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RECLAMATION (article 24) - TURQUIE - C158 - 2000

Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IS)

Clos

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Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par la Turquie de la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, présentée par la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IS) en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT

Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par la Turquie de la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, présentée par la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IS) en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. 1. Par une communication en date du 21 février 2000, la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IS), invoquant l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, a présenté une réclamation alléguant que le gouvernement de la Turquie n'a pas adopté de mesures satisfaisantes pour assurer l'application de la convention (nº 158) sur le licenciement, 1982.
  2. 2. La ratification de la convention no 158 par la Turquie a été enregistrée le 4 janvier 1995; la convention est entrée en vigueur pour ce pays le 4 janvier 1996.
  3. 3. Conformément à l'article 1 du Règlement relatif à la procédure à suivre pour l'examen des réclamations, le Directeur général a accusé réception de la réclamation, en a informé le gouvernement turc, et la transmise au bureau du Conseil d'administration.
  4. 4. A sa 277e session (mars 2000), le Conseil d'administration, sur recommandation de son bureau, a déclaré la réclamation recevable et a chargé un comité, composé de M. P. Barcia (membre gouvernemental, Portugal, président), Mme L. Sasso Mazzufferi (membre employeur, Italie) et Mme P. O Donovan (membre travailleur, Irlande), de l'examiner.
  5. 5. Le gouvernement de la Turquie a présenté ses observations dans une communication en date du 28 avril 2000.
  6. 6. Le comité s'est réuni le 9 novembre 2000 pour débattre et adopter le présent rapport.
  7. I. Examen de la réclamation
  8. 1. Allégations de l'organisation plaignante
  9. 7. L'organisation plaignante rappelle que le Conseil d'administration à sa 268e session en mars 1997 a adopté un rapport concernant une réclamation antérieure sur l'application de la même convention qui recommandait notamment que le gouvernement prenne dans les meilleurs délais les mesures nécessaires pour donner pleinement effet aux dispositions de la convention. Cependant, selon l'organisation plaignante, l'Assemblée nationale n'a pas débattu en séance plénière du projet de loi destiné à aligner la législation nationale sur les dispositions de la convention.
  10. 8. TÜRK-IS avance que, à l'exception de la loi no 657 concernant les fonctionnaires, la législation applicable à l'emploi salarié ne contient aucune disposition disposant qu un travailleur ne devra pas être licencié «sans qu il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service», comme l'exige l'article 4 de la convention. L'organisation plaignante allègue en outre que l'article 6 de la convention n'est pas appliqué du fait que la section 17(1) de la loi sur le travail'autorise l'employeur à licencier un travailleur en cas d'absence temporaire du travail pour cause de maladie.
  11. 9. En outre, TÜRK-IS souligne que la loi sur le travail ne dispose pas qu un travailleur ne peut être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail «avant qu on lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées» alors que le droit de se défendre avant licenciement est prévu à l'article 7 de la convention. Le travailleur n'a pas non plus le droit de faire appel à un organisme indépendant comme le prévoit l'article 8 de la convention. En conséquence, l'article 9, qui assigne la charge de la preuve pendant un appel, et l'article 10, qui précise des mesures en cas de licenciement injustifié, ne sont pas respectés.
  12. 10. TÜRK-IS avance que la section 17(2) de la loi sur le travail définit «faute professionnelle» et «comportement répréhensible» de manière beaucoup plus large que l'article 11 de la convention, ce qui affecte le droit à un préavis de licenciement ou à une indemnité tenant lieu de préavis.
  13. 11. L'organisation plaignante déclare également que l'article 14 de la loi sur le travail et l'article 20 de la loi sur le travail maritime (no 854) exigent une période minimum d'une année de service auprès du même employeur pour le droit à l'indemnité de départ, et l'article 6 de la loi sur le travail des journalistes (no 5953) exige un minimum de cinq années d'expérience professionnelle pour cette même indemnité.
  14. 12. Enfin, TÜRK-IS déclare qu il n'existe aucune disposition dans la législation nationale exigeant une consultation préalable des représentants des travailleurs en cas de licenciement envisagé pour des motifs de nature économique, technologique ou structurelle, contrairement à l'article 13 de la convention.
  15. 2. Déclaration du gouvernement
  16. 13. Le gouvernement déclare qu un projet de loi visant à amender la législation du travail concernée pour la rendre pleinement conforme aux dispositions de la convention a été présenté en avril 1995 mais renvoyé au ministère du Travail en mars 1996 pour une nouvelle présentation. Un autre projet de loi a été renvoyé au ministère du Travail en raison d'élections générales anticipées en avril 1999. Les difficultés que pose l'adoption d'une nouvelle législation concernant le licenciement tiennent aux obligations de procédure en rapport avec la modification de la législation ainsi qu à l'absence de consensus entre partenaires sociaux sur certaines questions concernant la sécurité de l'emploi.
  17. 14. En ce qui concerne les allégations relatives à l'article 6 de la convention, le gouvernement déclare que selon l'article 17 de la loi sur le travail, en cas de maladie due à sa propre faute ou à l'alcoolisme, un travailleur peut être licencié pour absence temporaire de trois jours ouvrables consécutifs ou de plus de cinq jours ouvrables au cours d'un mois. En cas de maladie due à d'autres raisons, l'employeur a le droit de résilier le contrat sans préavis seulement si la maladie continue pendant plus de six semaines au-delà des périodes de préavis fixées à l'article 13 de la loi sur le travail, selon la durée d'emploi du travailleur considéré. En cas de grossesse ou d'accouchement, cette période ne commence qu à la fin de 12 semaines d'absence rémunérée et, ultérieurement, six mois d'absence sans traitement le cas échéant.
  18. 15. Le gouvernement déclare qu il n'y a aucun obstacle au droit de faire appel devant un tribunal en cas de licenciement. Il considère donc que l'article 8, paragraphe 1, de la convention est appliqué.
  19. 16. En ce qui concerne l'article 11, les cas de faute grave que TÜRK-IS considère comme dépassant la définition prévue dans la convention sont, de l'avis du gouvernement, des raisons légitimes de licenciement immédiat sans préavis.
  20. 17. Le gouvernement déclare qu il applique l'article 12 de la convention dans la mesure où l'article 14 de la loi sur le travail prévoit qu un employeur est tenu de verser une indemnité de départ en fonction de l'ancienneté en cas de licenciement pour des raisons précisées dans les dispositions pertinentes de la législation. Le montant versé représentera «30 jours de salaire pour chaque année complète d'emploi ou un montant proportionnel pour toute fraction d'une année, à compter de la date d'entrée en service et pour toute la durée du contrat.» L'emploi dans le cadre de deux contrats ou davantage sera considéré comme une seule période aux fins de calcul de l'indemnité de départ. Toutefois, le gouvernement ajoute qu «il serait plus approprié de considérer qu une période de service d'une année est nécessaire». De plus, la période de cinq ans requise dans le cas des journalistes pour avoir droit à une indemnité au titre de la loi no 5953 ne se réfère pas à un employeur unique. Enfin, le gouvernement note qu un régime d'assurance chômage a été introduit à dater du 1er juin 2000 mais que le droit aux indemnités de départ sera maintenu.
  21. 18. Des informations complémentaires ont été reçues. Voir ci-dessous paragraphe 24.
  22. II. Informations reçues d'une organisation d'employeurs
  23. 19. Le comité a également été informé que la Confédération des associations d'employeurs de Turquie (TISK) a fourni des observations en application de l'article 23 de la Constitution qui ont été transmises avec le rapport annuel sur l'application de la convention soumis par le gouvernement en application de l'article 22 en 1999. Le rapport du gouvernement et les observations de la TISK n'ont pu, en raison de leur arrivée tardive, être examinés par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations à sa session de 1999.
  24. 20. Dans ses observations, la TISK indique que, tout en considérant que la convention est, d'une manière générale, appliquée, elle estime que l'exigence d'un motif valable de licenciement n'est pas pleinement satisfaite en Turquie.
  25. III. Conclusions du comité
  26. 21. Le comité rappelle que les mêmes faits ont fait l'objet d'une réclamation antérieure présentée lors de l'entrée en vigueur de la convention pour la Turquie en 1996. Il note que le gouvernement reconnaît que jusqu à présent aucun progrès n'a été accompli pour aligner la législation sur la convention bien que la Turquie ait ratifié la convention en 1995 et que le Conseil d'administration ait invité instamment le gouvernement en 1997 à prendre les mesures nécessaires pour appliquer pleinement les dispositions de la convention.
  27. 22. Le comité note que la loi sur le travail (no 1475) n'exige pas d'un employeur qu il donne un motif valable, tel que défini dans la convention, pour mettre fin à un contrat à durée indéterminée. De plus, les articles 14(1) et 16 de la loi sur le travail maritime (no 854) et l'article 6 de la loi sur le travail des journalistes (no 5953) n'exigent pas non plus de motif valable de licenciement. Le comité note également le point de vue de la Confédération des associations d'employeurs de Turquie (TISK) selon laquelle, si elle considère que la convention est, d'une manière générale, appliquée, l'exigence d'un motif valable de licenciement n est pas pleinement satisfaite en Turquie.
  28. 23. Le comité considère donc que l'article 4 ne semble pas appliqué. Il s'ensuit que les droits prévus aux articles 7, 8, 9 et 10 de la convention, qui découlent tous du droit fondamental de protection contre le licenciement sans motif valable, ne semblent pas non plus appliqués dans la pratique. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'y a aucun obstacle au droit de faire appel devant un tribunal en cas de licenciement. Il constate néanmoins qu aucun cas de recours juridictionnel contre un licenciement injustifié, quel qu il soit, n'a été cité dans aucun des rapports soumis par le gouvernement en application de l'article 22 de la Constitution de l'OIT. Il semblerait également y avoir d'autres lacunes quant à l'application de la convention, lacunes qui devraient être examinées de manière détaillée par la commission d'experts.
  29. 24. Le comité note avec intérêt les récentes initiatives prises par le gouvernement pour aligner la législation nationale sur les dispositions de la convention. Une copie du projet d'amendement de la loi sur le travail préparé par le gouvernement (no 1475) a été reçue par le Bureau le 9 octobre 2000. Le comité note en particulier qu aux termes de l'amendement la charge de prouver l'existence d'un motif valable de licenciement incomberait à l'employeur, conformément à l'article 9 de la convention. Néanmoins, la plupart des problèmes d'application soulevés dans cette réclamation comme dans la précédente ne semblent pas résolus de manière appropriée dans le projet d'amendement. Ils concernent notamment l'exigence que le licenciement soit justifié par un motif valable lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur, ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise (art. 4); l'exclusion de certains motifs comme base de licenciement (art. 5 et 6); le droit pour un travailleur de se défendre contre les allégations liées à sa conduite ou à son aptitude avant d'être licencié (art. 7); les réparations éventuelles en cas de licenciement injustifié (art. 10). Le comité encourage le gouvernement à solliciter l'assistance du Bureau en vue de finaliser le projet d'amendement avant sa discussion au Parlement afin d'assurer la pleine application de la convention en Turquie.
  30. 25. Le comité prend note des difficultés avancées par le gouvernement pour adopter la législation amendée qui devrait aligner la législation nationale sur la convention. Il rappelle que le gouvernement est tenu, du fait qu il a ratifié la convention, de prendre des mesures efficaces pour appliquer ce texte. Enfin, il note que la commission d'experts doit procéder à un examen approfondi de l'application de la convention par la Turquie lors de la session qui aura lieu immédiatement après la fin de la présente session du Conseil d'administration.
  31. 26. Le comité conclut donc que la convention ne semble pas pleinement appliquée et invite à nouveau le gouvernement - comme dans les conclusions faisant suite à une réclamation antérieure en 1997 - à prendre les mesures nécessaires pour aligner la législation et la pratique nationales sur les dispositions de la convention. Il invite le gouvernement à agir en tenant compte des observations que la commission d'experts pourrait formuler lors de sa session de novembre-décembre 2000.
  32. 27. Le comité recommande au Conseil d'administration:
  33. a) d'approuver le présent rapport;
  34. b) de prier instamment le gouvernement:
  35. i) de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts sur les progrès réalisés à cet égard;
  36. ii) de prendre dans les meilleurs délais les mesures nécessaires pour donner pleinement effet aux dispositions de la convention, conformément aux conclusions du présent rapport et à celles de la commission d'experts;
  37. c) de déclarer close la procédure engagée devant le Conseil d'administration à la suite de la réclamation de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IS).
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