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RECLAMATION (article 24) - JAPON - C181 (Présentée: 2009 - Rapport: 2012)

Fédération des syndicats communautaires du Japon

Clos

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Rapport du comité chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par le Japon de la convention (no 181) sur les agences d’emploi privées, 1997, présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT par la Fédération des syndicats communautaires du Japon

Rapport du comité chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par le Japon de la convention (no 181) sur les agences d’emploi privées, 1997, présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT par la Fédération des syndicats communautaires du Japon

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

Introduction

Introduction
  1. 1. Dans une communication datée du 8 septembre 2009, la Fédération des syndicats communautaires du Japon a adressé au Bureau une réclamation, en vertu de l’article 24 de la Constitution, alléguant l’inexécution par le gouvernement du Japon de la convention (no 181) sur les agences d’emploi privées, 1997, ratifiée en 1999 et actuellement en vigueur au Japon.
  2. 2. Les dispositions suivantes de la Constitution de l’OIT régissent les réclamations:
  3. Article 24
  4. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l’un quelconque des Membres n’aurait pas assuré d’une manière satisfaisante l’exécution d’une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d’administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu’il jugera convenable.
  5. Article 25
  6. Si aucune déclaration n’est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d’administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  7. 3. Conformément à l’article 1 du Règlement concernant la procédure d’examen des réclamations prévue aux articles 24 et 25 de la Constitution de l’Organisation internationale du Travail, tel qu’il a été révisé par le Conseil d’administration à sa 291e session (novembre 2004), le Directeur général a accusé réception de la réclamation, en a informé le gouvernement du Japon et l’a soumise au bureau du Conseil d’administration.
  8. 4. A sa 306e session (novembre 2009), le Conseil d’administration a jugé recevable ladite réclamation et nommé un comité pour examiner cette affaire. Celui-ci était composé de M. Greg Vines (membre gouvernemental, Australie), M. Peter Anderson (membre employeur, Australie) et M. Kurshid Ahmed (membre travailleur, Pakistan). A sa 312e session (novembre 2011), le Conseil d’administration a nommé Mme Tara Williams (membre gouvernementale, Australie), en remplacement de M. Vines, et Mme Helen Kelly (membre travailleuse, Nouvelle-Zélande), en remplacement de M. Ahmed.
  9. 5. Dans une communication reçue le 29 janvier 2010, la Fédération des syndicats communautaires du Japon a fourni un complément d’information sur sa réclamation.
  10. 6. Le gouvernement du Japon a soumis ses observations écrites dans une communication datée du 27 mai 2010 et fourni un complément d’information dans des communications datées des 6 et 15 septembre 2010 et du 8 mars 2012.
  11. 7. Le comité s’est réuni les 20 et 26 mars 2012 pour examiner ce cas et adopter son rapport.

Examen de la réclamation

Examen de la réclamation
  • Les allégations de l’organisation plaignante
    1. 8. Dans sa communication du 8 septembre 2009, l’organisation plaignante allègue l’inexécution par le Japon de la convention (no 181) sur les agences d’emploi privées, 1997. Elle fait référence à la législation sur les agences d’emploi privées et à un cas d’espèce concernant l’emploi d’une salariée de la banque Iyo.
    2. 9. D’après l’organisation plaignante, cette employée temporaire de la banque Iyo (l’entreprise utilisatrice) s’est vue refuser le renouvellement de son contrat de travail pour la première fois en treize ans après avoir demandé des excuses à son supérieur hiérarchique qui l’avait harcelée. L’organisation plaignante indique que le motif officiel invoqué par la banque pour justifier le licenciement de l’employée était l’arrivée à échéance de son contrat. L’organisation rappelle que celle-ci avait été engagée par l’agence Iyogin, une agence de placement/travail temporaire juridiquement distincte de la banque Iyo, mais propriété à part entière de cette dernière. Toutefois, les fonctions exercées par l’employée étaient identiques à celles des employés réguliers de la banque.
    3. 10. L’organisation plaignante précise que la loi no 88 du 5 juillet 1985 portant réglementation du fonctionnement des agences d’intérim et amélioration des conditions de travail des travailleurs intérimaires (ci-après la «loi sur le travail intérimaire») reconnaît deux types d’agences d’intérim: les agences spécialisées qui emploient régulièrement des travailleurs pour des missions d’intérim de durée indéterminée ou d’une durée déterminée supérieure à un an et les agences générales qui emploient régulièrement des travailleurs pour des missions d’une durée inférieure ou égale à un an. L’organisation plaignante ajoute que ces dernières ne concluent des contrats à court terme avec les travailleurs que s’ils sont affectés à une entreprise utilisatrice. On parle alors de placement «enregistré» par opposition au placement «ordinaire», car ces travailleurs sont seulement «enregistrés» auprès de l’agence, mais non pas employés par celle-ci avant d’être envoyés en mission d’intérim.
    4. 11. L’organisation plaignante déclare que, dans le cas d’espèce, la relation d’emploi entre l’agence d’intérim et la requérante était un placement «enregistré» et qu’il y a donc eu violation des dispositions de la loi sur le travail intérimaire régissant les contrats de travail temporaire tant en raison du nombre d’années pendant lesquelles le contrat de l’employée a été renouvelé (de février 1987 à mai 2000) que de la teneur des fonctions qu’elle exerçait auprès de la banque.
    5. 12. De l’avis de l’organisation plaignante, c’est ce qui ressort également de la décision de la juridiction de première instance. En effet, le tribunal de district de Matsuyama a donné gain de cause à la requérante en concluant qu’un contrat de travail implicite liait bien cette dernière à l’entreprise utilisatrice (la banque Iyo). La cour d’appel (la Haute Cour de Takamatsu) a infirmé cette décision en jugeant que la plaignante n’avait pas de relation d’emploi avec la banque, considérant que seul était juridiquement opposable le contrat à durée déterminée conclu entre l’employée et l’agence de placement Iyogin en vertu duquel l’arrivée à terme du contrat constituait un motif valable de licenciement. D’après l’organisation plaignante, la cour d’appel estimait toutefois que certains faits, notamment l’entretien d’embauche personnel, le type de fonctions assignées et les multiples renouvellements du contrat, pourraient être constitutifs d’une infraction à la loi sur le travail intérimaire. L’organisation plaignante ajoute que la Cour suprême a débouté la requérante, confirmant ainsi la décision de la cour d’appel. Toutefois, une opinion dissidente a été émise selon laquelle ce cas méritait révision par la cour car on pouvait être amplement fondé à conclure qu’il existait une relation d’emploi de durée indéterminée entre l’employée et l’agence d’intérim et que l’obligation d’invoquer un motif valable de licenciement s’appliquait aussi dans le cas d’un travailleur intérimaire.
    6. 13. L’organisation plaignante allègue que la décision de la Cour suprême dans le cas de la banque Iyo contrevient aux prescriptions en matière d’emploi énoncées à l’article 1, paragraphe 1 b), de la convention no 181, en vertu duquel l’agence d’emploi privée assume le rôle d’employeur. L’organisation plaignante estime que cette décision prive le travailleur intérimaire de son droit d’escompter être maintenu dans son emploi et ne reconnaît pas les responsabilités de l’agence d’intérim en tant qu’employeur, quelle qu’ait été la durée de la relation d’emploi. L’organisation plaignante considère que cette décision contrevient également aux prescriptions de l’article 11 de la convention en vertu duquel les Etats Membres sont tenus de garantir une protection adéquate aux travailleurs employés par les agences d’emploi privées.
    7. 14. Enfin, l’organisation plaignante allègue sur un plan plus général que, si l’on suit l’interprétation qu’en fait la Cour suprême dans le cas de la banque Iyo, la loi sur le travail intérimaire contrevient aux dispositions des articles 1, paragraphe 1 b), et 11 de la convention.
    8. 15. Compte tenu de ce qui précède, l’organisation plaignante formule trois recommandations:
    9. (1) le gouvernement devrait édicter une interdiction de principe des placements dits «enregistrés» pour que les agences ne puissent éluder leurs responsabilités en tant qu’employeurs;
    10. (2) si les placements «enregistrés» demeurent légaux, le gouvernement devrait restreindre la liste des motifs de licenciement, que l’entreprise utilisatrice licencie le travailleur ou refuse de renouveler son contrat, afin que les travailleurs employés par des agences d’intérim puissent pleinement exercer leurs droits en matière d’emploi; et
    11. (3) le gouvernement devrait veiller à ce que les travailleurs employés par des agences d’intérim jouissent des mêmes droits que ceux dont bénéficient les travailleurs employés directement.
  • Réponse du gouvernement
    1. 16. Dans sa réponse, le gouvernement fournit des informations sur le système de placement des travailleurs introduit au Japon avec la promulgation de la loi de 1985 sur le travail intérimaire. Le gouvernement décrit deux types de «placement». En vertu du premier, les travailleurs intéressés sont enregistrés à l’avance auprès d’une agence de placement, et ils sont placés auprès des entreprises utilisatrices qui recherchent leurs compétences, tout en étant employés par l’agence de placement. Le deuxième type correspond à un placement «normal» en vertu duquel les travailleurs sont régulièrement employés par une agence dont l’activité professionnelle consiste à les placer auprès des entreprises utilisatrices. Même lorsqu’un travailleur n’est pas placé auprès d’une entreprise utilisatrice, le contrat de travail entre l’agence de placement et le travailleur placé reste en vigueur. Le gouvernement indique que, en application de la loi de 1985 sur le travail intérimaire, le placement de travailleurs intérimaires était limité à certains domaines professionnels. Certains types d’activité, notamment 26 services spécialisés, ont été exclus de la loi de 1985 et ont été qualifiés, dans un décret ministériel, d’activités nécessitant les connaissances, les compétences ou l’expérience de spécialistes capables d’assurer ces services de manière rapide et précise, ou exigeant une gestion de l’emploi spécifique en raison des particularités de ce type d’emploi. Le gouvernement indique par ailleurs que l’élargissement de la liste des domaines autorisés à la suite d’une série de révisions de la loi a abouti au système actuel. Le système de placement des travailleurs a pour fonction de réguler l’offre et la demande de main-d’œuvre, et le gouvernement affirme qu’il s’efforce de garantir le bon fonctionnement des agences d’intérim et de protéger les travailleurs intérimaires conformément à la convention no 181.
    2. 17. Le gouvernement indique que la loi de 1985 sur le travail intérimaire a été révisée à plusieurs reprises, les modifications les plus importantes ayant été apportées en 1999 et en 2003. Les modifications effectuées en 1999 résultaient de la ratification de la convention no 181 et répondaient à l’évolution de la conjoncture socio-économique tout en visant à élargir les choix des travailleurs. Plus précisément, les révisions avaient pour objectif de faire en sorte que le système de placement des travailleurs permette de répondre à l’offre et à la demande urgentes de main-d’œuvre temporaire, d’élargir la liste des domaines professionnels autorisés et d’imposer des obligations aux entreprises faisant appel à des travailleurs intérimaires pour qu’elles s’efforcent, dans certains cas, d’employer directement ces travailleurs.
    3. 18. D’après le gouvernement, les modifications de 2003 répondaient à une grave crise de l’emploi ainsi qu’à la diversification des modes de travail, et elles ont été mises en œuvre pour remédier à l’inadéquation entre l’offre et la demande de main-d’œuvre en répondant à la diversité des besoins. Plus spécifiquement, les révisions ont porté sur l’allongement des durées de placements autorisées, la suppression de l’interdiction du placement des travailleurs dans les industries manufacturières et l’obligation pour les entreprises utilisatrices d’offrir dans certains cas des contrats de travail aux travailleurs intérimaires.
    4. 19. Le gouvernement indique que, dans le cadre du système de placement des travailleurs intérimaires, l’entité qui les emploie n’étant pas la même que celle sous les ordres de laquelle ils travaillent, il peut être difficile de déterminer laquelle doit assumer les responsabilités revenant à l’employeur. C’est pour remédier à cette difficulté et protéger les droits des travailleurs intérimaires qu’un certain nombre de règles ont été édictées. Ainsi, des précisions telles que les tâches à remplir et le lieu où le travailleur exerce ses fonctions doivent figurer dans le contrat signé entre l’agence d’intérim et l’entreprise utilisatrice pour que les conditions de travail du travailleur concerné soient bien claires. En outre, la loi sur les normes du travail s’applique par principe aux agences d’intérim en tant qu’employeurs. Toutefois, certaines prescriptions de cette loi font l’objet de dispositions spéciales et s’appliquent aussi aux entreprises utilisatrices. De la même manière, la loi sur la sécurité et la santé dans l’industrie et la loi sur l’égalité dans l’emploi s’appliquent aussi par principe aux entreprises utilisatrices.
    5. 20. Le gouvernement a communiqué également des documents de référence illustrant l’évolution de la réglementation encadrant le placement des travailleurs intérimaires, des informations sur les mesures prises pour sanctionner les violations de la législation régissant les agences d’intérim, ainsi que des exemples de cas où les autorités ont adressé des «orientations correctives» à des agences d’intérim en application des articles 14, 21, 48 et 49 de la loi sur le travail intérimaire. En 2008, 11 666 orientations au total ont été adressées à des agences d’intérim et à des entreprises utilisatrices, dont 6 506 par écrit. D’après les données fournies par le gouvernement, le nombre de travailleurs intérimaires est passé de 1 070 000 en 1999 à 2 360 000 en 2003 et à 3 990 000 en 2008. Le nombre d’agences d’intérim n’a cessé d’augmenter, passant de 12 653 en 1999 à 22 148 en 2003, et à 83 667 en 2009. Le nombre d’entreprises utilisatrices a lui aussi continué de croître passant de 264 439 en 1999 à 424 853 en 2003 pour atteindre le chiffre de 1 276 030 en 2008.
    6. 21. Le gouvernement ajoute qu’un projet de loi portant révision de la loi sur le travail intérimaire a été présenté à la Diète suite à la soumission en décembre 2009 d’un rapport du Conseil des politiques du travail. Ce projet avait pour but d’améliorer la protection des travailleurs intérimaires et d’interdire les placements «enregistrés» ainsi que l’envoi de travailleurs intérimaires dans des entreprises du secteur manufacturier. Il avait aussi pour but d’améliorer le traitement de ces travailleurs, de renforcer le respect de la législation, de durcir les sanctions et de postuler l’existence d’une relation d’emploi entre le travailleur intérimaire et l’entreprise utilisatrice si le travail intérimaire a été accompli dans l’illégalité. En septembre 2010, le gouvernement a communiqué des données actualisées sur ce projet de loi. La législation révisée avait pour but d’interdire par principe le placement de travailleurs qui ne sont pas «réguliers» et les placements dans le secteur manufacturier. L’expression «travailleur régulier» désigne un travailleur employé pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée supérieure à un an. Le gouvernement a déclaré aussi avoir l’intention de revoir les dispositifs régissant les agences d’intérim pour renforcer les mesures propres à protéger les travailleurs intérimaires tout en stabilisant leur emploi. Dans une nouvelle communication en date du 8 mars 2012, le gouvernement a fourni des informations sur le projet de loi présenté à la Diète et a indiqué que ce dernier avait été considérablement modifié par la Chambre des représentants. En vertu de ces modifications, les placements «enregistrés» ne seraient plus interdits; les 26 types de services spécialisés resteraient exclus du champ d’application de la loi sur le travail intérimaire et le placement de travailleurs resterait possible dans l’industrie manufacturière.
    7. 22. S’agissant des questions soulevées par l’organisation plaignante, le gouvernement indique qu’en raison de la séparation constitutionnelle des pouvoirs il n’est pas en mesure de faire des commentaires sur les décisions de justice qu’elle cite. Il n’en reconnaît pas moins toutefois, à titre de «considération générale», que le fait de mettre à disposition des travailleurs ne relevant pas de l’un des 26 domaines professionnels autorisés par la loi sur le travail intérimaire pour des durées supérieures à un an demanderait que, conformément à l’article 48, des mesures soient prises pour faire respecter la législation. Outre les orientations, conseils et recommandations prescrits dans ses dispositions, cet article prévoit l’application de mesures administratives sous forme d’orientations correctives, d’injonctions aux fins d’amélioration, de suspension des activités de l’agence et de retrait de son agrément. Par ailleurs, l’entreprise utilisatrice peut faire l’objet d’une orientation sous forme d’une recommandation publique. Le gouvernement indique en outre que 11 666 orientations correctives ont été prononcées en 2008, dont quatre injonctions aux fins d’amélioration, deux suspensions d’activité et un retrait d’agrément. Ces chiffres dénotent une augmentation du nombre de sanctions par rapport à l’année 2000, au cours de laquelle 5 402 orientations correctives avaient été enregistrées.
    8. 23. Le gouvernement déclare que le «placement de travailleurs», tel que défini à l’article 2(i) de la loi sur le travail intérimaire, est conforme à l’article 1, paragraphe 1 b), de la convention. L’article 2(i) de la loi définit le «placement» d’un travailleur comme le fait de «faire en sorte qu’un travailleur employé par une personne travaille pour une autre personne et sous les ordres de celle-ci, tout en maintenant sa relation d’emploi avec la première». D’après le gouvernement, la protection qu’assure la loi sur le travail intérimaire aux travailleurs intérimaires employés par des agences d’intérim correspond à celle prescrite par l’article 11 de la convention. De plus, la loi sur les normes de travail, la loi sur la sécurité et la santé dans l’industrie et la loi sur l’égalité dans l’emploi garantissent elles aussi aux travailleurs employés par des agences d’intérim la même protection juridique que celle dont jouissent les autres travailleurs.
    9. 24. En réponse à la première recommandation de l’organisation plaignante tendant à ce qu’une interdiction de principe frappe les placements «enregistrés» pour garantir le plein respect des responsabilités revenant à l’employeur, le gouvernement déclare que le placement des travailleurs intérimaires au Japon est régi par un certain nombre de règles que les agences d’intérim et les entreprises utilisatrices sont tenues de respecter, ce qui garantit l’exercice de leurs responsabilités en tant qu’employeur et la protection des droits des travailleurs intérimaires en vertu de la législation du travail qui est conforme à la convention no 181. Dans le cadre d’un placement, l’agence d’intérim est l’employeur, ce qui signifie que, juridiquement parlant, elle doit en assumer les responsabilités. Etant donné que l’entité sous les ordres de laquelle les employés intérimaires travaillent est l’entreprise auprès de laquelle ils sont mis à disposition, cette dernière a des obligations en tant qu’entreprise utilisatrice. Le gouvernement ajoute que, du fait de cette séparation entre l’entité qui emploie les travailleurs intérimaires et celle sous les ordres de laquelle ils travaillent, il peut être difficile de déterminer à laquelle incombe les responsabilités revenant à l’employeur, ce qui risque de priver les travailleurs de toute protection. Le gouvernement indique toutefois que des dispositions de la loi sur le travail intérimaire pallient cet éventuel manque de clarté.
    10. 25. Pour des éclaircissements sur les conditions de travail des travailleurs intérimaires, le gouvernement renvoie à l’article 26 de la loi sur le travail intérimaire qui dispose que les contrats de placement conclus entre les agences d’intérim et les entreprises utilisatrices doivent préciser de manière détaillée les fonctions assignées aux travailleurs, leur lieu de travail, la personne chargée de leur donner des ordres ou de surveiller leur travail, la durée de la mission d’intérim, les horaires de travail, les périodes de repos, les questions relatives à la santé et à la sécurité, les dispositifs de recours et tout ce qui concerne le responsable agissant au nom de l’agence d’intérim et celui agissant au nom de l’entreprise utilisatrice.
    11. 26. Le gouvernement ajoute que l’agence d’intérim est tenue de promouvoir le bien-être des travailleurs intérimaires, d’assurer des conditions de travail adéquates, de nommer un responsable agissant au nom de l’agence, d’établir un registre de gestion des placements, de prendre les mesures requises pour stabiliser l’emploi des travailleurs intérimaires, de régler les différends de manière appropriée, de promouvoir l’affiliation à un régime d’assurance travail et d’assurance sociale et de prendre des mesures pour protéger les données personnelles (articles 30 à 38 de la loi sur le travail intérimaire, directives concernant les mesures à prendre par les agences de placement).
    12. 27. Le gouvernement précise aussi que la responsabilité de l’application de la loi sur les normes du travail incombe par principe à l’agence d’intérim qui a noué une relation contractuelle avec le travailleur à l’occasion de son placement. Toutefois, l’entreprise utilisatrice, qui n’a pas de relation d’emploi avec le travailleur intérimaire, lui donne des instructions précises sur les tâches qu’il doit accomplir pendant sa mission d’intérim, et installe et gère l’équipement et les machines sur le lieu où il effectue son travail.
    13. 28. Le gouvernement signale que, pour éviter que les travailleurs ne soient privés de protection pendant leur mission d’intérim, l’entreprise utilisatrice est tenue d’assumer la responsabilité, d’une part, des questions liées aux tâches spécifiques qu’elle demande au travailleur d’accomplir et dont il serait difficile d’attribuer la responsabilité à l’agence d’intérim en raison de l’endroit où le travailleur exerce ses activités et, d’autre part, des questions dont il est opportun de confier la responsabilité à l’entreprise utilisatrice pour garantir une protection efficace du travailleur intérimaire. La loi sur le travail intérimaire contient des dispositions spécifiques relatives à l’application de la loi sur les normes du travail à l’entreprise à la disposition de laquelle le travailleur est mis, en sa qualité d’entreprise utilisatrice, protégeant ainsi les droits des travailleurs intérimaires (article 44 de la loi sur le travail intérimaire).
    14. 29. La loi sur la sécurité et la santé dans l’industrie s’applique par principe aux agences d’intérim, en tant qu’employeurs; toutefois, certaines de ses dispositions sont soumises à des règles d’application spéciales et s’appliquent aussi à l’entreprise utilisatrice (article 45 de la loi sur le travail intérimaire).
    15. 30. La loi sur l’égalité dans l’emploi s’applique elle aussi par principe aux agences d’intérim, en tant qu’employeurs; toutefois, certaines de ses dispositions sont soumises à des règles d’application spéciales et s’appliquent aussi à l’entreprise utilisatrice (article 47(2) de la loi sur le travail intérimaire).
    16. 31. De plus, la responsabilité de l’affiliation à un régime d’assurance travail et d’assurance sociale incombe uniquement à l’agence d’intérim. Toutefois, celle-ci est tenue de préciser à l’entreprise utilisatrice si la personne concernée répond aux critères d’affiliation requis pour l’assurance santé, la caisse de prévoyance et l’assurance emploi et, si l’entreprise utilisatrice considère que les motifs de non-affiliation au régime d’assurance sociale sont déraisonnables, elle est tenue de demander à l’agence d’intérim de n’effectuer le placement du travailleur intérimaire qu’après son affiliation (article 35 de la loi sur le travail intérimaire concernant les mesures à prendre par les entreprises utilisatrices).
    17. 32. Par ailleurs, le nombre de personnes non affiliées a un régime d’assurance travail et d’assurance sociale et les raisons pour lesquelles elles ne le sont pas doivent figurer dans un document annexé au plan financier et commercial lors de la demande d’octroi ou de renouvellement de leur agrément dans le cas des agences d’intérim générales ou au moment de la notification dans le cas des agences d’intérim spécialisées, et le Département des assurances sociales effectue des inspections auprès des agences d’intérim soupçonnées de ne pas affilier les travailleurs (décret d’application de la loi sur le travail intérimaire).
    18. 33. En ce qui concerne la deuxième recommandation de l’organisation plaignante tendant à ce que le gouvernement restreigne le nombre des motifs pouvant justifier un licenciement ou le refus de renouvellement d’un contrat venu à échéance, le gouvernement indique que les restrictions applicables quant aux motifs admissibles en vertu de la loi sur le contrat de travail et de la loi sur les normes du travail sont aussi valables pour les travailleurs intérimaires «enregistrés». Le gouvernement ajoute que, d’après la jurisprudence, et cela même s’il s’agit d’un contrat à durée déterminée, l’abus du droit de licencier peut aussi être invoqué s’il n’y a pas de différence dans la pratique par rapport à un contrat à durée indéterminée ou si l’on pouvait raisonnablement escompter, au vu du nombre de renouvellements ou de la procédure applicable au moment de la signature du contrat, que la relation d’emploi était continue.
    19. 34. En réponse à la troisième recommandation de l’organisation plaignante tendant à ce que les travailleurs employés par des agences d’intérim bénéficient des mêmes droits fondamentaux en vertu de la législation du travail que ceux dont jouissent les travailleurs régulièrement employés, le gouvernement renvoie à sa réponse à la première recommandation. Il souligne en outre que les agences d’intérim sont réglementées par le biais d’un système d’agrément et de notification, et que les sanctions applicables en cas de non-respect de la loi ainsi que les critères d’octroi des agréments ont été durcis au cours de ces dernières années.

    Conclusions du comité

    Conclusions du comité
    1. 35. Le comité note que la réclamation porte sur une allégation d’inexécution de la convention (no 181) sur les agences d’emploi privées, 1997. Il prend note également des allégations de l’organisation plaignante et des informations communiquées par le gouvernement en réponse à ces allégations. Le comité relève en outre qu’au Japon la main-d’œuvre se divise en deux catégories: les travailleurs non réguliers et les travailleurs réguliers. Pour la catégorie des travailleurs non réguliers, il existe toute une variété de contrats de travail couvrant les travailleurs à temps partiel, les travailleurs contractuels et les travailleurs intérimaires. Le gouvernement indique dans sa réponse que, depuis 2009, les travailleurs intérimaires représentent 6 pour cent des travailleurs non réguliers. Le comité prend note par ailleurs de l’information la plus récente communiquée par le gouvernement au sujet des modifications apportées à la loi sur le travail intérimaire.
    2. 36. Le comité note en outre que les réclamations sont régies par les dispositions suivantes de la convention no 181:
    3. Article 1
    4. 1. Aux fins de la présente convention, l’expression agence d’emploi privée désigne toute personne physique ou morale, indépendante des autorités publiques, qui fournit un ou plusieurs des services suivants se rapportant au marché du travail:
    5. (…)
    6. (b) des services consistant à employer des travailleurs dans le but de les mettre à la disposition d’une tierce personne physique ou morale (ci-après désignée comme «l’entreprise utilisatrice»), qui fixe leurs tâches et en supervise l’exécution;
    7. (…)
    8. Article 5
    9. 1. Afin de promouvoir l’égalité de chances et de traitement en matière d’accès à l’emploi et aux différentes professions, tout Membre doit veiller à ce que les agences d’emploi privées ne fassent pas subir aux travailleurs de discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale, l’origine sociale, ou toute autre forme de discrimination visée par la législation et la pratique nationales, telle que l’âge ou le handicap.
    10. (…)
    11. Article 11
    12. Tout Membre doit prendre les mesures nécessaires, conformément à la législation et la pratique nationales, pour garantir une protection adéquate aux travailleurs employés par les agences d’emploi privées, visées au paragraphe 1 b) de l’article 1 en matière de:
    13. (a) liberté syndicale;
    14. (b) négociation collective;
    15. (c) salaires minima;
    16. (d) horaires, durée du travail et autres conditions de travail;
    17. (e) prestations légales de sécurité sociale;
    18. (f) accès à la formation;
    19. (g) sécurité et santé au travail;
    20. (h) réparation en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle;
    21. (i) indemnisation en cas d’insolvabilité et protection des créances des travailleurs;
    22. (j) protection et prestations de maternité, protection et prestations parentales.
    23. 37. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que la décision de la Cour suprême, dans le cas de la banque Iyo, contrevient aux prescriptions en matière d’emploi énoncées à l’article 1, paragraphe 1 b), de la convention no 181, en vertu duquel l’agence d’emploi privée assume le rôle d’employeur. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement à ce sujet dans laquelle il indique que, en raison de la séparation constitutionnelle des pouvoirs, il n’est pas en mesure de faire des commentaires sur les décisions de justice mentionnées par l’organisation plaignante. Néanmoins, le gouvernement fait référence à la loi sur le travail intérimaire qui prévoit des sanctions administratives visant à empêcher le placement de travailleurs pour des missions excédant une année en dehors des domaines professionnels spécifiés dans la législation. Le comité note encore que, dans le cas d’espèce, l’entreprise utilisatrice n’a fait l’objet de la part des pouvoirs publics d’aucune orientation corrective et que, par conséquent, contrevenant aux prescriptions de l’article 11 de la convention, le gouvernement pourrait avoir failli à son obligation de «prendre les mesures nécessaires pour garantir une protection adéquate aux travailleurs employés par les agences d’emploi privées, visées au paragraphe 1 b) de l’article 1».
    24. 38. Le comité prend note en outre de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle la décision de justice prive le travailleur intérimaire de son droit d’escompter le maintien dans son emploi et ne reconnaît pas les responsabilités de l’agence d’intérim en tant qu’employeur, indépendamment de la durée de la relation d’emploi ou de la plainte pour harcèlement. D’après le gouvernement, la protection garantie aux travailleurs employés par des agences d’intérim par la loi sur le travail intérimaire correspond à celle prescrite à l’article 11 de la convention. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement ainsi que des pièces justificatives qu’il a fournies, selon lesquelles la loi sur les normes du travail, la loi sur la sécurité et la santé dans l’industrie et la loi sur l’égalité dans l’emploi s’appliquent aussi par principe aux agences d’intérim en tant qu’employeurs, et certaines dispositions de ces lois s’appliquent également aux entreprises utilisatrices. Le comité note que le gouvernement n’indique pas si les dispositions du paragraphe 1 de l’article 5 de la convention s’appliquent aussi bien aux agences de placement qu’aux entreprises utilisatrices.
    25. 39. Le comité prend note des trois recommandations formulées par l’organisation plaignante auxquelles le gouvernement a répondu dans ses communications. Premièrement, l’organisation plaignante demande au gouvernement d’édicter une interdiction de principe des placements «enregistrés» afin que les agences ne puissent être dégagées de leurs responsabilités en tant qu’employeurs. Deuxièmement, si les placements «enregistrés» demeurent légaux, le gouvernement devrait limiter la liste des motifs de licenciement, que l’entreprise utilisatrice licencie le travailleur ou refuse de renouveler son contrat, pour que les travailleurs employés par les agences d’intérim soient adéquatement protégés. Troisièmement, le gouvernement devrait veiller à ce que les travailleurs employés par ces agences bénéficient des mêmes droits que ceux dont jouissent les travailleurs embauchés directement. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement à ce sujet selon laquelle la séparation entre l’entité qui emploie le travailleur intérimaire et celle sous les ordres de laquelle il travaille peut entraîner une confusion lorsqu’il s’agit de déterminer à laquelle incombent les responsabilités revenant à l’employeur. A ce propos, le comité fait référence au paragraphe 313 de l’étude d’ensemble de 2010 sur les instruments relatifs à l’emploi, dans lequel la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations souligne la nécessité de disposer d’un cadre juridique clair pour assurer une protection appropriée dans les domaines relevant du champ d’application de la convention. La commission précise en outre que, étant donné les arrangements selon lesquels les salariés travaillent pour une entreprise utilisatrice, qui assigne le travail et en supervise l’exécution, présentent des particularités et que la question des responsabilités est assez floue, les Etats Membres doivent tenir compte de ces particularités dans des dispositions qui garantissent que, dans tous les cas, les responsabilités sont effectivement déterminées. Le comité invite le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour lever tout doute quant à l’application à tous les travailleurs des dispositions de la convention no 181, y compris le paragraphe 1 de l’article 5.
    26. 40. Le comité note que, d’après le gouvernement, les diverses dispositions législatives mentionnées offrent, par principe, une certaine protection aux travailleurs intérimaires. Le comité relève aussi la préoccupation exprimée par le gouvernement devant certaines nouvelles formes problématiques de travail intérimaire telles que les placements journaliers sans gestion adéquate, l’emploi de travailleurs en qualité d’intérimaires pendant de longues périodes parce qu’ils n’ont pas d’autres choix et l’emploi de travailleurs intérimaires dans des domaines professionnels non autorisés.
    27. 41. Le comité prend note de la récente information communiquée par le gouvernement selon laquelle, contrairement à l’information communiquée antérieurement à propos de l’adoption d’amendements à la loi sur le travail intérimaire qui renforceraient la protection des travailleurs intérimaires en édictant une interdiction de principe des placements «enregistrés» et du placement de travailleurs dans le secteur manufacturier, ces amendements précédemment proposés n’ont pas été retenus. Cela veut dire que, malgré certaines améliorations bienvenues aux droits des travailleurs intérimaires, le système des placements enregistrés qui a conduit à la plainte devrait rester largement inchangé. C’est également le cas du placement de travailleurs dans le secteur manufacturier. Le comité, à la lumière de l’information fournie par le gouvernement concernant l’inefficacité de la protection apportée aux travailleurs intérimaires par ces arrangements, invite le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour aligner la législation et la pratique sur les articles 1, 5 et 11 de la convention no 181.
    28. 42. Le comité se félicite aussi de l’attention portée à l’inclusion, dans les amendements actuellement soumis à la Diète, de dispositions propres: a) à assurer aux travailleurs intérimaires un traitement plus équilibré en veillant à ce que, en cas de placement illégal, l’entreprise utilisatrice soit considérée comme ayant offert un contrat de travail au travailleur temporaire; b) à interdire les «placements exclusifs» – c’est-à-dire le placement de travailleurs effectué par des agences d’intérim exclusivement auprès de certaines entreprises; et c) à interdire que la proportion de travailleurs intérimaires dans une entreprise utilisatrice ne dépasse les 80 pour cent du total des effectifs. Le comité note en outre que le nouveau projet de loi accroîtrait de manière significative le pouvoir des autorités de contrôler les placements illégaux en disposant que: i) en cas de placement illégal, l’entreprise utilisatrice sera considérée comme ayant offert un contrat de travail au travailleur intérimaire; et ii) les entreprises utilisatrices dont la qualité laisse à désirer pourront faire l’objet d’une recommandation ou être dénoncées publiquement sans orientation préalable.
    29. 43. Au vu des informations communiquées par le gouvernement sur les tendances actuelles intéressant les travailleurs intérimaires, le comité espère vivement que le nouveau projet de loi sera rapidement adopté pour garantir une «protection adéquate» à l’ensemble des travailleurs employés par des agences d’emploi privées conformément aux articles 1, 5 et 11 de la convention. Le comité souhaite souligner qu’il importe de consulter les partenaires sociaux au sujet des dispositions législatives concernées.

    Recommandations du comité

    Recommandations du comité
    1. 44. Au vu des conclusions exposées ci-dessus sur les problèmes soulevés dans la réclamation, le comité recommande au Conseil d’administration:
    2. (a) d’approuver le présent rapport;
    3. (b) d’inviter le gouvernement à prendre dûment note de toutes les questions soulevées dans les conclusions ci-dessus ainsi que des mesures demandées aux paragraphes 38, 41, 42 et 43 ci-dessus et à fournir cette année un rapport détaillé en vertu de l’article 22 de la Constitution, sur la convention (no 181) sur les agences d’emploi privées, 1997;
    4. (c) de confier à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations le suivi des questions soulevées dans ce rapport en ce qui concerne l’application de la convention no 181.
    5. (d) de rendre ce rapport public et de clore la procédure engagée suite à la réclamation de la Fédération des syndicats communautaires du Japon relative à l’inexécution par le Japon de la convention no 181.
    6. (Signé) Mme Williams
    7. M Anderson
    8. Mme Kelly
    9. Point appelant une décision: paragraphe 44
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