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RECLAMATION (article 24) - RÉPUBLIQUE DOMINICAINE - C019 (Présentée: 2010 - Rapport: 2013)

Confédération nationale des travailleurs dominicains

Clos

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Rapport du comité chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par la République dominicaine de la convention (no 19) sur l’égalité de traitement (accidents du travail), 1925, présentée par la Confédération nationale des travailleurs dominicains (CNTD) en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT

Rapport du comité chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par la République dominicaine de la convention (no 19) sur l’égalité de traitement (accidents du travail), 1925, présentée par la Confédération nationale des travailleurs dominicains (CNTD) en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT

Décision

Décision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close (GB.319/INS/14/5, octobre 2013).

I. Introduction

I. Introduction
  1. 1. Par une communication en date du 20 octobre 2010 invoquant l’article 24 de la Constitution de l’OIT, la Confédération nationale des travailleurs dominicains (CNTD) a saisi le Bureau d’une réclamation alléguant l’inexécution par le gouvernement de la République dominicaine de la convention (no 19) sur l’égalité de traitement (accidents du travail), 1925, que ce pays a ratifiée le 5 décembre 1956 et qui est actuellement en vigueur.
  2. 2. Les dispositions de la Constitution de l’Organisation internationale du Travail concernant la soumission des réclamations sont les suivantes:
    • Article 24
    • Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l’un quelconque des Membres n’aurait pas assuré d’une manière satisfaisante l’exécution d’une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d’administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu’il jugera convenable.
    • Article 25
    • Si aucune déclaration n’est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d’administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  3. 3. Conformément aux dispositions de l’article 1 du Règlement relatif à la procédure à suivre pour l’examen des réclamations présentées au titre des articles 24 et 25 de la Constitution de l’OIT dans sa teneur modifiée par le Conseil d’administration à sa 291e session (novembre 2004), le Directeur général a accusé réception de la réclamation, en a informé le gouvernement de la République dominicaine et l’a transmise au bureau du Conseil d’administration.
  4. 4. A sa 310e session (mars 2011), le Conseil d’administration a déclaré la réclamation recevable. A sa 311e session (juin 2011), le Conseil a désigné pour l’examen de la réclamation un comité composé de M. Carlos Enrique Flores (membre gouvernemental, République bolivarienne du Venezuela), M. Armando Urtecho López (membre employeur, Honduras) et M. Nilton Sousa Da Silva (membre travailleur, Brésil).
  5. 5. Le 13 février 2012, le gouvernement de la République dominicaine a présenté ses observations écrites sur la réclamation.
  6. 6. Conformément à l’article 4 c) du Règlement susmentionné et afin de procéder à une analyse exhaustive du cas, le comité tripartite, qui s’est réuni lors des 313e et 315e sessions du Conseil d’administration (mars et novembre 2012), a demandé que le gouvernement de la République dominicaine communique sur certains points des informations complémentaires.
  7. 7. Le gouvernement a fourni des informations complémentaires par des communications datées des 17 mai 2012 (parvenue au bureau le 6 mars 2013) et 11 février 2013 (Note 1)
  8. 8. Le comité s’est réuni le 21 mars 2013 pour examiner la réclamation et adopter son rapport.

II. Examen de la réclamation

II. Examen de la réclamation
  • A. Allégations de la Confédération nationale des travailleurs dominicains (CNTD)
  • Condition de résidence imposée aux étrangers par la législation relative à la sécurité sociale
    1. 9. La CNTD allègue dans sa communication du 20 octobre 2010 que, en vertu de la réforme de la législation dominicale sur la sécurité sociale à laquelle il a été procédé en 2001 (loi no 87/01, art. 3 et 5) (Note 2), la couverture des risques afférents au travail ne s’étend qu’aux citoyens dominicains et aux étrangers considérés comme résidant dans le pays. Plus précisément, selon la CNTD, la législation nationale ne ferait pas application de l’article 1, paragraphe 2, de la convention no 19 de l’OIT [désignée ci-après la «convention»], qui prescrit, en matière de réparation des accidents du travail, un traitement égal aux travailleurs étrangers, sans condition de résidence. La CNTD précise que la législation de sécurité sociale antérieure à la réforme de 2001 n’imposait pas ladite condition de résidence à l’égard de ces travailleurs étrangers, de sorte que cette protection s’étendait, en vertu de l’article 2 de la loi no 1896 de 1948 sur les assurances sociales, à tous les travailleurs «sans distinction de sexe, de nationalité, de type d’activité ou de catégorie d’employeur».
    2. 10. L’organisation plaignante ajoute que, pour comprendre l’impact qu’a, au regard de l’application de la convention, cette condition de résidence introduite en 2001, il convient de lire les dispositions susmentionnées de la loi no 87/01 de sécurité sociale en conjonction avec celles de la loi générale sur les migrations de 2004, laquelle définit les travailleurs étrangers en séjour temporaire comme étant des non-résidents. Cela signifierait, dans la pratique, l’exclusion du champ d’application du régime d’assurance contre les accidents du travail pour la quasi-totalité de la main-d’oeuvre étrangère présente dans le pays, qui est constituée de travailleurs en séjour temporaire venant d’Haïti, Etat à l’égard duquel cette convention est aussi en vigueur 3, ce qui instaurerait de fait entre les travailleurs nationaux et les travailleurs immigrés une différence de traitement significative en matière de réparation des accidents du travail.
    1. Obstacles supplémentaires à l’égalité de traitement
    2. 11. L’organisation plaignante allègue que, en plus de la condition de résidence imposée par la législation aux travailleurs étrangers et, par voie de conséquence, l’exclusion des travailleurs étrangers en situation de séjour temporaire de la couverture des risques afférents au travail, il existerait en République dominicaine d’autres obstacles majeurs, de caractère institutionnel comme d’ordre pratique, s’opposant à l’égalité d’accès des travailleurs étrangers à une protection effective contre les accidents du travail ou à leur indemnisation effective.
    3. 12. La CNTD déclare, en premier lieu, que le système de sécurité sociale résultant de la loi no 87/01 de sécurité sociale ne laisserait plus qu’une protection dérisoire aux travailleurs «ambulants et occasionnels», qui étaient antérieurement couverts par la loi no 1896 sur les assurances sociales, où ils étaient définis en tant que travailleurs «sans lien fixe avec un employeur déterminé» pouvant «servir occasionnellement et indistinctement plusieurs employeurs». Selon l’organisation plaignante, les mesures adoptées pour combler les lacunes de la loi no 87/01, assurer le recouvrement des cotisations correspondantes auprès des travailleurs ambulants ou occasionnels et assurer à ceux-ci leurs prestations de sécurité sociale, y compris celles qui ont trait aux accidents du travail, ne permettraient pas de couvrir la plupart des travailleurs de cette catégorie. La CNTD estime que les déficiences qu’elle attribue à l’architecture du système de sécurité sociale affectent en particulier les travailleurs haïtiens puisque nombre d’entre eux appartiennent à la catégorie des travailleurs ambulants ou occasionnels.
    4. 13. En second lieu, l’organisation plaignante fait valoir d’importantes dysfonctions dans l’indemnisation des accidents du travail, dysfonctions qui tiennent principalement à un taux particulièrement bas de déclaration des accidents, de même qu’à un niveau particulièrement bas, lui aussi, de cotisation des employeurs au régime d’assurance contre les accidents du travail, notamment dans les secteurs d’activité qui se caractérisent à la fois par des taux d’incidence des accidents du travail particulièrement élevés et par la présence d’une main-d’oeuvre majoritairement haïtienne, comme c’est le cas dans la construction, l’industrie sucrière et l’agriculture. S’agissant de la déclaration des accidents du travail, la CNTD cite des déclarations faites à la presse par le directeur de l’Administration des risques du travail (ARL), déclarations selon lesquelles il y aurait 70 000 accidents du travail par an dans le pays mais, pour l’année 2009, 10 000 seulement auraient été déclarés. Et ce faible taux de déclaration caractériserait, en particulier, le secteur de la construction (avec un taux de déclaration des accidents de 5,8 pour cent seulement), constat qui conduit à faire un rapprochement frappant avec celui du Collège dominicain des ingénieurs, architectes et géomètres, dont les chiffres font ressortir que 85 pour cent des travailleurs de ce secteur sont haïtiens. De plus, la CNTD allègue que 45 pour cent seulement des employeurs s’acquittent de leurs cotisations au régime d’assurance contre les accidents du travail et que, là encore, ce sont les secteurs qui emploient une majorité de travailleurs étrangers, notamment celui de la construction, qui se signalent par le taux le plus élevé de non-acquittement des cotisations d’assurance, laissant sans protection les travailleurs immigrés qu’ils emploient.
    5. 14. Se fondant sur les divers éléments ainsi exposés, l’organisation plaignante estime que la République dominicaine ne s’acquitte pas de manière satisfaisante de ses obligations au regard de la convention, et ce tant sur le plan législatif que sur le plan pratique, et que l’Etat devrait prendre sur les plans juridique, institutionnel et administratif des dispositions propres à garantir l’égalité de traitement entre travailleurs nationaux et travailleurs étrangers en matière d’indemnisation des accidents du travail.
  • B. Observations du gouvernement sur la réclamation
  • Aspects concernant l’ordre juridique
    1. 15. Dans ses communications de février 2012 et février 2013, le gouvernement déclare que le système juridique national reconnaît le droit à la sécurité sociale de manière universelle. Il mentionne à cet égard l’article 39 de la Constitution politique adoptée en 2010 (Note 4), qui consacre le principe d’égalité et interdit toute discrimination fondée sur la nationalité, ainsi que son article 60 (Note 5), qui prévoit que chacun a droit à la sécurité sociale.
    2. 16. Le gouvernement indique également que la réforme du système de sécurité sociale opérée par la loi no 87/01 a pour objectif de protéger tous les Dominicains et toutes les personnes qui résident dans le pays, sans distinction de nationalité. Il fait valoir que cette loi consacre le principe d’universalité selon lequel «le système de sécurité sociale dominicain devra protéger tous les Dominicains et toutes les personnes qui résident dans le pays sans discrimination en raison de la santé, du sexe, ou de la situation sociale, politique ou économique» (Note 6). Il ajoute que la loi instaure également le principe d’obligation, en vertu duquel «l’affiliation, la cotisation et la participation revêtent un caractère obligatoire à l’égard de tous les citoyens et de toutes les institutions, suivant les conditions et règles établies par la présente loi» (Note 7).
    3. 17. Le gouvernement indique que, en vertu des dispositions constitutionnelles et légales susmentionnées, l’employeur est tenu d’inscrire auprès du système de sécurité sociale toutes les personnes qu’il emploie, sans distinction d’aucune sorte, qu’elles soient dominicaines ou qu’elles soient étrangères. Le gouvernement ajoute dans ce sens que les tribunaux du travail du pays reconnaissent aux travailleurs étrangers, quelle que soit leur situation de séjour dans le pays, l’ensemble des droits qui découlent de la relation d’emploi, y compris le droit à indemnisation en cas d’accident du travail (Note 8).
    4. 18. Dans sa communication de mai 2012, le gouvernement indique que les travailleurs étrangers non résidents ne peuvent pas s’affilier au système de sécurité sociale, d’une manière générale, et au régime d’assurance contre les accidents du travail, en particulier. Il ressort des diverses informations communiquées par le gouvernement que le nombre des travailleurs étrangers ayant statut de résident dans le pays (Note 9) s’élève à l’heure actuelle à 13 334, dont 11 310 sont affiliés au régime d’assurance contre les accidents du travail. Dans sa communication de février 2013, le gouvernement ajoute, à propos des travailleurs étrangers non résidents, que le Code du travail s’appuie sur le principe de la territorialité, en vertu duquel les droits nés de la relation d’emploi sont applicables à toutes les personnes qui travaillent, que celles-ci soient dominicaines ou étrangères, et sans considération de leur situation au regard des règles de séjour, si bien que les dispositions de sécurité sociale leur sont applicables de manière égale, avec les particularités que ces dispositions comportent.
    5. 19. Le gouvernement indique que ses efforts de développement de la politique nationale en matière de migration ont été concrétisés avec la promulgation en 2011 du règlement d’application de la loi générale de migration no 285-04. Il signale également le lancement, en octobre 2011, d’une vaste initiative de consultation ouverte à toutes les personnes et à toutes les organisations intéressées visant à préparer l’élaboration d’un plan national de régularisation de la migration, conformément à ce que prévoit la loi générale de migration. Dans ce même sens, le ministère du Travail procède actuellement à des consultations auprès de diverses composantes de la population afin d’élaborer une liste des professions présentant un niveau technique particulièrement élevé qui pourraient être exercées par des travailleurs migrants, indépendamment du nombre des travailleurs étrangers employés par l’entreprise considérée.
    6. 20. Le gouvernement ajoute, par ailleurs, que des initiatives concrètes visant à l’enregistrement des travailleurs migrants dans le système de sécurité sociale sont actuellement en cours. Ainsi, en 2012, un projet pilote prévoyant la délivrance de 244 permis de travail et l’enregistrement des contrats de travail correspondants auprès du ministère du Travail a été engagé avec les travailleurs migrants du secteur agricole. De son côté, la Direction générale des migrations a diffusé auprès de ces travailleurs une brochure expliquant ce qui était fait en vue de les affilier au système de sécurité sociale.
  • Aspects d’ordre pratique
    1. 21. Le gouvernement indique, dans sa réponse de février 2012, que des difficultés d’application du système de sécurité sociale se poseraient, notamment à l’égard des travailleurs de l’économie informelle qui représentent 56 pour cent de la main-d’oeuvre du pays. Il évoque l’impossibilité, à ce jour, principalement pour des motifs financiers, de mettre en oeuvre le régime contributif aidé, qui aurait vocation à couvrir les travailleurs indépendants, particulièrement nombreux dans l’économie informelle. En ce qui concerne la prévention des accidents du travail, le gouvernement a indiqué dans sa communication de mai 2012 qu’il prenait des mesures pour faire face au taux particulièrement élevé d’accidents qui affectent le secteur de la construction (Note 10).
    2. 22. Le gouvernement indique, en outre, qu’un obstacle supplémentaire à l’extension de la couverture de sécurité sociale tient au fait que nombre d’habitants ne sont en possession d’aucune pièce d’identité. Le phénomène serait particulièrement répandu chez les travailleurs haïtiens présents dans le pays à qui leur pays d’origine n’aurait pas délivré la moindre pièce d’identité, leur permettant de régulariser leur situation au regard des règles de séjour dans le pays ou d’accéder à quelque régime que ce soit du système de sécurité sociale dominicain. Le gouvernement évoque certaines initiatives déployées en concertation avec diverses organisations du système multilatéral et de coopération internationale en vue de résoudre le problème de la sous-déclaration des naissances, en conséquence duquel des citoyens n’ont pas de pièce d’identité. Dans sa communication de mai 2012, il fait état d’entretiens menés le 18 janvier 2012 avec l’Ambassadeur de la République d’Haïti pour explorer les possibilités d’assurer rapidement la délivrance de pièces d’identité et des documents nécessaires à la régularisation de la situation au regard des règles de séjour de ces ressortissants.
    3. 23. S’agissant des difficultés alléguées par la CNTD quant à l’extension de la couverture des risques du travail aux travailleurs ambulants ou occasionnels, le gouvernement répond, dans sa communication de février 2013, que la seule difficulté que peuvent rencontrer les travailleurs pour s’affilier au système de sécurité sociale est de ne pas avoir de pièce d’identité. Afin d’assurer d’une certaine manière des soins de santé aux travailleurs ambulants ou occasionnels, le Conseil national de la sécurité sociale, par résolution no 165-03 du 30 août 2007, a décidé d’autoriser à titre transitoire l’Institut dominicain de sécurité sociale à maintenir les services de santé du régime contributif accessibles aux travailleurs ambulants ou occasionnels qui ne seraient pas couverts par une autre forme d’assurance-santé.

    III. Conclusions du comité

    III. Conclusions du comité
  • A. Principales dispositions de la convention à prendre en considération dans le cadre de la réclamation
    1. 24. Le comité observe que les allégations formulées par la Confédération nationale des travailleurs dominicains (CNTD) et les réponses fournies par le gouvernement soulèvent deux problèmes fondamentaux touchant à l’application de la convention:
      • - l’un, de caractère strictement législatif, ayant trait à l’inscription dans la législation d’une condition de résidence applicable aux travailleurs étrangers pour pouvoir bénéficier du régime d’assurance contre les accidents du travail, question qui doit être analysée à la lumière du principe énoncé à l’article 1 de la convention, aux termes duquel l’égalité de traitement en matière de réparation des accidents du travail doit être assurée aux travailleurs étrangers sans aucune condition de résidence;
      • - l’autre, qui se rapporte à une série d’obstacles administratifs et pratiques qui s’opposeraient à l’accès effectif d’un grand nombre de travailleurs étrangers à la réparation des accidents du travail, obstacles qui touchent à la responsabilité du gouvernement d’adopter des mesures propres à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de la convention tels qu’ils ressortent de son article 1. Considérant l’importance des flux migratoires entre Haïti et la République dominicaine et rappelant que l’un et l’autre pays ont ratifié la convention, le comité souligne de surcroît la pertinence, pour l’analyse de ce deuxième aspect de la réclamation, de l’article 4 de la convention, qui a trait à l’assistance mutuelle que doivent se prêter les pays ayant ratifié cet instrument.
    2. 25. Le comité estime par conséquent que les questions soulevées dans la réclamation touchent principalement à l’application de l’article 1, paragraphes 1 et 2, et de l’article 4 de la convention, qui ont la teneur suivante:
      • Article 1
      • 1. Tout Membre de l’Organisation internationale du Travail qui ratifie la présente convention s’engage à accorder aux ressortissants de tout autre Membre ayant ratifié ladite convention qui seront victimes d’accidents du travail survenus sur son territoire, ou à leurs ayants droit, le même traitement qu’il assure à ses propres ressortissants en matière de réparation des accidents du travail.
      • 2. Cette égalité de traitement sera assurée aux travailleurs étrangers et à leurs ayants droit sans aucune condition de résidence. Toutefois, en ce qui concerne les paiements qu’un Membre ou ses ressortissants auraient à faire en dehors du territoire dudit Membre en vertu de ce principe, les dispositions à prendre seront réglées, si cela est nécessaire, par des arrangements particuliers pris avec les Membres intéressés.
      • (...)
      • Article 4
      • Les Membres qui ratifient la présente convention s’engagent à se prêter mutuellement assistance en vue de faciliter son application, ainsi que l’exécution de leurs lois et règlements respectifs en matière de réparation des accidents du travail, et à porter à la connaissance du Bureau international du Travail, qui en informera les autres Membres intéressés, toute modification dans les lois et règlements en vigueur en matière de réparation des accidents de travail.
      • (...)
  • B. S’agissant de la condition de résidence imposée aux étrangers par la législation de sécurité sociale
    1. 26. Le comité observe que ni la Constitution ni le Code du travail de la République dominicaine ne prévoient, en matière de sécurité sociale, d’une manière générale, et de réparation des accidents du travail, en particulier, de distinction quelle qu’elle soit sur la base de la nationalité. Le comité constate, en revanche, que la loi no 87/01 sur la sécurité sociale, en définissant sous son article 3 le principe d’universalité dudit système, se réfère exclusivement aux «citoyens dominicains et aux personnes qui résident dans le pays» et que l’article 5, qui concerne tous les risques couverts par le système de sécurité sociale, y compris les risques du travail, limite l’affiliation au système de sécurité sociale aux seuls citoyens dominicains et personnes résidant légalement dans le pays. Le comité observe que l’inclusion d’une condition de résidence s’imposant aux étrangers est le résultat de la réforme législative de 2001, la législation antérieure ayant produit ses effets à l’égard des travailleurs sans distinction de nationalité (Note 11).
    2. 27. Le comité constate en outre qu’en vertu de la loi no 285-04 sur les migrations (Note 12) seuls les travailleurs étrangers ayant un haut niveau de qualification ou de spécialisation pourront entrer dans le pays en y bénéficiant du statut de résident, à titre permanent ou à titre temporaire, les autres travailleurs étrangers admis dans le pays ne devant l’être qu’en tant que travailleurs en séjour temporaire, c’est-à-dire sans obtenir la qualité de résident, et ne devant être considérés que comme personnes de passage. A cet égard, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles le nombre des travailleurs étrangers ayant statut de résident s’élève à 13 334 et qu’en vertu de la loi no 87/01 seuls les étrangers ayant statut de résidents peuvent être affiliés au régime d’assurance contre les accidents du travail. Le comité observe par comparaison que les évaluations situent le nombre total de travailleurs étrangers présents sur le territoire dominicain à plusieurs centaines de milliers (Note 13). De tels chiffres signifient que l’impossibilité faite aux travailleurs étrangers non résidents de s’affilier au système de sécurité sociale a un impact extrêmement élevé et que la grande majorité des travailleurs étrangers présents dans le pays n’a pas accès au régime d’assurance contre les accidents du travail.
    3. 28. Le comité rappelle que l’incompatibilité entre les articles précités de la loi no 87/01 et la convention a été relevée par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) dans sa demande directe de 2007, où elle avait prié le «gouvernement d’indiquer la manière dont il assure l’égalité de traitement avec les nationaux en cas d’accident du travail aux étrangers travaillant sur le territoire de la République dominicaine, sans toutefois y avoir leur résidence». Le comité observe enfin que la contradiction alléguée entre la législation de sécurité sociale et la convention a été explicitement reconnue dans des allocutions publiques de responsables gouvernementaux de la République dominicaine: «Un problème particulier qu’il faudra aborder concerne les travailleurs étrangers qui ne sont pas légalement résidents tout en travaillant de fait en République dominicaine. Ce problème devra être abordé à la lumière des conventions internationales que la République dominicaine a ratifiées et dont l’inapplication pose à celle-ci de graves problèmes par rapport à la compétitivité des produits dominicains hors du pays (Note 14).»
    4. 29. Sur la question spécifique des mécanismes d’indemnisation des accidents du travail applicables aux travailleurs étrangers qui ne bénéficient pas du statut de résident et qui, comme le gouvernement le reconnaît, ne peuvent s’affilier au régime d’assurance contre les accidents du travail, le gouvernement se réfère, dans sa communication de février 2013, au principe de territorialité consacré par le Code du travail en vertu duquel les droits nés de la relation de travail s’appliquent à toutes les personnes qui travaillent, que celles-ci soient dominicaines ou étrangères et sans considération de leur situation au regard des règles de séjour, si bien que les dispositions de sécurité sociale leur sont applicables de manière égale, avec les particularités que ces dispositions comportent. Le comité observe que cette affirmation se fonde sur le principe IV du Code du travail, relatif à la territorialité, ainsi que sur l’article 52 du Code du travail, dont la première partie dispose: «En cas d’accident ou de maladie, le travailleur bénéficiera des soins médicaux et des indemnisations accordées par les lois sur les accidents du travail et sur l’assurance sociale dans les formes et conditions que lesdites lois déterminent.» Cela signifie que la législation de sécurité sociale est applicable aux travailleurs étrangers, avec la particularité et sous réserve de la condition de résidence prévue par la loi no 87/01 et que, de ce fait, lesdites dispositions ne permettent pas de prendre en considération les nombreux travailleurs temporaires présents dans le pays.
    5. 30. A la lumière de ce qui précède, le comité considère que les articles 3 et 5 de la loi no 87/01 établissent effectivement une différence de traitement entre les travailleurs nationaux et les travailleurs étrangers en ce qu’ils limitent l’affiliation au système de sécurité sociale aux seuls travailleurs étrangers jouissant du statut de résident dans le pays. Dans la mesure où elles s’appliquent au régime d’assurance contre les accidents du travail, lesdites dispositions contreviennent aux principes consacrés par l’article 1, paragraphe 2, de la convention, article en vertu duquel l’égalité de traitement sera assurée aux travailleurs étrangers sans aucune condition de résidence. Le comité exprime sa préoccupation devant l’exclusion, du fait de la non-attribution du statut de résident aux travailleurs considérés comme temporaires, de la grande majorité des travailleurs étrangers du système de sécurité sociale dans son ensemble, et en particulier au régime d’assurance contre les accidents du travail et du bénéfice des prestations qui s’y attachent. Le comité considère donc qu’une modification de la loi no 87/01 qui permettrait aux travailleurs étrangers n’ayant pas la qualité de résident de s’affilier au régime d’assurance contre les accidents du travail constitue une condition minimale pour que la convention soit appliquée. En outre, le comité considère que la suppression de la condition de résidence pour ce qui concerne les autres domaines du système de sécurité sociale dominicain permettrait d’éliminer les contradictions entre la législation de sécurité sociale et la Constitution nationale et renforcerait la cohérence entre la législation de sécurité sociale et la législation du travail.
    6. 31. Le comité prend également note des indications contenues dans la communication du gouvernement de février 2012, selon lesquelles les travailleurs, sans considération de leur nationalité ou de leur situation au regard des règles de séjour, ont la faculté de saisir les tribunaux du travail pour obtenir l’application des droits qui s’attachent à la relation d’emploi, droits qui incluent celui de réclamer des réparations en cas d’accidents du travail ou de maladies professionnelles. Le comité prend note à cet égard de trois décisions d’instances judiciaires citées par le gouvernement, selon lesquelles l’employeur a été enjoint d’indemniser des travailleurs étrangers victimes d’accidents du travail qui n’avaient pas été affiliés au système de sécurité sociale. Tout en se félicitant de la contribution importante à la protection des travailleurs étrangers contre les accidents du travail ainsi apportée par le pouvoir judiciaire, le comité se doit de rappeler qu’une situation dans laquelle l’indemnisation des accidents du travail se fonderait uniquement sur la responsabilité directe de l’employeur n’est pas compatible avec la convention no 19, dont l’article 3 prescrit aux Etats qui ratifient cet instrument de se doter d’un régime d’indemnisation ou d’assurance forfaitaire des accidents du travail. Le comité souligne en outre que la possibilité d’engager une procédure judiciaire en vue d’obtenir une indemnisation de l’employeur en cas d’accident du travail ne supprime pas la différence de traitement résultant de l’exclusion des travailleurs étrangers non résidents du système général de sécurité sociale et du régime d’assurance contre les accidents du travail en particulier, et de l’exclusion qui s’ensuit des moyens de traitement médical et des prestations économiques prévus par ce régime (Note 15).
  • C. Sur les obstacles supplémentaires et l’égalité de traitement évoqués dans la réclamation
    1. 32. La réclamation allègue non seulement une violation directe par la loi du principe d’égalité de traitement proclamé par la convention no 19, mais aussi la nécessité d’adopter un éventail plus large de mesures concrètes propres à instaurer une égalité de traitement effective entre travailleurs nationaux et travailleurs étrangers en matière de réparation des accidents du travail.
  • Protection des travailleurs de l’économie informelle, ambulants ou occasionnels
    1. 33. Le comité constate que le gouvernement reconnaît que la part particulièrement élevée que représente l’économie informelle dans le marché du travail dominicain constitue un obstacle déterminant à la protection effective des travailleurs contre les accidents du travail. Par la nature même des flux migratoires, les travailleurs étrangers se révèlent en général plus vulnérables au phénomène de l’activité informelle que les nationaux, ce qui a un certain nombre de répercussions sur le plan de l’égalité d’accès à la protection contre les accidents du travail. A cet égard, le comité prend également note des indications du gouvernement concernant les consultations relatives à l’élaboration d’un plan national de régularisation de la migration. Ces indications mettent en évidence que la plus grande vulnérabilité des travailleurs étrangers par rapport à l’économie informelle découle également, dans une large mesure, de la précarité qui s’attache au statut de migrant. De fait, une situation irrégulière au regard des règles de séjour non seulement ne peut que constituer un obstacle à l’affiliation au système de sécurité sociale, mais encore dissuade l’intéressé de revendiquer ses droits, y compris en matière d’accidents du travail. Une situation dans laquelle la législation maintiendrait une grande majorité de la main-d’oeuvre étrangère dans l’irrégularité serait problématique au regard de l’obligation faite aux gouvernements de créer des conditions propices à la mise en pratique effective de l’égalité de traitement en matière de réparation des accidents du travail.
    2. 34. Sur cette question, le comité tient à rappeler que la convention no 19 n’établit pas de distinction entre les travailleurs de l’économie formelle et ceux de l’économie informelle. Dès lors, l’application de la convention pourrait devenir bien plus effective avec l’adoption de lois et de mesures qui contribueraient à atténuer la vulnérabilité particulière des travailleurs étrangers par rapport à l’économie informelle, à instaurer une plus grande cohérence entre la politique de l’emploi, la politique de sécurité sociale et la politique des migrations et à favoriser ainsi l’égalité de traitement à laquelle tend la convention. L’étude sur les immigrants haïtiens et le marché du travail évoquée par le gouvernement montre que la législation relative à l’emploi des travailleurs étrangers se singularise sous plusieurs aspects par son inadéquation manifeste par rapport aux besoins actuels de l’économie dominicaine et par les obstacles qu’elle dresse contre l’emploi dans des conditions régulières de nombreux travailleurs étrangers (Note 16).
    3. 35. Le comité observe également que plusieurs documents publiés par le ministère du Travail et le Conseil national de sécurité sociale 17 évoquent, de manière directe, les difficultés du système de sécurité sociale, en général, et du régime d’assurance contre les accidents du travail, en particulier à étendre ses effets, de manière adéquate, aux travailleurs ambulants ou occasionnels. Le communiqué de presse du ministère du Travail annonçant la publication de l’étude sur les immigrants haïtiens et le marché du travail indique par exemple que, «S’agissant de l’engagement et de l’enregistrement des travailleurs et travailleuses migrants, le secteur de la construction est celui qui présente les plus grandes faiblesses, du fait que l’engagement temporaire y représente 66,2 pour cent et que cette forme d’engagement rend l’enregistrement auprès de la sécurité sociale impossible (Note 18).» Il est dit dans cette étude que «la grande majorité des travailleurs de ces secteurs n’ont pas accès aux divers régimes d’assurance-maladie, d’assurance-vie et d’assurance contre les accidents du travail ni à un plan de pension de retraite. Dans le secteur de la construction, comme on l’a dit, cette situation a un caractère structurel, étant intimement liée à la rotation des ouvriers entre les chantiers, qui entraîne l’instabilité du poste de travail, l’engagement à titre temporaire et le régime de la sous-traitance (Note 19).»
    4. 36. A cet égard, tout en prenant note des initiatives du Conseil dominicain de sécurité sociale en matière d’accès à la santé, le comité considère qu’une amélioration significative de l’affiliation des travailleurs ambulants ou occasionnels au régime d’assurance contre les accidents du travail aux fins de leur protection est nécessaire pour parvenir à une application effective, et non simplement formelle, de la convention. Le comité invite donc le gouvernement à multiplier les efforts déployés pour adapter le système du régime d’assurance contre les accidents du travail aux caractéristiques de son marché du travail et aux défis posés par l’engagement temporaire dans des secteurs tels que la construction, de manière à favoriser l’égalité d’accès des travailleurs dominicains et des travailleurs étrangers à la réparation des accidents du travail. A cet égard, le comité rappelle que les normes internationales du travail reconnaissent la nécessité d’adapter les régimes de sécurité sociale aux conditions d’emploi de catégories spécifiques de travailleurs (tels que les travailleurs saisonniers, les travailleurs à temps partiel, etc.).
  • Application lacunaire des règles en vigueur relatives aux accidents du travail
    1. 37. Le comité note que la CNTD allègue que dans les secteurs qui emploient un grand nombre de travailleurs haïtiens, comme ceux de la construction, de l’agriculture ou du sucre, la plupart des accidents du travail ne sont pas déclarés. La confédération dénonce également le niveau particulièrement faible de cotisation des employeurs au régime d’assurance contre les accidents du travail dans ces secteurs. Dans sa communication de mai 2012, le gouvernement évoque brièvement le taux d’accidents particulièrement élevé qui caractérise le secteur de la construction ainsi que certaines initiatives prises par l’inspection du travail dans ce secteur. Le comité constate que cet aspect de la réclamation a trait au caractère lacunaire de l’application de la législation relative aux accidents du travail dans des secteurs d’activité qui emploient un grand nombre de travailleurs étrangers. Le comité rappelle que les observations de la CEACR publiées en 2012 sur l’application par la République dominicaine de la convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947, et de la convention (no 167) sur la sécurité et la santé dans la construction, 1988, enjoignent au gouvernement de «prendre les mesures nécessaires afin que soient définies les circonstances dans lesquelles l’inspection du travail devra être informée des accidents du travail et des cas de maladie professionnelle».
    2. 38. L’étude sur les immigrants haïtiens et le marché du travail que le gouvernement cite dans sa réponse signale que, dans le secteur de la construction, 61,1 pour cent des responsables de chantiers interrogés déclarent n’avoir jamais reçu de visite d’inspecteurs du ministère du Travail 20. Dans le secteur de la banane, cette proportion s’élève même à 82,3 pour cent (Note 21). Seulement 20 pour cent des travailleurs haïtiens du secteur de la construction et 9,9 pour cent des travailleurs du secteur de la banane déclarent être affiliés au régime d’assurance contre les accidents du travail. S’agissant de la déclaration des accidents du travail, le comité observe que les statistiques de l’administration des risques du travail font ressortir une augmentation particulièrement marquée du nombre des déclarations, avec 26 000 accidents du travail et cas de maladie professionnelle pour l’année 2012, contre 5 534 pour l’année 2006. Cependant, à la même période, la proportion des accidents du travail déclarés dans le secteur de la construction et dans celui de l’agriculture reste très basse (respectivement 5 pour cent et 3 pour cent d’accidents déclarés) en dépit de l’incidence particulièrement marquée des accidents du travail qui caractérise ces secteurs d’activité (Note 22).
    3. 39. Sur la base des informations et statistiques mentionnées, le comité constate que, dans un contexte où l’économie informelle joue un rôle tel que cela a une incidence sur la main-d’oeuvre du pays dans son ensemble, les difficultés auxquelles se heurte l’inspection du travail, s’agissant de faire respecter la législation sur les accidents du travail, notamment quant à la déclaration desdits accidents et à l’acquittement des cotisations dues au régime d’assurance contre les accidents du travail affectent apparemment d’une manière plus aiguë les secteurs de la construction et de l’agriculture, où les travailleurs haïtiens sont fortement présents. Le comité considère qu’une telle situation contribue à accroître la vulnérabilité particulière de ces travailleurs sur le plan des accidents du travail et constitue dans la pratique un obstacle notable à l’application de la convention. Le comité invite donc le gouvernement à accorder un traitement prioritaire, dans le cadre de sa politique de renforcement de l’inspection du travail, aux secteurs qui connaissent l’incidence la plus élevée d’accidents du travail en même temps que la présence la plus forte de travailleurs étrangers, notamment à ceux de la construction et de l’agriculture.
  • Défaut de pièces d’identité
    1. 40. Enfin, le comité prend note des déclarations du gouvernement concernant la difficulté supplémentaire que constituerait la situation de nombreux travailleurs étrangers du fait que ceux-ci ne sont pas en possession d’une pièce d’identité délivrée par leur pays d’origine, situation qui constituerait sur le plan pratique un obstacle supplémentaire à leur affiliation au système de sécurité sociale. Le gouvernement indique que ce phénomène, qui affecte également une certaine frange de la population dominicaine, est particulièrement courant chez les travailleurs haïtiens (Note 23). Dans sa communication de février 2012, le gouvernement mentionne succinctement une série d’initiatives dans ce domaine, sans préciser si elles concernent uniquement les citoyens dominicains qui n’ont pas de pièce d’identité ou si, au contraire, elles englobent les travailleurs haïtiens se trouvant dans la même situation. Le gouvernement évoque également, dans sa communication de mai 2012, des entretiens menés le 18 janvier 2012 avec l’Ambassadeur de la République d’Haïti.
    2. 41. Le comité considère que les doutes qui peuvent surgir à propos de la nationalité – haïtienne ou dominicaine – de nombreuses personnes présentes en République dominicaine mettent en relief la nécessité d’un dialogue institutionnel entre les deux gouvernements sur cette question. D’une manière générale, rappelant que l’article 4 de la convention prévoit que les Membres qui ratifient cet instrument «s’engagent à se prêter mutuellement assistance en vue de faciliter son application», le comité considère qu’une collaboration durable entre les Etats liés par cette disposition de la convention revêt une importance fondamentale pour la solution des diverses difficultés et des divers défis posés par l’application de la convention en République dominicaine et identifiés dans le cadre de la présente réclamation et que la pertinence de ce dialogue serait renforcée par la participation des partenaires sociaux des deux pays.
  • D. Synthèse des conclusions du comité
    1. 42. Le comité considère que, si la Constitution et le Code du travail de la République dominicaine n’établissent pas effectivement, en matière de sécurité sociale, de distinctions fondées sur la nationalité, les articles 3 et 5 de la loi no 87/01 de sécurité sociale introduisent effectivement, quant à eux, une différence de traitement entre les travailleurs nationaux et les travailleurs étrangers en ce qu’ils limitent l’affiliation au système de sécurité sociale aux travailleurs étrangers jouissant du statut de résident dans le pays. Dans la mesure où elles s’appliquent au régime d’assurance contre les accidents du travail, lesdites dispositions ne sont pas conformes aux principes consacrés par l’article 1, paragraphe 2, de la convention, en vertu desquelles l’égalité de traitement entre nationaux et étrangers sur le plan de la réparation des accidents du travail doit être accordée sans condition aucune de résidence. Le comité constate que le gouvernement reconnaît que les travailleurs étrangers non résidents ne peuvent pas s’affilier au régime d’assurance contre les accidents du travail, et il demande donc que le gouvernement modifie les articles 3 et 5 de la loi no 87/01 de manière à en supprimer la condition générale de résidence imposée aux travailleurs étrangers afin que ceux-ci puissent, à tout le moins, être affiliés au régime d’assurance contre les accidents du travail sans condition de résidence.
    2. 43. Pour ce qui est de l’élaboration, par le gouvernement, d’un plan national de régularisation de la migration, le comité souligne la nécessité de parvenir à une plus grande cohérence entre la politique de l’emploi, la politique de sécurité sociale et la politique des migrations, afin que la législation et la réglementation applicables aux travailleurs migrants soient mieux adaptées aux nécessités du marché du travail dominicain. Le comité considère qu’une situation dans laquelle la législation maintiendrait une grande majorité de la main-d’oeuvre étrangère dans une situation d’irrégularité serait problématique au regard de l’obligation faite aux gouvernements de créer des conditions propices à la mise en pratique effective de l’égalité de traitement en matière de réparation des accidents du travail. De même, le comité considère que l’amélioration de l’affiliation des travailleurs ambulants ou occasionnels au régime d’assurance contre les accidents du travail aux fins de leur protection est nécessaire pour parvenir à une application effective, et non simplement formelle, de la convention. A cette fin, le gouvernement pourrait également étudier la situation des autres catégories marquées par une forte présence de travailleurs étrangers susceptibles d’éprouver des difficultés similaires.
    3. 44. Le comité considère que les difficultés auxquelles se heurte l’inspection du travail, s’agissant de faire respecter la législation sur les accidents du travail, notamment quant à la déclaration desdits accidents et à l’acquittement des cotisations dues au régime d’assurance contre les accidents du travail contribuent à accroître la vulnérabilité particulière de ces travailleurs par rapport aux accidents du travail et constituent dans la pratique un obstacle notable à l’application de la convention. Le comité invite donc le gouvernement à accorder un traitement prioritaire, dans le cadre de sa politique de renforcement de l’inspection du travail, aux secteurs qui connaissent l’incidence la plus élevée d’accidents du travail en même temps que la présence la plus forte de travailleurs étrangers, notamment au secteur de la construction et à celui de l’agriculture.
    4. 45. Le comité observe enfin que le défaut de pièce d’identité délivrée par leur pays d’origine qui affecte un nombre important de travailleurs haïtiens présents en République dominicaine constituerait, sur le plan pratique, un obstacle supplémentaire à l’affiliation de ces travailleurs au système de sécurité sociale, en particulier au régime d’assurance contre les accidents du travail. Il constate qu’une telle difficulté ne peut être résolue de manière satisfaisante sans une collaboration durable entre les gouvernements de la République dominicaine et de la République d’Haïti. D’une manière plus générale, le comité considère que la collaboration durable entre les Etats liés par des obligations découlant de cette disposition de la convention revêt une importance fondamentale pour la solution des diverses difficultés et des divers défis posés par l’application de la convention en République dominicaine et identifiés dans le cadre de la présente réclamation et que la pertinence de ce dialogue serait renforcée par la participation des partenaires sociaux des deux pays.

    IV. Recommandations du comité

    IV. Recommandations du comité
    1. 46. A la lumière des conclusions qui précèdent, le comité recommande au Conseil d’administration:
      • a) d’approuver le présent rapport, en appelant particulièrement l’attention du gouvernement sur les mesures préconisées aux paragraphes 42 à 45;
      • b) d’inviter le gouvernement à solliciter l’assistance technique du BIT pour parvenir à mettre en oeuvre les mesures demandées;
      • c) d’inviter le gouvernement à inclure pleinement les partenaires sociaux dans le processus de mise en oeuvre des mesures demandées;
      • d) d’inviter le gouvernement à fournir, dans un rapport qui sera soumis à l’examen de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations à la prochaine session de cette instance, des informations détaillées sur les mesures prises pour faire porter effet aux recommandations formulées précédemment afin que cette commission soit en mesure d’examiner les suites faites aux réponses apportées en vue de résoudre les problèmes qui se posent par rapport à l’application de la convention; et
      • e) de rendre public le présent rapport et déclarer close la procédure de réclamation ouverte suite aux allégations de la Confédération nationale des travailleurs dominicains (CNTD) relatives à l’inexécution par la République dominicaine de la convention no 19.
    2. 21 mars 2013
    3. NOTES:
    4. Note 1: de rendre public le présent rapport et déclarer close la procédure de réclamation ouverte suite aux allégations de la Confédération nationale des travailleurs dominicains (CNTD) relatives à l’inexécution par la République dominicaine de la convention no 19.
    5. Note 2: Article 3 de la loi 87/01: «Principes directeurs de la sécurité sociale. Le système dominicain de sécurité sociale (SDSS) sera régi par les principes suivants: Universalité: Le SDSS devra protéger tous les Dominicains et les personnes qui résident dans le pays, sans discrimination fondée sur la santé, le sexe, la condition sociale, politique ou économique.» Article 5 de la loi 87/01: «Bénéficiaires du système: Ont droit à être affiliés au système dominicain de sécurité sociale tous les citoyens dominicains et les personnes qui résident légalement sur le territoire national. La présente loi et ses normes complémentaires régleront l’inclusion des Dominicains qui résident à l’étranger.»
    6. Note 3: La convention a été ratifiée par Haïti le 19 avril 1955.
    7. Note 4: Art. 39 de la Constitution: «Droit à l’égalité. Tous les individus naissent libres et égaux devant la loi, reçoivent la même protection et le même traitement des institutions, autorités et autres personnes et jouissent des mêmes droits, libertés et opportunités, sans discrimination aucune qui serait fondée sur le genre, la couleur, l’âge, le handicap, la nationalité, les liens familiaux, la langue, la religion, les opinions politiques ou philosophiques, la condition sociale ou personnelle.»
    8. Note 5: Art. 60 de la Constitution: «Droit à la sécurité sociale. Chacun a droit à la sécurité sociale. L’Etat favorisera le développement progressif de la sécurité sociale afin d’assurer l’accès universel à une protection adéquate contre la maladie, l’invalidité, le chômage et la vieillesse.»
    9. Note 6: Art. 3 de la loi no 87/01.
    10. Note 7: Ibid.
    11. Note 8: Le gouvernement a joint à ce titre trois décisions dans lesquelles des tribunaux dominicains ont reconnu aux ayants droit de travailleurs étrangers décédés à la suite d’un accident du travail le droit à une indemnisation par l’employeur.
    12. Note 9: Voir le rapport sur l’application de la convention no 19 communiqué par le gouvernement de la République dominicaine en application de l’article 22 de la Constitution de l’OIT, reçu le 29 octobre 2012.
    13. Note 10: Le gouvernement mentionne une étude de l’Observatoire du marché du travail dominicain (OMLAD) (ministère du Travail de la République dominicaine), intitulée Inmigrantes Haitianos y Mercado Laboral, Estudio sobre los Trabajadores de la Construcción y de la Producción del Guineo en República Dominicana, 2011.
    14. Note 11: Voir paragr. 9 ci-dessus.
    15. Note 12: Voir, en particulier, les articles 33, 35(1), 35(3) et 36(5) de la loi no 285-04.
    16. Note 13: Tandis que l’enquête nationale sur la population active de 2011 indique que le nombre d’étrangers présents dans le pays s’élève à 292 737 (dont 248 000 Haïtiens) et que le rapport du PNUD sur le développement humain de 2009 situe ce nombre à 434 000 personnes, d’autres estimations, mentionnées dans l’étude précitée de l’OMLAD, intitulée Inmigrantes Haitianos y Mercado Laboral, Estudio sobre los Trabajadores de la construcción y de la producción del guineo en la República Dominicana, avancent des chiffres encore plus élevés, allant de 500 000 à 800 000. Voir l’étude de l’OMLAD, op. cit., p. 14.
    17. Note 14: Voir le Conseil national de la sécurité sociale, Informa, Boletín 10, 2011, p. 13 (discours prononcé par le ministre du Travail et président du Conseil national de la sécurité sociale de l’époque à l’occasion des commémorations solennelles du dixième anniversaire de la promulgation de la loi no 87/01 et de l’ouverture de la Semaine de la sécurité sociale, Saint-Domingue, mai 2011).
    18. Note 15: A ce propos, voir par exemple l’observation publiée par la CEACR en 2010 sur l’application de la convention no 19 par la Thaïlande.
    19. Note 16: OMLAD, op. cit., pp. 166 et suiv.
    20. Note 17: La publication du Conseil national de la sécurité sociale, intitulée Memoria. Primer Foro de la Seguridad Social, 2011, indique que la problématique de l’inclusion des travailleurs ambulants occasionnels a été discutée et qu’elle a donné lieu, dans le cadre de diverses tables rondes, à des propositions, y compris d’affiliation, au régime d’assurance contre les accidents du travail.
    21. Note 18: Page Web du ministère du Travail: le ministère du Travail publie une étude sur les immigrants haïtiens et le marché du travail, fév. 2012.
    22. Note 19: OMLAD, op. cit., p. 193.
    23. Note 20: OMLAD, op.cit., p. 96.
    24. Note 21: ibid., p. 148.
    25. Note 22: Statistiques disponibles sur le site Web de l’Administration des risques du travail.
    26. Note 23: Seulement 25 pour cent des travailleurs haïtiens employés dans le secteur de la banane interrogés déclarent être titulaires d’un permis ou carnet de travail. Dans la construction, ce chiffre est de 16,8 pour cent. Ces documents sont, la plupart du temps, ceux qui sont délivrés pour un travail temporaire. Ils ne permettent pas à leur titulaire d’accéder au statut de résident. Voir l’OMLAD, op. cit., pp. 57 et 118.
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