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RECLAMATION (article 24) - PÉROU - C169 (Présentée: 2009 - Rapport: 2012)

Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP)

Clos

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Rapport du comité chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par le Pérou de la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP)

Rapport du comité chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par le Pérou de la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP)

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

Introduction

Introduction
  1. 1. Dans une communication du 5 octobre 2009, la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a présenté au Bureau international du Travail une réclamation alléguant l’inexécution par le gouvernement du Pérou des dispositions de la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.
  2. 2. Le Pérou a ratifié le 2 février 1994 la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, laquelle est en vigueur pour ce pays.
  3. 3. Les dispositions de la Constitution de l’OIT relatives à la présentation des réclamations sont les suivantes:
  4. Article 24
  5. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l’un quelconque des Membres n’aurait pas assuré d’une manière satisfaisante l’exécution d’une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d’administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu’il jugera convenable.
  6. Article 25
  7. Si aucune déclaration n’est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d’administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  8. 4. La procédure en cas de réclamation se fonde sur le Règlement relatif à la procédure à suivre pour l’examen des réclamations présentées au titre des articles 24 et 25 de la Constitution de l’OIT, tel que modifié par le Conseil d’administration à sa 291e session (novembre 2004). Conformément aux articles 1 et 2, paragraphe 1, du Règlement, le Directeur général a accusé réception des communications, en a informé le gouvernement du Pérou et les a transmises au bureau du Conseil d’administration.
  9. 5. A sa 307e session (mars 2010), le Conseil d’administration, se fondant sur la recommandation de son bureau, a déclaré recevable la réclamation présentée par la CGTP et désigné un comité chargé de son examen, constitué de M. Darío Celaya Álvarez (membre gouvernemental, Argentine), M. Alberto Echavarría Saldarriga (membre employeur, Colombie), et M. Gerardo Martínez (membre travailleur, Argentine). A sa 312e session, le Conseil a nommé M. Rafael Souza Campos de Moraes Leme (membre gouvernemental, Brésil) en remplacement de M. Celaya Álvarez.
  10. 6. Dans une communication du 14 avril 2010, le Bureau a invité le gouvernement à communiquer ses observations sur la réclamation. Par une communication du 15 juin 2010, le gouvernement a adressé ses observations.
  11. 7. Le comité s’est réuni et a adopté le présent rapport le 21 mars 2012.

Examen de la réclamation

Examen de la réclamation
  • Allégations formulées par l’organisation plaignante
    1. 8. Dans sa communication du 5 octobre 2009, la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) affirme que, en 2007, le ministère de l’Energie et des Mines du Pérou a élaboré 15 propositions de projets de construction de barrages pour des centrales hydroélectriques, afin qu’ils soient examinés en vue d’initiatives privées. Est proposée dans la Forêt centrale la construction de trois centrales: à l’embouchure de la rivière Tsomaveni (affluent du fleuve Ene); dans le canyon du Pakitzapango et à la jonction des fleuves Ene et Perené. Le système de barrages qui est prévu serait le plus grand du pays. Le barrage de Pakitzapango produirait trois fois plus que la plus grande centrale électrique du Pérou. Selon l’organisation plaignante, l’objectif avec ces barrages est de vendre de l’énergie électrique au Brésil et il s’inscrit dans l’Initiative d’intégration de l’infrastructure régionale sud-américaine (IIRSA). Cette initiative, qui découle de l’accord conclu entre les douze présidents sud-américains, a pour finalité l’interconnexion des réseaux routiers, énergétiques et de télécommunications des douze pays de la région. L’organisation plaignante ajoute que le projet hydroélectrique implique la construction d’une ligne de transmission électrique de 400 kilomètres qui traversera la forêt centrale du Pérou en ligne droite vers le Brésil, au détriment des forêts amazoniques de Ucayali et de Madre de Dios.
    2. 9. L’organisation plaignante indique que, le 3 décembre 2008, en vertu de la résolution ministérielle no 546-2008-MEM/DM, le ministère de l’Energie et des Mines a accordé une concession temporaire à l’entreprise Pakitzapango Energía S.A.C. (selon l’organisation plaignante, il s’agissait d’une entreprise à capitaux brésiliens) pour qu’elle élabore, dans un délai de vingt mois, une étude de faisabilité en vue de la construction d’une future centrale hydroélectrique Pakitzapango.
    3. 10. L’organisation plaignante indique que, dans la vallée de l’Ene, il y a 17 communautés Ashaninka, réparties sur 33 établissements ou annexes. Ces communautés ont des titres de propriété de leurs terres conformes à la législation péruvienne. Il s’agit d’un territoire ancestral Ashaninka dans lequel ces communautés ont développé leurs modes de vie en lien étroit avec les forêts et fleuves du bassin, et pu satisfaire leurs nécessités quotidiennes et respecter le système de vie qu’elles suivent depuis des générations. Pour les Ashaninka de la Forêt centrale, l’importance culturelle et spirituelle du canyon du Pakitzapango est inestimable, puisque c’est le lieu d’origine de tous les peuples de l’Amazonie.
    4. 11. Selon l’organisation plaignante, la concession qui a été accordée couvre 99 987,424 hectares, sur le territoire de dix communautés des districts de Río Tambo, Pangoa et Mazamari, et touche aussi les autres communautés Ashaninka et les milliers de colons d’origine andine qui, depuis des décennies, vivent sur les rives du fleuve Ene.
    5. 12. L’organisation plaignante souligne que, alors qu’il s’agit d’une concession temporaire en vue d’évaluer la faisabilité de la construction du barrage, elle ne prévoit pas d’étude sur son impact social. En effet, la construction de la centrale hydroélectrique implique la perte du territoire des communautés natives, d’où des conséquences spirituelles et culturelles pour les Ashaninka. L’impact écologique est également grave: Des territoires en amont seront inondés et, en aval, ils seront condamnés à la sécheresse. Il y aura des changements climatiques aux effets nocifs sur la fertilité du sol qui détruiront des écosystèmes.
    6. 13. Selon l’organisation plaignante, malgré le fort impact de ce barrage, le gouvernement n’a pas consulté l’organisation représentative, à savoir la Centrale Ashaninka du fleuve Ene (CARE). Cette organisation a présenté une lettre de protestation au ministère de l’Energie et des Mines, lequel a produit le rapport no 47-2009-DGE-DCE. Ce rapport a établi ce qui suit: 1) la réalisation de la centrale hydroélectrique dépend des études effectuées par l’entreprise Pakitzapango Energía SA, qui est la concessionnaire; 2) la concession ne viole pas les droits des peuples indigènes car elle prévoit seulement la réalisation d’études, et non d’ouvrages; 3) si l’étude de faisabilité est positive, l’entreprise devra solliciter une concession définitive – en vue de son octroi, il faudra effectuer une étude d’impact environnemental – et organiser des ateliers et des réunions publiques pour exposer le projet à la population qui pourrait être touchée (l’organisation plaignante joint copie de ce rapport).
    7. 14. L’organisation plaignante estime que, si la réalisation effective de la centrale hydroélectrique dépendait des résultats des études effectuées, il aurait fallu consulter la population qui serait directement touchée par la centrale avant et pendant la procédure d’octroi de la concession, aux fins des études de faisabilité, étant donné qu’il s’agit d’une étape substantielle en vue de la décision sur la réalisation ou non de la centrale. Or, pendant la procédure, avant et après l’octroi de la licence, il n’y a pas eu de consultation. L’organisation plaignante considère qu’ainsi on n’agit pas de bonne foi puisque la consultation et la participation qui auraient lieu en vue de la concession définitive se feraient sur la base d’une étude de faisabilité réalisée sans consultation, participation et étude d’impact social, alors que l’on sait qu’il y aurait un impact. En effet, le projet prévoit une retenue d’eau et donc l’inondation d’un vaste territoire où vivent les Ashaninka. L’organisation plaignante ajoute que l’étude de faisabilité ne serait destinée qu’à déterminer les conditions techniques requises pour la construction du barrage électrique sans prendre en compte la possibilité que le projet ne soit pas viable.
    8. 15. L’organisation plaignante ajoute que le gouvernement régional de Junín n’a pas fait preuve non plus de bonne foi étant donné qu’à la réunion qu’il a organisée afin d’instituer un comité exécutif de soutien à la construction de la centrale hydroélectrique du Pongo de Pakitzapango n’ont été invitées ni la population qui serait directement touchée ni leur organisation représentative, la CARE.
    9. 16. L’organisation plaignante ajoute que, pour le gouvernement péruvien, la construction d’un barrage électrique dans la vallée du fleuve Ene est synonyme de développement et que, par conséquent, il envisage de déclarer qu’il revêt un intérêt national mais, pour le peuple Ashaninka, la centrale constituera une grave menace pour leurs vies et entraînera «pauvreté et extermination». Alors que le projet de la centrale hydroélectrique touche directement les communautés Ashaninka, on les empêche d’exercer leur droit de décider si ce projet est une priorité ou non pour leurs vies, étant donné qu’il n’y a eu ni consultation ni participation. L’organisation plaignante ajoute que, alors que la concession est octroyée à titre temporaire pour évaluer la faisabilité de la construction du barrage, une étude d’impact social n’est pas envisagée, si bien que les différends qu’entraînerait l’installation de ce barrage dans des communautés natives ne sont pas pris en compte. Ni les incidences culturelles et spirituelles pour les communautés Ashaninka ni l’impact du projet sur le milieu ambiant ne sont analysés. De plus, le territoire qu’occupe le peuple Ashaninka est l’un de ceux au Pérou où la biodiversité est la plus grande. Toutefois, le gouvernement le promeut en tant que domaine d’investissement en vue d’un mégaprojet, et octroie des concessions aux fins d’études d’ingénierie.
    10. 17. L’organisation plaignante ajoute que la zone où l’on prétend construire la centrale hydroélectrique a une importance culturelle et spirituelle pour les Ashaninka du fleuve Ene et pour d’autres communautés natives car, selon le mythe du «Pakitzapango», c’est là que seraient nées les cultures amazoniques du Pérou. L’organisation plaignante ajoute que, alors que les communautés touchées ont un titre de propriété sur leurs terres, le gouvernement du Pérou n’en tient pas compte puisqu’il octroie une concession temporaire à une entreprise privée pour un espace situé sur les terres où sont établies ces communautés, sans les avoir consultées. L’organisation plaignante indique aussi que les communautés risquent d’être déplacées en raison de la réalisation d’une retenue d’eau qui accompagnerait la construction du barrage hydroélectrique. L’organisation plaignante affirme que le gouvernement du Pérou serait en train d’orienter l’exécution des travaux sans obtenir préalablement le consentement des communautés touchées, comme le dispose l’article 16, paragraphe 2, de la convention.
  • Observations du gouvernement
    1. 18. Dans sa communication du 15 juin 2010, le gouvernement se réfère aux informations fournies par le ministère de l’Energie et des Mines et par le Bureau de consultation juridique du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi.
    2. 19. Selon les informations fournies par le gouvernement, il faut faire une distinction entre les concessions temporaires et les concessions définitives. Les premières sont octroyées dans le but d’effectuer des études de faisabilité de projets. Ces concessions temporaires durent au maximum deux ans et peuvent être prolongées d’un an en cas de force majeure ou d’imprévus. Une concession temporaire ne permet pas d’utiliser des sols et comporte l’obligation de réaliser les études en respectant les normes techniques et de sécurité et en préservant l’environnement et le patrimoine culturel.
    3. 20. Selon le gouvernement, dans le secteur de l’électricité, pour obtenir une concession définitive, il faut que soit approuvée l’étude d’impact environnemental qui doit être effectuée, et la consultation et la participation des citoyens dans la zone d’influence directe ou indirecte du projet sont nécessaires. Le règlement sur la participation des citoyens en vue de la réalisation d’activités énergétiques (résolution ministérielle no 535-2004 MEM/DM) s’applique aux procédures d’évaluation de l’impact environnemental. Il a pour objet la participation des personnes physiques et juridiques à la réalisation des activités électriques, ainsi que des activités d’information et de dialogue avec la population concernée par les projets.
    4. 21. Le gouvernement ajoute par ailleurs que le décret suprême no 002-2009-MINAM porte approbation du règlement sur la transparence, l’accès à l’information publique environnementale et la participation des citoyens aux questions environnementales. Le règlement facilite l’accès des citoyens à l’information et régit les mécanismes et procédures de participation et de consultation des citoyens au sujet des questions d’ordre environnemental. De plus, les principes directeurs pour la participation des citoyens aux activités électriques (résolution ministérielle no 223-2010-MEM-DM), qui ont été adoptés en mai 2010, s’appliquent pendant l’élaboration des études environnementales et pendant le suivi et le contrôle des aspects environnementaux des projets. Ces principes prévoient les mécanismes suivants de participation des citoyens: manifestations, ateliers participatifs et réunions publiques.
    5. 22. Selon le gouvernement, dans le cas concret de Pakitzapango, la Direction générale de l’électricité, en vertu de la résolution ministérielle no 546-2008-MEM/DM publiée le 3 décembre 2008, a accordé une concession temporaire de vingt mois à l’entreprise Pakitzapango Energía S.A.C. (à capitaux brésiliens) afin d’effectuer des études de faisabilité liées à la production d’énergie électrique d’une future centrale hydroélectrique Pakitzapango dans les districts de Mazamari, Río Tambo et Pangoa, province de Satipo, département de Junín.
    6. 23. Le gouvernement précise que dans la zone définie pour les études vivent des populations indigènes majoritairement Ashaninka des fleuves Ene et Tambo. Elles sont affiliées à la Centrale Ashaninka du fleuve Tambo (CART), à la Centrale Ashaninka du fleuve Ene (CARE) et à la Fédération Ashaninka du fleuve Ene (FARE). Selon le ministère de l’Energie et des Mines, l’entreprise a connu des difficultés avec les communautés indigènes, en particulier avec les communautés affiliées à la CARE, car celles-ci considèrent que le projet les touche directement et qu’elles n’ont été consultées ni avant ni pendant la procédure d’octroi de la concession temporaire. Afin d’obtenir l’autorisation des communautés, l’entreprise a organisé une réunion en mars 2009 avec la CART afin de faire connaître les objectifs de l’étude qui devait être effectuée. En septembre 2009, la question de la concession temporaire a été traitée au sein du Groupe national de développement des peuples amazoniens, groupe auquel participent le ministère de l’Energie et des Mines et la CARE. De plus, le 27 novembre 2009, s’est tenue en coordination avec la CART une réunion dans le district de Tambo afin de donner des informations sur la portée de la concession temporaire. Le 27 janvier 2010, il y a eu une réunion avec la CARE mais, en raison de l’opposition de cette organisation au projet, le dialogue n’a pas pu être poursuivi.
    7. 24. Le gouvernement indique en outre que le ministère de l’Energie et des Mines a fait savoir que la concession temporaire de Pakitzapango n’a pas un impact direct sur les peuples indigènes de la zone. Il s’agit seulement d’effectuer des études pour examiner la viabilité technique, économique et environnementale du projet.
    8. 25. Dans une communication du 7 mars 2011, le gouvernement indique que, en vertu de la résolution directoriale no 040-2010-EM/DGE, la Direction générale de l’électricité a jugé irrecevable la demande de prolongation de la concession temporaire, décision qui a été confirmée par les résolutions vice-ministérielles nos 107-2010-MEM/VME et 002-2011/MEM/VME qui rejettent les recours intentés par l’entreprise, la voie administrative ayant été épuisée.

    Conclusions du comité

    Conclusions du comité
    1. 26. Le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante et des observations adressées à ce sujet par le gouvernement.
    2. 27. 27. Le comité estime que les questions soulevées dans la réclamation ont trait à l’application de l’article 7, paragraphe 3, de la convention, qui énonce ce qui suit:
    3. Article 7
    4. ...
    5. 3. Les gouvernements doivent faire en sorte que, s’il y a lieu, des études soient effectuées en coopération avec les peuples intéressés, afin d’évaluer l’incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l’environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Les résultats de ces études doivent être considérés comme un critère fondamental pour la mise en œuvre de ces activités.
    6. 28. Le comité note que le présent cas se réfère à l’octroi, le 3 décembre 2008, d’une concession temporaire de vingt mois à l’entreprise Pakitzapango Energía S.A.C. par le ministère de l’Energie et des Mines (résolution ministérielle no 546-2008-MEM/DM). Cette concession a été accordée dans le but d’effectuer des études de faisabilité sur la production d’énergie électrique, en vue de la construction d’une centrale hydroélectrique Pakitzapango dans les districts de Mazamari, Río Tambo et Pangoa, province de Satipo, département de Junín.
    7. 29. Le comité note que, selon les allégations présentées par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), cette concession a été accordée sur les territoires qui revêtent une grande importance culturelle et spirituelle pour les Ashaninka du fleuve Ene et pour d’autres communautés, sans avoir consulté de bonne foi les communautés Ashaninka qui vivent sur ces territoires, sans avoir pris en compte leurs priorités et sans respecter leurs titres de propriété sur les terres touchées. Plus concrètement, le comité note que l’organisation plaignante affirme ce qui suit: 1) la concession porte sur près de cent mille hectares sur le territoire de dix des dix-sept communautés Ashaninka du fleuve Ene et touche aussi les autres communautés Ashaninka, ainsi que les colons andins qui vivent dans la région; 2) alors que la concession a été accordée à titre temporaire afin de réaliser des études de faisabilité en vue de la construction d’une centrale hydroélectrique qui affecterait directement les communautés Ashaninka (elle comporte la construction d’une retenue d’eau et, par conséquent, l’inondation de terres ainsi que le déplacement éventuel de populations), le gouvernement ne les a consultées ni avant ni pendant la procédure d’octroi de la concession; 3) l’absence de consultation et de participation pendant la procédure d’octroi de la concession a empêché les communautés indigènes de déterminer si le projet constitue ou non une de leurs priorités; 4) les études prévues dans le cadre de la concession portent sur les aspects techniques du projet mais non sur son impact social pour les communautés natives; et 5) les communautés touchées ont un titre de propriété sur leurs ter.
    8. 30. Le comité note que, dans ses observations, le gouvernement explique la différence qui existe entre les concessions définitives et les concessions temporaires et précise que, dans le cas de ces dernières, par exemple la concession accordée à l’entreprise Pakitzapango Energía S.A.C., les permis qui ont été accordés portent seulement sur la réalisation d’études mais non sur l’utilisation des sols. Le gouvernement indique que ce n’est qu’en vue de l’octroi des concessions définitives qu’il faut réaliser une étude d’impact environnemental, laquelle comporte un mécanisme de consultation et de participation des citoyens. Le comité note que, selon le gouvernement, la concession temporaire qui a été accordée dans ce cas n’a pas enfreint les droits des peuples indigènes puisque la concession ne prévoyait que la réalisation d’études et non d’ouvrages (rapport no 47-2009-DEGE-DCE du ministère de l’Energie et des Mines que l’organisation plaignante a joint).
    9. 31. Le comité note aussi que le gouvernement fait mention de ce qui suit: 1) l’adoption du règlement sur la transparence, l’accès à l’information publique environnementale et la participation des citoyens aux questions environnementales (décret suprême no 002-2009-MINAM du 17 janvier 2009) et des principes directeurs pour la participation des citoyens aux activités électriques (résolution ministérielle no 223-2010-MEM/DM de mai 2010) qui prévoient divers mécanismes – manifestations, ateliers participatifs et réunions publiques; 2) l’entreprise a tenu des réunions d’information avec les organisations représentatives des communautés Ashaninka afin de faire connaître l’objectif de la concession (en mars 2009 et le 27 novembre 2009, des réunions ont eu lieu avec la CART et, le 27 janvier 2010, il y a eu une réunion avec la CARE mais, en raison de l’opposition de cette dernière organisation au projet, le dialogue n’a pas pu se poursuivre; 3) en vertu de la résolution directoriale no 040-2010-EM/DGE, la Direction générale de l’électricité a déclaré irrecevable la demande de prolongation de la concession temporaire, décision qui a été confirmée par les résolutions vice-ministérielles nos 107-2010-MEM/VME et 002 2011/MEM/VME qui rejettent les recours intentés par l’entreprise, la voie administrative ayant été épuisée.
    10. 32. Le comité se félicite de la promulgation par le Président du Pérou, le 6 septembre 2011, de la «loi sur le droit à la consultation préalable des populations autochtones ou natives», droit reconnu dans la convention no 169 de l’OIT, qui dispose en son article premier: «Article premier. Objet de la loi. La présente loi donne effet au contenu, aux principes et à la procédure relative au droit à la consultation préalable des populations autochtones et natives en ce qui concerne les mesures législatives et administratives susceptibles de les toucher directement. Elle s’interprète conformément aux dispositions établies dans la convention no 169 de l’OIT, que le Pérou a ratifiée en vertu de la résolution législative 26253.».
    11. 33. Le comité observe que les mesures législatives mentionnées par le gouvernement ont été adoptées postérieurement à l’octroi de la concession et qu’il n’apparaît pas clairement, au vu des informations communiquées, si ces mesures ont été appliquées dans l’affaire de concession examinée. Le comité observe en outre que les réunions avec les organisations représentatives des communautés Ashaninka, organisées par l’entreprise, avaient pour objet de fournir des informations audites communautés et de leur présenter le projet.
    12. 34. Le comité observe que le gouvernement reconnaît que, dans le cas concret de la construction éventuelle de la centrale hydroélectrique Pakitzpango, des études de viabilité technique, économique et environnementale avaient été prévues. Le comité regrette que, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la convention no 169, ces études n’aient pas été réalisées en coopération avec les populations autochtones concernées. Le comité exprime l’espoir que les récentes avancées enregistrées dans le pays sur le plan législatif permettront d’associer, dans les meilleurs délais, les populations autochtones aux processus de prise de décisions concernant les mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement.
    13. 35. Le comité estime que le présent cas doit être déclaré clos.

    Recommandations du comité

    Recommandations du comité
    1. 36. Le comité recommande au Conseil d’administration, à la lumière des conclusions qui figurent aux paragraphes 26 à 35 du rapport:
    2. (a) d’approuver le présent rapport;
    3. (b) de demander au gouvernement que les études de viabilité technique, économique et environnementale soient réalisées en coopération avec les populations autochtones concernées, en application de l’article 7, paragraphe 3, de la convention no 169. Le comité exprime l’espoir que les récentes avancées enregistrées dans le pays sur le plan législatif permettront d’associer, dans les meilleurs délais, les populations autochtones aux processus de prise de décisions concernant les mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement;
    4. (c) de diffuser le présent rapport et de déclarer close cette procédure.
    5. (Signé) M. Souza Campos de Moraes Leme
    6. M Echavarría Saldarriaga
    7. M Martínez
    8. Point appelant une décision: paragraphe 36
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