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RECLAMATION (article 24) - ARGENTINE - C169 - 2008

Union des travailleurs de l enseignement du Rio Negro (UNTER), syndicat de base de la Confédération des travailleurs de l éducation de la République argentine (CTERA)

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Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par l'Argentine de la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée l Union des travailleurs de l enseignement du Rio Negro (UNTER), syndicat de base de la Confédération des travailleurs de l éducation de la République argentine (CTERA), en vertu de l article 24 de la Constitution de l OIT

Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par l'Argentine de la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée l Union des travailleurs de l enseignement du Rio Negro (UNTER), syndicat de base de la Confédération des travailleurs de l éducation de la République argentine (CTERA), en vertu de l article 24 de la Constitution de l OIT

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. I. Introduction
  2. 1. Par une communication datée du 16 août 2006, l Union des travailleurs de l enseignement de Rio Negro (UNTER) a présenté, en vertu de l article 24 de la Constitution de l OIT, une réclamation au Bureau international du Travail, où elle allègue que le gouvernement argentin n a pas respecté certaines des dispositions de la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.
  3. 2. La convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, a été ratifiée le 3 juillet 2000 par l Argentine, où elle est actuellement en vigueur.
  4. 3. Les réclamations ont été présentées au titre des dispositions suivantes de la Constitution de l OIT:
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l un quelconque des Membres n aurait pas assuré d une manière satisfaisante l exécution d une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. La procédure applicable en cas de réclamation est régie par le Règlement relatif à la procédure pour l examen des réclamations au titre des articles 24 et 25 de la Constitution de l OIT, dont le contenu a été révisé par le Conseil d administration lors de sa 291e session (novembre 2004).
  10. 5. En vertu de l article 1 et du paragraphe 1 de l article 2 dudit règlement, le Directeur général a accusé réception des communications, en a informé le gouvernement argentin et les a transmises au bureau du Conseil d administration.
  11. 6. Lors de sa 297e session (novembre 2006), le Conseil d administration, suivant les recommandations de son bureau, a décidé que la réclamation présentée par l UNTER était recevable et a procédé à la désignation des membres du comité chargé de l examiner, à savoir, M. Rodrigo Estrela de Carvalho (membre gouvernemental, Brésil), M. Jorge A. De Regil (membre employeur, Mexique) et M. Julio Roberto Gomez Esguerra (membre travailleur, Colombie).
  12. 7. Dans une communication en date du 22 décembre 2006, le Bureau a invité le gouvernement à transmettre ses observations sur la réclamation.
  13. 8. Dans une communication en date du 28 mars 2007, le Bureau a reçu des informations complémentaires présentées par l UNTER qui ont été transmises au gouvernement le 30 mars 2007. Dans une communication reçue le 29 mai 2007, le Bureau a reçu les observations du gouvernement sur les deux communications de l UNTER.
  14. 9. Le comité s est réuni le 12 novembre 2008 et a adopté ce rapport.
  15. II. Examen de la réclamation
  16. A. Allégations présentées
  17. 10. Le comité note que la réclamation porte sur des questions relatives à la consultation et à la représentativité nationale et provinciale du peuple mapuche de la province de Rio Negro, ainsi qu à la question des terres et de la discrimination dont les Mapuches font l objet dans l exercice de leurs activités traditionnelles. Pour en faciliter le traitement, le comité a agencé l information communiquée de la façon suivante.
  18. Consultation relative aux lois nationales
  19. 11. L UNTER allègue qu en 2005 deux avant-projets de loi relatifs à l état d urgence de la propriété des communautés indigènes et aux procédures de régularisation de la propriété des communautés, pour répondre aux expulsions des communautés indigènes des terres qu elles occupent traditionnellement ont été présentés au Congrès de la nation sans que le processus de consultation prévu par la convention no 169 n ait été respecté. La consultation a, en effet, consisté en une réunion organisée à Buenos Aires, au Congrès de la nation le 12 mai 2005, à laquelle les organisations des peuples indigènes ont été conviées par courrier électronique en leur laissant le soin de trouver par leurs propres moyens la manière de se rendre à Buenos Aires. L UNTER précise que ces avant-projets ont échoué.
  20. 12. Le plaignant énonce toute une série de projets présentés au Sénat ou à la Chambre des députés, où la procédure de consultation et de participation n a pas été respectée, à savoir: 1) le projet de loi no 1045/06 portant modification du Code des mines en ce qui concerne la participation des communautés indigènes; 2) le projet de loi no 1599/06 déclarant l état d urgence en matière de propriété des terres des communautés indigènes sur l ensemble du territoire national; 3) le projet de loi no 1839/04 qui fixe les droits de la propriété intellectuelle des peuples indigènes; 4) le projet de loi no 1855/06 sur la régulation des rapports entre les autorités du système judiciaire national et fédéral et celles des peuples aborigènes; 5) le projet de loi no 2228/04 qui institue un système de consultation des peuples indigènes; 6) le projet de loi no 2368/05 qui institue la médiation pénale comme moyen alternatif pour résoudre les conflits du système pénal; 7) le dossier no 1803-D-2006, régime de propriété communautaire indigène: état d urgence et régulation, dérogation aux articles 2, 4, 7, 11 et 12 de la loi no 23302; et 8) le dossier no 2777-D-2005, régime sur les communautés indigènes.
  21. 13. Le plaignant ajoute qu il manque une procédure de consultation et de participation qui soit coordonnée et systématique. Il note aussi que, lors de la formation du Conseil de participation indigène (CPI), plusieurs communautés indigènes censées participer à la désignation des instances représentatives n ont pas été invitées à élire les représentants des provinces de Rio Negro (Note_1), de Salta (Note_2) et de Misiones. Le plaignant affirme que, dans la mesure où presque toutes les communautés de Rio Negro ont présenté leur demande de reconnaissance de terres auprès du Conseil de développement des communautés indigènes (CODECI) de Rio Negro, cet organisme qui agit dans le cadre du ministère du Gouvernement sait quelles communautés de la province n ont pas été convoquées à l élection du CPI.
  22. Province de Rio Negro: consultation relative aux mesures législatives et administratives et questions liées à la représentativité
  23. 14. L organisation plaignante conteste la procédure d adoption par le gouvernement provincial du décret no 967/04 qui fixe un prix aux terres domaniales (appartenant au domaine public) et s applique aux personnes installées sur les terres du domaine public, sans que l on ait préalablement procédé à la régularisation des terres revendiquées par les populations indigènes qui occupent ces terres traditionnellement.
  24. 15. L UNTER affirme que, bien que cette mesure touche directement les intérêts individuels et collectifs des communautés, des lofs et des peuples mapuches, le gouvernement n a pas communiqué auprès des instances représentatives et des personnes directement concernées, de même qu il n a pas convoqué les peuples indigènes à participer, et n a pas mis en place de mécanismes de consultation.
  25. 16. Le plaignant conteste également la signature par l Institut national des questions indigènes (INAI) et le CODECI de la convention no 156/1 de 2000 qui prévoit un mécanisme pour l inscription, la modification et l extinction de la personnalité juridique des communautés indigènes de la province.
  26. 17. D autre part, le plaignant affirme qu une convention sur la régularisation des terres du domaine public a été signée le 2 novembre 2005 entre le ministère de la Production de la province de Rio Negro et le maire d El Bolsón (localité située dans le sud-ouest de la province), qui a été ratifiée par le décret provincial no 1651, ce dont les communautés et les populations ont pris connaissance par voie de presse.
  27. 18. Contexte. Pour préciser le contexte, le plaignant affirme que, dans la province de Rio Negro, une loi qui prévoit la protection des populations indigènes et qui a été adoptée en consultation avec ces populations, la loi globale sur les indigènes, loi provinciale no 2287 du 3 juin 1988, ne s applique pas, bien qu elle soit en vigueur. Il indique qu en vertu de l article 7 de cette loi le Conseil de développement des communautés indigènes (CODECI) a été désigné comme l autorité en charge de son application et s est vu conférer des pouvoirs de consultation et de résolution. Le CODECI a été créé par le décret no 310/98 du 6 avril 1998, dont l article 4 prévoit que le CODECI agit dans le cadre du ministère du Gouvernement et fonctionne comme espace de gestion conjointe entre le gouvernement et les communautés aborigènes pour l élaboration des politiques et leur mise en place.
  28. 19. Le plaignant informe que les membres mapuches du CODECI sont élus par l instance de coordination du parlement du peuple mapuche, elle-même intégrée par les représentants de diverses organisations mapuches de la province; et indique que le CODECI, en vertu de l article 2 du décret no 310/98, est reconnu comme une instance représentative intégrée par l ensemble des organisations du peuple mapuche.
  29. 20. Conseil de tutelle indigène (CAI). Le plaignant allègue que toutes les communautés et organisations mapuches de la province ne sont pas représentées au sein de l instance de coordination, comme par exemple le Conseil de tutelle indigène (CAI). Il indique que le CAI est une organisation politique qui regroupe, depuis 1986, des communautés, lofs et populations mapuches de la province de Rio Negro, et qui agit essentiellement en faveur de la réappropriation par le peuple mapuche de ses terres, de son histoire et de sa culture, afin d en renforcer l autonomie et le développement politique, social et culturel. Il précise que le CAI s est retiré de l instance de coordination du parlement du peuple mapuche, parce que les résolutions et les actions de cette instance ne correspondaient pas à ses aspirations. Le plaignant affirme par ailleurs que non seulement les organismes étatiques ne considèrent pas le CAI comme un interlocuteur valable, mais qu en plus ils tentent en permanence d en disqualifier et freiner les actions.
  30. 21. Le plaignant indique que, en ce qui concerne le pouvoir exécutif de la province, celui-ci a choisi le CODECI pour unique interlocuteur et ne consulte pas d autres organisations représentatives du peuple mapuche. Dans ses observations supplémentaires, le plaignant fait référence à la loi nationale d urgence no 26160, qui suspend pendant quatre ans les procédures d expulsion de communautés indigènes des terres qu elles occupent traditionnellement et prévoit la régularisation de leur situation sur ces terres. Le plaignant «exige que des instances de dialogue avec les organisations représentatives du peuple mapuche de la province sur l application de la loi d urgence soient établies, et que toutes les personnes directement touchées soient invitées à y participer et à discuter en pleine connaissance de cause afin de pouvoir apporter leur consentement, libre, préalable et éclairé».
  31. 22. Le plaignant affirme que le CODECI a illégalement renoncé à ses attributions qu il a déléguées à la Direction des terres de la province de Rio Negro, organisme en charge de l application de la loi provinciale no 279 sur les terres du domaine public. Or cette direction ne prend pas en compte dans ses décisions et ses actions les droits reconnus par la convention no 169 de l OIT. Le plaignant soutient toujours que le CODECI ne défend pas les droits des peuples indigènes de la province de Rio Negro, et les pousse ainsi à solliciter des titres d occupation temporaire (occupation de terres du domaine public) au lieu de leur donner ce qui leur est dû en tant que populations indigènes. Le plaignant dénonce l inaction du CODECI face aux expulsions des populations indigènes, et accuse même certains de ses avocats d avoir, à titre privé, facturé leurs services à certains membres de ces communautés indigènes qui avaient sollicité l aide du CODECI pour la défense de leurs droits. Le plaignant demande que le CAI soit considéré comme interlocuteur dans les procédures de consultation et de participation, tel que le prévoit la convention no 169.
  32. Province de Rio Negro: droits des communautés mapuches (lofs) sur les terres qu elles occupent traditionnellement
  33. 23. Contexte. Le plaignant indique que 75 pour cent des cinq millions d hectares déclarés par la province de Rio Negro comme appartenant au domaine public sont occupés traditionnellement par des populations mapuches qui ont un droit de possession et de propriété sur ces terres. Ceci sans prendre en compte les propriétés privées qui se trouvent dans la même situation, et parmi lesquelles beaucoup pourraient tomber sous le coup de l expropriation en application de l article 13 de la loi provinciale globale no 2287 sur les indigènes. Le plaignant indique que, selon cet article, en cas de constat de dommage grave ou subjectif, d usurpation ou d autres vices de droit de possession et/ou d acquisition des terres au détriment des populations et/ou des communautés indigènes, le ministère public devra intervenir et intenter les actions judiciaires ou administratives correspondantes, afin que les terres soient restituées à leurs propriétaires légitimes.
  34. 24. Le plaignant allègue que, sur l ensemble de ce territoire, le gouvernement prétend appliquer la loi provinciale no 279 sur les terres du domaine public (droit commun), et contourner ainsi les lois particulières qui s appliquent dans les cas d occupation traditionnelle des terres. Le plaignant indique que la loi no 279 qui concerne les terres du domaine public, et dont le texte date de 1961, n envisage pas la question des terres traditionnelles des peuples indigènes, ni celle de leur participation. Il affirme que les populations mapuches qui occupent traditionnellement les terres du domaine public ne disposent pas, en règle générale, de titre de propriété, et que leurs habitants sont considérés comme des intrus. Dans beaucoup de cas, l occupation traditionnelle des terres n est même pas inscrite au registre. Dans d autres cas, les familles ou lofs mapuches n obtiennent que des permis d occupation temporaires, ce qui permet entre autres au gouvernement de vendre, louer, exploiter ou donner en concession ces terres, sans avoir à exproprier, ni même à indemniser les personnes qui les occupent. Le plaignant affirme que l application de la loi particulière qui s applique ici loi qui protège les droits des peuples aborigènes menace les propriétaires fonciers et terriens, ainsi que les commerçants de la province qui ont commis, par le passé, des actes frauduleux avec l aval des autorités provinciales et dépouillé les Mapuches de leurs terres. Le plaignant affirme que la province de Rio Negro cherche à limiter la reconnaissance des communautés qui ont été reconnues comme des réserves par des lois antérieures avec l aval du CODECI.
  35. 25. Accord sur l inaliénabilité de la propriété domaniale de 1998. Il fait notamment référence à la supposée violation de l accord sur l inaliénabilité de la propriété domaniale adopté en 1998 par le gouvernement national représenté par l INAI, le gouvernement provincial et l instance de coordination du parlement du peuple mapuche, qui déclare «zone critique» toute une série de régions de la province où sont installées des communautés mapuches menacées d expulsion. Le plaignant déclare qu à travers cet accord le gouvernement s est engagé, suite aux irrégularités présumées dont les populations indigènes auraient été victimes, à n autoriser aucune opération d achat-vente ou de mesure des terrains, tant que les conditions juridiques et cadastrales n auront pas été précisées. Le plaignant allègue que le gouvernement de Rio Negro aurait fait pression sur les populations mapuches des campagnes, par l intermédiaire de la Direction des terres de la province, pour que celles-ci se soumettent à la loi provinciale no 279 et renoncent, ainsi, à leurs droits ancestraux sur les terres qu ils occupent traditionnellement ou qu ils revendiquent comme telles. Il précise que, bien que la loi no 2287 dont il est question prévoie des mécanismes spéciaux pour assainir les droits des terres revendiquées par les Mapuches, ceux-ci n ont jamais été réellement appliqués. Par ailleurs, aucune autorité provinciale ne s est déclarée compétente pour traiter ces revendications et aucun titre de propriété n a, à ce jour, été octroyé aux Mapuches sur les terres qu ils occupent traditionnellement.
  36. 26. Le plaignant souligne que le décret provincial no 967/04, du 23 août 2004, actualise les droits de pâture auxquels les occupants temporaires de ces terres sont soumis et dont beaucoup sont des Mapuches, assimilant ces derniers à des occupants de terres du domaine public («fiscaleros»). Le plaignant fait savoir que, depuis l adoption de ce décret, la Direction des terres de la province de Rio Negro a commencé à adopter une politique qui consiste à faire pression sur les occupants mapuches pour que ceux-ci se mettent à jour dans le paiement de leurs droits de pâture, les obligeant à procéder au relevé cadastral des terres qu ils occupent et à les acheter, sous peine de perdre leurs droits d occupation. Le plaignant indique, à titre d exemple, que les intégrants de la communauté mapuche de Rio Chico Abajo, à qui l INAI a reconnu la personnalité juridique, ont reçu des avis de retard de paiement de leurs droits de pâture ainsi que des demandes de renouvellement de leurs permis d occupation temporaires en tant que «fiscaleros», et qu en l absence de réponse du CODECI le plaignant s est adressé à divers organismes, dont l INAI est le seul à avoir répondu. Ce dernier s est adressé à la Direction des terres de la province de Rio Negro pour lui demander de bien vouloir suspendre ces réclamations de paiement de taxes pour usage des terres faites aux communautés indigènes. Il a également signalé que le retard pris dans l exécution du projet en question était imputable aux organismes de la province CODECI et que les communautés (et leurs membres) dont les terres n auraient pas été régularisées ne devraient pas en subir les conséquences.
  37. 27. Personnalité juridique. Champ d application. Le plaignant indique que la convention no 156/1, signée en 2000 par l INAI et le CODECI, limite l accès des communautés mapuches à la personnalité juridique. Elle fixe, en effet, des conditions pour l obtention de la personnalité juridique que tous les Mapuches de la province ne sont pas en mesure de respecter, ceci en raison des circonstances historiques qui caractérisent le destin de ce peuple. Il souligne également que le document d information du CODECI sur la procédure à suivre pour obtenir la personnalité juridique s adresse aux communautés indigènes, qu il définit comme un ensemble de familles qui, entre autres choses, vivent dans un habitat commun et agissent de façon collective, et exclut les familles étendues ou nucléaires. Le plaignant s interroge sur le destin des familles obligées à se déplacer après confiscation de leurs terres. Il indique que la loi provinciale globale no 2287 sur les aborigènes, du 3 juin 1988, s applique non seulement aux communautés qui vivent regroupées, mais aussi à celles qui sont dispersées.
  38. 28. Personnalité juridique. Procédure. Le plaignant constate que la procédure pour obtenir la personnalité juridique est confuse, complexe, inaccessible et prévoit toute une série d obligations qui ne correspondent pas à la réalité, ni aux us et coutumes des communautés indigènes, et de leurs membres, de sorte que les communautés et lofs les plus vulnérables ne sont pas en mesure de les respecter. Le plaignant estime que cette situation viole l article 5 c) de la convention no 169 qui prévoit qu en vertu de ses dispositions les gouvernements doivent «adopter, avec la participation et la coopération des peuples affectés, des mesures tendant à aplanir les difficultés que ceux-ci éprouvent à faire face à de nouvelles conditions de vie et de travail». Il considère qu affirmer, comme le fait le texte mentionné au paragraphe précédent, que le respect de la procédure permettrait aux communautés inscrites de «demander des terres» est humiliant pour les milliers de paysans de la province qui occupent ces terres traditionnellement.
  39. 29. L UNTER affirme qu il règne une certaine confusion au sujet des compétences des différentes instances provinciales en matière de droits des populations indigènes sur les terres appartenant au domaine public. Par exemple, le 14 avril 2003, le CODECI a émis la décision no 13/03 qui reconnaît l existence du territoire communautaire du Lof Casiano et le droit de cette communauté à réclamer et défendre ce territoire contre l intrusion de tiers. De son côté, le ministère du Gouvernement a dérogé à cette disposition via la résolution no 3892 du 8 novembre 2004, alléguant notamment que, après examen des compétences du CODECI dans le cadre de la loi no 2287 et du décret no 310/98, il apparaît que cet organisme n est pas compétent pour émettre des actes administratifs de cette nature portant sur la reconnaissance de droits sur les terres en litige alors que, par ailleurs, la décision Localité Alfredo et autres c. Vila, Herminia et autres/expulsion, affaire no 14012-238-99, du 12 août 2004, établit que, pour épuiser toutes les voies de recours administratif susceptibles de révision contentieuse-administrative, il faut d abord recourir au CODECI. Dans ces circonstances de confusion, les populations et les communautés mapuches de la province de Rio Negro ne peuvent pas exercer leurs droits légitimes, lorsque le gouvernement et les organismes qui y sont rattachés s attribuent des devoirs et des compétences ou renoncent à leurs devoirs et à leurs compétences sans respecter le cadre légal et en enfreignant le principe de légalité qui régit les actes administratifs.
  40. 30. Le plaignant indique que, jusqu à la présentation de la réclamation, la province de Rio Negro n avait reconnu à aucune communauté, lof ou population, de droit de propriété et de possession des terres occupées traditionnellement. Par ailleurs, elle n avait jamais pris de mesures visant à déterminer ces occupations, établi de mécanismes adaptés pour résoudre les revendications, ni pris de mesures pour éviter les pillages, et ce malgré la multitude de procédures initiées par les différentes communautés et les dénonciations de pillage ou danger imminent déposées. On peut citer, à titre d exemple, les cas concernant toute une série de lofs: 1) le Lof Villar-Cayuman; 2) le Lof Antual Albornoz; 3) la communauté mapuche Kon Kiñe Mú (KKM); 4) le Lof Pedraza-Melivilo; 5) le Lof Mariano Epulef; 6) le Lof Casiano-Epugmer. En ce qui concerne le Lof Villar-Cayuman, le plaignant indique que, depuis janvier 2004, une famille de commerçants est venue sur le territoire occupé traditionnellement par cette communauté et a tenté de la déposséder en la menaçant, ceci avec l appui de la Direction des terres qui a octroyé à cette famille un certificat d occupation pacifique lui reconnaissant un droit d achat et qualifiant les indigènes d usurpateurs, alors que, selon le plaignant, le Lof Villar-Cayuman occupait ces terres depuis de nombreuses années et que la reconnaissance et la titularisation de son territoire traditionnel étaient une condition fondamentale pour qu il puisse se défendre face à la procédure d expulsion initiée par cette famille, même si celle-ci ne possède pas de titre. Dans le cas du Lof Antual Albornoz, le plaignant se réfère à deux dossiers parallèles et contradictoires gérés par la Direction des terres, l un lié à la question de la propriété communautaire et l autre à celle des «fiscaleros». En ce qui concerne la communauté mapuche Kom Kiñe, le plaignant indique que cette communauté occupe près de 11 000 hectares dans la région de Arroyo las Minas (rive droite de la rivière Chubut) depuis la fin du XIXe siècle et qu elle est victime de harcèlement judiciaire de la part d une famille de commerçants-propriétaires terriens. Sept procédures judiciaires auraient été entamées contre cette communauté, certaines sous prétexte d usurpation. Le plaignant note, d autre part, que la Direction des terres de la province de Rio Negro a appliqué au Lof mapuche Pedraza Melivillo la loi no 279 sur les terres du domaine public, qui établit que l ordre d expulsion est sans appel dans la voie administrative et que, pour ne pas être considéré comme «intrus», seuls certains titres sont valables, notamment le permis d occupation temporaire, le contrat de bail et l acte de vente. Le comité ne rend pas compte de tous les cas dont il est fait référence, mais en a pris certains à titre d exemple.
  41. 31. En apportant des informations complémentaires, le plaignant souligne que la loi no 26160, déclarant l état d urgence en matière de possession et de propriété des terres des communautés, ne concerne que les communautés indigènes dont la personnalité juridique est inscrite au registre ou les communautés préexistantes, et ne prend pas en compte les revendications des populations indigènes dispersées sur l ensemble du territoire, oubliant que la dispersion de ces populations est le fruit des politiques ethnocides menées par l armée pendant la campagne du désert, de sorte que ces populations ne devraient pas être pénalisées par leur dispersion provoquée par une politique dont elles ont été les victimes.
  42. 32. Le plaignant demande que des instances de dialogue sur la mise en ÷uvre de la loi d urgence soient prévues et qu elles soient ouvertes aux organisations représentatives du peuple mapuche de la province.
  43. Certificats de marquage et d identification
  44. 33. Le plaignant déclare que, en cherchant à appliquer une législation uniforme en matière de procédure de marquage et d identification du bétail à l ensemble des éleveurs de la province de Rio Negro qui exercent des activités traditionnelles, le gouvernement viole les articles 20, paragraphe 2, et 23 de la convention no 169 et conduit à l exclusion systématique des éleveurs mapuches de l accès aux certificats de marquage et/ou d identification. Le plaignant souligne que la subsistance du peuple mapuche repose sur l élevage de troupeaux de petit bétail et se pratique sur une base communautaire, s agissant donc pour eux de leur activité traditionnelle. Le certificat de marquage et/ou d identification est le titre de propriété des troupeaux de petit ou grand bétail. Il s agit d un document essentiel pour exercer des activités d élevage, de production et de commerce de produits comme la laine, la viande et le cuir.
  45. 34. Le plaignant indique que, tandis que la loi provinciale no 1645 sur les certificats de marquage et d identification prévoit que, pour obtenir les titres (certificats), le demandeur doit prouver son statut de propriétaire ou de locataire ou démontrer qu il occupe légalement un immeuble rural, le décret règlementaire no 1888/1983 permet pour sa part aux membres des communautés indigènes d obtenir un certificat moyennant une attestation d appartenance à un groupement indigène émise par son «chef». Le plaignant affirme, par conséquent, que l attestation d un titre de propriété, d un contrat ou d un permis temporaire octroyé par la Direction des terres de la province de Rio Negro ne peut être exigée aux membres des communautés indigènes originaires de la province. Il indique que les membres de trois lofs mapuches ont entamé des demandes de certificats de marquage, en avril 2004, auprès du Département des activités d élevage de la Direction de l élevage d Ingeniero Jacobacci, et qu au jour de la présentation de la présente réclamation ils n avaient toujours par obtenu de réponse. Le 12 avril 2005, le directeur provincial chargé de l élevage a fait savoir aux lofs en question que les décisions nos 588, 589 et 509/04 prises par ses conseillers juridiques ne l autorisaient pas à étendre les titres mentionnés, et qu un titre émis par la Direction des terres était expressément exigé.
  46. 35. Le plaignant ajoute que la loi n autorise à émettre qu un titre par personne à celles attestant un titre de propriété sur la terre et ne contemple pas la condition de vie communautaire des populations mapuches. Il affirme que cette situation conduit les Mapuches à solliciter des permis d occupation temporaires à la Direction des terres, et à renoncer à leurs droits en tant qu indigènes. Il ajoute qu en touchant aux individus cette situation contribue à la désintégration de la vie communautaire des Mapuches et de leurs territoires. La possession de certificats est essentielle pour la subsistance des Mapuches. Sans ces certificats, les Mapuches ne peuvent ni transporter ni commercialiser des produits qui forment la base de leur économie de subsistance. N étant pas marqué, le bétail ne peut être identifié comme appartenant à son maître. De plus, le refus des autorités d octroyer des certificats aux éleveurs mapuches place ces derniers en situation d illégalité forcée et conduit notamment les jeunes qui ne peuvent poursuivre leurs activités traditionnelles à émigrer vers les zones marginales de la ville.
  47. B. Observations du gouvernement
  48. Consultation pour la mise en ÷uvre de mesures législatives de portée nationale
  49. 36. Le gouvernement indique que les projets de loi qui, d après le plaignant, n auraient pas fait l objet d une consultation préalable ont été repris par la loi no 26160 du 1er novembre 2006, qui déclare l état d urgence en matière de possession et de propriété des terres occupées traditionnellement par les communautés indigènes. Cette loi interdit pour une période de quatre ans l expulsion de ces communautés des terres qu elles occupent traditionnellement, et ordonne de procéder au relevé cadastral de ces terres pour les régulariser. Le gouvernement déclare que la consultation et la participation ont joué un rôle central dans le processus d élaboration de la loi no 26160, comme il le détaille ci-dessous après avoir fourni certaines précisions sur cette loi.
  50. 37. Le gouvernement indique que le moratoire d urgence fixé par cette loi est de quatre ans et le délai pour procéder au relevé cadastral de trois ans. Un fonds spécial doté de 30 millions de pesos a été créé pour le relevé cadastral. Ce fonds pourra être utilisé pour: a) le relevé cadastral des terres occupées traditionnellement et publiquement par les communautés indigènes; b) les activités professionnelles des affaires judiciaires et extrajudiciaires; et c) les programmes de régularisation des terres du domaine public.
  51. 38. Le gouvernement précise que l application de la loi no 26160 relève de l INAI et que le procédé de relevé cadastral prévu par la loi répond à la volonté de l Etat de respecter l engagement pris lors de la ratification de la convention no 169. En effet, son article 14, paragraphe 2, dispose que les gouvernements ayant ratifié la convention doivent prendre des mesures nécessaires pour identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement.
  52. 39. Consultation et participation. Le gouvernement souligne qu un accent particulier a été mis sur la participation des populations indigènes au processus d élaboration du projet de loi no 26160. Il indique que la loi nationale no 23302 du 12 novembre 1985 sur la politique indigène et l appui aux communautés aborigènes, qui a créé l INAI entité décentralisée avec participation indigène , prévoit la création d un conseil de coordination au sein de l INAI. Conformément à ce qui est établi dans l article 5 de la loi no 23302, le conseil de coordination sera intégré par: a) un représentant du ministère de l Intérieur; b) un représentant du ministère de l Economie; c) un représentant du ministère du Travail; d) un représentant du ministère de l Education et de la Justice; e) des représentants désignés par les communautés indigènes dont le nombre ainsi que les modalités et les procédures de désignation seront fixés par règlement; et f) un représentant pour chacune des provinces qui aura ratifié la loi.
  53. 40. Le Conseil de participation indigène (CPI). Le gouvernement indique que, pour consulter les populations intéressées selon les termes de l article 6 de la convention et comme étape préalable à la constitution du conseil de coordination, un Conseil de participation indigène (CPI) a été créé par les résolutions nos 152/2004 et 301/2004. Ce conseil marque la présence indigène au sein du conseil de coordination. Le CPI est composé des représentants de l ensemble des peuples indigènes de chacune des provinces du pays. Le gouvernement précise que les représentants des communautés de chaque peuple au niveau de chaque province ont été désignés par des assemblées de représentants des communautés au niveau provincial, qui se sont tenues en 2005 et 2006.
  54. 41. Le gouvernement affirme que la procédure mise en place permet aux personnes désignées d être réellement représentatives des communautés. Le gouvernement déclare que l article 1 de la résolution no 301/04 de l INAI prévoit que les membres du CPI seront désignés par les représentants des communautés indigènes, dont la personnalité juridique aura opportunément été inscrite au registre provincial prévu à cet effet ou au registre national des communautés indigènes, qui fonctionne dans le cadre de cette instance. Par ailleurs, lors de la tenue des assemblées, les autorités des communautés inscrites pourront sur décision de l assemblée accepter la participation des autorités des communautés qui n auraient pas encore été enregistrées. Le gouvernement indique que la convocation à la mise en place du CPI de l INAI a été adressée aux communautés, véritables et seuls sujets de droits conformément à l article 75, alinéa 17, de la Constitution nationale. Le gouvernement fait référence aux personnes qui ont été désignées membres du CPI par le peuple et la province.
  55. 42. Le gouvernement indique que la loi no 26160 a été élaborée par le Congrès national et que l accent à été mis sur la participation des indigènes pendant tout son processus d élaboration. Le gouvernement affirme que, lors de sa première séance plénière qui s est tenue à Chapadmalal, le 1er juin 2006, le CPI a donné son aval au projet de loi. Il indique que les représentants du CPI ont aussi donné leur opinion directement auprès des législateurs réunis en commission.
  56. 43. Consultation concernant la mise en ÷uvre de la loi. Le gouvernement affirme que les modalités de mise en ÷uvre de la loi ont été examinées lors des réunions régionales du CPI (au nord-est, au nord-ouest et au sud de l Argentine). Il précise que la participation des populations indigènes à la mise en application de la loi est fondamentale et que les mesures et les modalités de mise en ÷uvre de la loi sont systématiquement prises en accord avec le CPI. Le gouvernement souligne que la participation indigène au niveau national est actuellement assurée par le CPI, qui a approuvé le projet de l actuelle loi sur l état d urgence en matière de propriété des terres des communautés indigènes; que celui-ci a participé et a encouragé la promulgation de cette loi et qu il participe en ce moment activement à l élaboration de son règlement d application. Le gouvernement indique qu en ce qui concerne la province de Rio Negro les représentants du CPI ont été élus par le parlement du peuple mapuche de la ville Ingeniero Jacobacci le 9 avril 2005, avec la présence de 40 communautés. Il joint un acte signé par le secrétariat exécutif du parlement mapuche apportant des informations sur les élections et les communautés qui y ont participé (Note_3).
  57. Province de Rio Negro: consultation relative à des mesures législatives et administratives et questions de représentativité
  58. 44. Le gouvernement considère qu il est important d identifier la situation du Conseil de tutelle indigène (CAI) qui, selon lui, est à l origine de la dénonciation, et d expliquer la nature du Conseil de développement des communautés indigènes (CODECI). Il s agit là, d après lui, de la condition pour pouvoir comprendre toute la portée de la présente réclamation.
  59. 45. CODECI. Le gouvernement souligne que le CODECI est l organisme responsable de l application de la loi provinciale globale no 2287 sur les indigènes de 1998. Cette loi reconnaît au CODECI, instance intégrée par des représentants des communautés indigènes et du gouvernement de la province de Rio Negro, la qualité d organisme de cogestion. Le gouvernement ajoute qu actuellement le CODECI est intégré par quatre conseillers indigènes et deux conseillers gouvernementaux. Il souligne que cet organisme dispose d un groupe de conseillers juridiques dont le rôle est d émettre des recommandations et d initier des réclamations administratives auprès de la Direction des terres et des colonies de la province de Rio Negro. De plus, le gouvernement considère que le CODECI, visé par la loi no 2287, remplit la fonction d organisme représentatif prévu par l article 12 de la convention no 169 et qu il a initié de nombreuses actions en tant que représentant naturel et nécessaire des communautés et des populations indigènes.
  60. 46. CAI. Le gouvernement ajoute que la loi citée précédemment reconnaît, dans son article 6, l existence du CAI, dont le siège est à Ingeniero Jacobacci, et prévoit qu il sera composé de délégués élus par des communautés indigènes et des associations rurales et urbaines de la province et qu il agira conjointement avec le gouvernement provincial. Il affirme, par ailleurs, que le 17 novembre 1997 le CAI et d autres organisations, centres et communautés autochtones de la province de Rio Negro se sont constitués en instance de coordination du parlement mapuche, et jusqu en 2001 le CAI avait un représentant auprès du CODECI au mandat révocable. A partir de 2001, le CAI a volontairement cessé de participer au parlement mapuche, qui désigne au cours de sa session annuelle les représentants indigènes qui siègent au CODECI et les autres représentants de l instance de coordination. Le gouvernement déclare que le CAI s est lui-même exclu des mécanismes de représentativité dans lesquels il a non seulement participé, mais qu il a contribué à créer.
  61. 47. Le gouvernement se dit surpris par l allégation concernant la convention no 156/1 signée entre l Etat et la province de Rio Negro, dans la mesure où la documentation transmise par le plaignant ne correspond pas au contenu de l original de la convention en question. Il précise que celle-ci a été adoptée afin d harmoniser les conditions d obtention de la personnalité juridique et de les ajuster à la nouvelle Constitution en vigueur. Il précise que cette convention a été signée en 2000 et diffère sensiblement de la documentation transmise par le plaignant. Ainsi, il est indispensable que ce dernier apporte des précisions concernant les points qu il considère comme étant à l origine des préjudices subis car le texte original n enfreint pas les droits reconnus aux communautés indigènes. Le gouvernement transmet une liste des communautés indigènes inscrites et des communautés ayant sollicité leur inscription en vertu de cette convention, qui est pleinement en vigueur. Il affirme, en outre, que ladite convention a été adoptée en 2000, tandis que le CAI faisait encore partie du CODECI, de sorte que l on peut difficilement invoquer un manque de participation dans l adoption de cette convention.
  62. Province de Rio Negro: droits des communautés mapuches (lofs) sur les terres qu elles occupent traditionnellement
  63. 48. Contexte. Le gouvernement indique que la loi no 26160, déclarant l état d urgence en matière de possession et de propriété des terres des communautés indigènes, suspend toutes les expulsions de ces communautés des terres qu elles occupent traditionnellement et fixe un délai de quatre ans pour qu il soit procédé au relevé cadastral, conformément à l article 14 de la convention. Un fonds doté de 30 millions de pesos relevant de l INAI a été spécialement créé à cet effet.
  64. 49. Conflits de lois. Le gouvernement souligne que la mise en place de la loi provinciale no 279 sur les terres du domaine public peut entrer en conflit avec la loi intégrale no 2287 sur les aborigènes, mais qu il suffit pour éviter tout conflit que chaque instance exerce ses propres attributions. Il considère que le CODECI, visé par la loi no 2287, est un organisme représentatif, tel que le prévoit l article 12 de la convention no 169, et qu il a initié de nombreuses actions en tant que représentant naturel et nécessaire des communautés et des populations indigènes. Le gouvernement note que les réclamations ont été soulevées auprès de la Direction des terres, des colonies et de l assistance technique institutionnelle de la province, organisme d application de la loi no 279. Le gouvernement note que les réclamations faites auprès de la Direction des terres de la province consistent à faire une demande pour qu un acte administratif qui reconnaisse le droit d occupation traditionnelle des terres soit rendu en vertu du sujet (communauté indigène et/ou population indigène dispersée) et de l objet (territoire indigène occupé traditionnellement). Le gouvernement regrette que l on ne soit pas parvenu jusqu à présent à une articulation efficace entre la Direction des terres et le CODECI, raison pour laquelle des «permis d occupation temporaires» sont délivrés pour une durée d un an.
  65. 50. Loi no 279 de 1961 et décret no 967 de 2004. Le gouvernement indique que la loi no 279 et le décret no 967/04 sont des normes provinciales et que, conformément aux articles 21, 31 et 75, alinéa 17, de la Constitution nationale, celles-ci sont hiérarchiquement inférieures à la Constitution et aux lois nationales. Il indique que, en cas de conflit entre les normes étatiques et provinciales en la matière, c est le principe de hiérarchie des normes qui s applique, auquel l Argentine a adhéré, qui veut que les normes édictées au niveau national s imposent à celles édictées au niveau des provinces. Il précise, toutefois, qu il n y a dans la loi provinciale no 279 et dans le décret provincial no 967/04 aucune disposition qui porte atteinte aux droits des communautés indigènes. Le gouvernement indique que, à moins de partir de l hypothèse selon laquelle les communautés indigènes occupent traditionnellement toutes les terres du domaine public, il sera toujours possible de trouver des terres du domaine public qui ne soient pas occupées par des populations indigènes. Le gouvernement affirme que l Etat provincial peut choisir l usage à donner aux terres appartenant au domaine public et ne reconnaissant pas la présence d une occupation indigène.
  66. 51. Le gouvernement déclare que, en cas de constat d occupation traditionnelle des terres du domaine public par des populations indigènes, la norme qui prévaut n est pas la loi provinciale no 279 et ses décrets d application règlementaires mais la loi nationale sur les indigènes non seulement parce que celle-ci régit spécifiquement la question, mais aussi en raison de sa portée nationale, qui la place hiérarchiquement au-dessus de la loi provinciale no 279. Le gouvernement déclare que la loi no 279 n enfreint pas les droits des indigènes, ce que peut en revanche faire une interprétation erronée ou vaste de cette loi.
  67. 52. Personnalité juridique. Comme il l indique dans le paragraphe 47 du présent rapport, le gouvernement considère que l annexe présentée par le plaignant diffère sensiblement de la convention no 156/1 adoptée par l Etat et la province de Rio Negro. Selon le texte de la convention no 156/1, l INAI et la province se sont mis d accord pour simplifier les exigences préalables à la reconnaissance de la personnalité juridique des communautés qui en font la demande. La convention prévoit les conditions suivantes: a) note de demande de personnalité juridique présentée par la communauté; b) emplacement de la communauté, accompagné d un simple croquis où figurent les terres qui pourraient se voir concernées à l avenir par la titularisation communautaire; c) description des règles de fonctionnement et des mécanismes de désignation et de révocation des autorités, qui devront être approuvés par la Direction générale des personnes juridiques; d) bref rappel des éléments certifiant l origine ethnique, culturelle et historique de la communauté, avec présentation des documents disponibles; e) liste des membres de la communauté ayant un lien de parenté; et f) mécanismes d intégration et d exclusion des membres.
  68. 53. Par ailleurs, le gouvernement signale que la convention no 156/1 adoptée par la province de Rio Negro et l INAI, qui vise à simplifier les démarches d obtention de la personnalité juridique par les communautés indigènes, est pleinement en vigueur tel que cela est détaillé ci-dessous. Le gouvernement indique qu une série de communautés se sont vu reconnaître la personnalité juridique en vertu de cette convention, à savoir: Ngpun Currha; Peñi Mapu; Putre Tuli Mahuida; Kume Peuke Mapuche; Wefuwecu; Mongel Mamuell; Lof Huenchupan; Lucinda Quintupray; Las Huaytecas; Elel Kimun; Raghñ Plang Curra Meu; Inchen Ciwew Folil; Lof Mariano Solo. D autres demandes de reconnaissance de personnalité juridique sont en cours pour les communautés suivantes: Catriel; Kom Kiñe Mu; Rincón del Manzano; Kemu Paku; Las Aguadas; Fisque Menuco; Lof Manuel Grande; Manuel Pirhen; Lof Pasos-Huentelaf; Los Pehuenes; Lof Mariano Epulef et Pillahuinco.
  69. 54. Le gouvernement précise que, de plus, l INAI et la province de Rio Negro ont adopté une convention qui prévoit la subvention du programme sur les nouveaux droits, la personnalité juridique et la régularisation des terres de Rio Negro, traité dans le dossier no 10256 de 1998. Ce programme cherche à régulariser les terres où sont installées les communautés indigènes de Pilquineyeu del Limay et de Lipetrén ainsi que les localités dites «zones critiques», et couvre au total une superficie de 320 000 hectares. Le gouvernement transmet, par ailleurs, des informations sur le programme «Nouveaux droits, personnalité juridique et régularisation des terres» (II), dossier no 50141/04, qui couvre 334 000 hectares et qui s intéresse, entre autres, à l organisation des familles mapuches dans les zones critiques dispersées et des communautés regroupées, en orientant l action vers l autogestion communautaire; à la promotion de la reconnaissance de la personnalité juridique, la régularisation des terres et l identification de méthodes de production alternatives viables.
  70. 55. Le gouvernement apporte des précisions à propos des cas évoqués par le plaignant: a) en ce qui concerne le Lof Casiano Epugner, il indique, d une part, que celui-ci doit confirmer auprès de la Direction des terres et du CODECI les membres qui en font partie pour procéder à la titularisation de la propriété communautaire et, d autre part, que des revendications sur ces mêmes terres provenant d autres membres de la famille directe de Don Agustín Casiano sont actuellement traitées par le CODECI; b) en ce qui concerne la communauté Kom Kiñe Mu (KKM), le gouvernement indique que la question qui se pose aujourd hui est celle de son appartenance territoriale à la réserve d Ancalao, une situation qui restreint son accès au statut de communauté depuis que la désagrégation du territoire d Ancalao relève de la communauté. Il affirme qu il s agit de préserver les territoires ancestraux et non de les démembrer, et que les familles qui appartiennent à cette communauté ont réussi à résister à l action d expulsion qui les menaçait en démontrant leur appartenance à la communauté d Ancalao. Le gouvernement apporte ensuite des précisions sur d autres communautés, mais le comité n a cité que quelques exemples, étant donné que ce rapport n a pas pour fonction d analyser tous les cas individuellement. En ce qui concerne le cas Pedraza Melivillo, le gouvernement informe qu en juin 2006 l avocat représentant du lof en question, face à la disposition no 83/2006 de la Direction des terres qui prévoyait l expulsion administrative, a sollicité l intervention du CODECI, qui a émis la décision no 03/2006, dont l acte administratif n avait, à la date, pas encore été dicté.
  71. Certificats de marquage et d identification
  72. 56. Le gouvernement souligne que seules les communautés et les personnes dont la situation domaniale n a pas été régularisée rencontrent des difficultés pour l obtention de certificats de marquage et d identification, mais il précise que ce n est en aucun cas la nature indigène de ces communautés qui en est à l origine. Le gouvernement souligne que cette situation ne peut être comprise qu à la lumière du processus de régularisation des terres en cours.
  73. 57. Le gouvernement rappelle que, jusqu à l adoption de la Constitution de 1994, la seule référence qui était faite à la question indigène dans la Constitution nationale était l obligation pour le Congrès national de promouvoir le traitement pacifique des Indiens et de promouvoir leur conversion au catholicisme. Il rappelle que la Constitution de 1994 dispose qu il faut: reconnaître la préexistence ethnique et culturelle des peuples indigènes argentins; garantir le respect de leur identité et de leur droit à une éducation bilingue et interculturelle; reconnaître la personnalité juridique de leurs communautés, ainsi que la possession et la propriété communautaire des terres qu ils occupent traditionnellement, et leur octroyer de nouvelles terres adaptées et nécessaires à leur développement humain, toutes ces terres étant inaliénables et ne pouvant être ni transmises ni imposées ou réquisitionnées; assurer leur participation dans la gestion de ces ressources naturelles et des intérêts qui les affecteront. Les provinces peuvent exercer concurremment ces compétences. Le gouvernement affirme que ceci s inscrit dans une évolution à laquelle l Argentine n a pas hésité à adhérer. Il rappelle le jugement de 1929 dans l affaire Guari Lorenzo c. Province de Jujuy et successeurs de Fernando Campero, où les communautés de Cochinota et de Casabindo avaient réclamé des terres communautaires, ce à quoi le tribunal avait répondu à l époque qu il n existait d autre propriété communautaire que celle constituée conformément à l article 2675 du Code civil en matière de condominium et que les communautés indigènes n étaient pas des personnes selon le Code civil.
  74. 58. Le gouvernement affirme qu il faut se replacer dans une perspective historique et prendre en compte les progrès notoires qui ont été réalisés, de façon active et ininterrompue, pour donner aux peuples indigènes les moyens de leurs droits. Il affirme aussi qu il reste un long chemin à parcourir mais que, depuis que les droits fondamentaux des communautés indigènes ont été clairement reconnus pour la première fois par la Constitution de 1994, les mesures en faveur de la reconnaissance concrète de ces droits se sont multipliées. Le gouvernement reconnaît que l on rencontre des difficultés pour obtenir des certificats mais que ces difficultés traduisent une problématique de fond qui est celle de l accès à la terre. Il indique que, bien qu il reste encore beaucoup de terres à régulariser, l octroi de certificats demeure malheureusement une épine dans le pied dans la problématique de la gestion des terres. Il souligne que l étroite relation entre l obtention de certificats et la titularisation de la propriété des terres s explique par la législation provinciale qui en régit l octroi et cherche à garantir davantage de sécurité juridique, d ordre et de fiabilité en la matière.
  75. 59. Enfin, le gouvernement déclare que l obligation de titularisation de la propriété de la terre exigée pour l obtention de certificats est un critère qui devra sans doute être revu par la province afin que cette question soit adaptée aux membres des communautés indigènes. Il déclare que le procédé de relevé cadastral prévu par la loi nationale no 26160 est perçu comme un bon moyen pour la province de revoir les critères d octroi de certificats.
  76. C. Conclusions du comité
  77. 60. Le comité prend note des informations et annexes présentées par l organisation plaignante ainsi que de la réponse, et des documents qui y sont joints, du gouvernement.
  78. 61. Le comité note qu au niveau national l organisation plaignante allègue un manque de consultation des populations indigènes dans l adoption de mesures législatives susceptibles de les affecter directement et, au niveau de la province de Rio Negro, un manque de consultation adaptée par rapport aux mesures législatives et administratives, ainsi qu aux questions de représentativité, une application insuffisante des droits des communautés mapuches (lofs) sur les terres qu elles occupent traditionnellement et la discrimination du peuple mapuche en matière d emploi et de travail.
  79. Consultation concernant les mesures législatives nationales
  80. 62. Le comité note que les allégations renvoient au supposé manque de consultation des peuples intéressés pour l élaboration de différents avant-projets et projets de loi nationaux. Il observe que certains de ces projets ont été repris par la loi no 26160 qui déclare l état d urgence sur la possession et la propriété des terres des communautés indigènes, tandis que d autres ne sont plus en vigueur ou n ont pas été adoptés.
  81. 63. L article qui s applique dans ce cas est l article 6 de la convention.
  82. 1. En appliquant les dispositions de la présente convention, les gouvernements doivent:
  83. a) consulter les peuples intéressés, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement;
  84. [ ]
  85. c) mettre en place les moyens permettant de développer pleinement les institutions et initiatives propres à ces peuples et, s il y a lieu, leur fournir les ressources nécessaires à cette fin.
  86. [ ]
  87. 2. Les consultations effectuées en application de la présente convention doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées.
  88. 64. Le comité constate que, dans sa réponse, le gouvernement n a pas apporté d informations concernant les projets de loi présentés au Sénat ou à la Chambre des députés, et ceux dont le comité a pris note au paragraphe 12 du présent rapport. Le comité rappelle l obligation à laquelle sont soumis les gouvernements en vertu de l article 6, paragraphe 1 a), de la convention, selon lequel ceux-ci doivent consulter les peuples intéressés [ ] chaque fois que l on envisage (Note_4) des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement. Tandis que cet article ne précise pas exactement le moment où la consultation doit intervenir, le comité considère que des mécanismes doivent être mis en place pour assurer la consultation relative aux mesures législatives et administratives auxquelles la convention se réfère, en anticipant suffisamment pour que la consultation soit efficace et significative. En ce qui concerne les projets mentionnés au paragraphe 12, ceux qui sont en cours devront prévoir des consultations selon les modalités mentionnées précédemment.
  89. 65. En ce qui concerne les projets ayant été repris par la loi no 26160 sur l état d urgence de la propriété des communautés indigènes, le comité note que d après le plaignant la consultation n a pas été adaptée, et qu à Rio Negro, Salta et Misiones un certain nombre de communautés n avaient pas été informées des élections qui avaient été organisées pour désigner les membres du CPI.
  90. 66. Le comité note que, d après les informations fournies par le gouvernement, une attention toute particulière a été portée à la participation des indigènes et à la mise en place du CPI, composé de représentants des peuples originaires de chacune des provinces de l Argentine, dans le processus d adoption des lois. Il a également pris note des documents joints par le gouvernement, tels que la liste des communautés ayant participé, les représentants désignés dans chaque province et l acte de tenue des élections dans la province de Rio Negro. Il a noté que, lors de sa première session plénière organisée à Chapadmalal, le CPI s était prononcé en faveur du projet de loi no 26160 et que les membres du CPI avaient donné leur opinion directement aux législateurs.
  91. 67. Contexte. Le comité a noté les efforts réalisés par le gouvernement par l intermédiaire du ministère du Travail et de l INAI pour créer une instance de participation et de consultation indigène au niveau national à travers le CPI. Le comité observe également que, dans son observation de 2006, la Commission d experts pour l application des conventions et recommandations (CEACR) avait noté dans ses paragraphes 1 (Note_5) et 4 (Note_6), avec grand intérêt, les mesures adoptées et prévues par le gouvernement pour renforcer les instances compétentes pour mener à bien une politique coordonnée et systématique allant dans le sens de la convention et pour renforcer la consultation et la participation. Suite à la présentation de la réclamation, le comité note qu en mai 2007 un atelier-séminaire relatif au renforcement des mécanismes de consultation et de participation des populations indigènes avait été organisé par le ministère du Travail et l INAI, avec la participation du CPI et l aide de l OIT, ce qui témoigne que les efforts ont été soutenus dans le temps.
  92. 68. Le comité note que des efforts continus ont été déployés par le gouvernement pour instituer et renforcer les instances de consultation par l intermédiaire du CPI. Le comité note que le gouvernement a consulté le CPI au sujet de la loi dont il est ici question qui vise à protéger les communautés indigènes des expulsions et que le CPI a organisé une élection des représentants des communautés indigènes au niveau national, qui ont soutenu cette loi.
  93. 69. Le comité considère, par conséquent, que le gouvernement de l Argentine n a pas violé l article 6 de la convention dans le processus d adoption de la loi no 26160 déclarant l état d urgence sur la propriété indigène.
  94. 70. Il ne peut, toutefois, contester, comme le souligne le plaignant, que certaines communautés des provinces de Rio Negro, Salta et Misiones n ont pas été convoquées à l élection. Tout en reconnaissant l engagement pris par le gouvernement sur les questions relatives à la consultation et à la participation, le comité considère que celui-ci doit poursuivre ses efforts en vue de renforcer la représentativité du CPI, notamment afin que l INAI garantisse la pleine participation de l ensemble des communautés et institutions représentatives des peuples indigènes aux élections des représentants du CPI. Le comité considère également qu il est essentiel d encourager la participation et la consultation des populations indigènes dans l application de la loi no 26160 pour toutes les questions pouvant affecter directement ces populations, de sorte qu en plus de respecter l article 6 de la convention l élection sera plus légitime et aidera à éviter les conflits futurs en prenant en considération les divers expériences, problèmes et questions concernant les peuples indigènes.
  95. Province de Rio Negro: consultation concernant les mesures législatives et administratives et les questions de représentativité
  96. 71. Le comité note qu au niveau provincial les allégations se réfèrent, comme dans le point précédent, à des questions de représentativité.
  97. 72. Les articles qui s appliquent ici sont l article 6 (cité précédemment) de la convention et l article 12 qui prévoit que:
  98. Les peuples intéressés doivent bénéficier d une protection contre la violation de leurs droits et pouvoir engager une procédure légale, individuellement ou par l intermédiaire de leurs organes représentatifs, pour assurer le respect effectif de ces droits. Des mesures doivent être prises pour faire en sorte que, dans toute procédure légale, les membres de ces peuples puissent comprendre et se faire comprendre, au besoin grâce à un interprète ou par d autres moyens efficaces.
  99. 73. Le plaignant remet largement en question la représentativité du CODECI en tant qu organisme représentatif pour garantir le respect effectif des droits des peuples indigènes. Il dénonce que le gouvernement de la province de Rio Negro ne prend comme interlocuteur que le CODECI et ne consulte ni ne fait participer le CAI qui affirme qu il représente diverses communautés et populations mapuches.
  100. 74. Le comité note que le gouvernement ne remet pas directement en question l actuelle représentativité du CAI, mais il signale que le CAI s est retiré volontairement de l instance de coordination du parlement du peuple mapuche. Il s est ainsi lui-même exclu des mécanismes de représentativité auxquels non seulement il participait autrefois, mais qu il avait aussi contribué à mettre en place.
  101. 75. Le comité considère, d un côté, qu en s éloignant du parlement mapuche le CAI a renoncé au meilleur moyen de défendre les droits des indigènes et d élaborer des politiques pour ces populations que la loi provinciale no 2287 lui ait reconnu. Le comité considère, par ailleurs, que les peuples indigènes ont le droit de choisir leurs propres institutions représentatives. En renonçant au parlement mapuche, le CAI a renoncé à la possibilité de participer aux organes prévus par la loi provinciale no 2287, mais ceci ne signifie pas, à condition d être réellement représentatif, qu il ait perdu ses droits reconnus par la convention no 169, notamment son droit à être consulté et à participer aux questions susceptibles de concerner directement les communautés qu il représente. Comme l a déjà affirmé le Conseil d administration à d autres occasions: «Vu la diversité des peuples indigènes, la convention n impose pas un modèle d institutions représentatives, l important étant que celles-ci soient le résultat d un processus propre et interne à chaque peuple indigène. Cependant, il est indispensable de s assurer que les consultations ont lieu avec les institutions représentatives des peuples intéressés (Note_7).» Et «... le principe de représentativité est un élément essentiel de l obligation de consultation. [...] il peut être difficile, dans bien des cas, de déterminer qui représente telle ou telle communauté. Néanmoins, sauf consultation adéquate des institutions et organisations indigènes et tribales véritablement représentatives des communautés touchées, la procédure ne répond pas aux exigences de la convention (Note_8).»
  102. 76. Le critère de représentativité est par conséquent une condition essentielle des procédures de consultation et de participation prévues par la convention, entendu comme droit des peuples et communautés indigènes à participer à ces mécanismes à travers les institutions représentatives. Il est fondamental, pour respecter ce critère, que les autorités s assurent que toutes les organisations issues du processus même des peuples indigènes soient convoquées aux procédures de consultation et de participation et que cela conduise à l expression des diverses positions et sensibilités. Le comité ne doit pas préjuger du caractère représentatif ou non du CAI. En revanche, le comité attend que le gouvernement de la province institue des mécanismes de consultation et de participation larges, qui intègrent toutes les institutions représentatives des peuples indigènes en vertu de la convention no 169.
  103. 77. En ce qui concerne les accusations formulées par le plaignant contre le CODECI considéré comme ne représentant qu imparfaitement les intérêts des peuples indigènes, le comité souligne qu il ne lui incombe pas d évaluer les modalités de fonctionnement d une instance représentative ni la question de la légalité ou de l illégalité de ses actions, qui devra être tranchée par des mécanismes prévus par la loi aux niveaux national et provincial.
  104. 78. Concernant l affirmation du gouvernement qui considère que le CODECI exerce les fonctions d instance représentative au sens de l article 12 de la convention, qui dispose que «les peuples intéressés doivent bénéficier d une protection contre la violation de leurs droits et pouvoir engager une procédure légale, individuellement ou par l intermédiaire de leurs organes représentatifs», entendus ici comme organismes représentatifs pour initier des procédures légales et non comme organismes représentatifs en général. La convention ne prévoit pas non plus qu il doit y avoir un seul organisme représentatif capable d initier des procédures légales; par conséquent, le comité considère que tout organisme représentatif désigné par les indigènes devrait jouir de cette possibilité conformément à l article 12 de la convention.
  105. 79. En ce qui concerne le décret no 907 de 2004 qui, d après le plaignant, n aurait pas fait l objet d une consultation adéquate, le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement n apporte pas directement d informations à ce sujet mais se réfère au renoncement par le CAI de fonctions qu il aurait pu exercer.
  106. 80. Le comité considère que, en ce qui concerne la remise en question du décret no 156 signé entre le CODECI et l INAI et la convention signée par le maire d El Bolsón, le comité estime qu il se retrouve à nouveau confronté au même conflit de représentativité. Le comité estime que la légitimité du CODECI provient des mécanismes fixés par la loi, qui établit que les membres indigènes de cette instance sont désignés par l instance coordinatrice du parlement mapuche, de sorte qu il ne peut considérer que l élaboration de ce décret et de cette convention ait enfreint le principe de représentativité mais que, au contraire, chacun a agi dans le cadre des compétences qui lui ont été attribuées légalement. Par ailleurs, le comité note que, dans la mesure où certaines communautés et/ou organisations représentatives ne sont pas intégrées au CODECI, le gouvernement de la province de Rio Negro devrait élargir la consultation et prévoir un mécanisme qui englobe ces organisations en vue de la consultation et de la participation, comme le prévoit la convention no 169, en particulier en ce qui concerne les mesures législatives et administratives susceptibles de les affecter directement, et renvoie au paragraphe 75 du présent rapport.
  107. 81. Le comité se réjouit de l adoption de la loi no 26160 qui suspend les expulsions des communautés indigènes et exige la régularisation des terres qu elles occupent traditionnellement. Il voit là une démarche essentielle pour garantir l application effective des droits des indigènes sur ces terres reconnus par la convention et observe que cette loi marque une nouvelle étape, qui exigera pour sa mise en place des dispositions législatives et administratives. Il note à ce propos que, dans sa requête supplémentaire, le plaignant demande que soient prévues des instances de dialogue incorporant les organisations représentatives du peuple mapuche de la province et où l ensemble des personnes concernées directement puissent participer pleinement et discuter en connaissance de cause, pour pouvoir apporter un consentement qui soit libre et éclairé. Le comité considère qu il est en effet essentiel que toutes les organisations représentatives des peuples ou des communautés puissent participer et être consultées sur les mesures législatives ou administratives susceptibles de les affecter directement, et obtenir ainsi leur accord ou leur consentement. Il note, toutefois, que l article 6 n exige pas de consentement préalable pour que la consultation soit valide mais exige, en revanche, que la consultation recherche le consentement, ce qui implique la mise en place d un processus de dialogue, de véritables échanges et de bonne foi entre les différents interlocuteurs. Le comité attend du gouvernement qu il déploie tous les efforts nécessaires pour que les organisations issues du peuple mapuche puissent participer et contribuer à la régularisation des terres indigènes, comme le prévoit la loi nationale no 26160.
  108. Province de Rio Negro: droits des communautés mapuches (lofs) sur les terres qu elles occupent traditionnellement
  109. 82. Le comité note que les questions qui se posent ici sont celles de la reconnaissance des communautés, des mesures adoptées pour déterminer les terres occupées traditionnellement et, tout particulièrement, de l existence de procédures pour régler la revendication de terres par les peuples intéressés. L article qu il correspond d appliquer ici est l article 14 de la convention no 169, qui prévoit que:
  110. 1. Les droits de propriété et de possession sur les terres qu ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés. En outre, des mesures doivent être prises dans les cas appropriés pour sauvegarder le droit des peuples intéressés d utiliser les terres non exclusivement occupées par eux, mais auxquelles ils ont traditionnellement accès pour leurs activités traditionnelles et de subsistance. Une attention particulière doit être portée à cet égard à la situation des peuples nomades et des agriculteurs itinérants.
  111. 2. Les gouvernements doivent en tant que de besoin prendre des mesures pour identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession.
  112. 3. Des procédures adéquates doivent être instituées dans le cadre du système juridique national en vue de trancher les revendications relatives à des terres émanant des peuples intéressés.
  113. De plus, il convient également d appliquer l article 6 de la convention relatif à la consultation des peuples intéressés, dans la mesure où les procédures adoptées dont il est question à l article 14, paragraphe 3, renvoient à des mesures législatives ou administratives qui doivent faire l objet d une consultation préalable.
  114. 83. Le comité a pris note que des difficultés sont alléguées lorsqu il s agit de faire valoir les droits d occupation traditionnelle reconnus par la Constitution de 1994 et la loi provinciale no 2887, face à la loi provinciale no 279 sur les terres du domaine public et au décret no 967 de 2004 sur les droits de pâture. Sont également alléguées des difficultés par rapport au respect d autres mesures comme l accord sur l inaliénabilité de la propriété domaniale, dont le comité a pris note précédemment, ainsi que des questions de personnalité juridique pour faire valoir les droits sur la terre.
  115. 84. Après avoir pris note des informations apportées par le plaignant, y compris des nombreuses procédures administratives et judiciaires initiées par les communautés pour obtenir la reconnaissance des terres qu elles occupent traditionnellement ou revendiquent comme telles dans la province de Rio Negro, le comité entend que la question principale à laquelle se réfère le plaignant ici est la mise en place de procédures dans le cadre du système juridique national en vue de trancher les revendications relatives à des terres émanant des peuples intéressés, en vertu des dispositions de l article 14, paragraphe 3, de la convention no 169.
  116. 85. A titre d exemple des difficultés rencontrées en la matière, le comité note que, dans le paragraphe 29 du présent rapport, d un côté, le CODECI reconnaît le territoire communautaire du Lof Casiano dans sa disposition no 13/03, tandis que, d un autre côté, le ministère du Gouvernement déroge cette disposition par la résolution no 3892 du 8 novembre 2004, alléguant que, selon la loi no 2287 et le décret no 310/98, le CODECI n est pas compétent pour émettre ce type d acte administratif. Le comité a aussi pris note d autres cas semblables présentés par le plaignant comme la décision Localité Alfredo et autres c. Vila, Herminia et autres/expulsion, no 14012-238-99, du 12 août 2004, qui établit l obligation d épuiser toutes les voies de recours administratif possibles auprès du CODECI, pour seulement après engager une procédure contentieuse administrative.
  117. 86. Le comité a également pris note des allégations du plaignant figurant au paragraphe 30, selon lesquelles la Direction des terres de la province de Rio Negro a appliqué au Lof mapuche Pedraza Melivillo la loi no 279 sur les terres du domaine public, qui établit que l ordre d expulsion est sans appel dans la voie administrative et que, pour ne pas être considéré comme «intrus», seuls certains titres sont valables, notamment le permis d occupation temporaire, le contrat de bail et l acte de vente. Il a aussi pris note de la réponse apportée par le gouvernement au paragraphe 55 du présent rapport, où celui-ci indique qu en juin 2006 l avocat représentant du lof en question, face à la disposition no 83/2006 de la Direction des terres qui prévoyait l expulsion administrative, a demandé l intervention du CODECI, qui a émis la décision no 03/2006, dont l acte administratif n avait pas encore été dicté.
  118. 87. Le comité note aussi que, dans le paragraphe 49 du présent rapport, le gouvernement regrette que l on ne soit pas parvenu jusqu à présent à une articulation efficace entre la Direction des terres de la province de Rio Negro et le CODECI, raison pour laquelle des «permis d occupation temporaires» sont délivrés pour une durée d un an.
  119. 88. Le comité considère ces cas comme des exemples de la complexité des différentes dispositions, organismes et mécanismes en vigueur dans la province de Rio Negro à laquelle les peuples indigènes sont confrontés pour faire valoir leurs droits sur ces terres.
  120. 89. Le comité se réjouit de la déclaration du gouvernement qui affirme que, en cas de constat d occupation traditionnelle des terres du domaine public par des populations indigènes, la norme qui prévaut n est pas la loi provinciale no 279 ni le décret no 907/04, mais la loi nationale sur les indigènes non seulement parce que celle-ci régit spécifiquement la question, mais aussi en raison de sa portée nationale, qui la place hiérarchiquement au-dessus de la loi provinciale no 279.
  121. 90. Par ailleurs, le comité a pris note précédemment des cas d application de cette loi et a pris note également de la déclaration du gouvernement selon laquelle la loi no 279 n enfreint pas les droits des indigènes, ce que peut en revanche faire une interprétation erronée ou vaste de cette loi.
  122. 91. Le comité note, cependant, que la promulgation de la loi no 26160 vise à empêcher les exclusions et à régulariser les terres occupées traditionnellement et constitue une nouvelle voie pour régler les difficultés. Le comité a également pris note que le plaignant sollicite que soient prévues des instances de dialogue sur la mise en ÷uvre de la loi d urgence qui intègrent les organisations représentatives des peuples mapuches de la province. Après avoir pris note de l application de la loi no 279 sur les terres des peuples indigènes, de l intense activité administrative et judiciaire de certains cas, dont il a eu connaissance, et des nouvelles possibilités offertes par la loi no 26160, le comité considère que le gouvernement devrait déployer de réels efforts afin d identifier, avec la participation des peuples indigènes, les difficultés rencontrées dans les procédures de régularisation des terres et instituer des procédures adéquates, rapides et facile d accès, qui répondent aux exigences de l article 14, paragraphe 3, de la convention no 169. Le comité constate que la loi no 26160 est entrée en vigueur le 1er novembre 2006 pour une durée de quatre ans. Il espère ainsi que le gouvernement multipliera ses efforts pour progresser rapidement vers la détermination et la régularisation des terres que les communautés indigènes occupent traditionnellement.
  123. 92. Taxe pour usage de la terre. Décret no 967/04. Le comité note que, selon le paragraphe 26 du présent rapport, les intégrants de la communauté mapuche de Rio Chico Abajo, à qui l INAI a reconnu la personnalité juridique, ont reçu des avis de retard de paiement de leurs droits de pâture, ainsi que des demandes de renouvellement de leurs permis d occupation temporaires en tant que «fiscaleros». Le comité se réjouit de constater que l INAI s est adressé à la Direction des terres de la province de Rio Negro pour lui demander de bien vouloir suspendre ces réclamations de paiement de taxes pour usage des terres faites aux communautés indigènes. L INAI a également signalé que le retard pris dans l exécution du projet en question était imputable aux organismes de la province CODECI et que les communautés (et leurs membres), dont les terres n auraient pas été régularisées, ne devraient pas en subir les conséquences. Le comité espère que le gouvernement multipliera les efforts pour que la province de Rio Negro soit en mesure de trouver une solution à cette question en traitant le problème de façon uniforme, conformément à la demande de l INAI.
  124. 93. Personnalité juridique et convention no 156/1 de 2000 signée par l INAI et la province de Rio Negro. Le comité a pris note du document transmis par le plaignant dans l annexe 25 de sa première requête portant sur la question de la personnalité juridique des communautés indigènes de la province de Rio Negro, convention no 156/1. Le comité note également que, selon le gouvernement, le document qui a été transmis ne coïncide pas avec le texte original de la convention no 156/1 joint par le gouvernement. En effet, à travers cette convention no 156/1, l INAI et la province de Rio Negro se sont mis d accord pour simplifier les exigences préalables à la reconnaissance de la personnalité juridique des communautés qui en font la demande. La convention prévoit les conditions suivantes: a) note de demande de personnalité juridique présentée par la communauté; b) emplacement de la communauté, accompagné d un simple croquis où figurent les terres qui pourraient se voir concernées à l avenir par la titularisation communautaire; c) description des règles de fonctionnement et des mécanismes de désignation et de révocation des autorités, qui devront être approuvés par la Direction générale des personnes juridiques; d) bref rappel des éléments certifiant l origine ethnique, culturelle et historique de la communauté, avec présentation des documents disponibles; e) liste des membres de la communauté ayant un lien de parenté; et f) mécanismes d intégration et d exclusion des membres. Le comité note que le document présenté par le plaignant ne correspond pas à la convention no 156/1 mais est un document portant comme en-tête les noms de la province de Rio Negro, du ministère du Gouvernement et du CODECI, et que celui-ci se réfère à la convention no 156/1, où les explications qui y sont fournies augmentent le degré de complexité des exigences. Il note également que la convention no 156/1 reconnaît à l INAI, dans son alinéa 7, le pouvoir d exercer un contrôle sur les procédures et les inscriptions devant être réalisées à chaque fois qu il l estimera nécessaire. Le comité espère que l INAI fera en sorte que les dispositions de la convention soient respectées au pied de la lettre et selon l esprit dans lequel elle a été conclue.
  125. 94. Concernant les affirmations du plaignant à propos du manque de protection des communautés dispersées, le comité note que, tel que l indique le gouvernement dans le paragraphe 49, les populations dispersées ont elles aussi accès aux procédures de réclamation. Le comité espère toutefois que cette question sera abordée dans le cadre de la mise en place de la loi no 26160, en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes.
  126. Certificats de marquage et d identification
  127. 95. Le comité observe que le problème posé ici est l octroi de certificats de marquage et d identification du bétail (titres de propriété du bétail) qui dépend des titres de propriété, loyer ou permis d occupation temporaires exigés par la loi. Cette politique conduit à exclure systématiquement les éleveurs mapuches qui exercent des activités traditionnelles et dont les terres n ont pas été régularisées. D après le plaignant, cette situation ne garantirait pas à ces derniers un accès égal à l emploi, qui est en l occurrence pour eux une activité traditionnelle. Les articles de la convention qui s appliquent ici sont les articles 20, paragraphe 2, et 23, paragraphe 1.
  128. Article 20, paragraphe 2
  129. Les gouvernements doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter toute discrimination entre les travailleurs appartenant aux peuples intéressés et les autres travailleurs,
  130. Article 23, paragraphe 1
  131. L artisanat, les industries rurales et communautaires, les activités relevant de l économie de subsistance et les activités traditionnelles des peuples intéressés, telles que la chasse, la pêche, la chasse à la trappe et la cueillette, doivent être reconnus en tant que facteurs importants du maintien de leur culture ainsi que de leur autosuffisance et de leur développement économiques. Les gouvernements doivent, avec la participation de ces peuples, et, s il y a lieu, faire en sorte que ces activités soient renforcées et promues.
  132. 96. Le comité note que, d après le plaignant, l élevage est une activité traditionnelle du peuple mapuche nécessaire à sa subsistance, ce que le gouvernement ne conteste d ailleurs pas. Le comité note également que l exigence faite à l ensemble des éleveurs, de façon indifférenciée, de détenir un titre de propriété ou plus généralement un justificatif d occupation légale pour obtenir un titre de propriété sur le bétail à disposition (certificats de marquage et d identification) est une condition que les Mapuches ne seront pas en mesure de remplir tant que leurs terres n auront pas été régularisées.
  133. 97. Le comité constate les progrès réalisés en Argentine, depuis l entrée en vigueur de la Constitution de 1994, et est conscient de l engagement pris par le gouvernement en matière de régularisation des terres, qui s est traduit par l adoption de la loi no 26160 qui suspend les expulsions des communautés indigènes et exige qu il soit procédé au relevé cadastral des terres en vue de leur régularisation. Le comité note que, selon le gouvernement, ces exigences ne sont pas discriminatoires, dans la mesure où, comme il l affirme, la nature indigène de ces communautés n est en aucun cas à l origine des difficultés rencontrées au niveau provincial pour obtenir ces certificats. Le comité ne remet absolument pas en cause cette déclaration du gouvernement mais note, toutefois, qu il peut y avoir discrimination sans que celle-ci ne soit nécessairement intentionnelle. Le concept de discrimination ne couvre pas uniquement les cas de discrimination directe, mais aussi les cas de discrimination indirecte. La discrimination indirecte renvoie aux conditions, réglementations, critères ou pratiques apparemment neutres qui s appliquent à tous indifféremment, mais qui en réalité ont un impact négatif démesuré sur certaines personnes. Par conséquent, le comité considère que le fait d exiger des titres de propriété ou les permis d occupation légale pour l obtention de certificats de marquage et d identification du bétail constitue une forme de discrimination indirecte envers les éleveurs indigènes.
  134. 98. De plus, si l on considère qu il s agit d une occupation traditionnelle, le comité rappelle que l article 23, paragraphe 1, de la convention prévoit que «les gouvernements doivent, avec la participation de ces peuples, et, s il y a lieu, faire en sorte que ces activités soient renforcées et promues». De même, l article 2 de la convention précise qu «il incombe aux gouvernements [ ] de développer une action coordonnée et systématique [qui vise notamment à] promouvoir la pleine réalisation des droits sociaux, économiques et culturels de ces peuples, dans le respect de leur identité sociale et culturelle, de leurs coutumes et traditions et de leurs institutions».
  135. 99. Le comité note qu il reste encore, selon le gouvernement, beaucoup de terres à régulariser et que la question des certificats de marquage et d identification a des effets négatifs sur cette question. Le comité se réjouit de la déclaration du gouvernement qui reconnaît que la loi no 26160 constitue un bon moyen pour revoir la procédure d octroi de certificats et que la province sera sans doute amenée à reconsidérer la question en adoptant une politique différenciée vis-à-vis des membres des communautés indigènes. Ayant pris note que l article 13 du décret réglementaire d application no 1888 de la loi sur le marquage et l identification dispose (en réglementant l article 13 de la loi) que les membres des communautés indigènes peuvent obtenir un certificat moyennant une attestation d appartenance à un groupement indigène émise par leur chef, le comité considère que cette disposition devrait être prise en compte dans la révision de la procédure. Considérant qu il reste encore beaucoup de terres à régulariser, et tenant compte de la déclaration du gouvernement selon laquelle la province devra réexaminer la question, ainsi que de sa volonté affichée d appliquer la convention, le comité considère qu il faut adopter rapidement des mesures pour ne plus exiger aux membres des populations indigènes des titres de propriété ou d autres titres prévus dans l article 13 pour obtenir des certificats. Il considère par ailleurs que, puisque la propriété des terres est régularisée, il faudrait adopter des mesures transitoires, avec la participation des peuples intéressés, pour que les éleveurs indigènes puissent accéder aux certificats de marquage et d identification et exercer ainsi leur activité d éleveurs dans des conditions d égalité.
  136. D. Recommandations du comité
  137. 100. Au vu des conclusions qui précèdent (paragr. 60 à 99), le comité recommande au Conseil d administration:
  138. a) de demander au gouvernement de poursuivre ses efforts pour renforcer le Conseil de participation indigène et s assurer que toutes les communautés indigènes et les institutions que celles-ci considèrent représentatives soient convoquées aux élections des représentants des populations indigènes organisées dans toutes les provinces du pays;
  139. b) de demander au gouvernement d organiser des consultations sur les projets auxquels il se réfère aux paragraphes 12 et 64 du présent rapport et de prévoir des mécanismes de consultation auprès des populations indigènes chaque fois qu il prévoit d adopter des mesures législatives ou administratives susceptibles de les affecter directement. Pour être efficace et significative, la consultation devra se faire avec suffisamment d anticipation;
  140. c) de demander au gouvernement de garantir, dans le cadre de la mise en ÷uvre de la loi no 26160, la consultation et la participation de toutes les communautés et institutions réellement représentatives des peuples indigènes susceptibles d être directement affectées;
  141. d) de demander au gouvernement de garantir, dans le cadre des compétences Etat/provinces partagées, la mise en place dans la province de Rio Negro de mécanismes de consultation et de participation efficaces, avec l ensemble des organisations réellement représentatives des peuples indigènes, selon ce qui est établi aux paragraphes 75, 76 et 80 du présent rapport, et en particulier du processus de mise en ÷uvre de la loi nationale no 26160;
  142. e) de demander au gouvernement de multiplier ses efforts, dans le cadre de la mise en ÷uvre de la loi no 26160, pour identifier, en consultation et avec la participation des peuples indigènes de la province de Rio Negro: 1) les difficultés rencontrées dans les procédures de régularisation des terres et d élaboration d un processus d accès rapide et facile qui réponde aux exigences de l article 14, paragraphe 3, de la convention; 2) la question des droits de pâture conformément aux dispositions du paragraphe 92 de cette réclamation; 3) les problèmes liés à la reconnaissance de la personnalité juridique; et 4) la question des communautés dispersées et de leurs droits sur les terres qu elles occupent;
  143. f) de demander au gouvernement de déployer ses efforts pour que des mesures soient adoptées, dans la province de Rio Negro, avec la participation des peuples intéressés, afin que les éleveurs indigènes puissent obtenir facilement des certificats de marquage et d identification et puissent, ainsi, exercer leur activité d éleveurs dans des conditions d égalité et que cette activité soit renforcée, dans les termes prévus par l article 23 de la convention; et
  144. g) d inviter le gouvernement à transmettre des informations au Bureau sur la mise en ÷uvre des points précédents en vue de son examen par la Commission d experts pour l application des conventions et recommandations.
  145. 101. Le comité demande au Conseil d administration d adopter le présent rapport, en particulier son paragraphe 100, et de déclarer close la présente procédure.
  146. Genève, le 12 novembre 2008.
  147. (Signé) M. R. Estrela de Carvalho
  148. Président
  149. M. J. A. De Regil
  150. M. J. R. Gómez Esguerra
  151. Points appelant une décision: paragraphe 100; paragraphe 101.
  152. Note 1
  153. Il indique que le Conseil de tutelle indigène (CAI) et les communautés suivantes n ont pas été convoqués: Lof Villar Cayumán (localité Quili Bandera), Lof Casiano Epugmer (localité Quetrequile), communauté Kom Kiñe Mú (localité Arroyo las Minas), communauté Juan Pichón (localité Cuesta del Ternero), communauté Newen Twain Kom (localité Fitamiche, Lof Mariano Epulef (localité Anecón Chico), Lof Ponce (localité Carri Laufquen), Lof Seguel (localité Carri Laufquen), Lof Antual Albornoz (localité Carri Laufquen), Lof Pedraza-Melivilo (localité Carri-Laufquen), communauté Mapuche Sayhueque (localité Colitoro), Lof Paillecheo (localité el Caín); Lof Lleiful-Cayumil (localité Vaca Laufquén), communauté Rio Chico Abajo.
  154. Note 2
  155. Il indique que diverses communautés du peuple guarani n ont pas été convoquées, comme celle d El Tabacal, d Iguopegenda, de Campo Chico, d Algarrobito et d Iyigua Pentirami.
  156. Note 3
  157. L acte informe que la réunion a été présidée par les autorités issues et représentatives des communautés et organisations de toute la province, notamment: Longko José Collueque; Longko Lucerinda Cañumil; Longko Benito López, Lonco Huenchupan Alejandro et Lucas Huentenao, et les représentants des communautés: Kona Niyeu; Limi Niyeu; Arroyo Tembrao; Somuncurá; Putren Tuli Mahuida; Kintul Follil; Leufuche; Guaytecas; Ellel Quimun; Quiñe Trau Peñi; Yamaniyeu; Makun Chao; Fisc Menuco Nehuen; Evriloche; Lolog Mahuida; Kme Piuque Mapu; Rio Chico; Paso de los Molles; Fta Ruin; Pichi Leufu; Pillahuinco; Yuquiche; Peñi Mapu; Epu Katan Mahuida; Blancura Centro; Painefil; Wiritray; Pilquiniyeu del Limay; Tekel Mapu; Monguell Mamull; Cme. Queche; Atraico; Colan Conue; Anekon Grande; Ngepun Curra; Jacobacci; Tripay Antu; Rincón del Manzano; Cañumil et Kme Mapu.
  158. Note 4
  159. Italique ajouté.
  160. Note 5
  161. La commission [ ] note qu afin d examiner les questions soulevées dans les derniers commentaires de la commission le gouvernement a sollicité l assistance technique du Bureau, accordée les 11 et 12 septembre 2006. La Direction des affaires internationales, du ministère du Travail, et le Bureau ont examiné la nécessité d un renforcement des bases institutionnelles qui permettent une meilleure application de la convention, notamment des instances compétentes pour mener une politique coordonnée et systématique (articles 2 et 33 de la convention) et des instances de consultation et de participation. Ils ont également abordé la question de la représentativité. La commission note avec un intérêt particulier, d après le rapport, que le gouvernement a adopté et prévu différentes mesures pour atteindre progressivement les objectifs fixés.
  162. Note 6
  163. 4. Articles 6, 2 et 33. La commission note qu afin de garantir la participation des indigènes à la commission chargée de mettre la législation en conformité avec la convention no 169 des procédures de participation sont définies actuellement. En ce sens, le pouvoir exécutif, à travers l INAI, a encouragé la constitution d un Conseil de participation indigène (CPI). D après le rapport, ce conseil est formé de représentants des peuples indigènes de chaque province; les représentants ont eux-mêmes été élus par des assemblées de représentants des communautés. La seconde étape consistera en la création du conseil de coordination prévu par la loi no 23302, où siégeront des représentants des ministères de l Intérieur, de l Economie, du Travail, de l Education et de la Justice, des représentants des provinces et des représentants des peuples indigènes par le biais du CPI. Le conseil de coordination sera chargé, entre autres, de contrôler le Registre national des communautés indigènes, de mettre en évidence les problèmes et de fixer un ordre de priorité pour leur trouver une solution et d élaborer le programme d activités de l INAI à moyen et long terme. Lors de la première rencontre nationale du CPI, un bureau de coordination des représentants a été créé sur une base régionale.
  164. Note 7
  165. Document GB.289/17/3, paragr. 102.
  166. Note 8
  167. Document GB.282/14/2, paragr. 44.
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