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RECLAMATION (article 24) - TCHECOSLOVAQUIE - C111 - 1978

1. Confédération internationale des syndicats libres

Clos

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Rapport du Comité chargé d'étudier la réclamation présentée par la Confédération internationale des syndicats libres, en vertu de l'article 24 de la Constitution, au sujet de l'inexécution de la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, par la Tchécoslovaquie

Rapport du Comité chargé d'étudier la réclamation présentée par la Confédération internationale des syndicats libres, en vertu de l'article 24 de la Constitution, au sujet de l'inexécution de la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, par la Tchécoslovaquie

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a considéré, en application de l'article 25 de la Constitution, que la réponse reçue du gouvernement de la Tchécoslovaquie n'était pas satisfaisante, et en conséquence a décidé de rendre publiques la réclamation reçue et la réponse faite, en même temps que le rapport du comité.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. Introduction
  2. 1. Par lettre du 28 janvier 1977, la Confédération internationale des syndicats libres a présenté une réclamation au titre de l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, dans laquelle elle allègue l'inexécution de la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, par le gouvernement de la Tchécoslovaquie.
  3. 2. La convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, a été ratifiée par la Tchécoslovaquie le 21 janvier 1964. Elle est entrée en vigueur, pour ce pays, un an après cette date, soit le 21 janvier 1965, conformément à la règle habituelle.
  4. 3. Les dispositions pertinentes de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail concernant la soumission des réclamations sont les suivantes:
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publiques la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. La procédure à suivre en cas de réclamation est régie par le Règlement adopté par le Conseil d'administration le 8 avril 1932 et amendé le 5 février 1938 (annexe I).
  10. 5. Conformément à l'article 2, paragraphe 1, du Règlement susmentionné, le Directeur général a transmis la réclamation (reproduite en annexe II) aux membres du Conseil d'administration, le 28 février 1977.
  11. 6. Le comité prévu par l'article 2, paragraphe 3, du Règlement a été désigné par le Conseil d'administration à sa 203e session (mai-juin 1977), conformément aux recommandations d'un rapport du bureau du Conseil d'administration qui lui avait été soumis à sa 202e session (mars 1977), et dont il avait renvoyé l'examen à sa session suivante. Ce comité a été composé de M. Hector Griffin (membre gouvernemental), président, de M. G. Polites (membre employeur, en remplacement de M. Vitaic Jakasa) et de M. H. Maier (membre travailleur).
  12. 7. Comme dans le cas de précédentes réclamations examinées en 1965, 1970 et 1975, le Conseil d'administration a décidé d'habiliter le comité à exercer toutes les fonctions conférées par le Règlement de 1932 au Conseil jusqu'à ce que le comité soit à même de lui soumettre des propositions sur les mesures à prendre, le cas échéant, au sujet de la réclamation.
  13. 8. Le comité a tenu une première réunion à Genève le 23 juin 1977. Il a tout d'abord examiné la question de la recevabilité de la réclamation et a considéré que celle-ci remplissait les conditions de forme, prévues à l'article 3 du Règlement de 1932. Il a ensuite décidé, en vertu de l'article 4, alinéas c) et d), du Règlement: a) d'inviter la CISL à fournir, avant le 15 août 1977, des informations complémentaires sur les points invoqués à l'appui de sa réclamation; b) d'inviter le gouvernement à soumettre ses observations sur la réclamation avant le 30 septembre 1977, étant entendu que les informations supplémentaires qui seraient reçues de la CISL seraient également communiquées au gouvernement à cet effet.
  14. 9. Des informations complémentaires ont été reçues de la CISL par lettre du 28 juillet 1977. Elles ont été transmises au gouvernement, après traduction lorsqu'il était nécessaire, le 16 août 1977. La CISL a soumis à ce titre un document (reproduit en annexe III) établi par le professeur Jirí Hájek pour l'Assemblée fédérale de la République socialiste tchécoslovaque, auquel sont attachés des lettres de licenciement et d'autres documents concernant des mesures prises à l'égard de personnes ayant signé ou soutenu le manifeste " Charte 77 ", tout en indiquant que la liste des cas en question n'était pas exhaustive. L'organisation réclamante a aussi soumis un document intitulé Livre blanc sur la Tchécoslovaquie se rapportant, entre autres, aux mêmes questions et contenant le texte de ce manifeste (reproduit en annexe IV).
  15. 10. Au cours d'une deuxième réunion, tenue le 8 novembre 1977, le comité a pris note d'une lettre du gouvernement du 11 octobre 1977 informant le Directeur général que la question soulevée par la réclamation était toujours à l'examen. En application de l'article 6 du Règlement relatif à la procédure à suivre en cas de réclamation, le comité a décidé de prolonger jusqu'au 15 janvier 1978 le délai dans lequel le gouvernement était invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugerait convenable, conformément à l'article 4 (2) d) du Règlement précité.
  16. 11. Lors d'une troisième réunion, tenue le 28 février 1978, le comité a pris connaissance des observations sur la réclamation que le gouvernement de la Tchécoslovaquie a fait parvenir au Bureau international du Travail par lettre du 6 février 1978 (annexe V). Considérant le caractère général de celles-ci, ainsi que l'indication selon laquelle les autorités compétentes avaient procédé à une enquête sur les questions soulevées dans la réclamation, le comité a décidé, sur la base de l'article 8 a) du Règlement, de donner au gouvernement une nouvelle occasion de fournir des renseignements complémentaires, pour le 1er mai 1978, et de renvoyer son rapport à la session de mai 1978 du Conseil d'administration. Par lettre du 19 mai 1978, le gouvernement a indiqué que les résultats de l'enquête susmentionnée avaient été contenus dans ses observations précédentes, et il a communiqué un addendum à celles-ci (reproduit en annexe VI).
  17. 12. A sa dernière réunion, tenue le 29 mai 1978, le comité a achevé l'examen des informations à sa disposition. Il est parvenu à ses conclusions et a adopté le présent rapport.
  18. Examen de la réclamation et de la réponse reçue
  19. 13. La réclamation allègue que le gouvernement a pris des mesures répressives affectant l'emploi de personnes auteurs ou signataires de documents qui ont porté à l'attention de l'opinion publique des critiques à l'égard de la politique du gouvernement dans le domaine des droits de l'homme. Selon les notifications individuelles et les décisions judiciaires attachées à l'annexe III, des licenciements avec ou sans préavis et d'autres mesures ont affecté l'emploi de travailleurs au motif qu'ils ont signé ou soutenu le manifeste reproduit à l'annexe IV, et des décisions de tribunaux ont considéré, en particulier, que des licenciements avaient été valablement prononcés pour ce motif en vertu des articles 46 (1) e) ou 53 (1) c) du Code du travail.
  20. 14. Les articles 46 et 53 du Code du travail de la Tchécoslovaquie (SL 1975, Tch. 2) énumèrent limitativement les cas dans lesquels la relation de travail peut être résiliée avec préavis (art. 46) ou, à titre exceptionnel, sans préavis (art. 53). L'article 46 (1) e) autorise le licenciement avec préavis lorsque " le travailleur ne répond pas aux critères fixés par la loi pour l'exécution du travail convenu ou que, sans qu'il y ait faute de l'entreprise, il ne remplit pas des conditions essentielles pour la bonne exécution de son travail... ". L'article 53 (1) c) permet le licenciement sans préavis lorsque " le travailleur a mis en danger la sûreté de l'Etat et que son maintien dans l'entreprise jusqu'à l'expiration du délai-congé ne peut avoir lieu sans danger pour la bonne exécution des tâches de l'entreprise ". Certaines notifications individuelles attachées à l'annexe III se réfèrent aussi à l'article 53 (1) b) qui permet le licenciement si le travailleur " a commis une infraction à la discipline du travail si grave que sa présence sur les lieux de travail serait incompatible avec le maintien de cette discipline ".
  21. 15. En ce qui concerne l'état actuel de la législation, le gouvernement souligne notamment dans ses observations au sujet de la réclamation (annexes V et VI) le caractère limitatif des cas de résiliation de la relation de travail autorisés par les articles 46 et 53 du Code du travail. Il déclare que l'article 53 (1) c) se rattache à l'article 4 de la convention n° 111, et que la rédaction actuelle de l'article 46 (1) e) est aussi en pleine conformité avec cette convention. Il déclare, en outre, que le respect de la convention en cas de licenciement est garanti par le contrôle des tribunaux et les possibilités de recours en violation de la loi, ainsi que par la protection syndicale (accord préalable du comité d'entreprise requis par l'article 59 du Code du travail).
  22. 16. Selon l'article 1 de la convention n° 111, le terme " discrimination " comprend notamment " toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur... l'opinion politique,... qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession " (paragr. 1 a)). " Les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations " (paragr. 2). Aux termes de l'article 4 de la convention: "Ne sont pas considérées comme des discriminations toutes mesures affectant une personne qui fait individuellement l'objet d'une suspicion légitime de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité de l'Etat ou dont il est établi qu'elle se livre en fait à cette activité, pour autant que ladite personne ait le droit de recourir à une instance compétente établie suivant la pratique nationale. "
  23. 17. En ce qui concerne les relations entre ces dispositions de la convention, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a observé " qu'en protégeant les travailleurs contre la discrimination fondée sur l'opinion politique la convention implique que cette protection leur soit reconnue à propos d'activités exprimant ou manifestant une opposition aux principes politiques établis - sous les seules réserves indiquées plus loin -, étant donné que la protection à l'égard d'opinions qui ne s'exprimeraient ni ne se manifesteraient serait sans objet et que la convention n'a pas limité sa protection aux simples divergences d'opinions dans le cadre des principes établis ". Elle a précisé que la définition des activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat ou des exigences particulières à certains emplois déterminés ne saurait être telle qu'elle permette des mesures en contradiction avec la protection principale prévue par la convention (Rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport III (partie 4 A), Conférence internationale du Travail, 57e session, Genève, 1972, p. 214).
  24. 18. La commission d'experts avait fait les remarques ci-dessus à propos de dispositions contenues antérieurement à 1975 aux articles 46 (1) e) et 53 (1) c) du Code du travail, qui autorisaient le licenciement d'un travailleur " du fait que son activité a été de nature à constituer une infraction à l'ordre social socialiste et que, pour ce motif, il n'est pas suffisamment digne de confiance pour occuper ses fonctions ou son poste... ". Par la suite, ces références ont été éliminées des dispositions du Code du travail, ce dont la commission d'experts avait pris note avec satisfaction en 1976. Cependant, elle a continué à demander des précisions sur la portée des dispositions actuelles du Code du travail, notamment en ce qui concerne la détermination des cas dans lesquels un travailleur peut être considéré comme ayant mis en danger la sécurité de l'Etat. Cette question a ainsi continué d'être examinée par la commission d'experts et d'être discutée à la Commission de la Conférence sur l'application des conventions et recommandations en 1976 et en 1977.
  25. 19. Le comité note que la question à examiner ici ne concerne pas l'état de la législation antérieure, comme l'indique le gouvernement au début de ses observations additionnelles (annexe VI). Il constate aussi que la question soulevée ne concerne pas la conformité formelle des termes actuels des articles 46 et 53 du Code du travail avec les dispositions de la convention, ni celle des procédures judiciaires et autres existant selon la législation nationale. En revanche, il importe de déterminer si les cas dans lesquels, pour l'application dé ces dispositions, un travailleur est considéré comme ayant mis en danger la sécurité de l'Etat, ou comme ayant manqué aux exigences ou à la discipline requise pour un emploi, seraient eux-mêmes en concordance avec la protection principale prévue par la convention.
  26. 20. Dans ses observations additionnelles (annexe VI), le gouvernement déclare que les allégations mentionnées dans la réclamation, au sujet de la situation postérieure au début de 1977, concernent des personnes qui, après avoir autrefois occupé des postes importants dans l'administration de l'Etat, se sont engagées dans des activités visant à violer l'ordre public, à affecter la situation internationale de la République et à changer l'ordre social socialiste par des méthodes inconstitutionnelles. Il se réfère au caractère tendancieux des arguments de ce groupe de personnes sur des points tels que l'existence d'un chômage déguisé, l'emploi des femmes, le niveau de vie, l'admission à l'éducation. Il déclare que le système constitutionnel tchécoslovaque est protégé par la loi, comme dans d'autres pays, contre les activités et attaques qui le mettent en danger, et que des licenciements ne sont intervenus que dans un petit nombre de cas, en fonction des activités concrètes de la personne et, le cas échéant, de leur incompatibilité avec l'emploi assigné. Le gouvernement ajoute que la liberté d'expression est garantie par la Constitution; que les citoyens sont en même temps obligés de prêter appui à la Constitution et autres lois et de veiller aux intérêts de l'Etat socialiste et de la société du peuple travailleur; que personne n'est sanctionné pour avoir exprimé des opinions politiques différentes, mais que la permission d'exprimer des opinions ne signifie pas celle d'entreprendre une activité contraire à la loi ou aux règles d'emploi.
  27. 21. Le comité constate que, selon les notifications et décisions soumises à l'appui de la réclamation, celles-ci ont été motivées par la signature ou l'adhésion apportée par des travailleurs à un document tel que le manifeste reproduit à l'annexe IV. Ce manifeste contient diverses critiques à l'égard de la politique du gouvernement, et le comité n'a pas à apprécier si ces critiques sont fondées ou inexactes. Cependant, quelle que soit la nature des assertions de ce document, le comité ne considère pas les déclarations générales du gouvernement comme répondant de façon appropriée aux allégations spécifiques concernant les licenciements et autres mesures auxquels la réclamation se réfère. Il ne ressort pas des informations disponibles que la signature ou l'adhésion apportée par des travailleurs à un tel document puisse par elle-même être considérée, par rapport à la protection principale prévue par la convention en matière d'opinion politique (voir plus haut, paragr. 17), comme une activité contraire à la sécurité de l'Etat ou incompatible avec les exigences de leurs emplois. Enfin, le comité constate qu'il ne ressort pas des informations disponibles que les mesures et décisions alléguées n'aient pas été effectivement prises pour les motifs indiqués au début de ce paragraphe, ou qu'elles aient été révisées.
  28. 22. Le comité a noté que, dans ses observations au sujet de la réclamation, le gouvernement se déclarait prêt à continuer à apporter son concours aux organes de contrôle de l'application des conventions sur la base de l'article 22 de la Constitution, et il note qu'il appartiendra en effet à ces organes de poursuivre leur examen de cette question. Cependant, pour les raisons exposées ci-dessus, le comité ne s'estime pas en mesure de proposer au Conseil d'administration de considérer la réponse reçue du gouvernement comme satisfaisante au sens de la procédure de réclamation prévue par les articles 24 et 25 de la Constitution.
  29. Conclusion
  30. 23. Compte tenu des considérations qui précèdent, le comité recommande au Conseil d'administration, sur la base des articles 8 et 9 du Règlement relatif à la procédure à suivre en cas de réclamation :
  31. a) de décider l'ouverture de la discussion sur l'application de l'article 25 de la Constitution, selon lequel, si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et la réponse faite;
  32. b) de fixer à la présente session la date à laquelle les délibérations relatives à cette affaire auront lieu pendant le cours de sa 208e session (novembre 1978);
  33. c) d'inviter, conformément au paragraphe 5 de l'article 26 de la Constitution, le gouvernement mis en cause à désigner un délégué pour prendre part à ces délibérations.
  34. Genève, 29 mai 1978.
  35. (Signé) H. Griffin, président.
  36. G. Polites.
  37. H. Maier.
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