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RECLAMATION (article 24) - GUATEMALA - C169 - 2007

Fédération des travailleurs des campagnes et des villes (FTCC)

Clos

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Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par le Guatemala de la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Fédération des travailleurs des campagnes et des villes (FTCC)

Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par le Guatemala de la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Fédération des travailleurs des campagnes et des villes (FTCC)

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. I. Introduction
  2. 1. Dans une communication du 15 mars 2005, la Fédération des travailleurs des campagnes et des villes (FTCC), invoquant l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, a présenté au Bureau international du Travail une réclamation alléguant l'inexécution par le gouvernement du Guatemala de certaines dispositions de la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989. Dans une communication en date du 22 août 2005, la FTCC a envoyé des informations complémentaires, qui ont été ajoutées à la première communication. Les paragraphes 7 et 8 du présent rapport portent sur les communications contenant des informations complémentaires reçues après l'adoption de la décision relative à la recevabilité de la réclamation ainsi que sur les observations formulées par le gouvernement.
  3. 2. Le Guatemala a ratifié la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, le 5 juin 1996; l'instrument est toujours en vigueur dans le pays.
  4. 3. Les dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail relatives à la présentation de réclamations sont les suivantes:
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. La procédure applicable en cas de réclamation se fonde sur le Règlement concernant la procédure pour l'examen de réclamations présentées en vertu de l'article 24 et de l'article 25 de la Constitution de l'OIT tel que révisé par le Conseil d'administration à sa 291e session (novembre 2004).
  10. 5. En vertu de l'article premier et de l'article 2, paragraphe 1, du règlement susmentionné, le Directeur général a accusé réception des communications, il en a informé le gouvernement du Guatemala et il les a transmises au bureau du Conseil d'administration.
  11. 6. A sa 294e session (novembre 2005), le Conseil d'administration, se fondant sur la recommandation de son bureau, a déclaré recevable la réclamation présentée par la FTCC et désigné comme suit les membres du comité chargé de l'examiner: Mme Socorro Rovirosa (membre gouvernemental, Mexique), M. Jorge A. de Regil (membre employeur, Mexique) et Mme Nair Goulart (membre travailleur, Brésil). M. Juan Manuel Sánchez Contreras (membre gouvernemental, Mexique) a ensuite remplacé Mme Socorro Rovirosa.
  12. 7. Dans une communication du 19 décembre 2005, le Bureau a invité le gouvernement à communiquer ses observations sur la réclamation. Le gouvernement a donné suite à cette invitation dans une communication en date du 13 février 2006.
  13. 8. En date du 14 mars et du 6 avril 2006, la FTCC a envoyé deux communications complémentaires. Le gouvernement a fait parvenir ses observations sur ces communications en date du 18 juillet 2006.
  14. Examen de la réclamation
  15. A. Allégations présentées
  16. 9. Dans sa communication, l'organisation plaignante fait valoir que le gouvernement du Guatemala, représenté en l'espèce par le ministère de l'Energie et des Mines, a délivré le 13 décembre 2004 un permis d'exploration minière concernant le nickel et d'autres minéraux à la société Exploraciones y Explotaciones Mineras lzábal, S.A. (EXMIBAL), aujourd'hui dénommée Compañía Guatemalteca de Níquel, S.A. (CGN), aux fins de la réalisation d'activités d'exploration minière sur le territoire du peuple indigène Maya Q'eqchi, dans la commune d'El Estor (département d'Izábal). Les autorités n'auraient pas procédé à la consultation préalable du peuple intéressé. Dix-neuf communautés indigènes comme suit sont implantées dans la zone couverte par l'autorisation: Esperanza, Sarabia Chacalté, Tambul se Guamó, Lote 4 Agua Caliente, Nueva Jerusalén, El Chorro, Semuc Lote 5, Searanx, San Luis Chakpaila, Lote 9 Agua Caliente, Santo Domingo, Sexán, Río Sauce Sexán, Selich, Semuy, Sechina, Las Nubes, Sakarilá et Nueva Sakarilá.
  17. 10. Selon la FTCC, le gouvernement du Guatemala a délivré le permis d'exploitation minière sous la cote LEXR-902 sans entreprendre l'ensemble de démarches nécessaires pour protéger les droits des peuples intéressés, sans se préoccuper de leur identité sociale et culturelle, leurs coutumes, leurs traditions et leurs institutions, contrevenant ainsi à l'obligation qui lui incombe de veiller à préserver l'intégrité des peuples indigènes, et sans tenir compte de l'intégrité du peuple Maya Q'eqchi en général et des v ux exprimés par celui-ci. Ces faits constituent selon l'organisation plaignante une violation des articles 2, paragraphe 1 et paragraphe 2 b); 4, paragraphes 1 et 2; 6; 7; 13; 14; 15 et 17, paragraphe 3, de la convention.
  18. 11. Selon l'organisation plaignante, le permis d'exploration stipule que les travaux doivent commencer dans un délai de 90 jours à compter de la date de délivrance et consister en l'ouverture de voies d'accès à différents endroits de la zone visée. Les communautés présentes sur les lieux vivent de la culture du maïs, du café et de la cardamome et craignent les effets de tels travaux sur leurs cultures, leur infrastructure et leur vie culturelle. La FTCC indique qu'elle a collaboré avec les communautés sur des questions agricoles, notamment concernant la culture de la cardamome, dont la vente constitue le principal moyen de subsistance des intéressés.
  19. 12. La FTCC indique que, depuis 1998 déjà, elle collabore avec plusieurs des communautés établies dans la zone de la concession minière aux fins de procédures visant l'enregistrement des terres et l'organisation des travailleurs. Selon elle, l'octroi du permis d'exploration minière porte préjudice aux démarches historiques ainsi entreprises par les communautés auprès de différentes instances publiques en vue de légaliser leurs droits sur les terres avec l'aide de la FTCC. De concert avec une association de défense de la communauté Maya Q'eqchi (Defensoría Maya Q'eqchi), la FTCC dispense une formation sur les droits des peuples indigènes qui porte notamment sur les questions foncières. Elle indique que le gouvernement du Guatemala, représenté par le Fonds des terres, vend aux membres des communautés indigènes des terrains pour lesquels il octroie par ailleurs des concessions à des sociétés minières.
  20. 13. Dans un document produit en annexe (Note_1), l'organisation indique qu'en août 1965 le gouvernement du Guatemala a octroyé à la société EXMIBAL une concession minière courant sur quarante ans. La société aurait renoncé à son projet et, en décembre 2004, alors que la concession était sur le point d'expirer, les terres visées par l'ancien projet ont été remises au gouvernement en échange de nouveaux permis d'une durée de trois ans. Malgré un accord qu'elle-même avait conclu à l'effet d'appuyer un projet de levé cadastral concernant la zone couverte par l'autorisation minière où les communautés sont implantées, la société, rachetée par Skye Resources et désormais appelée CGN, ferait pression sur la communauté de las Nubes pour l'amener à renoncer à ses droits; de plus, dans la zone de Cahaboncito (Alta Verapaz), la CGN aurait soustrait à plusieurs communautés des terres que celles-ci louaient depuis plusieurs dizaines d'années, empêchant toute possibilité de culture. II en résulterait déjà une pollution des cours d'eaux, la disparition d'un grand nombre de poissons et d'oiseaux aquatiques dans la zone du lac Izábal ainsi qu'une forte augmentation des zones déboisées.
  21. 14. Dans des informations complémentaires communiquées en date des 14 mars et 6 avril 2006, l'organisation plaignante indique que le vice-ministre de l'Energie et des Mines a déclaré sur une chaîne de télévision locale que les consultations relatives au projet en question avaient déjà eu lieu. Cette nouvelle a inquiété les intéressés et poussé les représentants des communautés indigènes d'El Estor à convoquer le 12 mars 2006 une assemblée communautaire, autorité supérieure de la communauté, au cours de laquelle a été dressé un acte notarié portant la signature des participants.
  22. 15. Il ressort de l'acte notarié qu'à "aucun moment les pouvoirs publics n'ont informé les représentants des zones visées par la concession, pas plus qu'ils n'ont procédé à la consultation du peuple Maya Q'eqchi concernant la réalisation par des sociétés transnationales de travaux d'exploration et d'exploitation visant les ressources minières, hydriques et forestières de la commune d'El Estor".
  23. 16. Les signataires indiquent que les communautés, peuples et nations indigènes ont toujours occupé le territoire en leur possession dans le département d'El Estor et qu'ils entendent protéger, mettre en valeur et transmettre ces terres aux générations futures pour assurer leur pérennité en tant que peuple. Ils indiquent qu'ils n'ont pas été informés préalablement des zones visées par la concession et que la population Maya Q'eqchi n'a pas été consultée. Ils demandent l'application de l'article 67 de la Constitution, qui dispose notamment que "L'Etat exerce une protection spéciale à l'endroit des terres des (...) communautés indigènes (...) en vue d'assurer leur possession et leur mise en valeur" et que "les communautés indigènes et autres communautés ayant des terres en leur possession à titre historique, qu'elles administrent traditionnellement selon un régime particulier, maintiendront ce système". Ils dénoncent la violation des articles 15 et 16 de la convention et rejettent catégoriquement, au nom de leurs communautés, toute activité minière tant que l'Etat ne leur garantit pas la légalisation du statut des terres traditionnellement en leur possession.
  24. 17. Les signataires indiquent enfin qu'ainsi réunis en assemblée communautaire, autorité supérieure de la communauté, ils sont convenus de subordonner l'acceptation d'une consultation éventuelle: 1) à la diffusion préalable de nombreuses informations en langue Maya Q'eqchi sur les concessions octroyées pour l'utilisation des richesses naturelles, notamment celles de la commune d'El Estor; et 2) à l'obtention de garanties juridiques quant au statut de leurs terres.
  25. 18. Dans une communication du 6 avril 2006, la FTCC indique que des agents du ministère de l'Energie et des Mines se sont rendus auprès des communautés de la région mais qu'au lieu de leur fournir des informations sur le projet minier envisagé ou de procéder à des consultations objectives, basé sur les traditions et coutumes Maya Q'eqchi, ils ont cherché à induire les intéressés en erreur pour les pousser à accepter un projet dont les effets ne leur avaient pas été présentés. L'organisation produit un rapport de la Defensoría Q'eqchi qui tend selon elle à attester que le ministère de l'Energie et des Mines, la commune d'El Estor, la société minière et ses consultants ont agi de mauvaise foi, sans la transparence voulue. Selon les auteurs, ces "consultations" prétendues, dont la trace a été gardée dans un procès-verbal que les membres des communautés ont signé sans l'avoir lu ni disposer des informations nécessaires, portent atteinte aux droits de l'homme des peuples indigènes.
  26. 19. Le rapport fait mention notamment d'une réunion tenue à Río Sauce Sexán le 29 mars 2006 sur convocation de la société Monkey Forest Consulting Ltd. (MFC) en présence de représentants de la fondation Rax Che', de la société Consultora y Tecnología ambiental (CTA) et de trois fonctionnaires de la commune d'El Estor et du ministère de l'Energie et des Mines. Les objections portent pour l'essentiel sur les éléments suivants: 1) les orateurs se sont exprimés en espagnol exclusivement et l'interprétation n'était pas satisfaisante; 2) la réunion, tenue dans une habitation peu spacieuse où le public était debout, a duré quatre heures, lieu et durée impropres à un tel exposé et à l'assimilation des informations présentées par les intéressés; 3) la participation des hommes était très limitée (10 pour cent) et celle des femmes nulle; 4) les membres des peuples indigènes ont été invités à "poser toutes leurs questions" sans être véritablement entendus toutefois, ce qui est contraire aux droits des peuples indigènes; en effet, les participants étaient interrogés sur des faits leur étant a priori étrangers, sans information préalable; 5) les participants ont été invités à signer un procès-verbal qu'ils n'avaient pas lu; et 6) ils n'ont été avertis à aucun moment qu'il s'agissait d'une réunion de consultation.
  27. 20. La FTCC produit également une déclaration du Congrès national Maya de novembre 2004 dans laquelle cet organe demande notamment: 1) l'adoption de politiques visant la mise en uvre du mécanisme institutionnel de consultation des peuples indigènes; 2) l'application de l'article 46 de la Constitution qui prône la primauté de la convention no 169 sur la législation nationale, en l'occurrence la loi sur les mines et son règlement d'application; 3) l'adoption de politiques et dispositions légales cohérentes, conformes à la vision que les peuples indigènes ont de la nature, pour ce qui touche à l'exploitation, la gestion, la protection et l'administration des ressources naturelles; 4) la réparation des dommages subis par les communautés concernées du fait de l'activité minière; et 5) l'abrogation de la loi sur les mines, son règlement d'application et les lois connexes.
  28. B. Observations du gouvernement
  29. 21. Le gouvernement se dit conscient des observations graves formulées, depuis 1998, par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, au sujet de l'application de la convention au Guatemala. Il déclare avoir pris des mesures importantes pour en améliorer le respect - fait qui a été reconnu par la commission elle-même - même si ces mesures ne permettent toujours pas un niveau de mise en uvre satisfaisant. Le gouvernement espère que la procédure d'examen de la présente réclamation s'orientera vers le renforcement institutionnel du Guatemala.
  30. 22. Le gouvernement estime que les faits exposés dans la réclamation ont uniquement trait au paragraphe 2 de l'article 15 de la convention. Il indique que le permis contesté par la FTCC a été accordé étant entendu que, au moment où il a été octroyé, les terres sur lesquelles s'étend la zone d'exploration étaient la propriété de particuliers ou de l'Etat et n'appartenaient à aucune des communautés associées à la réclamation. Le gouvernement précise que 19 communautés qui ont signé la réclamation sont présentes dans les catégories de propriété ci-après: terres de propriété privée (la communauté est installée dans un domaine enregistré comme la propriété d'un particulier); terres appartenant à l'Etat, et terres inexploitées (appartenant à l'Etat mais non encore enregistrées). Il ajoute que certaines des communautés ne sont pas installées sur les terres faisant l'objet du permis mais ne font que cultiver les terres en question.
  31. 23. Pour conclure, le gouvernement affirme que, lorsque le permis d'exploration a été délivré, les parcelles n'étaient pas encore la propriété des communautés associées à la réclamation et que, par conséquent, il n'y a pas lieu d'invoquer l'obligation découlant de l'article 15 de la convention.
  32. 24. Le gouvernement affirme que le vrai problème que rencontrent les communautés est celui de la propriété et de l'occupation des terres et qu'il convient de régler les conflits de délimitation pour pouvoir poursuivre la procédure d'attribution de terres aux communautés indigènes qui ont présenté une demande dans ce sens. Le gouvernement souligne qu'il s'emploie activement à résoudre le problème des terres des communautés indigènes et qu'il n'a porté atteinte ni à l'article 15, ni à toute autre disposition de la convention, étant donné qu'il a octroyé le permis d'exploration à une compagnie minière pour des terres qui sont la propriété de l'Etat ou de particuliers.
  33. 25. Le gouvernement poursuit en précisant que, une fois la propriété et le statut des terres régularisés, les communautés indigènes pourront établir leurs propres conditions pour négocier, si tel est leur souhait, avec l'entreprise minière correspondante. L'entreprise minière peut réaliser des activités d'exploration uniquement avec l'autorisation du propriétaire et ne peut pas pénétrer sur les propriétés privées.
  34. 26. Evoquant à nouveau la question de la propriété, le gouvernement indique qu'il convient d'achever le levé cadastral pour régler les conflits de délimitation; qu'il est indispensable de résoudre le problème de la propriété des terres jusqu'ici occupées illégalement par les communautés indigènes et que le gouvernement du Guatemala a besoin de temps pour régler les difficultés cadastrales de la région. Il souligne que, contrairement aux allégations de l'organisation plaignante, il n'existe aucune contradiction entre l'octroi du permis d'exploration et le fait que quatre communautés aient entrepris des démarches pour l'attribution de la propriété des terres qu'elles occupent illégalement car, du moment que ces terres ne leur appartiennent pas, rien n'oblige à procéder à des consultations.
  35. 27. Dans ses observations sur les informations complémentaires, le gouvernement indique que, dans le cadre du processus d'information, on avait constaté que la population craignait très fortement d'être chassée des terres qu'elle occupait; qu'il leur avait été expliqué que de telles craintes étaient infondées et que le gouvernement a entamé l'arpentage des parcelles à leur remettre officiellement. Il a été réitéré aux chefs des communautés qu'ils n'avaient pas à abandonner leurs terres et que, dès lors qu'ils détiendraient un titre de propriété, c'est à eux qu'il incomberait de décider s'ils autorisent les entreprises minières à procéder aux travaux d'exploration et d'exploitation minières, ainsi que de poser les conditions requises, qui peuvent inclure la participation aux projets en qualité de partenaires.
  36. 28. Dans un autre ordre d'idées, le gouvernement relève qu'il n'y a pas d'éléments tendant à prouver que les activités d'exploration entreprises auraient provoqué les dommages sur l'environnement allégués.
  37. 29. Se référant concrètement au permis contesté (LEXR-902), octroyé à l'entreprise Exploraciones y Explotaciones Minières Izábal, S.A. (EXMIBAL), le gouvernement signale que l'entreprise détenait des permis d'exploitation de nickel dans le département d'Izábal que lui avaient délivrés des gouvernements précédents - un des permis expirant en 2005 et le dernier en 2014 - et que les opérations de l'entreprise n'avaient pas à faire l'objet de consultations ou d'une étude de l'impact sur l'environnement puisque les permis avaient été accordés en 1974 alors que le Règlement sur l'évaluation, le contrôle et le suivi des effets sur l'environnement date, lui, de 2003.
  38. 30. EXMIBAL a manifesté l'intention de reprendre les opérations en 2004, ce qui était légalement faisable; toutefois, le ministère de l'Energie et des Mines a recherché un mécanisme devant permettre à l'entreprise de s'acquitter des tâches suivantes: élaboration d'une étude planimétrique de l'environnement, établissement d'une étude de l'impact sur l'environnement et participation à une procédure de consultation appropriée, organisée d'un commun accord entre le gouvernement et les communautés visées.
  39. 31. En conséquence et en vertu d'un accord entre l'entreprise et le gouvernement conclu le 13 décembre 2004, l'entreprise EXMIBAL, aujourd'hui dénommée Compañía Guatemalteca de Níquel (CGN), a renoncé aux concessions en place et s'est vu octroyer par le ministère de l'Energie et des Mines le permis d'exploration minière pour une période de trois ans.
  40. 32. Le gouvernement ajoute que l'entreprise EXMIBAL-CGN a mis sur pied, dans le cadre de ses programmes sur la responsabilité sociale de l'entreprise, des projets concernant notamment l'installation de l'énergie électrique ou la remise en état, en cours, d'un hôpital et la création d'une école, et s'est engagée à exécuter des programmes et des projets de développement communautaire.
  41. 33. S'agissant des consultations, le gouvernement affirme que, dans le cadre du processus d'information et de consultation, des démarches ont été effectuées par l'entreprise minière elle-même, et le gouvernement a fourni des informations sur le projet et le permis demandé, par l'entremise d'institutions représentatives telles que le Conseil départemental du développement ou le Conseil municipal, des adjoints aux maires et des communautés s'estimant lésées. Il déclare qu'à l'appui de ce qui précède sont joints les procès-verbaux (Note_2) des principales réunions qui se sont tenues ainsi que copie du rapport d'activité final correspondant à la période allant de janvier à avril 2006, où il est fait état de la tenue de plusieurs réunions et de difficultés rencontrées en février et en mars 2006.
  42. 34. Le gouvernement se réfère en particulier au procès-verbal no 4-2006 de la réunion qui a eu lieu à Río Sauce Sexán, le 29 mars 2006. Dans le procès-verbal, on indique que la réunion s'est déroulée dans un domicile privé et que: 1) la CGN a évoqué un investissement socialement responsable effectué par la Compañía Guatemalteca de Níquel, précisant qu'elle était appuyée par l'entreprise canadienne Skye Resources, et l'étude de l'impact sur l'environnement établi par la CTA et Klohn Crippen, Canada, ainsi que les retombées économiques escomptées; 2) le directeur général des mines a signalé que le permis portait sur 248 km2, que l'entreprise exploitera le sous-sol, qui appartient à l'Etat, respectant ainsi le droit de propriété des habitants d'El Estor, et que la société laissera les terres dans l'état où elle les a trouvées; 3) le représentant de la CTA, chargée de l'étude sur l'environnement, s'est exprimé; 4) les habitants de la communauté ayant fait part de leurs craintes au sujet de leurs terres, on leur a répondu qu'ils ne couraient aucun risque car le permis octroyé est une licence d'exploitation, ce qui n'entre pas en conflit avec la propriété; 5) la Defensoría Q'eqchi n'a pas participé, indiquant qu'elle n'avait pas reçu d'invitation officielle; 6) il a été signalé que les problèmes relatifs à la culture de la cardamome n'étaient pas imputables aux activités minières; et 7) une traduction a été assurée.
  43. 35. Le gouvernement rappelle avoir déjà demandé au BIT une assistance technique pour résoudre le problème de la tenue de consultations avec les peuples indigènes et espère qu'elles auront lieu dans un avenir immédiat.
  44. 36. Le gouvernement du Guatemala a créé une commission de haut niveau pour traiter de la question minière. Le 23 août 2005, les membres de ladite commission ont signé un document comportant des orientations sur la politique minière, où l'on conclut que, pour promouvoir une exploitation technique des minéraux qui soit conforme à la législation sur la protection de l'environnement et sur les droits de l'homme ainsi qu'aux dispositions de la convention no 169, il convient de réformer le cadre juridique actuel en matière d'activité minière. Dans ses observations sur les informations complémentaires, le gouvernement signale que, entre autres réformes de la loi, il est prévu de mettre au point un article transitoire portant spécifiquement sur la procédure de consultations.
  45. 37. Dans ses observations sur les informations complémentaires, le gouvernement ajoute que, jusqu'en juin 2006, aucune personne physique ou morale n'avait porté plainte pour des cas particuliers de violations des droits de l'homme, ou d'atteintes à la propriété privée ou à la sécurité des personnes ou des travailleurs des entreprises minières exerçant leurs activités dans la zone en question. Il précise que la Defensoría Q'eqchi et la FTCC n'ont pas non plus contesté formellement l'octroi de permis conformément à la législation nationale et que, si elles l'avaient fait, le ministère de l'Energie et des Mines aurait transmis le dossier à un juge qui aurait estimé si l'affaire était recevable ou non.
  46. 38. Enfin, le gouvernement demande qu'il soit conclu au caractère infondé de la réclamation aux motifs que: a) le permis a été octroyé pour des terres qui étaient la propriété de particuliers ou de l'Etat; b) l'existence d'un dommage causé à l'environnement n'a pas été démontrée, et c) plusieurs communautés ne résident pas dans la zone visée mais ne font que cultiver les terres en question. Le gouvernement demande qu'il soit tenu compte du fait qu'il s'est engagé à prendre des mesures pour régulariser la propriété des terres sur lesquelles se trouvent des communautés ayant revendiqué un titre sur ces dernières, et qu'il lui soit ménagé le temps nécessaire pour achever le levé cadastral qui mettra fin aux controverses sur la délimitation, puisqu'il s'agit là du principal problème des peuples indigènes de cette région. II réitère son respect pour les communautés indigènes et pour les terres qu'elles occupent et demande qu'il soit tenu compte du travail effectué par la commission de haut niveau, de l'appui apporté par le gouvernement du Guatemala à la régularisation du statut des terres, de l'obligation faite par la loi aux entreprises d'exercer leurs activités à l'intérieur des terres dont elles ont la propriété ou pour lesquelles elles ont l'autorisation du propriétaire, et qu'il soit ménagé au gouvernement le temps nécessaire pour réaliser les activités de coopération technique proposées par le BIT et pour qu'elles portent leurs fruits.
  47. C. Conclusions du comité
  48. 39. Le comité prend note des informations et annexes présentées par l'organisation plaignante ainsi que de la réponse, et des documents qui y sont joints, du gouvernement.
  49. 40. Consultation. Le comité relève que, sur le fond, les allégations portent sur l'absence de consultations des peuples intéressés avant l'octroi d'un permis d'exploration minière concernant le nickel et d'autres minéraux délivré à la société Exploraciones y Explotaciones Mineras Izábal, S.A. (EXMIBAL) le 13 décembre 2004 sous la cote LEXR-902 aux fins de la réalisation d'activités d'exploration minière sur le territoire du peuple indigène Maya Q'eqchi.
  50. 41. Terres. Le statut juridique des terres est un autre élément déterminant mentionné par les parties. A cet égard, le comité a noté que la FTCC indique qu'elle collabore depuis 1998 avec plusieurs communautés établies dans la zone de la concession minière dans le cadre de procédures visant l'enregistrement des terres et qu'il ne semble pas logique que le gouvernement vende aux membres des communautés des terres pour lesquelles il octroie par ailleurs des concessions à des sociétés minières. Il note aussi que, selon le gouvernement, il n'existe aucune contradiction entre l'octroi du permis d'exploration et la réalisation par quatre communautés de démarches visant l'obtention de la propriété des terres qu'elles occupent illégalement car, du moment que ces terres ne leur appartiennent pas, rien n'oblige à procéder à des consultations. Il relève que le gouvernement a fait valoir aussi que les communautés ou leurs membres doivent détenir des titres de propriété pour pouvoir prétendre à la consultation.
  51. 42. Les articles applicables en l'espèce sont les articles 6, 7, 13, 14, 15, paragraphe 2, de la convention.
  52. Terres
  53. 43. Le comité a pris note que tant le gouvernement que la FTCC font mention des craintes nourries par les communautés indigènes quant à la légalisation du statut de leurs terres, aux conséquences éventuelles sur les démarches entreprises à cette fin des activités minières et au risque que celles-ci entraînent le déplacement des communautés. II a pris note que la FTCC collabore avec plusieurs communautés établies dans la zone couverte par la concession minière dans le cadre de procédures visant l'enregistrement des terres et que le gouvernement a déclaré "que le vrai problème que rencontrent les communautés est celui de la propriété et de l'occupation des terres et qu'il convient de régler les conflits de délimitation pour pouvoir poursuivre la procédure d'attribution de terres aux communautés indigènes qui ont présenté une demande dans ce sens".
  54. 44. L'article 14 de la convention se lit comme suit:
  55. 1. Les droits de propriété et de possession sur les terres qu'ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés. (...)
  56. 2. Les gouvernements doivent en tant que de besoin prendre des mesures pour identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession.
  57. En vertu des paragraphes mentionnés de l'article 14 de la convention, le comité considère que le gouvernement devrait prendre des mesures pour hâter les procédures visant la régularisation du statut des terres que les communautés indigènes occupent traditionnellement, en veillant non seulement à garantir les droits individuels mais aussi les droits collectifs des intéressés ainsi que les différents aspects de leur relation à la terre. En effet, les droits sur les terres occupées traditionnellement tels que consacrés par la convention tendent non seulement à protéger la propriété et la possession mais aussi la survie même des peuples indigènes en tant que tels et leur continuité historique.
  58. 45. Le comité se félicite du fait que le gouvernement affirme qu'il respecte les communautés indigènes et les terres qu'elles occupent et appuie le processus visant la régularisation du statut des terres. Il note aussi que le gouvernement a indiqué avoir besoin d'un délai pour procéder à la régularisation du statut des terres. Le comité convient en effet qu'une telle opération demande du temps et qu'elle est l'aboutissement d'un processus complexe qui ne se limite pas à la seule action législative. II estime cependant que les peuples indigènes ne doivent pas être lésés par la durée de ce processus et que, tant qu'il est en cours, il serait souhaitable par conséquent que des mesures provisoires soient adoptées afin de protéger les droits des peuples intéressés sur les terres. Le comité estime aussi que le point de vue du gouvernement, à savoir que la possession par les communautés indigènes des terres qu'ils occupent traditionnellement est illégale puisque les intéressés sont dépourvus de titres de propriété, n'est pas conforme avec la convention, qui consacre en son article 14 les droits des peuples indigènes sur les terres qu'ils occupent traditionnellement.
  59. 46. Pour conclure sur ce point, le comité demande au gouvernement de hâter le processus visant la régularisation du statut des terres des communautés indigènes conformément aux dispositions de l'article 14 de la convention et d'adopter dans l'intervalle des mesures provisoires propres à protéger les droits des peuples intéressés sur les terres.
  60. Consultation, terres et ressources naturelles
  61. 47. Le comité note que, selon le gouvernement, la consultation visée au paragraphe 2 de l'article 15 de la convention n'est requise que pour les terres pour lesquelles les communautés indigènes détiennent un titre de propriété. Il a relevé que, selon le gouvernement, les communautés associées à la réclamation n'étaient pas encore propriétaires des parcelles lorsque le permis d'exploration a été délivré et que, par conséquent, il n'y a pas lieu d'invoquer l'obligation découlant de l'article 15 de la convention. A cet égard, le comité estime qu'il convient d'appliquer les articles 13 et 15 de la convention lus conjointement. L'article 13 dispose ce qui suit:
  62. 1. En appliquant les dispositions de cette partie de la convention, les gouvernements doivent respecter l'importance spéciale que revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples intéressés la relation qu'ils entretiennent avec les terres ou territoires, ou avec les deux, selon le cas, qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et en particulier des aspects collectifs de cette relation.
  63. 2. L'utilisation du terme terres dans les articles 15 et 16 comprend le concept de territoires, qui recouvre la totalité de l'environnement des régions que les peuples intéressés occupent ou qu'ils utilisent d'une autre manière. [Caractères gras rajoutés.]
  64. Le paragraphe 2 de l'article 15 se lit comme suit:
  65. Dans les cas où l'Etat conserve la propriété des minéraux ou des ressources du sous-sol ou des droits à d'autres ressources dont sont dotées les terres, les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d'entreprendre ou d'autoriser tout programme de prospection ou d'exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres. Les peuples intéressés doivent, chaque fois que c'est possible, participer aux avantages découlant de ces activités et doivent recevoir une indemnisation équitable pour tout dommage qu'ils pourraient subir en raison de telles activités. [Caractères gras rajoutés.]
  66. 48. Par conséquent, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le fait que, conformément au paragraphe 2 de l'article 13 et au paragraphe 2 de l'article 15 de la convention, et comme les organes de contrôle l'ont établi à de multiples reprises, la convention ne fait pas obligation aux peuples indigènes de détenir des titres de propriété aux fins de la consultation visée au paragraphe 2 de l'article 15. Cette consultation s'applique en ce qui concerne les ressources appartenant à l'Etat qui se trouvent sur les terres que les peuples intéressés occupent ou utilisent d'une autre manière, qu'ils détiennent un titre de propriété sur ces terres ou non.
  67. Réunions
  68. 49. Le comité a pris note des informations communiquées par le gouvernement au sujet de plusieurs réunions tenues en février et mars 2006 qui relèvent d'après le gouvernement d'un processus d'information et de consultation. Il a pris note en outre de la réalisation d'une étude d'impact sur l'environnement. Le comité a relevé aussi que la FTCC rappelle que les réunions considérées ont eu lieu sans information préalable quant aux zones couvertes par les activités minières, qu'elles ont été particulièrement brèves et n'ont concerné que quelques communautés, que l'interprétation n'était pas satisfaisante et qu'il n'avait pas été annoncé qu'il s'agissait de consultations. Il constate notamment que les informations fournies par la FTCC sur la réunion du 12 mars 2006 divergent dans une large mesure de celles que le gouvernement a communiquées sur le même sujet. Les différences fondamentales entre ces informations portent sur la façon dont les réunions ont eu lieu. Le comité estime néanmoins que cet aspect ne constitue pas l'objet principal de la réclamation. Il considère en revanche comme essentielles la question de savoir s'il y a eu ou non une consultation préalable et celle de savoir qui doit être consulté.
  69. Consultation préalable
  70. 50. Le comité ne peut que constater que les réunions tenues en février et mars 2006 ne satisfont pas à une condition fondamentale établie à l'article 6 de la convention, à savoir que les consultations doivent revêtir un caractère préalable. Il note en outre que le gouvernement n'a envisagé de telles consultations qu'à l'endroit des membres des communautés pourvus d'un titre de propriété, ce qui n'est pas conforme avec le paragraphe 2 de l'article 13 et le paragraphe 2 de l'article 15 de la convention.
  71. 51. Dans ces conditions, le comité réaffirme qu'il n'est pas nécessaire d'examiner de façon approfondie les informations communiquées concernant l'organisation des réunions, en vue de déterminer si ces réunions peuvent être assimilées à des consultations au sens de la convention. Compte tenu que le gouvernement a envisagé l'application du paragraphe 2 de l'article 15 de la convention uniquement en ce qui concerne les terres sur lesquelles les communautés ou leurs membres détenaient un titre de propriété et que les réunions ont eu lieu en 2006 alors que le permis a été délivré en 2004, le comité considère qu'il n'y a pas eu de consultation préalable au sens de la convention et que la participation des communautés visées au paragraphe 2 de l'article 15, lu conjointement avec le paragraphe 2 de l'article 13 de la convention, n'a pas été assurée. Compte tenu en outre que le permis d'exploration octroyé en décembre 2004 expire en décembre 2007 et qu'un permis d'exploitation pourrait être délivré à compter de cette date, le comité considère qu'il conviendrait de procéder à la consultation de toutes les communautés intéressées, conformément aux articles 13, paragraphe 2, et 15, paragraphe 2, de la convention, avant la délivrance éventuelle d'un tel permis, que les intéressés détiennent des titres de propriété ou non, et d'indemniser les communautés pour les dommages que les travaux d'exploration pourraient avoir entraînés. En ce qui concerne l'étude d'impact sur l'environnement, le comité rappelle, comme les organes de contrôle l'ont indiqué à de multiples reprises (Note_3), que de telles études ne remplacent pas la consultation et la participation visées par la convention, notamment au paragraphe 2 de l'article 15 et au paragraphe 3 de l'article 7.
  72. 52. Le comité espère que, lorsqu'il procédera à la consultation, le gouvernement appliquera les critères établis à l'article 6 de la convention, qui se lit comme suit:
  73. 1. En appliquant les dispositions de la présente convention, les gouvernements doivent:
  74. a) consulter les peuples intéressés, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l'on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement; (...)
  75. 2. Les consultations effectuées en application de la présente convention doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées.
  76. Il espère aussi qu'il agira ce faisant dans le respect du principe de participation établi au paragraphe 3 de l'article 7 de la convention:
  77. Les gouvernements doivent faire en sorte que, s'il y a lieu, des études soient effectuées en coopération avec les peuples intéressés, afin d'évaluer l'incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l'environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Les résultats de ces études doivent être considérés comme un critère fondamental pour la mise en uvre de ces activités.
  78. 53. Etant donné que la mise en place de mécanismes de consultation et de participation efficaces contribue à prévenir et résoudre les conflits par le dialogue, qu'elle limite les tensions sociales et constitue l'outil prévu par la convention pour assurer que les plans et programmes de développement sont véritablement participatifs, le comité souligne qu'il convient de s'efforcer de parvenir à un consensus sur de tels mécanismes, d'assurer par une diffusion suffisante que chacun y a accès et de créer un climat de confiance avec les peuples indigènes en vue de favoriser un dialogue productif. Le comité considère que toute consultation doit s'accompagner de l'instauration d'un climat de confiance mutuelle.
  79. Autres aspects
  80. 54. En ce qui concerne la déclaration du gouvernement selon laquelle la consultation n'était pas requise en l'espèce compte tenu qu'il était procédé au renouvellement de permis antérieurs, le comité indique que le renouvellement ou la prorogation d'une autorisation constitue une nouvelle action et relève des dispositions de la convention. Dans une situation analogue, le Conseil d'administration a fait observer, dans un rapport sur une autre réclamation, que, même si un contrat a été conclu alors que la convention n'avait pas encore été ratifiée, la situation créée par la signature de ce contrat persiste, et que l'obligation de consulter les peuples intéressés ne s'applique pas uniquement à la signature de contrats: elle a un caractère général dans le contexte de l'application de la convention (Note_4).
  81. 55. Le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles les peuples indigènes n'ont pas utilisé les voies de recours internes mises à leur disposition par la loi pour contester le projet. Il fait observer cependant que l'accès aux mécanismes de contrôle de l'OIT n'est pas subordonné à l'épuisement des voies de recours internes et qu'au demeurant la loi sur les mines ne consacre pas encore la consultation des peuples indigènes telle que prévue par la convention.
  82. 56. Le comité se félicite des déclarations du gouvernement selon lesquelles celui-ci procède actuellement à l'élaboration d'un projet de loi sur la consultation des peuples indigènes et à la révision de la loi sur les mines en vue d'inscrire une telle consultation dans ce dernier texte, tel que relevé par la commission d'experts dans son observation. Il renvoie à cet égard à l'observation formulée en 2006 par la CEACR en ce qui concerne l'application de la convention au Guatemala:
  83. La commission prend note de l'indication du gouvernement selon laquelle le Guatemala pourrait s'appuyer sur l'assistance technique du Bureau pour mettre en place un modèle de consultation qui tienne compte de la convention. Ayant noté qu'un projet de loi sur la consultation des peuples indigènes devrait être élaboré sous peu et qu'une révision de la loi sur l'industrie minière devrait avoir lieu bientôt pour que ce texte prévoie des consultations, la commission encourage le gouvernement à continuer sur cette voie afin de mettre en place des instruments adéquats qui permettent de consulter les peuples indigènes et d'assurer leur participation, de limiter les conflits liés aux ressources naturelles et de disposer des bases nécessaires pour préparer des projets de développement participatifs, elle prie le gouvernement de la tenir informée des progrès réalisés ou prévus pour ces questions importantes.
  84. 57. Le comité a pris note que le gouvernement a demandé au BIT une assistance technique pour résoudre le problème posé par l'organisation de consultations avec les peuples indigènes. Il relève aussi que le gouvernement, lorsqu'il sollicite la coopération technique du Bureau, demande en sus que lui soit ménagé le temps nécessaire pour que les activités qui s'y rattachent portent leurs fruits. Il constate avec intérêt que les activités de coopération technique assurées par le Bureau ont déjà commencé et qu'elles suivent leur cours. Ainsi, un séminaire sur la convention et les processus de consultation a été organisé en novembre 2006 avec l'appui du Bureau. Le comité espère que cette coopération se poursuivra et contribuera à jeter les bases d'une application effective de la convention.
  85. 58. Le comité a pris note que le gouvernement et la FTCC font part au comité de deux objectifs, le premier exprimant l'espoir que "la procédure d'examen de la présente réclamation s'orientera vers le renforcement institutionnel du Guatemala", et l'organisation plaignante appelant de ses v ux "l'adoption de mesures visant la mise en uvre du mécanisme institutionnel de consultation des peuples indigènes; (...) l'application de l'article 46 de la Constitution en ce qui concerne la primauté de la convention no 169 sur la législation nationale, en l'occurrence la loi sur les mines et son règlement d'application; (...) l'adoption de politiques et dispositions légales cohérentes, conformes à la vision que les peuples indigènes ont de la nature, pour ce qui touche à l'exploitation, la gestion, la protection et l'administration des ressources naturelles".
  86. 59. Compte tenu de ce qui précède, le comité espère que le gouvernement entreprendra une action coordonnée et systématique, conformément aux articles 2 et 33 de la convention, en vue d'établir des mécanismes participatifs, et qu'il parviendra, par une participation accrue des peuples indigènes aux politiques et projets les concernant, à renforcer la cohésion sociale. Le comité exprime l'espoir que ses recommandations contribueront à la réalisation des objectifs énoncés par les parties tels qu'ils figurent au paragraphe précédent.
  87. Recommandations du comité
  88. 60. Le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, à la lumière des conclusions formulées aux paragraphes 39 à 59:
  89. a) de demander au gouvernement d'appliquer pleinement l'article 15 de la convention, de procéder à des consultations préalables lorsque des activités visant l'exploration et l'exploitation de ressources naturelles risquent d'avoir des conséquences pour des communautés indigènes et tribales et d'associer les peuples intéressés aux différentes étapes du processus ainsi qu'aux études d'impact sur l'environnement et aux plans de gestion environnementale;
  90. b) de demander au gouvernement de prendre des mesures pour remédier aux conséquences éventuelles de l'octroi du permis d'exploration, en évaluant, en consultation avec les communautés concernées, si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés et, lorsque de telles menaces existent, d'assurer qu'une juste compensation soit fournie conformément à l'article 15, paragraphe 2, de la convention; il exprime l'espoir, en ce qui concerne la recherche de solutions aux problèmes rencontrés par les communautés occupant ou utilisant d'une autre manière les terres visées par le permis faisant l'objet de la réclamation, de s'adresser aux institutions ou organisations représentatives concernées en vue d'établir et maintenir un dialogue constructif, conformément aux dispositions de l'article 6, permettant ainsi aux parties intéressées de trouver une issue à la situation de ces communautés, compte tenu ce faisant du paragraphe 53 du présent rapport;
  91. c) d'exhorter le gouvernement à lancer un processus de consultation préalable à l'éventuel octroi d'autres permis d'exploration et d'exploitation visant les terres faisant l'objet de la réclamation et à mettre en uvre des procédures propres à assurer la consultation et la participation de toutes les communautés intéressées qui occupent ou utilisent ces terres d'une autre manière, qu'elles soient pourvues ou non de titres de propriété, compte tenu ce faisant du paragraphe 53 du présent rapport;
  92. d) de demander au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les peuples indigènes, pour garantir les droits de propriété et de possession de ces derniers sur les terres auxquelles il est fait référence à l'article 14 de la convention;
  93. e) de demander au gouvernement d'adopter des mesures transitoires, en consultation avec les peuples indigènes, pour assurer la protection de ces droits en attendant l'issue de la procédure visant à régulariser le statut des terres;
  94. f) d'inviter le gouvernement à entreprendre une action coordonnée et systématique, au sens des articles 2 et 33, avec la participation des peuples indigènes, lorsqu'il applique les dispositions de la convention;
  95. g) d'inviter le gouvernement à poursuivre les travaux relatifs à l'élaboration et l'adoption d'une loi sur la consultation des peuples indigènes et d'une réglementation adéquate des consultations à tenir quand des ressources naturelles (minérales, forestières, hydrauliques, entre autres), auxquelles il est fait référence à l'article 15 de la convention, sont prospectées ou exploitées; cela contribuera au développement d'instruments adéquats de consultation et de participation qui ainsi atténueront les conflits liés aux ressources naturelles et à jeter les bases nécessaires à la mise en place de processus de développement inclusifs;
  96. h) d'inviter le Bureau à poursuivre les activités d'assistance et de coopération technique avec le gouvernement afin de favoriser la réalisation du processus de consultation dont il est question aux alinéas a), b) et c) et à prêter assistance au gouvernement aux fins de l'élaboration de la législation mentionnée à l'alinéa g);
  97. i) d'inviter le gouvernement à communiquer au Bureau des informations sur les points susmentionnés afin qu'elles soient examinées par la commission d'experts.
  98. 61. Le comité demande au Conseil d'administration d'adopter le présent rapport, notamment son paragraphe 60, et de déclarer close la présente procédure.
  99. Genève, le 4 juin 2007.
  100. Points appelant une décision: paragraphe 60;paragraphe 61.
  101. Note 1
  102. Déclaration des représentants de 20 communautés Maya Q'eqchi établies dans la commune d'El Estor (département d'Izábal) et dans la commune de Panzós (département d'Alta Verapaz), réunis à El Estor le 12 août 2005. Il s'agit en l'espèce d'une lettre ouverte adressée par les représentants élus de 20 communautés au Président de la République, au ministre de l'Energie et des Mines et au président de Skye Resources/Compañía Guatemalteca de Níquel.
  103. Note 2
  104. Procès-verbal no 22-2005 de la commune d'El Estor et copies certifiées conformes de procès-verbaux du ministère de l'Energie et des Mines des 27 février, 28 février, 29 mars et 28 avril 2006.
  105. Note 3
  106. CEACR, 2005: La réalisation par des sociétés d'études d'impact sur l'environnement ne remplace pas la consultation visée au paragraphe 2 de l'article 15, qui dispose que "les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d'entreprendre ou d'autoriser tout programme de prospection ou d'exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres". Comme la commission l'a déjà indiqué dans d'autres affaires similaires, l'obligation relative à cette consultation incombe non pas aux sociétés mais bien au gouvernement. En outre, lorsqu'il établit ou maintient les procédures correspondantes, le gouvernement doit tenir compte des critères de procédure établis par l'article 6 de la convention ainsi que de son article 7, qui prévoit notamment que "les gouvernements doivent faire en sorte que, s'il y a lieu, des études soient effectuées en coopération avec les peuples intéressés, afin d'évaluer l'incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l'environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Les résultats de ces études doivent être considérés comme un critère fondamental pour la mise en uvre de ces activités."
  107. Note 4
  108. Voir document GB.282/14/2, paragr. 30.
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