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RECLAMATION (article 24) - EQUATEUR - C169 - 2001

Confédération équatorienne des syndicats libres (CEOSL)

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Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par l'Equateur de la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Confédération équatorienne des syndicats libres (CEOSL)

Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par l'Equateur de la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Confédération équatorienne des syndicats libres (CEOSL)

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. Deuxième rapport supplémentaire:
  2. Réclamation alléguant l'inexécution par l'Equateur de la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Confédération équatorienne des organisations syndicales libres (CEOSL)
  3. I. Introduction
  4. 1. Par une communication datée du 14 décembre 1999 et reçue par le Bureau le 4 janvier 2000, la Confédération équatorienne des organisations syndicales libres (CEOSL), invoquant l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, a présenté une réclamation alléguant que le gouvernement de l'Equateur n'a pas adopté de mesures satisfaisantes pour assurer l'application de la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.
  5. 2. L'Equateur a ratifié la convention no 169 le 15 mai 1998 et cette convention est en vigueur dans ce pays depuis le 15 mai 1999.
  6. 3. Les dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail concernant la soumission des réclamations sont les suivantes:
  7. Article 24
  8. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  9. Article 25
  10. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite. 4. La procédure à suivre pour l'examen des réclamations est régie par le Règlement révisé adopté par le Conseil d'administration à sa 212e session (mars 1980).
  11. 5. Conformément aux dispositions de l'article 1 et du paragraphe 1 de l'article 2 de ce Règlement, le Directeur général a accusé réception de la réclamation, en a informé le gouvernement de l'Equateur par une lettre datée du 27 janvier 2000 et a transmis la réclamation au bureau du Conseil d'administration.
  12. 6. A sa 277e session (mars 2000), le Conseil d'administration, sur recommandation de son bureau, a jugé la réclamation recevable et a chargé un comité tripartite de l'examiner. Il a nommé comme membres de ce comité M. Felipe Ernst Edwards (membre gouvernemental, Chili), M. Jorge A. De Regil (membre employeur, Mexique) et M. J. Olivio Miranda Oliveira (membre travailleur, Brésil).
  13. 7. Conformément aux dispositions des alinéas a) et c) du paragraphe 1 de l'article 4 du Règlement, le comité a prié le gouvernement de présenter ses observations et a invité l'organisation dont émane la réclamation à soumettre toutes les informations complémentaires qu'elle pourrait souhaiter porter à la connaissance du comité.
  14. 8. Le gouvernement a envoyé sa réponse officielle le 25 août 2000.
  15. II. Examen de la réclamation
  16. A. Allégations présentées par l'organisation plaignante
  17. 9. La CEOSL reproche au gouvernement équatorien de ne pas avoir appliqué la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, et plus particulièrement les articles 2, 4 1), 5, 7, 13 1), 14 1), 15 2) et 17. La réclamation se fonde sur les faits suivants.
  18. 10. La CEOSL indique que, le 27 avril 1998, le gouvernement a passé contrat avec la compagnie Arco Oriente Inc. ("Arco") pour l'exploitation d'hydrocarbures dans le bloc 24, dans lequel se situent 70 pour cent du territoire de la Fédération indépendante du peuple Shuar de l'Equateur (FIPSE). Certes, le pétrole est la propriété inaliénable de l'Etat et la compagnie pétrolière agit au nom de ce dernier, mais les membres de la FIPSE n'ont pas été informés de la signature du contrat visant l'exploitation des ressources du sous-sol de leur territoire et ils n'ont jamais été consultés à ce sujet.
  19. 11. La CEOSL indique que la FIPSE est une organisation indigène Shuar, de droit privé, régie par le Code civil équatorien et approuvée par accord ministériel no 2884-A du 27 février 1996. Elle se compose de dix associations dont chacune comprend entre trois et onze centres. Chaque centre regroupe une vingtaine de familles. La FIPSE représente quelque 5 000 personnes, et le territoire de ses membres couvre dans les 150 000 hectares. La CEOSL précise que la FIPSE a été reconnue par le gouvernement équatorien par une résolution ministérielle de 1996.
  20. 12. La CEOSL signale que, en octobre 1999, le gouvernement a autorisé la cession des obligations contractuelles de la compagnie Arco à la compagnie Burlington Resources Ecuador Limited ("Burlington Ecuador") concernant les activités pétrolières sur le territoire du peuple Shuar. Dans ce cas aussi, le gouvernement ne s'est pas acquitté de ses obligations d'information et de consultation des peuples intéressés.
  21. 13. L'organisation plaignante indique que, le 13 août 1998, la FIPSE, réunie en assemblée extraordinaire, "vu les mauvais souvenirs laissés par les activités pétrolières dans le nord du pays", a décidé "d'interdire à ses membres, à ses centres et à ses associations de négocier avec la compagnie Arco" en ajoutant que "toute démarche entreprise par la compagnie à cette fin sera considérée comme une atteinte à l'intégrité du peuple Shuar et de ses organisations et comme une violation manifeste de nos droits reconnus par la Constitution (de l'Equateur) et par la convention no 169 de l'OIT". La CEOSL indique que la déclaration publique de la FIPSE n'a pas été respectée par le gouvernement équatorien.
  22. 14. La CEOSL indique que, le 24 août 1999, la FIPSE a saisi les tribunaux afin que la compagnie Arco mette un terme à certains actes qui violaient les dispositions de la législation nationale ainsi que de la convention no 169. Le 8 septembre 1999, le tribunal de première instance a tranché en partie en sa faveur en interdisant à Arco de prendre contact avec des membres ou des organisations de base de la FIPSE sans l'autorisation de cette dernière et en lui interdisant aussi de favoriser des rencontres ou des réunions dans l'intention de dialoguer avec des membres, centres ou associations de la FIPSE sans l'autorisation de cette dernière. La compagnie Arco a fait appel de cette sentence auprès de la Cour constitutionnelle.
  23. 15. La CEOSL fait valoir que les actions entreprises par Arco, partenaire du gouvernement dans le contrat d'exploitation, violent diverses dispositions de la Constitution équatorienne et de la convention no 169. Entre autres violations, elle indique que la compagnie Arco a essayé de diviser les organisations locales et a créé de faux comités pour la coordination des activités ainsi que pour discréditer les organisations indigènes face à l'opinion publique. Elle indique également qu'en pénétrant à plusieurs reprises sur le territoire Shuar sans l'autorisation de la population la compagnie Arco n'a pas permis à celle-ci d'exercer pleinement la jouissance de son territoire ancestral, ce qui enfreint les dispositions des articles 13 1) et 14 1) de la convention no 169.
  24. 16. La CEOSL indique que le gouvernement a violé les dispositions des articles 5 et 8 2) de la convention no 169 en signant un document dans lequel certains membres de la FIPSE sont censés approuver les activités de prospection et d'exploitation sur le territoire Shuar après la déclaration publique de l'assemblée de la FIPSE.
  25. 17. La CEOSL affirme que le gouvernement a fait obstacle à la pleine jouissance des garanties énoncées à l'article 7 de la convention no 169 du fait des contacts pris par la compagnie Arco avec des membres des bases de la FIPSE sans que la question ait été traitée de manière légitime par l'assemblée de la FIPSE selon ses traditions.
  26. 18. La CEOSL indique également que le gouvernement n'a pas respecté les dispositions des articles 2, 4 1), 5, 15 et 17 de la convention.
  27. B. Observations du gouvernement
  28. 19. Le gouvernement indique que, le 27 avril 1998, l'Etat équatorien, par l'intermédiaire de Petroecuador, a signé avec la compagnie Arco un contrat de participation pour la prospection des gisements d'hydrocarbures et l'exploitation du pétrole brut dans le bloc 24 de la région amazonienne selon le cadastre pétrolier équatorien.
  29. 20. Il ajoute que, le 17 avril 2000, la compagnie Arco a cédé à la compagnie Burlington Ecuador la totalité de ses droits et obligations contractuels dans le bloc 24. En vertu du contrat de cession et de l'autorisation donnée par le ministère de l'Energie et des Mines, Burlington Ecuador est devenue concessionnaire du bloc 24 et est liée à l'Etat pour l'exécution du contrat de participation.
  30. 21. Le gouvernement indique que la loi no 44 (Journal Officiel no 326 du 29 novembre 1993), qui réforme la loi des hydrocarbures, prévoit la signature de contrats de participation par lesquels l'Etat délègue à certaines entreprises la faculté de mener des activités de prospection des hydrocarbures et d'exploitation du pétrole brut.
  31. 22. Les activités contractuelles dans le bloc 24 ont commencé le 27 mai 1998. Depuis le 9 mai 2000, elles sont menées par la compagnie Burlington Ecuador. Le gouvernement indique qu'une étude de l'impact environnemental avant prospection a été autorisée par les accords nos 197, 041 et 042 du 9 avril 1999 et des 6 et 10 avril 2000. Il précise que, à la date de sa communication (25 août 2000), les activités correspondant à la conclusion de l'étude sont suspendues. Le premier accord a été suspendu pour un an et, dans le cas des autres, la suspension a été prolongée de six mois. Le gouvernement indique que cette suspension a été décidée en raison de l'opposition des organisations indigènes de la zone considérée.
  32. 23. Répondant à la CEOSL qui affirme que la FIPSE n'a pas été informée de l'autorisation des activités de prospection et d'exploitation, le gouvernement signale que les consultations requises par la convention no 169 n'étaient pas applicables au huitième appel d'offres lancé le 26 juin 1995 dans le secteur pétrolier ni au contrat de participation qui a été signé le 27 avril 1998, vu que la convention n'a été ratifiée par l'Equateur que le 15 mai 1998. La loi n'étant pas rétroactive, les dispositions de la convention n'étaient pas applicables dans le cas à l'étude.
  33. 24. Le gouvernement déclare qu'il se préoccupe des droits des peuples indigènes vivant dans la zone du bloc 24 et ajoute que la loi des hydrocarbures, le contrat de participation et le chapitre 5 de la Constitution équatorienne reflètent cette préoccupation. Il mentionne les contributions économiques et autres avantages qui compensent les dommages parfois causés à l'environnement par les compagnies pétrolières liées par contrat à Petroecuador. Il ajoute qu'il ne juge pas opportuns les mécanismes de consultation car cela rendrait difficile les tractations pétrolières qui sont du ressort des institutions publiques. Il précise que l'exploitation des produits du sous-sol (dont les hydrocarbures), à la différence de ceux du sol, est réservée à l'Etat.
  34. 25. Le gouvernement considère que les projets de prospection et d'exploitation des hydrocarbures favorisent la croissance économique et le développement et sont donc dans l'intérêt de la nation. Il est conscient que c'est dans la région amazonienne que l'on rencontre la plus grande population indigène ainsi que le plus grand potentiel de production d'hydrocarbures, ressource qui appartient à l'Etat.
  35. 26. Le gouvernement signale que les accords de coopération signés par la compagnie Arco et trois associations de la FIPSE sont restés caducs parce que d'autres associations de la FIPSE les ont désapprouvés. Il indique qu'un autre accord de coopération signé par la compagnie Arco et l'Association indigène évangélique de Pastaza de la Amazónica (AIEPRA) a été appliqué. Il indique aussi que le Tribunal constitutionnel de l'Equateur, par sa résolution no 054-2000-TP, a rejeté la demande d'amparo présentée par les maires des cantons de Limón Indanza et Palora ainsi que par le président du syndicat des communes et député de la province de Morona Santiago (Note 1).
  36. 27. Le gouvernement s'inquiète aussi de la légitimité de la CEOSL.
  37. III. Conclusions du comité
  38. 28. Le comité prend note des informations et des annexes présentées par l'organisation plaignante et par le gouvernement. Il note également que le gouvernement fait valoir que les dispositions de la convention ne sont pas applicables à des faits intervenus avant l'entrée en vigueur de la convention dans le pays. Le comité confirme que les dispositions de la convention ne peuvent pas être appliquées rétroactivement, notamment pour ce qui touche aux questions de procédure, y compris les consultations qui auraient pu avoir lieu lorsque le gouvernement a pris la décision de signer un contrat de participation avec la compagnie Arco le 27 avril 1998 (Note 2). Il remarque toutefois que la réclamation vise aussi certains faits qui se sont produits après l'entrée en vigueur de la convention en Equateur, le 15 mai 1999, et il considère que la convention s'applique aux activités menées depuis cette date.
  39. 29. En ce qui concerne la légitimité de l'action de la CEOSL, le comité note qu'il s'agit d'une organisation de travailleurs dûment reconnue comme telle. En conséquence, en vertu des dispositions de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, la CEOSL peut présenter une réclamation pour non-exécution par un Etat Membre d'une convention ratifiée. Le règlement relatif à la procédure d'examen des réclamations présentées en vertu des articles 24 et 25 de la Constitution de l'OIT n'exige pas de l'organisation plaignante qu'elle ait un rapport direct avec les événements qui sont à la base de sa réclamation.
  40. 30. La CEOSL indique que la FIPSE n'a été ni informée ni consultée avant la signature du contrat de participation liant le gouvernement à la compagnie Arco, puis à la compagnie Burlington Ecuador. Comme cela a été indiqué au paragraphe 28, à la signature de ce contrat, le 27 avril 1998, la convention no 169 n'avait pas encore été ratifiée par l'Equateur et ses dispositions ne sauraient s'appliquer rétroactivement. Cependant, le comité observe que la situation créée par la signature de ce contrat persiste. En outre, l'obligation de consulter les peuples intéressés ne s'applique pas uniquement à la signature de contrats: elle a un caractère général dans le contexte de l'application des dispositions de la convention (voir article 6 de cette convention).
  41. 31. Dans ce contexte, le comité note que, sur un plan plus général, le gouvernement indique qu'il ne juge pas opportuns les mécanismes de consultation lorsqu'il traite avec le secteur pétrolier. Le comité estime que l'esprit de consultation et de participation est la pierre angulaire de la convention no 169 et qu'il est à la base de toutes les dispositions de cet instrument. L'article 6, paragraphe 1, fait obligation aux Etats qui ont ratifié la convention de consulter les peuples indigènes. Sa teneur est la suivante:
  42. 1. En appliquant les dispositions de la présente convention, les gouvernements doivent:
  43. a) consulter les peuples intéressés, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l'on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement;
  44. b) mettre en place les moyens par lesquels lesdits peuples peuvent, à égalité au moins avec les autres secteurs de la population, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent;
  45. c) mettre en place les moyens permettant de développer pleinement les institutions et initiatives propres à ces peuples et, s'il y a lieu, leur fournir les ressources nécessaires à cette fin.
  46. 32. L'obligation de consultation doit être considérée à la lumière du principe fondamental de la participation, tel qu'il est énoncé aux paragraphes 1 et 3 de l'article 7:
  47. 1. Les peuples intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus du développement, dans la mesure où celui-ci a une incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur bien-être spirituel et les terres qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et d'exercer autant que possible un contrôle sur leur développement économique, social et culturel propre. En outre, lesdits peuples doivent participer à l'élaboration, à la mise en ÷uvre et à l'évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement.
  48. ...
  49. 3. Les gouvernements doivent faire en sorte que, s'il y a lieu, des études soient effectuées en coopération avec les peuples intéressés afin d'évaluer l'incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l'environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Les résultats de ces études doivent être considérés comme un critère fondamental pour la mise en ÷uvre de ces activités.
  50. 33. Le comité estime en outre que les principes de consultation et de participation établis aux articles 6 et 7 doivent être considérés dans le contexte de la politique générale énoncée aux paragraphes 1 et 2 b) de l'article 2:
  51. 1. Il incombe aux gouvernements, avec la participation des peuples intéressés, de développer une action coordonnée et systématique en vue de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité.
  52. 2. Cette action doit comprendre des mesures visant à:
  53. ...
  54. b) promouvoir la pleine réalisation des droits sociaux, économiques et culturels de ces peuples, dans le respect de leur identité sociale et culturelle, de leurs coutumes et traditions et de leurs institutions
  55. 34. Le gouvernement indique que le processus de consultation ne lui semble pas opportun lorsqu'il s'agit de conclure des contrats de participation pour des activités de prospection et d'exploitation pétrolières et il ajoute que les droits sur les produits du sous-sol appartiennent à l'Etat. A cet égard, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le paragraphe 1 de l'article 15:
  56. 1. Les droits des peuples intéressés sur les ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être spécialement sauvegardés. Ces droits comprennent celui, pour ces peuples, de participer à l'utilisation, à la gestion et à la conservation de ces ressources.
  57. 35. Le comité note que la législation de beaucoup de pays, dont l'Equateur, établit que les droits sur les ressources du sous-sol appartiennent à l'Etat. La convention, au paragraphe 2 de l'article 15, reconnaît ce principe. Toutefois, elle précise que l'Etat, en administrant ces ressources, a l'obligation de consulter les peuples indigènes et tribaux qui pourraient être affectés avant d'autoriser tout programme de prospection ou d'exploitation des ressources situées dans les territoires indigènes:
  58. 2. Dans les cas où l'Etat conserve la propriété des minéraux ou des ressources du sous-sol ou des droits à d'autres ressources dont sont dotées les terres, les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d'entreprendre ou d'autoriser tout programme de prospection ou d'exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres. Les peuples intéressés doivent, chaque fois que c'est possible, participer aux avantages découlant de ces activités et doivent recevoir une indemnisation équitable pour tout dommage qu'ils pourraient subir en raison de telles activités.
  59. 36. Le comité souligne qu'il est pleinement conscient de la difficulté de régler les conflits relatifs aux droits sur la terre, y compris les droits de prospection et d'exploitation des produits du sous-sol, notamment lorsque s'opposent des intérêts et des points de vue distincts, en l'occurrence les intérêts que représentent les gisements d'hydrocarbures du point de vue économique et pour le développement et, d'autre part, les intérêts culturels, spirituels, sociaux et économiques des peuples indigènes qui vivent dans les zones où se trouvent ces gisements. Cependant, l'esprit de consultation et de participation qui est à la base de la convention no 169 exige que les parties intéressées s'efforcent d'établir un dialogue qui leur permettra de trouver des solutions adéquates dans un contexte de respect mutuel et de pleine participation.
  60. 37. En ce qui concerne le processus même de consultation, le comité appelle l'attention sur les dispositions du paragraphe 2 de l'article 6 de la convention:
  61. 2. Les consultations effectuées en application de la présente convention doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées.
  62. 38. Le comité estime que la consultation des peuples indigènes qui pourraient être affectés par la prospection ou l'exploitation des ressources naturelles suppose l'établissement d'un véritable dialogue fondé sur la communication, la compréhension, le respect mutuel, la bonne foi et le désir sincère de parvenir à un accord. Une simple réunion d'information n'est pas conforme aux dispositions de la convention. En outre, l'article 6 exige que la consultation soit préalable, ce qui implique que les peuples intéressés participent le plus tôt possible au processus, y compris la réalisation des études d'impact sur l'environnement. Dans le cas d'espèce, le projet a été établi avant l'entrée en vigueur de la convention en Equateur mais, depuis son entrée en vigueur, le gouvernement a l'obligation de consulter les peuples intéressés pour toute activité liée à l'application de la convention.
  63. 39. Le comité rappelle que, lors des débats qui ont conduit à l'adoption de l'article 6 de la convention concernant la consultation préalable, un représentant du Secrétaire général de la de la Conférence a indiqué que, avec ce texte, le Bureau ne voulait pas suggérer que les consultations en question devaient aboutir à un accord ou au consentement des parties, mais fixer l'objectif des consultations (Note 3). De l'avis du comité, l'article 6 n'exige pas que la consultation préalable aboutisse à un accord, mais implique que les peuples intéressés aient la possibilité de participer librement, à tous les niveaux, à l'élaboration, à l'application et à l'évaluation des mesures et programmes qui les touchent directement, à partir de la date d'entrée en vigueur de la convention dans le pays. En outre, les articles 2 1), 2 2 b), 6, 7 et 15 2) impliquent que le gouvernement consulte les peuples indigènes avant de prendre des mesures susceptibles de les toucher directement, par exemple la signature d'un contrat autorisant des activités de prospection ou d'exploitation des hydrocarbures sur leur territoire ancestral ou la poursuite d'activités entreprises avant l'entrée en vigueur de la convention. L'obligation de consultation préalable suppose de consulter les peuples intéressés avant de mener à bien l'étude d'impact sur l'environnement et le plan de gestion de l'environnement, ainsi qu'il ressort des dispositions qui indiquent que "les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d'entreprendre ou d'autoriser tout programme de prospection ou d'exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres".
  64. 40. Vu la poursuite des activités autorisées par le contrat de participation, le comité estime que le gouvernement était tenu de consulter les communautés indigènes vivant dans la zone du bloc 24 à partir de l'entrée en vigueur de la convention, en vertu notamment des dispositions des paragraphes 1 et 2 de l'article 7, afin de permettre à ces communautés de participer à leur propre développement économique, social et culturel. A ce sujet, le comité note que le gouvernement ne nie pas que, jusqu'à présent, il n'y a pas eu de consultations conformément aux dispositions des articles 2 1), 2 2 b), 6, 7 et 15 2) de la convention. Le comité note aussi que, à la date de la communication du gouvernement, l'étude d'impact sur l'environnement n'était pas encore terminée et que les activités de prospection et d'exploitation n'avaient pas encore commencé. Par conséquent, il demande instamment au gouvernement de consulter les communautés affectées, y compris la FIPSE, pour que les parties puissent coopérer à la recherche de solutions appropriées.
  65. 41. Le gouvernement ne nie pas que, malgré la déclaration du 13 août 1998 de l'assemblée extraordinaire de la FIPSE, qui interdit toute négociation de ses membres, de ses centres ou de ses associations avec la compagnie Arco et qui précise que "toute démarche entreprise par la compagnie à cette fin sera considérée comme une atteinte à l'intégrité du peuple Shuar et de ses organisations et comme une violation manifeste de nos droits reconnus par la Constitution (de l'Equateur) et par la convention no 169 de l'OIT", la compagnie a organisé des réunions et signé des "accords de coopération" avec des membres et des organisations de base de la FIPSE sans l'autorisation de cette dernière. La CEOSL affirme que les actions entreprises par la compagnie violent notamment l'article 17 de la convention.
  66. 42. Le paragraphe 3 de l'article 17 dispose ce qui suit:
  67. Les personnes qui n'appartiennent pas à ces peuples doivent être empêchées de se prévaloir des coutumes desdits peuples ou de l'ignorance de leurs membres à l'égard de la loi en vue d'obtenir la propriété, la possession ou la jouissance de terres leur appartenant.
  68. 43. Le comité souligne aussi que le paragraphe 1 de l'article 6, qui établit l'obligation de consultation, indique clairement que les peuples intéressés doivent être consultés "par des procédures appropriées et, en particulier, à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l'on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement".
  69. 44. Le comité considère que le principe de représentativité est un élément essentiel de l'obligation de consultation. Il est conscient qu'il peut être difficile, dans bien des cas, de déterminer qui représente telle ou telle communauté. Néanmoins, sauf consultation adéquate des institutions et organisations indigènes et tribales véritablement représentatives des communautés touchées, la procédure ne répond pas aux exigences de la convention. Dans le cas d'espèce, le comité note que non seulement une organisation indigène manifestement représentative des peuples intéressés par les activités de la compagnie Arco dans le bloc 24 - la FIPSE - n'a pas été consultée, mais que les consultations qui ont eu lieu l'ont exclue malgré la déclaration publique de la FIPSE interdisant toute négociation de ses membres, de ses centres et ses associations avec la compagnie Arco. A ce sujet, le comité rappelle que l'alinéa c) du paragraphe 1 de l'article 6 dispose que les gouvernements doivent "mettre en place les moyens permettant de développer pleinement les institutions et initiatives propres à ces peuples et, s'il y a lieu, leur fournir des ressources nécessaires à cette fin". Le comité estime de ce fait que toute consultation entreprise à l'avenir à propos du bloc 24 devra tenir compte de la déclaration précitée de la FIPSE.
  70. IV. Recommandations du comité
  71. 45. En adoptant ce rapport, le comité est conscient que l'application de la convention est un sujet important pour le gouvernement et que celui-ci a pris des mesures législatives afin de préserver les intérêts des peuples indigènes et tribaux vivant en Equateur. Le comité espère que le gouvernement restera étroitement en contact avec la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, ainsi qu'avec le Bureau, pour régler les difficultés qui pourraient surgir à ce sujet. Il recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, compte tenu des conclusions figurant aux paragraphes 28 à 44:
  72. a) de demander au gouvernement d'appliquer pleinement l'article 15 de la convention, d'engager des consultations préalables dans les cas de prospection et d'exploitation des hydrocarbures qui pourraient avoir un effet sur des communautés indigènes et tribales et de veiller à ce que les peuples intéressés participent aux différentes étapes du processus, ainsi qu'aux études d'impact sur l'environnement et aux plans de gestion de l'environnement;
  73. b) de demander instamment au gouvernement que, face aux problèmes dont souffre encore le peuple Shuar du fait des activités de prospection et d'exploitation pétrolières dans la zone du bloc 24, il fasse appel aux institutions et organisations représentatives, y compris la FIPSE, en vue d'établir et maintenir un dialogue constructif qui permette aux parties intéressées de trouver des solutions aux problèmes auxquels est confronté ce peuple;
  74. c) de demander au gouvernement de communiquer des informations détaillées à la commission d'experts, dans les rapports qu'il doit présenter en vertu de l'article 22 de la Constitution de l'OIT au sujet de la convention considérée, sur l'évolution des questions qui motivent la réclamation de la CEOSL, en particulier les informations suivantes:
  75. i) mesures prises ou envisagées pour remédier aux problèmes qui motivent la réclamation, compte tenu de la nécessité d'établir un mécanisme efficace de consultation préalable des peuples indigènes et tribaux, conformément aux dispositions des articles 6 et 15, avant d'entreprendre ou d'autoriser tout programme de prospection ou d'exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres;
  76. ii) mesures prises ou envisagées pour que les consultations requises soient conformes aux dispositions de l'article 6, notamment en ce qui concerne la représentativité des institutions et organisations indigènes consultées;
  77. iii) progrès réalisés dans la pratique en ce qui concerne la consultation des peuples vivant dans la zone du bloc 24, y compris des informations sur la participation de ces peuples à l'utilisation, à l'administration et à la conservation des ressources, et aux avantages tirés des activités pétrolières, et l'octroi à ces peuples d'une indemnisation équitable pour tout dommage causé par la prospection ou l'exploitation de la zone;
  78. d) de déclarer close la procédure engagée devant le Conseil d'administration à la suite de la réclamation.
  79. Genève, le 14 novembre 2001.
  80. (Signé) Felipe Ernst Edwards (membre gouvernemental, Chili), Jorge A. de Regil (membre employeur, Mexique), J. Olivio Miranda Oliveira (membre travailleur, Brésil)
  81. Note 1
  82. Le comité note que la demande d'amparo visait notamment à obtenir la suspension des activités d'exploration, de prospection d'hydrocarbures et d'exploitation du pétrole dans le bloc 24. Il note aussi que le Tribunal constitutionnel a certes rejeté cette demande mais a exhorté l'Etat équatorien et en particulier Petroecuador, lorsqu'ils signeront de nouveaux contrats, à respecter les dispositions constitutionnelles qui garantissent et protègent les droits fondamentaux des personnes et des collectivités.
  83. Note 2
  84. Par un contrat de cession signé le 17 avril 2000, la compagnie Arco a cédé ses droits et obligations à l'entreprise Burlington Ecuador.
  85. Note 3
  86. Voir rapport de la Commission de la convention no 107, Compte rendu des travaux de la Conférence internationale du Travail, 76e session, Genève, 1989, p. 25/12.
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