspension des organes de presse et rappelé l'importance du droit des organisations d'employeurs et de travailleurs d'exprimer leurs opinions à travers la presse. En ce qui concerne le directeur de l'organisme relevant du COSEP, ayant bénéficié d'un non-lieu en seconde instance, le comité avait exprimé l'espoir que toute demande d'indemnisation de la part de l'intéressé pour son temps de détention serait examinée conformément aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
  248. Allégations relatives à la suspension provisoire des dispositions relatives au droit de grève
  249. 115. Certains cas se référaient à la promulgation du décret no 812 du 10 septembre 1981 sur l'état d'urgence économique et social, en vertu duquel la grève était considérée comme un délit contre la sécurité économique et sociale de la nation, et du décret no 911 du 22 septembre 1981 qui reprenait la loi de suspension de la réglementation relative à la grève. Dans l'une de ses réponses, le gouvernement avait observé que le décret no 812 avait déjà été abrogé lorsque le plaignant avait soumis sa plainte. Quant au décret no 911, il avait admis que tant que durerait l'état d'urgence, renouvelé de mois en mois, ce texte resterait en vigueur. Cependant, selon le gouvernement, les droits de négociation collective étaient exercés sans restriction et sans recours à la grève, en raison de la procédure de conciliation et d'arbitrage prévue par le décret. Le comité avait exprimé le ferme espoir que le gouvernement adopterait rapidement des mesures pour supprimer ces restrictions au libre exercice de la liberté syndicale.
  250. Allégations relatives à la procédure des consultations tripartites et d'élaboration du Code du travail
  251. 116. Diverses allégations encore en instance se référaient à la discrimination exercée contre le COSEP par le gouvernement qui ne lui permettait pas de participer aux consultations tripartites sur des questions économiques et sociales, ni aux consultations relatives aux normes internationales du travail prévues par la convention no 144, ni à l'élaboration d'un nouveau Code du travail. Selon le gouvernement, le COSEP avait été invité à y participer, mais, en raison de son attitude intransigeante, sa participation effective ne s'était pas encore concrétisée.
  252. CHAPITRE 5
  253. COMMENTAIRES DE LA COMMISSION D'EXPERTS POUR L'APPLICATIONDES CONVENTIONS ET RECOMMANDATIONS CONCERNANT LES CONVENTIONS nos 87, 98 et 144
  254. Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948
  255. 117. Le Nicaragua a ratifié en 1967 la convention no 87, entrée en vigueur le 31 octobre 1968.
  256. 118. Après diverses demandes adressées directement au gouvernement en 1970, 1971, 1972 et 1973, et une observation générale en 1977, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a formulé des observations sur certains points de la législation dans une communication adressée au gouvernement en 1979. Les points examinés par la commission portaient sur le droit d'association des personnes exclues du champ d'application du Code du travail en vertu de l'article 9 (fonctionnaires de l'Etat et personnes qui travaillent dans les ateliers familiaux), et des travailleurs indépendants des secteurs urbain et rural (art. 2, 3 et 175); le nombre trop élevé de membres exigé comme nombre minimum pour constituer un syndicat d'entreprise ou un syndicat départemental (art. 8 du règlement des associations syndicales); l'impossibilité de présenter un recours avec effet suspensif devant les autorités judiciaires au cas où une autorité administrative refuserait d'enregistrer un syndicat (art. 13 et 46 du règlement); les dispositions légales en vertu desquelles les fonctions syndicales ne peuvent être exercées que par des travailleurs en activité (art. 23 et 24 du règlement); l'interdiction faite aux membres du comité directeur d'être réélus pour un troisième mandat consécutif (art. 35) et la possibilité de renouvellement des membres du comité directeur par action administrative sans recours devant l'autorité judiciaire (art. 39 et 41 du règlement); certaines dispositions prévoyant la présence des autorités administratives du travail dans les assemblées constitutives et générales des syndicats (art. 10 et 31 du règlement); la présentation, à la demande de l'un quelconque des membres du syndicat ou de l'autorité du travail, des livres du syndicat (art. 36 du règlement); l'usage auquel devrait être affecté un certain pourcentage des cotisations syndicales (art. 20 du règlement); les règles concernant la perte automatique de la qualité de membre d'un syndicat (art. 23 du règlement); certaines conditions et limitations du droit de constituer des fédérations et des confédérations (art. 43 et 62 du règlement); les limitations du nombre de délégués pouvant être désignés par un syndicat pour participer au congrès d'une fédération (art. 52 du règlement); la non-reconnaissance (art. 44 du règlement) du droit de négociation collective des fédérations, et les restrictions à l'intervention des fédérations et des confédérations dans les conflits collectifs (art. 63 du règlement).
  257. 119. D'autres points sur lesquels la commission d'experts a formulé des observations concernaient l'interdiction générale faite aux syndicats d'exercer des activités politiques (art. 204 du Code du travail) et les limitations du droit de grève prévues par les articles 225, 228 et 314 du Code.
  258. 120. En général, les points de la législation qui ont fait l'objet d'observations de la commission en 1979 ont continué d'être soulevés dans celles de 1980, 1981, 1982 et 1983. En 1981, la commission s'est en outre prononcée sur l'article 189 du Code, qui empêche la création de plus d'un syndicat par entreprise. La promulgation du décret no 1260 du 31 mai 1983 a eu pour effet de modifier et d'abroger la majorité des articles du règlement des associations syndicales, qui avaient fait l'objet d'observations de la part de la commission d'experts, en rapport avec la convention no 87. La seule exception est l'article 36 du règlement, le nouveau texte continuant d'autoriser un droit de regard excessif des autorités du travail sur les livres de comptes et les documents du syndicat, puisqu'il prévoit qu'ils doivent leur être présentés à la demande de tout membre du syndicat.
  259. 121. Outre les points susmentionnés, la commission d'experts, dans son observation de 1983, se référait aux décrets nos 911 du 9 novembre 1981 et 955 du 4 février 1982, en vertu desquels les dispositions relatives à la grève et à l'arrêt de travail étaient suspendues tant que restait en vigueur la loi sur l'état d'urgence économique et social (décret no 812 du 9 septembre 1981), tandis qu'était établie une procédure de règlement des conflits de caractère économique et social à l'initiative de l'employeur ou des travailleurs, procédure qui débouchait sur une sentence arbitrale obligatoire pour les parties. Dans son observation de 1984, la commission notait qu'en vertu du décret no 1255, qui prorogeait jusqu'au 30 mai 1984 le décret no 996 (loi d'urgence nationale), les dispositions relatives à la grève et à l'arrêt de travail continuaient d'être suspendues. En 1985, la commission avait pris note avec satisfaction du rétablissement du droit de grève en vertu du décret no 1480 du 6 août 1984.
  260. 122. Dans son observation de 1986, la commission d'experts avait pris note avec préoccupation du contenu du décret no 130 du 31 octobre 1985, qui ratifiait et modifiait le décret no 128 du 15 octobre 1985 sur l'état d'urgence national; ces deux décrets suspendaient pour un an divers droits fondamentaux, dont les droits de réunion pacifique et de manifestation publique, le droit d'association, le droit d'organisation et le droit de grève. Par la suite, dans son observation de 1987 sur l'application de la convention no 87, la commission d'experts avait observé que le décret no 245 du 9 janvier 1987 prolongeait d'une année supplémentaire l'état d'urgence et que certains droits syndicaux fondamentaux étaient toujours suspendus.
  261. 123. Dans son observation de 1988, la commission d'experts avait pris note du contenu des décrets nos 296 et 297 du 19 janvier 1988, qui abrogeaient le décret no 1233 (portant création des tribunaux populaires anti-somozistes) et des décrets nos 245 et 250 de 1987, qui prolongeaient l'état d'urgence national; par ailleurs, la commission avait pris note que l'état d'urgence avait été levé à partir du 19 janvier 1988.
  262. 124. Dans l'observation de 1989, la commission d'experts avait pris note des conclusions du Comité de la liberté syndicale sur divers cas en instance, ainsi que sur la plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT par divers délégués employeurs à la 73e session de la Conférence internationale du Travail (juin 1987). Par ailleurs, la commission d'experts avait examiné le rapport présenté par un représentant du Directeur général qui a effectué une mission d'étude au Nicaragua en septembre-octobre 1988. La commission d'experts s'était référée aux dispositions restrictives de la loi générale provisoire sur les moyens de communication de 1979, mais avait pris note avec intérêt du fait que le droit de grève, suspendu pendant l'état d'urgence, avait été rétabli.
  263. 125. D'autre part, la commission d'experts a rappelé, comme elle l'avait déjà fait dans ses observations précédentes, les dispositions ou omissions de la législation qui n'étaient pas conformes à la convention no 87, afin que:
  264. - soit garanti, par une disposition spécifique, le droit d'association des fonctionnaires, des travailleurs indépendants des secteurs urbain et rural et des personnes qui travaillent dans les ateliers familiaux, pour la défense des intérêts professionnels de leurs mandants;
  265. - soit supprimée l'exigence de la majorité absolue des travailleurs d'une entreprise ou d'un centre de travail pour constituer un syndicat (art. 189 du Code du travail);
  266. - soit modifiée la disposition sur l'interdiction générale de toute activité politique aux syndicats (art. 204, alinéa b), du Code);
  267. - soit modifiée l'obligation faite actuellement aux dirigeants syndicaux de présenter aux autorités du travail les livres de comptes et registres du syndicat à la demande de l'un quelconque des membres du syndicat (art. 36 du règlement des associations syndicales);
  268. - soient supprimées les limitations excessives à l'exercice du droit de grève, notamment l'exigence de 60 pour cent des travailleurs pour déclarer la grève, ainsi que l'interdiction des grèves dans les professions rurales lorsque les produits agricoles risquent de se détériorer si l'on n'en dispose pas immédiatement, et la possibilité, pour les autorités, de mettre fin par l'arbitrage obligatoire à une grève qui aurait duré trente jours, si aucun règlement n'a eu lieu depuis la date d'autorisation de la grève (art. 225, 228 et 314 du Code).
  269. 126. Le représentant gouvernemental du Nicaragua à la 76e session de la Conférence internationale du Travail (1989) a signalé que la loi sur les moyens de communication avait été abrogée par le décret promulgué le 21 avril 1989 par l'Assemblée nationale et qui présentait la loi no 57 sur les moyens et la communication sociale.
  270. Convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949
  271. 127. Le Nicaragua a ratifié en 1967 la convention no 98, entrée en vigueur le 31 octobre 1968. La commission d'experts a depuis adressé au gouvernement sept demandes directes (1970, 1971, 1972, 1974, 1981, 1983 et 1985), une observation générale en 1979 et quatre observations.
  272. 128. En 1980, la commission d'experts s'est référée, à propos de la convention no 98, à l'observation formulée la même année sur la convention no 87.
  273. 129. Dans son observation de 1987 sur l'application de la convention no 98, la commission d'experts s'est référée au décret no 530 du 24 septembre 1980 qui amendait l'article 22 du Code du travail et qui dispose, à l'article 1, que le ministère du Travail doit obligatoirement approuver les conventions collectives, ce qui est incompatible avec l'article 4 de la convention. En outre, la commission d'experts a soulevé la question de la politique de réglementation des salaires que le gouvernement a commencé d'appliquer en 1984 par l'intermédiaire du Système national d'organisation du travail et des salaires (SNOTS), chargé de classer les activités professionnelles et de fixer une échelle de salaires. Elle a signalé qu'"elle a estimé à de nombreuses occasions que, lorsque le gouvernement considère que la situation économique exige l'adoption de mesures de stabilisation qui ne permettent pas la libre fixation des taux de salaires au moyen de négociations collectives, de telles restrictions ne peuvent être imposées que de manière exceptionnelle et uniquement dans la mesure nécessaire, sans que leur application puisse excéder une période raisonnable et à la condition qu'elle s'accompagne de garanties adéquates pour protéger le niveau de vie des travailleurs".
  274. 130. Dans son observation de 1988, la commission d'experts a rappelé la nécessité d'abroger le décret no 530 (24 septembre 1980) et souligné le caractère exceptionnel que devaient avoir les mesures économiques concernant la fixation des salaires par le SNOTS.
  275. 131. Dans son observation de 1989, la commission d'experts a demandé au gouvernement qu'il prenne les mesures nécessaires pour abroger le décret no 530 afin d'appliquer pleinement la convention no 98; en outre, il a pris note avec intérêt du fait que, selon les informations recueillies pendant la mission d'étude au Nicaragua en septembre-octobre 1988, le SNOTS n'était appliqué que comme élément de référence et que les salaires pouvaient être fixés librement.
  276. Convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976
  277. 132. Le Nicaragua a ratifié le 1er octobre 1981 la convention no 144, entrée en vigueur le 1er octobre 1982.
  278. 133. Depuis l'entrée en vigueur de cette convention, la commission d'experts a adressé trois demandes directes au gouvernement (1984, 1986 et 1987), dans lesquelles elle demandait des informations sur la possibilité de créer une commission tripartite compétente en la matière et sur l'application pratique de la convention dans le domaine des consultations relatives aux normes de l'OIT.
  279. CHAPITRE 6
  280. CONTACTS DIRECTS ET MISSION D'ETUDE
  281. 134. Dans le cadre des procédures du Comité de la liberté syndicale et du mécanisme de contrôle régulier de l'application des conventions nos 87, 98 et 144 pour le Nicaragua, deux missions de contacts directs ont été réalisées en 1981 et en 1983, et une mission d'étude en 1988.
  282. 135. Concernant le cas no 1084 soumis par l'Organisation internationale des employeurs, en octobre 1981, le Directeur général du BIT avait demandé au gouvernement de recevoir "d'urgence une mission du BIT afin de discuter avec les autorités du Nicaragua les questions en rapport avec l'affaire en cause". Le gouvernement ayant accepté, la mission s'est déroulée du 29 novembre au 4 décembre 1981. Les allégations présentées avaient trait à la détention de quatre dirigeants du COSEP, dont le président et le vice-président de cet organisme, qui étaient accusés d'avoir violé des dispositions de la loi no 5 du 20 juillet 1979 sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique et de la loi no 812 du 9 septembre 1981 sur l'état d'urgence économique et social, parce qu'ils avaient signé une lettre rendue publique adressée au coordonnateur de la Junte du gouvernement.
  283. 136. Après avoir examiné le rapport de la mission et les informations fournies par le gouvernement, le Comité de la liberté syndicale, à sa session de février 1982, a pris note de la libération des dirigeants détenus et condamnés et a soumis diverses recommandations au Conseil d'administration. Notamment, le comité a exprimé l'espoir que la libération de ces dirigeants "contribuera de manière positive à restaurer un climat de dialogue plutôt que d'affrontement entre les autorités et le secteur patronal". Par ailleurs, il a déploré vivement la condamnation et la détention de ces dirigeants et exprimé sa profonde préoccupation en ce qui concerne le temps que ces derniers ont passé en prison (Note 3).
  284. 137. Au cours de la 69e session de la Conférence internationale du Travail (juin 1983), le gouvernement a signalé que certains articles du règlement des associations syndicales qui n'étaient pas compatibles avec la convention no 87 avaient été amendés ou abrogés par un décret du 31 mai 1983. Par ailleurs, le gouvernement avait signalé qu'il avait soumis aux travailleurs un projet de loi sur les syndicats et proposé l'établissement de contacts directs afin d'examiner les questions relatives à l'application de la convention no 87, en particulier dans le cadre du nouveau décret qu'il avait adopté.
  285. 138. Le Directeur général du BIT a désigné un représentant qui a dirigé la mission de contacts directs du 4 au 13 décembre 1983. Il a pu recueillir des informations sur les cas restés en instance devant le Comité de la liberté syndicale et examiner avec les autorités du travail les problèmes que posait la législation en vigueur du point de vue de l'application des conventions nos 87 et 98; en outre, il a examiné les dispositions du décret no 1260 du 31 mai 1983, modifiant sensiblement divers articles du règlement des associations syndicales, qui avaient fait l'objet de commentaires de la part de la commission d'experts. Les autorités compétentes ont présenté au représentant du Directeur général deux avant-projets législatifs relatifs aux organisations syndicales et à leur réglementation (Note 4).
  286. 139. A sa session de février 1988, le Comité de la liberté syndicale, examinant les cas en instance concernant le Nicaragua (cas nos 1129, 1298, 1344, 1351 et 1372) ainsi que la plainte soumise en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, a décidé qu'il examinerait à sa prochaine session, en mai 1988, la question de l'opportunité de constituer une commission d'enquête (Note 5).
  287. 140. Le gouvernement a présenté de nouvelles observations sur les cas en instance devant le Comité de la liberté syndicale ainsi que sur la plainte susmentionnée et, dans une communication du 23 mai 1988, il a demandé au comité d'envoyer une mission d'étude au Nicaragua afin de tirer au clair beaucoup des aspects des cas qui paraissaient contradictoires.
  288. 141. Le Comité de la liberté syndicale, à sa session de mai 1988, a formulé la recommandation suivante au Conseil d'administration:
  289. "Ayant reçu après ses délibérations une lettre du gouvernement, du 23 mai 1988, qui propose la formation d'une mission d'étude selon les lignes que le comité avait lui-même envisagées, le comité recommande au Conseil d'administration d'accepter cette proposition. Le comité sera ainsi en mesure, à sa session de novembre 1988, de donner une réponse définitive quant à la question des suites qu'il convient de donner à la plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT (Note 6)."
  290. 142. La mission d'étude s'est déroulée du 28 septembre au 5 octobre 1988, elle a recueilli des informations sur les allégations en instance devant le comité (cas nos 1129, 1298, 1344, 1442 et 1454), sur les observations formulées par la commission d'experts sur l'application des conventions nos 87, 98 et 144, la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution ainsi que sur d'autres questions. Le rapport de la mission d'étude a constitué la base d'un nouvel examen des questions par le comité (Note 7).
  291. III. EXAMEN DU CAS PAR LA COMMISSION
  292. Mandat de la commission
  293. 143. Dans leur communication du 30 mars 1990, les plaignants mentionnent les points sur lesquels ils souhaitent que la commission se prononce. Ces points comprennent des allégations examinées par le Comité de la liberté syndicale depuis la première plainte présentée contre le gouvernement sandiniste en novembre 1980 (cas no 1007). Il s'agit de questions relatives à la mort violente de J. Salazar Argüello, président du COSEP, le 17 novembre 1980; la détention préventive en 1980 de dirigeants du COSEP qui ont été depuis lors innocentés; la condamnation en 1981 de dirigeants du COSEP accompagnée de mauvais traitements durant leur détention, qui ont été par la suite libérés; l'interdiction de participer à des réunions patronales et syndicales à l'étranger; des confiscations de terres de dirigeants du COSEP comme mesures discriminatoires de la part du gouvernement; la révision de jugement de tribunaux populaires antisomozistes; la compatibilité des textes législatifs sur la liberté d'information et sur les conventions collectives, ainsi que de nombreuses suspensions des droits civils et syndicaux pendant l'état d'urgence avec les principes et normes de l'OIT et la matière; la compatibilité avec la liberté d'information de la censure et des suspensions de la presse écrite et parlée; la compabibilité avec la liberté d'information et les garanties judiciaires de la condamnation du directeur de l'Institut nicaraguayen des études économiques et sociales. En résumé, cette demande serait justifiée par les raisons suivantes invoquées par les plaignants: "Comme il n'a pas pu confronter les plaignants et le gouvernement sur de nombreuses autres questions qui figurent dans les allégations, le comité n'a pas pu se forger une opinion étant donné que le gouvernement a donné une version des faits allégués qui est en totale contradiction avec celle des plaignants. En dépit des efforts dignes d'éloge des deux missions de l'OIT envoyées sur place, en 1981 et 1983, de nombreuses questions sont restées en suspens du fait que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations ou aux questions du comité ou n'a pas tenu les promesses qu'il avait faites d'enquêter sur une situation donnée." Les plaignants et l'OIE ont réaffirmé cette position au cours des auditions tenues à Genève.
  294. 144. Pour sa part, dans une communication du 20 avril 1990, le gouvernement s'est référé à cette demande et a signalé que la prétention des plaignants est que la commission "se prononce sur une série de faits qui ont été réglés et sur lesquels le Comité de la liberté syndicale a déjà formulé des conclusions définitives". Selon le gouvernement "ouvrir des procédures déjà terminées est dangereux pour la jurisprudence et donne lieu à des mesures arbitraires dans les procédures établies dans l'examen des plaintes par l'Organisation internationale du Travail".
  295. 145. La commission estime que, pour fixer les termes de son mandat, il est nécessaire de se référer à la procédure suivie par le Conseil d'administration qui a abouti à la décision de la constituer.
  296. 146. A sa réunion de novembre 1987, le Conseil d'administration ayant reçu la plainte en vertu de l'article 26 de la Constitution a estimé qu'il convenait de la soumettre au Comité de la liberté syndicale pour que celui-ci formule des recommandations, tant sur les cas en instance relatifs au Nicaragua que sur la plainte en question, afin que le conseil puisse décider des mesures qu'il conviendrait d'adopter sur cette dernière. Le conseil devrait déterminer si la plainte devait être renvoyée dans son ensemble à une commission d'enquête à la lumière de i) des recommandations du Comité de la liberté syndicale au sujet des aspects de la plainte relatifs à la liberté syndicale; ii) des informations qui pourraient être fournies par le gouvernement du Nicaragua; iii) des recommandations du Comité de la liberté syndicale sur les cas encore en instance.
  297. 147. Le comité a continué à examiner pendant six réunions tant le cas en instance (nos 1129, 1298, 1344, 1351 et 1372) que d'autres nouveaux (nos 1442 et 1454) ainsi que la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution. Au cours de ces réunions, il a présenté au Conseil d'administration des rapports comprenant des conclusions sur les allégations présentées et des recommandations quant au cours qui devait être donné à la plainte.
  298. 148. Ces recommandations se fondaient sur l'évolution de la situation au sujet des allégations en instance, notamment les questions concernant la compatibilité de la législation avec les conventions nos 87, 98 et 144. Dans son 261e rapport (novembre 1988), le comité a formulé ses conclusions sur la base du rapport de la mission d'étude effectuée par un représentant du Directeur général dans lequel était examinée la situation concernant la législation syndicale, les libertés publiques et les cas en instance devant le comité: plaintes présentées par les organisations de travailleurs (cas nos 1129, 1298 et 1442) comprenant des allégations d'assassinats et de détentions de syndicalistes, de grève de la faim et de menaces proférées contre des syndicalistes, et des plaintes présentées par des organisations d'employeurs (cas nos 1344 et 1454) comprenant des allégations relatives notamment à la confiscation de terres de dirigeants employeurs et la détention du directeur d'un organisme dépendant du COSEP.
  299. 149. Enfin, quand le comité a présenté son 269e rapport (novembre 1989), ne restaient en instance que des allégations figurant dans les cas nos 1442 et 1454 ainsi que les affaires examinées dans le cadre de la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution. C'est dans ce rapport que le comité a finalement décidé de recommander au Conseil d'administration que l'affaire soit soumise, dans son ensemble, à une commission d'enquête. Pour ce faire, le comité s'est basé sur les conclusions qu'il a formulées dans le même rapport mentionné plus haut, au paragraphe 18, et qui constituent le cadre de son mandat.
  300. 150. Il convient de signaler que si, en définitive, le Conseil d'administration a décidé de soumettre le cas à une commission d'enquête, c'est parce qu'il a estimé que la situation n'était pas encore satisfaisante en ce qui concerne les questions en instance mentionnées dans ce paragraphe. Autrement, il n'aurait probablement pas décidé de constituer cette commission.
  301. 151. En conséquence, la commission considère qu'elle doit examiner uniquement les questions mentionnées plus haut au paragraphe 18 et qui, émanant de la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution et des cas soumis devant le Comité de la liberté syndicale, en particulier celles relatives à la législation et la pratique en relation avec les conventions nos 87, 98 et 144, étaient encore formellement en instance devant le comité lors de la décision du Conseil d'administration ainsi que toute évolution ultérieure qui se produirait dans ce domaine. En effet, la commission ne peut manquer d'examiner les changements qui se sont produits dans la situation si elle doit apprécier l'affaire dans son ensemble, comme l'a décidé le Conseil d'administration (Note 8). De cette manière, elle espère pouvoir contribuer positivement, comme l'a également signalé le conseil, à la solution des questions auxquelles est confronté le pays en matière de travail et de relations professionnelles. A cette fin, la commission a estimé qu'elle devait prendre toutes les mesures nécessaires pour disposer d'informations complètes et objectives sur les divers aspects en tenant compte de "la portée d'intérêt public des questions soulevées" quand celles-ci font l'objet d'une procédure instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT (Note 9).
  302. 152. Conformément aux paragraphes antérieurs et suivant la pratique d'autres commissions identiques, la présente commission examinera les divers aspects du cas sur la base non seulement des informations fournies par les parties, mais aussi des observations antérieurement formulées présentées au Comité de la liberté syndicale, en particulier les informations recueillies par la mission d'étude effectuée en 1988 par les représentants de l'OIT ainsi que les éléments devant la commission d'experts et la Commission de l'application des normes de la Conférence. Les informations directement recueillies par la commission comprennent les déclarations présentées au cours des auditions tenues en juin 1990 ainsi que les témoignages recueillis pendant ses visites au Nicaragua.
  303. CHAPITRE 7
  304. EVOLUTION DE LA SITUATION JURIDIQUE
  305. Exposé des faits et des mesures prises
  306. 153. Comme il a été dit auparavant, le gouvernement actuel est entré en fonction le 25 avril 1990, après avoir remporté les élections organisées le 25 février 1990. Une situation nouvelle s'est ainsi créée, avec un régime politique très différent du précédent.
  307. 154. A la fin du gouvernement sandiniste déjà, une série de dispositions législatives en rapport avec les thèmes de l'enquête, et qu'il conviendrait de citer ici, avaient été prises. Il s'agit de la loi no 81 sur l'amnistie générale et la réconciliation nationale du 13 mars 1990, de la loi no 70 sur la fonction publique et la carrière administrative du 16 mars 1990 et de la loi no 97 modifiant et complétant le Code du travail du 20 avril 1990. Le nouveau gouvernement a pris différentes mesures à leur égard, dont certaines ont eu des conséquences importantes sur les relations entre le gouvernement et les syndicats de tendance sandiniste.
  308. 155. La loi no 81 a été abrogée par la loi d'amnistie no 100 du 10 mai 1990, l'application de la loi no 70 a été suspendue par le décret-loi no 8-90 du 10 mai 1990, et la loi no 97 a été profondément modifiée par la loi no 102, du 19 mai 1990, portant modification de la loi modifiant et complétant le Code du travail. Quelques jours auparavant, soit le 11 mai, le gouvernement avait également promulgué le décret-loi no 10-90 sur le fermage provisoire de terres et le décret no 11-90 sur la révision des confiscations.
  309. 156. La suspension de la loi sur la fonction publique et la carrière administrative, qui garantissait la stabilité des travailleurs de l'Etat, la disposition du décret-loi no 8-90 établissant la révision des conventions collectives conclues entre les institutions de l'Etat et leurs travailleurs, entre le 25 février et le 25 avril 1990, ainsi que le licenciement d'employés de l'Etat ont été à l'origine d'une importante grève qui s'est produite au cours du mois de mai dans l'administration publique. Cette grève a pris fin avec l'accord conclu le 16 mai 1990 entre le gouvernement, la Centrale sandiniste des travailleurs et les organisations syndicales du secteur public.
  310. 157. Le 19 mai 1990, a été promulguée la loi no 101 modifiant la loi sur la fonction publique et la carrière administrative, qui modifie la définition des fonctionnaires et travailleurs de confiance de l'Etat (exclus de la loi no 70), en élargissant cette catégorie de personnes.
  311. 158. Au début de juillet, peu avant l'arrivée de la commission à Managua, une nouvelle grève a été déclenchée et s'est rapidement étendue. Les syndicats de tendance sandiniste, regroupés en un nouveau Front national de travailleurs, avaient présenté dans leur plan de lutte un large éventail de revendications (salaire minimum, pensions, rétablissement de la loi no 70, lutte contre les licenciements massifs, suspension des décrets-lois nos 10-90 et 11-90, relance des industries, financement par l'Etat de projets de construction et d'entreprises de service public, etc.). De son côté, le gouvernement signalait le caractère politique de la grève. Le mouvement de grève ayant été particulièrement violent, la police et les forces armées sont intervenues pour rétablir l'ordre. Le 11 juillet, le gouvernement est parvenu à un large accord avec le Front, ce qui a mis fin à la grève.
  312. Modifications de la législation syndicale
  313. 159. La loi no 97 modifiant et complétant le Code du travail du gouvernement sandiniste a introduit des changements importants dans les chapitres concernant la convention collective (établissant aussi une nouvelle procédure de solution des conflits collectifs), les syndicats et la suspension et la cessation des contrats de travail (avec un nouveau chapitre sur les licenciements). En outre, elle a abrogé le règlement des associations syndicales, le décret no 530 qui exigeait l'approbation des conventions collectives ainsi que d'autres dispositions du code et de lois s'y rapportant.
  314. 160. En adoptant la loi no 102 portant modification de la loi no 97, le nouveau gouvernement abroge à nouveau les chapitres de cette dernière loi sur les syndicats, sur la suspension, l'interruption et la cessation des contrats de travail ainsi que sur les licenciements. En revanche, le chapitre concernant la convention collective n'est que partiellement modifié, mais la nouvelle procédure de solution des conflits collectifs est annulée. Les abrogations prévues par la loi no 97 ont été également rendues sans effet (Note 10).
  315. 161. La situation actuelle est donc la suivante: le texte du Code du travail antérieur à la loi no 97 reste en vigueur, sauf en ce qui concerne la convention collective (régie par les dispositions de la loi no 97 assorties de quelques amendements). Le décret no 530, critiqué par la commission d'experts n'est plus en vigueur car il a été implicitement supprimé par les nouvelles dispositions sur la négociation collective.
  316. 162. Pour ce qui est du secteur public, la loi no 70 sur la fonction publique et la carrière administrative, adoptée par le gouvernement sandiniste, reconnaît à tous les travailleurs de la fonction publique le droit d'organisation, le droit au privilège syndical, le droit de négociation collective et de grève, et les autres garanties syndicales légalement reconnues aux travailleurs en général. Par le décret-loi no 8 du 10 mai 1990, le nouveau gouvernement a habilité le ministère du Travail à établir un règlement d'application de la loi no 70, sans lequel celle-ci ne peut être appliquée. La Cour suprême a déclaré ce décret-loi inconstitutionnel par un arrêt du 14 août 1990. Mais la loi no 101 modifiant la loi sur la fonction publique et la carrière administrative maintient, en fait, la suspension de l'application de la loi no 70 en vertu des conditions fixées à l'article 2 et prévoit que l'établissement de son règlement d'application incombe au président qui pourra déléguer ce pouvoir au ministère du Travail.
  317. 163. On trouvera ci-après une analyse de la situation juridique actuelle qui résulte des modifications apportées aux lois en ce qui concerne les aspects sur lesquels la commission d'experts avait formulé des observations.
  318. Le droit syndical des fonctionnaires et autres agents de l'Etat
  319. 164. Les fonctionnaires de l'Etat étant exclus du champ d'application du Code du travail (art. 9), le droit d'organisation ne leur est pas reconnu expressément. La situation est différente pour les agents de l'Etat (ouvriers et employés) de l'Etat qui sont considérés comme visés par le code en vertu de son article 187. Il semble qu'on ait voulu prévoir que tant ceux-ci que les fonctionnaires proprement dits soient inclus dans le champ d'application de la loi no 70 sur la fonction publique et la carrière administrative. La situation est claire pour les fonctionnaires et les employés, mais elle l'est moins pour les ouvriers des entreprises d'Etat. En effet, conformément à l'article 4 de la loi no 70, "sont considérées comme agents de la fonction publique les personnes qui prêtent leurs services de façon permanente aux institutions de l'Etat, qui sont entrées en fonction en suivant les procédures fixées par la présente loi et ses dispositions réglementaires et dont la rémunération est imputable au budget national ou à celui de chacune des institutions qu'elles servent. Aux fins de la présente loi, les expressions "fonctionnaire, employé et travailleur" ont une seule et unique signification". Mais l'article 5, qui précise le champ d'application de la loi, ne mentionne, outre l'administration centrale de l'Etat, l'administration locale, les organismes autonomes et certaines autres institutions, que le "personnel administratif des entreprises d'Etat", ce qui laisse planer un doute quant à l'inclusion du personnel non administratif, comme les ouvriers de la production, dans le champ d'application de la loi.
  320. 165. Comme il a déjà été dit, la loi no 70, qui reconnaît les droits d'organisation, de négociation collective et de grève des agents de la fonction publique, est suspendue.
  321. Syndicats d'entreprise
  322. 166. L'article 189 du Code du travail contenait une disposition qui empêchait la création de plus d'un syndicat dans une entreprise. En revanche, le nouvel article 23 du code, conformément au texte de la loi no 97 (voir plus loin), reconnaît la possibilité que deux syndicats d'entreprise ou davantage coexistent, annulant ainsi implicitement la disposition précitée.
  323. Négociation collective
  324. 167. Les principales dispositions sur la négociation et les conventions collectives qui sont en vigueur sont les suivantes.
  325. 168. Les parties à la négociation collective peuvent être, d'une part, un employeur, un groupe d'employeurs ou une ou plusieurs associations d'employeurs et, d'autre part, une ou plusieurs organisations de travailleurs ayant la personnalité juridique. La convention collective vise notamment à établir des conditions générales de travail, développer le droit des travailleurs de participer à la gestion de l'entreprise et veiller à l'amélioration et au respect des droits et obligations réciproques (art. 22 du code). Cet article n'évoque plus la nécessité d'une approbation de la convention collective par le ministère du Travail.
  326. 169. Peuvent négocier, dans le cadre de la convention collective, les organisations de travailleurs, les employeurs et les associations d'employeurs les plus représentatives. S'il existe plus d'une organisation habilitée à négocier, toutes auront le droit de participer à la négociation selon leur représentativité (art. 23).
  327. 170. La convention collective peut être conclue au niveau du centre du travail, de l'entreprise et de la branche de production ou du secteur professionnel, et elle liera toutes les personnes visées par elle (art. 26).
  328. 171. Aucune norme législative ou réglementaire ne peut imposer des conditions qui soient inférieures ou qui contreviennent aux dispositions de la convention collective (art. 29).
  329. 172. La convention collective ne peut être renégociée tant qu'elle reste en vigueur, sauf en cas de modifications importantes des conditions économiques et sociales du pays ou de la portée de ladite convention, modifications qui seront déterminées par une commission paritaire (art. 30).
  330. CHAPITRE 8
  331. LES LIBERTES CIVILES ET LEURS RELATIONS AVEC LES DROITS SYNDICAUX
  332. L'état d'urgence
  333. 173. Dans la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, les plaignants signalent que, dans les faits, le Nicaragua a été en état d'urgence pendant plusieurs années et que celui-ci était continuellement prolongé. Cet état d'urgence était utilisé par le gouvernement pour supprimer tous les droits et libertés essentiels à l'exécution satisfaisante de la convention no 87 et pour supprimer toute opposition aux intérêts de l'autorité.
  334. 174. Dans sa réponse du 5 janvier 1988, le gouvernement a déclaré que l'état d'urgence avait été rétabli en tant que mécanisme juridique de défense contre la guerre menée par les Etats-Unis contre le Nicaragua et qu'il devait permettre de faire face aux activités contre-révolutionnaires en préservant ainsi les droits des Nicaraguayens. Le gouvernement a ajouté que, parmi les droits suspendus, aucun n'était strictement syndical et que le seul à être suspendu en matière de travail était le droit de grève qui est un droit des travailleurs, syndiqués ou non; cet état d'urgence n'avait pas empêché le développement du mouvement syndical et la libre affiliation des travailleurs à leurs organisations professionnelles.
  335. 175. L'état d'urgence a été levé le 18 janvier 1988 en vertu du décret no 247. Tant le Comité de la liberté syndicale que la commission d'experts ont demandé au gouvernement de fournir des informations sur les conséquences de cette mesure pour les organisations de travailleurs et d'employeurs. La mission d'étude, qui s'est rendue au Nicaragua du 28 septembre au 5 octobre 1988, a examiné cette question.
  336. Garanties judiciaires
  337. 176. Ainsi que l'a signalé la mission d'étude dans son rapport, la levée de l'état d'urgence a entraîné la suppression, par le décret no 296 du 19 janvier 1988, des tribunaux populaires antisomozistes. Le COSEP, le Congrès permanent des travailleurs (CPT) et la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN) ont estimé que cela n'avait que peu d'effets en pratique, étant donné que la majorité des tribunaux populaires avait été intégrée dans le cadre judiciaire normal. Il a été allégué que la justice n'était pas indépendante du pouvoir exécutif et que les condamnations étaient prononcées sur la base de preuves subjectives, que l'on donnait fréquemment valeur de preuves à de simples indices, que les jugements reposaient sur ce que l'on appelle la "saine critique révolutionnaire" et que les droits de la défense n'étaient pas pleinement respectés.
  338. 177. Le président de la Cour suprême de justice a expliqué à la mission d'étude qu'il n'avait existé qu'un tribunal populaire antisomoziste (à deux instances) à Managua et deux autres de première instance en province. Comme chaque tribunal se composait de trois membres (dont un seulement était un juriste), le nombre de personnes intégrées dans le corps judiciaire a dû être réduit, d'autant que seuls certains membres ont bénéficié de cette intégration. Les jugements rendus par ces tribunaux n'étaient pas susceptibles de pourvois devant la Cour suprême. Une fois l'état d'urgence levé, la question de la révision de ces jugements s'est posée. Pour le président de la Cour suprême, ils avaient autorité de la chose jugée et ne pouvaient être révisés. Seules des mesures d'amnistie pouvaient être prises en faveur des personnes condamnées. D'après la Commission nationale de promotion et de protection des droits de l'homme, la révision était possible dans le cadre d'un recours extraordinaire prévu par la législation.
  339. 178. Tant dans les milieux gouvernementaux que dans les milieux d'opposition, il a été signalé à la mission d'étude que la modification de la législation en matière de procédures judiciaires était nécessaire. Le Code d'instruction criminelle en vigueur datait de 1872 et le Code de police du début du XXe siècle.
  340. 179. Lorsque le Comité de la liberté syndicale a examiné ces informations à sa réunion de novembre 1988, il a conclu que le gouvernement devrait mettre à profit le processus de paix engagé au Nicaragua pour adopter une législation élargissant les garanties judiciaires (Note 11). Cependant, dans sa communication du 24 août 1989, l'OIE signalait au comité que le gouvernement ignorait cette observation (Note 12).
  341. 180. Peu après, le gouvernement a fait savoir par une communication du 20 octobre 1989 que la loi no 65 modifiant la loi sur les pouvoirs juridictionnels de la police sandiniste, par laquelle étaient suspendues toutes les fonctions judiciaires de la police (procès et sentences), qui ne devenait compétente que pour les enquêtes sur les délits et les sanctions des fautes de police, a été approuvée (Note 13).
  342. 181. Lors de la visite de la commission au Nicaragua, les juges de la Cour suprême de justice qu'elle a rencontrés ont expliqué que, dans un premier temps, après la victoire du sandinisme, des tribunaux spéciaux à deux instances avaient été créés et que chaque instance était composée de juges non professionnels et parfois de juristes. Des défenseurs étaient désignés d'office et ils s'acquittaient souvent de leur tâche dans la crainte. Les procédures étaient expéditives, le ministère public présentait la preuve au dernier moment et les condamnations étaient généralement sévères. Ces tribunaux spéciaux ont été remplacés par les tribunaux populaires antisomozistes, qui suivaient une procédure analogue de caractère exceptionnel, bien que les peines imposées fussent moins lourdes. Ces tribunaux étaient en marge du système judiciaire ordinaire et comportaient une instance d'appel au sein du régime d'exception lui-même, mais leurs jugements n'étaient pas susceptibles de pourvois devant la Cour suprême contre leurs jugements. Une fois les tribunaux populaires antisomozistes dissous, les affaires traitées par eux ont été jugées par les tribunaux ordinaires.
  343. 182. Le procureur général adjoint a indiqué que les tribunaux populaires antisomozistes avaient un caractère éminemment politique, ce qui leur ôtait toute impartialité. Etant donné leur politisation, les droits de la défense étaient limités, les jugements étaient expéditifs et les défenseurs d'office suivaient souvent la même ligne politique que les tribunaux.
  344. 183. Le directeur de la Commission permanente des droits de l'homme, évoquant la question de la preuve dans la procédure des tribunaux populaires antisomozistes, a dit que presque tous les inculpés s'auto-accusaient. Il a estimé que cela était anormal et indiquait qu'on leur infligeait des mauvais traitements, lesquels variaient selon les lieux de détention.
  345. 184. En ce qui concerne la loi no 65 modifiant la loi sur les pouvoirs juridictionnels de la police, les magistrats de la Cour suprême ont déclaré qu'elle n'a pas pu beaucoup modifier la situation antérieure étant donné que, à l'heure actuelle, la police continue d'exercer ses fonctions d'instruction et que les déclarations qui lui sont faites sont utilisées pendant le procès. L'Assemblée nationale est saisie d'un projet visant à modifier la législation en vigueur et à supprimer ces pouvoirs de la police.
  346. 185. De son côté, le procureur général adjoint a expliqué à la commission que, en vertu de la réforme de la loi sur les pouvoirs juridictionnels de la police sandiniste, celle-ci est habilitée à procéder à l'instruction d'un dossier, qui est ensuite communiqué au juge chargé de l'affaire. Les déclarations faites à la police n'ont qu'une valeur relative. On envisage actuellement de limiter les pouvoirs de la police pour que celle-ci, au lieu de procéder à l'instruction, présente le détenu à l'autorité judiciaire après un délai de soixante-douze heures de garde à vue, conformément à la Constitution.
  347. 186. Le chef de la police a indiqué que la loi sur les pouvoirs juridictionnels de la police sandiniste a été promulguée au début des années quatre-vingt afin de réglementer les pouvoirs d'enquête de la police. Cette loi a créé la fonction de juge instructeur de police dans chaque unité territoriale. La police pouvait détenir pendant soixante-douze heures une personne soupçonnée d'avoir commis un délit et devait ensuite la mettre à la disposition du juge instructeur. Celui-ci, qui devait avoir des connaissances juridiques, procédait à l'examen des motifs de la détention pendant six jours au maximum, après quoi il était tenu de mettre le suspect à la disposition du procureur général, lequel disposait d'un délai de trois jours pour décider de l'inculpation du détenu.
  348. 187. Dans le cas de délits de trafic de stupéfiants et de vol de bétail, la police disposait de pouvoirs juridictionnels et pouvait appliquer des condamnations allant jusqu'à deux années de prison. En 1987, avec l'adoption de la nouvelle Constitution, ces pouvoirs ont en fait été supprimés et une circulaire a été publiée en ce sens. Par ailleurs, le Code de police permet l'application de sanctions administratives pendant une durée pouvant aller jusqu'à six mois en cas de faute ou de contravention.
  349. 188. En octobre 1989, la loi précitée a été modifiée par la loi no 65, qui a été dénommée Loi sur les fonctions de la police sandiniste. Celle-ci a supprimé les pouvoirs juridictionnels de la police et la fonction de juge instructeur a disparu.
  350. 189. La commission a constaté que la loi no 65 habilite la police à enquêter et à instruire tous les faits qui sont considérés comme des délits ou des fautes en matière pénale. Ces pouvoirs seront exercés sous la responsabilité d'un chef des enquêtes de police par les départements d'instruction existant dans chacune des unités de la police sandiniste. Une personne ne sera détenue que sur mandat de dépôt signé par le chef des enquêtes de police ou par quiconque en exercerait les fonctions, à l'exception des cas de flagrant délit.
  351. 190. Tout détenu devra, dans un délai maximum de soixante-douze heures, être mis à la disposition du chef des enquêtes de police, qui pourra le remettre en liberté ou décerner contre lui un mandat d'arrêt pour une durée maximum de six jours.
  352. 191. En ce qui concerne le projet de loi déposé devant l'Assemblée pour modifier la loi no 65, la commission a été informée qu'il prévoit la réduction du temps de détention de l'inculpé et la restitution de quelques pouvoirs aux instances qui participent aux procédures judiciaires, ainsi que l'accélération de l'établissement des conclusions du chef des enquêtes de police, pour sauvegarder les garanties du prévenu et éviter d'éventuels abus tant de la part de la police que des procureurs et des juges, qui tardent parfois à rendre leur décision. D'après le procureur général, la police doit se limiter à mener des enquêtes sans procéder à des actes d'instruction, qui relèvent de la compétence exclusive des juges et des procureurs.
  353. 192. A propos du Code d'instruction criminelle, tant les membres de la Cour suprême que le procureur général adjoint ont déclaré qu'à l'Assemblée nationale on envisageait de procéder à sa modification. Il existe deux tendances au sein de cette assemblée: certains membres souhaitent rétablir le jugement par le jury, qui a existé à des époques antérieures, les autres veulent que l'on procède à une révision plus complète du code car il est très ancien.
  354. Arrestation de syndicalistes, amnistie et grâces
  355. 193. La question de l'amnistie et des grâces en faveur de syndicalistes arrêtés a été soulevée par la mission d'étude. D'après les autorités, les mesures de grâce visaient les personnes qui accomplissaient des peines de prison, et l'amnistie les personnes qui avaient été impliquées dans des actions armées contre le gouvernement et qui voulaient se réintégrer dans la vie civile après avoir déposé les armes. Du 30 juillet 1987 au 30 août 1988, 1.256 personnes ont bénéficié de ces mesures, sur un total de 4.647 depuis 1983. En novembre 1987, 987 personnes ont été grâciées. Toujours d'après les autorités, lors des accords de Sapoá conclus avec les organes de la contre-révolution, un calendrier d'amnistie avait été établi, en vertu duquel 100 prisonniers avaient été libérés le 27 mars 1988.
  356. 194. La mission d'étude n'a pu obtenir de réponses quant au nombre de syndicalistes qui avaient bénéficié de l'amnistie, les autorités ayant déclaré qu'elles ne connaissaient pas l'affiliation syndicale des personnes amnistiées. Pour les milieux de l'opposition, l'amnistie était insuffisante, et les mesures d'arrestation et les condamnations continuaient à frapper les syndicalistes.
  357. 195. De manière plus spécifique, la mission a fait état de la plainte présentée par la CISL, qui a dénoncé l'arrestation, le 20 juin 1988, des membres suivants de la Centrale d'unité syndicale (CUS): Luis Alfaro Centeno, Pastor García Matey, Mariano Romero Melgara, Dámaso González Sánchez, Jesús Cárdenas Ordóñez, Teodoro Matey Romero, José Matey Ordóñez et Rafael Ordóñez Melgara. Elle a également évoqué l'arrestation de Miguel Valdivia, de l'Union des paysans de Posoltega, par des membres de l'armée sandiniste. Le gouvernement avait promis de fournir des informations sur ces points. Les allégations concernant ces arrestations étaient encore en instance devant le Comité de la liberté syndicale lorsqu'il a examiné les cas relatifs au Nicaragua dans son 267e rapport (mai 1989).
  358. 196. Le gouvernement a fourni des informations dans ses communications des 30 octobre et 2 novembre 1989, qui sont parvenues trop tardivement pour pouvoir être examinées par le comité à sa réunion de novembre 1989 (Note 14). Selon les déclarations du gouvernement, Luis Alfaro Centeno, Pastor García Matey, Jesús Cárdenas Ordóñez, Rafael Ordóñez Melgara et Manuel Valdivia n'auraient jamais été arrêtés. Quant aux autres personnes citées, la situation était la suivante: Dámaso González Sánchez a été arrêté le 26 juin 1989 (sic) parce qu'il aurait collaboré avec des groupes armés et il a été amnistié ultérieurement. Mariano Romero Melgara a été arrêté le 9 mars 1986 pour le même motif et a été remis en liberté en novembre 1986. Teodoro Matey Romero, également arrêté pour la même raison, a été grâcié le 15 mai 1986. Enfin, José Dolores Matey Ordóñez, arrêté toujours pour le même motif en mars 1986, a été libéré en mai de la même année (Note 15).
  359. 197. Dans son 267e rapport, le comité avait demandé au gouvernement (Note 16) de fournir des informations sur la situation de Milton Silva Gaitán et d'Arcadio Ortíz Espinoza, dirigeants du Syndicat de l'Entreprise nationale d'autobus, qui avaient été condamnés en 1983 à cinq et huit (réduites par la suite à six) années de prison pour avoir commis des actes de sabotage selon le rapport de la mission d'étude. Auparavant, le comité avait demandé au gouvernement d'envisager l'adoption de mesures d'amnistie ou de réduction de peine en faveur de ces deux personnes (Note 17). Dans sa communication du 30 octobre 1989, le gouvernement a déclaré qu'elles étaient en liberté et qu'elles n'avaient été détenues que quelques jours.
  360. 198. Pour ce qui est de la question plus générale des mesures d'amnistie et de grâce, l'OIE, dans sa communication du 12 avril 1989, a indiqué que l'amnistie prévue dans les accords conclus entre les chefs d'Etat d'Amérique centrale n'avait entraîné aucune évolution positive des questions dont était saisi le comité. En réalité, l'amnistie, qui se réduisait à une "grâce", mesure considérablement moins clémente, n'avait touché jusqu'alors aucun dirigeant employeur ni travailleur détenu (Note 18). Dans une autre communication du 24 août 1989, l'OIE a posé au comité la question de savoir si les tribunaux étaient toujours saisis des cas des dirigeants employeurs et travailleurs sommairement condamnés, puis libérés, et, dans la négative, si une mesure de pardon éteignait l'action de la justice et faisait subsister la condamnation en première instance (Note 19).
  361. 199. Par une communication du 20 octobre 1989, le gouvernement a fait savoir au comité qu'un décret de grâce avait été approuvé en faveur de 457 inculpés détenus pour avoir violé la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics.
  362. 200. Le 13 mars 1990, le gouvernement sandiniste a adopté la loi no 81 sur l'amnistie générale et la réconciliation nationale, "conformément aux accords signés par les chefs d'Etat d'Amérique centrale et à l'accord conclu avec les forces politiques du Nicaragua, afin de parvenir à la réconciliation nationale". L'amnistie a été accordée "largement et sans conditions" 1) aux Nicaraguayens, résidant dans le pays ou non, qui ont commis des délits contre l'ordre public et la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat et des délits de droit commun connexes; 2) aux militaires et civils nicaraguayens qui auraient commis des délits lors des procédures de poursuite et d'instruction de faits délictuels indiqués au point précédent; 3) aux fonctionnaires et aux employés supposés avoir commis certains délits mentionnés dans le Code pénal, et qui n'auraient pas été inculpés. Cette mesure couvre la responsabilité civile et administrative. Elle a porté sur la période comprise entre le 19 juillet 1979 et la date d'entrée en vigueur de la loi.
  363. 201. Une fois le nouveau gouvernement entré en fonction, la loi d'amnistie no 100 a été promulguée le 10 mai 1990, abrogeant la loi précédente. Elle accorde, largement et sans conditions, l'amnistie pour tous les délits politiques et les délits de droit commun connexes commis par les citoyens nicaraguayens jusqu'à la date de sa publication. Cette mesure vise tous les détenus, prévenus, condamnés, personnes en instance de jugement, personnes non arrêtées et condamnés ayant accompli leur peine, ainsi que les personnes ayant bénéficié d'une simple grâce. Aux fins d'application de la loi, les autorités, sous la surveillance ou la juridiction desquelles sont placés des coupables au bénéfice d'une amnistie, devront libérer immédiatement ces personnes. En outre, toute autorité sur ordre de laquelle ou sous la surveillance de laquelle sont détenus des ressortissants nicaraguayens devra faire parvenir au ministère de l'Intérieur une liste détaillée de ces personnes accompagnée du motif de leur détention. Cette liste devait être communiquée dans un délai de sept jours à compter de la date de publication de la loi pour permettre de constater que les personnes auxquelles cette loi s'applique ne demeurent pas détenues dans des prisons ou autres lieux de détention.
  364. 202. Au cours des auditions tenues à Genève, le ministre du Travail a fourni des explications sur la portée de la loi d'amnistie. Cette loi éteint la responsabilité pénale pour tous les fonctionnaires publics du gouvernement précédent, et même pour ceux qui avaient été liés au gouvernement de Somoza. Elle a une portée telle qu'à l'heure actuelle il n'existe aucun détenu et que les syndicalistes qui avaient été arrêtés durant le régime sandiniste jouissent d'une liberté totale. Sur décision de la Présidence de la République, le ministère du Travail étudie actuellement les cas de ces syndicalistes pour qu'ils puissent réintégrer leur emploi, ce qu'ils font d'ailleurs déjà en pratique. Le ministre du Travail a rappelé que la loi d'amnistie vise aussi bien les délits politiques que les délits de droit commun connexes. L'amnistie générale se situe dans le cadre de la réconciliation nationale et de la reconstruction, qui sont les priorités actuelles du Nicaragua. Faisant état ensuite de la distinction entre la grâce et l'amnistie, il a précisé que la première suppose le pardon en matière pénale mais maintient la responsabilité civile, alors que l'amnistie constitue un pardon total. En conséquence, en cas de fautes ou de délits, leurs auteurs ne pourront être poursuivis en justice s'ils ont été grâciés en vertu de la loi d'amnistie.
  365. 203. A Managua, les magistrats de la Cour suprême de justice ont rappelé à la commission qu'aucun syndicaliste n'est resté détenu après la promulgation des lois d'amnistie.
  366. 204. Quant au chef de la police, il a déclaré à la commission que, aussi bien sous le gouvernement sandiniste que sous le gouvernement actuel, les détentions ne résultaient ni ne résultent de faits de caractère syndical, mais d'actions et de délits commis. Aucun syndicaliste détenu ou condamné pendant le gouvernement précédent pour un délit autre que de droit commun n'est emprisonné à l'heure actuelle. Ceux qui l'étaient ont été libérés en vertu de la mesure d'amnistie.
  367. 205. Les dirigeants syndicaux de la Confédération générale du travail ont expliqué à la commission que les syndicalistes qui étaient détenus sous le gouvernement sandiniste ne le restaient pas longtemps, c'est pourquoi la loi d'amnistie issue des pourparlers de paix et la loi d'amnistie du nouveau gouvernement n'ont été appliquées en faveur d'aucun syndicaliste détenu en tant que tel. La première amnistie a visé les contre-révolutionnaires, quant à la seconde, elle a constitué une mesure de grâce pour les personnes emprisonnées et s'inscrivait dans le cadre de la réconciliation nationale.
  368. 206. Le directeur de la Commission permanente des droits de l'homme a indiqué que la première loi d'amnistie a été promulguée le 13 mars 1990 après que de nombreuses personnes eurent été grâciées. Il a expliqué que le Service de sûreté de l'Etat du gouvernement sandiniste a procédé à des actes d'intimidation à l'encontre des syndicalistes indépendants de 1982 à 1986, et que plusieurs d'entre eux, dont M. Carlos Huembes, dirigeant de la CNT, ont été inculpés. Les dirigeants du Syndicat de l'Entreprise nationale d'autobus (ENABUS) ont été condamnés à de longues peines de prison, comme ce fut le cas pour MM. Gaitán et Espinoza, qui ont été grâciés par la suite.
  369. 207. Il a ajouté que, sous le gouvernement précédent, les syndicats indépendants avaient été réduits à leur plus simple expression car, bien que ce gouvernement ait cessé d'appliquer des mesures à l'encontre de leurs dirigeants, il en sanctionnait les membres, ce qui entraînait une perte d'effectifs pour lesdits syndicats.
  370. 208. Il a signalé qu'en 1989 la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics a été peu appliquée, un petit nombre de personnes seulement ayant été arrêtées. Cette loi a été abrogée le 30 octobre 1989, après la tenue du dialogue national entre les partis et la rencontre entre les chefs d'Etat d'Amérique centrale. Il n'y a actuellement aucun syndicaliste détenu.
  371. 209. Le secrétaire général du Front ouvrier a indiqué lui aussi que, au cours de la dernière période du gouvernement sandiniste, ce n'était pas les dirigeants des syndicats indépendants qui étaient poursuivis mais leurs membres.
  372. Détention du directeur d'un organe lié au COSEP
  373. 210. L'OIE et le COSEP ont allégué l'arrestation et l'emprisonnement, le 31 mai 1988, de M. Mario Alegría Castillo, directeur de l'Institut nicaraguayen d'études économiques et sociales (INIESEP), lié au COSEP. M. Alegría était accusé d'être un agent d'un service étranger de renseignements, de s'être procuré frauduleusement des documents de l'Etat et d'avoir organisé un réseau d'informateurs infiltrés dans certaines institutions gouvernementales. D'après les plaignants, durant le procès, le droit constitutionnel de la défense avait été violé lors de la présentation à la télévision officielle, par le gouvernement, de l'intéressé ainsi que d'une autre personne impliquée dans la même affaire pour qu'ils fassent des déclarations risquant de nuire à leurs intérêts en tant qu'accusés. Les plaignants ajoutent que les documents mentionnés, prétendument secrets, étaient largement diffusés parmi les milieux de l'opposition au Nicaragua. M. Alegría a été condamné à seize années de prison alors même que, toujours selon les plaignants, les textes légaux pouvant justifier le jugement faisaient défaut et que le droit, établi par la Constitution, de rechercher, de recevoir et de diffuser des informations avait été enfreint.
  374. 211. La mission d'étude a examiné ces allégations et recueilli de nombreux renseignements, qui figurent dans son rapport.
  375. 212. Le procureur général a déclaré que, au vu des preuves réunies, M. Alegría achetait des informations secrètes comme le plan économique pour 1988-1990 qui définit toute la stratégie économique du gouvernement dans une situation de guerre. Ces informations permettraient à l'ennemi de finir de déstabiliser le pays car il connaîtrait toutes les sources de financement et d'approvisionnement. Ces informations étaient communiquées à un fonctionnaire de l'Ambassade des Etats-Unis, qui a été expulsé. Le procureur a déclaré qu'au Nicaragua la liberté d'effectuer des enquêtes économiques existe à condition de s'adresser à des sources officielles et de ne pas violer la loi.
  376. 213. Selon le ministère de l'Intérieur, M. Alegría a été condamné pour avoir violé la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics et divulgué des informations officielles à caractère confidentiel.
  377. 214. De son côté, le directeur de la Commission permanente des droits de l'homme (CPDH) a déclaré à la mission d'étude que cette affaire avait une évidente connotation politique et que les documents mentionnés circulaient dans les milieux de l'opposition. La preuve retenue par le juge aurait consisté en un aveu, enregistré sur une vidéo-cassette à la prison. La procédure suivie était sommaire et n'avait duré que treize jours.
  378. 215. La mission a également signalé dans son rapport qu'on ne lui avait pas permis de rencontrer M. Alegría, détenu à la "Zona Franca" de Managua, car il ne s'agissait pas d'une affaire relevant du domaine du travail.
  379. 216. Le Comité de la liberté syndicale a examiné ce cas après avoir reçu le rapport de la mission d'étude. Il a rappelé que les tâches confiées à M. Alegría au sein d'un organisme du COSEP étaient précisément d'effectuer des recherches et des études économiques et qu'à ce titre l'intéressé devait pouvoir disposer d'informations pour mener à bien ses travaux. Il a aussi observé avec préoccupation que l'accusation s'était fondée notamment sur des déclarations qui auraient été enregistrées dans les locaux de la sécurité de l'Etat (Note 20).
  380. 217. Par une communication du 2 novembre 1988, l'OIE a protesté contre le fait que la détention de M. Alegría se prolongeait sans que la juridiction d'appel ait statué, bien que les délais fixés par le Code de procédure pénale aient été largement écoulés (Note 21).
  381. 218. Quelques temps après, soit le 13 février 1989, le gouvernement a fait savoir que, dans le cadre des efforts qu'il déployait pour créer des conditions de coexistence et d'harmonie sociales, les autorités du ministère du Travail avaient demandé au Président de la République d'examiner spécialement les circonstances et l'état du procès intenté contre M. Alegría afin d'étudier l'application d'une mesure qui, tout en respectant l'ordre juridique national et la pleine indépendance des pouvoirs de l'Etat, permettrait de concrétiser la volonté de conciliation qui anime le gouvernement, indépendamment des éléments de culpabilité de l'intéressé. Des examens identiques étaient faits dans le cas de M. Guillermo Quant, membre du COSEP, condamné pour activités d'espionnage (Note 22).
  382. 219. Par une communication du 9 mai 1989, l'OIE a annoncé la libération de M. Alegría, qui a été reconnu innocent par un arrêt rendu par la Cour d'appel de Managua le 28 avril 1989. Celle-ci, selon l'OIE, a très largement excédé les délais - dix mois au lieu de six - prévus par le Code de procédure pénale pour statuer. L'OIE a estimé que, conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 9.5) qui lie le Nicaragua, tant le COSEP que l'INIESEP et M. Alegría ont droit à réparation du préjudice moral et matériel subi (Note 23).
  383. 220. Le gouvernement a confirmé cette libération dans ses communications des 3 et 22 mai 1989. L'arrêt a été rendu par la Chambre criminelle de la Cour d'appel de Managua. De son côté, M. Guillermo Quant avait bénéficié d'une mesure de grâce approuvée par l'Assemblée nationale (Note 24). Dans une communication ultérieure, en date du 24 mai, le gouvernement, faisant état du retard constaté dans l'arrêt rendu, l'a attribué à une accumulation probable de travail, comme cela se produisait dans d'autres pays. Il a ajouté que, en tout cas, en ce qui concerne l'indemnisation de M. Alegría, il appartenait aux autorités judiciaires nicaraguayennes et non au Comité de la liberté syndicale de se prononcer sur ce point à la demande de la partie concernée (Note 25).
  384. 221. La commission, qui n'a pu rencontrer M. Alegría comme indiqué au chapitre 2, a été informée par le directeur de la Commission permanente des droits de l'homme que la condamnation de l'intéressé a été prononcée par un juge qui avait fait partie auparavant d'un tribunal populaire antisomoziste. Pour ce qui est d'une éventuelle indemnisation pour le préjudice subi à la suite de cette condamnation, les magistrats de la Cour suprême ont déclaré à la commission que la législation nicaraguayenne ne la prévoyait pas et qu'il n'existait pas non plus de jurisprudence en la matière.
  385. Liberté d'expression
  386. 222. La mission d'étude a pu constater que la suppression de l'état d'urgence avait permis de supprimer la censure préalable des moyens de communication. Toutefois, selon certains interlocuteurs, diverses organisations d'employeurs et de travailleurs continuaient de rencontrer des difficultés, preuve en étaient les suspensions de certains organes de la presse écrite et radiophonique. Le gouvernement estimait que les moyens de communication de l'opposition avaient défié la légalité et agi de façon irresponsable en publiant des mensonges et des calomnies.
  387. 223. A cette époque, la liberté de la presse était réglementée par la loi générale provisoire sur les moyens de communication, promulguée le 13 septembre 1979 et révisée par la suite, notamment le 30 avril 1981. Conformément à son article 2, les critiques ou commentaires doivent être émis à des fins constructives et basés sur des faits dûment vérifiés. Aux termes de l'article 3, modifié par les décrets nos 511 et 512 du 17 décembre 1980, il est interdit de publier, distribuer, faire circuler, exposer, diffuser, exhiber, transmettre ou vendre des écrits qui compromettent la sécurité interne du pays ou la défense nationale ou qui y portent atteinte, et des écrits qui compromettent la stabilité économique de la nation ou qui y portent atteinte. Dans ces deux cas, avant d'être publiées, les informations doivent être vérifiées auprès des autorités respectives (ministère de la Défense et de l'Intérieur et ministère du Commerce intérieur). En cas de violation de ces textes, les organes de presse peuvent être suspendus de manière temporaire ou définitive.
  388. 224. Postérieurement aux informations recueillies par la mission d'étude, des faits en rapport avec cette législation se sont encore produits. Dans une communication du 22 décembre 1988, l'OIE a dénoncé le fait que, le 13 octobre de cette même année, le gouvernement avait interdit, pour une durée illimitée, le programme radiodiffusé par le COSEP sur les ondes de Radio Mundial, intitulé "El nicaragüense". Selon l'OIE, ce programme passait en revue les faits saillants de la situation économique et sociale du pays et suggérait des solutions possibles auxquelles le COSEP et ses membres pouvaient collaborer. De même, le 2 novembre 1988, le ministère de l'Intérieur a interdit la diffusion du programme "Seis en Punto" sur les ondes de Radio Corporación, car ce programme avait transmis des nouvelles concernant le licenciement de fonctionnaires du ministère de l'Intérieur. Le gouvernement a informé l'OIT que ces programmes avaient été rouverts (Note 26).
  389. 225. La nouvelle loi no 57 sur les moyens de communication sociale a été promulguée par décret du 21 avril 1989. D'après une communication de l'OIE du 9 mai 1989, les chapitres VIII à XI contiennent des dispositions permettant au ministère de l'Intérieur d'admonester et d'ordonner la fermeture temporaire des moyens de communication dans toute une série de circonstances définies de telle manière que le texte permet la poursuite de tous les abus du passé récent. L'OIE estimait que cette loi laissait en vigueur le décret no 888 de 1982, réservant au seul Institut nicaraguayen de statistique et de recensement (INEC), organisme d'Etat, le monopole de la publication de données économiques, de même que le décret no 512 datant de 1980. L'organisation plaignante soutenait que ces deux décrets portaient atteinte à la liberté d'information en général et, plus particulièrement, aux droits de l'Institut nicaraguayen d'études économiques et sociales (INIESEP), dépendant du COSEP, et aux droits du COSEP lui-même d'informer leurs membres ainsi que le public. Dans sa réponse du 24 mai 1989, le gouvernement a déclaré que la loi avait été adoptée par l'Assemblée législative, où sont représentés les différents partis politiques, qu'elle était plus libérale que des lois semblables d'autres pays d'Amérique latine et qu'il n'appartenait pas au Comité de la liberté syndicale de se prononcer sur cette loi (Note 27).
  390. 226. Il convient de signaler que la loi énumère à son article 35 les actes qui constituent des infractions. Parmi celles-ci, figurent les transmissions d'informations contraires à la sécurité de l'Etat, à l'intégrité nationale, à la paix et à l'ordre public, l'altération dolosive des textes des bulletins ou d'informations fournis par le gouvernement ayant un caractère officiel, en vue de leur divulgation, et la transmission, la diffusion, la publication ou la projection de nouvelles injurieuses, diffamatoires ou fausses. L'article 37 établit trois types de sanctions administratives: 1) éclaircissement ou réplique et rectification; 2) admonestation; 3) suspension temporaire.
  391. 227. Le comité a constaté avec regret que le ministère de l'Intérieur restait habilité à suspendre provisoirement les organes de presse et a demandé au gouvernement d'indiquer si les décrets antérieurs tels que les décrets nos 512 et 888, qui portent atteinte à la liberté d'information économique, restaient en vigueur (Note 28).
  392. 228. Par une communication du 20 octobre 1989, le gouvernement a fait savoir au comité que la loi précitée avait été modifiée et que le contrôle de celle-ci et de ses règlements d'application pour ce qui concerne les problèmes liés à la loi électorale avait été attribué au Conseil suprême électoral (Note 29). Selon ce qu'a indiqué l'OIE dans sa communication du 3 novembre 1989, les modifications introduites ne couvraient que la période de la campagne électorale.
  393. 229. Dans la communication de la Mission permanente du Nicaragua du 20 avril 1990, il est indiqué que, récemment, dans son ensemble, l'Assemblée nationale a abrogé la loi générale de 1979 sur les moyens de communication ainsi que le texte de 1989 portant révision de cette loi; le décret no 511 du 10 septembre 1980 a également été abrogé.
  394. 230. Au cours des auditions qui se sont déroulées à Genève, le ministre du Travail a confirmé que la loi sur les moyens de communication n'existait plus et a indiqué que la Présidente de la République partait du principe que, en matière de réglementation des moyens de communication, la meilleure loi est celle qui n'existe pas. En conséquence, cette loi abrogée n'a été remplacée par aucun autre texte législatif.
  395. 231. A l'occasion de l'entrevue que la commission a eue au Nicaragua avec des dirigeants du COSEP, ceux-ci lui ont déclaré que la loi en question n'a pas été appliquée en 1989.
  396. 232. Le directeur de la Commission permanente des droits de l'homme a indiqué que pour le moment il n'existait aucune loi sur les moyens de communication. La loi générale provisoire sur les moyens de communication qui, en cas de violation de celle-ci, prévoyait des sanctions allant jusqu'à des peines de prison, a été en vigueur durant le régime sandiniste. Il a expliqué que le gouvernement sandiniste avait modifié cette législation en avril 1989, supprimant ainsi les dispositions qui permettaient de fermer un moyen de communication sans procédure préalable. Ainsi, en vertu de la modification, celui-ci pouvait être sanctionné par une fermeture d'une durée de quatre jours. Par ailleurs, la loi interdisait les chaînes privées de télévision.
  397. 233. La liberté d'expression est devenue toutefois de plus en plus grande, a indiqué le directeur de la CPDH. Après la déroute électorale du sandinisme, pendant la période de transition, une loi abrogeant la loi sur les moyens de communication sociale a été promulguée et, depuis, aucune législation n'a été adoptée en la matière. A l'heure actuelle, la liberté dans ce domaine confine parfois au libertinage. Il a expliqué qu'en juillet 1990 le gouvernement avait fermé un programme d'information de tendance sandiniste pendant quatre jours, mais sans y être habilité car il n'existe aucune loi autorisant à le faire.
  398. 234. Les magistrats de la Cour suprême ont dit à la commission qu'à la suite des négociations sur la paix qui s'étaient déroulées sous le gouvernement précédent, la liberté d'expression a de nouveau été respectée au Nicaragua; toutefois, tant que la loi sur les moyens de communication sociale est restée en vigueur, elle a agi comme une épée de Damoclès.
  399. 235. A l'heure actuelle, ont-ils indiqué, la liberté d'expression est grande au point qu'il existe des quotidiens qui incitent à la rébellion sans que des mesures soient prises contre eux. Aucun projet de loi n'a encore été présenté devant l'Assemblée pour réglementer les moyens de communication.
  400. Droits de manifestation et de réunion
  401. 236. La mission d'étude a signalé dans son rapport que, avec la levée de l'état d'urgence, le droit de manifestation et de réunion était de nouveau formellement reconnu. Cependant, certaines organisations syndicales lui ont dit qu'il existait des difficultés d'ordre pratique dues au fait que le ministère de l'Intérieur ne répondait que très tardivement aux demandes d'autorisation de manifestations publiques. Ces organisations se trouvaient ainsi dans des situations difficiles; en effet, si elles attendaient l'autorisation, elles ne disposaient pas du temps suffisant pour organiser la manifestation et si elles appellaient à manifester avant d'obtenir l'autorisation, elles se heurtaient à des risques de sanctions. Par ailleurs, les manifestations une fois autorisées étaient sujettes à des provocations qui justifiaient l'intervention de la police, les arrestations et les condamnations qui s'ensuivaient.
  402. 237. Le vice-ministre de l'Intérieur a déclaré à la mission que la réglementation applicable en la matière était dépassée car elle datait de 1924. Les demandes d'autorisation présentées par les organisations syndicales étaient peu nombreuses, contrairement à celles des partis politiques. D'après les autorités gouvernementales, ce sont les manifestations de ces partis qui donnent lieu à des actes de violence et non les manifestations syndicales de commémoration du 1er mai.
  403. 238. Au sujet des réunions organisées dans des locaux syndicaux, elles n'étaient pas sujettes à autorisation préalable mais, a-t-on indiqué à la mission d'étude, elles pouvaient être entravées par la surveillance policière permanente dont font l'objet les locaux syndicaux et par des interventions violentes de groupes paragouvernementaux. Par ailleurs, tant les réunions que les manifestations étaient réglementées par la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics (décret no 1074 de 1982), considérée comme trop contraignante par les secteurs de l'opposition.
  404. 239. Par sa communication du 20 octobre 1989, le gouvernement a fait savoir au Comité de la liberté syndicale que la loi portant abrogation du décret no 1074 avait été approuvée et que toutes les questions relatives à la rébellion, à la sédition et à la trahison à la patrie traitées par ce décret seraient réglementées par le Code pénal (Note 30).
  405. 240. Dans les déclarations que le ministre du Travail a faites à la commission au cours des auditions tenues à Genève, il a confirmé que la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics avait été abrogée et qu'elle n'a pas été remplacée.
  406. 241. Au cours de l'entrevue qui a eu lieu avec les dirigeants du COSEP au Nicaragua, ceux-ci ont déclaré à la commission que la loi susmentionnée n'avait pas été appliquée en 1989, qui a été une année tranquille. Cette situation était due aux accords conclus par les chefs d'Etat des pays d'Amérique centrale sur la base de l'accord d'Esquipulas de 1987.
  407. 242. En ce qui concerne la validité de la loi en question, la commission a observé pendant sa visite que le fait qu'elle avait été abrogée n'était pas connu de tout le monde. Ainsi, des dirigeants de la CST lui ont déclaré qu'elle était encore en vigueur.
  408. 243. Comme on l'a dit auparavant, la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics a été abrogée le 30 octobre 1989. La loi portant abrogation porte le numéro 66 (La Gaceta, 26 décembre 1989). L'article 2 de la loi no 66 prévoit que toutes les dispositions du Code pénal relatives aux conduites délictuelles sanctionnées par cette loi restent en vigueur.
  409. 244. Les magistrats de la Cour suprême ont déclaré que, pendant la dernière période du gouvernement sandiniste, tant que la loi en question est restée en vigueur en 1989, elle a été peu appliquée.
  410. 245. Evoquant spécifiquement le droit de réunion et de manifestation, le chef de la police a déclaré à la commission que, pour tenir des réunions publiques, à l'exception des réunions de caractère religieux, aussi bien pendant le gouvernement sandiniste qu'à l'heure actuelle, il fallait être muni d'une autorisation de la police qui devait être demandée soixante-douze heures à l'avance. Cette exigence ne s'applique pas aux réunions tenues dans des locaux privés. L'autorisation était généralement refusée pendant l'état d'urgence, mais elle ne l'a plus été lorsque celui-ci a été levé. Les autorisations sont aujourd'hui accordées sans difficultés.
  411. CHAPITRE 9
  412. EXPROPRIATION DE LEURS TERRES DE DIRIGEANTS EMPLOYEURS
  413. Exposé des faits
  414. 246. Les plaignants, dans leurs allégations présentées au Comité de la liberté syndicale et dans la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution, ont dénoncé la réquisition de biens, terres et entreprises de plusieurs dirigeants du Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP), comme une forme de persécution dirigée contre eux. Parmi ces dirigeants figurent MM. Enrique Bolaños, président du COSEP, Ramiro Gurdián, vice-président du COSEP, Arnoldo Alemán Lacayo, président de l'Association des producteurs du café et vice-président de l'Union des éleveurs du Nicaragua.
  415. 247. Dans les conclusions présentées par le Comité de la liberté syndicale à propos du cas no 1344 (Note 31), il est pris note des déclarations du gouvernement selon lesquelles les mesures de réquisition de terres répondaient aux besoins d'une réforme agraire.
  416. 248. La mission d'étude, qui s'est rendue au Nicaragua, a pu étudier cette question et entendre plusieurs des dirigeants concernés, lesquels ont déclaré que les mesures de confiscation de terres dont ils avaient fait l'objet répondaient à une volonté de persécution systématique étant donné qu'elles s'appliquaient de manière discriminatoire et injuste aux dirigeants du COSEP. La proportion de membres de cet organisme touchés par ces mesures est en effet très élevée. Par ailleurs, les victimes n'avaient en pratique pas le droit de faire appel de ces décisions devant le tribunal de l'agriculture. La mission d'étude s'est également entretenue avec les dirigeants de l'Union nationale des agriculteurs et éleveurs (UNAG), organisation représentant les petits et moyens propriétaires ruraux, lesquels déclarèrent que les mesures de confiscation n'avaient pas frappé seulement les membres du COSEP mais aussi beaucoup de membres de l'UNAG. Au moment où se déroulait la mission d'étude, le département juridique de l'UNAG avait saisi la justice de 13 cas constituant à ses yeux une expropriation injuste, huit concernant des membres de l'organisation et cinq des membres du COSEP. Cet organisation signala que des indemnisations avaient été accordées, comme dans la VIe région, où dix cas avaient pu être négociés avec une issue satisfaisante, mais que tel n'a pas toujours été le cas, pour diverses raisons.
  417. 249. Les autorités gouvernementales compétentes ont exposé à la mission d'étude que la loi de réforme agraire pénalisait, d'un point de vue social comme d'un point de vue économique, non pas la surface de terre possédée mais les carences de leur mise en valeur. La réforme agraire tendait non pas tant à une répartition égalitaire des terres qu'à permettre que celles-ci jouent leur rôle social et qu'elles soient en outre exploitées de manière plus efficace.
  418. 250. Lors d'un deuxième entretien avec la mission, les dirigeants du COSEP ont déclaré que la négociation en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique ou d'intérêt social s'effectuait selon les conditions imposées par le gouvernement. Il était alors très difficile de conduire une exploitation agricole dans une telle situation, étant donné que le gouvernement contrôlait tout ce qui était indispensable à la poursuite d'une exploitation efficace et prétextait de l'inefficacité de l'exploitation pour justifier l'expropriation.
  419. 251. S'agissant de l'indemnisation des propriétaires par suite de la réquisition de leures terres, les responsables gouvernementaux, avec lesquels la mission d'étude s'est entretenue, expliquèrent que dans les cas d'expropriation pour exploitation inefficace ou défaut d'exploitation, l'indemnisation se faisait sous forme de bons du Trésor, produisant des intérêts correspondant à l'inflation et pouvant servir d'effets bancaires. Par contre, lorsque les terres étaient abandonnées et non utilisées, il n'était pas octroyé d'indemnisation. En cas d'expropriation pour cause d'utilité publique ou d'intérêt social, l'indemnisation était directe ou reposait sur un échange de terres, sans préjudice de leur rendement ou de leur productivité. Mais le ministère du Développement de l'agriculture et de la Réforme agraire pouvait convenir d'autres modalités d'indemnisation.
  420. 252. En ce qui concerne l'indemnisation consécutive à la réquisition des terres de M. Enrique Bolaños, il a été déclaré à la mission d'étude que le gouvernement avait proposé à celui-ci plusieurs formules de négociation, par voie publique ou privée, mais que l'intéressé n'avait pas accepté. Selon le vice-ministre du Développement agricole et de la Réforme agraire, l'expropriation de M. Bolaños de son domaine constituait une nécessité publique étant donné que ledit domaine était inclus dans une zone de petites exploitations. Le vice-ministre a précisé, en outre, que les possibilités de négociations avec M. Bolaños avaient été laissées ouvertes par le gouvernement, mais l'intéressé avait préféré politiser l'affaire.
  421. 253. S'agissant de l'expropriation de M. Ramiro Gurdián, l'intéressé a déclaré à la mission d'étude qu'il avait été procédé à la confiscation de ses terres en vertu du décret-loi 1265, et non, comme le gouvernement l'a déclaré, parce qu'elles avaient été prises par les paysans de la région. M. Gurdián a déclaré qu'il n'est pas certain que la possibilité de l'indemniser lui ait été offerte. Il avait saisi la Cour suprême de justice de cette affaire, laquelle a déclaré que le gouvernement avait la faculté de déclarer ses terres d'utilité publique.
  422. 254. Le vice-ministre du Développement et de la Réforme agraire a déclaré à la mission d'étude que les expropriations n'ont pas visé principalement un secteur de production ou une fraction d'une tendance politique déterminée étant donné qu'elles ont été appliquées de la même manière pour tous. La politique du gouvernement a été de mener la réforme agraire dans le cadre de la légalité. Le vice-ministre concédait cependant que des injustices avaient pu être commises en raison des profonds bouleversements sociaux que le Nicaragua connaissait, mais il précisa que, en tout état de cause, il était possible de saisir, en cas d'abus, le tribunal agricole, organe de juridiction administrative, ainsi que, depuis la promulgation de la nouvelle Constitution (en 1987), les tribunaux ordinaires et même d'aller, en suivant la procédure d'"amparo" administratif, jusqu'à la Cour suprême de justice. Il a déclaré, en outre, que son ministère avait pour politique de revoir ses propres décisions d'affectation et qu'à plusieurs reprises, ayant constaté une erreur dans les décisions, il avait décidé de les annuler purement et simplement avant que l'affaire ne soit portée devant le tribunal agraire. Il convient de signaler sur ce point que, selon le président de la Cour suprême, douze recours en "amparo" administratif ont été formés devant cette instance contre des décisions du tribunal agricole entre 1979 et 1988.
  423. 255. S'agissant de l'expropriation de M. Gurdián, le vice-ministre a déclaré que ses terres avaient été prises par les paysans et que la situation a été régularisée en les leur attribuant au titre de la réforme agraire. L'indemnisation, en l'occurrence, devait se faire par bons du Trésor, mais l'intéressé n'avait pas accepté. Le vice-ministre a ajouté que nul ne souhaitait plus que le gouvernement que ces cas soient réglés, en raison de l'exploitation politique qui en était faite.
  424. 256. Enfin, le vice-ministre a déclaré qu'on pouvait considérer le processus de transformation fondamentale du régime de propriété de la terre comme pratiquement achevé et qu'il s'agissait désormais de stimuler la production des terres réquisitionnées grâce à des coopératives de paysans, à des investissements et à une assistance technique. Ce haut fonctionnaire a fourni une série de tableaux statistiques faisant apparaître qu'entre octobre 1981 et décembre 1982 les redistributions ont touché 200 propriétaires, possédant 279 domaines, d'une surface totale de 264.448 manzanas, et qu'au cours de la seule période de janvier à mai 1988 on a redistribué les terres de 14 domaines ayant appartenu à 17 propriétaires et représentant une surface totale de 9.000 manzanas.
  425. 257. Une étude du département juridique de l'Union des producteurs agricoles et éleveurs du Nicaragua (UPANIC), intitulée "Document juridique décrivant les actes de spoliation commis par le gouvernement sandiniste (1979-1988) à l'encontre du secteur privé du Nicaragua en vertu de décrets et de lois constituant une violation des principes les plus élémentaires du droit universel, indique que "les personnes touchées ne faisaient pas recours devant les tribunaux ou les autorités agraires parce qu'elles n'avaient aucune certitude d'obtenir un procès équitable, sous le contrôle de l'autorité compétente, quelle que soit la procédure - "amparo", appel ou recours en cassation". L'étude dit également que l'indemnisation par suite de confiscation était calculée sur la base de critères fiscaux et qu'elle était versée sous forme de bons du Trésor à échéance très lointaine (15 à 25 ans), de sorte que, avec l'inflation galopante que connaissait le pays, la somme, exprimée en cordobas, que le bénéficiaire devrait percevoir, à l'échéance, n'aurait plus qu'un pouvoir d'achat infiniment amoindri. L'étude conclut que ces mesures d'expropriation, si mal nommées, constituaient en fait une véritable confiscation, ne serait-ce que par le fait qu'elles étaient assorties d'une indemnisation injuste.
  426. 258. Il est dit, en outre, dans cette étude "qu'au Nicaragua, la procédure d'amparo, reconnue depuis toujours par le pouvoir judiciaire, est consacrée depuis 1983. Cette procédure, qui a été utilisée contre toutes sortes de lois, ordonnances et autres décisions de l'administration, n'est plus admise désormais contre aucune des lois ou décisions des autorités agraires, et il est devenu pratiquement de règle de supprimer la possibilité de s'en prévaloir contre les nouvelles lois spéciales (concernant les baux, etc.), ce qui rend parfaitement illusoires les garanties contenues dans la loi fondamentale du Nicaragua. Les cours d'appel (auprès desquelles se forment les recours d'amparo) et la Cour suprême (qui tranche sur le fond) n'admettent pas l'amparo en matière agraire. Il n'est donc pas possible de faire recours contre la loi de réforme agraire ni contre aucune des dispositions contraires à la loi fondamentale (et aux traités et accords internationaux) qu'elle contient, ni contre les résolutions en matière agraire. Toujours selon cette étude, la Constitution politique de janvier 1987 proclame le droit imprescriptible du citoyen de recourir à l'amparo, de telle sorte que la disposition de la loi agraire aux termes de laquelle il n'est pas possible de faire recours contre cet instrument devant la Cour suprême n'a aucune valeur.
  427. 259. Le Comité de la liberté syndicale, à sa réunion de novembre 1989 (Note 32) a examiné, dans le cadre des cas nos 1442 et 1454, de nouvelles allégations soumises par l'OIE sur l'expropriation (en juin 1989) de leurs terres de MM. A. Alemán Lacayo, président de l'Association des producteurs de café du Nicaragua (UNCAFENIC), affiliée au COSEP, Nicolas Bolaños Geyer et G. Cuadra Somarriba, dirigeants de l'UNCAFENIC et de l'Association des producteurs de café de Matagalpa. Aux dires de l'OIE, lors d'une réunion tenue deux jours plus tôt par l'UNCAFENIC, au cours de laquelle la politique de la Commission du café, organe officiel, avait été vivement critiquée, le gouvernement décida l'expropriation des domaines en question. L'OIE a allégué que le gouvernement accusait ces dirigeants de refuser le dialogue et de rechercher au contraire l'anarchie, la confrontation et la rupture. D'après l'organisation plaignante, cette expropriation s'inscrit dans le droit-fil de mesures similaires tendant à intimider et réduire au silence les dirigeants du COSEP et ceux de l'une de ses principales affiliées, l'Union des producteurs agricoles du Nicaragua (UPANIC).
  428. 260. L'OIE dénonce un autre cas de confiscation arbitraire de terres d'un dirigeant du COSEP, M. José María Briones, en représailles de ses critiques sur la manière dont le gouvernement conduisait l'économie. Cette mesure s'est produite le 3 juillet 1988 à Esteli au lendemain d'une réunion préparatoire de l'assemblée générale du COSEP, tenue précisément chez M. Briones.
  429. 261. Par ailleurs, ajoutent les plaignants, le ministre de la Réforme agraire et le Président de la République ont menacé d'expropriation les dirigeants qui avaient manifesté leur intention de se retirer d'une concertation dans le cadre de laquelle toute expression de désaccord avec la politique gouvernementale était qualifiée de sabotage.
  430. 262. L'OIE a rappelé dans sa communication le message prononcé par le Président de la République d'alors le 30 janvier 1989, message dans lequel celui-ci déclare qu'il n'y aura plus de réquisition de terres. L'OIE déclare en outre que le gouvernement n'a pas fait écho aux voeux exprimés par le Comité de la liberté syndicale quant à l'indemnisation des personnes dépossédées de leurs terres. L'un des dirigeants du COSEP récemment exproprié se serait vu refuser toute forme d'indemnisation et dans un autre cas, le gouvernement n'aurait pas restitué des domaines dont la réquisition aurait été annulée par la Cour suprême. Enfin, l'OIE indique que les demandes d'indemnisation pour réquisition de terres de MM. Alemán, Bolaños et Cuadra sont en instance.
  431. 263. Dans une communication postérieure, datée du 3 novembre 1989 et parvenue trop tard au Comité pour que celui-ci puisse l'examiner (Note 33), l'OIE déclare que les expropriations des dirigeants de l'UPANIC et du COSEP ont été confirmées par le tribunal compétent et qu'aucune compensation n'a été accordée, que ce soit pour les expropriations récentes ou pour les expropriations plus anciennes.
  432. Législation sur la réforme agraire
  433. 264. La loi portant réforme agraire a été édictée en 1981 (décret no 782). L'article 2 prévoit quatre cas pouvant justifier la réquisition de terres: a) lorsqu'elles sont à l'abandon, b) lorsqu'elles sont insuffisamment exploitées et que le propriétaire possède des terres plus importantes représentant une certaine étendue, c) les terres louées ou autrement concédées selon toute autre modalité, d) les terres qui ne sont pas travaillées directement par leur propriétaire mais par des paysans en métayage, en fermage ou selon toute autre forme d'exploitation à titre précaire, ainsi qu'en coopérative ou selon toute autre forme d'association de paysans. Ne tombent pas sous le coup de la loi les propriétaires dont les terres n'excèdent pas, en surface, un nombre déterminé de manzanas (Note 34). De plus, le ministre compétent a la faculté de déclarer des terres zone de développement en application de la réforme agraire, aux fins de la réalisation de plans ou projets de production, de l'aménagement du territoire, de l'irrigation ou de l'installation de populations.
  434. 265. La modification au décret no 782, adoptée en 1986, incorpore sous son article 9, comme circonstance justifiant la réquisition, "l'utilité publique ou l'intérêt commun". L'article 10 dispose que la procédure relative à l'expropriation en zone de développement agricole en application de la réforme agraire ou pour cause d'utilité publique ou d'intérêt commun en vue de la réforme agraire est définie par le règlement d'application de la loi de réforme agraire (accord no 22), promulgué le 4 février 1986. Aux termes de l'article 12 dudit règlement, l'expropriation "pour cause d'utilité publique ou d'intérêt commun" se justifie par:
  435. a) une situation sociale de crise dans laquelle les familles de paysans nécessitent une attention particulière, notamment des programmes spéciaux en matière agricole;
  436. b) la présence, dans une zone de forte concentration de petites exploitations, d'une propriété foncière qui constitue un obstacle à l'évolution vers une répartition juste et équitable des terres;
  437. c) la nécessité d'incorporer des biens ruraux dans des plans de développement agricole et de réforme agraire, requis pour mettre en oeuvre les objectifs de l'Etat.
  438. 266. Les articles 11 à 16 de la loi fixent la procédure de confiscation qui commence par un arrêté du ministère du Développement agricole et de la Réforme agraire sur la base d'un avis technique du même ministère. Une fois décidée, la confiscation est notifiée par écrit au propriétaire. La notification expose les faits ayant motivé la confiscation et indique la date à laquelle il sera pris possession des terres visées.
  439. 267. Dans les cas de confiscation de terres insuffisamment exploitées, de terres louées ou autrement concédées ou de terres n'étant pas travaillées directement par leur propriétaire mais par des paysans en métayage, en fermage ou selon toute autre forme d'exploitation par un tiers (cas prévus aux alinéas b), c) et d) de l'article 2 de la loi), le propriétaire dispose d'un délai de 30 jours à compter de la notification de la confiscation pour se présenter devant la délégation régionale compétente du ministère du Développement agricole et de la Réforme agraire pour déclarer, sous serment, la surface des terres visées et la nature des biens qui y sont attachés. Si l'intéressé se rend coupable de fausse déclaration ou ne se présente pas dans le délai imparti, il perd droit à l'indemnisation. Après notification du propriétaire, la délégation régionale dresse un inventaire des biens visés, sur lequel le propriétaire ou l'administrateur du domaine et le directeur de la délégation régionale apposent leur signature. Lorsque la décision devient exécutoire, le ministre établit un acte qui est porté au registre public approprié.
  440. 268. L'article 17 de la loi fait du tribunal agraire l'organe administratif compétent pour connaître des recours interjetés par les personnes touchées et pour statuer en dernière instance sur les décisions prononcées par le ministère du Développement agricole et de la Réforme agraire. Aux termes de l'article 19, la personne visée par une décision du ministère a la faculté d'introduire elle-même contre cette décision, dans un délai de trois jours, un recours en appel devant le tribunal agraire qui rendra sa sentence. Cette sentence ne peut faire l'objet d'aucun recours, pas même en amparo. L'article 42 dispose de même que le recours en amparo n'est pas possible contre les décisions prises en matière agraire.
  441. 269. Les articles 20 et 24 de la loi traitent de l'indemnisation et des formes de règlement. Selon l'article 20, les terres et autres biens expropriés sont indemnisées par des bons émis au titre de la réforme agraire, dont le montant, la forme, les intérêts et les conditions sont fixés par le règlement relatif à la loi de réforme agraire (alinéa no 22). Le règlement traite de l'indemnisation aux articles 15 à 17 de son titre III. Dans les cas où les terres étaient à l'abandon ou insuffisamment exploitées, il n'est pas prévu d'indemnisation.
  442. 270. L'article 21 dispose que, sans préjudice de l'article 20, le ministère pourra convenir d'autres modalités d'indemnisation avec les personnes touchées par l'expropriation. L'article 22 dispose que le montant de l'indemnisation est fixé aux dires d'experts par le ministère, sur la base de la valeur déclarée aux fins de la détermination de l'impôt sur les trois dernières années.
  443. 271. Le règlement d'application de la loi de réforme agraire dispose sous son article 15 qu'une fois les biens dévolus à l'Etat, en vertu du titre V de la loi, le ministère remet immédiatement l'indemnisation aux personnes touchées, sous forme de bons du Trésor de la République du Nicaragua, dénommés à cette fin bons de la réforme agraire. L'article 16 fixe les différentes catégories de bons et les indemnisations correspondantes: a) bons de la classe A, pour l'indemnisation des propriétaires touchés par effet de déclaration de zone de développement agricole en application de la réforme agraire, ou pour cause d'utilité publique ou d'intérêt commun; b) bons de la classe B, pour l'indemnisation des propriétaires touchés en raison d'une exploitation déficiente de leurs terres ou parce que celles-ci étaient en métayage, fermage ou autrement concédées, selon ce qu'il est prévu à l'article 2, alinéa e), de la loi; c) bons de la classe C, pour l'indemnisation des personnes dont les terres étaient louées ou autrement concédées.
  444. Informations communiquées lors des auditions tenues à Genève
  445. 272. Le ministre du Travail a indiqué, en ce qui concerne la législation relative à la réforme agraire, que les deux décrets-loi 10-90 et 11-90 fixent les modalités de révision de tous les cas d'expropriation et de confiscation illégitimes. Lesdits décrets font actuellement l'objet d'un recours en inconstitutionnalité devant la Cour suprême. Au Nicaragua, comme dans la plupart des pays, la confiscation est une sanction, et il s'avère que dans certains cas elle n'est inspirée que par des motifs purement politiques. C'est la raison pour laquelle la législation qui vient d'être promulguée porte révision de toutes les mesures prises en la matière, à l'exception des cas découlant des décrets nos 3 et 38 du régime sandiniste, qui concernent les biens de la famille Somoza et de ses alliés.
  446. Informations communiquées au cours de la visite
  447. 273. La commission a pu étudier le texte des décrets-lois 10-90 et 11-90 pris par le nouveau gouvernement. Aux termes du décret-loi 10-90 concernant l'attribution provisoire de terres, peuvent être concédés à ce titre les domaines se prêtant à l'agriculture ou à l'élevage qui sont propriété de l'Etat ou dont celui-ci est en possession, qui ont fait l'objet d'un décret de confiscation d'expropriation, de déclaration d'utilité publique ou ont été confisqués par le gouvernement précédent en vertu d'une mesure arbitraire ou qui étaient en possession de tierces personnes n'étant par leurs légitimes propriétaires. Le décret-loi est applicable aux personnes physiques ou morales qui ont un titre de propriété sur le domaine dont l'attribution est demandée, un droit réel sur le domaine ou une inscription au cadastre attestant de leur titre de propriété, ou qui, à défaut de telles pièces, peuvent se prévaloir de la déclaration de cinq témoins attestant du droit de possession antérieurement à l'acte d'expropriation ou de confiscation. Le ministère de l'Agriculture et de l'Elevage examinera les pièces produites et, à l'échéance d'un terme de sept jours, rendra une décision ordonnant l'attribution. Dans le cas où la propriété se trouve en main tierce, le ministère accorde l'attribution et ordonne la mise en possession immédiate. Si nécessaire, les autorités de police prêteront leur concours à l'accomplissement de l'attribution. Les bénéficiaires ne sont pas déchus des droits dont ils sont éventuellement titulaires en qualité de propriétaires par le fait qu'ils ont reçu un contrat d'attribution.
  448. 274. L'accord du 11 juillet 1990, qui a mis fin à la grève générale de juillet 1990, stipule que, conformément au décret-loi 10-90, le ministre de l'Agriculture a révisé toutes les demandes d'attribution, ce qui sanctionne l'application du décret.
  449. 275. Quant au décret-loi 11-90 relatif à la révision des confiscations, qui s'applique, aux termes de ses considérants, à toutes les mesures ayant entraîné "la privation arbitraire de personnes physiques ou morales de leurs biens", il institue une commission nationale de révision ayant pour mandat de réviser toutes les confiscations effectuées par le gouvernement précédent par voie de lois et décrets portant confiscation, expropriation ou instituant la réforme agraire ou par voie de tous autres actes ayant eu pour effet de priver de leurs biens, droits et prérogatives des personnes physiques et morales. Ce faisant, ladite commission est tenue de respecter les droits des paysans, des coopératives jouant un rôle économique et social et des personnes défavorisées. Ladite commission sera composée du Procureur général de la justice et de quatre personnes désignées par le Président de la République. Les résolutions de la commission nationale de révision ordonnant la mutation d'un bien ou rétablissant un droit doivent être exécutées immédiatement avec l'appui, si nécessaire, de la force publique et peuvent être invoquées pour poursuivre l'action par la voie judiciaire lorsque la demande en révision n'a pas abouti en faveur du demandeur. Lorsque la résolution tranche dans un sens favorable au demandeur mais que les biens ne peuvent être restitués pour cause de réforme agraire, parce que les terres sont occupées par des détenteurs de parcelles ou par des coopératives jouant un rôle économique et social, parce qu'elles ont été distribuées par l'Etat ou parce que leur restitution s'avère matériellement impossible, la loi prévoit une indemnisation qui devra être honorée par l'Etat. Cette indemnisation sera versée en cordobas-or. Le délai imparti pour introduire une requête en révision est de 180 jours à compter de la date de publication du décret.
  450. 276. Au cours de leur entretien avec la commission, les dirigeants du COSEP ont déclaré que les mesures d'expropriation, dont ils ont fait l'objet, ont été inspirées par des motivations politiques et présentaient un caractère discriminatoire contre leur organisation. Ils ont notamment déclaré que la confiscation du domaine de M. Ramiro Gurdián s'expliquait par le fait que celui-ci avait tenu un discours critique à l'égard du gouvernement sandiniste; celle des biens de M. Benjamin Lanzas, parce que le fait que celui-ci était président de la Chambre du bâtiment; celle des biens de M. Arnoldo Alemán, par ses propos à l'égard du gouvernement; et celle des biens de M. Enrique Bolaños, par l'attitude critique de ce dernier à l'égard du gouvernement.
  451. 277. Quant aux expropriations ayant touché MM. Bolaños, Alemán et Cuadra Somarriba en juin 1989, elles ont un rapport direct, a-t-il été déclaré, avec une réunion des producteurs de café au cours de laquelle des critiques ont été formulées à propos des mesures économiques du gouvernement sandiniste.
  452. 278. Selon les dirigeants du COSEP, le caractère discriminatoire des mesures d'expropriation qui les ont touchés réside dans la forme même dans laquelle elles ont été prises, du fait que, loin de relever d'un ensemble de mesures collectives décidées dans le cadre de la réforme agraire, il s'agissait de mesures individuelles, dirigées expressément contre les intéressés. Ils ont cité, à titre d'exemple, le cas de M. Gurdián, que le Vice-Président du Nicaragua avait qualifié d'antipatriote dans un discours et dont il avait décrété peu après l'expropriation (de son domaine de la Candelaria), et le cas de M. Bolaños, dont le domaine se situait sur une pièce de terre de plus de 22.000 hectares déclarée expropriable, alors que, sur l'ensemble des propriétés en cause, seule la sienne et celle d'une autre personne ont été confisquées.
  453. 279. Un dossier remis par les dirigeants du COSEP documente largement ces cas. En ce qui concerne M. Bolaños, on y cite des passages du discours tenu par le ministre du Développement agricole et de la Réforme agraire, le 14 juin 1985, lequel annonce que certaines communes sont décrétées "zones de développement agricole et de réforme agraire et énumère les propriétés incluses dans cette zone, dont celle de l'entreprise Bolaños-Saimsa (dont les actionnaires sont les frères Bolaños: Enrique, président du COSEP; Alejandro, qui critiquait le régime sandiniste par le truchement de son centre d'information nicaraguayen; Nicolás, président de l'UNCAFENIC et directeur de l'UPANIC). En ce qui concerne M. Gurdián, alors président de l'UPANIC, le Dr Sergio Ramírez Mercado, Vice-Président du Nicaragua, annonça le 26 mai 1983 dans un discours l'expropriation du propriétaire, qualifié d'antipatriote, du domaine de la Candelaria. Le 14 juin 1983 fut promulgué le décret no 1265 déclarant ladite propriété d'utilité publique aux fins de la réforme agraire (texte publié dans La Gaceta du 24 juin 1983).
  454. 280. Les dirigeants du COSEP considèrent que le tribunal agraire ne ressortit pas au système judiciaire puisqu'il n'est pas possible de faire recours de ses décisions devant la Cour suprême. Ils ont déclaré que ce tribunal continue de fonctionner - quand bien même les tribunaux antisomozistes ont été abolis - que peu de restitutions de terres ont été prononcées sur son ordre, et que les indemnisations versées sont comptées. Dans l'un des cas où la Cour suprême a ordonné la restitution d'un domaine (en l'occurrence, le domaine de la Verona), la décision n'a pas été entérinée par le ministère du Développement agricole et de la Réforme agraire.
  455. 281. Se référant au décret-loi 10-90 concernant l'attribution provisoire des terres, les plaignants déclarent que, lorsqu'on veut faire valoir le contrat délivré en application de cet instrument, les Sandinistes occupent le domaine en armes pour empêcher le titulaire d'en prendre possession. A propos du décret-loi 11-90 relatif à la révision des confiscations, les plaignants affirment redouter que, quand leurs domaines leur seront restitués, ils ne pourront en reprendre possession parce que les bandes susnommées ou les syndicats les en empêcheront.
  456. 282. Au cours de leur entretien avec la commission, les dirigeants de l'UNAG ont déclaré que plusieurs de leurs membres ont été frappés par les mesures de confiscation en application de la réforme agraire et que, dans certains cas, ils ont critiqué le gouvernement pour des exportations injustes de producteurs efficaces. L'UNAG entend obtenir justice pour les réquisitions ayant touché ses membres. Il y a eu des cas d'expropriation pour des motifs politiques, mais ils ont été relativement peu nombreux. L'un des cas d'expropriation abusive, ont déclaré les plaignants, a été celui de M. Bolaños.
  457. 283. C'est précisément dans le même sens que s'est exprimé le directeur du Congrès permanent des droits de l'homme qui considère que l'expropriation de M. Enrique Bolaños est manifestement politique.
  458. 284. Au cours d'un deuxième entretien, le secrétaire exécutif du COSEP a déclaré que de nombreuses expropriations ont été inspirées par des motifs politiques. Ces mesures ont frappé en particulier les dirigeants du COSEP, étant donné que dans les premières années du sandinisme cette organisation a été la seule à opposer un front uni au gouvernement, qu'il accusait, entre autres choses, de mener l'économie du pays à la ruine. Certains membres de l'UNAG ont été victimes d'expropriations considérées comme injustes mais ne pouvant être attribuées pour autant à leur appartenance à cette organisation. Il a ajouté, en ce qui concerne les expropriations des dirigeants de l'UNCAFENIC, en juin 1989, que certaines propriétés ont été restituées, notamment celle de M. Nicolás Bolaños.
  459. 285. La commission a également examiné avec l'actuel vice-ministre de l'Institut national de réforme agraire (qui fut lui-même fonctionnaire de cette administration sous le régime sandiniste) et avec les collaborateurs de celui-ci la question selon laquelle il y aurait eu des expropriations arbitraires. Ils ont déclaré que les expropriations avaient touché de nombreuses personnes, si bien qu'elles avaient été parfois injustes et illicites. Le COSEP, quant à lui, avait pu donner à ces événements une large diffusion, étant donné que cet organisme, véritable organe supérieur du patronat, avait la possibilité de porter plainte jusque devant des instances internationales. Il y avait eu, néanmoins, d'autres cas. Le Nicaragua étant un petit pays, des expropriations ont été inspirées par un esprit de revanche. Il est arrivé, par exemple, que des fonctionnaires de rang intermédiaire du ministère du Développement agricole et de la Réforme agraire du gouvernement précédent aient agi arbitrairement et à l'insu de leurs supérieurs.
  460. 286. Ces personnes ont ajouté que, dans le cas de M. E. Bolaños, l'expropriation, intervenue en 1985, a été décidée aux termes d'un décret d'utilité publique, du fait que ses terres étaient incluses dans une zone de petits domaines dans la région la plus fertile du Nicaragua. Cette affaire a fait beaucoup d'éclat en raison de la notoriété de M. E. Bolaños, leader politique et ennemi juré du gouvernement sandiniste. On affirmait publiquement qu'il s'agissait d'une question de politique qui tenait à ce que l'intéressé était dirigeant du COSEP. Le gouvernement d'alors lui avait proposé une indemnisation que celui-ci n'a pas voulu accepter. Pour ce qui est du cas de MM. Cuadra, Somarriba et N. Bolaños, ces dirigeants de l'UNCAFENIC, expropriés en 1989, se sont vu restituer leurs terres.
  461. 287. L'ancien ministre du Développement agricole et de la Réforme agraire, M. Jaime Wheelock, a déclaré à la commission que la loi de réforme agraire tendait à la réquisition des domaines inexploités et qu'il était procédé cas par cas pour son application afin de ne pas léser les propriétaires efficaces. En 1986, la législation a été modifiée à l'effet d'introduire l'expropriation pour cause d'utilité publique. On manquait alors de terres à distribuer et les paysans commençaient à occuper des domaines. On édicta aussi des lois permettant de confisquer les terres des personnes absentes, ainsi que de celles qui avaient pris les armes ou, en d'autres termes, qui étaient passées du côté des "contras".
  462. 288. Selon l'ancien ministre, l'expropriation de M. Enrique Bolaños en 1985 s'est passée dans les circonstances décrites ci-après. Le département de Masaya accusait une forte pression du fait que la demande exercée par les paysans installés sur des petits domaines excédait la capacité des terres disponibles. Ce problème ne pouvait être résolu que de deux façons: encourager l'émigration de ces paysans vers d'autres zones ou étendre les effets de la réforme agraire aux terres se trouvant dans le nord du département. Il fut décidé de recourir à ces deux moyens. La zone nord comptait des propriétés grandes et d'autres moyennes. Le gouvernement discuta avec leurs propriétaires d'un rachat, ce à quoi ils consentirent tous, à l'exception de M. Bolaños. On lui offrait d'autres terres, étant donné que c'était un producteur capable, mais il refusa. L'expropriation fut décidée sur la base d'une disposition de la loi permettant de prendre une telle mesure dans des cas particuliers (par exemple une situation agraire intenable) bien que la propriété fût exploitée de manière efficiente. Il convient d'admettre que le cas de M. Bolaños et des autres dirigeants du COSEP était entouré d'un climat politique particulier. Par ailleurs, a ajouté l'ancien ministre, il était plus facile de déplacer un propriétaire qu'un grand nombre de paysans. L'ancien serviteur de l'Etat a ajouté qu'à cette époque aucune autre mesure de confiscation affectant d'autres terres de M. Enrique Bolaños n'a été prise.
  463. 289. L'ancien ministre a confirmé que dans le cas de l'expropriation de M. Gurdián, c'est effectivement dans un discours du Vice-Président Sergio Ramirez que cette mesure a été annoncée avant d'être promulguée par un décret spécial, et qu'elle n'a pas fait suite à l'occupation des terres par des paysans.
  464. 290. Il a déclaré que les mesures d'expropriation à l'encontre de MM. Nicolás Bolaños, Alemán Lacayo et Cuadra Somarriba, en 1989, ont été effectivement prises après que le Président de la République eut annoncé dans un discours qu'il n'y aurait plus de confiscation, mais que ces mesures étaient justifiées par les circonstances étant donné qu'elles visaient des propriétaires absents ou passés aux "contras". Les expropriations au titre de la réforme agraire restaient possibles. La période de distribution des domaines a pris fin en 1986-87.
  465. 291. S'agissant des dirigeants du COSEP, dont les expropriations sont intervenues au cours de la première période, l'ancien ministre a déclaré que MM. Alemán Lacayo et Gurdián se sont vu restituer leurs terres, mais que cela s'est avéré impossible dans le cas de M. E. Bolaños parce que ses terres ont été distribuées à des paysans dans une zone extrêmement peuplée. Il a déclaré en outre ignorer si les terres de M. Lanzas ont été restituées. En ce qui concerne MM. Alemán Lacayo, N. Bolaños et Cuadra Somarriba, expropriés en 1989, ceux-ci se sont vu restituer leurs terres, quant à M. Briones, exproprié en 1988, il ne savait pas ce qu'il en était.
  466. 292. Pour conclure, l'ancien ministre a déclaré que les expropriations avaient indubitablement donné lieu à des erreurs. Dans le cas de M. E. Bolaños, la mesure n'avait pas été inspirée essentiellement par des motivations politiques, mais il est possible que tel ait été le cas pour d'autres expropriations, dans le cadre d'une motivation objective.
  467. 293. Les dirigeants de l'Association des travailleurs de l'agriculture (ATC) ont exprimé à la commission l'importance que revêtent à leurs yeux le maintien de la réforme agraire et l'abrogation des décrets-lois 10-90 et 11-90, qui risquent de se traduire par la restitution de 53.000 manzanas de terres à leurs anciens propriétaires qui, du fait qu'ils siègent aujourd'hui au gouvernement, sont dans la position à la fois de juge et de partie. Les mesures d'attribution des terres à leurs anciens propriétaires en vertu du décret-loi 11-90 constituent d'une certaine manière un retour au passé.
  468. 294. Au cours de son entretien avec les membres de la Cour suprême, la commission a voulu s'enquérir des moyens qui étaient prévus par le droit pour faire recours devant cette instance des mesures d'expropriation prononcées au titre de la réforme agraire. Il lui a été expliqué que les décisions d'expropriation étaient édictées par le ministre du Développement agricole et de la Réforme agraire et que l'on pouvait faire appel de ces mesures devant le tribunal agraire, institué par le pouvoir exécutif. Le seul recours possible contre les sentences de ce tribunal était le recours en amparo devant la Cour suprême.
  469. 295. Au Parquet général de la justice, il a été dit à la commission que le tribunal agraire avait été aboli par l'adoption du décret-loi 11-90 portant révision des confiscations. Quant à la Commission nationale de révision instituée par le décret-loi, elle est déjà opérationnelle. Environ 2.000 demandes en révision ont été présentées et quelque 40 cas ont été résolus.
  470. CHAPITRE 10
  471. LEGISLATION ET PRATIQUE EN MATIERE SYNDICALE
  472. 296. La commission a examiné la situation concernant les droits syndicaux et le droit de négociation collective, en relation avec la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Elle s'est basée à cette fin non seulement sur la législation mais aussi sur la pratique.
  473. Modification de la législation
  474. 297. Comme indiqué au chapitre 7, la loi no 97 portant réforme et extension du Code du travail, adoptée le 20 avril 1990 au lendemain du gouvernement sandiniste, a apporté une série de modifications importantes dans la législation.
  475. 298. Au cours des auditions qui se sont tenues à Genève, le ministre du Travail a déclaré que la loi no 97 n'est entrée en vigueur que le 1er mai, sous le nouveau gouvernement, lorsque le texte en a été rendu public par un journal. Cet événement constituait en effet la réalisation de la clause de style voulant qu'un instrument entre en vigueur dès que le texte en a été publié "quel que soit le moyen employé à cette fin". Selon le ministre, l'adoption de la loi constitue une violation d'une règle du code civil aux termes de laquelle toute réforme dudit code exige la consultation de la Cour suprême. Or cette consultation n'a pas eu lieu, de sorte qu'il aurait été justifié d'annuler la loi. Mais dans le souci de ne pas faire obstacle à la réconciliation nationale, on l'a non pas annulée mais on s'est contenté de la réformer, étant donné qu'elle présentait une série de vices.
  476. 299. Le ministre a conclu en déclarant que l'une de ses premières tâches serait de réformer le Code du travail, et qu'il avait d'ores et déjà sollicité la coopération technique du BIT à cette fin.
  477. Reconnaissance du droit des employeurs de se syndiquer
  478. 300. La plainte alléguait que la nouvelle Constitution de 1987 déniait implicitement aux employeurs le droit d'association qu'ils avaient antérieurement, alors que ce droit est reconnu à bien d'autre catégories de personnes.
  479. 301. Le gouvernement précédent déclarait dans sa réponse du 5 janvier 1988 que le fait que le droit des employeurs de s'organiser n'ait pas été inscrit dans la Constitution ne doit pas être conçu comme une négation de ce droit puisque l'article 49 de ladite Constitution énonce le principe général du droit, pour tous les citoyens, de s'organiser pour défendre leurs intérêts. D'ailleurs, poursuivait l'ancien gouvernement, le droit, pour les employeurs, de s'organiser est proclamé par le Code du travail et par le règlement des associations syndicales.
  480. 302. Il ressort effectivement des dispositions du Code du travail et du règlement des associations syndicales (voir chapitre 3) que certains articles de ces instruments font expressément mention de syndicats d'employeurs.
  481. 303. Le ministre du Travail actuel a expliqué, au cours de l'audition qui s'est tenue à Genève, que le COSEP n'est pas considéré comme un syndicat. Cet organisme représente les employeurs et, au Nicaragua, ceux-ci n'ont pas de syndicat mais des chambres ou des associations qui obéissent à un système normatif différent de celui des syndicats. Pour ce qui est de la représentativité des organisations à l'intérieur de ces chambres d'entrepreneurs, le ministre a déclaré que si l'on raisonne en termes d'antagonisme, c'est manifestement au COSEP qu'il faut penser, puisque ce dernier a lutté contre Somoza et le régime précédent. De même, du point de vue de l'implantation dans le secteur privé national, le COSEP est le plus représentatif, étant donné que le nombre d'employeurs qui en sont membres est supérieur à celui de toute autre organisation. Le COSEP est en fait l'organe représentatif du secteur privé. Il n'y a, à l'heure actuelle, aucune contradiction entre le COSEP et l'UNAG. Cette dernière ne prétend pas être plus représentative ni en droit, ni en fait. Le problème de l'UNAG est lié à la mesure dans laquelle le régime sandiniste s'est étatisé, entraînant un développement du secteur public au fur et à mesure des interventions, expropriations et confiscations. L'UNAG a commencé avec plusieurs entreprises pour se tourner ensuite vers le secteur agricole et regrouper des petites et moyennes coopératives, en particulier dans les domaines de l'élevage et de la culture du café. Quant à ses éléments constitutifs, l'UNAG ne regroupe que des coopératives et non à proprement parler des travailleurs ou des employeurs, ce qui ne veut pas dire qu'une coopérative ne peut pas compter également des salariés.
  482. 304. Les dirigeants du COSEP ont déclaré à la commission, lors d'un entretien au Nicaragua, que leur organisation n'avait pas la personnalité juridique, non plus d'ailleurs que certaines chambres patronales. Il avait été décidé de ne pas la demander afin de ne pas s'exposer au risque de voir les autorités l'annuler, comme celles-ci l'avaient fait à l'encontre de l'organisation des éleveurs. Même si le droit d'association des employeurs n'est pas inscrit dans la Constitution de 1987, ceux-ci n'ont en réalité jamais eu de problème juridique pour s'organiser.
  483. 305. Le COSEP compte, selon ses dirigeants, 114 organisations affiliées et regroupe, d'après une étude réalisée en 1986, un nombre d'entreprises représentant au total 194.000 salariés.
  484. 306. Quant à l'UNAG, ses dirigeants ont déclaré à la commission qu'elle avait la personnalité juridique, que ses membres étaient des employeurs, qu'elle comptait 125.000 adhérents et regroupait 3.200 coopératives. Elle défend avant tout les intérêts des petits et moyens producteurs, essentiellement dans le secteur agricole. L'UNAG est affiliée à la Confédération des coopératives d'Amérique centrale et des Caraïbes. Pour l'ATC, l'UNAG est une organisation d'employeurs qui regroupe producteurs, coopérateurs et entreprises.
  485. Reconnaissance du droit, pour les fonctionnaires et d'autres catégories de travailleurs, de se syndiquer
  486. 307. La commission d'experts a demandé à plusieurs reprises au gouvernement de garantir, par une disposition spécifique, le droit d'association des fonctionnaires, des travailleurs indépendants urbains ou ruraux et des personnes travaillant dans des ateliers familiaux.
  487. 308. S'agissant des fonctionnaires, la mission d'étude a constaté que près de 40 pour cent d'entre eux sont affiliés à l'Union nationale des employeurs (UNE), laquelle regroupe les travailleurs manuels et intellectuels des organes de l'Etat. Cette organisation rassemble 45 syndicats de base, soit 27.000 travailleurs et est enregistrée auprès du ministère du Travail, ce qui lui confère la personnalité juridique. Elle fonctionne comme n'importe quel autre syndicat, notamment en ce qui concerne la négociation collective. Il existe, en outre, une organisation des travailleurs de la santé (la FETSALUD) et une organisation des enseignants (l'ANDEN), qui représentent les trois quarts des travailleurs de leurs secteurs respectifs. De plus, la Centrale sandiniste des travailleurs (CST) regroupe les fonctionnaires publics, surtout des municipalités et des entreprises d'Etat.
  488. 309. Dans certains milieux syndicaux, il a été déclaré à la mission d'étude qu'il était impossible en pratique de créer des syndicats indépendants de fonctionnaires qui puissent avoir une attitude d'opposition vis-à-vis du gouvernement et que les fonctionnaires subissaient des pressions pour s'inscrire à l'UNE. Ces propos ont été infirmés par les dirigeants de l'ANDEN et de la FETSALUD qui ont réitéré qu'aucun syndicat n'appartenant pas à une organisation existante n'a présenté de demande d'enregistrement.
  489. 310. En ce qui concerne les travailleurs indépendants et les travailleurs des ateliers familiaux, il a été déclaré à la commission d'enquête qu'un grand nombre d'entre eux étaient regroupés au sein du Conseil national de la petite industrie (CONAPI), lequel comptait 10.800 employeurs affiliés et un total de 40.000 travailleurs.
  490. 311. Comme on l'a déjà dit au chapitre 7, peu avant le changement de gouvernement a été adoptée la loi no 70 sur le service civil et la carrière administrative, qui reconnaît le droit de syndicalisation, de négociation collective et de grève pour tous les travailleurs du service public.
  491. 312. Au cours de l'audition ayant eu lieu à Genève, le ministre du Travail a déclaré que la loi en question est la conséquence de la déroute électorale - inattendue - du gouvernement sandiniste, lequel s'est mis à promulguer avec empressement des lois à la suite des élections dans le but de rendre le gouvernement successeur prisonnier d'un ensemble de dispositions empêchant le développement de la démocratie. C'est ainsi, par exemple, que la loi instituait, pour connaître des conflits du secteur public, une commission qui est une véritable juridiction d'exception, contraire à l'un des principes de la Constitution, celui de l'unité de juridiction. De plus, aux termes de cette loi on ne pouvait licencier que le vice-ministre et le conseiller du ministre, de telle sorte que le gouvernement successeur serait dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions ou de se restructurer. L'issue juridique à cette situation était d'adopter un règlement d'application de la loi, étant donné que si l'on avait introduit un recours en inconstitutionnalité celui-ci n'aurait eu aucune chance d'aboutir vu la composition de la Cour suprême. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a promulgué le décret no 8-90, dont l'article premier permet au ministre du Travail d'adopter un règlement d'application de la loi no 70, et ajoute que, à défaut de règlement, la loi serait inapplicable. Ceci a provoqué des critiques et des affrontements, mais on ne pouvait laisser le gouvernement sujet aux restrictions que son prédécesseur avait préparées. Le gouvernement actuel entend d'ailleurs présenter une nouvelle loi sur le service civil. Malgré tout, il a reconnu le droit de syndicalisation des fonctionnaires après avoir négocié l'accord du 16 mai dernier, qui a mis fin à une grève de l'administration publique déclenchée par la suspension de la loi no 70.
  492. 313. Au cours de leur entretien avec la commission au Nicaragua, les dirigeants de la Centrale sandiniste des travailleurs, de l'Union nationale des employés et de la Fédération des travailleurs de la santé, ainsi que l'ancien ministre du Travail et l'ancien secrétaire générale du ministère, ont évoqué la loi sur le service civil et la carrière administrative. Selon ce qu'ils ont indiqué, cet instrument a ses origines dans les discours préélectoraux de 1989, lorsque les partis politiques convinrent qu'il fallait instituer un régime stable pour les travailleurs du service public. Dès décembre 1989, l'Assemblée nationale approuvait une première version de la loi, dont tous les partis souscrivaient aux aspects fondamentaux. Auparavant, le gouvernement s'était engagé, à la Conférence internationale du Travail, en juin 1989, à résoudre la question du droit des fonctionnaires publics de s'affilier à un syndicat. La loi no 70 garantissait ce droit, ainsi que la stabilité de l'emploi dans la fonction publique. Le nouveau gouvernement suspendit son application avec le décret-loi 8-90 et commença à licencier des travailleurs de ce secteur.
  493. 314. Selon les mêmes dirigeants, ce sont ces mesures qui ont déclenché la grève de mai 1990, laquelle a pris fin avec l'accord du 16 mai. Comme la commission a pu le constater, l'accord contient des dispositions aux termes desquelles les parties s'engagent à réglementer l'application de la loi no 70 dans le cadre d'une commission présidée par le ministre du Travail et à laquelle participeront l'UNE, l'ANDEN et la FETSALUD, organisations qui ont des affiliés dans l'administration publique, ainsi que la Commission du service civil et de la carrière administrative. La stabilité de l'emploi dans le service public serait garantie pendant toute la durée du processus de réglementation, et le gouvernement s'engageait à réintégrer les travailleurs licenciés du service public.
  494. 315. La commission a été informée qu'à la suite de l'accord le gouvernement a adopté la loi no 101 portant réforme de la loi sur le service civil et la carrière administrative, dont les dispositions modifient la définition des fonctionnaires et des travailleurs occupant un poste de confiance (les seuls auxquels la loi no 70 ne garantissait pas la stabilité) en la développant de manière à ménager la possibilité de procéder à des licenciements massifs dans l'administration, ce qui n'a pas manqué de se produire.
  495. 316. Ces licenciements auraient été l'une des causes de la grève de juillet 1990. Les interlocuteurs visés ont déclaré que, bien que la loi sur le service civil et la carrière administrative ait été suspendue, on appliquait la définition large des fonctionnaires et travailleurs occupant un poste de confiance au sens de la loi no 101 portant réforme au premier instrument afin de procéder à des licenciements massifs de travailleurs de l'Etat. Il y aurait donc sur ce point une contradiction laissant ces travailleurs sans défense.
  496. 317. En ce qui concerne les ouvriers au service de l'Etat et de ses institutions qui ne sont pas expressément désignés par la loi sur le service civil et la carrière administrative, l'ancien secrétaire général du ministère du Travail, aujourd'hui conseiller juridique des organisations du secteur public, a expliqué qu'on devait considérer que ces travailleurs sont visés par ladite loi, puisque telle était l'intention du législateur au départ.
  497. 318. Enfin, pour ce qui est de la situation juridique des diverses organisations du secteur public (UNE, ANDEN, FETSALUD), leurs dirigeants ont déclaré qu'elles avaient la personnalité juridique, qu'elles avaient conclu par le passé de nombreuses conventions collectives et qu'elles avaient exercé le droit de grève à plusieurs reprises.
  498. 319. La grève de juillet 1990 s'est terminée par l'accord signé le 11 de ce même mois. L'article 3 de cet accord porte ratification de celui de mai 1990, lequel inclut l'engagement de réglementer la loi sur le service civil. A cet égard, le ministre du Travail a expliqué à la commission que la loi no 101 portant réforme de la loi sur le service civil et la carrière administrative dispose explicitement que la réglementation de la loi no 70 incombe au Président de la République, lequel peut déléguer cette tâche au ministère du Travail. En tout état de cause, d'après le ministre, le Front national des travailleurs, auquel appartiennent les organisations précitées du secteur public, a jusqu'à présent refusé de participer à ladite réglementation parce qu'il était question d'entreprendre cette tâche de manière conjointe avec des organisations ne lui étant pas affiliées. Il existe, malgré tout, une volonté d'adopter une autre loi sur le service civil.
  499. 320. La commission a pu également clarifier avec le ministre la notion de "fonctionnaire de l'Etat", catégorie exclue du Code du travail. Ces termes désignent, selon les explications du ministre, les directeurs généraux et les directeurs d'un organe spécifique du secteur public, c'est-à-dire une catégorie bien circonscrite de serviteurs de l'Etat. Ceci mis à part, le Code du travail étend ses effets à tous les employés et ouvriers de l'administration et des entreprises publiques, lesquels jouissent de ce fait des mêmes droits syndicaux que les autres travailleurs (voir, à ce sujet, le paragraphe 164).
  500. 321. S'agissant d'une autre catégorie de travailleurs, celle des travailleurs ruraux indépendants, qui ne sont pas visés par le Code du travail, les dirigeants de l'Association des travailleurs agricoles ont déclaré à la commission qu'il s'agissait, pour la plupart, de travailleurs temporaires qui adhéraient à l'association et qui étaient, par conséquent, couverts par les conventions collectives conclues sur tous les lieux de travail. Selon les dirigeants, le fait que le Code du travail ne s'étende pas à cette catégorie de travailleurs tend à prouver que ce texte n'est plus d'actualité.
  501. Constitution des organisations syndicales
  502. 322. Les plaignants dénonçaient la non-reconnaissance d'organisations indépendantes de travailleurs jusqu'au moment où le BIT a été saisi de leur plainte, ainsi que la répression exercée contre les organisations d'employeurs et de travailleurs qui ne se soumettaient pas à l'autorité du Front sandiniste de libération nationale.
  503. 323. Dans leurs déclarations à la mission d'étude, plusieurs dirigeants syndicaux ont fait état d'obstacles administratifs à la constitution d'un syndicat, obstacles qui revêtaient la forme d'exigences outrepassant les conditions requises par la loi. Une liste d'organisations, dont la demande d'enregistrement avait essuyé une fin de non-recevoir, a été remise à la commission. Certains dirigeants ont déclaré que, pour éluder ces obstacles, certains syndicats donnaient non pas le nombre exact de leurs adhérents mais le nombre fixé par la loi, tandis que d'autres ne mentionnaient pas leur affiliation à telle centrale syndicale. Il a également été fait état de menaces et pressions contre les dirigeants de syndicats souhaitant ne plus être affiliés à la Centrale sandiniste des travailleurs.
  504. 324. De leur côté, les autorités du ministère du Travail insistèrent sur la nécessité, pour les syndicats, de fournir les renseignements prévus par la loi. Mais l'attitude du gouvernement en la matière ne fut pas restrictive, puisqu'il fut établi en 1987 un programme de décentralisation du registre des syndicats afin de faciliter l'enregistrement des syndicats de province. Le ministère se trouvait confronté à de graves difficultés de fonctionnement en raison de la mobilité du personnel. En tout état de cause, entre le début de la révolution sandiniste, en juillet 1979, et le mois de décembre 1987, il avait été enregistré 1.515 syndicats affiliés à sept centrales syndicales de diverses tendances idéologiques.
  505. 325. Un autre type de problème, dont la mission d'étude a été saisie, est celui des avantages concédés aux organisations d'employeurs et de travailleurs alliées au gouvernement, avantages qui ont pu influer sur la constitution et le fonctionnement des syndicats et qui auraient consisté, selon certaines déclarations, en facilités de crédit accordées aux employeurs affiliés à l'UNAG et d'approvisionnement pour les travailleurs affiliés à la Centrale sandiniste des travailleurs (CST). Ces accusations ont été rejetées par les autorités et par la CST.
  506. 326. Les autorités ont souligné également qu'elles n'avaient pas fait obstacle aux activités des organisations, sauf lorsque ces activités avaient troublé l'ordre public.
  507. 327. Il convient de rappeler à ce stade le problème soulevé par la commission d'experts à propos de la constitution d'un syndicat d'entreprise. Le Code du travail (en son article 189) exigeait en effet la majorité absolue des travailleurs de l'entreprise ou de l'établissement de la constitution d'un syndicat à cet échelon. Il se créait ainsi, par les effets de la loi, une situation de monopole syndical dans l'entreprise allant à l'encontre de ce que dispose l'article 2 de la convention no 87, lequel reconnaît aux travailleurs et aux employeurs le droit de constituer les organisations "de leur choix".
  508. 328. Comme indiqué plus avant au chapitre 7, la loi no 97 modifiant et complétant le Code du travail constituait implicitement une abrogation de cette disposition. Au cours de l'audition qui s'est tenue à Genève, le ministre du Travail a fait observer que l'article 23 de la loi no 97 prévoit la possibilité que plusieurs syndicats coexistent dans une seule et même entreprise, ce qui constitue un élément positif du point de vue du pluralisme syndical et de la démocratie. Ledit article établit que les organisations les plus représentatives peuvent négocier une convention collective. Le ministère du travail a émis une résolution selon laquelle toutes les organisations sont représentatives, ce qui revient à dire que le critère du nombre d'adhérents dans l'entreprise ne prime pas. Par exemple, le principe énoncé dans l'article 23 a trouvé récemment son expression dans les faits, lorsque des travailleurs décidèrent de quitter la Centrale sandiniste pour adhérer à une autre organisation syndicale, la coexistence d'autant de syndicats que l'entreprise le permet étant reconnue. Comme cette situation risquait de poser des problèmes du point de vue des cotisations syndicales, il fut décidé que chaque organisation s'occuperait du recouvrement de ses cotisations, l'employeur étant tenu d'assurer les facilités voulues à cette fin le jour de paie.
  509. 329. Au cours de sa mission au Nicaragua, la commission a pris connaissance du texte d'une résolution du ministre du Travail datée du 23 mai 1990 déclarant qu'en vertu de la Constitution, du Code du travail, des règles concernant le domaine syndical et des conventions internationales il doit exister une liberté d'association et une liberté syndicale sans réserve, qu'il est dans l'intérêt du ministère de promouvoir et de défendre. Les travailleurs sont libres d'apporter leur cotisation au syndicat qui leur paraît le meilleur, dans le cadre d'une liberté syndicale aussi large qu'il se puisse concevoir. Par contre, la retenue de la cotisation syndicale par l'employeur est interdite, quand bien même il existe un accord à ce sujet.
  510. 330. Les dirigeants de la CST, de leur côté, déclarèrent que le ministère s'employait, en réalité, à promouvoir la création de nouveaux syndicats antisandinistes ne bénéficiant pas de l'appui des travailleurs, et convoquait à cette fin des assemblées sur les lieux de travail, imposait la reconnaissance de ces syndicats aux employeurs concernés et obligeait ceux-ci à ne plus reconnaître le syndicat affilié à la CST. Se référant spécifiquement aux secteurs du bâtiment, de la banque et des transports, les dirigeants de l'UNE et de la FETSALUD abondèrent dans le même sens. L'ATC signala qu'on accordait la personnalité juridique à des syndicats nouveaux du Congrès permanent des travailleurs (CPT) sans s'assurer que les travailleurs souhaitaient s'y affilier. Selon les anciens responsables du ministère du Travail, les syndicats affiliés aux centrales antisandinistes étaient en train d'obtenir leur personnalité juridique par une procédure rapide du ministère du Travail. Il n'en allait pas de même pour les syndicats de tendance sandiniste, dont les demandes d'enregistrement représentaient près de 90 pour cent des demandes attendant d'être examinées par le ministère du Travail. En ce qui concerne les organisations du secteur public, la procédure prévue pour obtenir la personnalité juridique est restée suspendue.
  511. 331. Les dirigeants de la Confédération générale du travail (indépendante) (CGT(i)) ont déclaré, quant à eux, à la commission qu'il n'existait à l'heure actuelle aucune restriction aux activités syndicales, ce qui entraînait une augmentation des adhésions aux organisations rattachées au Congrès permanent des travailleurs, notamment à la CGT(i), laquelle a vu ses effectifs passer de 31.000 membres répartis entre 32 syndicats affiliés à 125.000 membres répartis entre 90 syndicats affiliés et 30 coopératives agricoles, tandis que la CST enregistrait un recul.
  512. 332. Le secrétaire général du Front ouvrier a fait observer que les entreprises favorisaient à l'heure actuelle la création de nouveaux syndicats et que le ministère du Travail ainsi que d'autres organes gouvernementaux intervenaient activement dans ce processus.
  513. 333. Le ministre du Travail a déclaré au cours de l'entretien qu'il était faux que le gouvernement n'enregistrait pas les syndicats sandinistes. C'est au gouvernement précédent que l'on pouvait, au contraire, reprocher une telle partialité, puisque celui-ci n'enregistrait que les syndicats de cette tendance, tandis que 600 syndicats de l'opposition ne parvenaient pas à obtenir leur enregistrement. A l'heure actuelle, par contre, le registre est à jour et il n'est pas fait de préférence en matière syndicale. L'enregistrement d'un syndicat s'obtient dans les cinq jours ou, en tous cas, dans un délai plus court que celui qui est prévu par la loi. En ce qui concerne la retenue de la cotisation syndicale par l'employeur, celle-ci est pratiquée avec l'accord du travailleur.
  514. 334. La directrice des associations syndicales du ministère du Travail a déclaré, de même, que l'enregistrement des syndicats ne souffrait pas de retards et a fait parvenir à la commission un rapport statistique faisant apparaître, selon une ventilation par mois, les syndicats inscrits en 1989 et de janvier à août 1990. En ce qui concerne les syndicats de travailleurs (l'enregistrement de syndicats d'employeurs étant rare), les chiffres concernant ces deux périodes sont les suivants:
  515. 1989
  516. SYNDICATS ADHERENTS CENTRALE
  517. 26 6.786 UNE
  518. 22 1.775 CST
  519. 21 3.340 ATC
  520. 5 237 CTN(a)
  521. 2 60 CTN
  522. 1 39 CUS
  523. -- ------
  524. 77 12.237
  525. 1990
  526. (janvier-août)
  527. SYNDICATS ADHERENTS CENTRALE
  528. 144 11.551 CST
  529. 55 6.006 UNE
  530. 49 4.636 FETSALUD
  531. 36 1.335 CUS
  532. 31 2.394 CTN
  533. 26 1.775 CAUS
  534. 20 1.582 S/CENTRAL
  535. 18 770 CTN(a)
  536. 11 749 CGT(i)
  537. 8 902 ATC
  538. 1 33 FO
  539. --- ------
  540. 399 31.733
  541. 335. Sur la base de ces chiffres, il est possible d'établir des pourcentages, en distinguant entre syndicats sandinistes et syndicats non sandinistes:
  542. 1989
  543. SYNDICATS INSCRITS SANDINISTES NON SANDINISTES
  544. 77 89,61 % 10,39 %
  545. ADHERENTS
  546. 12. 237 97,25 % 2,75 %
  547. 1990 (janvier-août)
  548. SYNDICATS INSCRITS SANDINISTES NON SANDINISTES
  549. 390 64,16 % 35,84 %
  550. ADHERENTS
  551. 31. 733 72,78 % 27,22 %
  552. 336. Il convient de noter que les chiffres correspondants au mois d'août accusent une nette progression des effectifs des syndicats non sandinistes.
  553. SYNDICATS SANDINISTES ADHERENTS
  554. 49 3.561
  555. SYNDICATS SANDINISTES ADHERENTS
  556. 123 6.679
  557. 337. Cette progression des syndicats non sandinistes enregistrés n'a commencé qu'au mois de juillet de l'année en cours.
  558. Administration interne
  559. 338. La commission d'experts a formulé des commentaires depuis un certain temps sur l'article 36 du règlement concernant les associations syndicales, aux termes duquel les dirigeants syndicaux sont tenus de présenter les livres et registres du syndicat aux organes compétents en matière de travail "à toute réquisition d'un préposé de ces organes". Cette attention, de la part de la commission, tient au fait que ledit article autorise une trop grande part d'intervention de l'administration du travail dans les livres et documents d'une organisation syndicale.
  560. 339. Au cours de la mission de contacts directs de 1983, le vice-ministre du Travail avait expliqué au représentant du Directeur général que l'intention à l'origine de cette disposition n'était pas de faciliter l'ingérence de l'administration du travail dans les affaires des syndicats mais de mieux protéger les droits des adhérents au cas où une irrégularité serait constatée. Il fut proposé aux autorités et aux organisations syndicales un autre texte disposant que les livres et dossiers devraient être produits "à la demande de 10 pour cent des adhérents". Cette formule fut acceptée par les fonctionnaires du ministère et jugée judicieuse par les dirigeants syndicaux.
  561. 340. Malgré les observations répétées de la commission d'experts, le libellé de l'article 36 est resté inchangé.
  562. Activités et programme d'action
  563. 341. Sont restées en instance deux questions concernant le droit des organisations syndicales d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action, et qui font l'objet d'un examen de la part de la commission d'experts; il s'agit des activités politiques des syndicats et du droit de grève.
  564. 342. En ce qui concerne les activités politiques, de l'avis de la commission d'experts, l'article 204, alinéa b), du Code du travail énonce l'interdiction générale, pour les syndicats, d'exercer des activités politiques. La commission a demandé au gouvernement de modifier cette disposition.
  565. 343. Selon les observations que le représentant du Directeur général avait entendues lors de la mission de contacts directs, le ministère du Travail estimait que cette interdiction n'avait pas cours dans la réalité, ce qui rendait donc possible de supprimer cette disposition du code.
  566. 344. S'agissant du droit de grève, la commission d'experts a demandé que soient levées les limitations jugées excessives à l'exercice de ce droit (articles 225, 228 et 314 du code).
  567. 345. Au cours de la mission d'étude, le ministère du Travail a expliqué que les procédures extrêmement complexes relatives à la reconnaissance de la légalité de la grève découlent du caractère antidémocratique de la dictature somoziste. Avec le gouvernement sandiniste le droit de grève était pleinement reconnu, mais il ne devait en être fait usage qu'en ultime recours. Les autorités évoquèrent, à ce propos, l'agression extérieure du pays, les incidences d'une grève sur les possibilités de récupération économique, le blocus économique et les lacunes de l'appareil de production sur le plan technologique.
  568. 346. Les grèves ayant été interdites pendant l'état d'urgence, la commission a obtenu des informations sur la situation après que cette mesure eut été levée, en janvier 1988. Pour les organisations syndicales opposées au gouvernement, le rétablissement du droit de grève n'a pas changé grand-chose en pratique, étant donné que les travailleurs ayant l'intention de lancer une grève faisaient l'objet de menaces et de représailles, la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics pouvant être appliquée à leur cas.
  569. 347. En revanche, d'autres organisations syndicales, comme l'Association nationale des enseignants du Nicaragua (ANDEN), ont fait état de mouvements de grève dans leur secteur sans que des mesures de représailles soient prises.
  570. 348. Le ministère du Travail a indiqué à la mission d'étude que les syndicats avaient recouru à la grève même pendant l'état d'urgence, jusqu'à ce que le gouvernement prenne des mesures de répression. A partir du moment où l'état d'urgence restait sans effets, la majeure partie des grèves se produisirent sans que les dispositions du Code du travail en la matière ne soient rigoureusement respectées. Par contre, la grève a quelquefois été utilisée à des fins de boycottage économique et d'agitation politique qui ont motivé la réaction des autorités et notamment des mesures d'emprisonnement de courte durée à l'encontre des provocateurs.
  571. 349. La commission d'enquête a obtenu au Nicaragua diverses informations sur l'exercice du droit de grève. Les dirigeants syndicaux de la fonction publique ont déclaré que les établissements du secteur ont connu près de 90 grèves en 1988, et que plusieurs grèves ont éclaté en 1989 à cause de violations de clauses de conventions collectives et de revendications salariales. La dernière grève déclenchée sous le gouvernement sandiniste s'est produite au ministère du Travail en janvier 1990. A l'occasion de ces conflits, la procédure légale prévue pour déclarer une grève n'était pas appliquée car elle était par trop laborieuse. Il a, par contre, été convenu avec les autorités que les revendications seraient soumises à des commissions de négociation. La déclaration d'illégalité d'une grève incombe à l'inspecteur du travail. Lorsqu'elle est confirmée, il reste la possibilité de former un recours en amparo devant la Cour suprême (loi no 49). En raison de ses implications politiques, la question de la grève n'a pas été abordée lorsque le Code du travail a été modifié, avec l'adoption de la loi no 97.
  572. 350. Les dirigeants de l'ATC ont indiqué, de leur côté, que les syndicats affiliés à leur organisation avaient organisé 57 grèves en 1989.
  573. 351. Le secrétaire général du Front ouvrier a expliqué à la commission que pendant le régime sandiniste il y a eu de courtes grèves qualifiées d'arrêts de travail, dans divers secteurs, mais qu'il n'y a eu qu'exceptionnellement des mouvements de grève étendus, comme dans le bâtiment. La procédure légale concernant la solution des conflits et la grève, étant donné qu'elle prend de quatre à six mois, n'est pas observée dans la pratique. Les syndicalistes la laissent donc de côté, les délais qu'elle impose interdisant pratiquement de mener une grève dans des conditions légales. Actuellement, la situation n'a pas changé à cet égard. Quant aux activités politiques des syndicats, elles ont été autorisées en ce qui concerne les organisations syndicales sandinistes, mais les autres n'ont pas obtenu ce droit.
  574. 352. Les dirigeants de la CGT(i) ont déclaré qu'il y a eu des arrestations de syndicalistes pour fait de grève sous le régime sandiniste, mais qu'elles ne se traduisaient que par une garde à vue de quelques jours et n'avaient pas de suites judiciaires. Les activités politiques et syndicales avaient fait l'objet de restrictions. On arrêtait de nombreux syndicalistes pendant quelques jours pour les intimider s'ils ne suivaient pas la ligne fixée par le gouvernement, ou s'ils avaient une position indépendante des organisations favorables au pouvoir.
  575. 353. Le chef de la police a confirmé que les grèves étaient interdites pendant l'état d'urgence et que ceux qui y prenaient part s'exposaient à être arrêtés, ce qui se produisait d'ailleurs. Cette interdiction prit fin avec la fin de l'état d'urgence.
  576. 354. Selon le secrétaire général du COSEP, sous le gouvernement précédent, la procédure prévue pour la déclaration des grèves n'était pas respectée. On suspendit l'application des dispositions du Code du travail concernant la procédure à suivre pour la grève, et le ministère du Travail fut autorisé à accepter les revendications qu'il jugeait négociables. Il y eut de courts arrêts de travail et quelques grèves étendues, comme en 1988 dans le secteur du bâtiment, mais sans que la procédure ne soit respectée. Elle ne l'est d'ailleurs toujours pas aujourd'hui.
  577. 355. Evoquant les divers sujets abordés précédemment, le ministre du Travail a déclaré qu'il y avait eu sous le régime sandiniste deux grèves, et que ceux qui les avaient soutenues avaient été arrêtés. En pratique, les grèves étaient toujours interdites et, lorsqu'il s'en produisait, elles se réduisaient à leur plus simple expression. Aucune grève n'a été déclarée illégale avec le gouvernement actuel, sauf dans deux cas. Les grèves sont organisées sans passer par la procédure fixée par le Code du travail.
  578. Négociation collective
  579. 356. Les plaignants ont déclaré que le décret no 530 du 24 septembre 1980 soumettait l'application des conventions collectives à l'accord du ministère du Travail pour des raisons de politique économique réduisant, dans les faits, à néant la liberté de négocier collectivement. Ils ont ajouté que, bien que les organes compétents de l'OIT aient déclaré à plusieurs reprises que ceci constituait une violation de la convention no 98, le gouvernement n'a rien fait pour remédier à cet état de choses.
  580. 357. Les plaignants ont déclaré, par ailleurs, que les salaires ne peuvent pas être déterminés par voie de négociation collective, étant donné qu'ils sont déterminés dans le cadre du Système national d'organisation du travail et des salaires (SNOTS) qui récapitule toutes les professions et fixe la rémunération pour chacune d'elles.
  581. 358. Dans sa réponse datée du 5 janvier 1988, le gouvernement a rejeté l'idée que le décret en question porte atteinte au droit de négociation collective. Il a mentionné l'existence d'une procédure de conciliation. En cas d'échec, la question devait être résolue, pendant l'état d'urgence, par un tribunal d'arbitrage. En temps normal, elle l'était par recours à la grève. Quant au SNOTS, le gouvernement a indiqué qu'il s'agissait d'un système permettant aux travailleurs et aux employeurs de définir, de manière concertée, le contenu des postes de travail du point de vue de la complexité et de l'importance des tâches afin de déterminer les taux de rémunération.
  582. 359. Les autorités du ministère du Travail ont exposé à la mission d'étude que dans les premiers temps de la révolution sandiniste un nombre appréciable d'entreprises privées commencèrent à "décapitaliser" leurs actifs. L'un des moyens de parvenir à cette fin consistait à accorder, au moment de la négociation collective, des conditions de travail dépassant la capacité réelle de l'entreprise, ce qui permettait, à moyen terme, de demander la suspension de leur faculté de paiement ou leur fermeture, en arguant du manque de liquidités ou de leur insolvabilité. C'est ainsi que les autorités du ministère du Travail décidèrent de participer à la négociation de manière plus active en procédant, au préalable, à un bilan de la situation des entreprise afin de sauvegarder l'emploi. Il a fallu, de même, procéder à une harmonisation des niveaux de rémunérations à l'échelle nationale afin d'éliminer l'injustice des disparités et de pouvoir jeter les bases d'une procédure de classification des professions. De cette façon, le Système national d'organisation du travail et des salaires (SNOTS), qui définit les diverses catégories d'emploi et les taux de rémunération correspondants, a pu s'appliquer à partir de 1984. Selon le ministère du Travail, ces catégories ont été définies au terme d'une négociation tripartite, en tenant compte des particularités des entreprises et des revendications des syndicats. Le ministère du Travail estimait qu'abstraction faite de ces éléments la participation de l'Etat à la négociation collective n'a pas empêché de conclure des conventions puisqu'il en a été signé 1.192, étendant leurs effets à quelque 380.665 travailleurs citadins ou ruraux, entre le 19 juillet 1979 et le deuxième semestre de 1987.
  583. 360. Les autorités du ministère du Travail ont indiqué à la mission d'étude que la réforme économique décidée en 1988 réduisait au minimum le rôle du ministère du Travail dans la fixation des salaires et que, désormais, les taux de rémunération fixés dans le cadre du SNOTS étaient appliqués, dans la limite des possibilités économiques et des impératifs de rentabilité, sur tous les lieux de travail, au terme d'une négociation bilatérale entre employeurs et travailleurs. La fixation des salaires de manière centralisée n'a continué d'être la règle que pour les administrations du gouvernement central, de telle sorte que le rôle des autorités du ministère du Travail n'a plus qu'un caractère purement formel.
  584. 361. Les organisations d'employeurs et de travailleurs, avec lesquelles la mission d'étude s'était entretenue, ont reconnu que le Système national d'organisation du travail et des salaires (SNOTS) ne s'appliquait que comme élément de référence, de telle sorte que les salaires peuvent être fixés librement. Les dirigeants de la Confédération générale des travailleurs considéraient que le système du SNOTS ne peut pas fonctionner et qu'il n'existe pas de véritable planification de l'économie au Nicaragua. L'Union nationale des agriculteurs et éleveurs, quant à elle, considérait que ce système constituait une véritable "camisole de force" pour les partenaires sociaux. L'UNAG assimilait le rôle du ministère du Travail, depuis la réforme économique, à celui d'aimable compositeur. Certaines des organisations entendues, notamment le Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP), le Congrès permanent des travailleurs (CPT), la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN) et le Front ouvrier (FO), ont critiqué le fait que les conventions doivent encore être approuvées par le ministère du Travail. Il semblait cependant qu'au cours de l'année 1988 le ministère ne se soit opposé à aucun enregistrement de convention collective.
  585. 362. Dans ses observations de 1989 concernant l'application de la convention no 98 par le Nicaragua, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a rappelé qu'elle avait antérieurement signalé au gouvernement la nécessité d'abroger le décret no 530 du 24 septembre 1980, dont l'article premier dispose que les conventions collectives, pour être applicables, doivent nécessairement être approuvées par le ministère du Travail. Même si, d'après les informations communiquées, le SNOTS ne s'applique que comme élément de référence et que, de ce fait, les salaires peuvent être librement déterminés, rien n'indique que le décret no 530 ait été abrogé, si bien que l'accord du ministère du Travail est toujours nécessaire pour qu'une convention soit applicable, ce qui est contraire à l'article 4 de la convention no 98.
  586. 363. Lors de son audition, à Genève, le ministère du Travail déclara qu'à l'occasion de réformes introduites dans la législation par le gouvernement actuel il fut décidé de respecter l'essentiel des dispositions de la loi no 97, quant à la négociation collective, et d'en conserver l'article 22 sans les modifications qu'apportait le décret no 530, de manière à rétablir la libre négociation des conventions collectives, au sujet desquelles l'accord du ministère ne serait plus nécessaire. De cette façon, on ne revenait pas à la situation antérieure qui était contraire à la convention no 98.
  587. 364. Il a été fait mention, à cette occasion, du décret no 8-90 du 10 mars de l'année en cours qui "habilite le ministère du Travail à procéder à la révision de toutes les conventions collectives passées entre les institutions de l'Etat et leurs salariés au cours de la période comprise entre le 25 février et le 25 avril 1990", sans que cette mesure n'affecte "la politique salariale convenue".
  588. 365. Le ministre a expliqué qu'au cours de la période visée par le décret il a été conclu 52 conventions collectives qui comportent, dans la grande majorité, des vices tels que l'institution du syndicat unique de travailleurs et des stipulations d'un poids excessif pour l'économie du pays, et que le nouveau gouvernement se trouve naturellement dans l'incapacité d'assumer. Selon le ministre, ces conventions ont un caractère purement politique et c'est pour cette raison que les salariés du secteur public ont accepté leur révision aux termes de l'accord national du 16 mai 1990. Le décret no 8-90 prévoit que les conventions doivent être entièrement revues mais non pas qu'elles doivent être annulées. Ne doivent être supprimées que les clauses qui, par leur nature, peuvent entraîner la nullité de l'instrument. La révision entraîne l'élaboration d'une nouvelle convention.
  589. 366. Les dirigeants de la CST, lors de l'entretien qui a eu lieu au Nicaragua, ont fait état de l'accord en question et en ont remis le texte à la commission. Cet accord prévoit que la révision des conventions s'effectuera avec la participation des parties signataires et des centrales correspondantes. Les dirigeants ont indiqué que la renégociation des conventions prévue par l'accord doit s'effectuer au niveau de chaque institution. Cependant, à l'heure actuelle, le gouvernement souhaite que la négociation s'opère de manière centralisée au ministère du Travail. En outre, les conventions continuent d'être appliquées, ce qui contredit les termes de l'accord. Quant aux dispositions contenues dans ces conventions, loin de stipuler des conditions excessives, elles sanctionnent expressément des conditions d'emploi déjà appliquées. Ainsi, par exemple, le versement d'indemnité en cas de licenciement d'un travailleur est déjà prévu dans bien des cas depuis 1979.
  590. 367. Les représentants de l'UNE, de la FETSALUD et du FNT ont fait savoir à la commission qu'il existait, depuis des années, des accords internes dans le secteur public et qu'il a été décidé de leur donner une forme légale en se basant sur la convention no 98. Ces accords devinrent des conventions collectives qui ne sont pas appliquées à l'heure actuelle, contrairement à ce que disposait l'article 8 de l'accord signé en mai. Dans le secteur de la santé, cinq conventions collectives ont été signées en 1989, mais elles ne sont pas respectées par la présente administration.
  591. 368. Ultérieurement, dans le cadre de l'accord signé le 11 juillet 1990, lorsque le gouvernement a ratifié dans toute son étendue l'accord du mois de mai de cette année, il a été expressément déclaré que certaines conventions conclues antérieurement dans le secteur public s'appliqueraient avec leurs additifs et leurs règlements sans être révisées.
  592. 369. Les représentants du COSEP ont déclaré de leur côté que la négociation collective n'avait cours antérieurement que dans les entreprises d'Etat. Avec l'étatisation des entreprises, il en est beaucoup à n'avoir de privé que le nom et à être passées en réalité à l'Etat. Dans le secteur privé, c'était le gouvernement qui fixait les conditions d'emploi, et si les entreprises privées offraient des salaires d'un tarif plus élevé que ce qui avait été établi, elles étaient passibles de sanctions. Dans le secteur agricole, l'ATC imposait ses conventions dans les exploitations agricoles. Les chambres affiliées au COSEP n'ont jamais signé une seule convention collective. Aujourd'hui, elles n'en ont toujours pas signé en raison du climat d'instabilité. Quant au SNOTS, ont ajouté les dirigeants du COSEP, il a été abrogé mais continue d'être appliqué dans le secteur du bâtiment.
  593. 370. A propos de la législation concernant la négociation collective, les dirigeants de la CST ont déclaré que le gouvernement n'intervenait plus dans la négociation depuis 1988 et limitait son action à un contrôle de la légalité. Sous le régime précédent, on négociait aussi bien dans les entreprises privées que dans les entreprises publiques. Aujourd'hui, on ne négocie plus, étant donné que le ministère du Travail oppose une fin de non-recevoir aux revendications. En outre, le nouvel article 22 du code n'autorise la conclusion de conventions collectives que lorsque les syndicats ont la personnalité juridique. Il s'agit en l'occurrence d'une disposition nouvelle, grâce à laquelle le gouvernement, en refusant la personnalité aux syndicats d'entreprise qui ne l'ont pas, peut faire obstacle à la négociation collective. Les dirigeants de la CST indiquèrent enfin que le SNOTS avait cessé de s'appliquer depuis deux ans.
  594. 371. Les dirigeants de l'UNAG ont déclaré à la commission que le SNOTS n'avait pas d'effet dans le secteur agricole, sauf dans les secteurs du café et du coton. Le SNOTS limitait la libre négociation des salaires et obligeait à dissimuler les tarifs réellement négociés afin d'éviter une amende.
  595. 372. La commission a entendu les dirigeants de l'ATC qui ont déclaré que leur organisation avait signé des conventions collectives tant avec des entreprises d'Etat que des entreprises privées du secteur agricole, et que ces conventions s'étendaient à tous les travailleurs, qu'ils soient affiliés à l'ATC ou non.
  596. 373. Selon les précédentes autorités du ministère du Travail, les conventions collectives étaient conclues au niveau de l'entreprise, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Dans le bâtiment, en revanche, on négociait pour l'ensemble de la branche avec la Chambre du bâtiment, affiliée au COSEP. Quant au décret no 530, les précédentes autorités ont déclaré que cet instrument avait été appliqué les premières années, et bien que la pratique eût rendu impossible le respect de la disposition subordonnant l'application des conventions collectives à l'accord du ministère du Travail. En effet, lorsque le dialogue entre les partenaires sociaux fut engagé dans le pays, la participation de l'Etat alla diminuant et la quantité de conventions collectives qui furent signées empêcha, faute d'assez de personnel au ministère, l'intervention de celui-ci dans toutes les négociations. Pour cette raison, le décret no 530 tomba en désuétude. Le ministère du Travail n'intervenait plus que dans certains cas, lorsqu'il était sollicité. En fait, ont ajouté ces autorités, l'objet du décret était de conférer un plus grand poids juridique aux conventions et non de les assujettir à l'approbation du gouvernement. Son élaboration avait péché d'un point de vue de technique législative. Les précédentes autorités ont indiqué que le ministère actuel ne donne pas suite aux revendications empêchant ainsi l'application de la procédure prévue par la loi en matière de négociation collective. En outre, avant la dernière modification de l'article 22 du code, tous les syndicats pouvaient négocier, qu'ils aient ou non la personnalité juridique, la légalité étant alors un problème relatif, contrairement à aujourd'hui où il s'agit d'un problème essentiel.
  597. 374. Dans son entretien avec la commission, le secrétaire général du Front ouvrier a également fait référence à l'intervention du gouvernement précédent dans le processus de négociation collective. Avec le décret no 530, le ministère du Travail pouvait fixer le contenu des conventions collectives, lesquelles, de ce fait, finirent par s'uniformiser. Il n'y eut plus de nouvelles conventions négociées à partir de 1985, on prolongeait la validité de celles qui étaient en vigueur. Avec la réforme économique de 1988, les choses changèrent et le ministère commença à accepter que se déroulent des négociations collectives sans son intervention, sauf en ce qui concerne l'approbation formelle de l'instrument de l'accord. Le SNOTS lui aussi cessa peu à peu d'être appliqué, y compris par le gouvernement lui-même. Il n'y eut, par contre, jamais abrogation formelle de ce système.
  598. 375. Lors de la réunion qui s'est tenue à Managua, le ministère du Travail a redit à la commission que le décret no 530 avait été abrogé par effet de la refonte de l'article 22 du Code du travail. En ce qui concerne l'époque sandiniste, il n'y avait pas eu de négociations effectives dans le secteur privé et à plus forte raison encore moins dans le secteur public. Dans ce dernier secteur, sur les 52 conventions collectives conclues entre février et avril 1990, deux seulement n'étaient pas sujettes à révision pour opposition des syndicats concernés, lesquels ne se présentent d'ailleurs pas lorsqu'ils sont convoqués au ministère à cette fin. Il est probable que, dans ces cas, le ministère se prononce pour la nullité desdites conventions.
  599. 376. Les fonctionnaires de la direction générale de la conciliation, auprès de ce ministère, ont évoqué de même cette question. Ils ont déclaré que les conventions en question contenaient des dispositions inconstitutionnelles - comme l'institution de la cogestion des certains ministères - ou trop onéreuses - comme celles qui fixent des primes excessives ou un salaire minimum en dollars. Le ministère de l'Instruction publique et l'Institut de la sécurité sociale ont demandé à la direction de déclarer nulles leurs conventions en raison du caractère inconstitutionnel de certaines de leurs dispositions.
  600. 377. En ce qui concerne la négociation collective en général, les fonctionnaires de la direction générale de la conciliation ont expliqué que l'on pouvait distinguer quatre périodes à partir de l'installation du gouvernement sandiniste: 1) dans un premier temps, entre 1979 et 1981, on a négocié activement, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé; 2) de 1981 à 1985, la négociation est allée en se ralentissant progressivement jusqu'à s'arrêter. Il n'y avait plus matière à négocier, les entreprises n'étant plus en situation de répondre aux revendications. Les revendications, dans la mesure où il y en a eu au cours de toute cette période, qui va jusqu'en février 1990, étaient canalisées par les centrales sandinistes de travailleurs des secteurs public et privé; 3) de février à avril 1990, les négociations ont repris à un rythme intensif dans le secteur public; 4) avec le gouvernement actuel, la négociation collective commence à réapparaître de manière plus générale.
  601. 378. Les fonctionnaires de cet organe ont ajouté que, pendant la période où la négociation collective avait disparu, la CST ne présentait pas de revendications à cette fin. S'il arrivait aux syndicats opposés au gouvernement de le faire, leurs dirigeants couraient le risque d'être arrêtés. A l'heure actuelle, les syndicats qui veulent négocier doivent avoir la personnalité juridique, comme le stipule l'article 22 du code. Si deux syndicats ou plus veulent négocier dans une même entreprise, ce que permet l'article 23, il est de coutume d'organiser des réunions préliminaires à la direction générale de la conciliation afin d'unifier les revendications de ces organisations. Cette étape franchie, on aborde la négociation collective avec l'employeur.
  602. CHAPITRE 11
  603. PARTICIPATION A L'ELABORATION DU CODE DU TRAVAIL ET AUX CONSULTATIONS TRIPARTITES
  604. 379. En plusieurs occasions s'est posée la question de la non-participation du Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP) à l'élaboration du Code du travail et des obstacles qui avaient été mis à sa participation aux consultations tripartites sur les questions économiques et sociales. Il y aurait eu là discrimination de la part des autorités gouvernementales envers cette organisation d'employeurs.
  605. 380. Le gouvernement a mentionné, en diverses occasions, l'élaboration d'un nouveau Code du travail. La question avait été abordée avec la mission d'étude, à laquelle il avait été indiqué que le commission compétente de l'assemblée avait déjà consulté diverses organisations syndicales; certaines d'entre elles opposées au gouvernement lui avaient confirmé le fait. Le ministère du Travail avait déclaré qu'il organiserait prochainement sur ce thème une table ronde qui regrouperait toutes les organisations d'employeurs et de travailleurs. De son côté, le COSEP avait déclaré qu'il n'avait pas été consulté sur l'élaboration d'un nouveau Code du travail.
  606. 381. Ultérieurement, par des communications des 3 et 8 février 1989, le gouvernement a informé le Comité de la liberté syndicale qu'il existait quatre projets de Code du travail élaborés l'un par le gouvernement et les autres par divers mouvements d'opposition. L'Assemblée nationale avait entrepris des consultations avec les organisations d'employeurs et de travailleurs et avait fait figurer, en priorité, à son ordre du jour de la session 1989-1990 l'approbation du Code du travail (Note 35). Le 30 mars 1989, le gouvernement a indiqué au comité que le processus de consultation des organisations de travailleurs et d'employeurs s'était approfondi, comme le prouvait l'organisation de plusieurs séminaires tripartites sur ce thème au cours du mois d'avril (Note 36). Dans sa communication du 30 octobre 1989, le gouvernement a déclaré que le COSEP avait été invité à participer à ces séminaires.
  607. 382. De son côté, l'OIE a signalé au comité, dans une communication du 12 avril 1989, que le gouvernement et l'assemblée législative n'avaient pas consulté ni même informé le COSEP sur la révision du code ou sur tout autre texte législatif (Note 37). Par une communication du 24 août 1989, l'OIE a donné de nouveaux détails, indiquant qu'il n'avait pas été question de la révision du code lors des réunions auxquelles avait été invité le COSEP. L'OIE a affirmé catégoriquement que le gouvernement était incapable de produire une convocation ou un ordre du jour adressés au COSEP, ou encore un procès-verbal d'une réunion à laquelle le COSEP aurait participé, mentionnant explicitement la discussion - tenue ou à tenir - des nombreuses et importantes réformes à la législation du travail promises à la mission d'étude par le gouvernement, sur la demande du comité ou de la commission d'experts chaque année, depuis des années (Note 38).
  608. 383. Dans sa dernière communication, en date du 3 novembre 1989, l'OIE a mentionné le Séminaire national tripartite sur les relations du travail, qui s'est tenu à Managua du 30 octobre au 1er novembre 1989, avec la participation du BIT. Selon le COSEP, il n'a pas été question du projet de réforme de la législation du travail au cours de cette réunion. Il ressort toutefois des débats que certaines organisations syndicales favorables au gouvernement avaient eu connaissance du texte du nouveau projet de code.
  609. 384. Selon le rapport final du séminaire, les représentants gouvernementaux ont déclaré que le projet n'était pas encore au point et que le texte définitif serait porté à la connaissance des intéressés une fois prêt.
  610. 385. En ce qui concerne les consultations tripartites à caractère plus large, le gouvernement a informé le Comité de la liberté syndicale, dans ses communications des 3 et 8 février 1989, qu'il avait créé un organisme de consultation institutionnelle entre tous les travailleurs et employeurs sans exclusivité pour accélérer la discussion des problèmes sociaux. Tant le Président de la République que le ministre de l'Industrie, de l'Economie et du Commerce et que le ministre du Développement agricole et de la Réforme agraire se sont entretenus avec tous les groupements d'employeurs et toutes les centrales syndicales. Ces rencontres ont abouti à l'adoption d'un ensemble de garanties politiques et juridiques pour l'activité des entreprises privées, à la formation d'entreprises mixtes et à la création de mécanismes permanents de consultation. Par la voie de son dirigeant M. Ramiro Gurdián, le COSEP a conseillé à ses affiliés de participer à tous les dialogues et réunions avec les autorités gouvernementales pour rechercher des formules d'accord et de concertation (Note 39).
  611. 386. La position du COSEP, à cet égard, a été exposée par l'OIE qui affirme, dans une communication du 12 avril 1989, que le ministre du Travail n'a pas consulté cette organisation au sujet de la création d'un organisme de concertation nationale. L'OIE indique que, au début de 1989, plusieurs ministères, parmi lesquels ne figurait pas le ministère du Travail, ont pris contact avec certaines des organisations membres du COSEP pour discuter du redressement économique du pays. Il s'agissait de contacts isolés qui ne se sont pas poursuivis, et qui ne peuvent être considérés comme la création d'un système de dialogue (Note 40).
  612. 387. Le gouvernement a abordé de nouveau cette question dans une communication du 22 mai 1989 déclarant que des inquiétudes avaient surgi sur la viabilité d'un système de commission nationale de consultation tripartite. Tout indiquait, selon le gouvernement, que les consultations tripartites produisaient des résultats plus efficaces quand elles étaient réalisées par secteur d'activité économique ou autour de thèmes spécifiques préalablement déterminés. C'est ainsi qu'en avril 1989 a été organisée une consultation tripartite nationale du secteur agricole avec la participation de producteurs affiliés au COSEP et à l'UNAG, ainsi que de syndicats de cette branche. Les résultats obtenus ont été accueillis positivement par les principaux dirigeants employeurs, comme le prouvaient les déclarations de MM. Gurdián et Dreyfus, dirigeants du COSEP. Une consultation tripartite nationale était prévue au mois de mai pour l'industrie (Note 41).
  613. 388. Quelques jours après cette communication, le gouvernement a fait état, dans une communication du 26 mai 1989, des obstacles qu'il avait rencontrés dans le processus de dialogue et de consultation. Il a déclaré qu'il existe des secteurs clairement désireux de faire échouer les efforts du gouvernement pour le redressement économique du pays et d'éliminer toute possibilité réelle de concertation politique et économique. Le COSEP s'est cantonné dans une attitude absolument intransigeante. Le Président de la République avait invité le secteur privé à se joindre au gouvernement pour faire des démarches en vue d'obtenir des ressources financières auprès de la Communauté internationale, mais le COSEP a publié un communiqué interdisant à ses membres de participer aux missions conjointes avec le gouvernement. Il a, en outre, exclu des dirigeants employeurs qui avaient participé à de telles missions (Note 42).
  614. 389. Compte tenu des déclarations antérieures sur les consultations tripartites, le Comité de la liberté syndicale a demandé au gouvernement de préciser si le COSEP avait été invité en tant qu'organisation d'employeurs aux réunions susmentionnées (Note 43).
  615. 390. Dans une communication ultérieure, en date du 26 juin 1989, l'OIE a mentionné spécifiquement ce point estimant que le gouvernement souhaitait faire passer pour une politique de dialogue un certain nombre de mesures qu'il déclarait avoir prises. Selon l'OIE, ces déclarations étaient tendancieuses, voire mensongères, soit que les mesures n'aient pas été prises par le gouvernement, soit qu'elles aient été prises sans la participation du COSEP. Ainsi, la consultation tripartite nationale du secteur agricole n'a été menée ni avec le COSEP, ni avec l'UPANIC, membre du COSEP, comme tels, mais avec des personnes choisies par le gouvernement parmi les membres des deux organisations. Ni le COSEP, ni l'UPANIC, comme tels, n'ont pu faire entendre leur voix (Note 44).
  616. 391. Selon l'OIE, la consultation tripartite nationale pour l'industrie, annoncée par le gouvernement pour le mois de mai, n'a pas eu lieu et a été apparemment remplacée par la création d'un Comité consultatif pour l'industrie, auquel des adhérents de la Chambre d'industrie ont été invités par le gouvernement à titre individuel (Note 45).
  617. 392. Ultérieurement, l'OIE a rappelé les réunions auxquelles le COSEP avait été invité entre mars et mai 1989: une sur l'inspection du travail, à laquelle il avait été invité 10 minutes avant le début de la réunion, ce qui l'avait empêché d'y participer; une autre sur la formation professionnelle et la création d'emplois, organisée par le BIT et non à l'initiative du gouvernement; une troisième, également organisée par le BIT, à laquelle il n'a pu se faire représenter étant donné les délais qui lui avaient été impartis (Note 46).
  618. 393. Quant au climat dans lequel se sont déroulées les consultations tripartites sur les questions agricoles et industrielles, l'OIE a déclaré que les organisations qui avaient émis des critiques sur la politique du gouvernement avaient été accusées de sabotage économique et que des menaces avaient été proférées contre ceux qui refusaient de participer dans de telles conditions. M. Gurdián, que le gouvernement avait présenté comme favorable à cette consultation, a exprimé sa véritable opinion et celle de l'UPANIC dans une déclaration à la presse, dans laquelle il a affirmé qu'"il ne s'agissait pas de concertation mais d'un chantage qui a provoqué la peur chez ceux qui ont été convoqués par le gouvernement." (Note 47)
  619. 394. Le gouvernement a abordé de nouveau la question des consultations tripartites dans ses communications du 30 octobre et du 2 novembre 1989. Dans la première, il a déclaré que le COSEP avait été invité à ces réunions en tant qu'organisation. Dans la seconde, il a confirmé la participation du COSEP, à la demande des autorités, aux commissions du coton et du café et au Comité consultatif de l'industrie. D'autre part, le gouvernement s'est dit obligé d'appeler l'attention sur le fait que le COSEP avait déclaré, lorsque le gouvernement l'avait invité à participer en tant qu'organisation aux questions de sa compétence, que ses délégués participeraient à titre personnel; toutefois, lorsque ses membres exerçaient une action politique - ce qui est parfaitement leur droit en tant que citoyens nicaraguayens -, ils disaient agir au nom de l'organisation.
  620. 395. En annexe à la communication du 2 novembre 1989 figurent les listes des personnes qui ont siégé dans les commissions du café, du coton et des oléagineux. Dans ces listes, qui indiquent le titre auquel ces personnes ont participé, certains sont présentés comme dirigeants ou membres d'organisations affiliées au COSEP, et quelques-uns comme dirigeants du COSEP.
  621. 396. Lors de l'audition qui s'est tenue à Genève, le ministre du Travail, mentionnant l'intention du gouvernement actuel de réformer le Code du travail, a déclaré qu'on procéderait à cet effet à la tenue de consultations tripartites et à la création d'une commission technique à laquelle participeraient non seulement les centrales ouvrières et les universités, mais aussi le BIT à titre consultatif.
  622. 397. La question de la participation à l'élaboration d'un nouveau Code du travail a été examinée par la commission lors des entrevues qu'elle a eues au Nicaragua.
  623. 398. A cet égard, les dirigeants du COSEP ont réaffirmé que leur organisation n'avait jamais été consultée sur le projet de code.
  624. 399. Les autorités du ministère du Travail du gouvernement précédent ont déclaré à la commission qu'il existait divers projets de code, dont l'un avait été élaboré par le ministère lui-même, et les autres par différents partis politiques et organisations syndicales. Ils ont affirmé que leur intention était de soumettre le projet ministériel au BIT pour avis puis, après les élections, de le faire examiner par l'Assemblée nationale, en accord avec sa commission du travail. Plusieurs séminaires ont été organisés sur ce thème, dont l'un avec la participation du BIT, au cours desquels ont été abordées diverses questions, dont certaines touchaient l'élaboration du nouveau code. Le COSEP a toujours été invité à ces séminaires, et il doit exister au ministère du Travail des traces de ces invitations.
  625. 400. Les dirigeants de l'UNAG ont déclaré à la commission que les consultations sur l'élaboration du code avaient eu lieu avec tous les secteurs.
  626. 401. De leur côté, les dirigeants de la Centrale sandiniste des travailleurs (CST) ont déclaré qu'il existait trois projets de révision du code élaborés respectivement par les conseillers juridiques de la CST, le Parti social chrétien et le Parti conservateur démocratique. Ces projets ont été soutenus par des juristes, et des séminaires ont été organisés par des institutions universitaires, auxquels ont participé tant des juristes étrangers que des représentants syndicaux ainsi que des représentants du COSEP. Les dirigeants de la CST ont affirmé que ce n'était pas le gouvernement qui avait eu l'idée de ces réunions et avait demandé aux spécialistes du droit du travail de les organiser. Ces projets ont abouti à la loi no 97 modifiant et complétant le Code du travail.
  627. 402. L'ATC a informé la commission qu'elle avait également élaboré un contre-projet de Code du travail qui s'ajoutait ainsi aux projets de la CST, du ministère du Travail, du Parti populaire social chrétien et du Parti conservateur.
  628. 403. En ce qui concerne les consultations tripartites sur les questions économiques et sociales, les dirigeants du COSEP ont déclaré à la commission que leur organisation avait toujours été éliminée des différentes commissions. Elle n'avait d'ailleurs pas plus été consultée sous d'autres formes, et si elle avait été parfois invitée à des réunions tripartites, c'était au dernier moment. La commission nationale tripartite promise par le gouvernement n'avait jamais été constituée.
  629. 404. Selon les anciens responsables du ministère du Travail, des commissions pour l'agriculture et l'industrie ont été créées, auxquelles ont participé les chambres affiliées au COSEP; celui-ci s'opposait profondément au gouvernement sur le plan politique, et comme il ne répondait pas aux invitations, on invitait directement ses membres.
  630. 405. Les dirigeants de l'UNE, de la FETSALUD et de la FNT ont mentionné les commissions créées en vertu des articles 101 et 104 de la Constitution du Nicaragua. Selon le premier de ces deux articles, les travailleurs et membres des autres secteurs productifs ont le droit de participer à l'élaboration, l'exécution et le contrôle des plans économiques. En vertu de cet article, a été créé le Conseil national de la planification qui a été chargé de tracer les grandes lignes des plans macro-économiques du gouvernement avec la participation de la CST, de l'ATC, des organisations du secteur public et de l'UNAG. On a proposé au COSEP de participer à ce conseil, mais il a décliné l'offre car il était en désaccord avec la politique économique du gouvernement sandiniste; les syndicats opposés au sandinisme n'y ont pas participé non plus. Certaines chambres du COSEP ont participé aux commissions de l'agriculture et de l'industrie, mais elles ont déclaré qu'elles ne représentaient pas le COSEP puisque celui-ci ne souhaitait pas intervenir.
  631. 406. Les dirigeants de l'UNAG ont signalé à la commission que tous les secteurs avaient été consultés sur la situation économique. Ils n'avaient pas été consultés sous le gouvernement actuel, et ils considéraient que le système des consultations tripartites du Nicaragua devait être amélioré.
  632. 407. Lors de sa rencontre avec la commission, le ministre du Travail l'a informée qu'on lancerait le 20 septembre 1990 un processus de consultation nationale avec la participation de 94 personnes représentant les organisations de travailleurs et d'employeurs et les professions libérales. Le gouvernement a invité 15 organisations d'employeurs et 16 organisations syndicales sans tenir compte de leur représentativité. Le ministre a déclaré que le COSEP avait été invité, mais non à titre délibératif, puisqu'il se refusait à participer en tant qu'organisation faîtière patronale; toutefois, ses chambres allaient participer à la consultation. Le ministre a rappelé, en outre, que le COSEP n'était pas invité à participer aux consultations tripartites à l'époque sandiniste, mais que les choses avaient changé.
  633. 408. Lors d'une deuxième entrevue, le secrétaire exécutif du COSEP a rappelé à la commission que son organisation n'avait pratiquement jamais été invitée par le gouvernement sandiniste à participer aux consultations tripartites et que, les rares fois où elle avait reçu une invitation, le préavis avait été si court qu'il lui avait été pratiquement impossible de participer. Pour prendre un exemple, le COSEP n'avait pas été consulté sur l'élaboration du Système national d'organisation du travail et des salaires (SNOTS).
  634. 409. Le secrétaire général du Front ouvrier a déclaré à la commission que son organisation n'avait été invitée ni aux consultations nationales, ni aux consultations sur la création d'un mécanisme de fixation des salaires minimaux. Selon lui, cela tient à des raisons politiques puisque le Front ouvrier n'a aucun lien avec le gouvernement. Tant les représentants de la CGT(i) que le ministre du Travail ont déclaré à la commission que le Front ouvrier n'était pas une organisation syndicale et n'en comprenait pas en son sein.
  635. 410. Au sujet de la participation à l'élaboration du Code du travail, le secrétaire exécutif du COSEP a rappelé que son organisation n'avait jamais été invitée aux réunions préparatoires sous l'ancien gouvernement. Le gouvernement actuel s'était engagé à le consulter pour l'élaboration du projet de code.
  636. 411. Le secrétaire des relations nationales et internationales de la CGT(i) a déclaré à la commission que des séminaires, auxquels avait participé son organisation, avaient eu lieu sous le gouvernement précédent à l'université centraméricaine au sujet de l'élaboration d'un Code du travail. En revanche, le gouvernement actuel n'avait invité ni la CGT(i), ni les autres organisations d'opposition aux séminaires sur la réforme du code et aux consultations tripartites sur les questions économiques et sociales.
  637. 412. De son côté, le secrétaire général du Front ouvrier a déclaré que, sous le gouvernement sandiniste, son organisation avait participé aux séminaires sur la législation du travail, mais qu'elle n'avait pas été invitée par le ministère du Travail.
  638. CHAPITRE 12
  639. CONSULTATIONS TRIPARTITES SUR LES NORMES INTERNATIONALES DU TRAVAIL
  640. 413. Les plaignants ont déclaré dans leur plainte que l'organisation d'employeurs la plus représentative du Nicaragua était le Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP), lequel est couvert par l'article 1er de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. Ils soutiennent que le gouvernement n'a pas consulté le COSEP sur les procédures qui assurent des consultations efficaces, comme le stipule l'article 2 de la convention; il ne l'a pas consulté non plus sur l'article 5 de cet instrument et n'a donc respecté aucune des obligations que lui impose la convention au sujet des consultations avec l'organisation susmentionnée.
  641. 414. Dans sa première réponse, en date du 5 janvier 1988, le gouvernement a nié avoir violé la convention no 144 affirmant qu'il n'avait fait qu'exercer son pouvoir discrétionnaire en menant les consultations avec les organisations qu'il avait jugées les plus représentatives. Il ne voyait toutefois aucun inconvénient à consulter aussi le COSEP en temps voulu.
  642. 415. Lorsque la mission d'étude avait abordé ce point, nombre d'organisations de travailleurs et d'employeurs lui avaient déclaré qu'elles n'avaient été aucunement consultées sur les diverses questions de travail, contrairement aux dispositions de la convention no 144. Les dirigeants du COSEP ont toutefois indiqué que le gouvernement leur avait récemment envoyé des questionnaires sur les thèmes qui seraient abordés lors de la Conférence internationale du Travail suivante.
  643. 416. Le ministère du Travail a fait part à la mission de la difficulté d'organiser les consultations tripartites en raison du grand nombre des organisations syndicales et professionnelles du pays qui expriment des opinions extrêmement diverses et qui s'opposent souvent sur le plan politique, à quoi s'ajoute le fait qu'il n'est pas toujours facile de déterminer lesquelles sont le plus représentatives. Le gouvernement a toutefois déclaré qu'il était disposé à étudier la création d'une commission consultative sur les normes internationales du travail.
  644. 417. A sa session de novembre 1988, le Comité de la liberté syndicale a pris note des informations communiquées par la mission d'étude sur cette question et a demandé au gouvernement de constituer et de réunir le plus vite possible la commission consultative en question et d'y associer toutes les organisations d'employeurs et de travailleurs (Note 48).
  645. 418. Dans une communication du 15 février 1989, le gouvernement a déclaré qu'il avait pris les mesures nécessaires pour créer au mois de mars une commission spéciale de consultations tripartites qui aborderait, comme premier thème, la convention récemment adoptée sur l'hygiène et la sécurité dans la construction (Note 49). Selon les informations communiquées par l'OIE au comité, cette commission n'a jamais été créée (Note 50).
  646. 419. Comme on l'a indiqué plus haut (chapitre 11) au sujet de la participation aux consultations tripartites, le gouvernement a déclaré dans sa communication du 22 mai 1989 que la viabilité d'un mécanisme national de consultations de ce type avait soulevé des inquiétudes. Il ressort des déclarations du gouvernement que de telles consultations seraient également plus efficaces en matière de conventions internationales du travail si elles étaient menées par secteur d'activité économique ou autour de thèmes particuliers fixés au préalable.
  647. 420. Par ailleurs, le gouvernement a indiqué dans la même communication que, compte tenu de la seconde discussion de la révision de la convention (no 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957, à la Conférence internationale du Travail, il avait organisé un séminaire national tripartite sur ce thème, auquel avaient été invités le COSEP, l'UNAG et les organisations syndicales les plus représentatives du pays. Malheureusement, le COSEP n'y avait pas participé bien qu'il ait été invité à temps. Selon le gouvernement, c'est l'attitude intransigeante du COSEP (voir le chapitre précédent) qui l'a conduit à ne pas participer aux consultations sur les normes internationales du travai (Note 51).
  648. 421. Par communication du 24 août 1989, l'OIE a fait des observations sur les réponses précédentes du gouvernement et a signalé, au sujet des consultations tripartites relatives à la convention no 107, que ce n'est pas le gouvernement mais le BIT qui a organisé - et préparé longtemps à l'avance avec le ministre du Travail - la consultation du 8 au 10 mai 1989 sur la révision de la convention. Le gouvernement, à la demande du BIT, a invité le COSEP, par une lettre du mardi 2 mai remise directement au COSEP le vendredi 5 mai à 16 h 30, lui laissant à peine 24 heures, le lundi 8 mai, pour trouver un participant compétent dans un domaine spécialisé et controversé, ce qui, en l'occurrence, n'a pas été possible (Note 52).
  649. 422. Lors du séjour de la commission au Nicaragua, les dirigeants du COSEP ont déclaré à la commission qu'ils n'avaient jamais été consultés au sujet de la convention no 144. Pourtant, les anciens responsables du ministère du Travail ont déclaré que le gouvernement avait envoyé les questionnaires du premier rapport préparatoire sur une convention de l'OIT aux diverses centrales pour observations, mais que nombre d'entre elles n'avaient pas répondu. S'agissant du COSEP, son secrétariat a indiqué au ministère que ces observations avaient été envoyées à l'OIE pour être transmises au BIT.
  650. 423. Par ailleurs, les anciens responsables du ministère ont déclaré qu'ils avaient interprété de façon large la convention no 144, en ce sens que les commissions tripartites (agricole et industrielle) avaient examiné, à titre consultatif, les questions du travail régies par une convention de l'OIT. C'est ainsi qu'on avait procédé par exemple pour les questions d'hygiène et de sécurité.
  651. 424. Le secrétaire exécutif du COSEP a rappelé à la commission, lors de sa seconde visite dans le pays, que son organisation n'avait pas été consultée par le gouvernement sandiniste au sujet de la convention no 144 et qu'elle avait reçu seulement une invitation pour la révision de la convention (no 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957, peu avant le début de la réunion. Le COSEP n'avait reçu ni copie des rapports dus par le gouvernement en vertu de l'article 22 de la Constitution, ni les questionnaires préparatoires à une convention ou une recommandation.
  652. IV. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
  653. CHAPITRE 13
  654. CONCLUSIONS
  655. Considérations préliminaires: particularités de l'enquête
  656. 425. Conformément à la procédure établie par la Constitution de l'OIT (article 28), la commission doit formuler ses conclusions en indiquant le résultat de ses enquêtes sur les faits examinés, ce dans le cadre de son mandat (voir, en particulier, le paragraphe 151), et exposer ensuite ses recommandations sur les mesures qu'il conviendrait d'adopter à cet égard.
  657. 426. Avant de commencer, la commission estime opportun d'appeler l'attention sur le caractère particulier du cas qui lui est présenté. Il s'agit en effet d'une affaire dans laquelle la plainte et les autres allégations se réfèrent à un gouvernement qui a perdu le pouvoir pendant le déroulement de l'enquête et qu'un autre, d'une tendance politique toute différente, l'a remplacé. La situation a changé à un point tel que les positions respectives des intéressés - gouvernement, organisations d'employeurs et de travailleurs - se sont inversées. Le parti qui était au pouvoir, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN), se trouve maintenant dans l'opposition (après avoir été évincé à la suite des élections générales du 25 février 1990), ainsi que les organisations syndicales qui le soutenaient. En revanche, les principaux courants politiques de l'ancienne opposition sont entrés dans le nouveau gouvernement, lequel a reçu l'appui du COSEP (organisation d'employeurs dont les dirigeants avaient eu de graves problèmes sous le gouvernement sandiniste) et des syndicats qui s'étaient plaints de discrimination et de persécutions perpétrées par l'ancien gouvernement.
  658. 427. C'est dans ce contexte que la commission a recueilli ses informations sur les questions qui étaient en instance devant le Comité de la liberté syndicale lorsqu'elle a été désignée par le Conseil d'administration, ainsi que sur l'évolution ultérieure de la situation. Cette évolution vise le gouvernement sandiniste comme le gouvernement actuel, et porte sur l'application des conventions nos 87, 98 et 144.
  659. 428. Le changement de gouvernement a eu des incidences sur la collecte des informations. Au ministère du Travail par exemple, la documentation relative à la période antérieure faisait défaut. Pour réunir les informations pertinentes concernant cette période et pour apprécier la position du gouvernement sandiniste à cet égard, la commission s'est entretenue aussi avec les autorités du travail de ce gouvernement et elle a procédé de même pour les expropriations de dirigeants employeurs dans le cadre de la réforme agraire; pour les questions d'ordre interne, elle a rencontré le chef actuel de la police, qui avait été vice-ministre de l'Intérieur sous le gouvernement du FSLN.
  660. 429. La commission regrette de n'avoir pu rencontrer les dirigeants de diverses organisations syndicales et autres témoins nommés dans les plaintes, vu qu'ils ne se sont pas présentés au rendez-vous fixé.
  661. 430. Une autre observation que la commission souhaite formuler vise l'obtention d'informations sur les lois en vigueur dans les domaines du travail et des libertés civiles. Les changements apportés à la législation ont été parfois brutaux et hésitants, ce qui semble avoir laissé planer un certain degré de doute sur la validité ou la caducité des dispositions applicables en ces matières. A plusieurs reprises, la commission a entendu des opinions contradictoires de la part de personnes intéressées, y compris les autorités antérieures et actuelles.
  662. 431. Enfin, la commission souhaite exprimer sa reconnaissance aux autorités pour les facilités qu'elles ont bien voulu lui accorder dans le pays pour lui permettre de mener à bien son enquête. La commission reconnaît les difficultés qui se sont présentées lors de sa première visite en raison de la grève générale déclenchée à cette époque. Le gouvernement a permis à tout moment à la commission, au cours des deux visites effectuées, de s'acquitter de son mandat en toute liberté et, lorsque cela était possible, a offert sa collaboration pour le déroulement du calendrier des entrevues.
  663. 432. La commission remercie enfin le bureau du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à Managua pour l'appui et l'aide matérielle qu'elle en a reçus lors du déroulement de ses travaux.
  664. Les libertés civiles et leurs relations avec les droits syndicaux
  665. 433. Nombreuses sont les plaintes examinées par le Comité de la liberté syndicale (et que citent aussi les auteurs de la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution) qui visent l'exercice des libertés civiles en relation avec la jouissance effective des droits syndicaux. Certaines de ces questions en instance devant le comité au moment de la désignation de la commission, et dont la mission d'étude effectuée en septembre-octobre 1988 s'était occupée en détail, visaient les garanties judiciaires, dans le cas de la détention de syndicalistes et du directeur d'un organe annexe du COSEP, ainsi que la liberté d'expression et les droits de manifestation et de réunion.
  666. 434. Le gouvernement sandiniste a invoqué à plusieurs reprises l'agression extérieure dirigée contre son pays pour expliquer et justifier les mesures prises pour protéger et garantir la sécurité de l'Etat.
  667. 435. L'exercice des libertés civiles en matière syndicale doit s'évaluer par rapport aux règles énoncées à l'article 3 de la convention no 87. C'est en relation avec cette norme que le respect de certains droits fondamentaux de la personne humaine prend toute son importance pour la vie syndicale. L'article précité dispose, d'une part, que les organisations d'employeurs et de travailleurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leur programme d'action; et, d'autre part, que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
  668. 436. L'intervention des autorités peut se faire par des textes législatifs ou des actes touchant à certaines libertés civiles dont l'absence "enlève toute signification au concept des droits syndicaux", comme le dit la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail de 1970. Cette résolution, invoquée continuellement par les organes de contrôle de l'OIT pour le règlement de ce genre d'affaires, reconnaît que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs se fondent sur le respect des libertés civiles énumérées, notamment dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ratifié par le Nicaragua). D'après la résolution, sont particulièrement indispensables à l'exercice de la liberté syndicale les droits suivants: a) le droit à la liberté et à la sûreté de la personne ainsi qu'à la protection contre les arrestations et les détentions arbitraires; b) la liberté d'opinion et d'expression, et en particulier le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit; c) la liberté de réunion; d) le droit à un jugement équitable par un tribunal indépendant et impartial; e) le droit à la protection des biens des syndicats.
  669. 437. Les garanties judiciaires, dans les cas traités par le Comité de la liberté syndicale, visent précisément le fonctionnement des tribunaux populaires antisomozistes, la loi sur les pouvoirs juridictionnels de la police, le Code de la police et le Code d'instruction criminelle. Les tribunaux populaires antisomozistes ont été supprimés en janvier 1988 lorsque l'état d'urgence a été définitivement levé au Nicaragua. De nombreuses critiques ont été formulées au sujet de ces tribunaux et de leurs procédures qui n'offraient pas les garanties d'un organe judiciaire indépendant (voir le chapitre 8). Par la suite, à sa réunion de novembre 1988, le comité a conclu, en se référant aux autres textes en vigueur, que le gouvernement devait mettre à profit le processus de paix commencé au Nicaragua pour adopter une législation élargissant les garanties judiciaires.
  670. 438. La loi sur les pouvoirs judiciaires de la police sandiniste a été adoptée au début de la décennie quatre-vingt et a créé la fonction de juge instructeur de police. En octobre 1989, cette loi a été transformée en loi sur les fonctions de la police sandiniste (en vigueur actuellement). Avec ce changement, disparaît en particulier la fonction de juge instructeur, mais les fonctions d'investigation continuent d'être exercées par les départements d'instruction existant dans chacune des unités de la police. Tout détenu devra, dans un délai maximum de soixante-douze heures, être mis à la disposition du chef des enquêtes de police qui pourra le remettre en liberté ou décerner contre lui un mandat d'arrêt pour une durée maximum de six jours.
  671. 439. La procédure n'ayant pas beaucoup changé par rapport à la situation antérieure, l'Assemblée nationale, en septembre de l'année en cours (au moment de la seconde visite de la commission au Nicaragua), envisageait une réforme de la loi tendant à réduire la durée de détention, à hâter l'intervention de la police et à laisser l'instruction à la justice.
  672. 440. S'agissant du Code d'instruction criminelle, qui date de 1872, certains parlementaires de l'Assemblée nationale pensent à le modifier et même à rétablir les jugements avec jury.
  673. 441. Pour ce qui a trait aux détentions de syndicalistes, les cas en instance devant le Comité de la liberté syndicale concernaient des membres de la Centrale d'unité syndicale (CUS), de l'Union des paysans de Posoltega et du Syndicat de l'entreprise nationale d'autobus (ENABUS). L'ancien gouvernement avait fourni des informations sur ces personnes en octobre et en novembre 1989. Plusieurs d'entre elles, d'après le gouvernement, n'avaient jamais été arrêtées, d'autres (trois en 1986 et une en 1989 (sic)) l'avaient été pour avoir collaboré avec des bandes armées, et ont été ensuite amnistiées, graciées ou simplement libérées. Les dirigeants du syndicat de l'ENABUS, condamnés en 1983 à plusieurs années de prison pour sabotage et à propos desquels le comité avait demandé une réduction de peine ou l'adoption d'une mesure de grâce, ont aussi été remis en liberté.
  674. 442. Le 13 mars 1990, le gouvernement sandiniste a adopté la loi no 81 d'amnistie générale et de réconciliation nationale "conformément aux accords signés par les chefs d'Etat d'Amérique centrale et à l'accord avec les forces politiques du Nicaragua afin de parvenir à la réconciliation nationale". Cette loi a été remplacée le 10 mai 1990, sous le nouveau gouvernement, par la loi d'amnistie no 100. D'après les explications données à la commission par le ministre du Travail, cette loi - qui accorde, largement et sans conditions, l'amnistie pour tous les délits politiques et les délits de droit commun connexes commis par des Nicaraguayens - a une portée telle qu'il n'existe aucun détenu qui ne soit concerné, et les syndicalistes qui avaient été arrêtés sous le régime sandiniste jouissent d'une liberté totale.
  675. 443. En réalité, selon diverses informations parvenues à la commission durant sa visite dans le pays, il semblerait qu'il n'y ait eu aucun syndicaliste détenu pour des raisons syndicales au moment de l'adoption des lois d'amnistie. Ces dernières, en effet, ont été précédées par des grâces ou autres mesures similaires dont ont effectivement bénéficié les syndicalistes. Dans tous les cas, les lois d'amnistie permettaient à tout syndicaliste qui serait resté en prison à cette époque de recouvrer la liberté. De plus, la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics, qui a motivé la détention de dirigeants employeurs et de travailleurs sous le régime sandiniste, avait été peu appliquée en 1989 avant d'être abrogée le 30 octobre de cette même année. Dans les derniers moments du régime, selon les commentaires recueillis, le processus de classification créé sous l'impulsion des accords des chefs d'Etat d'Amérique centrale a eu une influence certaine.
  676. 444. M. Mario Alegría Castillo, directeur de l'Institut nicaraguayen d'études économiques et sociales (INIESEP) (lié au COSEP), avait été condamné en juin 1988 en première instance à seize ans de prison par un juge du tribunal criminel du district de Managua, sous l'inculpation d'avoir divulgué des informations officielles confidentielles et secrètes, et d'avoir violé ainsi la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics et le Code pénal. L'information était de caractère économique et, d'après le Comité de la liberté syndicale, M. Alegría, dans le cadre de ses fonctions professionnelles - consistant à réaliser des enquêtes et des études de cette nature - devait disposer d'informations pour mener à bien ses travaux. La sentence, prononcée par un ex-juge des tribunaux populaires antisomozistes, a été contestée en raison de la preuve sur laquelle repose la condamnation (des aveux faits par l'intéressé devant une caméra vidéo dans sa cellule). Le 28 avril 1989, la Cour d'appel de la région III (Managua) révoquait la sentence et déclarait M. Alegría innocent.
  677. 445. Devant le Comité de la liberté syndicale, les parties plaignantes ont estimé que le COSEP, l'INIESEP et M. Alegría devaient être indemnisés pour le préjudice moral et matériel subi en vertu de l'article 9.5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Nicaragua est partie. Le comité a déclaré qu'il espérait que toute demande d'indemnisation présentée par l'intéressé serait examinée conformément à cette disposition (Note 53).
  678. 446. L'article précité dispose que toute personne illégalement condamnée ou arrêtée a le droit d'obtenir réparation.
  679. 447. Selon les informations fournies à la commission au cours de sa rencontre avec des magistrats de la Cour suprême, la législation du Nicaragua n'a prévu aucune indemnisation en la matière, pas plus que les tribunaux n'ont eu à connaître de cas pouvant faire jurisprudence à cet égard.
  680. 448. La liberté d'expression a fait l'objet de plusieurs plaintes devant le Comité de la liberté syndicale car les limitations imposées par la législation visaient aussi les organisations d'employeurs et de travailleurs. Pendant presque toute la durée du régime sandiniste, c'était la loi générale provisoire sur les moyens de communication de 1979 qui était en vigueur avec des modifications introduites en 1980 et 1981. En avril 1989, fut adopté un nouveau texte: la loi sur les moyens de communication sociale. Le comité a déploré que le ministre de l'Intérieur y ait conservé la faculté de suspendre provisoirement les organes de presse.
  681. 449. Cette dernière loi a été modifiée et la tutelle, pour les questions liées à la campagne électorale, en a été confiée au Conseil suprême électoral. Plus tard, le gouvernement sandiniste, en promulguant la loi no 78 du 12 mars 1990, l'a abrogée, ainsi que sa révision (loi no 64 du 29 septembre 1989) et le décret no 511 portant réglementation des informations sur la sécurité interne et la défense nationale.
  682. 450. Des informations recueillies par la commission, il ressort que la loi sur les moyens de communication sociale n'a pas été appliquée en 1989, même si elle a constitué une menace constante. Plus tard, les appels à la négociation de paix ont fait que le droit d'expression a été à nouveau respecté et, à l'heure actuelle, il n'existe aucune loi en la matière. La liberté qui existe en ce domaine est large, comme a pu le constater la commission elle-même au cours de ses visites.
  683. 451. Enfin, le droit de réunion dont l'exercice, selon les dires de certaines organisations syndicales à la mission d'étude, se heurtait à des difficultés pratiques était régi lui aussi par la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics, ainsi que par certaines réglementations considérées comme dépassées par les autorités. On a vu que cette loi n'a guère été appliquée en 1989.
  684. 452. D'après le chef de la police, les réunions publiques sont soumises à une demande d'autorisation préalable, qui est actuellement accordée sans difficulté. Cette exigence ne s'applique pas aux réunions tenues dans des locaux privés.
  685. 453. A la lumière de tout ce qui précède, il apparaît que dans de nombreux cas examinés par le Comité de la liberté syndicale (dont certains étaient toujours en instance) il y a eu violation de l'article 3 de la convention no 87 du fait que n'ont pas été respectées des libertés civiles essentielles à l'exercice des droits syndicaux, en particulier la liberté et la sécurité des personnes, les garanties judiciaires et la liberté d'expression, avec toutes leurs conséquences. Cependant, pendant la dernière année du régime sandiniste, la situation avait évolué s'agissant de la législation comme de la pratique. Les accords signés par les chefs d'Etat d'Amérique centrale ont largement pesé sur cette amélioration puisqu'ils ont entraîné l'abrogation par le gouvernement sandiniste de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics et de la loi sur les moyens de communication sociale (qui avaient déjà cessé d'être appliquées, même si elles étaient encore considérées comme une menace dans certains milieux de l'opposition), et l'adoption de la loi d'amnistie générale et de réconciliation générale (que le gouvernement de Mme Violeta Barrios de Chamorro devait remplacer par la loi d'amnistie, de très large portée). Les lois sur l'ordre public et les moyens de communication sociale n'ont pas été remplacées par le nouveau gouvernement après leur abrogation, mais l'Assemblée nationale envisageait de réviser la loi sur les pouvoirs de la police sandiniste, en vue d'accroître les garanties accordées aux personnes arrêtées et de renforcer la compétence du pouvoir judiciaire pendant l'instruction.
  686. 454. Dans ces conditions, la commission souhaite formuler, au sujet des diverses questions en instance, une première conclusion qui vise les détentions et condamnations de certains syndicalistes et du directeur de l'INISIEP, organe lié au COSEP: la commission estime - compte tenu des procédures policières et judiciaires de l'époque à laquelle les premiers ont été arrêtés et condamnés et des circonstances dans lesquelles le second a été condamné - que les intéressés n'ont pas bénéficié des garanties judiciaires nécessaires pour leur assurer un procès régulier. Une seconde conclusion vise la période plus récente à laquelle se rapporte la documentation sur les libertés civiles qui a été examinée: les divers éléments disponibles permettent d'affirmer que s'est manifestée une évolution positive en fait et en droit, créant ainsi un cadre favorable au respect croissant des libertés civiles qui sont essentielles à l'exercice des droits syndicaux énoncés à l'article 3 de la convention no 87.
  687. Expropriation de dirigeants employeurs
  688. 455. La commission tient d'abord à préciser qu'elle s'occupe de cette question uniquement dans la mesure où l'expropriation dans le cadre de la réforme agraire aurait pu constituer une discrimination ou une sanction contre les personnes visées à cause de leurs fonctions ou de leur activité de dirigeants d'une organisation d'employeurs. Il s'agirait alors d'une violation de l'article 3 de la convention no 87 (intervention des pouvoirs publics de nature à limiter le droit énoncé dans cet article ou à en entraver l'exercice légal). Les dispositions de cet article s'appliquent aussi aux fédérations et aux confédérations (article 6).
  689. 456. Les expropriations dont s'est occupé le Comité de la liberté syndicale concernent, d'une part, une première période jusqu'à 1985 durant laquelle plusieurs dirigeants du COSEP et d'organisations affiliées ont été lésés et sur laquelle la mission d'étude réalisée en 1988 a fourni des informations; et, d'autre part, les expropriations effectuées en juillet 1988 et en juin 1989 sur lesquelles le gouvernement n'avait pas envoyé d'informations lors du dernier examen, par le comité, des diverses allégations en instance dans les cas relatifs au Nicaragua (novembre 1989). Le comité restait saisi de ces deux questions.
  690. 457. Les allégations relatives aux premières expropriations visent en particulier MM. Enrique Bolaños, alors président du COSEP, Ramiro Gurdián, vice-président du COSEP, Benjamín Lanzas, vice-président du COSEP, et Arnoldo Alemán Lacayo, président de l'Association des producteurs de café et vice-président de l'Union des producteurs agricoles et éleveurs du Nicaragua. Lors de son entrevue avec ceux-ci, la commission a été informée des motifs qui, dans chaque cas, ont donné lieu à des expropriations: fonction de dirigeant employeur ou bien déclarations ou attitudes critiques à l'encontre du gouvernement. Le COSEP aurait été en effet la seule organisation qui présentait une opposition monolithique au gouvernement. Le caractère discriminatoire résulterait aussi de la forme de l'expropriation, celle-ci consistant en mesures individuelles dirigées spécialement contre les intéressés. En son temps, le gouvernement sandiniste avait indiqué au contraire que les expropriations résultaient des impératifs de la réforme agraire instituée par la loi en 1981.
  691. 458. Dans le cas particulier de M. Enrique Bolaños, celui-ci a indiqué à la commission que sa propriété a été la seule à être amputée (exception faite de celle d'une autre personne) d'une fraction considérable déclarée zone expropriable par le gouvernement. Selon l'ex-ministre du Développement agricole et de la Réforme agraire, l'expropriation s'est faite sous la pression des petits propriétaires de la région (la propriété de M. Bolaños se trouvait dans une zone de petites propriétés) et en vertu d'une disposition de la loi qui permettait l'adoption d'une telle mesure dans les cas de cette nature (voir le chapitre 9). Si les autres propriétaires n'ont pas été expropriés de la zone, c'est parce qu'ils auraient consenti à se séparer de leurs terres moyennant compensation. L'ancien ministre a affirmé que M. Bolaños n'a pas voulu négocier.
  692. 459. Pour M. Gurdián, alors président de l'UPANIC, l'expropriation de son fonds a été annoncée dans un discours du vice-président du Nicaragua qui l'accusait d'antipatriotisme. L'ex-ministre a confirmé à la commission que cette annonce s'est concrétisée ensuite par un décret spécial et ne résultait pas de l'occupation de la propriété par les paysans (ainsi que le gouvernement l'avait fait savoir antérieurement au comité et à la mission d'étude).
  693. 460. Les expropriations les plus récentes visaient, en juillet 1988, M. José María Briones et, en juin 1989, MM. Arnoldo Alemán Lacayo, président de l'UNCAFENIC, ainsi que Nicolás Bolaños et Gilberto Cuadra Somarriba, dirigeants de cette même organisation et de l'Association des producteurs de café de Matagalpa. M. Briones a été exproprié le jour qui a suivi la réunion préparatoire de l'assemblée générale du COSEP dont il aurait été l'hôte. Les autres expropriations ont eu lieu immédiatement après une réunion de l'UNCAFENIC au cours de laquelle la politique du gouvernement en matière de café avait été vivement critiquée. Les expropriations de 1989 ont eu lieu après que le Président de la République eut déclaré, le 30 janvier de cette année-là, qu'il n'y aurait plus de confiscations.
  694. 461. D'après une observation que l'ancien ministre a faite à la commission, les "confiscations" ne concernaient que les propriétaires absents ou passés aux "contras". Les "expropriations" au titre de la réforme agraire restaient possibles, mais la période d'affectation des propriétés avait pris fin en 1986-87.
  695. 462. La commission, dans le cadre de son mandat, a accordé une attention spéciale à tout élément d'information qui lui permettait de se faire une opinion sur les motifs des expropriations et sur leur éventuel caractère discriminatoire ou punitif allégué par les plaignants.
  696. 463. Par exemple, l'expropriation de M. Enrique Bolaños a été qualifiée de manifestement politique par le directeur de la Commission permanente des droits de l'homme, organisation hostile au gouvernement sandiniste; mais ce fut aussi l'avis des dirigeants de l'UNAG, association proche du sandinisme qui a jugé cette expropriation abusive. De leur côté, les fonctionnaires de l'Institut national de la réforme agraire ont déclaré que ce cas avait reçu une grande publicité en raison de l'importance politique de M. Bolaños, ennemi irréconciliable du gouvernement sandiniste. D'après toutes ces déclarations, l'opinion générale de cette époque semblait donner à cette affaire un caractère politique. Au contraire, pour l'ex-ministre du Développement et de la Réforme agraire, la mesure, en l'occurrence, n'était pas motivée par des raisons politiques, l'intéressé n'ayant été exproprié d'aucune autre terre parmi celles qu'il possède.
  697. 464. Plus généralement, les fonctionnaires de l'institut précité (le vice-ministre de l'Institut de la réforme agraire avait déjà été fonctionnaire sous le gouvernement sandiniste) ont fait remarquer que parmi toutes les expropriations, qui avaient touché un grand nombre de personnes, il y en avait eu d'injustes et d'illégales; or quand les expropriations touchaient les dirigeants du COSEP elles étaient largement diffusées, ce qui ne se produisait pas dans les autres cas motivés, eux, par l'esprit de revanche, l'arbitraire, etc.
  698. 465. L'ancien ministre a admis qu'il y avait eu des erreurs dans les expropriations et qu'en ce qui concerne d'autres dirigeants du COSEP et de ses organisations, il était possible que, dans le cadre de raisons objectives aux expropriations effectuées, la motivation en eût été principalement politique.
  699. 466. Tenant compte de ces éléments divers ainsi que des circonstances spéciales et révélatrices qui ont entouré les expropriations des dirigeants précités, la commission estime que les décisions prises ont été plus ou moins influencées selon le cas par le fait que les personnes en question étaient des dirigeants patronaux très hostiles au gouvernement, adoptaient des positions critiques à son égard et collaboraient étroitement avec leurs organisations. Cela n'empêche pas qu'il existât des causes objectives prévues par la loi pour justifier officiellement les expropriations. Mais, même dans ces cas, le facteur discriminatoire paraît avoir été décisif. C'est en ce sens que le gouvernement n'a pas respecté l'article 3 de la convention no 87.
  700. 467. Le Comité de la liberté syndicale avait conclu, lors de l'examen des premières expropriations, que ces mesures avaient frappé surtout les dirigeants et les membres du COSEP, que les dispositions relatives à l'indemnisation devaient être réexaminées à l'effet d'accorder une véritable et juste compensation pour les pertes subies par les propriétaires, et qu'il convenait aussi de réexaminer les demandes d'indemnisation des personnes qui s'estimaient lésées (Note 54).
  701. 468. Or d'après les informations que la commission a pu obtenir, les terres expropriées ont été rendues par le gouvernement sandiniste à MM. Gurdián, Alemán Lacayo, Nicolás Bolaños et Cuadra Somarriba. La situation concernant MM. Lanzas et Briones n'a pu être éclaircie. Toutefois, d'après l'ancien ministre du Développement et de la Réforme agraire, il a été impossible de restituer la propriété de M. Enrique Bolaños, celle-ci ayant été remise aux paysans dans une région excessivement peuplée.
  702. 469. La commission note que ce genre de situation entre dans les compétences de la Commission nationale de la révision créée par le décret-loi no 11-90 relatif à la révision des confiscations. En outre, conformément à cette disposition, si les terres ne peuvent être restituées pour les motifs énoncés, une indemnisation devra être versée, laquelle au lieu d'être effectuée en bons - selon la loi de la réforme agraire - donnera lieu à un paiement en córdobas or. La commission estime que les dispositions de cette législation correspondent dans une large mesure aux conclusions précitées du Comité de la liberté syndicale.
  703. Législation et pratique en matière syndicale
  704. Reconnaissance du droit d'association des employeurs
  705. 470. Dans la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution, il est allégué que la nouvelle Constitution du Nicaragua, adoptée en 1987, dénie implicitement le droit d'association aux employeurs, alors que ce droit est reconnu aux autres catégories de personnes, violant ainsi l'article 2 et le paragraphe 2 de l'article 8 de la convention no 87.
  706. 471. La commission note que l'article 49 de la Constitution omet effectivement toute référence explicite aux employeurs en ce qui concerne le droit de constituer des organisations, alors qu'il mentionne, en plus des travailleurs, les professions libérales et assimilées, les producteurs agricoles et d'élevage et la population en général. La commission a cherché à déterminer les incidences effectives de la situation à cet égard.
  707. 472. En ce qui concerne la législation en vigueur, le Code du travail s'applique aussi bien aux organisations d'employeurs qu'aux syndicats de travailleurs. L'article 188 énonce de manière générale que l'Etat garantit la libre constitution et le fonctionnement des associations syndicales pour la défense des intérêts professionnels et la promotion sociale, économique et culturelle de leurs membres. L'article 189 prévoit en outre le nombre minimum d'affiliés exigé pour constituer un syndicat de travailleurs ou une organisation d'employeurs. Le règlement des associations syndicales compte les associations patronales au nombre de celles-ci et fait expressément mention des syndicats patronaux dans le classement des syndicats selon la qualité de leurs adhérents (article 5). Ces dispositions ont été abrogées à la veille du changement de régime par la loi no 97 modifiant et complétant le Code du travail, et réintroduites par le nouveau gouvernement dans la loi no 102 portant modification de la précédente. Il convient de signaler que la loi no 97 ne traitait que du droit syndical des travailleurs et non de celui des employeurs.
  708. 473. En ce qui concerne la situation de fait, les dirigeants du COSEP ont informé la commission qu'il n'y a jamais eu en réalité de problèmes juridiques pour l'organisation des employeurs. Quant au COSEP lui-même, d'après le ministre du Travail, il ne serait pas considéré comme un syndicat. Les chambres et associations d'employeurs sont régies par des règles autres que celles des syndicats. Des informations disponibles, il ressort que ces organisations seraient régies par la loi de 1983 sur les associations et le registre central des personnes morales et par la loi de 1934 sur les chambres de commerce devenue, après modification en 1965, loi relative aux chambres de commerce, d'industrie et d'agriculture.
  709. 474. Les dirigeants du COSEP ont indiqué que cette organisation et diverses chambres patronales ne possèdent pas la personnalité juridique et que, dans le cas du COSEP, cela tenait à une décision délibérée, prise pour ne pas courir le risque de la perdre. La commission note que, conformément à la loi de 1983 précitée, c'est le Conseil d'Etat (un organe politique) qui, dans des cas précis (par exemple lorsqu'il juge que la sécurité de l'Etat est en danger), peut annuler la personnalité juridique. Le Conseil d'Etat a été dissous par la suite.
  710. 475. De son côté, l'UNAG, qui regroupe des coopératives et représente également des employeurs, possède la personnalité juridique.
  711. 476. De ces éléments, il ressort que, si la Constitution de 1987 ne mentionne pas explicitement les employeurs à propos du droit de constituer des organisations, elle ne les prive pas pour autant du droit d'association qui peut être exercé conformément aux dispositions du Code du travail et au règlement des associations syndicales ou conformément aux lois de 1934 et 1983 sur les chambres et associations, et cela sans jouir de la personnalité juridique. En ce sens, la commission estime que l'article 2 et le paragraphe 2 de l'article 8 de la convention no 87 n'ont pas été violés.
  712. 477. Cela n'empêche pas qu'en temps opportun l'on garantisse expressément, au niveau constitutionnel, le droit des employeurs de constituer leurs organisations afin de promouvoir et de défendre leurs intérêts respectifs et de les mettre ainsi sur un pied d'égalité avec les travailleurs.
  713. Reconnaissance du droit, pour les fonctionnaires et autres catégories de travailleurs, de se syndiquer
  714. 478. Il sera traité ici d'une question soulevée par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, question qui reste en instance depuis de nombreuses années, car il s'agit d'une violation de l'article 2 de la convention qui reconnaît le droit syndical à tous les travailleurs "sans distinction d'aucune sorte". Les fonctionnaires comme les travailleurs indépendants et ceux des ateliers familiaux sont, au Nicaragua, exclus du Code du travail et ne jouissent donc pas des droits syndicaux prévus par cet article.
  715. 479. Il convient d'abord de clarifier la notion de fonctionnaire de l'Etat. Selon les explications du ministre du Travail, ce terme désigne uniquement les directeurs du secteur public, c'est-à-dire une catégorie très réduite de serviteurs de l'Etat. Tous les autres travailleurs au service de l'Etat, qu'ils soient ouvriers ou employés (ces derniers sauf disposition contraire de la loi de la fonction publique), sont couverts par le Code (article 187).
  716. 480. Quand, vers la fin du gouvernement sandiniste, fut adoptée la loi no 70 relative à la fonction publique et à la carrière administrative, les fonctionnaires et les employés des administrations publiques (administration centrale et locale, organismes autonomes et certaines autres institutions) et le personnel administratif des entreprises publiques ont été incorporés au personnel visé par cette nouvelle loi. La situation était moins claire en ce qui concerne les ouvriers de ces entreprises, qui semblaient toujours relever du Code du travail. Peu de temps après, la loi no 97 modifiant et complétant le Code du travail l'a amputé de l'article 187 précité, qui aurait confirmé l'incorporation des employés et des ouvriers de l'Etat aux personnes visées par la loi no 70.
  717. 481. Comme cette loi reconnaissait à tous les travailleurs de la fonction publique qu'elle visait (dont les fonctionnaires, à l'exception de ceux ayant des attributions très spéciales) le droit de s'organiser en syndicats, le problème soulevé par l'article 2 de la convention était résolu pour cette catégorie réduite de hauts fonctionnaires exclus du Code.
  718. 482. Cependant, avec l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement (qui devait ensuite étendre les exceptions précitées), l'application de la loi no 70 était suspendue et la loi no 102 (portant modification de la loi no 97) remettait en vigueur l'article 187 du Code. On se trouve ramené - pour l'instant - à la situation antérieure dans laquelle sont seuls privés du droit d'organisation uniquement les fonctionnaires précités. Dans la pratique, les travailleurs du secteur public se sont regroupés surtout dans l'Union nationale des employés, la Fédération des travailleurs de la santé et l'Association nationale des enseignants, lesquelles possèdent la personnalité juridique, concluent des conventions collectives et ont recours à la grève. Telle était encore la situation lors de la visite de la commission (pour ce qui est de la négociation collective, voir plus loin).
  719. 483. Pour ce qui est des travailleurs indépendants, selon les informations fournies à la commission, les ruraux sont dans leur majorité des temporaires regroupés dans l'Association des travailleurs agricoles. Cette catégorie de travailleurs, comme les autres travailleurs indépendants ou familiaux, reste privée du droit d'organisation selon le Code. S'agissant de cette main-d'oeuvre et des fonctionnaires (au sens limité du terme) et hormis la période pendant laquelle la loi no 70 était en vigueur, la commission ne peut que confirmer l'observation de la commission d'experts relative à l'article 2 de la convention no 87.
  720. Constitution d'organisations syndicales
  721. 484. La commission se propose d'examiner ici deux questions distinctes, bien que liées, concernant le droit des travailleurs de constituer sans autorisation préalable des organisations de leur choix (article 2 de la convention no 87).
  722. 485. La première question a fait l'objet d'une observation de la commission d'experts relative à l'article 189 du Code du travail; selon cet article, il fallait pour constituer un syndicat être soutenu par la majorité absolue des travailleurs de l'entreprise ou du centre de travail. Ainsi se trouvait légalement établi un système de syndicat unique d'entreprise, lequel s'écarte du principe de libre constitution des syndicats énoncé à l'article 2 de la convention.
  723. 486. Ainsi que l'ont fait savoir à maintes reprises les organes de contrôle de l'OIT, ce principe n'a pas pour objet de privilégier la thèse de l'unité syndicale ou celle du pluralisme syndical, pas plus que la convention ne vise à rendre obligatoire le pluralisme syndical, mais il en implique la possibilité dans tous les cas. Il existe une différence entre l'unité syndicale de fait, dans laquelle les travailleurs ou leurs syndicats se regroupent volontairement en une organisation unique, et le monopole syndical institué ou maintenu par la loi. Seule l'unité syndicale imposée directement ou indirectement par la loi est contraire à la convention (Note 55).
  724. 487. L'adoption de la loi no 97 modifiant le Code a changé cette situation. Le nouveau libellé donné par cette loi à l'article 23 du Code prévoyait en effet la possibilité qu'il existât plus d'une organisation habilitée à négocier une convention collective (à l'intérieur ou à l'extérieur de l'entreprise) et, à cet effet, reconnaissait à toutes les organisations les plus représentatives existant dans le cadre de la convention le droit de participer à la négociation en fonction de leur représentativité. L'article 200 du Code, selon la nouvelle version de la loi no 97, confirmait la possibilité de l'existence de plus d'un syndicat dans chaque centre de travail ou organisme, mais accordait la représentation des travailleurs à celle qui avait le plus grand nombre d'adhérents. De même, l'article 202 énonçait que l'organisation syndicale la plus représentative aurait la prérogative de négocier collectivement.
  725. 488. L'apparente contradiction entre ces dispositions (négociation par la ou les organisations les plus représentatives) a été éliminée lorsque la loi no 102 a abrogé le chapitre sur les syndicats de la loi no 97 qui contenait les articles 200 et 202.
  726. 489. En revanche, la loi no 102 du nouveau gouvernement n'a pas modifié l'article 23 précité. Le ministre du Travail a confirmé à la commission que l'article 23 du Code prévoit la possibilité que plusieurs syndicats coexistent dans une seule et même entreprise, ce qui constitue un élément positif du point de vue du pluralisme syndical et de la démocratie.
  727. 490. La commission considère donc que l'article 189 du Code, examiné par la commission d'experts, se trouve implicitement modifié par le nouvel article 23 dudit Code introduit par la loi no 97, et qu'il n'est plus en contradiction avec l'article 2 de la convention.
  728. 491. La seconde question vise toute intervention des autorités de nature à favoriser la création d'organisations de tendance déterminée ou à gêner l'enregistrement d'autres organisations. Des problèmes de ce genre ont déjà été examinés par la mission d'étude en 1988 sous le régime sandiniste (voir le chapitre 10). A cette époque, c'étaient les syndicats de l'opposition qui se plaignaient de cette situation, et le gouvernement qui niait les faits allégués et fournissait des explications. La plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution reprenait ces allégations en indiquant que les organisations indépendantes de travailleurs n'avaient pas été reconnues tant que des plaintes n'avaient pas été déposées au BIT. A l'heure actuelle, les positions sont inversées: les plaignants sont les syndicats sandinistes et le Front ouvrier, entendus par la commission. Le ministère du Travail encouragerait la création de syndicats non sandinistes qui n'auraient pas l'appui des travailleurs, imposerait leur reconnaissance par l'employeur au détriment des syndicats sandinistes, faciliterait l'enregistrement des premiers et gênerait celui des autres. Environ 90 pour cent des demandes d'enregistrement en instance proviendraient de syndicats sandinistes.
  729. 492. De leur côté, le ministre du Travail et la directrice des associations syndicales de ce ministère ont nié que l'enregistrement de syndicats sandinistes avait été gêné et ont affirmé au contraire que le registre était à jour et qu'il n'y avait aucune préférence en matière syndicale.
  730. 493. Les statistiques fournies par le ministère du Travail (chapitre 10) font apparaître qu'en 1989 la grande majorité des syndicats enregistrés et celle plus grande encore des adhérents appartenaient au courant sandiniste. En 1990, les chiffres disponibles jusqu'au mois d'août indiquent encore une majorité sandiniste, mais moins importante qu'en 1989. C'est à partir du mois de juillet 1990 que le courant s'inverse de façon sensible et que le nombre de syndicats enregistrés et de leurs adhérents est passablement plus grand chez les non-sandinistes que chez les sandinistes.
  731. 494. Pour les dirigeants de la CGT (i), l'augmentation du nombre des adhérents à cette organisation tient à ce qu'il n'existe plus maintenant de restrictions aux activités syndicales comme il y en avait eu sous le gouvernement antérieur. Les syndicats sandinistes, quant à eux, semblent perdre des membres.
  732. 495. La commission ne dispose pas d'éléments de jugement définitifs lui permettant de conclure à une intervention discriminatoire des autorités dans la constitution et l'inscription des syndicats. Au ministère du Travail, on affirme avec vigueur qu'il n'existe aucune liste d'attente pour le registre qui est à jour. Il convient de rappeler à cet égard que l'article 195 du Code prévoit que, si le ministère devait refuser l'inscription d'un syndicat (le délai légal est de dix jours), un dernier recours auprès de la Cour suprême de justice est toujours possible. La commission n'a pas été informée de l'existence de cas en instance dans ce domaine.
  733. 496. Par ailleurs, la commission souhaite rappeler ce qu'a signalé le Comité de la liberté syndicale au sujet de situations de ce genre, à savoir qu'en favorisant ou en défavorisant une organisation par rapport à d'autres un gouvernement peut influencer directement ou indirectement le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir, puisque ces derniers seront enclins à adhérer au syndicat le plus apte à les servir, alors que pour des raisons d'ordre professionnel, confessionnel, politique ou autre leurs préférences les auraient portés à s'affilier à une autre organisation (Note 56). Quoi qu'il en soit, s'il y avait des cas de favoritisme ou de coercition de la part des autorités ou des entraves à l'inscription susceptibles de détourner la procédure de son but, ceci porterait atteinte au droit des travailleurs de constituer sans autorisation préalable les organisations de leur choix (article 2 de la convention).
  734. Administration interne
  735. 497. La commission d'experts a formulé des commentaires sur l'article 36 du règlement concernant les associations syndicales, car celui-ci permet une intervention excessive des autorités du travail dans les livres et les registres des syndicats. Cette disposition prévoit en effet que ces documents doivent être présentés aux autorités à la demande de l'un quelconque des membres du syndicat. Ainsi que l'ont expliqué les autorités du travail à un représentant du Directeur général du BIT à l'occasion d'une mission de contacts directs en 1983, l'objectif de la disposition aurait été de protéger les adhérents contre toute irrégularité. Il s'agit donc de concilier cet objectif avec l'article 3 de la convention no 87 qui oblige les autorités publiques à s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des syndicats d'organiser leur gestion et leurs activités ou d'entraver leur exercice légal. A cet effet, le représentant du Directeur général a proposé une formule de rechange qui a été considérée comme pertinente par les autorités et les dirigeants syndicaux.
  736. 498. La commission n'a pas eu connaissance de plaintes relatives à cette question. Malgré le délai écoulé, la disposition en question n'a pas été modifiée et elle n'a perdu son effet que dans le court laps de temps pendant lequel le règlement des associations syndicales a été abrogé, c'est-à-dire entre la fin du régime sandiniste et les débuts du gouvernement actuel qui l'a remise en vigueur.
  737. 499. Ainsi, la commission ne peut que conclure qu'à l'exception de la période mentionnée, à la suite de l'adoption de la loi no 97, la législation sur ce point n'a pas été et n'est pas en conformité avec l'article 3 de la convention no 87.
  738. Activités et programmes d'action
  739. 500. Sous cette rubrique, on examinera deux autres questions relatives à l'article 3 de la convention no 87, qui sont en instance depuis longtemps devant la commission d'experts, à savoir l'interdiction pour les syndicats d'exercer des activités politiques conformément à l'article 204 b) du Code du travail, et les restrictions apportées au droit de grève en vertu des articles 225, 228 et 314 du même Code.
  740. 501. La commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale ont eu à se prononcer à maintes occasions sur des législations qui interdisent d'une manière générale aux syndicats d'exercer des activités politiques, et ont estimé que, si l'interdiction est générale, elle est incompatible avec les principes de la liberté syndicale, sans compter qu'elle manque de réalisme sur le plan de l'application pratique (Note 57). Déjà dans les travaux préparatoires de la convention no 87, il avait été précisé dans la définition d'une "organisation de travailleurs" qu'elle avait pour objectifs "de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs", que ces termes ne limitaient pas le droit des syndicats de participer à des activités politiques et ne restreignaient pas l'action syndicale au seul domaine professionnel (Note 58).
  741. 502. La présente commission estime que l'interdiction générale qui serait faite aux organisations de travailleurs et d'employeurs de participer à des activités politiques serait contraire à l'article 3 de la convention, car elle va à l'encontre du droit qu'elles ont d'organiser leur activité et de formuler leur programme d'action. Cependant, ces organisations doivent conserver leur indépendance à l'égard des partis et dans l'exercice de leur activité politique.
  742. 503. Les informations disponibles ne permettent pas de conclure que les syndicats ont été dissous, comme l'autorise l'article 204 b) du Code, à cause de leur participation à des activités politiques. En ce qui concerne d'autres mesures adoptées par le gouvernement, voir les paragraphes 433 à 469. Les autorités avaient indiqué au représentant du Directeur général en 1983 qu'il serait possible de supprimer la disposition de l'article 204 puisqu'elle n'était pas appliquée dans la pratique. Or cela ne s'est fait qu'à compter de l'adoption de la loi no 97 portant modification du Code: lorsque cette loi a été modifiée à son tour par la loi no 102, on s'est trouvé ramené à la situation antérieure.
  743. 504. En dehors, par conséquent, de cet intervalle de temps, la législation sur les activités politiques des syndicats n'a jamais été conforme à l'article 3 de la convention no 87.
  744. 505. Il ressort des informations reçues qu'il y a eu peu de grèves importantes, les syndicats recourant plutôt à de brefs arrêts de travail. Les organisations antisandinistes, en particulier, ont signalé que, chaque fois que cela arrivait, les syndicats et les travailleurs de ce courant faisaient l'objet de représailles de la part des autorités. Au contraire, les dirigeants syndicaux prosandinistes ont soutenu que, dans leur secteur, les grèves ne donnaient pas lieu à des représailles, mais tout le monde, y compris les autorités antérieures et actuelles du ministère du Travail et le COSEP, est d'accord sur un point: la non-application des normes relatives à la grève et à la procédure de règlement des conflits collectifs. On estime en effet que cette procédure est tellement complexe que l'application en est impossible. De ce point de vue, les grèves et arrêts de travail seraient le plus souvent en marge de la légalité sans pour autant être déclarés illégaux.
  745. 506. La commission d'experts avait commenté l'obligation faite aux syndicats de réunir une majorité de 60 pour cent de travailleurs intéressés pour déclencher une grève (article 225 du Code); l'interdiction des grèves dans les professions rurales lorsque les produits risquent de se détériorer si l'on n'en dispose pas immédiatement (article 228 1)); la possibilité pour les autorités de mettre fin à une grève qui a duré trente jours par l'arbitrage obligatoire (article 314). Il s'agit là de restrictions au droit de grève qui vont au-delà de celles acceptées par les organes de contrôle de l'OIT et qui restreignent le droit des syndicats d'organiser leur activité (article 3 de la convention) en vue de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres (article 10). En effet, l'article 225, déjà évoqué, du Code ne prévoit pas une majorité simple, mais une majorité qualifiée des travailleurs pour déclencher une grève, ce qui rend toute décision à cette fin plus difficile; l'article 228 1) comprend dans la définition des travaux d'intérêt collectif (dans lesquels la grève est interdite en vertu de l'article 227) des tâches qui ne sont pas des services essentiels au sens strict tels que définis par les organes de contrôle (services pour lesquels une interdiction ou une restriction de la grève serait acceptable); l'article 314 prévoit un arbitrage obligatoire qui équivaut en l'occurrence à interdire toute grève une fois qu'elle a duré plus de trente jours.
  746. 507. La loi no 97 instaurait une procédure plus simple pour le règlement des conflits socio-économiques (article 25, dans le chapitre sur la convention collective): elle supprimait implicitement en effet une partie de la procédure antérieure en disposant que ces conflits seraient réglés selon la nouvelle procédure (article 28). De même, elle ôtait tout effet à l'article 314 qui était lié à l'ancienne procédure. En revanche, la loi no 97 maintenait les articles 225 et 228 1) évoqués plus haut, qui figurent au chapitre relatif aux grèves.
  747. 508. Cependant, la loi no 102 a annulé les modifications de la loi no 97 relatives à cette procédure, rétablissant le régime légal antérieur. Telle est la situation actuelle.
  748. 509. Il convient de conclure de tous ces éléments que, sauf pendant la brève période d'application de la loi no 97 en ce qui concerne l'article 314 du Code, les dispositions qui restreignent le droit de grève et vont à l'encontre de la convention no 87 n'ont pas cessé d'être en vigueur.
  749. Négociation collective
  750. 510. La plainte déposée au titre de l'article 26 de la Constitution et les observations en instance de la commission d'experts indiquent que le décret no 530 de 1980 viole l'article 4 de la convention no 98. Ce décret avait modifié l'article 22 du Code du travail en y introduisant l'utilisation pour les conventions collectives d'être approuvées par le ministère du Travail.
  751. 511. Les plaignants ont signalé en outre que le Système national d'organisation du travail et des salaires (SNOTS), en vertu duquel étaient classés tous les types de professions et qui précisait les salaires correspondants, éliminait ces derniers de la négociation collective en violation de la convention no 98. En ce qui concerne cette dernière question, la commission d'experts a, en 1989, noté avec intérêt que, selon les informations fournies en 1988 par la mission d'étude, le SNOTS ne s'appliquait que comme élément de référence et que les salaires pouvaient être librement fixés.
  752. 512. Pour ce qui est de la pratique de la négociation collective, la commission ne peut que constater la contradiction qui existe entre les diverses informations recueillies. Les dirigeants du COSEP, par exemple, ont affirmé qu'il n'y avait eu aucune négociation dans le secteur privé, alors que que, selon le ministre du Travail, la négociation collective était pratiquée dans les secteurs public et privé. Les autorités du travail du régime antérieur ont fait état du grand nombre de conventions collectives conclues après la première période qui a suivi l'adoption du décret no 530, alors que les autorités actuelles prétendent qu'il n'y a eu négociation active que jusqu'en 1981, après quoi la négociation serait allée en diminuant pour atteindre le point mort en 1985. Une précision a été apportée par le représentant du Front ouvrier qui a indiqué qu'à partir de 1985 il n'y a plus eu négociation de nouvelles conventions, mais seulement reconduction de celles qui existaient déjà. Il a ajouté qu'avec la réforme économique de 1988 on avait procédé de nouveau à des négociations sans intervention du ministère, sauf en ce qui concerne l'approbation des conventions.
  753. 513. De toute façon, pour ce qui est de cette approbation vue sous l'angle législatif, il apparaît clairement que l'article 22 du Code a été modifié par la loi no 97 qui en a fait disparaître l'obligation de faire approuver les conventions collectives par le ministère du Travail. Ce changement a été respecté par la loi no 102 portant modification de la loi précédente. Quant au SNOTS, de l'avis de tous, il est implicitement supprimé pour être tombé en désuétude.
  754. 514. Cela étant, la commission doit conclure que, à propos de ces deux aspects, la législation, souvent précédée par la pratique, a cessé de constituer un obstacle "au plein développement et à l'utilisation des processus de négociation volontaire" aux termes de l'article 4 de la convention no 98.
  755. 515. Deux autres questions soulevées ultérieurement restent à examiner.
  756. 516. En premier lieu, il a été signalé à la commission que la loi no 102 a apporté à l'article 22 du Code une modification par laquelle, contrairement à ce qui se passait auparavant, la personnalité juridique est exigée des organisations d'employeurs et de travailleurs qui souhaitent conclure une convention collective. Ainsi, le ministère du Travail en refusant l'inscription d'un syndicat (qui confère à celui-ci la personnalité juridique) pourrait faire obstacle à la négociation collective.
  757. 517. La commission n'a pas été informée d'exemples concrets d'un tel refus. De toute façon, pour ce qui est d'éventuels obstacles à l'inscription d'un syndicat, la commission renvoie à la conclusion formulée plus haut au sujet de la constitution d'organisations syndicales.
  758. 518. Cependant, cette question doit être également examinée sous l'angle de la négociation collective par les chambres patronales, dont le COSEP. Ainsi qu'on l'a vu dans la section relative à la reconnaissance du droit d'association des employeurs, ni le COSEP ni diverses chambres ne possèdent la personnalité juridique, ce qui ne les empêche pas d'entreprendre des activités en tant qu'organisations patronales. Au Nicaragua, traditionnellement, la négociation collective a lieu au niveau de l'entreprise, et ce sont les employeurs à titre individuel et non leurs organisations (sauf la Chambre de la construction) qui sont parties à la négociation collective. Néanmoins, la situation peut évoluer vers une négociation au niveau de la branche d'activité, voire à un niveau supérieur. Dans ce cas, la disposition de l'article 22 pourrait faire obstacle au "plein développement et à l'utilisation de procédures de négociation volontaire" que le gouvernement devrait "encourager et promouvoir" (article 4 de la convention).
  759. 519. L'autre question concerne le décret no 8-90 du gouvernement actuel qui prescrit la révision des conventions collectives conclues par l'Etat et ses agents entre le 25 février 1990 (date des élections générales dans le pays) et le 25 avril 1990 (date de l'accession au pouvoir du nouveau gouvernement). Le chapitre 10 relatif à la négociation collective a fait état, on l'a vu, de la différence d'opinion qui existe à cet égard entre les autorités actuelles du travail et les syndicats sandinistes qui ont négocié ces conventions. Les premières font valoir le coût excessif et l'anticonstitutionnalité (la "cogestion", dans certains ministères) de certaines clauses, qualifiées de politiques, de ces conventions. Les seconds prétendent que ces clauses ne font que confirmer des pratiques préexistantes et que, de toute façon, les organismes d'Etat n'appliquent plus certaines de ces conventions.
  760. 520. Selon les déclarations du ministre du Travail, sur un total de 52 conventions, toutes sauf deux font l'objet d'une renégociation. Pour ces dernières, on n'a pu progresser à cause de l'opposition des syndicats intéressés. Il est probable que le gouvernement annulera ces conventions.
  761. 521. La commission croit devoir rappeler ici certains cas similaires examinés par les organes de contrôle de l'OIT. Pour ce qui est de ce que l'on qualifie de "cogestion" dans certains ministères (il s'agirait de la participation des syndicats à l'élaboration de plans d'enseignement), le Comité de la liberté syndicale a estimé que les lignes directrices d'une politique de l'enseignement ne se prêtaient pas à la négociation collective, même s'il peut être normal que l'on consulte à cet égard les syndicats d'enseignants (Note 59). S'agissant de la modification par une loi de la teneur d'une convention collective, le comité a signalé, à propos d'un cas, que cette mesure n'était pas conforme à la convention no 98 (Note 60); en d'autres cas et d'une manière plus générale, il a conclu que les interventions des pouvoirs publics visant à modifier une convention ne pouvaient se justifier que pour des raisons impérieuses de justice sociale et d'intérêt général (Note 61). La commission d'experts s'est prononcée dans le même sens en admettant que ces interventions ne pourraient se justifier que pour des raisons économiques et sociales majeures et d'intérêt général (Note 62).
  762. 522. La présente commission considère, pour sa part, qu'en vertu des principes portant sur le caractère volontaire et contractuel de l'article 4 de la convention no 98, d'où découle l'autonomie des parties et le respect des accords, les conventions collectives doivent être appliquées sans modifications, sauf décision des parties elles-mêmes ou à moins que ces instruments ou certaines de leurs clauses ne soient suspendus ou annulés à juste titre par les autorités. S'agissant de la première éventualité, dans le cas présent, ce sont les syndicats et le gouvernement qui ont décidé de réviser les conventions par une renégociation, et cette méthode paraissait s'appliquer de manière quasi générale. Dans la deuxième éventualité d'une suspension ou d'une annulation des conventions ou de certaines clauses, la commission est également d'avis qu'elle ne peut s'appliquer qu'à des situations exceptionnelles, conformes aux principes énoncés par les organes de contrôle de l'OIT et en cas d'illégalité manifeste. De toute façon, la possibilité de recourir aux tribunaux devra être respectée.
  763. Participation à l'élaboration du Code du travail et aux consultations tripartites
  764. 523. Ces questions étaient encore en instance devant le Comité de la liberté syndicale à sa réunion de novembre 1989. Il s'agit d'allégations relatives à la discrimination exercée par le gouvernement contre le COSEP pour sa participation à l'élaboration du Code et à des consultations tripartites sur des questions économiques et sociales.
  765. 524. S'il est vrai qu'il n'existe aucune obligation pour les gouvernements de procéder à cette participation aux termes de la convention no 87, une discrimination contre une organisation représentative équivaudrait à un acte de favoritisme ou de coercition qui, en l'occurrence, non seulement pourrait avoir une influence négative sur le droit des employeurs et des travailleurs intéressés (ou de leurs organisations) de constituer des organisations de leur choix (article 2 de la convention no 87), ainsi qu'on l'a vu plus haut, mais encore constituerait une intervention de nature à limiter le droit de cette organisation d'exercer son activité, contrairement à l'article 3 de la convention. Il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 6 de la convention les dispositions des deux articles précités s'appliquent aux fédérations et aux confédérations.
  766. 525. De toutes les informations disponibles recueillies au sujet de la première question, il ressort que plusieurs projets de révision du Code du travail ont été élaborés par les conseillers juridiques de syndicats et de partis politiques et que des séminaires de type universitaire ont été organisés sur le thème du travail, dans le cadre de l'Université centraméricaine. Pour sa part, le ministère du Travail a procédé à la préparation d'un projet qui n'était pas encore terminé au moment où s'est tenu le Séminaire national tripartite sur les relations professionnelles (octobre-novembre 1989). Ce séminaire auquel a participé le BIT n'a examiné aucun projet de code, mais les représentants du gouvernement ont déclaré que le projet serait communiqué aux intéressés une fois prêt.
  767. 526. Les représentants du COSEP, confirmant ainsi les allégations présentées devant le Comité de la liberté syndicale, ont fait savoir à la commission qu'ils n'avaient jamais été consultés sur l'élaboration d'un projet de code. Le gouvernement avait indiqué que le COSEP avait été invité aux séminaires organisés à cette fin, mais, selon les informations recueillies par la commission, ces séminaires n'auraient pas été organisés par le gouvernement. Le ministère du Travail s'est borné à parrainer le Séminaire national tripartite sur les relations professionnelles organisé par l'OIT, auquel le COSEP a vraiment été invité.
  768. 527. Il résulte de ce qui précède que le gouvernement ne semblait pas disposer en réalité d'un projet élaboré, et que les diverses références à des consultations d'organisations d'employeurs et de travailleurs visaient surtout la participation à des séminaires portant sur le travail en général et non sur un projet précis du gouvernement. Un tel projet semble avoir été terminé ultérieurement, à la veille du changement de régime, et s'est transformé en loi no 97 modifiant et complétant le Code du travail. Les informations disponibles ne laissent pas apparaître qu'il y ait eu consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs à cet effet.
  769. 528. En ce qui concerne la consultation sur des questions économiques et sociales, il s'agit aussi, comme précédemment, d'allégations sur la discrimination exercée contre le COSEP en tant qu'organisation de niveau supérieur représentative des employeurs. D'après les plaintes, le gouvernement ne s'était pas adressé au COSEP mais à ses organisations affiliées ou à des membres de ces dernières, lorsqu'il s'est agi de créer un organisme de concertation institutionnelle, de participer à la consultation tripartite nationale pour le secteur agricole et d'élevage ou de participer au Comité consultatif pour l'industrie. Dans les rares occasions où le COSEP était invité, les convocations lui provenaient tellement tard qu'il lui était pratiquement impossible de participer. Par contre, selon les réponses du gouvernement au Comité de la liberté syndicale et les déclarations faites à la commission par les responsables du ministère du Travail antérieur ou par les dirigeants des organisations syndicales sandinistes, le COSEP avait été invité à participer à divers organismes, mais, en raison de sa forte opposition au régime, il n'avait pas voulu intervenir.
  770. 529. Le ministère du Travail a signalé à la commission que le COSEP n'avait pas été invité aux consultations tripartites sous le régime sandiniste. Quant aux dossiers où auraient pu figurer les invitations précitées, ils semblaient avoir disparu du ministère.
  771. 530. En conclusion de cette question si controversée, la commission ne peut s'empêcher de noter que alors que les plaignants devant le Comité de la liberté syndicale ont invoqué à diverses occasions l'absence de consultation du COSEP et que le comité a même demandé au gouvernement une information précise à cet effet, ce dernier s'est abstenu de communiquer toute preuve relative aux convocations qu'il aurait adressées à cette organisation et n'a pas démenti les allégations touchant leur expédition tardive qui a empêché le COSEP de participer aux réunions. Les divers éléments recueillis semblent indiquer que, devant l'attitude publiquement adoptée par le COSEP à l'égard du gouvernement sandiniste, celui-ci a préféré traiter à l'échelon sectoriel avec les chambres, ou encore avec certains membres de celles-ci, évitant ainsi le contact avec l'organisation centrale des employeurs.
  772. 531. La commission ne peut que considérer qu'il s'est agi, en l'occurrence, d'une discrimination dirigée contre le COSEP en sa qualité d'organisation représentative des employeurs, discrimination qui l'atteint dans l'exercice des droits que lui confère l'article 3 de la convention no 87.
  773. Consultations tripartites sur les normes internationales du travail
  774. 532. Dans la plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution figure l'allégation sur le manque de participation du COSEP dans le cadre prévu par la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. Cette question a été également examinée, à plusieurs occasions, par le Comité de la liberté syndicale et, de manière plus générale, par la commission d'experts qui, à trois reprises, a demandé des informations au gouvernement sur la création d'une commission tripartite en la matière et sur l'application pratique de la convention, sans obtenir d'informations satisfaisantes à ce sujet et sans en obtenir non plus des organisations consultées.
  775. 533. Le gouvernement, dans ses réponses au comité, a évoqué successivement les difficultés auxquelles il se heurte devant le grand nombre d'organisations qui entretiennent des relations politiques conflictuelles, la non-viabilité éventuelle d'un mécanisme de consultation nationale, le refus du COSEP de participer comme tel à des réunions lorsqu'il y est invité, etc. Ce dernier, de son côté, a fait valoir le caractère tardif d'une certaine invitation qui l'a empêché de s'y rendre, et le fait qu'il n'a reçu ni les questionnaires sur les normes en cours d'élaboration par le BIT ni les exemplaires des rapports sur l'application des conventions envoyés par le gouvernement au BIT.
  776. 534. La commission fait observer que la convention impose aux pays qui l'ont ratifiée la mise en oeuvre de procédures qui assurent une consultation effective en matière de normes de l'OIT et que les membres des organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs doivent pouvoir participer à ces procédures. La convention et sa recommandation complémentaire sont flexibles pour ce qui est de leurs modes d'application, la consultation pouvant se faire par l'intermédiaire de divers organismes ou même au moyen de communications écrites. Mais les organisations représentatives doivent être consultées sur la nature et la forme des procédures. Les consultations relatives aux normes doivent avoir lieu à des intervalles appropriés, fixés d'un commun accord, et au moins une fois par an. Les sujets obligatoires des consultations sont les suivants: les points de l'ordre du jour de la Conférence; la présentation aux autorités compétentes des conventions et recommandations adoptées par la Conférence; le réexamen des conventions non ratifiées et des recommandations; les questions que peuvent soulever les rapports sur les conventions ratifiées; les propositions de dénonciation des conventions ratifiées.
  777. 535. Compte tenu de ces diverses dispositions, il résulte des informations recueillies que la majeure partie de la convention n'a pas été respectée. Elle a été ratifiée par le Nicaragua en 1981 et, en dehors de quelques réunions sporadiques au cours des dernières périodes où ont été examinés certains points relatifs aux normes de l'OIT (avec les difficultés dont il a été question à propos du COSEP), hormis aussi l'envoi présumé aux centrales d'employeurs et de travailleurs (nié par le COSEP en ce qui le concerne) de questionnaires sur les conventions et recommandations en préparation, cette convention ne semble pas avoir été autrement appliquée. En conséquence, la commission ne peut s'empêcher de conclure que ni la législation ni la pratique ne se sont conformées aux dispositions de la convention no 144.
  778. CHAPITRE 14
  779. RECOMMANDATIONS
  780. 536. Conformément à la procédure établie à l'article 28 de la Constitution, la commission formule ci-après ses recommandations sur les mesures à prendre à la lumière des conclusions qu'elle a tirées, et sur les délais pour les mener à bien.
  781. 537. En élaborant ces recommandations, la commission est pleinement consciente du contexte politique, économique et social du pays. Le Nicaragua sort d'un régime qui avait des conceptions idéologiques très différentes de celles du gouvernement actuel. Le peuple nicaraguayen a souffert d'une lutte fratricide et de circonstances exceptionnelles qui ont fait des ravages. Des mesures ont été prises et des actes ont été commis qui ont laissé des marques profondes, causé des tragédies humaines et aggravé les animosités. La situation économique est tragique et la lutte pour la terre reste vive. La société est polarisée et les positions prises sont celles d'un affrontement.
  782. 538. Les recommandations seront concrètes et porteront sur les plaintes et les allégations, comme l'exige le mandat de la commission, mais elles visent aussi à encourager un changement d'attitude des parties. La commission a été frappée par le caractère fortement conflictuel de la société nicaraguayenne que motivent en grande partie les difficultés et les profondes inégalités économiques du pays, mais aussi par les attitudes apparemment extrêmes et dépourvues de toute nuance qu'assument périodiquement les divers acteurs en présence. La lutte contre le sous-développement et la pauvreté est certainement l'objectif essentiel du gouvernement et de tous les secteurs. Cette lutte ne pourra être menée à bien sans un changement de comportement, sans un plus haut degré d'objectivité et de compromis. Il ne s'agit pas de dominer, mais d'équilibrer dans le plein respect des droits de l'homme pour faire front aux graves problèmes économiques et sociaux du pays.
  783. 539. Les mesures qu'il appartient à la commission de recommander dans le cadre de son mandat visent deux aspects clés de toute société moderne: les libertés civiles et les droits des organisations d'employeurs et de travailleurs. Sans les libertés civiles, les droits syndicaux sont limités ou inexistants. Mais le respect des libertés civiles a une portée plus générale puisqu'elles affectent l'existence, le travail et l'évolution de toute une communauté. La constitution et le fonctionnement des organisations professionnelles sont essentiels à l'ordonnancement de cette société, car la représentation des intérêts sectoriels constitue l'un des moyens les plus importants pour assurer le meilleur équilibre possible entre l'économique et le social.
  784. 540. Les mesures concrètes que recommande la commission peuvent se résumer ainsi.
  785. 541. Libertés civiles: il est très important que le gouvernement et l'Assemblée nationale poursuivent leurs efforts visant à réformer la législation en vue d'accroître la sécurité des personnes et d'affirmer le respect des garanties judiciaires, en particulier par la modification et la mise à jour de la loi sur le fonctionnement de la police, du Code de la police et du Code d'instruction criminelle. De même, toute législation future sur les communications sociales devrait garantir la liberté d'opinion et d'expression, et en particulier le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit, selon les termes de la résolution de l'OIT sur les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles.
  786. 542. Expropriations: la commission recommande que soit examiné le plus rapidement possible tout recours qu'auraient pu présenter les dirigeants du COSEP à la Commission nationale de révision, conformément au décret-loi no 11-90 sur la révision des confiscations compte tenu des conclusions formulées antérieurement sur cette question.
  787. 543. Législation syndicale: la commission appuie fermement toute demande de coopération technique que le gouvernement adresserait au BIT en vue de procéder à la réforme du Code du travail et du règlement des associations syndicales aux fins de leur mise à jour, en tenant compte pour cela des normes de l'Organisation et en adaptant les dispositions de la législation aux conventions ratifiées par le Nicaragua.
  788. 544. Concrètement, la révision de la législation et son application dans le secteur privé comme dans le secteur public devraient entraîner, en ce qui concerne les problèmes soulevés dans le présent cas, les mesures suivantes:
  789. 1) Reconnaissance du droit d'association pour les employeurs, les travailleurs, les agents de l'Etat (dont les fonctionnaires publics), les travailleurs indépendants et les personnes travaillant dans les ateliers familiaux. Cette reconnaissance, pour ce qui est des employeurs, devrait figurer aussi, en temps opportun, dans la Constitution comme c'est le cas pour les diverses catégories de travailleurs.
  790. 2) Reconnaissance du droit des employeurs et des travailleurs de constituer des organisations de leur choix sans autorisation préalable. Ce principe de la convention no 87 implique que le pluralisme syndical soit toujours possible dans la législation et la pratique, étant entendu qu'il incombe aux employeurs et aux travailleurs de prendre leurs décisions à cet égard. Il implique aussi le droit d'obtenir l'enregistrement d'une organisation sans que les conditions imposées par la loi ou l'administration équivalent à l'exigence d'une autorisation préalable. Les autorités devront s'abstenir de toute coercition ou favoritisme dans la constitution des organisations, et éviter les discriminations fondées sur des motifs politiques ou idéologiques.
  791. 3) Reconnaissance du droit des organisations d'employeurs et de travailleurs d'organiser leur vie interne et leurs activités et de formuler leur programme d'action, les autorités devant s'abstenir de toute discrimination et intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. A cet égard, la commission se réfère plus précisément aux activités politiques des organisations et à la grève.
  792. a) La législation ne devrait pas prévoir, pour les organisations, d'interdiction générale d'exercer des activités politiques. Elles devraient pouvoir exprimer librement leur opinion sur la politique économique et sociale du gouvernement, compte tenu des intérêts des secteurs qu'elles représentent. Il incombe aux autorités judiciaires de connaître et de décider de tout abus qui pourrait être commis en la matière. Des limites ont été fixées pour les syndicats par la résolution sur l'indépendance du mouvement syndical de 1952, qui dispose que les relations avec les partis politiques ou l'action politique ne doivent pas être de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques pouvant survenir dans un pays. La commission estime que ces principes peuvent aussi servir de base pour les relations et l'action politique des organisations d'employeurs.
  793. b) En ce qui concerne la grève, outre qu'elle doit être reconnue comme un droit des travailleurs selon la législation actuelle, il conviendrait de réexaminer les limites imposées par celle-ci, en se conformant à ce qui a été signalé par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations et par la présente commission dans les conclusions qui précèdent. Par ailleurs, il importerait de modifier la procédure de règlement des conflits collectifs pour la simplifier et la rendre plus efficace, en évitant toute législation compliquée et excessive qui, dans la pratique, limiterait indûment le droit de grève et conduirait ainsi à une violation continue de la légalité.
  794. 4) Promotion de la négociation collective: à cette fin, les autorités devraient s'abstenir de toute intervention ou éliminer tout obstacle de nature à restreindre la libre conclusion de conventions collectives à différents niveaux, et ce conformément à la convention no 98 et compte tenu de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, ainsi que des conclusions formulées par la présente commission dans le chapitre pertinent.
  795. 545. Consultation sur les normes internationales du travail: la commission estime que le gouvernement devrait procéder sans tarder à l'instauration et à l'application de procédures propres à assurer une consultation efficace en la matière, conformément aux dispositions de la convention no 144. Avant d'instaurer de telles procédures, le gouvernement devrait consulter les organisations représentatives de travailleurs et d'employeurs ainsi que l'exige ladite convention. De même, la commission recommande au gouvernement de tenir compte à cet effet des informations et observations qui figurent dans l'Etude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de 1982, sur la consultation tripartite (normes internationales du travail), en ce qui concerne les modalités utilisées et leur adaptation éventuelle à la situation du pays.
  796. 546. Enfin, la Constitution de l'OIT prévoit dans son article 28 que la commission indique les délais dans lesquels les mesures recommandées doivent être adoptées. La commission estime qu'il lui est difficile de fixer un délai précis à cette fin, s'agissant de mesures distinctes qui, en tout cas, exigent une action législative intense dans la plupart des domaines. Quoi qu'il en soit, compte tenu de l'importance des questions traitées relatives pour la plupart aux libertés civiles et aux droits syndicaux, la commission estime que le gouvernement devrait indiquer dès 1991 dans ses rapports au titre de l'article 22 de la Constitution sur l'application des conventions nos 87, 98 et 144 les mesures qui auront été prises tant en droit qu'en pratique pour donner effet à ces recommandations. Ainsi, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations devrait pouvoir évaluer, à sa réunion de mars 1992, les progrès réalisés et décider ensuite, sur cette base, de la périodicité avec laquelle le gouvernement devrait continuer à faire rapport sur l'application desdites recommandations.
  797. Genève, 23 novembre 1990 (Signé) José Sette Camara,
  798. Président.
  799. José Vida Soria.
  800. René R. Mirolo.
  801. Avant de conclure le présent rapport, les membres de la commission expriment leur profonde reconnaissance à M. Michel Hansenne, Directeur général du BIT, pour la confiance qu'il leur a témoignée dans l'accomplissement de leur tâche en espérant que la teneur du présent rapport répondra à ses espoirs et que les objectifs proposés seront atteints.
  802. Ils tiennent également à remercier M. Th. Sidibé, Directeur du Département des normes, ainsi que M. Bernard Gernigon pour l'attention constante qu'ils ont accordée à leur mission; leurs remerciements vont également aux membres du secrétariat de la commission, M. Christian Ramos Veloz et Mme Luján de la Peña, pour leur efficace contribution et pour avoir facilité le travail en résolvant les problèmes avec compétence, ainsi qu'à M. Luis Zamudio pour ses marques d'attention, ses démarches en vue des entretiens à Managua et du soin qu'il a apporté à aplanir les difficultés et rendre possible le travail de la commission, tâches auxquelles a participé aussi Mme Carmen Bernhard.
  803. Enfin, la commission félicite également, pour sa contribution toute particulière et précieuse, M. Geraldo von Potobsky qui, avec le dynamisme qu'on lui connaît, s'est attelé à cette tâche avec générosité. Le bien-fondé de ses observations et de ses opinions s'appuie sur la large expérience qu'il a acquise au BIT. Nous lui sommes reconnaissants pour la valeur de sa contribution. Il a ajouté à ses compétences techniques une chaleur humaine favorisant un climat de cordialité qui a permis, comme c'est généralement le cas lorsque de telles conditions sont réunies, d'obtenir les meilleurs résultats.
  804. J. S. C.
  805. J. V. S.
  806. R. R. M.
  807. ANNEXE
  808. Procédure de la commission pour l'audition des représentants des parties et des organisations internationales
  809. 1. La commission entendra à un moment ou un autre en séance privée, d'une part les représentants des parties, d'autre part les représentants de la CISL, de la CMT et de l'OIE - organisations jouissant du statut consultatif à l'OIT - qui ont présenté des plaintes au Comité de la liberté syndicale dans cette affaire. Les informations et les éléments de preuve qui seront produits à cette occasion devant la commission seront traités comme absolument confidentiels par lesdits représentants.
  810. 2. Le gouvernement du Nicaragua sera invité à désigner un représentant agissant en son nom devant la commission. Ce représentant, ainsi que les représentants des plaignants en vertu de l'article 26 de la Constitution, ou leurs suppléants respectifs, devront être présents pendant les audiences et seront responsables de la présentation générale de leur dossier.
  811. 3. La commission a pour mission de procéder aux investigations nécessaires pour élucider les questions sur lesquelles le Conseil d'administration du Bureau international du Travail l'a chargée d'enquêter. En revanche, elle n'a pas compétence en ce qui concerne les questions de caractère exclusivement politique et sans rapport avec les problèmes qu'elle a à examiner, et c'est pourquoi elle n'acceptera que les informations et les déclarations intéressant l'exercice des droits syndicaux et les normes énoncées dans la convention no 144. Elle n'autorisera pas les déclarations relatives à des points étrangers à son mandat.
  812. 4. La commission ou tout membre de celle-ci pourra interroger les représentants des parties ou des organisations mentionnées au paragraphe 1 à tout moment au cours de l'audience.
  813. 5. La commission pourra autoriser les représentants des parties à se poser des questions réciproques et également à en poser aux représentants de la CISL, de la CMT et de l'OIE.
  814. ANNEXE
  815. Texte des dispositions de fond des conventions nos 87, 98 et 144
  816. CONVENTION (no 87) SUR LA LIBERTE SYNDICALE ET LA PROTECTION DU DROIT SYNDICAL, 1948
  817. ..................................................................
  818. Article 2
  819. Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.
  820. Article 3
  821. 1. Les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action.
  822. 2. Les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
  823. Article 4
  824. Les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative.
  825. Article 5
  826. Les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que celui de s'y affilier, et toute organisation, fédération ou confédération a le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs et d'employeurs.
  827. Article 6
  828. Les dispositions des articles 2, 3 et 4 ci-dessus s'appliquent aux fédérations et aux confédérations des organisations de travailleurs et d'employeurs.
  829. Article 7
  830. L'acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs et d'employeurs, leurs fédérations et confédérations ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l'application des dispositions des articles 2, 3 et 4 ci-dessus.
  831. Article 8
  832. 1. Dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité.
  833. 2. La législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention.
  834. Article 9
  835. 1. La mesure dans laquelle les garanties prévues par la présente convention s'appliqueront aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale.
  836. 2. Conformément aux principes établis par le paragraphe 8 de l'article 19 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, la ratification de cette convention par un Membre ne devra pas être considérée comme affectant toute loi, toute sentence, toute coutume ou tout accord déjà existants qui accordent aux membres des forces armées et de la police des garanties prévues par la présente convention.
  837. Article 10
  838. Dans la présente convention, le terme "organisation" signifie toute organisation de travailleurs ou d'employeurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ou des employeurs.
  839. Article 11
  840. Tout Membre de l'Organisation internationale du Travail pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d'assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical.
  841. CONVENTION (no 98) SUR LE DROIT D'ORGANISATION ET DE NEGOCIATION COLLECTIVE, 1949
  842. Article 1
  843. 1. Les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi.
  844. 2. Une telle protection doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de:
  845. a) subordonner l'emploi d'un travailleur à la condition qu'il ne s'affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d'un syndicat;
  846. b) congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l'employeur, durant les heures de travail.
  847. Article 2
  848. 1. Les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des autres soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration.
  849. 2. Sont notamment assimilées à des actes d'ingérence au sens du présent article des mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d'employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une organisation d'employeurs.
  850. Article 3
  851. Des organismes appropriés aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit d'organisation défini par les articles précédents.
  852. Article 4
  853. Des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi.
  854. Article 5
  855. 1. La mesure dans laquelle les garanties prévues par la présente convention s'appliqueront aux forces armées ou à la police sera déterminée par la législation nationale.
  856. 2. Conformément aux principes établis par le pararaphe 8 de l'article 19 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, la ratification de cette convention par un Membre ne devra pas être considérée comme affectant toute loi, toute sentence, toute coutume ou tout accord déjà existants qui accordent aux membres des forces armées et de la police des garanties prévues par la présente convention.
  857. Article 6
  858. La présente convention ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics et ne pourra, en aucune manière, être interprétée comme portant préjudice à leurs droits ou à leur statut.
  859. CONVENTION (no 144) SUR LES CONSULTATIONS TRIPARTITES RELATIVES AUX NORMES INTERNATIONALES DU TRAVAIL, 1976
  860. Article 1
  861. Dans la présente convention, les termes "organisations représentatives" signifient les organisations les plus représentatives des employeurs et des travailleurs jouissant du droit à la liberté syndicale.
  862. Article 2
  863. 1. Tout Membre de l'Organisation internationale du Travail qui ratifie la présente convention s'engage à mettre en oeuvre des procédures qui assurent des consultations efficaces entre les représentants du gouvernement, des employeurs et des travailleurs sur les questions concernant les activités de l'Organisation internationale du Travail, énoncées à l'article 5, paragraphe 1, ci-dessous.
  864. 2. La nature et la forme des procédures prévues au paragraphe 1 du présent article seront déterminées dans chaque pays, conformément à la pratique nationale, après consultation des organisations représentatives, s'il en existe, et si de telles procédures n'ont pas encore été établies.
  865. Article 3
  866. 1. Aux fins des procédures visées par la présente convention, les représentants des employeurs et des travailleurs seront choisis librement par leurs organisations représentatives, s'il en existe.
  867. 2. Les employeurs et les travailleurs seront représentés sur un pied d'égalité au sein de tout organisme au moyen duquel les consultations auraient lieu.
  868. Article 4
  869. 1. L'autorité compétente assumera la responsabilité du support administratif des procédures visées par la présente convention.
  870. 2. Des arrangements appropriés seront pris entre l'autorité compétente et les organisations représentatives, s'il en existe, pour le financement de toute formation nécessaire aux personnes participant à ces procédures.
  871. Article 5
  872. 1. Les procédures visées par la présente convention devront avoir pour objet des consultations sur:
  873. a) les réponses des gouvernements aux questionnaires sur les points inscrits à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail et les commentaires des gouvernements sur les projets de textes qui doivent être discutés par la Conférence;
  874. b) les propositions à présenter à l'autorité ou aux autorités compétentes en relation avec la soumission qui doit leur être faite des conventions et recommandations, conformément à l'article 19 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail;
  875. c) le réexamen, à des intervalles appropriés, de conventions non ratifiées et de recommandations auxquelles il n'a pas encore été donné effet, pour envisager les mesures qui pourraient être prises afin de promouvoir leur mise en oeuvre et leur ratification, le cas échéant;
  876. d) les questions que peuvent poser les rapports à présenter au Bureau international du Travail au titre de l'article 22 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail;
  877. e) les propositions relatives à la dénonciation de conventions ratifiées.
  878. 2. Afin d'assurer un examen adéquat des questions visées au paragraphe 1 du présent article, des consultations auront lieu à des intervalles appropriés fixés d'un commun accord, mais au moins une fois par an.
  879. Article 6
  880. Lorsque cela paraît approprié après consultation avec les organisations représentatives, s'il en existe, l'autorité compétente produira un rapport annuel sur le fonctionnement des procédures visées par la présente convention.
  881. Note 1
  882. Voir plus loin sous "mandat de la commission".
  883. Note 2
  884. Voir les modifications introduites postérieurement sous le chapitre 7.
  885. Note 3
  886. Comité de la liberté syndicale, 216e rapport, cas no 1084, paragr. 39.
  887. Note 4
  888. Rapport du représentant du Directeur général soumis au Comité de la liberté syndicale.
  889. Note 5
  890. Ibid., 255e rapport, paragr. 68, alinéa h).
  891. Note 6
  892. Ibid., 258e rapport, paragr. 55, alinéa f).
  893. Note 7
  894. Ibid., 261e rapport.
  895. Note 8
  896. Voir, dans le même sens, le rapport de la commission instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT dans le cas de la Pologne, Bulletin officiel, Supplément spécial, vol. LXVII, 1984, série B, parag. 44.
  897. Note 9
  898. Voir le rapport de la commission dans le cas Ghana-Portugal, Bulletin officiel, vol. XLV, no 2, Supplément II, avril 1962, paragr. 706.
  899. Note 10
  900. La disposition de la loi no 102, qui rend sans effet les dérogations prévues dans la loi no 97 (art. 4), ne figurant pas dans le texte paru au Journal officiel (La Gaceta) du 23 mai 1990, un erratum devait être publié, ainsi que l'a déclaré le ministre du Travail.
  901. Note 11
  902. Comité de la liberté syndicale, 261e rapport, paragr. 48 k).
  903. Note 12
  904. Ibid., 269e rapport, paragr. 20.
  905. Note 13
  906. Ibid., paragr. 24.
  907. Note 14
  908. Ibid., paragr. 32.
  909. Note 15
  910. La commission signale que la plainte et la réponse du gouvernement indiquent des dates d'arrestations différentes.
  911. Note 16
  912. Ibid., 267e rapport, paragr. 36 e).
  913. Note 17
  914. Ibid., 261e rapport, paragr. 48 c).
  915. Note 18
  916. Ibid., 267e rapport, paragr. 12.
  917. Note 19
  918. Ibid., 269e rapport, paragr. 20.
  919. Note 20
  920. Ibid., 261e rapport, paragr. 32 et 33.
  921. Note 21
  922. Ibid., 264e rapport, paragr. 11.
  923. Note 22
  924. Ibid., paragr. 27.
  925. Note 23
  926. Ibid., 267e rapport, paragr. 14 et 15.
  927. Note 24
  928. Ibid., paragr. 17 et 18.
  929. Note 25
  930. Ibid., paragr. 26.
  931. Note 26
  932. Ibid., 264e rapport, paragr. 8, 9, 12 et 26.
  933. Note 27
  934. Ibid., 267e rapport, paragr. 16 et 27.
  935. Note 28
  936. Ibid., paragr. 31.
  937. Note 29
  938. Ibid., 269e rapport, paragr. 24.
  939. Note 30
  940. Ibid., paragr. 24.
  941. Note 31
  942. Comité de la liberté syndicale, 261e rapport, paragr. 28.
  943. Note 32
  944. Ibid., 269e rapport, paragr. 8, 9, 10, 11 et 14.
  945. Note 33
  946. Ibid., paragr. 32.
  947. Note 34
  948. Une "manzana" vaut 7056 m2.
  949. Note 35
  950. Comité de la liberté syndicale, 264e rapport, paragr. 20.
  951. Note 36
  952. Ibid., 267e rapport, paragr. 23.
  953. Note 37
  954. Ibid., paragr. 8 et 9.
  955. Note 38
  956. Ibid., 269e rapport, paragr. 19 et 21.
  957. Note 39
  958. Ibid., 264e rapport, paragr. 21 et 22.
  959. Note 40
  960. Ibid., 267e rapport, paragr. 9.
  961. Note 41
  962. Ibid., paragr. 21.
  963. Note 42
  964. Ibid., paragr. 28.
  965. Note 43
  966. Ibid., paragr. 36 c).
  967. Note 44
  968. Ibid., 269e rapport, paragr. 12 et 13.
  969. Note 45
  970. Ibid., paragr. 17.
  971. Note 46
  972. Ibid., paragr. 19.
  973. Note 47
  974. Ibid., paragr. 14 et 15.
  975. Note 48
  976. Comité de la liberté syndicale, 261e rapport, paragr. 48 1).
  977. Note 49
  978. Ibid., 264e rapport, paragr. 29.
  979. Note 50
  980. Ibid., 267e rapport, paragr. 10.
  981. Note 51
  982. Ibid., paragr. 22 et 28.
  983. Note 52
  984. Ibid., 269e rapport, paragr. 16.
  985. Note 53
  986. Comité de la liberté syndicale, 267e rapport, paragr. 36 d).
  987. Note 54
  988. Ibid., 261e rapport, paragr. 48 i).
  989. Note 55
  990. Voir en particulier: Conférence internationale du Travail, 69e réunion, 1983: Liberté syndicale et négociation collective. Etude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations (Genève, BIT, 1983), paragr. 136-138.
  991. Note 56
  992. Comité de la liberté syndicale, 211e rapport, cas nos 1035 et 1050, paragr. 115.
  993. Note 57
  994. Commission d'experts op. cit., paragr. 198; Comité de la liberté syndicale, 162e rapport, cas nos 786, 781, 806 et 814, paragr. 33; 201e rapport, cas no 842, paragr. 40.
  995. Note 58
  996. Conférence internationale du Travail, 31e réunion, 1948, Compte rendu des travaux, pp. 498.
  997. Note 59
  998. Comité de la liberté syndicale, 54e rapport, cas no 179, paragr. 157.
  999. Note 60
  1000. Ibid., 106e rapport, cas no 541, paragr. 12-16 et 19.
  1001. Note 61
  1002. Ibid., par exemple 211e rapport, cas no 1052, paragr. 155; 234e rapport, cas no 1163, paragr. 87.
  1003. Note 62
  1004. Commission d'experts, op. cit., paragr. 312.
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