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RECLAMATION (article 24) - PARAGUAY - C026 - 1995

1. Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT)

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Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation présentée par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT alléguant l'inexécution par le Paraguay de la convention (no 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928

Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation présentée par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT alléguant l'inexécution par le Paraguay de la convention (no 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. I. Introduction
  2. 1. Dans une communication du 21 avril 1994, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) a présenté une réclamation en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail alléguant l'inexécution par le gouvernement du Paraguay de la convention (no 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928.
  3. 2. Le Paraguay a ratifié le 24 juin 1964 la convention (no 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928, laquelle, conformément au paragraphe 2 de son article 7, est entrée en vigueur un an plus tard, soit le 24 juin 1965.
  4. 3. Les dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail relatives à la présentation de réclamations sont les suivantes:
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause, et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. La procédure à suivre en cas de réclamation est régie par le règlement révisé par le Conseil d'administration à sa 212e session (mars 1980).
  10. 5. En vertu de l'article 2, paragraphe 1, de ce règlement, le Directeur général a transmis la réclamation au bureau du Conseil d'administration.
  11. 6. A sa 261e session (novembre 1994), le Conseil d'administration, se fondant sur le rapport présenté par son bureau, a décidé que la réclamation était recevable et a désigné un comité chargé de l'examiner, composé de M. Antonio Ducreux (membre gouvernemental, Panama; président), M. Walter Durling (membre employeur) et M. Richard Falbr (membre travailleur).
  12. 7. Conformément aux dispositions de l'article 4, paragraphe 1, alinéas a) et c) du règlement, le comité a invité le gouvernement à fournir avant le 28 février 1995 les renseignements qu'il jugerait opportuns au sujet de la réclamation.
  13. 8. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une lettre datée du 10 avril 1995. Le comité s'est réuni à Genève le 6 novembre 1995 afin d'examiner la réclamation ainsi que les observations reçues.
  14. II. Examen de la réclamation
  15. 1. Allégations présentées par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT)
  16. 9. La Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) affirme que le gouvernement du Paraguay n'a pas assuré l'application de la convention (no 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928, et en particulier du paragraphe 2(3) de l'article 3, qui dispose que "les taux minima de salaire qui auront été fixés seront obligatoires pour les employeurs et travailleurs intéressés; ils ne pourront être abaissés par eux ni par accord individuel ni, sauf autorisation générale ou particulière de l'autorité compétente, par contrat collectif". Se fondant sur divers faits survenus en 1994 dans l'entreprise de production de café EXIMPORA SA, la CLAT estime qu'il existe au Paraguay une violation continue de l'obligation de paiement du salaire minimum, ce qui porte atteinte aux droits des travailleurs.
  17. 10. D'après la réclamation, les faits sont les suivants: en décembre 1992, selon les informations fournies par la Centrale nationale des travailleurs du Paraguay (CNT) à la CLAT, l'entreprise EXIMPORA SA, située dans la zone de Cuero Fresco (Horqueta), a licencié 200 travailleurs, dont les membres du syndicat, et ceux-ci ont été remplacés par des travailleurs brésiliens qui perçoivent généralement des salaires inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans le pays. Depuis, licenciements et autres infractions ont continué dans l'entreprise et, en 1994, le secrétaire général du Syndicat des travailleurs d'EXIMPORA a été licencié. Parallèlement, le 21 mars de la même année, en application de la décision judiciaire de licenciement, le juge de la localité a ordonné que les travailleurs licenciés et leurs familles soient expulsés des logements, situés sur la propriété de l'entreprise, qu'ils occupaient.
  18. 11. Le 13 avril 1994, trois travailleurs ont entamé une grève de la faim devant le ministère de la Justice et du Travail pour protester contre ces mesures et réclamer le paiement effectif des salaires minima dans l'entreprise EXIMPORA SA.
  19. 12. En guise de preuve du non-paiement des salaires minima dans l'entreprise EXIMPORA, la CLAT a joint à sa communication la feuille de paie de M. Roque Jacinto Arego, d'où il ressort qu'en mars celui-ci a touché au total 146 847 guaraníes. A cette date, le salaire minimum légal était de 300 000 guaraníes (au taux de change officiel, 1 dollar des Etats-Unis valait 1 800 guaraníes). Selon la CLAT, non seulement le salaire perçu par ce travailleur n'est pas conforme à l'article 3, paragraphe 3, de la convention, mais il ne lui permet pas de satisfaire ses besoins essentiels.
  20. 2. Observations du gouvernement
  21. 13. Dans sa communication du 10 avril, le gouvernement indique que le Code du travail, au chapitre II, prévoit et réglemente le salaire minimum, il le définit et il détermine son mode de fixation et les cas dans lesquels il peut être modifié en fonction des conditions économiques et des variations du coût de la vie. Le gouvernement signale que l'article 252 du Code prévoit la création d'un organisme tripartite, le Conseil national des salaires minima, qui, à ce jour, n'a pu être constitué du fait que la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) et la Centrale nationale des travailleurs (CNT) n'ont pas désigné leurs représentants. Cependant, conformément à l'article 256 du Code du travail, le gouvernement, compte tenu de la hausse de plus de 10 pour cent du coût de la vie et donc de la baisse, du pouvoir d'achat de la population, a promulgué le 11 juillet 1994 le décret no 4598 prévoyant le relèvement du barème des salaires minima.
  22. 14. Au vu des observations qui précèdent, le gouvernement considère qu'il n'a pas enfreint les dispositions de l'article 1, paragraphe 1, de la convention (no 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928.
  23. III. Conclusions du comité
  24. 15. Dans sa communication du 10 avril 1994, le gouvernement indique que son action est conforme aux dispositions de la législation du travail en vigueur dans le pays. Le comité rappelle que la question de la conformité de l'action gouvernementale à la législation nationale ne relève pas de sa compétence, mais qu'il lui appartient d'examiner l'application, tant sur le plan législatif que dans la pratique, de la convention no 26 ratifiée par le Paraguay. La situation relative à cette convention est donc examinée ci-après.
  25. 16. L'objectif de la convention no 26, aux termes de l'article 1, paragraphe 1, consiste "à instituer ou à conserver des méthodes permettant de fixer des taux minima de salaire pour les travailleurs employés dans des industries ... où il n'existe pas de régime efficace pour la fixation des salaires par voie de contrat collectif ou autrement et où les salaires sont exceptionnellement bas", c'est-à-dire à éviter que soient payés des salaires anormalement bas. Pour cela, il ne suffit pas d'adopter des mesures législatives pour établir un système de salaire, il faut en outre que ce système fixe des taux de salaire effectifs qui s'appliquent aux travailleurs intéressés (Note 1). A cet effet, la convention no 26 dispose:
  26. a) que les taux minima de salaire seront obligatoires et ne pourront être abaissés par accord individuel (article 3, paragraphe 2(3));
  27. b) qu'un système de contrôle et de sanctions doit être mis en place pour garantir que les taux soient connus et que les salaires versés ne soient pas inférieurs à ces taux (article 4, paragraphe 1);
  28. c) que tout travailleur ayant perçu un salaire inférieur aux taux minima a le droit de recouvrer le montant de la différence dans un délai fixé (article 4, paragraphe 2).
  29. Toutes ces obligations sont complémentaires et leur exécution permet d'assurer au travailleur l'obtention effective d'un véritable salaire minimum.
  30. 17. En l'occurrence, la CLAT a présenté une réclamation pour non-respect de l'article 3, paragraphe 2(3), de la convention, article garantissant le droit de percevoir les "taux minima de salaire qui auront été fixés", en excluant la possibilité que ces taux soient abaissés par accord individuel.
  31. 18. L'examen de la législation nationale en vigueur ainsi que des observations que le gouvernement a communiquées au comité fait ressortir que la Constitution paraguayenne comme le Code du travail comportent des normes permettant de donner effet à l'ensemble des obligations contenues dans la convention. En effet, l'article 92 de la Constitution dispose que "tout travailleur a droit à une rémunération qui lui permette, à lui et à sa famille, de vivre dans la liberté et la dignité. La loi consacre le salaire vital, minimum et mobile ...". Ce droit est explicité dans les articles 249 à 260 du Code du travail qui établissent non seulement que tout travailleur a droit à un salaire minimum (article 257) mais aussi que "la fixation du salaire minimum modifie d'office les clauses des contrats de travail prévoyant un salaire inférieur", en précisant que "sera nulle de plein droit toute clause contractuelle prévoyant un salaire inférieur au minimum légal" (article 259). Le même article prévoit que "tout travailleur qui aurait reçu un salaire inférieur au minimum fixé est en droit de réclamer à son employeur le complément qui lui reste dû. L'Administration du travail fixera un délai pour le recouvrement de ce complément, délai qui ne saurait excéder trente jours." Par ailleurs, sans préjudice des autres mesures prévues par le Code (article 384), l'article 390 dispose que "les employeurs qui paient à leurs travailleurs des salaires inférieurs au minimum légal ou au montant établi par convention collective sont passibles d'une amende représentant trente jours de salaire au minimum, pour chaque travailleur lésé, et le double en cas de récidive". La mission de veiller à l'application des conditions fixées par les lois et règlements du travail et à l'exécution des obligations prévues par le Code du travail est confiée à l'inspection du travail en vertu du décret no 3286 du 4 mars 1964, qui confère à cet organe de contrôle le pouvoir de réaliser les enquêtes nécessaires pour déceler les infractions et saisir l'Administration du travail (Direction du travail).
  32. 19. Vu les articles susmentionnés, le comité estime que la législation nationale consacre les obligations énoncées dans la convention no 26 et prévoit des mécanismes pour garantir l'application de cette convention, et en particulier de l'article 3, paragraphe 2(3), objet de la réclamation. Le comité considère que le problème n'est pas que la législation nationale comporte des lacunes ou est incompatible avec la convention mais, comme le suggère la réclamation de la CLAT, que les obligations prévues par la convention ne sont pas respectées dans la pratique.
  33. 20. Dans sa réclamation, la CLAT affirme, preuve à l'appui (feuille de paie jointe), que l'entreprise EXIMPORA SA n'a pas respecté les normes nationales relatives au salaire minimum, et donc, par extension, les dispositions de l'article 3, paragraphe 2(3), de la convention no 26. Le comité note qu'il ressort de diverses études réalisées sous les auspices de l'OIT portant sur les relations de travail au Paraguay (Note 2) que la situation dénoncée par la CLAT n'est qu'un exemple parmi d'autres de l'inexécution généralisée des obligations consacrées par la convention.
  34. 21. Selon ces études, de l'avis des différents analystes, 42 pour cent seulement des salariés perçoivent un montant égal ou supérieur au salaire minimum, le Paraguay étant considéré comme le seul pays du MERCOSUR où le salaire minimum relève "davantage d'une aspiration que d'un droit effectif". D'ailleurs, le salaire minimum légal et son application effective figurent parmi les questions les plus conflictuelles qui se posent dans le cadre des relations professionnelles. Ainsi, certaines des grèves qui ont été déclenchées en 1994 visaient à réclamer l'exécution de cette obligation. Ainsi en est-il, par exemple, de la grève observée par le personnel civil de l'arsenal de la marine, qui se plaignait de recevoir seulement entre 180 000 et 200 000 guaraníes par mois, c'est-à-dire moitié moins que le salaire minimum officiel en vigueur (Note 3).
  35. 22. Au vu des informations qui précèdent, le comité estime que l'article 3, paragraphe 2(3), et l'article 4 de la convention no 26 n'ont pas été appliqués, étant donné que les taux minima de salaire rendus obligatoires par la loi ont été abaissés par décision unilatérale et que n'a pas été entamée la procédure définie à l'article 390 du Code du travail, qui prévoit l'imposition d'amendes en cas d'inexécution de l'obligation de verser le salaire minimum.
  36. 23. Afin de remédier à cette situation et en relation avec les dispositions des articles 3, paragraphe 2(3), et 4 de la convention no 26, le comité prie le gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour garantir l'exécution des obligations prévues, en mettant en application les mesures prévues par la législation nationale, conformément aux prescriptions en matière de contrôle et de sanctions qui sont énoncées à l'article 4 de la convention.
  37. 24. Par ailleurs, en ce qui concerne l'observation formulée par le gouvernement, à savoir que l'organe tripartite prévu par la loi (Conseil national des salaires) n'a pas été constitué, le comité, eu égard aux dispositions de l'article 3, paragraphe 2, de la convention no 26, souligne la nécessité pour le gouvernement de garantir la participation des représentants des travailleurs et des employeurs à la fixation des salaires minima. Le comité considère que la création effective de cette institution, conformément aux dispositions des articles 252 et 253 du Code du travail (Note 4), faciliterait la fixation de barèmes de salaires adaptés à la réalité et, en outre, permettrait de mieux connaître la situation dans le pays en ce qui concerne le salaire minimum.
  38. 25. Afin de vérifier les progrès accomplis dans l'exécution des obligations découlant de la convention no 26, le comité prie le gouvernement de communiquer, dans son prochain rapport sur l'application de la convention, des données statistiques et documentaires relatives à l'application de cet instrument. De même, le gouvernement devra, dans les rapports qu'il présentera, indiquer les mesures adoptées aux niveaux national et sectoriel pour assurer l'application de l'article 3, paragraphe 2(3), ainsi que de l'article 4 de la convention.
  39. IV. Recommandations du comité
  40. 26. Le comité recommande au Conseil d'administration:
  41. a) d'approuver le présent rapport, et en particulier les conclusions formulées aux paragraphes 19 à 25, à savoir que l'obligation de verser un salaire minimum aux travailleurs n'est pas respectée, ce qui contrevient aux dispositions indiquées de la convention (no 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928;
  42. b) d'inviter le gouvernement du Paraguay, compte tenu des conclusions formulées aux paragraphes 23 à 25, à prendre les mesures nécessaires pour:
  43. i) veiller à ce que la législation en la matière, et particulièrement les dispositions du Code du travail relatives aux salaires minima, soit appliquée conformément aux mécanismes et procédures prévus par la législation nationale;
  44. ii) veiller à ce que les organes nationaux de contrôle chargés de surveiller l'application des normes relatives au salaire minimum exercent leurs activités conformément aux dispositions de la législation nationale;
  45. iii) veiller à ce que l'Autorité administrative du travail prenne les mesures nécessaires pour que le complément dû aux travailleurs auxquels un salaire inférieur au salaire minimum a été payé leur soit versé;
  46. c) d'inviter le gouvernement du Paraguay à inclure, dans les rapports sur l'application de la convention no 26 qu'il est tenu de présenter en vertu de l'article 22 de la Constitution, des informations complètes sur les mesures adoptées, conformément aux recommandations indiquées ci-dessus, pour assurer le respect de cette convention et permettre à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de poursuivre l'examen de cette question;
  47. d) de déclarer close la procédure engagée par la présente réclamation.
  48. Note 1
  49. Voir Salaires minima. Méthodes de fixation, application et contrôle. Etude de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT, Conférence internationale du Travail, 79e session, 1992, rapport III (partie 4B), p. 21.
  50. Note 2
  51. Par exemple, "El derecho laboral del MERCOSUR" (chap. 1.3.1), Institut de droit du travail et de la sécurité sociale, Faculté de droit de l'Université de la République, Montevideo, Uruguay, 1994 (ouvrage publié sous les auspices et la supervision du projet RELASUR); "Relaciones Laborales en el Paraguay", version préliminaire d'un document préparé par RELASUR (à paraître), pp. 9-10 et 200-202.
  52. Note 3
  53. Informativo Laboral, no 90, juin 1994, p. 2.
  54. Note 4
  55. En vertu de l'article 253 du Code du travail, le Conseil national des salaires est notamment habilité à: c) se rendre in corpore ou moyennant l'envoi d'une délégation dans toute entreprise ou tout lieu de travail pour y faire telles constatations qu'il jugerait opportunes ou nécessaires, d) accorder des audiences publiques pour que les parties intéressées y exposent leurs vues, et disposer de tels autres moyens d'enquête qui tendent à fournir des éléments de preuve et d'autres données pertinentes.
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