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RECLAMATION (article 24) - NORVÈGE - C111 - 1983

1. Fédération norvégienne des syndicats (LO)

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Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation présentée par la Fédération norvégienne des syndicats (LO), en vertu de l'article 24 de la Constitution, au sujet de l'inexécution de la convention (n° 111) sur la discrimination (emploi et profession), 1958, par la Norvège

Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation présentée par la Fédération norvégienne des syndicats (LO), en vertu de l'article 24 de la Constitution, au sujet de l'inexécution de la convention (n° 111) sur la discrimination (emploi et profession), 1958, par la Norvège

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. Introduction
  2. 1. Par lettre du 3 juin 1982, la Fédération norvégienne des syndicats (LO) a présenté une réclamation au titre de l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, dans laquelle elle allègue l'inexécution de la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, par le gouvernement de la Norvège.
  3. 2. La convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, a été ratifiée par la Norvège le 24 septembre 1959. Elle est entrée en vigueur pour ce pays un an après cette date, soit le 24 septembre 1960.
  4. 3. Les dispositions pertinentes de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail concernant la soumission des réclamations sont les suivantes:
  5. "Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite."
  9. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite."
  10. 4. La procédure à suivre en cas de réclamation est régie par le Règlement révisé adopté par le Conseil d'administration à sa 212e session en mars 1980 (Note_1).
  11. 5. En vertu de l'article 2, paragraphes 1 et 2, de ce Règlement, le Directeur général a transmis au Conseil d'administration la réclamation et tous les éléments d'information qu'il possédait sur la recevabilité de celle-ci.
  12. 6. Le Conseil d'administration a examiné, à sa 220e session (mai-juin 1982), la question de la recevabilité de la réclamation et a considéré que celle-ci remplissait les conditions de forme prévues à l'article 2 du Règlement. Il a ensuite décidé de désigner le comité prévu par l'article 3, paragraphe 1, du Règlement, conformément aux recommandations faites par son bureau dans un rapport qui lui avait été soumis à la même session (Note_2). Ce comité a été composé de M. Barry J. Watchorn (membre gouvernemental, Australie), président, de M. Albert Verschueren (membre employeur) et de M. Heribert Maier (membre travailleur).
  13. 7. Le comité s'est réuni à Genève immédiatement après sa nomination, le 23 juin 1982. Il a décidé, en vertu de l'article 4, paragraphe 1, alinéas a) et c) du Règlement; a) d'inviter la L0 à communiquer, avant le 15 août 1982, toute information complémentaire qu'elle souhaiterait porter à la connaissance du comité; b) d'inviter le gouvernement à soumettre ses observations sur la réclamation avant le 31 août 1982, étant entendu que les informations supplémentaires qui seraient reçues de la LO seraient également communiquées au gouvernement.
  14. 8. Le gouvernement a fait parvenir ses observations sur les faits allégués dans une communication du 1er octobre 1982. Le comité a ensuite tenu d'autres réunions à Genève le 18 novembre 1982 et le 22 février 1983.
  15. Examen de la réclamation et de la réponse reçue
  16. Allégations présentées
  17. 9. La Fédération norvégienne des Syndicats (LO) allègue que le gouvernement de la Norvège a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la ratification de la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et, en particulier, de son article 1, paragraphe 2, qui prévoit que les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations.
  18. 10. La LO considère que l'inexécution par la Norvège de ses obligations résulte de l'amendement apporté au paragraphe 55 A de la loi n° 4 du 4 février 1977 sur la Protection du travail et sur le milieu de travail par la loi n° 22 du 14 mai 1982 entrée en vigueur le même jour. Le paragraphe 55 A dispose à présent comme suit:
  19. L'employeur ne peut pas demander, lorsqu'il publie des avis de vacance de poste ou de quelque autre manière que ce soit, que les candidats fournissent des renseignements concernant leurs opinions politiques, religieuses ou culturelles ou qu'ils indiquent s'ils sont membres d'organisations syndicales. L'employeur ne peut pas davantage prendre des mesures pour obtenir de telles informations par des voies détournées. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque de tels renseignements sont requis, compte tenu de la nature du poste à pourvoir ou lorsque l'activité de l'employeur a pour objectif la promotion d'opinions politiques, religieuses ou culturelles et que le poste a de l'importance pour l'accomplissement de l'objectif. Dans les cas où de tels renseignements sont demandés, on doit le spécifier dans l'avis de vacance de poste.
  20. 11. A l'appui de son allégation que le gouvernement norvégien a enfreint l'article 1, paragraphe 2, de la convention n° 111, la LO déclare que l'exception prévue au paragraphe 55 A donne à l'employeur le droit de demander des renseignements sur les croyances du candidat et ses opinions en matière politique, religieuse ou culturelle, même dans des cas autres que ceux pour lesquels de tels renseignements sont motivés par la nature de l'emploi.
  21. 12. La LO rappelle que, lors du débat parlementaire sur les amendements aux exceptions du paragraphe 55 A, le gouvernement ainsi qu'une majorité du Parlement ont confirmé que, dans des institutions d'inspiration chrétienne par exemple, l'administration de telles institutions aurait le droit d'exiger des renseignements sur les candidats au sujet de leurs convictions chrétiennes même s'il s'agit de candidats à des postes de nettoyeurs, d'aide-cuisiniers, de concierges, etc.
  22. 13. La LO ajoute que cette forme de discrimination touchant de simples employés dans des métiers courants n'est pas seulement en contravention évidente avec la convention n° 111, mais que cette forme de discrimination affectera en pratique des employés dans des secteurs importants de la vie professionnelle. D'après la LO, la disposition d'exception du paragraphe 55 A procure aux employeurs, dans toutes activités qui impliquent une quelconque forme de conviction, un droit légal d'exclure tous les employés qui ne répondent pas aux desiderata en matière de convictions religieuses, même si les emplois qu'ils acceptent n'ont pas la moindre répercussion sur l'accomplissement ou l'exercice des convictions représentées par l'activité ou l'institution.
  23. Observations du gouvernement
  24. 14. Dans sa communication du 1er octobre 1982, le gouvernement rejette l'allégation selon laquelle le paragraphe 55 A de la loi n° 4 du 4 février 1977, telle qu'amendée par la loi n° 22 du 14 mai 1982, serait en contradiction avec l'article 1, paragraphe 2, de la convention n° 111.
  25. 15. Le gouvernement déclare que la loi n° 22 du 14 mai 1982 a été introduite dans le but de lever tout doute raisonnable quant à la possibilité pour des organisations religieuses, entre autres, d'exercer leurs activités en plein accord avec leurs objectifs. D'après les commentaires du gouvernement, tant l'interprétation du paragraphe 55 A dans sa rédaction initiale lors de l'entrée en vigueur de la loi de 1977 que l'amendement subséquent du paragraphe 55 A en 1980 ont suscité une inquiétude considérable chez les organisations et institutions d'inspiration chrétienne.
  26. 16. Le gouvernement fait remarquer que l'attention donnée au paragraphe 55 A et les amendements fréquents qui lui ont été apportés devraient être envisagés à la lumière de la position centrale occupée par les organisations bénévoles religieuses et culturelles en Norvège et au sein de la démocratie norvégienne. Ces organisations sont présentés dans un certain nombre de domaines - publication de livres, journaux et magazines, programmes d'études, activités de camp, campagnes d'information, travaux pour les enfants et la jeunesse. Elles administrent aussi des écoles élémentaires, des écoles de formation professionnelle, des collèges populaires (écoles secondaires pour le peuple), des hôpitaux, des institutions d'aide aux alcooliques, des jardins d'enfants, des orphelinats, etc. Le gouvernement fait remarquer que, dans leur politique de recrutement, ces organisations emploient tant du personnel qui partage leur idéologie que du personnel qui ne la partage pas.
  27. 17. Le gouvernement soutient que les autorités norvégiennes ont pris garde au cours de la préparation comme de la formulation de la législation de maintenir la compatibilité avec la convention n° 111. A l'appui de son affirmation que la législation est compatible avec l'interdiction de la discrimination contenue dans la convention n° 111, le gouvernement déclare qu'il est seulement possible pour un employeur d'obtenir des renseignements sur les opinions politiques, religieuses ou culturelles d'un candidat ou sur son appartenance à un syndicat lorsque cela est nécessaire aux termes des qualifications inhérentes à l'emploi en question.
  28. 18. A cet égard, le gouvernement se réfère à la recommandation du ministre des Affaires municipales et du Travail du 22 janvier 1982 - Odelsting Bill n° 30 (1981-82) - en vue d'amender la loi n° 4 du 4 février 1977:
  29. Dans la première alternative, le domaine discrétionnaire dans l'exception proposée est lié aux limitations spécifiques de l'expression "nature de l'emploi". Le ministère considère que cette expression doit être vérifiée à la lumière de la vocation générale de 1'établissements c'est-à-dire qu'elle ne peut pas être isolée de son contexte. De façon générale, la même chose peut être vraie de la seconde alternative de la disposition. Ce que l'on propose ici, c'est que l'exception s'applique si l'objectif de l'établissement de l'employeur concerné comprend la promotion de certaines opinions politiques, religieuses ou culturelles et si l'emploi est pertinent pour l'accomplissement de l'objectif. Ceci signifie que le droit de demander des renseignements à propos des opinions politiques ou religieuses de tout candidat s'appliquera dans la mesure où l'emploi spécifique est pertinent pour l'exécution de l'objectif de l'établissement. L'objectif précis de l'établissement et sa vocation seront normalement connus de tous et ressortiront des statuts de l'association, des règlements, des instructions, des pratiques coutumières, etc.
  30. La direction (ou le conseil d'administration) de l'établissement devrait évaluer et décider elle-même quel est l'objectif de l'établissement et si un emploi est pertinent pour l'accomplir. La direction (ou le conseil d'administration) - ou les personnes représentées dans cet organisme - seront les mieux au fait de l'établissement et sauront précisément quelles fonctions dans l'établissement le poste individuel impliquera. Ces personnes seront donc les plus aptes et les plus qualifiées pour décider si la clause d'exception devrait s'appliquer. Dans les organisations ou institutions plus petites, par exemple celles de 10 à 15 salariés, la direction (ou le conseil d'administration) peut, après une évaluation spécifique, considérer l'ensemble des emplois de l'établissement comme pertinents pour l'objectif de l'établissement. Il ne sera donc pas possible de faire de différence entre les différentes catégories d'emplois puisque ce doit être normalement un but primordial de tous les salariés de travailler en conformité avec les objectifs de l'organisation ou de l'institution. Dans d'autres établissements beaucoup plus importants, il sera possible d'affirmer qu'un poste particulier, par exemple celui d'aide-cuisinier à temps partiel, n'est pas pertinent à l'exécution de l'objectif de 1'établissement.
  31. Le ministère ne voit pas qu'il y ait de raison d'examiner plus à fond ces questions. Ce qui a déjà été dit vise simplement à souligner que le projet de loi ne peut pas être compris comme signifiant que tous les emplois dans des organisations idéologiques sont couverts par les exceptions proposées sans autre évaluation de la pertinence de chaque emploi particulier vis-à-vis de l'accomplissement de l'objectif de l'établissement.
  32. 19. Le gouvernement se réfère à une école secondaire populaire chrétienne où les élèves sont pensionnaires, comme exemple d'une organisation où la direction peut estimer nécessaire pour tous les employés (enseignants, intendants, concierges, aides administratifs, cuisiniers, aides de cuisine et de nettoyage) de partager les croyances idéologiques de l'institution. Le gouvernement suggère qu'il serait important pour l'école dans une telle situation de créer une équipe homogène cherchant à atteindre les objectifs de l'école.
  33. Conclusions du comité
  34. 20. Le comité constate que la question soulevée par la réclamation a trait à la compatibilité entre l'article 1, paragraphe 2, de la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et la loi n° 22 du 14 mai 1982 concernant des amendements au paragraphe 55 A de la loi n° 4 du 4 février 1977 sur la protection du travail et le milieu de travail.
  35. 21. Le comité estime utile de rappeler tout d'abord la portée de l'article 1, paragraphe 2, de la convention, en tenant compte aussi des indications fournies par les travaux préparatoires à la convention et par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations. L'article 1, paragraphe 2, de la convention concernant la discrimination (emploi et profession) dispose que:
  36. Les distinctions et exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations.
  37. 22. Dans les travaux préparatoires à l'adoption des instruments de 1958, certains amendements avaient été soumis dans le but de "préciser que les distinctions déterminées par les qualifications nécessaires pour un emploi ne constituent pas une discrimination ... Leur objet était de viser les cas où c'est pour des raisons de compétence professionnelle que l'employeur prend en considération des facteurs tels que l'ascendance nationale, le sexe ou la religion (Note_3)." La Commission de la Conférence avait en même temps rejeté un sous-amendement des membres employeurs tendant à ajouter les mots "ou les conditions particulières dans lesquelles le travail est exécuté" après les mots "qualifications nécessaires pour un emploi".
  38. 23. La commission d'experts a expliqué le sens de l'article 1, paragraphe 2, de la convention dans une étude d'ensemble de 1963 (Note_4) en déclarant qu'il s'agit "de savoir dans quels cas un critère tel que la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, ou l'origine sociale serait justifié comme une qualification exigée pour un emploi déterminé et pourrait à ce titre ne pas se traduire par une discrimination au sens de la convention et de la recommandation. En effet, c'est seulement dans de tels cas que se pose, à propos des qualifications exigées pour l'emploi, un problème de délimitation entre ce qui est et ce qui n'est pas discriminatoire. Les travaux préparatoires de la convention indiquent que c'est bien pour viser de tels cas que la disposition en question a été incluse dans cet instrument."
  39. 24. Au sujet de la question des exclusions spécifiques qui pourraient correspondre à l'article 1, paragraphe 2, de la convention, la commission d'experts a indiqué être "consciente du fait que les opinions politiques peuvent être prises en considération au titre des qualifications nécessaires pour certains postes supérieurs de l'administration impliquant des responsabilités particulières dans la mise en uvre de la politique gouvernementale (mais qu'), au-delà de certaines limites, par contre, cette pratique entre en conflit avec les dispositions" de la convention (Note_2).
  40. 25. Examinant la compatibilité de la disposition d'exception du paragraphe 55 A avec l'article 1, paragraphe 2, de la convention, le comité note l'affirmation du gouvernement selon laquelle "le point de savoir si la loi conduit en pratique à des résultats en contradiction avec la convention sera seulement confirmé après une interprétation complète dans un cas spécifique".
  41. 26. Le comité note cependant que le gouvernement a déjà donné quelques indications de la façon dont le paragraphe 55 A peut être appliqué. Dans le texte général des commentaires du gouvernement sur la réclamation et dans la recommandation du ministère des Affaires municipales et du Travail à l'Odelsting, un certain nombre de circonstances sont citées dans lesquelles des candidats pour tous les emplois dans une institution peuvent avoir, de façon justifiée, à fournir des renseignements à propos de leurs opinions politiques, religieuses ou culturelles. Le gouvernement souligne cependant que de tels emplois ne pourraient pas faire l'objet de l'exception du paragraphe 55 A sans qu'il y ait eu d'évaluation détaillée de l'importance de l'emploi intéressé pour l'accomplissement de l'objectif de l'entreprise.
  42. 27. A cet égard, le comité note que le critère qui doit être utilisé par une institution pour évaluer si un emploi est ou non "idéologique" consiste en l'importance de l'emploi pour l'objectif de l'entreprise. Le concept de l'importance de l'emploi pour l'objectif de l'organisation reçoit une portée très large dans les exemples donnés par le gouvernement sur la manière dont le paragraphe 55 A pourrait être interprété dans certaines institutions (voir paragraphe 19 ci-dessus). Il semblerait au comité que l'élément d'"importance" de certains emplois a trait au fonctionnement de fait de _1'organisation plutôt qu'à l'exécution de ses objectifs. Le comité estime ici que le test à appliquer par l'institution va au-delà de celui qui peut être appliqué au titre de l'article 1, paragraphe 2, de la convention. D'après le comité, la rédaction initiale du paragraphe 55 A introduit en 1977, qui forme la première exception alternative contenue dans la rédaction actuelle du paragraphe 55 A - c'est-à-dire: "ces dispositions ne sont pas applicables lorsque de tels renseignements sont requis compte tenu de la nature du poste à pourvoir" -, est compatible avec l'article 1, paragraphe 2, de la convention. De fait, l'interprétation du paragraphe 55 A donnée au Storting le 1er mars 1978 par le ministre du Gouvernement local et du Travail de l'époque est conforme à l'interprétation qui doit être donnée à l'article 1, paragraphe 2, de la convention. Le ministre avait déclaré au sujet des avis d'emploi pour les jardins d'enfants chrétiens et les enseignants d'écoles privées que "des renseignements sur les opinions personnelles sur la vie, etc. pourraient seulement être demandés au personnel chargé d'enseigner la philosophie de la vie concernée".
  43. 28. Néanmoins, le comité a eu l'occasion d'examiner un cas concernant l'application pratique du paragraphe 55 A dans sa rédaction de 1977. Ce cas avait trait au procès intenté par, entre autres, le Syndicat norvégien des employés publics contre le conseil d'administration d'un collège chrétien pour la formation de travailleurs sociaux au motif que les directives de politique du personnel adoptées en 1979 par le conseil d'administration du collège n'étaient pas conformes au paragraphe 55 A de la loi de 1977 sur le milieu de travail. Les directives de politique de personnel en question prévoyaient que les candidats à des postes de directeur administratif, d'enseignant ou de chercheur aient à indiquer s'ils partagent la foi chrétienne et que leur attitude envers celle-ci devrait figurer parmi les facteurs à prendre en compte dans l'attribution des postes cités. Etant donné, entre autres, qu'il est difficile d'imaginer une école chrétienne dans laquelle la majorité des enseignants ne partage pas les croyances chrétiennes fondamentales, le tribunal de district d'Oslo a jugé que - à l'exception du poste de directeur administratif -, les directives de politique du personnel concernées ne contrevenaient ni au paragraphe 55 A de la loi sur le milieu de travail ni à la convention (n° 111). Le comité n'a pas à commenter le résultat de ce cas, sinon qu'il a donné lieu à une décision instructive quant à la façon dont le paragraphe 55 A a été appliqué en pratique, A cet égard, il apparaît que le tribunal a accepté que des candidats puissent être interrogés à propos de leurs opinions religieuses même lorsque les emplois auxquels ils postulent sont d'ordre séculier au sein d'une institution avec un objectif religieux donné. Les exemples fournis par le gouvernement quant à la façon dont il envisagerait l'interprétation du paragraphe 55 A dans sa rédaction actuelle, ainsi que l'interprétation donnée par le tribunal de district d'Oslo de ce dernier dans sa rédaction de 1977, semblent au comité indiquer que des exceptions, d'une portée qui serait plus large que celle permise par la convention, pourraient être autorisées à l'interdiction générale de discrimination dans l'emploi. Le comité voudrait également faire part de sa préoccupation sur le point de savoir si de telles indications pourraient plus tard donner lieu à des pratiques contraires à l'article 2 de la convention qui demande aux Etats Membres ayant ratifié d'"appliquer une politique nationale visant à promouvoir ... l'égalité de chances et de traitement ... afin d'éliminer toute discrimination en cette matière". Cette préoccupation est particulièrement pertinente dans le cas des institutions éducatives confrontées à la tâche essentielle de préparer des étudiants à l'emploi. Là où des institutions éducatives elles-mêmes mettent indûment l'accent, dans leur politique de personnel, sur les convictions religieuses, plus grande pourrait devenir la tendance d'une société à développer des pratiques discriminatoires en matière d'emploi.
  44. 29. Le comité estime que, pour se conformer à l'article 1, paragraphe 2, de la convention n° 111, il faut avoir égard aux exigences effectives de l'emploi concerné et, le cas échéant, à l'incidence directe, de ces tâches sur les objectifs de l'institution. Naturellement, le fait qu'une organisation ait une idéologie particulière sera le motif pour lequel elle requerra que certains emplois soient occupés par des personnes de la même idéologie. Cependant, si l'on veut rester dans une situation compatible avec la convention, les responsabilités propres à de tels emplois doivent être directement liées à la poursuite ou à l'accomplissement de l'objectif de l'institution. En corollaire, le comité estime que dans certaines organisations une prise en considération des "qualifications exigées" pour l'emploi pourrait inclure des questions telles que celle de savoir s'il y aurait un risque de voir la poursuite des objectifs de l'institution frustrée, minée ou mise à mal du fait de l'emploi dans un poste particulier de quelqu'un qui ne partagerait pas les opinions idéologiques de l'organisation. Il est néanmoins clair, d'après les vues exprimées par la commission d'experts, que des distinctions effectuées dans ces circonstances pourraient seulement être justifiées au titre de la convention là où l'emploi lui-même impliquerait des responsabilités spéciales.
  45. 30. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle des organisations idéologiques en Norvège emploient des personnes qui partagent comme qui ne partagent pas la conception de la vie de l'organisation, et que tant le gouvernement que la majorité de la commission permanente du Storting croient que ces organisations poursuivront cette politique de recrutement. Le comité tient cependant à éclaircir la portée exacte de la convention.
  46. 31. Le comité note l'assurance donnée pair le gouvernement selon laquelle les engagements juridiques internationaux souscrits par la Norvège pèsent d'un grand poids dans l'interprétation de la législation, les autorités administratives et les tribunaux attachant par conséquent à la convention de l'OIT l'importance qui lui est due lorsqu'ils appliquent dans un cas individuel la disposition d'exception prévue au paragraphe 55 A. En outre, le gouvernement maintient que, en cas de doute, la loi sera interprétée conformément à la convention n° 111.
  47. Recommandations du comité
  48. 32. Le comité recommande au Conseil d'administration:
  49. a) d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
  50. i) dans la détermination de toutes distinctions, exclusions ou préférences autorisées en vertu de l'article 1, paragraphe 2, de la convention (n° 111), considération devrait être seulement donnée aux exigences inhérentes d'un emploi donné, c'est-à-dire aux tâches effectives de l'emploi en question et, le cas échéant, à l'incidence directe de ces tâches sur les objectifs de l'institution. Dans sa présente rédaction, la loi n° 22 de 1982 amendant le paragraphe 55 A de la loi n° 4 du 4 février 1977 sur la protection du travail et le milieu de travail apparaît formulée d'une façon telle que sa clause d'exception pourrait être appliquée vis-à-vis d'emplois qui ne comportent pas de par leur nature une responsabilité spéciale de contribuer à l'accomplissement des objectifs de l'institution;
  51. ii) dans ces conditions, des mesures devraient être prises pour garantir que le paragraphe en question soit rédigé, interprété et appliqué de manière à être conforme à l'article 1, paragraphe 2, de la convention;
  52. iii) le gouvernement devrait informer le BIT de toutes mesures prises à cet effet afin que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations puisse suivre les développements concernant cet aspect du cas;
  53. iv) le gouvernement devrait également indiquer dans son rapport sur l'application de la convention n° 111 la manière dont la législation est appliquée et devrait inclure dans ses rapports des copies de toutes instructions administratives ou décisions de tribunaux pertinentes;
  54. b) de déclarer close la présente procédure engagée à la suite de la réclamation de la Fédération norvégienne des Syndicats (LO) au sujet de l'application par le gouvernement de la Norvège de la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession).
  55. Genève, le 22 février 1983.
  56. (Signé) B.J. Watchorn, président
  57. A. Verschueren
  58. H. Maier
  59. Note 1
  60. Voir Bulletin officiel, vol. LXIV, 1981, série A, n° 1, pp. 99-101.
  61. Note 2
  62. Voir GB.220/16/28.
  63. Note 3
  64. Conférence internationale du Travail, 40e session, Genève, 1957: Compte rendu des travaux (Genève, 1958), Rapport de la Commission de la discrimination, paragr. 25, p. 771.
  65. Note 4
  66. BIT, Rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Rapport III (IV), Conférence internationale du Travail, 47e session, Genève, 1963, p. 201.
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