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RECLAMATION (article 24) - MEXIQUE - C169 - 2004

Syndicat des travailleurs de l'Université autonome du Mexique (STUNAM), Syndicat indépendant des travailleurs de la Jornada (SITRAJOR)

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Rapport de Comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par le Mexique de la convention (no 169)relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par le Syndicat des travailleurs de l'Université autonome du Mexique (STUNAM) et le Syndicat indépendant des travailleurs de la Jornada (SITRAJOR).

Rapport de Comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par le Mexique de la convention (no 169)relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par le Syndicat des travailleurs de l'Université autonome du Mexique (STUNAM) et le Syndicat indépendant des travailleurs de la Jornada (SITRAJOR).

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. Rapport du Directeur général Troisième rapport supplémentaire: Rapport du comité chargé d'examiner les réclamations alléguant l'inexécution par le Mexique de la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentées en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par le Syndicat du personnel universitaire de l'Institut national d'anthropologie et d'histoire (SAINAH), le Syndicat des travailleurs de l'Université autonome du Mexique (STUNAM), le Syndicat indépendant des travailleurs de La Jornada (SITRAJOR) et le Front authentique du travail (FAT)
  2. I. Introduction
  3. 1. Par une communication datée du 20 août 2001, le Syndicat du personnel universitaire de l'Institut national d'anthropologie et d'histoire (SAINAH), invoquant l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, a présenté au Bureau international du Travail une réclamation alléguant que le gouvernement du Mexique n'a pas respecté les dispositions de la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.
  4. 2. Par une communication datée du 4 septembre 2001, le Syndicat des travailleurs de l'Université autonome du Mexique (STUNAM) et le Syndicat indépendant des travailleurs de La Jornada (SITRAJOR) ont présenté au Bureau international du Travail une réclamation alléguant que le gouvernement du Mexique n'a pas respecté les dispositions de la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.
  5. 3. Par une communication datée du 10 octobre 2001, le Front authentique du travail (FAT), invoquant l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, a présenté au Bureau international du Travail une réclamation alléguant que le gouvernement du Mexique n'a pas respecté les dispositions de la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.
  6. 4. Le Mexique a ratifié la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, le 5 septembre 1990, et cette convention reste en vigueur dans le pays.
  7. 5. Les dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail relatives à la présentation de réclamations sont les suivantes:
  8. Article 24
  9. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause, et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  10. Article 25
  11. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  12. 6. La procédure à suivre pour l'examen des réclamations présentées en invoquant les articles 24 et 25 de la Constitution est basée sur le Règlement relatif à la procédure à suivre pour l'examen des réclamations, tel qu'il a été révisé par le Conseil d'administration à sa 212e session (mars 1980).
  13. 7. En vertu de l'article 1 et de l'article 2, paragraphe 1, du règlement susmentionné, le Directeur général a accusé réception des réclamations, en a informé le gouvernement du Mexique et les a transmises au bureau du Conseil d'administration.
  14. 8. Lors de sa 282e session (novembre 2001), le Conseil d'administration, suivant la recommandation de son bureau, a décidé que les deux premières réclamations, c'est-à-dire celle du SAINAH et celle présentée par le SITRAJOR et le STUNAM, étaient recevables et a ajourné la désignation du comité chargé de les examiner jusqu'à la session de mars 2002 du Conseil d'administration. Lors de sa 283e session (mars 2002), le Conseil d'administration, suivant la recommandation de son bureau, a décidé que la réclamation du FAT était recevable et a nommé un comité chargé de l'examiner; ledit comité était composé de M. Francisco Díaz Garaycoa (membre employeur, Equateur) et de M. Olivio Miranda Oliveira (membre travailleur, Brésil). Etant donné que M. Olivio Miranda Oliveira a cessé de faire partie du Conseil d'administration, il a été remplacé par M. Kjeld A. Jakobsen (membre travailleur, Brésil) qui, pour les mêmes raisons, a été remplacé à son tour par M. Jesús Urbieta (membre travailleur, Venezuela).
  15. 9. Conformément aux dispositions prévues par l'article 4, paragraphe 1, alinéas a) et c), du règlement, le comité a invité le gouvernement à présenter ses observations au sujet des réclamations, et les organisations qui ont formulé une réclamation à présenter toutes les informations complémentaires qu'elles souhaiteraient porter à la connaissance du comité. Le comité n'indiquera pas la totalité des informations supplémentaires et des communications reçues de toutes les parties étant donné l'important échange de correspondance intervenu depuis le début de la procédure jusqu'à ce jour.
  16. 10. Il convient de relever que, dans une communication, le gouvernement du Mexique allègue que le FAT n'est pas compétent pour présenter une réclamation en vertu de l'article 24 de la Constitution et fait valoir qu'il n'est pas vraiment une organisation professionnelle de travailleurs au sens de l'article 24. A la demande du comité, le Bureau a prié le FAT de lui fournir des informations sur sa composition et ses statuts, informations qui ont été reçues le 12 novembre 2002. Le comité a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves permettant de considérer le FAT comme une organisation professionnelle de travailleurs, conformément aux dispositions de l'article 24. En vertu de cette conclusion, la communication du FAT n'est pas une réclamation pouvant être examinée par le comité tripartite. Le comité est toutefois convenu d'examiner le contenu des réclamations du SAINAH, du STUNAM et du SITRAJOR.
  17. 11. Par communications datées des 25 et 30 septembre 2002, le gouvernement a envoyé ses commentaires sur les réclamations présentées.
  18. 12. Le comité rappelle que le Conseil d'administration n'a pas encore examiné l'exécution de la convention par le gouvernement du Mexique. En 1996, le Syndicat national des travailleurs de l'éducation (SNTE) a présenté une réclamation et, en juin 1998, le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite chargé d'examiner cette réclamation. En 1998, le Syndicat radical des travailleurs de la métallurgie et des secteurs connexes a présenté une réclamation et, en novembre 1999, le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite chargé de l'examiner.
  19. 13. Les derniers commentaires de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations relatifs à l'exécution de la convention au Mexique datent de 2001, la procédure prévue par l'article 22 de la Constitution de l'OIT ayant été suspendue en raison des réclamations qui sont l'objet de ce rapport.
  20. 14. Les réclamations ont trait à l'application de divers articles de la convention. L'une des réclamations contient de nombreuses allégations relatives au respect du droit de consultation prévu par l'article 6 de la convention durant le processus d'élaboration des réformes constitutionnelles relatives aux droits et à la culture des peuples indigènes, réformes qui ont été promulguées le 14 août 2001. L'autre réclamation allègue l'inexécution de la totalité de la convention, et en particulier de ses dispositions les plus importantes. Les deux réclamations se réfèrent au contenu des réformes, qui sont les thèmes sous-jacents desdites réclamations.
  21. II. Examen de la réclamation alléguant l'inobservation de l'article 6 de la convention (consultations)
  22. A. Allégations des organisations plaignantes
  23. Précédents
  24. 15. La présente réclamation allègue, en premier lieu, que le Mexique a violé l'article 6 de la convention lors de la procédure législative qui a conduit à l'approbation du décret de réforme constitutionnelle en matière de droits et de culture indigènes (Diario Oficial de la Fédération, 14 août 2001).
  25. 16. Les plaignants exposent en détail les événements qui ont précédé le processus de réforme constitutionnelle auquel ils se réfèrent; ces événements sont résumés ci-après. La convention no 169 a été ratifiée par le Mexique en 1990 et est entrée en vigueur en septembre 1991. En 1992, avant les faits auxquels se réfère la présente réclamation, l'article 4 de la Constitution politique du Mexique a été réformé; il dispose maintenant que la nation mexicaine est de composition pluriculturelle, laquelle a son origine dans les populations indigènes. Il fixe en outre des objectifs généraux devant être précisés et améliorés postérieurement par la loi. Les plaignants font valoir que cet article n'a fait l'objet d'aucun développement législatif particulier, en partie à cause de l'opposition du mouvement indigène. Selon eux, l'opposition était due au fait que le mouvement indigène estimait qu'il n'y avait pas vraiment de reconnaissance de leurs droits dans le domaine constitutionnel, mais que l'on avait simplement mentionné quelques objectifs, qui ne reflétaient pas certaines des revendications fondamentales des peuples indigènes, telles que la reconnaissance de ces peuples comme sujets de droit et la reconnaissance de leur droit à l'autonomie. On a également amendé l'article 27, section VII, de la Constitution politique des Etats-Unis du Mexique en supprimant les garanties d'imprescriptibilité, d'insaisissabilité et d'inaliénabilité des terres appartenant à des communautés (tierras ejidales), le régime foncier le plus courant parmi les peuples indigènes du Mexique. La loi qui devait réglementer l'article 27 n'aurait pas réglementé la section VII de cet article.
  26. 17. Les plaignants rappellent que la violence a éclaté en 1994 au Chiapas. Au cours de cette année, l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) a fait son apparition et a revendiqué une série de droits pour les peuples et les communautés indigènes du Chiapas et pour les indigènes des autres entités fédératives de l'Union. En mars 1995, la négociation a été engagée avec l'EZLN et le pouvoir exécutif fédéral dans le cadre de la loi pour le dialogue, la conciliation et une paix digne au Chiapas.
  27. 18. Les plaignants poursuivent en signalant que, parallèlement, le Congrès de la nation ainsi que l'exécutif par l'intermédiaire du ministère de l'Intérieur ont organisé le 10 octobre 1995 une consultation nationale sur les droits et la participation indigène qui, selon le gouvernement, était un «vaste processus de consultation nationale sur les droits et la participation indigène, auquel ont pris part près de 12.000 personnes au sein de 30 forums; près de 9 000 propositions visant à promouvoir des réformes dans le cadre constitutionnel et légal pertinent sont résultées de cette consultation et de [ ] rencontres avec des communautés et des peuples indigènes ont permis d'entrer en contact avec quelque 11 000 personnes».
  28. 19. Le 16 février 1996, les Accords de San Andrés Larraínzar ont été signés entre le gouvernement et l'EZLN; ces accords sont basés en grande partie sur les dispositions de la convention no 169 et prévoient notamment «la création d'un nouveau cadre juridique établissant une relation nouvelle entre les peuples indigènes et l'Etat».
  29. 20. Les parties au conflit ont confié l'initiative constitutionnelle à la Commission de concorde et de pacification du pouvoir législatif fédéral (COCOPA); cette commission a présenté le 29 novembre 1996 une initiative de réforme constitutionnelle basée sur la convention no 169 et sur les Accords de San Andrés. Selon les plaignants, bien que cette initiative ne reprenne pas tous les points des Accords de San Andrés, elle a été acceptée par l'EZLN et par la majorité des organisations indigènes, mais pas par le pouvoir exécutif. Selon les plaignants, les négociations entre l'EZLN et le pouvoir exécutif fédéral, ainsi que les consultations entre ce pouvoir exécutif et les différentes organisations indigènes, ont été paralysées dès décembre 1996.
  30. 21. Les plaignants rappellent que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations avait signalé en 1999 que «l'apparente absence de dialogue entre le gouvernement et les peuples indigènes est un motif de préoccupation quant à la possibilité que cette situation contribue à la solution des problèmes dont souffrent ces peuples».
  31. 22. Le 5 décembre 2000, après un changement de gouvernement, le nouveau Président du Mexique a présenté au Sénat l'initiative de réformes constitutionnelles élaborée par la COCOPA. En janvier 2001, le Sénat a engagé les débats sur la réforme et a constitué une sous-commission composite pour les réformes constitutionnelles en matière de droits et de culture indigène composée de membres des commissions des points constitutionnels, des études législatives et des questions indigènes du Sénat.
  32. 23. Le 24 février 2001 a commencé la Marche pour la dignité indigène et, le 28 mars 2001, l'EZLN et le Congrès national indigène (CNI) ont défendu l'initiative de la COCOPA à la Chambre des députés du Congrès de l'Union.
  33. 24. Le 25 avril 2001, le Sénat de la République a approuvé le rapport sur le projet de décret présenté, qui modifiait substantiellement selon les plaignants l'initiative de la COCOPA. Concrètement, le rapport a ajouté un deuxième et un troisième paragraphe à l'article 1, a amendé l'article 2, a annulé le premier paragraphe de l'article 4, a ajouté un sixième paragraphe à l'article 18 et un dernier paragraphe à l'article 115, section 3, de la Constitution.
  34. 25. La Chambre des députés a adopté ce projet le 28 avril 2001.
  35. 26. Le 30 avril, l'EZLN a rejeté le projet; le 1er mai, le Congrès national indigène (CNI) l'a rejeté à son tour, et le 11 juin la Conférence du Millénaire pour les peuples indigènes, réunie à Panama, l'a également rejeté. Le 19 juin, 3 000 personnalités, organisations et groupements ont signé le document «Pour la reconnaissance des droits et de la culture indigènes».
  36. 27. Conformément à l'article 135 de la Constitution politique des Etats-Unis du Mexique, le projet a été envoyé aux instances législatives des Etats et a été approuvé par 16 des 32 Congrès des Etats, et rejeté par les Etats ayant le pourcentage de population indigène le plus élevé, notamment par les Etats de la Basse-Californie du Sud, du Chiapas, de Mexico, de Morelos, de Hidalgo, de Oaxaca, de San Luis Potosí, du Sinaloa et de Zacatecas.
  37. 28. Le 14 août 2001, le pouvoir exécutif fédéral a promulgué le décret contesté qui, de l'avis des plaignants, porte directement préjudice à des intérêts et droits des peuples indigènes étant donné qu'il a trait à des questions concernant le droit à la propriété ou à la possession de la terre, à l'utilisation et à la jouissance des ressources naturelles sur leurs territoires, au droit de ces peuples au développement et au droit à la participation et à la conservation de leurs institutions propres.
  38. Le concept de violation selon les plaignants
  39. 29. Selon les plaignants, le processus de réforme constitutionnel contesté a commencé le 5 décembre 2000 et englobe l'élaboration et l'approbation du rapport par le Sénat (25 avril 2001), par la Chambre des députés le 28 avril 2001 et s'est achevé par la promulgation du décret, le 14 août 2001.
  40. 30. Les plaignants allèguent que le processus allant du 5 décembre 2000 au 14 août 2001 constitue un processus législatif unitaire, indépendant d'actes antérieurs, et ils affirment que, en tant que tel, il aurait dû entraîner l'exécution des dispositions qui exigent la procédure de la consultation des peuples indigènes, qui doit être respectée chaque fois qu'il y a un acte législatif susceptible de les toucher directement.
  41. 31. Les plaignants affirment que, sans chercher à porter un jugement sur la validité des consultations antérieures, l'acte de réforme constitutionnel est indépendant des initiatives de consultation soutenues par l'exécutif dans le cadre du processus de dialogue et de pacification au Chiapas qui a été engagé en 1996 et interrompu en 1998. Ils font valoir que l'idée de réformer la Constitution a été acceptée par les Accords de San Andrés (16 février 1996) et qu'elle a conduit à un processus de réforme qui a commencé officiellement à partir du moment où le Président Zedillo a soumis, le 15 mars 1998, l'initiative au Congrès de l'Union; cette initiative n'a toutefois jamais pu être discutée en raison de la rupture des négociations.
  42. 32. Quand le Président Fox a présenté l'initiative en l'an 2000, il s'agissait selon les plaignants d'une procédure législative différente.
  43. 33. Ils ajoutent que le texte de l'initiative de la COCOPA n'a pas non plus fait l'objet d'une consultation officielle des Etats mexicains, conformément aux conditions de la convention. S'il y a eu consultation, elle a été encouragée par des instances qui ne font pas partie des instances de l'Etat et dans des conditions qui ne répondent absolument pas aux dispositions de l'article 6. Les plaignants affirment que la consultation doit être officielle et qu'elle ne peut pas être déléguée.
  44. 34. Selon les auteurs des réclamations, le processus législatif qui a abouti à l'approbation et à la promulgation du décret de réformes constitutionnelles en matière de droits et culture indigènes a violé l'article 6 de la convention en ne respectant pas les garanties de procédure établies dans cet article au sujet du droit des peuples indigènes à être consultés préalablement, de bonne foi, sous une forme appropriée aux circonstances, à tous les niveaux, en vue de parvenir à un accord à travers leurs institutions représentatives.
  45. 35. Ils relèvent que, dans le cadre institutionnel du Congrès de la République, le processus d'information et d'audience publique a été mené par la Sous-commission de l'analyse de la réforme constitutionnelle en matière de droits et culture indigènes durant la période comprise entre le 12 mars et le 5 avril 2001. Selon les plaignants, la sous-commission a déclaré que son objectif était de procéder à «une vaste campagne de consultation afin de recueillir les commentaires de divers acteurs tels que les organisations paysannes, universitaires, de professeurs d'universités, y compris d'employés de l'Etat fédéral». Ils exposent ensuite les diverses activités que la sous-commission a déployées entre le 12 mars et le 5 avril 2001: le 17 mars 2001, elle a organisé un séminaire international intitulé «Constitution et droits indigènes» et les commissions faisant partie de la sous-commission précitée ont convoqué des réunions d'analyse de la réforme constitutionnelle; de ces réunions est résulté un accord intervenu entre les présidents des diverses commissions qui sont convenus d'organiser des audiences pour permettre à des groupes sociaux de présenter leurs revendications et d'analyser ensuite les points de vue ainsi exposés. Le 4 avril, un forum sur les femmes et la loi en matière de droits et culture indigènes a également été organisé dans le but d'attirer l'attention de la société sur les conditions de vie de la femme indigène. En outre, ils mentionnent des réunions tenues avec des organisations d'entreprises et avec la Confédération nationale des travailleurs agricoles ainsi que des réunions qui ont eu lieu avec quelques groupes indigènes.
  46. 36. Les plaignants indiquent que, le 5 avril 2001, les membres de la Sous-commission d'analyse de la réforme constitutionnelle ont décidé de mettre un terme aux audiences publiques et d'avancer avec le rapport. Ils signalent également, selon des communiqués de presse qu'ils citent, que la sous-commission a relevé «l'importance des audiences publiques au cours desquelles de nombreux groupes d'organisations indigènes, universitaires, de spécialistes et de personnes intéressées, ont fait part de leurs inquiétudes, dont il a été tenu compte lors de la décision de poursuivre le rapport sur les initiatives relatives à la loi sur les droits et la culture indigènes». Les plaignants ajoutent en outre que les rapports in extenso de la sous-commission ne sont pas publics.
  47. 37. Les plaignants allèguent que, lorsque le nouveau projet de réformes élaboré par le Sénat et approuvé par le Congrès a été soumis aux Etats, les Congrès des Etats se sont en général opposés à la participation d'indigènes. Ils signalent qu'à Puebla on a interdit à une représentante indigène des ethnies de la Sierra Norte de prendre la parole au motif que les institutions et le règlement du Congrès ne permettaient pas qu'elle prenne la parole. Un membre du Congrès a déclaré qu'en tenant compte du règlement interne et de la loi organique municipale il n'était pas possible qu'une indigène soit autorisée à monter à la tribune pour faire usage de la parole. Dans l'Etat de Michoacán, les membres du Congrès auraient siégé derrière un cordon de policiers pour que les chefs indigènes ne puissent pas entrer; dans certains cas, les indigènes ont même été poursuivis, comme dans l'Etat de Guerrero, où des plaintes pénales ont été déposées contre les dirigeants qui avaient occupé le bâtiment du Congrès pour empêcher les législateurs de siéger. D'autres Congrès sont restés indifférents à la demande des indigènes de rejeter le rapport mais ont fait consigner au procès-verbal qu'ils tiendraient compte des opinions des indigènes et des personnes non indigènes. C'est ce qui se serait passé à Chihuahua, où une représentation de 66 gouverneurs raramuri demandant le rejet du nouveau projet de réformes a été reçue, mais le Congrès s'est contenté de répondre selon les plaignants en posant des questions aux indigènes au sujet de leur représentativité sur la base de critères de la démocratie formelle et représentative. Le compte rendu in extenso de la session d'approbation des réformes indique qu'une organisation non gouvernementale a déclaré qu'elle s'opposait aux réformes et la même version indique que cette délégation n'avait pas de raisons de demander le rejet des réformes. Les plaignants relèvent qu'à Durango on a donné lecture d'un document de deux gouverneurs indigènes en faveur du rapport. Les plaignants concluent qu'il n'est pas possible de considérer que l'exercice du droit à la consultation préalable a été respecté d'une quelconque façon car la majorité des Etats n'a pas recouru à des procédures appropriées aux circonstances de ces peuples et certains Etats ont même engagé des procédures avec une mauvaise foi évidente.
  48. 38. Ce qui se rapprocherait le plus d'une consultation, selon les plaignants, a été accordé dans les Etats du Chiapas et de Oaxaca. Au Chiapas, les législateurs ont rejeté le rapport du Congrès de l'Union et ont fait consigner au procès-verbal que des forums d'analyse ont été organisés avec des spécialistes universitaires en matière de droits et de culture indigènes. Ils indiquent que, les 22, 23, 24 et 25 juin, 9 forums de consultation ont eu lieu avec la participation d'environ 10 000 personnes, tant indigènes que non indigènes. Dans le cas du Congrès local de Oaxaca, il a été consigné au procès-verbal que le rejet social a été exprimé directement devant les députés par les organisations suivantes: Centre des droits de l'homme Bartolomé Carrasco, Centre d'appui au mouvement populaire d'Oaxaca, Organisation indienne pour les droits de l'homme d'Oaxaca ainsi que par un grand nombre de mairies de l'Etat d'Oaxaca.
  49. 39. Selon les plaignants, les divers événements susmentionnés, qui ont eu lieu durant la période allant du 12 mars au 5 avril 2001, ne correspondent pas au processus de consultation prévu par la convention no 169. Ils affirment que, «au risque d'affaiblir le droit des peuples indigènes à la consultation, il faut faire une distinction conceptuelle entre un acte de consultation conforme à la convention et n'importe quel acte de consultation de pure forme, d'information ou d'audience publique organisé par les autorités publiques». Ils font valoir que, si «les exigences de l'article 6 de la convention ont été formulées de manière flexible, elles ne sauraient devenir un obstacle à leur respect effectif».
  50. 40. De l'avis des auteurs de la réclamation, ni les peuples indigènes ni leurs représentants n'ont été consultés. Ils affirment que la réflexion publique, de caractère académique ou institutionnel, sur les droits indigènes est un effort louable et nécessaire mais qu'il ne donne pas directement la parole aux peuples intéressés et qu'il n'est par conséquent pas possible d'établir un lien direct entre cette réflexion publique et le droit à la consultation des peuples indigènes établi par l'article 6.
  51. 41. Ils soulignent en outre que les audiences accordées par le Sénat répondaient davantage à des pétitions présentées par des personnes et des organisations et n'étaient pas une invitation à une consultation active, systématique et conçue selon le critère de représentativité par les pouvoirs publics. A leur avis, il aurait été nécessaire de déterminer quels sont les peuples indigènes susceptibles d'être concernés. Ils estiment que, dans le cas d'une réforme constitutionnelle à l'échelon fédéral, les intéressés sont tous les citoyens mexicains considérés comme indigènes conformément aux critères établis par l'article l de la convention, ce qui représente environ 10 pour cent de la population. Ils affirment que, pour être appropriée, la consultation doit être basée sur des critères objectifs, raisonnables et vérifiables de représentativité et que l'importance de la population éventuellement concernée ne peut pas être un prétexte pour que la consultation soit menée de façon arbitraire et irrationnelle.
  52. 42. Ils allèguent également que, pour pouvoir considérer la consultation comme ayant été appropriée, cette consultation aurait dû intervenir à tous les niveaux; il incombe aux pouvoirs fédéraux de mener la consultation avec des organisations représentatives à l'échelon national, tandis que les pouvoirs des Etats doivent consulter les institutions ou organisations indigènes dans leur propre Etat. Les plaignants arrivent à la conclusion qu'il ressort clairement de l'analyse du processus que les pouvoirs publics n'ont pas planifié la consultation de manière appropriée.
  53. 43. Ils affirment que l'on ne peut pas déduire des informations disponibles qu'il y a eu une action visant à informer les peuples, les communautés ou les représentants indigènes sur les points couverts par la réforme ou à les habiliter à se prononcer sur ces points.
  54. 44. Ils affirment que les diverses audiences ou débats publics qui ont eu lieu ne peuvent pas être considérés comme ayant été organisés en vue de dégager un consensus. Si l'on accepte le principe que les termes de la convention présupposent un processus de dialogue et de négociation, il semble évident, de l'avis des plaignants, que notamment les audiences organisées par la Sous-Commission de l'analyse de la réforme constitutionnelle au cours desquelles certaines personnes ont exprimé leurs inquiétudes au sujet de la réforme ne peuvent pas être considérées comme un acte de consultation conforme aux dispositions de la convention. Ces audiences ont manqué de continuité dans le temps, quant au fond et à l'information préalable, et n'ont pas conduit aux débats nécessaires pour arriver à un accord.
  55. 45. Selon les plaignants, il conviendrait d'établir un lien entre les vices du processus de consultation dans ce cas concret et l'intégration incomplète des dispositions de la convention dans le système juridique et institutionnel du Mexique, ce qui est une obligation imposée tant par l'article 2 que par l'article 6 de la convention.
  56. 46. De plus, ils estiment que l'on devrait appliquer la convention (nº 144) sur les consultations, 1976, afin d'interpréter, de clarifier et d'intégrer le concept de consultation, notamment en ce qui concerne le respect des critères de représentativité et de formation.
  57. B. Observations du gouvernement
  58. Observations sur les précédents
  59. 47. Dans son résumé, le gouvernement du Mexique affirme qu'il a assumé l'obligation qui découle de l'article 6 de la convention no 169 en ce qui concerne le devoir de consulter les peuples intéressés chaque fois que l'on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement, avant et durant le processus d'approbation de la réforme constitutionnelle en matière de droits et de culture indigènes.
  60. 48. En ce qui concerne l'affirmation selon laquelle le mouvement indigène s'est opposé à la réforme de l'article 4 de la Constitution en 1992, le gouvernement déclare que les plaignants ne précisent pas à quel mouvement indigène ils se réfèrent ni comment, ni quand, ni où ce mouvement s'est opposé à ladite réforme. Il déclare également qu'il est incorrect d'affirmer que la disposition n'a fait l'objet d'aucun développement législatif particulier car, à partir de cette réforme, la législation mexicaine a évolué de manière significative en matière de droits et de culture indigènes. De plus, depuis la réforme du 14 août 2001, le texte de cet article fait partie de l'article 2 de la Constitution du Mexique qui porte sur tous les aspects des droits et de la culture indigènes et qui dispose que la reconnaissance des peuples et des communautés indigènes interviendra en vertu de dispositions devant être intégrées dans les constitutions et lois des entités fédératives.
  61. 49. Au sujet de la réforme de l'article 27 de la Constitution du Mexique, publiée le 6 janvier 1992 dans le Diario Oficial de la Fédération, le gouvernement déclare que cette réforme permet la privatisation des terres sous le régime de l'«ejido» et des terres appartenant à des communautés, si les communautés indigènes décident d'accepter la privatisation, et établit aussi la propriété et l'intégrité de la terre. Ce paragraphe est réglementé par la loi agraire, qui dispose que seule l'assemblée générale de la communauté a le pouvoir de décider si les terres, l'«ejido» ou les terres de la communauté doivent être transformées en propriété privée.
  62. 50. Le gouvernement indique que la réforme reprend les principales revendications des indigènes et, tout en préservant les droits acquis par des tiers ou des membres de la communauté, consacre l'utilisation et la jouissance des ressources naturelles dans les lieux habités et occupés par les communautés, sauf dans les lieux qui sont des zones stratégiques.
  63. 51. Le gouvernement a également fourni des informations détaillées sur les diverses lois promulguées en vertu de l'article 4 de la Constitution.
  64. 52. Se référant aux précédents de la réforme constitutionnelle contestés par les plaignants, le gouvernement relève que, initialement, le Congrès de l'Union, en coopération avec le ministère de l'Intérieur, a organisé le 10 octobre 1995 une consultation nationale sur les droits et la participation indigènes, que près de 12 000 personnes ont pris part à des forums, et qu'environ 9 000 propositions en faveur de la promotion des réformes dans le cadre institutionnel ont été reçues; cela démontre que le gouvernement du Mexique est disposé à promouvoir la participation des peuples indigènes à la prise de décisions relatives à des questions qui les concernent et que, en dépit de certains obstacles auxquels il s'est heurté, il s'est efforcé de maintenir ouverte la voie du dialogue et de la conciliation.
  65. 53. En ce qui concerne la COCOPA, le gouvernement affirme qu'il a eu diverses réunions avec des membres de la COCOPA dans le but de rester en contact permanent avec cette commission et de continuer à prendre des mesures visant à créer un climat favorable au dialogue et à la paix dans la justice au Chiapas. Le gouvernement déclare qu'il a posé les fondements de la lutte directe contre la situation de marginalisation dans laquelle vivent les peuples et les communautés indigènes au Chiapas, et qu'il a pu prendre avec le gouvernement de l'Etat des engagements de collaboration et de coopération en vue de pacifier cette entité.
  66. 54. Le gouvernement indique que l'initiative de la COCOPA a été reprise et convertie en la proposition de réforme constitutionnelle que le Président de la République, M. Vicente Fox, a envoyée le 5 décembre 2000 à la Chambre d'origine et que l'exposé des motifs du Président relève que «l'initiative de la COCOPA est une manifestation de l'objectif commun d'arriver à la paix et à la réconciliation, ainsi que de reconnaître l'autonomie des peuples indigènes».
  67. 55. Quant à la citation par les plaignants du commentaire fait par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations au sujet de «l'apparente absence de dialogue», le gouvernement indique qu'il a répondu ponctuellement à cette observation dans le cadre de la 88e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2000); dans cette réponse, le gouvernement a rappelé les mécanismes de dialogue permanents qui existent entre le gouvernement et les peuples indigènes et a signalé à cette occasion que «lesdits mécanismes permettent de concevoir et d'appliquer des politiques publiques, de résoudre des conflits et de tenir compte des revendications des peuples indigènes».
  68. 56. Le gouvernement signale que les Accords de San Andrés sont le résultat de la première série de négociations entre le gouvernement du Mexique et l'EZLN. Ces accords ont ensuite été repris par l'initiative de réforme de la Constitution du Mexique élaborée par la COCOPA; dans le cadre de ce processus juridique, les parties ont finalement accepté le contenu de ladite initiative, et la proposition qu'elles avaient signée est ainsi arrivée à son terme en devenant le document intitulé «Propositions conjointes que le gouvernement et l'EZLN s'engagent à transmettre aux instances de délibération et de décision nationales, conformément au point 1.4 des règles de procédure».
  69. 57. Le gouvernement poursuit en affirmant que les deux parties étaient conscientes que ces «propositions conjointes» n'avaient pas force contraignante étant donné la souveraineté des instances auxquelles elles devaient être soumises et que, par conséquent, ces propositions conjointes n'étaient que des suggestions que les deux parties soumettaient aux délibérations et à la prise de décisions à l'échelon national, afin qu'elles soient prises en considération. Le gouvernement ajoute que la sujétion des deux parties à la souveraineté du Congrès de l'Union, de la Constituante permanente, était suffisamment claire; les Accords de San Andrés obligeaient le gouvernement fédéral, en tant que représentant des trois pouvoirs de l'Union, mais que, pour que ces propositions prennent force de loi, il était nécessaire que le pouvoir législatif fédéral approuve les propositions et les incorpore dans la législation nationale.
  70. 58. Le gouvernement indique que le Président de la République, tenant compte de son obligation en matière de droits et de culture indigènes, a présenté, le 5 décembre 2000, au Congrès de l'Union, l'initiative de réforme constitutionnelle élaborée sur la base du projet de la COCOPA.
  71. 59. Se référant au processus de réforme constitutionnelle proprement dit et à la Marche pour la dignité indigène mentionnée par les plaignants qui a commencé le 24 février 2001 et dans le cadre de laquelle l'EZLN et le CNI ont défendu leur position à la Chambre des députés du Congrès de l'Union, le gouvernement relève que le fait que l'EZLN et le CNI aient pu défendre l'initiative de la COCOPA à la Chambre des députés constitue une consultation au niveau le plus élevé des institutions; les représentants des ethnies nationales et l'EZLN ont donc eu l'occasion d'être entendus par le pouvoir législatif fédéral avant que la réforme de la Constitution du Mexique ait été approuvée.
  72. 60. Après cette analyse, la réforme a été approuvée à l'unanimité par le Sénat de la République le 25 avril 2001, et ratifiée par la Chambre des députés le 28 avril 2001.
  73. 61. Le gouvernement estime qu'il n'est pas approprié de relever que le rapport modifie considérablement l'initiative de la COCOPA et n'incorpore qu'une partie des Accords de San Andrés. Il affirme que l'initiative approuvée par le Sénat de la République a changé la forme de l'initiative élaborée par la COCOPA pour des considérations de technique constitutionnelle, qui ont eu des conséquences pour divers articles envisagés par l'initiative mais, en dépit de cela, il en est résulté l'application des Accords de San Andrés.
  74. 62. Le gouvernement déclare que, si des partis politiques et des gouverneurs d'Etats dénoncent des irrégularités de forme intervenues dans le processus d'approbation, ils peuvent interjeter des recours de contrôle constitutionnel devant la Cour suprême de justice; ce fait prouve qu'il existe des voies juridiques au sein de l'Etat de droit qui permettent de résoudre des controverses constitutionnelles.
  75. Observations sur le concept de violation alléguée par les plaignants
  76. 63. Le gouvernement affirme que le processus de réforme de la Constitution du Mexique sur les droits et la culture indigènes a commencé avant la signature des Accords de San Andrés en 1995. Il ajoute que le processus social de reconnaissance est beaucoup plus vaste et complexe que le processus juridique qui a abouti et qui a introduit dans la Charte fondamentale les droits des indigènes à présenter leurs revendications. Il poursuit en faisant valoir qu'il n'est pas possible de considérer l'acte de réforme de la Constitution du Mexique comme étant indépendant des initiatives de consultation, encouragées par l'exécutif dans le cadre du processus de dialogue et de pacification au Chiapas, prises en 1996 et interrompues en 1998. En effet, tous ces faits correspondent aux efforts déployés par divers secteurs de la société pour aborder le problème sous des formes différentes et le résoudre. Le gouvernement ajoute que, si l'on estimait que la proposition présentée par l'exécutif fédéral le 5 décembre 2000, proposition appelée loi de la COCOPA, était l'unique façon de résoudre le problème, on arriverait à des prises de position intransigeantes.
  77. 64. Selon le gouvernement, l'initiative de réforme de la Constitution du Mexique élaborée par la COCOPA peut être interprétée comme un respect de l'obligation de consultation au sens de la convention no 169 de l'OIT, étant donné que cette initiative reflétait le consensus auquel on était arrivé avec les Accords de San Andrés, et cette initiative bénéficiait de l'appui déclaré de la majorité des organisations indigènes du pays.
  78. 65. Le gouvernement affirme que le texte de l'initiative de la COCOPA a été l'objet d'une consultation formelle organisée par l'Etat mexicain conformément aux dispositions de la convention, étant donné que le Forum national de la culture et des droits indigènes a conduit aux consultations qui ont constitué la base des Accords de San Andrés, et que ces consultations ont été le début d'une procédure juridique au sein de la COCOPA. Le gouvernement indique qu'elles ont été encouragées tant par des instances qui ne font pas partie de l'appareil de l'Etat que par le gouvernement mexicain, et que l'EZLN et le CNI sont convenus que l'initiative répondait à leurs attentes.
  79. 66. En ce qui concerne le processus de réforme engagé le 5 décembre 2002, le gouvernement indique que les consultations ont commencé le 12 mars et que le communiqué de presse 2001/140 du 15 avril 2001 ne précise pas que la consultation a pris fin le 5 avril 2001 comme l'affirment les plaignants. En revanche, ce communiqué de presse annonçait que les membres de la Sous-commission composite d'analyse de la réforme constitutionnelle en matière de droits et culture indigènes se réuniront le 10 avril afin de compiler dans un document tous les points de divergence entre les groupes parlementaires dans le but de faire avancer l'élaboration du rapport sur les initiatives de la loi des droits et culture indigènes. Le gouvernement mentionne une série d'audiences qui ont eu lieu entre le 15 mars et le 4 avril et fournit les informations suivantes dans ce contexte: il indique que des personnes d'origine indigène ont pris part à la réunion entre la sous-commission d'analyse et la Confédération nationale des travailleurs agricoles et que quelques-unes de ces personnes indigènes ont pris la parole, comme par exemple une représentante indigène de Puebla qui a demandé une aide afin que des avocats puissent défendre plus facilement les indigènes. La sous-commission a également organisé des rencontres avec des indigènes, notamment de San Luis Potosí, du Chiapas, de Puebla, d'Oaxaca, de l'Etat de México et de Veracruz. Le 29 mars, elle a reçu en audience publique le représentant du Conseil indigène de Puebla, un indigène nahuatl, et deux indigènes totonacas, un indigène otón et une femme de l'Organisation des femmes unies pour le développement du Chiapas. Le 4 avril, elle a reçu des indigènes mixtecos, tacuates, triquis et zapotecos d'Oaxaca, le président du Conseil d'Etat des peuples et communautés indigènes d'Oaxaca et un membre (de sexe féminin) de l'Organisation des femmes des communautés tacuates. Le gouvernement déclare que la réunion des conclusions de ces consultations et audiences avait pour objectif de disposer de points de vue pouvant enrichir le débat devant contribuer à l'élaboration d'un rapport sur les initiatives en matière de droits de l'homme et de culture indigène.
  80. 67. Le gouvernement affirme que l'article 6, paragraphe 2, de la convention no 169 dispose uniquement que les consultations effectuées en application de la convention doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances et que l'article 34 prévoit que la nature et la portée des mesures à prendre pour donner effet à la convention doivent être déterminées avec souplesse, compte tenu des conditions particulières à chaque pays.
  81. 68. Il ajoute que la convention ne prévoit pas qu'un acte violant l'article 6 sera juridiquement nul du point de vue formel et portera atteinte aux droits fondamentaux reconnus aux peuples indigènes.
  82. 69. Selon le gouvernement, le pouvoir législatif fédéral a estimé que les organisations les plus représentatives du mouvement indigène étaient le CNI et l'EZLN ainsi que des groupes d'universitaires et de personnalités qui se consacrent aux problèmes indigènes. Le gouvernement déclare qu'il a recherché tous les moyens de consulter les personnes qui, comme l'affirme le SAINAH, sont les représentants du mouvement indigène national, en tenant compte à la fois de critères numériques et des courants d'opinion et en respectant toujours les critères objectifs contenus dans la loi de planification et dans le Plan national de développement. Il ajoute que le rapport a été le résultat d'un travail législatif et gouvernemental approfondi auquel ont contribué non seulement les députés et les partis politiques mais également des instances gouvernementales, des gouvernements d'Etats et des groupes indigènes de divers endroits du pays.
  83. 70. Le gouvernement relève également que l'essence du terme «consultations» de la convention no 169 de l'OIT n'implique pas que le gouvernement doit adopter les propositions des peuples indigènes sans y apporter de changement. Le gouvernement poursuit en affirmant que, étant donné que la consultation à laquelle se réfère l'article 6 de la convention n'a pas un caractère contraignant pour l'organe qui adopte la mesure législative, il est clair que cette consultation ne constitue pas un élément essentiel pouvant porter préjudice à la volonté d'un organe habilité à réformer et à compléter la norme constitutionnelle.
  84. 71. Le gouvernement affirme que la convention ne prévoit pas que la consultation doit être organisée sur la base de critères objectifs, raisonnables et vérifiables de représentativité comme l'affirme le SAINAH.
  85. 72. Quant à l'allégation selon laquelle il incombe aux pouvoirs fédéraux de mener des consultations avec des organisations représentatives à l'échelon national, tandis qu'il incombe aux instances des Etats d'organiser des consultations dans les limites de leur propre Etat, le gouvernement est d'avis que cette affirmation est sans fondement. Le législatif et l'exécutif ont organisé des réunions particulières avec des ethnies nationales et dans quelques Etats, comme au Chiapas, et des consultations ont été menées tant avec les groupes indigènes qu'avec l'ensemble de la population.
  86. 73. Le gouvernement soutient en outre que les consultations ont respecté les mêmes critères généraux que ceux appliqués lorsque la société est consultée pour légitimer un projet de norme, sans aucune discrimination envers quelque membre de la société que ce soit.
  87. 74. Il ajoute que, malgré le fait que la législation mexicaine ne prévoit pas de cadres institutionnels particuliers qui réglementent les termes de la consultation et définissent les critères objectifs et raisonnables de représentativité, les consultations ont été menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées, conformément à l'article 6 de la convention no 169.
  88. 75. Le gouvernement indique que ni la jurisprudence nationale ni les organismes internationaux liés aux droits de l'homme (y compris les mécanismes de contrôle des normes internationales du travail de l'OIT) n'ont à ce jour mis au point des critères qui définissent la consultation effective des peuples indigènes et que la convention no 169 elle-même accorde au gouvernement mexicain la possibilité de déterminer avec souplesse les mesures adoptées pour donner effet à la convention no 169, en tenant compte des conditions particulières à chaque pays.
  89. 76. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les indigènes n'ont pas été suffisamment informés, le gouvernement signale que l'information est diffusée depuis les Accords de San Andrés.
  90. 77. Eu égard aux allégations relatives à l'absence de recherche de consensus, le gouvernement cite l'avis indiquant que divers points de vue ont été pris en compte, et mentionne l'hétérogénéité prévalant au sein des plus de 60 groupes linguistiques habitant le Mexique, que ces groupes demandent des services de santé, d'éducation, de logement, d'alimentation, d'assistance agricole, de commercialisation et d'approvisionnement, exigent une plus grande représentativité et une plus grande participation des indigènes et témoignent de la discrimination dont ils souffrent, les femmes en particulier.
  91. 78. Pour conclure, le gouvernement affirme que non seulement l'information a été diffusée mais qu'en plus il y a eu un débat d'idées, un dialogue, et que le consentement sur la réforme susmentionnée relève d'un processus continu, notamment d'un débat effectif sur les mesures concrètes de la réforme.
  92. 79. Pour ce qui est de l'avis des plaignants sur l'application de la convention no 144, le gouvernement estime qu'il n'y a pas de corrélation entre les deux conventions pouvant permettre l'application de cette convention.
  93. 80. En outre, le gouvernement a indiqué que le système constitutionnel mexicain reconnaissait de manière explicite la suprématie de la Constitution du Mexique sur les traités internationaux et que ces derniers devaient obligatoirement se conformer aux termes de la Constitution pour pouvoir être valables dans le système juridique mexicain.
  94. C. Conclusions du comité
  95. 81. Le comité note que les organisations plaignantes comme le gouvernement ont présenté de nombreux documents.
  96. 82. Il note que la présente réclamation allègue la violation par le Mexique de l'article 6 de la convention lors de la procédure législative visant à l'approbation du décret de réforme constitutionnelle en matière de droits et de culture indigènes (Diario oficial de la Fédération, 14 août 2001). L'article 6 dispose:
  97. 1. En appliquant les dispositions de la présente convention, les gouvernements doivent:
  98. a) consulter les peuples intéressés, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l'on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement;
  99. b) mettre en place les moyens par lesquels lesdits peuples peuvent, à égalité au moins avec les autres secteurs de la population, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent;
  100. c) mettre en place les moyens permettant de développer pleinement les institutions et initiatives propres à ces peuples et, s'il y a lieu, leur fournir les ressources nécessaires à cette fin.
  101. 2. Les consultations effectuées en application de la présente convention doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées.
  102. 83. Les réformes constitutionnelles susmentionnées sont des mesures législatives au sens de l'article 6 et, par conséquent, entrent sans conteste dans le cadre dudit article de la convention, en vigueur au Mexique lorsque le processus a démarré. En même temps, comme le signale le gouvernement, ni la convention ni les travaux préparatoires ne fournissent d'indications détaillées sur la forme et la portée des consultations qui doivent être menées chaque fois que l'on prévoit des mesures législatives ou administratives susceptibles de toucher directement les peuples intéressés. Le paragraphe 1 a) de l'article 6 énonce uniquement que:
  103. Les procédures doivent être appropriées et être effectuées avec leurs institutions représentatives.
  104. Alors que le paragraphe 2 dispose que:
  105. Les consultations effectuées en application de la présente convention doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées.
  106. Le paragraphe 1 b) de cet article expose également que, en appliquant les dispositions de la présente convention, les gouvernements doivent:
  107. Mettre en place les moyens par lesquels lesdits peuples peuvent, à égalité au moins avec les autres secteurs de la population, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent.
  108. 84. Selon les plaignants, le processus de réforme constitutionnelle contesté démarre le 5 décembre 2000, s'achève par la promulgation du décret précité le 14 août 2001 et constitue un processus législatif unitaire, indépendant d'actes antérieurs. Ils soutiennent que, en tant que tel, il aurait fallu respecter la procédure de consultation des peuples indigènes exigible chaque fois que l'on prévoit des mesures législatives ou administratives susceptibles de toucher directement lesdits peuples. Pour les plaignants, la consultation qui a eu lieu avant le 5 décembre 2000 ne peut pas être considérée comme une application de l'article 6 de la convention.
  109. 85. De son côté, le gouvernement soutient que le processus de réforme de la Constitution du Mexique sur les droits et la culture indigènes a commencé avant la signature des Accords de San Andrés en 1996, que le processus social de reconnaissance est beaucoup plus long et plus complexe que le processus juridique par lequel il s'achève, et qu'il reflète la volonté des indigènes d'intégrer leurs droits dans la Charte fondamentale. Il affirme que si l'on considère que le projet présenté par le pouvoir exécutif fédéral le 5 décembre 2000, projet appelé loi COCOPA, est la seule action prise pour solutionner le problème, il se trouverait alors dans une position intransigeante. Le comité note également que, selon le gouvernement, l'initiative de réforme de la Constitution du Mexique élaborée par la COCOPA peut être interprétée comme le respect de l'exigence de consultation requis par la convention no 169 de l'OIT, puisque cette initiative fait ressortir le consensus auquel on est parvenu dans les Accords de San Andrés avec l'appui explicite de la plupart des organisations indigènes du pays.
  110. 86. Le comité observe que, en 1992 déjà, les indigènes avaient allégué que la réforme de la section VII de l'article 27 et de l'article 4 de la Constitution n'était pas conforme à la convention. Il note qu'après l'explosion de violence de 1994 un dialogue a été établi entre l'EZLN et le gouvernement, dialogue qui a abouti aux Accords de San Andrés de Larraínzar le 16 février 1996. De même, le comité note que les deux parties reconnaissent avoir délégué à la COCOPA l'élaboration d'une initiative d'ordre constitutionnel, laquelle a été présentée par la COCOPA le 29 novembre 1996. Le gouvernement mexicain a présenté cette initiative au Congrès de l'Union le 5 décembre 2000. Un autre projet avait été présenté auparavant en 1998 par le Président Zedillo et, selon les plaignants, cette initiative n'a jamais été examinée en raison d'une rupture de dialogue.
  111. 87. Le comité observe que, de 1992 à ce jour, le gouvernement et les peuples indigènes ont entretenu une relation excessivement complexe, et ce dans un climat conflictuel manifeste ou latent, voire violent selon les périodes. Le comité a pris bonne note des efforts que le gouvernement et les organisations participant audit processus ont faits pour dialoguer et pour parvenir à des solutions satisfaisantes, mais il ne peut que soulever les difficultés qu'a présenté ce processus, et les différentes ruptures de communication entre les deux parties qui n'ont pas contribué à générer un climat de confiance. De même, il a noté que le dialogue avait été rompu avant la procédure législative contestée.
  112. 88. Selon le comité, contrairement à ce que soutiennent les plaignants, le processus de consultation qui s'est achevé par les réformes constitutionnelles n'a pas commencé le 5 décembre 2000 lorsque la COCOPA a présenté son initiative au Congrès de l'Union. Le comité est d'avis que, pour examiner la réclamation, il convient d'examiner aussi l'application de l'article 6 depuis le début du dialogue entre le gouvernement et l'EZLN.
  113. Procédures appropriées
  114. 89. Selon le comité, une procédure appropriée est une procédure qui engendre les conditions propices à la conclusion d'un accord ou à l'obtention d'un consentement au sujet des mesures envisagées, indépendamment du résultat atteint. En d'autres termes, on doit prendre l'expression «procédures appropriées» dans le sens de la finalité de la consultation, à savoir la conclusion d'un accord ou l'obtention d'un consentement, sans nécessairement parvenir à ces derniers.
  115. 90. Le processus de consultation qui s'est achevé par la présentation de l'initiative de la COCOPA par le pouvoir exécutif au Congrès le 5 décembre 2000 a été effectué en application des Accords de San Andrés. Selon le comité, ce processus a été long et laborieux et montre la volonté des parties de parvenir à un consensus. Le comité fera état un peu plus loin du critère de représentativité établi par l'article 6, étant bien établi que la complexité des consultations menées, le temps passé et les accords conclus reflètent la volonté du gouvernement de parvenir à un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées pendant le dialogue qui a débouché sur la présentation de l'initiative de la COCOPA au Congrès de la Nation.
  116. 91. Lors de l'examen du projet de réformes, la législature a procédé à des consultations beaucoup plus limitées auprès des peuples indigènes.
  117. 92. A cet égard, le comité note que, lorsque l'initiative a été présentée au Congrès, la sous-commission a procédé à une série d'audiences, d'activités et de consultations entre le 12 mars et le 4 avril 2001. Selon lui, le comité estime que, sans remettre en cause la légitimité du processus législatif, et étant donné le peu de temps que le Congrès a pris pour se prononcer sur les réformes, il y a eu peu de chances de parvenir à un consensus.
  118. 93. La méthodologie employée a consisté à auditionner les indigènes et d'autres secteurs en fonction de leur demande. A cet égard, le comité note que, d'après les motifs du projet de décret présenté par les Commissions unies des points constitutionnels, des études législatives et des questions indigènes devant l'Assemblée plénière du Sénat de la République, la sous-commission d'avis a tenu une série d'audiences publiques avec divers secteurs concernés par la présente réforme. Les points de vue d'organisations indigènes, de spécialistes en la matière, d'universitaires et des responsables du processus de négociation de paix dans le Chiapas, ainsi que du secrétariat du gouvernement, qui a comparu devant les Commissions unies, ont été entendus. Le 23 mars, la Chambre des députés a invité les membres des Commissions unies participant à cet avis à se présenter dans leurs locaux pour prendre connaissance des points de vue de l'EZLN et du Congrès national indigène sur la réforme constitutionnelle en matière de droits et de culture indigènes.
  119. 94. Le comité observe que les secteurs, les personnes ou les organisations n'ont été entendus qu'une seule fois et que ce processus n'a pas laissé la possibilité aux personnes ou aux organisations, outre d'être entendues, d'établir un véritable échange continu dans le temps pour pouvoir parvenir à un éventuel accord. De même, concernant le CNI et l'EZLN, lesquels, selon le gouvernement, ont une représentativité nationale, le comité note que ces organisations n'ont été entendues qu'une seule fois, le 23 mars 2001, ce qui semble insuffisant pour pouvoir parvenir à un éventuel accord.
  120. 95. Les caractéristiques que les plaignants mentionnent sur la façon de mener les consultations au titre de l'article 6 de la convention constituent incontestablement un modèle qu'il serait souhaitable d'appliquer, mais les exigences énoncées dans la convention ne donnent pas de précisions en la matière. Le comité estime que, si les consultations ont été pleinement conformes aux termes de l'article 6 de la convention lors de l'élaboration des propositions de la COCOPA, les représentants des peuples indigènes n'ont pas pu vraiment influencer le résultat des débats pendant les délibérations au Sénat, et ce en raison fondamentalement de la courte durée du processus d'audience. Le comité note également que, dans ce type de procédure législative, il n'existe généralement pas de consultations au sens de celles prévues par l'article 6.
  121. 96. A propos de l'examen et de la ratification du projet de réformes constitutionnelles par les législatures des Etats, le climat de dialogue y est d'autant plus douteux. Le comité prend note que les réformes constitutionnelles ont été faites rapidement et que les Etats dont la plupart des habitants sont indigènes ont voté contre celles-ci.
  122. Représentativité
  123. 97. L'article 6 1) a) de la convention établit également que les gouvernements doivent consulter les peuples intéressés «en particulier à travers leurs institutions représentatives».
  124. 98. Après des consultations laborieuses, le gouvernement et l'EZLN ont conclu, le 16 février 1996, les accords de San Andrés Larráinzar.
  125. 99. Dans le cadre des consultations réalisées, le gouvernement a signalé que le pouvoir législatif fédéral avait considéré que les organisations les plus représentatives du mouvement indigène étaient le CNI et l'EZLN, et pris en compte les universitaires et les personnalités se consacrant aux problèmes indigènes.
  126. 100. Le comité ne met pas en doute la bonne foi du gouvernement lors de ses consultations avec l'EZLN, d'autant plus qu'elles ont été effectuées dans le cadre d'un conflit entre l'EZLN et le gouvernement. Cet élément respecte ce qui a été établi à l'article 34 de la convention, selon lequel: La nature et la portée des mesures à prendre pour donner effet à la présente convention doivent être déterminées avec souplesse, compte tenu des conditions particulières à chaque pays.
  127. 101. Cet élément ne signifie pas que la représentativité de ces organisations soit mise en cause, question que le comité n'a pas examinée. Le comité observe que le gouvernement mentionne l'EZLN et le CNI comme étant les «organisations les plus représentatives du mouvement indigène», alors que la convention mentionne les «institutions représentatives des peuples indigènes».
  128. 102. Vu la diversité des peuples indigènes, la convention n'impose pas un modèle d'institutions représentatives, l'important étant que celles-ci soient le résultat d'un processus propre et interne à chaque peuple indigène. Cependant, il est indispensable de s'assurer que les consultations ont lieu avec les institutions représentatives des peuples intéressés. Comme l'a déjà établi le Conseil d'administration en une autre occasion, «... le principe de représentativité est un élément essentiel de l'obligation de consultation (...), il peut être difficile, dans bien des cas, de déterminer qui représente telle ou telle communauté. Néanmoins, sauf consultation adéquate des institutions et organisations indigènes et tribales véritablement représentatives des communautés touchées, la procédure ne répond pas aux exigences de la convention (Note 1).»
  129. 103. En outre, les audiences devant le Congrès ont permis aux membres de communautés indigènes de s'exprimer, mais il semble qu'il n'y ait pas eu de volonté de consulter systématiquement les organisations (institutions) représentatives.
  130. 104. En ce qui concerne l'application éventuelle de la convention no 144 pour compléter l'article 6 de la convention no 169, le comité est d'accord avec le gouvernement sur le fait qu'il n'y a pas lieu d'appliquer officiellement cette convention, mais considère en même temps que l'esprit de dialogue et de négociation de la convention no 144 favoriserait une application plus complète de l'article 6 de la convention no 169.
  131. Récapitulation
  132. 105. Le comité a dû analyser le long processus qui a débouché sur l'adoption des réformes constitutionnelles. Il note que le gouvernement s'est efforcé, au cours du dialogue qui s'est achevé le 5 décembre 2000, de parvenir à des accords sur le contenu des propositions de réformes. Le comité estime qu'à cette occasion le pouvoir exécutif a appliqué l'article 6 de la convention en tenant compte des conditions du pays, comme le prévoit l'article 34 de la convention. Il note également que, devant le Congrès et les législatures des Etats, le processus de consultation aurait pu être plus conforme au propos de la convention si l'on avait défini plus précisément les critères utilisés pour déterminer la représentativité, la forme de participation aux audiences et la méthodologie qui a été appliquée. Le comité partage avec le gouvernement les affirmations selon lesquelles il n'existe pas de jurisprudence au sens large établissant des critères plus détaillés des conditions dans lesquelles une consultation de cette envergure doit avoir lieu pour être adéquate. Il note la difficulté que pose une consultation de portée générale, comme c'est le cas pour une réforme constitutionnelle et d'application nationale, et que dans le présent cas cela touche environ 10 millions d'indigènes. Il note également que les consultations qui ont eu lieu devant le Congrès et les Etats a généré des sentiments de frustration et d'exclusion parmi les indigènes. Il est aussi conscient que les différences, entre les interlocuteurs, de valeurs, de conceptions, de notion de temps, de systèmes de référence, voire de façon de concevoir la consultation rendent la tâche plus complexe. A cet égard, la mise en place au Mexique de critères clairs sur la forme de consultation et de représentativité aurait pu permettre aux deux parties d'obtenir des résultats plus satisfaisants. Par ailleurs, il faut reconnaître que le Congrès national, comme les législatures des Etats, avait connaissance des avis des indigènes sur les réformes, mais n'étaient pas obligés de les accepter. Il aurait convenu d'établir un mécanisme pour tenter de parvenir à un accord ou d'obtenir le consentement des parties au sujet des mesures envisagées.
  133. 106. Comme il a été clairement établi lors du processus visant à l'adoption de la convention, et réaffirmé par les organes du système de contrôle de cette convention, la consultation ne doit pas nécessairement aboutir à un accord dans les termes où les indigènes le souhaiteraient. Tout semble indiquer que les avis des plaignants sur les caractéristiques qu'une consultation devrait avoir pour être effective auraient pu donner lieu à une série de consultations plus exhaustives; il est donc pertinent de rappeler ces caractéristiques comme étant des propositions judicieuses sur la manière dont ces consultations devraient être menées dans des situations similaires. Néanmoins, le comité ne peut pas en conclure qu'une telle liste de «bonnes pratiques» soit réellement exigée par la convention, quand bien même elle aurait constitué un excellent moyen d'appliquer pleinement les principes visés à l'article 6.
  134. 107. Enfin, le comité estime que le climat d'affrontement, de violence et de méfiance réciproque n'a pas permis aux consultations de se dérouler de façon plus productive. Il faut, lors de toutes les consultations, instaurer un climat de confiance mutuelle, et ce d'autant plus lorsqu'il s'agit de peuples indigènes qui éprouvent une certaine méfiance pour les institutions de l'Etat et un sentiment de marginalisation dus à une réalité historique extrêmement ancienne et complexe qui n'a pas encore été dépassée.
  135. D. Recommandations du comité
  136. 108. Le comité a conscience, en adoptant ce rapport, de l'importance de ce thème pour le gouvernement et de la complexité de l'exigence de consultation au sujet des réformes constitutionnelles dans un pays où la population indigène est importante et répartie dans plusieurs zones géographiques. Il espère que ses recommandations aideront le gouvernement et les peuples indigènes à renforcer le dialogue et à trouver, par le biais de procédures adéquates, des solutions à long terme. Le comité demande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, au vu des conclusions figurant aux paragraphes 81 à 107 de celui-ci:
  137. a) prie instamment le gouvernement d'accroître et de poursuivre ses efforts pour surmonter le sentiment d'exclusion qui apparaît de manière évidente dans les allégations des plaignants;
  138. b) demande au gouvernement de faire le nécessaire pour que, lors de l'élaboration, de la détermination ou de la mise en ÷uvre de réformes constitutionnelles au moyen de mesures législatives ou administratives, qu'elles soient de niveau fédéral ou des différents Etats, l'article 6 soit pleinement appliqué tout au long du processus d'adoption de ces mesures et, en appliquant ledit article:
  139. i) d'établir des critères clairement définis de représentativité;
  140. ii) de prendre en compte, dans la mesure du possible, les propositions des plaignants sur les caractéristiques que doit avoir une consultation pour être effective;
  141. iii) de déterminer un mécanisme de consultation adapté à la méthode utilisée pour parvenir à un accord ou obtenir le consentement des parties au sujet des mesures envisagées, et ce indépendamment du fait que l'accord soit conclu ou non;
  142. iv) de tenir compte, lorsqu'il détermine les mécanismes de consultation, des valeurs, des conceptions, de la notion de temps, des systèmes de référence, voire de la façon de concevoir la consultation qu'ont les peuples indigènes;
  143. c) demande au gouvernement d'informer en détail la commission d'experts, par le biais des rapports qu'il doit présenter en vertu de l'article 22 de la Constitution de l'OIT par rapport à cette convention, sur l'évolution des questions faisant l'objet de la présente réclamation et sur la suite donnée aux présentes recommandations.
  144. III. Examen de la réclamation alléguant l'inobservation des dispositions essentielles de la convention
  145. A. Allégations des organisations plaignantes
  146. 109. Le syndicat des travailleurs de La Jornada a déposé une réclamation pour le non-respect des dispositions principales de la convention no 169, et a sollicité dans le même temps une investigation particulière sur l'incompatibilité entre la convention no 169 et les réformes constitutionnelles adoptées le 14 août 2001 et, dans les termes des plaignants, les dispositions législatives, administratives et autres dispositions adoptées par les autorités. De même, le syndicat a demandé la formation d'une commission d'enquête, considérant qu'au Mexique les dispositions de la convention ne sont pas totalement respectées. La réclamation comprend 18 points. En outre, les plaignants ont communiqué des documents complémentaires et ont envoyé de nombreux courriers. Le comité ne fera pas entièrement état de ces derniers ni de chacun des points soulevés, étant donné que le volume et la diversité, voire la nature, de ces derniers dépassent, selon le comité, la capacité d'un comité tripartite établi pour examiner une réclamation au titre de l'article 24. Toutefois, il mentionnera les questions principales qui ont été soulevées.
  147. Cadre général de discrimination
  148. 110. Les plaignants exposent d'abord le contexte général de non-respect de la convention et, à cet égard, ils citent, entre autres, la documentation reçue et/ou élaborée par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD) de l'Organisation des Nations Unies qui a trait au Mexique, et les documents présentés par la présidente et rapporteuse du Groupe de travail sur les peuples indigènes, suite à sa visite au Mexique du 28 janvier au 14 février 2000 (E/CN.4/Sub.2/2000/40 et E/CN.4/Sub.2/2000/CRP.1). Dans le premier document susmentionné, la rapporteuse se dit profondément préoccupée par la militarisation des zones indigènes, en particulier dans les Etats d'Oaxaca, du Chiapas et de Guerrero; elle s'est dite également préoccupée par l'intervention accrue des militaires dans les fonctions de police, et a indiqué que cette situation provoquait des explosions de violence ainsi qu'une atmosphère de peur et de violations graves des droits de l'homme, notamment du droit à la vie et à l'intégrité physique et mentale, du droit à ne pas subir de tortures ni de traitements cruels inhumains ou dégradants, et du droit à ne pas être détenu ni emprisonné de manière arbitraire. Ensuite, elle s'est dite convaincue du fait que les questions sociales devraient se résoudre par un dialogue démocratique et véritablement participatif.
  149. 111. Les plaignants mentionnent également des indicateurs économiques sur la situation des peuples indigènes. Ils indiquent par exemple que, selon une enquête de l'Institut national indigène (INI), «moins du tiers de la population indigène a un emploi; 500 249 indigènes ne reçoivent pas de salaire pour le travail qu'ils font; 481 331 perçoivent moins du salaire minimum par mois et 270 000 perçoivent entre un et deux salaires de misère ou minisalaires». Ils mentionnent et joignent l'intervention que l'ambassadrice spéciale du Mexique pour les droits de l'homme et la démocratie a faite sur le sujet 15, «questions indigènes», lors de la 57e session ordinaire de la Commission des droits de l'homme de l'ONU (avril 2001). A cette occasion, l'ambassadrice spéciale a affirmé que si l'analphabétisme au Mexique atteint une moyenne nationale de 10 pour cent, celle-ci est de 45 pour cent parmi les indigènes; la moyenne des habitations sans eau potable au Mexique est de 15 pour cent alors qu'elle est de 60 pour cent parmi les indigènes. Les plaignants allèguent également que certaines communautés indigènes ont fait des réclamations concernant la qualité des semences, des outils, des engrais, des produits phytosanitaires et des fongicides qui leur sont distribués et que dans certains Etats l'aide alimentaire et certains services destinés aux familles indigènes sont conditionnés à l'appartenance à un certain parti politique. Selon les plaignants, ces faits montrent qu'il existe une discrimination généralisée envers les peuples indigènes au Mexique.
  150. Terres
  151. 112. Les plaignants mentionnent dans une large mesure la question des terres. Ils allèguent principalement le vol fréquent de terres et les conflits qui en découlent, et le fait que presque toutes les terres indigènes rencontrent des problèmes de délimitation ou font l'objet de «procédures juridiques interminables» avec des personnes étrangères à la communauté qui se sont appropriées une partie ou la totalité des terres reconnues légalement comme étant des terres indigènes. Ils indiquent également que lorsque quelques communautés, après des années de démarches bureaucratiques, ont obtenu des avis ou des décisions judiciaires leur étant favorables, ceux-ci n'ont pas été exécutoires.
  152. 113. Ils mentionnent en particulier un cas lié au problème de la terre et au travail forcé dans la communauté zolontla, municipalité d'Ixhuatlán de Madero (Etat de Veracruz), dont les membres ont réclamé judiciairement en 1943 les terres qui leur auraient été volées. En 1974, un «cacique local», selon les termes des plaignants, aurait prêté de l'argent à la communauté au profit d'une école, en échange de quoi la communauté aurait travaillé pour lui sans être rémunérée. Lorsque les indigènes ont calculé qu'ils avaient remboursé leur dette, ils ont refusé de continuer à travailler pour cette personne et ont alors été forcés à travailler à coups de fouet, et un agent municipal, qui n'avait pas fait travailler les indigènes gratuitement, a même été assassiné par balles. Les plaignants affirment que c'est dans ces conditions qu'ils ont continué à travailler sans être rémunérés, et qu'en plus, on leur avait interdit de travailler en dehors desdites terres. A partir de 1994, ils ont tenté de nouveau de récupérer les terres et un membre de la communauté a été assassiné en 1995. En 1998, la communauté a tenté de récupérer ses terres et de fonder un village et, en 1999, celui-ci a été évacué par la police et l'armée et, jusqu'en janvier 2001, la situation n'aurait pas évolué.
  153. 114. De nombreux articles publiés dans le quotidien La Jornada, dont le syndicat est l'auteur de la présente réclamation, ont été communiqués au comité et concernent l'assassinat, en mai 2001, de 26 travailleurs d'une scierie. Ces assassinats ont eu lieu à Agua Fría, municipalité de Textitlán (Oaxaca). D'après ces articles, ces assassinats seraient liés aux conflits agraires, à la misère et la marginalisation d'une région indigène très pauvre. La plupart de ces conflits seraient liés à des questions de limites des terres, de dépouillement ou d'invasion. Dans bien des cas, ces situations auraient déjà été réglées judiciairement, mais les décisions des tribunaux agraires n'auraient pas été appliquées. En outre, les articles indiquent que les conflits relatifs aux terres se sont intensifiés avec l'accroissement de la population, de la demande de terres et de la relation symbiotique entre les peuples indigènes et la terre. Ils signalent que des actes violents similaires se sont déjà produits à maintes reprises. L'événement d'Agua Fría serait la preuve de ce qui s'est déjà passé et peut continuer à survenir si l'on ne met pas en place des solutions efficaces concernant les terres dans la région.
  154. Droits et justice
  155. 115. Parmi les points exposés, les plaignants mentionnent dans une large mesure la difficulté pour les peuples indigènes d'accéder à l'administration de justice, et ce en raison du fonctionnement bureaucratique des institutions concernées. Ils font état également de la situation d'impunité et de manque de transparence qui persiste dans les processus judiciaires. Ils citent l'intervention de l'ambassadrice spéciale du Mexique auprès de la Commission des droits de l'homme de l'ONU en avril 2001, selon laquelle «Si nous rencontrons des problèmes liés à la procuration de justice, les communautés indigènes, elles, en rencontrent de plus graves; malheureusement, au Mexique il y a des indigènes en prison car aucune traduction appropriée dans leur langue n'a été faite pour expliquer leur situation, ou parce qu'ils n'ont pas eu les moyens financiers de payer une caution réduite, ou encore parce qu'ils ont bénéficié du conseil juridique de base».
  156. Stérilisations forcées
  157. 116. Selon les plaignants, des stérilisations forcées auraient parfois été pratiquées sur des femmes et des hommes indigènes. Ils allèguent que dans les régions indigènes, les programmes d'aide intitulés Programme pour l'éducation, la santé et l'alimentation (PROGRESA) et Programme pour la mécanisation de la campagne (PROCAMPO) sont conditionnés à la stérilisation ou à l'ingestion de fausses vitamines que les femmes doivent prendre devant les personnes chargées de prodiguer l'aide. Ils soutiennent que si les produits que les femmes doivent prendre étaient réellement des vitamines, celles-ci ne seraient pas obligées de prendre les produits en présence de ceux prodiguant l'aide. Ils affirment que l'échec des programmes de santé pour les indigènes vient du fait que, dans certaines communautés, les femmes se cachent lorsque les représentants du programme arrivent. Les plaignants mentionnent également que des stérilisations masculines (vasectomies) ont été pratiquées dans l'Etat de Guerrero en échange d'une aide. Ils indiquent que les hommes se sont plaints, non en raison de la vasectomie, mais parce qu'ils n'ont pas reçu l'aide qu'on leur avait promise en échange de cette intervention. Ils signalent que des fonctionnaires chargés des programmes d'aide ont donné 50 pesos à tous ceux qui avaient accepté la vasectomie, et que ces fonctionnaires ont procédé publiquement à la remise de cette somme, afin de trouver d'autres volontaires.
  158. Enfants indigènes
  159. 117. En ce qui concerne la situation des enfants indigènes, les plaignants déclarent que la présence de militaires et les opérations militaires ont entraîné des déplacements massifs dans les régions indigènes, et que les enfants indigènes émigrés dans les villes rencontrent d'énormes difficultés pour suivre leur scolarité normalement. Ils mentionnent les résultats d'une enquête réalisée à Sinaloa en 1994. Ils indiquent que des visites effectuées en 1999 et en 2000 ont montré que les données de la première enquête étaient toujours valables. Ils expliquent qu'à Sinaloa 25 pour cent des travailleurs journaliers ont moins de 14 ans, que 30 pour cent d'entre eux ne sont pas déclarés et n'ont pas de papiers, que 95 pour cent n'ont pas de vacances, que 80 pour cent n'ont pas de jour de repos, que 50 pour cent ont trois ans d'ancienneté ou plus, et que 100 pour cent des travailleurs ne perçoivent pas de salaire lorsqu'ils sont malades. Ils indiquent que, selon le Centre des droits de l'homme Miguel Agustín Projuárez, de 1999, des enfants de 5 ans travaillent même dans des équipes familiales.
  160. Travailleurs migrants indigènes
  161. 118. Les plaignants font également état de la situation des travailleurs migrants à l'intérieur du pays. Ils indiquent que c'est dans deux régions où la marginalisation est forte, à savoir Guerrero et Oaxaca, qu'il y a le plus grand nombre de migrants et que 35 à 40 pour cent d'entre eux sont indigènes. Ils indiquent que, selon le Centre des droits de l'homme Agustín Projuárez, ces travailleurs, pour la plupart indigènes, sont abusés, exploités et réduits à une condition proche de l'esclavage et qu'en général les travailleurs journaliers ayant les salaires les plus bas sont des migrants indigènes, analphabètes, dont le niveau scolaire est faible.
  162. B. Observations du gouvernement
  163. Cadre général et discrimination
  164. 119. Le gouvernement soutient qu'il ne convient pas d'utiliser la documentation de l'Organisation des Nations Unies dans le cadre d'une convention et d'une procédure spécifiques à l'OIT.
  165. 120. Le gouvernement indique que, lorsque le conflit a éclaté, l'EZLN a envahi dans la région des Cañadas un total de 978 777 hectares de terres, dont 85 pour cent étaient sous le régime de propriété sociale, 10 pour cent sous celui de la propriété privée et 5 pour cent sous d'autres régimes de propriété. Ces invasions ont provoqué de violentes réactions et suscité des exigences vis-à-vis du gouvernement pour qu'il impose l'ordre et garantisse aux propriétaires légitimes des fonds, parmi lesquels se trouvaient des indigènes, le droit à l'usage et l'exploitation de leurs terres. Le gouvernement affirme que là est l'origine de la militarisation des zones indigènes du Chiapas. Il dit encore que, au début de l'actuelle administration, depuis le 1er décembre 2000, le Président de la République a ordonné à l'armée de retirer les barrages militaires de la zone de conflit du Chiapas, suspendu les patrouilles, annulé les vols à basse altitude au-dessus de la zone et ordonné le rappel des troupes et la fermeture des sept installations militaires suivantes: Amador Hernández, Jolnachoj, Roberto Barrios, la Garrucha et Cuxuljá, Guadalupe Tepeyac et Río Euseba; le 26 mars 2001, ces deux dernières ont été transformées en centres pour le développement des communautés indigènes.
  166. 121. Le gouvernement signale aussi que, pour promouvoir l'action politique et institutionnelle s'adressant aux peuples indigènes du Mexique, il a pris différentes mesures telle que la création, par décret présidentiel daté du 4 décembre 2000, du Bureau de représentation pour le développement des peuples indigènes. Celui-ci a pour fonction de construire les mécanismes de pluridisciplinarité, d'interdisciplinarité, de participation et de multiculturalisme pour l'action institutionnelle de l'exécutif fédéral en faveur des communautés indigènes. Le gouvernement mentionne aussi l'instauration du Conseil pour le développement des peuples indigènes, le Programme multiculturel d'éducation, de langue et de culture et le Programme interdisciplinaire d'aide aux femmes indigènes. De même, le Bureau pour le développement des peuples indigènes a promu l'insertion d'unités spécialisées dans l'aide aux peuples indigènes dans différentes dépendances et entités. Le gouvernement indique aussi que, pour l'année 2002, les dépenses pour le développement des peuples indigènes ont atteint environ 15 milliards 108 millions de pesos, ce qui représente un accroissement de 34 pour cent par rapport à l'année antérieure. Il fournit d'amples informations sur le budget des activités de chaque programme.
  167. Terres
  168. 122. Le gouvernement exprime sa préoccupation quant au caractère général des allégations se référant à ce thème. Il fait remarquer que, pendant la période comprise entre 1995 et 2000, un effort gouvernemental sans précédent a été fourni au Chiapas. Il indique que le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du Secrétariat à la réforme agraire et avec le soutien du gouvernement de l'Etat du Chiapas, a constitué le Bureau interinstitutionnel agraire qui a géré 2 100 affaires, l'acquisition de 249 937 hectares étant ainsi traitée au bénéfice de 61 102 familles. Il indique que le programme sectoriel agraire 2001-2006 pose les bases de la régularisation et l'aménagement juridique de la terre et qu'en 2001, 452 000 documents ont été remis dans le cadre du Programme de certification des droits sur les terrains communaux et d'établissement de titres pour les terrains à bâtir; des titres ont été établis pour 186 000 hectares de terres nationales, et 270 000 hectares de colonies agricoles et d'élevage ont été régularisés.
  169. 123. Quant aux 26 assassinats d'Agua Fría, le gouvernement fait savoir que le 31 mai 2001, dans le lieu-dit Agua Fría, juridiction de Santiago Textitlán, Sola de Vega (Oaxaca), 26 personnes originaires de la communauté de Santiago Xochiltepec, de la municipalité même, ont été tuées alors qu'elles se dirigeaient vers la communauté à bord d'un camion, après une semaine de travail dans une scierie appelée la Cofradía, dans la juridiction de San Pedro el Alto Zimaltán (Oaxaca). Le Procureur général de justice de l'Etat d'Oaxaca a immédiatement lancé une opération dans la zone afin de capturer les auteurs des faits: 16 personnes ont été arrêtées. Le Procureur général de la République, dans son bulletin officiel du 5 juin 2002, a informé que le ministère public de la Fédération siégeant à Oaxaca a assigné devant le tribunal compétent 13 des 16 personnes pour délits présumés en relation avec le port d'armes et que cette assignation est parallèle à l'enquête préalable que le ministère public a diligentée pour délits d'homicide qualifié et autres. Le gouvernement indique que les faits d'Agua Fría sont pris en charge par l'autorité et que l'affaire est encore en cours.
  170. 124. Le gouvernement souligne que les autorités fédérales et de l'Etat ont mis l'accent sur la résolution du problème des limites des terres, et il donne des informations sur les mécanismes qui ont été mis en ÷uvre pour réglementer l'émission d'autorisations pour l'exploitation forestière dans les zones limitrophes entre les communautés, en particulier entre les communautés de Santiago Xochiltepec et Santo Domingo Teojomulco et, en général, pour soutenir les communautés indigènes d'Oaxaca en matière de développement social, de protection des droits indigènes et de sécurité publique.
  171. Droits et justice
  172. 125. Le gouvernement indique que l'article 2 de la Constitution, paragraphe B, dispose que la Fédération, les Etats et les municipalités établiront les institutions et détermineront les politiques nécessaires en vue de garantir le respect des droits des indigènes et le développement intégral de leurs peuples et communautés, politiques qui devront être élaborées et mises en ÷uvre en accord avec eux: c'est le cas du plan national pour le développement des peuples indigènes 2001-2006. Quant à l'administration de la justice, le gouvernement indique que la manière de rendre la justice en matière de droits indigènes a fait d'importants progrès. Certains de ces progrès se font sentir dans le Code fédéral de procédures pénales, la loi fédérale pour la prévention et le châtiment de la torture, la loi fédérale sur la défense publique, le règlement des Centres fédéraux de réadaptation sociale, la loi sur la Commission nationale des droits de l'homme. En ce qui concerne le thème de l'impunité, le gouvernement se réfère aux recours légaux existants, et en particulier à l'article 6 de la loi sur la Commission nationale des droits de l'homme.
  173. Stérilisations forcées
  174. 126. Le gouvernement affirme qu'il ne conditionne pas la prestation des programmes de développement social qu'il propose et que, dans le cas où une personne considérerait que son droit à décider de manière libre, responsable et informée du nombre de ses enfants serait violé, elle peut dénoncer ces irrégularités devant la Commission nationale des droits de l'homme.
  175. Enfants indigènes
  176. 127. Le gouvernement indique que, le 29 mai 2000, la loi sur la protection des droits des garçons, filles et adolescents a été publiée dans le Diario Oficial de la Fédération et que cette loi contient des dispositions d'ordre fédéral pour protéger les mineurs et éviter qu'ils soient victimes d'exploitation. Dans ce cadre est prévue l'adoption d'un programme national pour l'aide aux droits de l'enfance et de l'adolescence, dans lequel se retrouvent en partenariat différents secteurs sociaux. Le gouvernement fournit en outre des indications détaillées sur d'autres dispositions législatives en faveur de l'enfance. De même, il se réfère à divers programmes de soutien à l'enfance, parmi lesquels le programme national des saisonniers agricoles. Depuis 1995, la couverture de l'aide a enregistré une tendance croissante, ce qui a permis d'aider 1 165 518 mineurs pendant la période 1995-1999. Dans le cadre du programme susmentionné, le programme de contribution à l'exercice des droits des filles et garçons de journaliers agricoles et au découragement du travail des enfants (PROCEDER) a été instauré. Ce programme se base sur les problèmes rencontrés par les filles et les garçons dans l'exercice de leurs droits fondamentaux. Il a été lancé au second semestre de 2001 dans les Etats de Sinaloa, Nayarit, Basse-Californie du Sud, San Luis Potosí et Morelos et, actuellement, il s'est étendu à d'autres Etats où existe une présence significative de familles de saisonniers agricoles. Enfin, le gouvernement se réfère au Système national pour le développement intégral de la famille (DIF) qui, depuis 1990, a favorisé l'aide aux mineurs «de» et «dans» la rue. Le DIF a mis en ÷uvre divers programmes et, depuis 2001, il s'occupe du Programme pour la prévention, la protection, le découragement du travail des enfants marginaux de la ville et son éradication. En ce qui concerne les enfants mineurs des travailleurs migrants, le gouvernement affirme que, à travers son système DIF, le gouvernement fédéral garantit l'accès à un minimum de bien- être à cette population d'enfants qui se voit affectée par la mobilité de travail de leurs parents et par leur insertion précoce dans le travail agricole.
  177. Travailleurs migrants indigènes
  178. 128. Le gouvernement indique que l'article 2, paragraphe B, section VII, I de la Constitution se réfère à l'«établissement de politiques sociales en vue de protéger les migrants des peuples indigènes, tant sur le territoire national qu'à l'étranger, par des actions garantissant les droits au travail des saisonniers agricoles». Dans le but de répondre aux demandes en matière de recrutement et de conditions d'emploi, en particulier de protection du salaire et de la maternité des journaliers agricoles indigènes, de services médicaux et de conditions d'emploi des travailleurs indigènes migrants, le Secrétariat du travail et de la sécurité sociale participe à la mise en ÷uvre d'un accord interinstitutionnel présidé par le Bureau pour les affaires indigènes de la présidence de la République. Il est prévu de développer un projet de mise en relation et d'employabilité pour les saisonniers agricoles et les communautés indigènes. Dans le pays, on peut identifier des zones d'expatriation (localités d'origine) et des zones d'accueil des saisonniers agricoles. Le projet s'occupera de la population dans les deux zones, et cherchera à améliorer l'employabilité de ces personnes par des formations en sécurité et hygiène et en activités de travail, le soutien au transfert des zones d'accueil et le développement de projets productifs orientés vers l'enracinement des indigènes dans leurs communautés pendant les saisons de non-emploi. Le gouvernement se réfère aussi en détail au Programme national pour les journaliers agricoles (PRONJAG) qui a pour objectif de contribuer à l'amélioration des conditions de vie et de travail de la population saisonnière. Pendant l'année 2000, le PRONJAG a opéré dans 15 entités fédératives, accordant son aide à 753 285 personnes dont environ 42,1 pour cent d'indigènes. Le 21 avril 2002, le gouvernement fédéral a mis en marche le Programme interdisciplinaire d'aide aux saisonniers agricoles, auquel participent différents organismes publics, pour en finir avec la dispersion des efforts et offrir une approche intégrée. Ce programme cherche à améliorer les conditions de travail et à soutenir le développement des capacités de production des travailleurs dans leurs lieux d'origine, décourager le travail des enfants et contribuer à l'exercice des droits à la santé et à la sécurité sociale, entre autres. Avec la mise en route de cet instrument de politique sociale s'établissent les bases qui permettront d'élaborer une politique d'aide aux travailleurs ruraux. Le programme est entré en vigueur, dans sa phase initiale, dans les principales entités d'expatriation et d'accueil, et en 2003 il sera étendu à d'autres Etats.
  179. C. Conclusions du comité
  180. 129. Le comité a pris note des communications détaillées envoyées tant par le gouvernement que par les plaignants. Il a bien noté que les plaignants indiquent qu'il s'agit d'une réclamation portant sur le non-respect de la totalité des dispositions de la convention. Et, en effet, les allégations couvrent la majorité des dispositions de la convention. A ce sujet, le comité s'est efforcé de synthétiser des principaux points de la réclamation, mais il considère qu'il ne revient pas à ce comité de contrôler l'application globale de la convention, vu que cela est un processus qui doit être suivi pendant une longue période. Selon le comité, le suivi de l'application globale de la convention revient à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations. En conséquence, le comité n'analysera pas à fond chacune des allégations mais abordera les principaux points que, à son avis, la commission d'experts doit considérer, pour la suite à donner à cette réclamation.
  181. 130. La documentation d'organes des Nations Unies, qu'il s'agisse d'organes de surveillance des traités, comme le CERD, ou d'organes créés par la Charte, tel le Groupe de travail sur les populations indigènes, peut être prise en compte comme indicatrice du cadre général. En effet, l'OIT travaille en coordination avec des organes des Nations Unies sur des thèmes spécifiques. Cela étant, ce sont bien sûr les organes de contrôle de l'OIT qui supervisent l'application des conventions de l'OIT. Il est opportun de rappeler que, depuis le début des années cinquante, la question des droits indigènes fait l'objet d'une collaboration étroite entre les organes du système des Nations Unies et l'OIT. Le comité considère qu'il peut donc se référer aux documents des organes du système des Nations Unies pour situer le contexte dans lequel se déroule l'application de la convention ou de l'une de ses dispositions; de même, il note que les résultats obtenus par les organes de l'OIT sont pris en compte par les instances des Nations Unies.
  182. 131. Au sujet du cadre général et de la discrimination qui existerait au Mexique en ce qui concerne les populations indigènes, le comité a pris note des indicateurs économiques qui, comme le reconnaît le gouvernement lui-même, montrent que la situation socio- économique des peuples indigènes du Mexique est inférieure à celle de la population en général. De l'avis du comité, ce fait exige un effort particulier de la part du gouvernement pour mettre fin à une telle situation. Qui plus est, c'est la tâche à laquelle le gouvernement s'est engagé pour lui-même en ratifiant la convention no 169.
  183. 132. Le comité a pris note également des programmes énoncés par le gouvernement pour améliorer la situation des peuples indigènes. En conséquence, le comité prie la commission d'experts de continuer à demander au gouvernement des informations sur les résultats dans la pratique des différents programmes élaborés en vue d'obtenir l'égalité effective des peuples indigènes. Le comité considère que, pour obtenir une politique d'insertion efficace, il ne suffit pas de multiplier des plans isolés. La nature complémentaire et coordonnée des programmes décrits par le gouvernement n'apparaît pas de façon complètement évidente. Le comité rappelle que l'article 2 de la convention établit qu'il incombe aux gouvernements, avec la participation des peuples intéressés, de développer une action coordonnée et systématique en vue de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité. L'article 2 dispose aussi que cette action doit comprendre des mesures visant à:
  184. a) assurer que les membres desdits peuples bénéficient, sur un pied d'égalité, des droits et possibilités que la législation nationale accorde aux autres membres de la population;
  185. b) promouvoir la pleine réalisation des droits sociaux, économiques et culturels de ces peuples, dans le respect de leur identité sociale et culturelle, de leurs coutumes et traditions, et de leurs institutions;
  186. c) aider les membres des peuples intéressés à éliminer les écarts socio-économiques qui peuvent exister entre des membres indigènes et d'autres membres de la communauté nationale, d'une manière compatible avec leurs aspirations et leur mode de vie.
  187. 133. Le comité considère que l'application pleine et effective de l'article 2 est une clé pour résoudre les situations d'inégalité affectant les peuples indigènes de manière profonde et durable. C'est pourquoi il prie le gouvernement, quand il lance différents plans et programmes de développement pour les peuples intéressés, de le faire en s'assurant que ceux-ci s'inscrivent dans le cadre d'une action coordonnée et systématique, et avec la participation pleine et entière des peuples indigènes, et il lui demande aussi de dûment en informer la CEACR.
  188. 134. Quant aux allégations ayant trait aux terres, le comité exprime sa préoccupation pour des faits comme l'assassinat des 26 indigènes d'Agua Fría. Il espère que le gouvernement informera la CEACR du résultat des enquêtes à ce sujet ainsi que des sanctions judiciaires infligées aux coupables de ces assassinats. Il espère aussi que le gouvernement fournira des informations sur les allégations relatives à la problématique de la terre et du travail forcé dans la communauté de Zolontla, municipalité d'Ixhuatlán de Madero (Etat de Veracruz). Le comité exprime en outre sa préoccupation quant à la possibilité que ces situations puissent se répéter vu la tension qui existe à propos de la possession et de la propriété des terres. Le comité a pris note des actions entreprises par le gouvernement dans le cadre du Programme sectoriel agraire et du Programme de certification des droits sur les terrains communaux et d'établissement de titres pour les terrains à bâtir. Il est pleinement conscient des difficultés qu'il y a à concilier les droits consacrés par la convention en matière de terres, et en particulier les droits consacrés aux articles 13 à 15 de cette convention, et les dispositions du Code civil et autres qui en découlent. D'autre part, il considère que seule la pleine application de ces articles, entre autres l'institution de procédures adéquates dans le cadre du système juridique national dans le but de résoudre les revendications de terres formulées par les peuples intéressés, peut éviter que des faits violents tels ceux susmentionnés soient réitérés. En conséquence, le comité espère que le gouvernement fournira des informations sur: a) le fonctionnement dans la pratique de ces procédures, y compris des informations sur leur durée; b) la manière dont sont reconnus, dans ces procédures, les droits de propriété et de possession des terres traditionnellement occupées par les peuples intéressés; et c) les mesures prises pour sauvegarder le droit des peuples intéressés à utiliser des terres non exclusivement occupées par eux mais auxquelles ils ont traditionnellement eu accès pour leurs activités traditionnelles et de subsistance.
  189. 135. En ce qui concerne les allégations au sujet des stérilisations forcées, les parties ont des points de vue opposés sur cette question. Le comité ne dispose pas d'éléments suffisants pour tirer des conclusions sur ce sujet. Toutefois, il considère que l'existence même de ces allégations met en évidence le climat de méfiance et de suspicion créé par la tension existante en ce qui concerne le thème des droits indigènes dans le pays, et met en relief la nécessité pour le gouvernement d'enquêter sur ces allégations et de sanctionner avec sévérité toute personne qui pourrait être impliquée dans de telles actions.
  190. 136. Au sujet des allégations sur la situation des enfants indigènes et des travailleurs indigènes migrants internes, le comité a pris note tant des allégations que des observations du gouvernement. A cet égard, le comité juge valables ses commentaires figurant au paragraphe 132 relatifs à l'article 2 de la convention, à savoir que face aux inégalités socio- économiques existantes il est nécessaire que le gouvernement mène à bien une action coordonnée et systématique, «avec la participation des peuples indigènes, pour éliminer les écarts socio-économiques qui pourraient exister entre les membres indigènes et les autres membres de la communauté nationale, d'une manière compatible avec leurs aspirations et leur mode de vie» (article 2 1)). A ce sujet, le comité espère que le gouvernement garantira la pleine application de l'article 20, dont le paragraphe 1 dispose que les gouvernements devront, dans le cadre de leur législation nationale et en coopération avec les peuples concernés, prendre des mesures spéciales pour assurer aux travailleurs appartenant à ces peuples une protection efficace en ce qui concerne le recrutement et les conditions d'emploi, dans la mesure où ils ne sont pas efficacement protégés par la législation applicable aux travailleurs en général, et rappelle que le paragraphe 3 dudit article dispose que:
  191. Les mesures prises devront en particulier garantir que:
  192. a) les travailleurs appartenant aux peuples intéressés, y compris les travailleurs saisonniers, occasionnels et migrants employés dans l'agriculture ou dans d'autres activités, de même que ceux employés par des pourvoyeurs de main-d'÷uvre, jouissent de la protection accordée par la législation et la pratique nationales aux travailleurs de ces catégories dans les mêmes secteurs et soient pleinement informés de leurs droits en vertu de la législation du travail et des moyens de recours auxquels ils peuvent avoir accès;
  193. b) les travailleurs appartenant à ces peuples ne soient pas soumis à des conditions de travail qui mettent en danger leur santé, en particulier en raison d'une exposition à des pesticides ou autres substances toxiques;
  194. c) les travailleurs appartenant à ces peuples ne soient pas soumis à des systèmes de recrutement coercitifs, y compris la servitude pour dettes sous toutes ses formes;
  195. d) les travailleurs appartenant à ces peuples jouissent de l'égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes dans l'emploi et d'une protection contre le harcèlement sexuel.
  196. 137. Le comité espère que le gouvernement informera la commission d'experts sur ces points et en particulier sur la participation des peuples indigènes à l'adoption desdites mesures et des résultats obtenus dans l'application de ces mesures.
  197. 138. De l'avis du comité, s'il est vrai que cette réclamation contient des allégations de non- respect en ce qui concerne des cas concrets, elle se réfère en général aux inégalités socio- économiques existantes, que le gouvernement reconnaît et dont il affirme qu'il prend des mesures pour les affronter. Le comité considère cependant qu'il y a des problèmes dans l'application de la convention qui n'ont pas leur origine uniquement dans les écarts socio- économiques. En vertu de la convention, le gouvernement a l'obligation par exemple de prévenir la perte continuelle de terres indigènes et de l'empêcher, particulièrement quand elle est le résultat de spoliations de la part de particuliers, ou de retards dans les procédures judiciaires. Il a aussi l'obligation de garantir que le cadre législatif, administratif et judiciaire adopté pour mettre en ÷uvre les réformes constitutionnelles ne réduira pas le degré de protection. Le fait que la majorité des problèmes pris en note émanent d'instances gouvernementales hors du contrôle des autorités fédérales constitue, en soi, une indication du fait que le gouvernement a l'obligation aux termes de la convention d'intensifier ses efforts pour protéger les peuples indigènes dans le pays. Le comité note que le gouvernement fédéral a déployé de réels efforts dans ce sens et l'encourage à continuer et à renforcer son travail dans cette direction.
  198. D. Recommandations du comité
  199. 139. En adoptant ce rapport, le comité est conscient du fait que l'ampleur et la nature intégrale des allégations ont engendré une situation inédite qui nécessite un traitement différencié. Le comité espère que les mesures proposées permettront un suivi global et à long terme qui aidera à mettre en pratique des politiques permettant de résoudre les causes structurelles des écarts socio-économiques des peuples indigènes du Mexique, par une action coordonnée et systématique, avec la participation pleine et entière des peuples indigènes. Le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, à la lumière des conclusions qui figurent dans les paragraphes 129 à 138:
  200. a) de prier la CEACR d'examiner toutes les informations soumises dans le contexte de ces réclamations en effectuant le suivi de la convention au titre des articles 22 et 23 de la Constitution, et de demander des informations complémentaires si elle le juge nécessaire;
  201. b) de prier le gouvernement, lorsqu'il lance différents plans et programmes de développement pour les peuples intéressés, de le faire en s'assurant qu'ils s'inscrivent dans le cadre d'une action coordonnée et systématique et avec la participation pleine et entière des peuples indigènes et de dûment en informer la CEACR;
  202. c) de faire part au gouvernement de sa préoccupation au sujet des assassinats de 26 travailleurs indigènes dans le lieu-dit Agua Fría et de demander au gouvernement de donner à la CEACR des informations sur les résultats des enquêtes et sur les sanctions infligées;
  203. d) de demander au gouvernement des informations complémentaires au sujet des allégations concernant la problématique de la terre et le travail forcé dans la communauté de Zolontla, municipalité d'Ixhuatlán de Madero (Etat de Veracruz);
  204. e) de demander instamment au gouvernement de rechercher des solutions adéquates à la problématique de la terre afin d'éviter que ne se répètent des situations telles que celle d'Agua Fría, et de lui demander d'informer la CEACR sur: i) le fonctionnement dans la pratique des procédures existantes en vue de résoudre les revendications de terres des peuples intéressés, ii) la manière dont sont reconnus dans ces procédures les droits de propriété et de possession des terres traditionnellement occupées par les peuples intéressés, et iii) les mesures adoptées pour sauvegarder le droit des peuples intéressés à utiliser des terres non exclusivement occupées par eux mais auxquelles ils ont traditionnellement eu accès pour leurs activités traditionnelles et de subsistance;
  205. f) de demander au gouvernement des informations au sujet de l'application pratique des plans destinés à améliorer la situation des saisonniers indigènes, et en particulier des enfants indigènes et des migrants internes, ainsi que sur l'application de l'article 20 de la convention à ces catégories de travailleurs;
  206. g) de demander tant aux plaignants qu'au gouvernement de bien vouloir informer la CEACR si des plaintes ont été déposées devant la justice au sujet des allégations de stérilisations forcées et, si c'était le cas, de fournir des informations sur les résultats des enquêtes faites suite à de telles plaintes.
  207. IV. Contenu des réformes
  208. 140. Dans sa réclamation, le SITRAJOR, se référant aux réformes constitutionnelles et à leur contenu, indique qu'elles ont alarmé les organisations indigènes, lesquelles, d'une manière générale, estiment que ces réformes vont à l'encontre des dispositions fondamentales de la convention, en particulier en ce qui concerne les terres, les territoires et les ressources naturelles. L'organisation plaignante demande au Conseil d'administration et à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de diligenter une enquête sur la compatibilité des réformes constitutionnelles avec la convention no 169.
  209. 141. Le comité estime approprié, compte tenu du caractère général de la réclamation des plaignants, de demander à la commission d'experts de mener à bien cette analyse. La commission d'experts, dans ses commentaires de 2001, avait soulevé des questions à cet égard et demandé au gouvernement de fournir des informations sur les points suivants: définition de peuples indigènes; auto-identification, critères ethnolinguistiques et d'établissement physique; droits des peuples indigènes sur les terres, territoires et ressources naturelles; facultés que donnent les réformes aux entités fédératives pour déterminer dans leur état respectif quelles personnes sont indigènes. Comme il a été indiqué aux paragraphes précédents, l'examen mené par la commission d'experts a dû être interrompu en raison de la soumission de la présente réclamation. Par conséquent, le comité demande au Conseil d'administration:
  210. i) de demander à la commission d'experts de réaliser une étude approfondie sur la compatibilité des réformes constitutionnelles relatives aux peuples indigènes avec la convention no 169;
  211. ii) de demander au gouvernement de présenter à cette fin, en 2004, à la commission d'experts un rapport détaillé pour répondre à propos des commentaires de 2001 de la commission d'experts.
  212. 142. Le comité demande au Conseil d'administration d'adopter le présent rapport, en particulier les paragraphes 108, 139 et 141 et de déclarer close la présente procédure.
  213. Genève, le 19 mars 2004.
  214. Point appelant une décision:
  215. paragraphe 142.
  216. Note 1
  217. Document GB.282/14/2.
  218. $$X REF #CONSTITUTION:22 article 22 de la Constitution
  219. #CONSTITUTION:24 article 24 de la Constitution
  220. #CONSTITUTION:25 article 25 de la Constitution
  221. #CONVENTIONS:C144 Convention sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976
  222. #CONVENTIONS:C169 Convention relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989
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