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RECLAMATION (article 24) - FEDERATION DE RUSSIE - C108 - 1996

1. Syndicat des marins de Russie

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Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation présentée par le Syndicat des marins de Russie, en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant l'inexécution par la Fédération de Russie de la convention (no 108) sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958

Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation présentée par le Syndicat des marins de Russie, en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant l'inexécution par la Fédération de Russie de la convention (no 108) sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. A. Introduction
  2. 1. Par une lettre en date du 16 mars 1995, le Syndicat des marins de Russie, invoquant l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, a présenté une réclamation alléguant l'inexécution par le gouvernement de la Fédération de Russie de la convention (no 108) sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958.
  3. 2. La convention (no 108) sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958, a été ratifiée par l'URSS le 4 novembre 1969, et elle est en vigueur pour la Fédération de Russie.
  4. 3. Les dispositions pertinentes de la Constitution de l'OIT relatives à la présentation de réclamations sont les suivantes:
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourrait être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. La procédure à suivre pour l'examen des réclamations est régie par le règlement révisé adopté par le Conseil d'administration à sa 212e session (mars 1980).
  10. 5. Conformément à l'article 1 et à l'article 2, paragraphe 1, de ce règlement, le Directeur général a accusé réception de la réclamation, en a informé le gouvernement de la Fédération de Russie et l'a transmise au bureau du Conseil d'administration.
  11. 6. A sa 263e session (juin 1995) (Note 1), le Conseil d'administration, sur la recommandation de son bureau, a décidé que la réclamation était recevable et a institué un comité chargé de l'examiner, composé de M. H. Schrama (membre gouvernemental, Pays-Bas, président), de Mlle C. Hak (membre employeur, Pays-Bas) et de M. K. Tapiola (membre travailleur, Finlande).
  12. 7. En vertu de l'article 4, paragraphe 1(c), du règlement, le comité a décidé d'inviter le gouvernement à présenter ses observations au sujet de la réclamation avant le 31 août 1995. Le gouvernement a présenté ses observations par une lettre en date du 22 juin 1995. En outre, par une note verbale du 21 août 1995, la Mission permanente de la Fédération de Russie a transmis une lettre en date du 15 août 1995 dans laquelle le ministère des Transports demandait qu'un représentant du Directeur général entreprenne une mission de contacts directs à Moscou. A sa réunion au cours de la 264e session du Conseil d'administration (novembre 1995), le comité a estimé qu'il serait mieux à même de décider du bien-fondé et de l'opportunité d'une telle mission après avoir procédé à un examen initial quant au fond de la vaste documentation fournie.
  13. 8. Par une lettre en date du 19 janvier 1996, le Syndicat des marins de Russie a fourni de nouvelles informations, à savoir des copies de la correspondance échangée entre le syndicat et le gouvernement, ainsi que des copies de la correspondance interministérielle. Cette information a été transmise au gouvernement afin de lui permettre de présenter ses observations éventuelles.
  14. 9. Le comité s'est réuni en juin et en novembre 1995, et en mars 1996.
  15. B. Examen de la réclamation
  16. I. Allégations présentées par l'organisation plaignante
  17. 10. Le Syndicat des marins de Russie déclare que le nouveau Règlement concernant les passeports des marins, approuvé par le décret gouvernemental no 146 du 24 février 1994 (abrogeant le décret no 997 du 31 décembre 1974), enfreint la convention (no 108) sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958.
  18. 11. L'organisation plaignante note en outre que, en vertu du paragraphe 1 du règlement, seuls les armateurs russes ont le droit de présenter une demande de passeport pour les marins, ce qui constitue une violation du droit de ceux-ci de demander eux-mêmes le document d'identité (art. 2, paragr. 1, de la convention). Elle allègue aussi que les compagnies maritimes qui étaient anciennement des compagnies d'Etat s'efforcent par tous les moyens, en faisant usage de leurs anciennes relations avec les autorités portuaires chargées de délivrer les passeports des marins, d'empêcher la délivrance de ces documents à la demande des bureaux de placement et des armateurs russes privés, ce qui contribue au maintien du bas niveau de rémunération des marins russes et du chômage qui les touche.
  19. 12. L'organisation plaignante a joint à la réclamation une communication du président de l'Association des collectifs de travailleurs des sociétés de placement et des compagnies maritimes de Novorossiisk. Cette lettre affirme que, depuis 1994, le capitaine du port maritime commercial de Novorossiisk refuse de délivrer des passeports de marins à des gens de mer affectés par des membres de l'Association des collectifs de travailleurs des sociétés de placement et des compagnies maritimes de Novorossiisk pour travailler à bord de navires, bien que tous ces marins aient été soumis aux vérifications nécessaires et qu'ils aient reçu une autorisation de navigation internationale. Selon cette lettre, le capitaine du port de Novorossiik protège les intérêts de la compagnie Novoship, compagnie maritime qui était anciennement une compagnie d'Etat, et il s'abstient de coopérer avec d'autres compagnies recrutant des marins en refusant de leur délivrer les passeports de marins qu'elles demandent. L'organisation plaignante estime qu'un passeport de marin est un document d'identité qui permet au marin de faire son métier. Par conséquent, le refus du capitaine du port de Novorossiisk de délivrer des passeports de marins aux marins recrutés par une compagnie autre que la compagnie Novoship constitue une violation du droit constitutionnel au travail de ces marins.
  20. 13. L'organisation plaignante a également adjoint à sa réclamation une communication en date du 1er février 1995 du président de l'organisation régionale du Syndicat des marins de Russie pour la Mer Noire et la Mer d'Azov indiquant que les marins et les compagnies maritimes continuaient de se plaindre de ce que le capitaine du port de Novorossiisk refusait de délivrer des passeports aux marins, y compris à ceux qui étaient affectés à bord des navires.
  21. 14. Selon l'organisation plaignante, en vertu des paragraphes 5 et 7 du règlement, le passeport de marin est délivré pour une période allant jusqu'à cinq ans, mais le titulaire ne peut le conserver que pendant la durée de son engagement à bord d'un navire russe.
  22. 15. L'organisation plaignante estime qu'en vertu de la convention un marin est une personne qui possède les certificats et les diplômes professionnels de marine nécessaires. Cependant, elle allègue que les autorités, notamment le Département des transports maritimes du ministère des Transports, qui a été le principal auteur du texte du règlement, considèrent que selon l'article 1, paragraphe 1 de la convention, un marin est une personne engagée à quelque titre que ce soit à bord d'un navire russe affecté à la navigation internationale. En d'autres termes, selon cette interprétation, seule une personne qui a une relation d'emploi avec un armateur russe peut être considérée comme un marin.
  23. 16. L'organisation plaignante déclare que, contrairement aux dispositions de l'article 1, paragraphe 2, de la convention, le gouvernement n'a pas consulté le Syndicat des marins de Russie lors de l'élaboration du règlement concernant les passeports des marins. En outre, elle fait savoir qu'elle a demandé, sans succès, au gouvernement de mettre ce règlement en conformité avec la convention.
  24. 17. L'organisation plaignante déclare qu'en vertu des paragraphes 6 et 7 du règlement le marin est tenu de déposer son passeport ordinaire lorsqu'on lui délivre un passeport de marin, et qu'à la fin de la période d'engagement il doit rendre son passeport de marin à l'autorité publique compétente. Pendant la période au cours de laquelle les gens de mer sont dessaisis de leur passeport ordinaire, ils sont confrontés à de graves difficultés et doivent surmonter de sérieux obstacles pour continuer à exercer leurs droits civils. En outre, sur le plan pratique, les procédures de délivrance et de reddition des passeports de marins prescrites par le règlement entraînent le versement de droits importants par les gens de mer. L'organisation plaignante estime que le Règlement concernant les passeports des marins prive les marins russes du droit de sortir librement de leur pays pour trouver du travail dans le cadre de leur profession.
  25. 18. Dans sa lettre du 19 janvier 1996, l'organisation plaignante a fourni le texte des conclusions datées du 27 septembre 1995 du Département de l'administration publique et des questions juridiques du Président de la Fédération de Russie au sujet de la conformité du Règlement concernant les passeports des marins et des instructions relatives à son application avec la convention (no 108) sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958.
  26. 19. Dans ses conclusions, le Département de l'administration publique et des questions juridiques du Président de la Fédération de Russie déclare que le Règlement concernant les passeports des marins et les instructions relatives à son application privent le marin de l'exercice de son droit de présenter indépendamment une demande de passeport de marin, puisque ce document ne peut être délivré qu'aux personnes travaillant à bord des navires affectés à la navigation internationale (paragraphe 1 du règlement) et sur demande de l'armateur (paragraphe 3 des instructions). Le Département de l'administration publique et des questions juridiques conclut que ni le règlement ni les instructions ne contiennent de dispositions reflétant l'article 1, paragraphe 2, de la convention et que le paragraphe 3 des instructions enfreint l'article 2, paragraphe 1, de la convention, ainsi que l'article 37 de la Constitution de la Fédération de Russie.
  27. 20. Le Département estime par ailleurs que le paragraphe 7 du règlement et le paragraphe 26 des instructions, qui exigent que le détenteur d'un passeport de marin rende ce document à l'endroit où il lui a été délivré au terme de son engagement sur un navire, enfreignent l'article 3 de la convention.
  28. 21. Le Département de l'administration publique et des questions juridiques fait également référence au paragraphe 6 du règlement qui exige qu'une personne qui reçoit un passeport de marin rende son passeport russe ordinaire à l'endroit où le passeport de marin lui a été délivré. Le Département est d'avis que cette disposition transgresse les droits des gens de mer en tant que citoyens de la Fédération de Russie et leur cause des difficultés considérables dans l'exercice de leurs droits civils.
  29. 22. Le Département de l'administration publique et des questions juridiques ajoute que les organes compétents pour délivrer les passeports des marins retardent parfois la procédure en imposant de lourdes formalités administratives, ce qui déprécie la main-d'oeuvre maritime russe et crée du chômage. En outre, la réglementation actuelle concernant la délivrance et la reddition des passeports de marins donne lieu à des pratiques d'extorsion légalisées dont les gens de mer sont victimes.
  30. 23. Le Département de l'administration publique et des questions juridiques conclut que le Règlement concernant les passeports des marins et les instructions relatives à son application enfreignent la Constitution de la Fédération de Russie et la convention, et que par conséquent, conformément à l'article 115(3) de la Constitution de la Fédération de Russie, ils peuvent être abrogés par son Président. En outre, afin de trouver une solution acceptable aux problèmes mentionnés ci-dessus, il serait souhaitable que le gouvernement de la Fédération de Russie tienne des consultations avec les représentants des armateurs concernés et avec le Syndicat des marins de Russie, conformément à l'article 1, paragraphe 2, et à l'article 4, paragraphe 6, de la convention.
  31. II. Observations du gouvernement
  32. 24. Dans les observations écrites qu'il a présentées en juin 1995, le gouvernement (ministère des Transports) déclare que le Syndicat des marins de Russie interprète très largement la définition du terme "marin" contenue à l'article 1, paragraphe 1, de la convention. Selon le gouvernement, cette interprétation très large aura pour effet d'accroître indûment le nombre des personnes ayant droit à des passeports de marins, de sorte que des citoyens ordinaires seront détenteurs de ces passeports et pourront franchir les frontières même s'ils ne sont pas membres des équipages des navires marchands russes affectés à la navigation internationale.
  33. 25. Le gouvernement déclare que le règlement, approuvé par le décret no 146 du 24 février 1994, n'a jamais causé le moindre problème aux personnes qui travaillent sur des navires marchands russes affectés à la navigation internationale ou qui sont désignés par des armateurs russes pour travailler à bord de navires étrangers. Il s'applique à tous les armateurs enregistrés sur le territoire russe quel que soit le type de propriété du navire.
  34. 26. Le gouvernement ajoute que l'examen des réclamations concernant le refus par le capitaine du port de Novorossiisk de délivrer des passeports de marins à certaines personnes à la demande de compagnies maritimes privées a montré que ces personnes n'étaient pas membres d'un équipage sur un navire marchand russe affecté à la navigation internationale, et que l'ordre de ne pas leur délivrer de passeports de marins n'était pas venu des armateurs, mais d'une entreprise recrutant des spécialistes pour travailler à bord des navires dont les armateurs sont étrangers. En outre, aucun cas n'a été traduit devant un tribunal.
  35. 27. Pour ce qui est des citoyens russes anciens membres d'équipage sur un navire russe et souhaitant quitter le pays pour chercher, soit individuellement, soit par l'intermédiaire d'une agence de placement, un emploi sur un navire étranger, la législation applicable est la loi du 20 mai 1991 relative à la sortie du territoire russe et à l'entrée sur celui-ci de ressortissants russes munis d'un passeport de citoyen pour voyages à l'étranger délivré par le ministère de l'Intérieur de la Fédération de Russie.
  36. 28. Le gouvernement indique que l'objet du Règlement concernant les passeports des marins approuvé par le décret no 146 du 24 février 1994 était d'aligner la législation dans ce domaine sur la Constitution de la Fédération de Russie et d'approuver un nouveau format de passeport de marin avec l'emblème russe. Le ministère des Transports, la Commission des pêcheries, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Intérieur, le Service des frontières fédérales, le Service de la sécurité fédérale, le ministère de la Justice et le Département de l'administration publique et des questions juridiques du bureau du Président de la Fédération de Russie ont rédigé et approuvé ce règlement.
  37. 29. Dans une lettre en date du 6 avril 1994 (transmise par l'organisation plaignante avec sa communication du 16 mars 1995), le Département des transports maritimes du ministère des Transports de la Fédération de Russie a répondu à une requête adressée le 5 mars 1994 par le Syndicat des marins de Russie au Président de la Fédération russe. Dans cette réponse, le Département des transports maritimes est parvenu à la conclusion que l'organisation plaignante n'était pas fondée à invoquer l'article 7 -- relatif à la nécessité d'adresser une notification préalable au Syndicat des marins de Russie avant l'adoption du Règlement sur les passeports des marins -- de la loi de l'URSS sur les syndicats, leurs droits et la protection de leurs activités en date du 10 décembre 1990 (en vigueur au moment où l'organisation plaignante a formulé sa réclamation).
  38. 30. Dans une lettre en date du 21 décembre 1995 fournie par l'organisation plaignante comme complément d'information et accompagnant sa lettre du 19 janvier 1996, le ministère de la Justice indique au Syndicat des marins de Russie que, ayant examiné les conclusions du Département de l'administration publique et des questions juridiques du Président de la Fédération de Russie en date du 27 septembre 1995, il estime que, globalement, le Règlement concernant les passeports des marins ne contrevient pas à la législation de la Fédération de Russie, mais que le paragraphe 6 de ce règlement qui prévoit qu'un marin doit rendre son passeport de citoyen lors de la délivrance d'un passeport de marin va, dans une certaine mesure, à l'encontre de la législation en vigueur et de la Constitution de la Fédération de Russie.
  39. III. Conclusions du Comité
  40. 31. Le Comité note que la situation exposée dans la réclamation porte essentiellement sur l'application des articles 1, 2 (1), 3, 4 (6) et 6 de la convention.
  41. 32. L'article 1 de la convention a la teneur suivante:
  42. Article 1
  43. 1. La présente convention s'applique à tout marin employé, à quelque titre que ce soit, à bord de tout navire autre qu'un navire de guerre, qui est immatriculé dans un territoire pour lequel cette convention est en vigueur, et qui est normalement affecté à la navigation maritime.
  44. 2. En cas de doute quant à la question de savoir si certaines catégories de personnes doivent être considérées comme gens de mer aux fins de la présente convention, cette question sera tranchée, dans chaque pays, par l'autorité compétente, après consultation des organisations d'armateurs et de gens de mer intéressées.
  45. 33. L'article 1 fixe la portée de la convention: il indique au paragraphe 1 qu'elle s'applique à tout marin employé, à quelque titre que ce soit, à bord de tout navire et précise au paragraphe 2 les catégories de personnes pouvant être considérées comme gens de mer aux fins de la convention. Cette décision incombe, dans chaque pays, à l'autorité compétente, après consultation des organisations d'armateurs et de gens de mer intéressées.
  46. 34. L'article 1 a été adopté par la Commission de la Conférence
  47. étant entendu que les mots "tout marin employé, à quelque titre que ce soit, à bord de tout navire" s'appliquent non seulement aux membres de l'équipage effectivement employés à bord d'un navire à un moment donné, mais également à toutes les personnes qui peuvent être considérées véritablement comme des gens de mer au sens de la définition fixée par l'autorité compétente, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de cet article (Note 2).
  48. 35. Le statut de "marin employé à quelque titre que ce soit, à bord de tout navire" n'est donc pas une notion exclusive ou limitative mais correspond plutôt à la définition par l'autorité compétente d'un marin. Si la convention est applicable aux marins, les catégories de personnes auxquelles est accordé ce statut peuvent néanmoins varier selon la décision de chaque autorité compétente. La convention impose que cette décision soit prise à l'issue de consultations avec les organisations concernées. Le comité estime également que la protection accordée par la convention concerne non seulement les marins auxquels a été délivrée une pièce d'identité et qui travaillent sur des navires russes affectés à la navigation maritime, mais également aux marins employés sur des navires immatriculés dans un autre territoire pour lequel cette convention est en vigueur.
  49. 36. Le comité note que l'organisation plaignante a indiqué qu'elle n'avait pas été consultée lors de la préparation du Règlement concernant les passeports des marins. Il conclut que le gouvernement n'a pas rempli les obligations prévues à l'article 1, paragraphe 2, de la convention.
  50. 37. Le comité appelle également l'attention du gouvernement sur l'article 4, paragraphe 6, de la convention qui stipule que "la forme et la teneur exactes de la pièce d'identité des gens de mer seront arrêtées par le Membre qui la délivre, après consultation des organisations d'armateurs et de gens de mer intéressées". Le comité estime qu'en s'abstenant de consulter les organisations d'armateurs et de gens de mer concernées avant l'adoption de ce règlement, le gouvernement a enfreint l'article 4, paragraphe 6, de la convention.
  51. 38. Dans ce contexte, le comité souhaite également attirer l'attention du gouvernement sur l'article 7 de la loi de l'URSS sur les syndicats, leurs droits et la protection de leurs activités du 10 septembre 1990, en vigueur au moment où l'organisation plaignante a formulé sa réclamation et qui dispose expressément que les syndicats ont le droit de participer à la rédaction des instruments législatifs sur les questions de travail ainsi que sur les questions sociales et économiques et que l'adoption des instruments réglementaires ayant une incidence sur les droits et intérêts des travailleurs dans le domaine du travail, le domaine social et le domaine économique devra être notifiée au moins une semaine à l'avance aux syndicats concernés. Ces questions sont désormais régies par la loi de la Fédération de Russie sur les syndicats, leurs droits et la protection de leurs activités du 12 janvier 1996, en vigueur depuis le 20 janvier 1996. L'article 11 de cette nouvelle loi prévoit que les autorités fédérales doivent examiner les projets de loi affectant les droits des travailleurs dans les domaines social et du travail et tenir compte des suggestions des centrales syndicales russes et des organisations qui leur sont affiliées. Cet article dispose également que les autorités locales doivent examiner les projets d'instruments réglementaires relatifs aux droits sociaux des travailleurs et les adopter en prenant en considération l'opinion des syndicats concernés. Enfin, ledit article accorde aux syndicats le droit de soumettre aux autorités fédérales leurs propositions pour l'adoption de lois et d'instruments réglementaires portant sur des questions sociales et du travail.
  52. 39. L'article 2, paragraphe 1, de la convention stipule que
  53. Tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur délivrera, à chacun de ses ressortissants exerçant la profession de marin, sur sa (italique ajouté) demande, "une pièce d'identité des gens de mer conforme aux dispositions prévues à l'article 4 ci-dessous...".
  54. 40. Le paragraphe 1 du Règlement concernant les passeports des marins prévoit que ce passeport sera délivré aux personnes employées sur des navires russes affectés à la navigation internationale ou désignées par l'armateur pour travailler sur un navire étranger. Ce paragraphe prévoit en outre que le passeport de marin est un document officiel certifiant l'identité de son détenteur à l'étranger comme au sein de la Fédération de Russie.
  55. 41. Conformément au paragraphe 2 du Règlement et au paragraphe 3 des Instructions, le passeport de marin peut être délivré par les autorités régionales du ministère des Transports de la Fédération de Russie. Cela inclut les capitaines de port et la direction de l'administration des bassins de transports sur les voies navigables intérieures, ainsi que le Département des transports maritimes et le Département des transports par voies navigables intérieures du ministère des Transports de la Fédération de Russie et la Commission des pêcheries de la Fédération de Russie qui contrôle les navires affectés à la navigation internationale.
  56. 42. Le comité fait remarquer que l'article 2, paragraphe 1, de la convention prévoit que l'autorité compétente délivrera une pièce d'identité des gens de mer aux marins qui en auront fait la demande. Cependant, il note que, conformément aux paragraphes 9 et 10 des Instructions, seul un armateur peut demander les passeports de marins (paragr. 9) et, en pratique, cet armateur doit figurer sur une liste approuvée par les autorités (paragr. 10). Un marin peut préférer faire une demande de pièce d'identité par l'intermédiaire d'un tiers comme un armateur ou une agence de placement, mais il doit pouvoir obtenir ce document personnellement, comme le prévoit l'article 2, paragraphe 1, de la convention. Le comité conclut donc que le Règlement concernant le passeport des marins et les instructions y relatives devraient être modifiés en conséquence.
  57. 43. Quant à la question soulevée par l'organisation plaignante, le comité estime que le refus du capitaine du port de Novorossiisk de délivrer un passeport de marin aux gens de mer recrutés par l'Association des collectifs de travailleurs des sociétés de placement et des compagnies maritimes de Novorossiisk contrevient à l'article 2, paragraphe 1, de la convention.
  58. 44. L'article 3 de la convention stipule que:
  59. La pièce d'identité des gens de mer sera conservée en tout temps par le marin.
  60. 45. Selon le paragraphe 7 du Règlement et les paragraphes 14 et 26 des Instructions concernant les passeports des marins, l'intéressé, lorsqu'il reçoit un passeport de marin, doit remettre en échange son passeport de citoyen russe. A la fin de son engagement à bord d'un navire, il lui faudra rendre le passeport de marin, et son passeport de citoyen lui sera restitué. Le passeport de marin sera alors détruit (paragr. 26 des Instructions) par les autorités.
  61. 46. Le comité note que l'organisation plaignante indique que, pour chaque voyage, la procédure de délivrance et de restitution du passeport de marin implique le paiement de droits déraisonnables et excessifs. (Le Département de l'administration publique et des questions juridiques du Président parle de "lourdes formalités administratives".) De plus, l'organisation plaignante indique que le règlement national fait obstacle au droit du marin de quitter librement le pays pour rechercher un emploi à l'étranger. A cet égard, le comité est d'avis que l'esprit de la convention n'est pas respecté si l'obtention de ce document fait l'objet de longues procédures bureaucratiques ou suppose le paiement de tels droits. Le comité prie le gouvernement de faire en sorte que ni la procédure ni le montant des droits ne fassent obstacle à la délivrance des pièces d'identité ou n'aillent à l'encontre de l'objet de la convention.
  62. 47. Le comité estime que la question de la délivrance aux marins (article 1) d'un document d'identité qui restera en leur possession (article 3) est distincte de celle des conditions limitées dans lesquelles le document peut être utilisé (article 6).
  63. 48. L'organisation plaignante note en outre que le marin est tenu de remettre son passeport de citoyen russe en échange de son passeport de marin. Si, à première vue, cette question peut apparaître relever du droit constitutionnel russe, elle pourrait néanmoins avoir des répercussions sur l'application de la convention. Ainsi, le comité considère que l'absence de passeport national valable pourrait notamment empêcher un marin russe de prendre une permission temporaire à terre ou de transiter dans un pays tiers (pour lequel la convention n'est pas en vigueur) afin de rejoindre son navire, ou encore pour être rapatrié. Le comité observe en outre que, s'il lui est impossible de prendre une permission temporaire à terre, le marin risque d'être confiné à bord pendant de longues périodes lorsque le navire est au port. Le comité conclut donc que l'article 7 du Règlement et les paragraphes 14 et 26 des Instructions vont à l'encontre de l'objet de la convention en général et des articles 1 et 6 en particulier.
  64. 49. Le comité considère que le gouvernement devrait revoir le décret no 146 du 24 février 1994, ainsi que le Règlement concernant les passeports des marins et les instructions y relatives, en vue de mettre ces textes en conformité avec la convention, et engager de véritables consultations avec les organisations de gens de mer et d'armateurs concernées comme l'exige la convention.
  65. IV. Recommandations du comité
  66. 50. Le comité recommande au Conseil d'administration:
  67. a) d'adopter le présent rapport, eu égard notamment aux points suivants:
  68. -- l'absence de consultation avec les organisations d'armateurs et de gens de mer au sujet des catégories de personnes reconnues comme marins (paragr. 36) ainsi que de la forme et de la teneur de la pièce d'identité (paragr. 37);
  69. -- l'obligation de permettre aux marins de demander eux-mêmes leur pièce d'identité (paragr. 42);
  70. -- le refus de délivrer des pièces d'identité à d'authentiques marins (paragr. 43);
  71. -- les retards bureaucratiques et l'imposition de droits excessifs et déraisonnables lors de la délivrance des pièces d'identité de marins (paragr. 46);
  72. -- le droit des marins de conserver leur pièce d'identité en tout temps (paragr. 47);
  73. -- la remise du passeport national et les complications qui en résultent (paragr. 48);
  74. -- les incompatibilités et les contradictions entre, d'une part, le Règlement (décret no 146 du 24 février 1994) et les instructions y relatives et, d'autre part, les obligations découlant de la convention (paragr. 49);
  75. b) de prier le gouvernement de la Fédération de Russie de présenter, conformément à l'article 22 de la Constitution, d'ici septembre 1996, un rapport contenant des informations complètes sur les mesures prises pour appliquer la convention en droit et en pratique, afin de permettre à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations d'examiner à sa prochaine session l'application de la convention par la Fédération de Russie;
  76. c) de déclarer close la procédure engagée par suite de la réclamation en question.
  77. Note 1
  78. Document GB.263/5/1.
  79. Note 2
  80. Conférence internationale du Travail, 41e session, Genève, 1948, Compte rendu des travaux, annexe IX, pp. 260-261.
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