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RECLAMATION (article 24) - FRANCE - C081, C082 - 1996

Fédération syndicale mondiale

Clos

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Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation présentée par la Fédération syndicale mondiale (FSM) alléguant l'inexécution par la France des conventions (no. 81) sur l'inspection du travail, 1947, et (no. 82) sur la politique sociale (territoires non métropolitains), 1947

Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation présentée par la Fédération syndicale mondiale (FSM) alléguant l'inexécution par la France des conventions (no. 81) sur l'inspection du travail, 1947, et (no. 82) sur la politique sociale (territoires non métropolitains), 1947

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite (GB.265/12/7) (mars 1996). Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. I. Introduction
  2. 1. Dans une communication datée du 7 novembre 1994, la Fédération syndicale mondiale (FSM) a présenté une réclamation, en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, alléguant l'inexécution par le gouvernement de la France des conventions sur l'inspection du travail, 1947, et (n° 82) sur la politique sociale (territoires non métropolitains), 1947. La France a ratifié ces conventions, respectivement le 16 décembre 1950 et le 26 juillet 1954. La déclaration d'application de la convention n° 82 à la Polynésie française a été enregistrée le 26 juillet 1954, avec des modifications apportées aux articles 3, paragraphe 3; 4, 8, alinéa b); et 18 (Note_1). La déclaration d'application sans modifications de la convention n° 81 à ce même territoire a été enregistrée le 27 novembre 1974.
  3. 2. Les dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail relatives à la présentation des réclamations sont les suivantes:
  4. Article 24. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des membres n'aurait pas assuré, de manière satisfaisante, l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause, et ce gouvernement pourra être invité à faire telle déclaration qu'il jugera convenable.
  5. Article 25. Si aucune déclaration n 'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  6. 3. La procédure à suivre en cas de réclamation est régie par le Règlement révisé par le Conseil d'administration à sa 212e session (mars 1980).
  7. 4. En vertu de l'article 2, paragraphe 1, de ce Règlement, le Directeur général a transmis la réclamation au bureau du Conseil d'administration.
  8. 5. A sa 261e session, le Conseil d'administration, se fondant sur le rapport présenté par son bureau, a décidé que la réclamation était recevable et a désigné un comité chargé de l'examiner, composé de M. Dietrich Willers (membre gouvernemental, Allemagne, président), Mme Lucia Sasso-Mazzufferi (membre employeur, Italie) et M. Jean-Claude Parrot (membre travailleur, Canada). Conformément aux dispositions de l'article 4, paragraphe 1, alinéas a) et c), du Règlement, le comité a invité le gouvernement à fournir, avant le 28 février 1995, les observations qu'il jugerait opportun de communiquer au sujet de la réclamation. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une lettre datée du 6 juin 1995.
  9. 6. Le comité s'est réuni à Genève le 22 mars 1996 afin d'examiner la réclamation ainsi que les observations reçues.
  10. II. Examen de la réclamation
  11. 1. Allégations présentées par la Fédération syndicale mondiale
  12. 7. La Fédération syndicale mondiale allègue que la France n'a pas assuré l'application des articles 3, paragraphe 1; 4, paragraphe 1; 5, 9, 12, paragraphe 1; 13, 14, 19 et 21 de la convention (n° 81) sur l'inspection du travail, 1947, et des articles 18, paragraphe 1, et 20, paragraphe 1, de la convention (n° 82) sur la politique sociale (territoires non métropolitains), 1947.
  13. 8. Les faits qui font l'objet de la réclamation sont les suivants: les autorités de la Polynésie française ont adopté en 1987 une réglementation relative à la formation, à la certification et aux règles de sécurité (tables de plongée)(Note_2) applicable notamment aux plongeurs-scaphandriers travaillant dans les fermes perlières. D'après la FSM, cette réglementation prévoit des règles de sécurité calquées sur celles de la plongée de loisir qui ne tiennent aucun compte du fait que les plongeurs professionnels sont amenés à travailler au fond de façon prolongée et à répéter quotidiennement ce travail. L'insuffisance de ces règles et les déficiences en matière de formation sont à l'origine de nombreux accidents du travail ayant entraîné des invalidités permanentes ou la mort de plongeurs travaillant dans les fermes perlières du territoire.
  14. 9. Les règles de formation et de sécurité sont différentes de celles applicables à la plongée professionnelle définies par l'Institut national de la plongée professionnelle (INPP). L'INPP, dont la participation est prévue par les règlements précités, a été sollicité pour participer aux formations mises en place par une lettre du directeur de l'Agence pour l'emploi et la formation professionnelle du territoire de la Polynésie française datée du 9 juin 1987. L'institut a refusé de participer à cette formation aux motifs que la formation de base n'est pas conforme aux normes d'accès à la profession. L'INPP indique que l'arrêté du 2 juin 1987 pose de nombreux problèmes et qu'il est regrettable que le texte n'ait pas été préalablement soumis à l'INPP qui est chargé d'une mission de service public par le gouvernement français sur l'harmonisation des différentes filières de formation de plongée professionnelle. L'INPP insiste sur la nécessité de revoir complètement le texte «pour adaptation aux instances internationales» et souligne le risque de pénaliser les plongeurs polynésiens dont la formation et la classification doivent répondre aux besoins de la Polynésie et aux mêmes normes que celles adoptées par la Commission internationale, où l'INPP représente le gouvernement français. Dans un courrier ultérieur, l'INPP a rappelé que l'arrêté du 2 juin 1987 «n'a pas obtenu l'agrément de l'INPP, malgré son implication dans le texte, en raison de l'absence de concertation entre les partenaires et des dispositions contraires à la réglementation en France et à l'étranger».
  15. 10. La FSM relève également que les dispositions de l'arrêté précité ne sont pas appliquées. Ainsi, elle communique différentes pièces (copie de la convention de formation à la plongée professionnelle et d'une attestation provisoire de plongeur professionnel) d'où il ressort que les stages de formation de la catégorie A (plongée autonome jusqu'à 12 mètres) sont, à une exception près, prévus et réalisés pour des durées de neuf à douze jours, alors que l'article 5 a) de l'arrêté n° 0686/CM du 2 juin 1987 prévoit une durée de deux à trois semaines. Elle allègue également que les inspections nécessaires à l'application de la réglementation n'ont pas été menées efficacement dans les fermes perlières.
  16. 11. La FSM estime que l'inspection du travail aurait dû intervenir pour signaler aux autorités concernées les dangers de cette réglementation et empêcher la poursuite de pratiques dangereuses qui ont provoqué de nombreux accidents, dont certains ont entraîné des infirmités définitives ou la mort de plongeurs. A son avis, l'inspection du travail aurait dû promouvoir l'utilisation de tables de plongée professionnelle en remplacement des tables de plongée de loisir et juger non valable pour l'exercice de la profession de plongeur les «attestations provisoires» et les stages de trop courte durée, non conformes à la réglementation locale et a fortiori à la réglementation métropolitaine. Elle considère qu'il s'agit là d'un grave dysfonctionnement des services dont le but est la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, question particulièrement importante dans le cadre des travaux subaquatiques.
  17. 12. Prenant en considération le fait que la plupart des plongeurs concernés sont des tahitiens originaires des îles Tuamotu, la FSM estime que l'existence de règles différentes en matière de sécurité et de formation professionnelle entre les plongeurs exerçant à Tahiti et ceux exerçant en métropole constitue une discrimination au sens de l'article 18 de la convention n° 82. La plongée professionnelle exige l'application de règles de sécurité qui ne dépendent que de facteurs liés aux conditions de travail en milieu subaquatique: profondeur à laquelle le travail est exécuté, nombre et durée des plongées quotidiennes, etc. La FSM estime que le non-respect de ces règles constitue une violation du droit à la vie et à la santé qui sont des droits fondamentaux de l'homme.
  18. 2. Observations présentées par le gouvernement de la France
  19. 13. Dans ses observations, le gouvernement rappelle le développement rapide depuis une vingtaine d'années des fermes perlières dans les îles Tuamotu. Le secteur occuperait environ 2 000 personnes dont 650 salariés déclarés et probablement autant de non déclarés répartis dans 26 coopératives, 283 sociétés familiales, 50 à 60 fermes perlières et une quinzaine de sociétés privées.
  20. 14. Pour ce qui est des conditions de travail des plongeurs, le gouvernement indique que les plongeurs, originaires des atolls, mais aussi de Tahiti ou de la métropole, travaillent à des profondeurs de 3 à 15 mètres et restent en immersion, à raison de plusieurs plongées, de 2 à 4 heures par jour selon l'importance des fermes. Le gouvernement souligne les risques inhérents à ce type de travail, tenant à l'utilisation du matériel (compresseurs, réservoirs), à la survenance de faits naturels (courants marins) et à la proximité de la faune marine. D'après le gouvernement, ces particularités expliquent, tout autant que le non-respect de la réglementation, la survenance d'un certain nombre d'accidents du travail. L'analyse des accidents révèle que 60 pour cent d'entre eux sont dus au non- respect des vitesses de remontée ou des paliers de décompression fixés par la réglementation en vigueur.
  21. Tableau 1. Accidents professionnels dans les fermes perlières
  22. Années / Nombres d'accidents
  23. 1989 / 1 sans incapacité professionnelle permanente
  24. 1990 / 2 sans incapacité professionnelle permanente
  25. 1991 / 3: 2 mortels et 1 sans incapacité professionnelle permanente
  26. 1992 / 1 sans incapacité professionnelle permanente
  27. 1993 / 4: 1 mortel, 1 avec incapacité professionnelle permanente et 2 sans incapacité professionnelle permanente
  28. 1994 / 1 sans incapacité professionnelle permanente
  29. 15. Le gouvernement fournit des informations détaillées sur la répartition des compétences en matière de réglementation du travail, entre l'Etat et le territoire, le premier ayant compétence pour fixer les principes généraux du droit du travail et le second en assurant l'application de ces principes par voie de délibérations à valeur réglementaire. C'est dans ce cadre qu'a été adoptée la réglementation contestée qui reprend un certain nombre de dispositions contenues dans le décret n° 74-725, du 11 juillet 1974, relatif aux mesures particulières de protection applicables dans les chantiers ou établissements dans lesquels des travaux sont exécutés par des scaphandriers sous des pressions supérieures à la pression atmosphérique, appliqué en métropole jusqu'en 1990. Le gouvernement indique qu'«il est exact que cette réglementation territoriale reflète une conception de la prévention des risques inhérents aux activités subaquatiques, qui date d'une travailleurs intéressés des garanties équivalentes à celles présentées par le décret n° 90-277, du 28 mars 1990, relatif à la protection des travailleurs intervenant en milieu hyperbare, applicable en métropole».
  30. 16. Le gouvernement précise que les autorités territoriales ont préparé deux projets de délibérations satisfaisant aux récentes normes nationales en matière de sécurité et de formation professionnelle des travailleurs appelés à exercer leur activité en milieu subaquatique. Ces délibérations sont actuellement soumises pour avis technique à l'Institut national de la plongée professionnelle (ÏNPP). En outre, un projet de loi a été déposé pour actualiser la définition du travail clandestin qui, de l'avis du gouvernement, est la cause première des accidents à déplorer. Enfin, une refonte des principes généraux en matière d'hygiène et de sécurité devrait compléter ces mesures.
  31. $ 17. Outre ces projets de réforme législative et réglementaire, des efforts ont été entrepris par l'Etat en matière d'inspection. Les services d'inspection du travail du territoire ont multiplié les contrôles dans les fermes perlières au cours des années 1993 et 1994: 19 atolls et 97 fermes perlières (dont un tiers à caractère familial) pour 500 travailleurs, dont un tiers de plongeurs professionnels, ont été contrôlés. Plus de 20 pour cent des plongeurs ne disposaient d'aucune qualification professionnelle. En 1994, 36 procédures pénales ont été transmises au parquet pour 734 infractions. Les infractions les plus fréquemment relevées sont les suivantes: non-déclaration à la Caisse de prévoyance sociale du territoire; non-tenue du registre médical spécial; non-tenue des carnets et registres de plongée; emploi de plongeurs non qualifiés pour le travail; absence de vérification préventive du matériel existant; absence de visites médicales spéciales; non-respect des paliers de décompression; insuffisance des moyens de premiers secours. Le gouvernement estime que l'intervention des services d'inspection a entraîné immédiatement une diminution sensible du nombre des accidents du travail. Il en conclut que l'application énergique de la réglementation territoriale est de nature à réduire sensiblement les risques encourus par les plongeurs professionnels.
  32. Tableau 2. Contrôles effectués dans les fermes perlières par l'inspection du travail
  33. Années / Nombre de visites / Nombres de contre-visites / Observations / Mises en demeure / Procédures pénales
  34. 1990 / 0 / 0 / 0 / 0 / 0
  35. 1991 / 4 pour 71 salariés / 0 / 25 / 0 / 0
  36. 1992 / 7 pour 82 salariés / 0 / 32 / 0 / 0
  37. 1993 / 10 pour 51 salariés / 0 / 86 / 0 / 8
  38. 1994 / 36 pour 391 salariés / 0 / 734 / 0 / 36
  39. Total / 57 pour 595 salariés / 0 / 877 / 0 / 44
  40. 18. Le gouvernement donne également des indications quantitatives sur la formation des plongeurs:
  41. Tableau 3. Inscription et admissions à la formation de plongeurs professionnels
  42. Années / Nombre de personnes inscrites / Nombre de personnes admises
  43. 1992 / 323 / 277
  44. 1993 / 327 / 291
  45. 1994 / 254 / 164
  46. Le gouvernement précise que les formations actuellement dispensées, qui vont encore être améliorées, intègrent dès à présent les tables professionnelles de plongée en usage en métropole.
  47. 19. En conclusion, le gouvernement déclare que la survenance des accidents chez les plongeurs s'explique par le développement rapide de l'industrie perlière dans des zones géographiques isolées; le grand nombre d'entreprises familiales ou commerciales dans ce secteur d'activité, dont beaucoup relèvent de l'économie informelle; la faible représentativité des organisations professionnelles; les contraintes, notamment financières, qu'implique le contrôle d'exploitations situées à plusieurs centaines de kilomètres de l'implantation des services de l'inspection du travail. Le gouvernement considère qu'au regard de ces facteurs essentiels la circonstance que la réglementation territoriale reproduit pour partie une réglementation métropolitaine abandonnée depuis cinq ans apparaît comme marginale, l'application systématique de celle-ci étant de nature à diminuer les atteintes à la sécurité et à la santé des plongeurs professionnels. La réglementation mérite d'être améliorée mais dans un sens qui respecte les compétences territoriales en matière de droit du travail, lesquelles seraient contrariées par l'extension à droit constant au territoire des normes métropolitaines.
  48. 20. Le gouvernement considère que le fait que cette réglementation territoriale soit en retrait de la réglementation métropolitaine n'implique en aucune façon qu'elle soit discriminatoire puisque tous les salariés, locaux, métropolitains ou étrangers, qui exercent une activité de plongée sur le territoire, sont soumis à cette réglementation.
  49. 21. Enfin, le gouvernement rappelle les efforts faits par l'Etat et le territoire pour redresser la situation présente: refonte de la loi relative aux principes généraux de santé et de sécurité et celle relative à la prohibition du travail clandestin; rédaction de nouveaux projets de délibération mieux ajustés aux risques encourus par les plongeurs; intervention plus soutenue des services d'inspection du travail dont les moyens, notamment financiers, ont été renforcés; augmentation du nombre d'actions de formation professionnelle; sensibilisation de la profession aux risques; conditions imposées aux concessionnaires maritimes quant à la qualification professionnelle des salariés et au matériel de premiers secours; et instructions données au représentant de l'Etat dans le territoire pour diligenter les contrôles. L'ensemble de ces mesures, déjà en vigueur ou à venir dans un proche avenir, permettront de garantir autant que faire se peut la santé et la sécurité des plongeurs professionnels dans le territoire de la Polynésie française.
  50. III. Conclusions du comité
  51. 22. Le comité rappelle que sa compétence est limitée à l'examen de l'application, en droit et en pratique, des conventions nos 81 et 82 par la France, dans le territoire de la Polynésie française, à la date de la réception de la réclamation (7 novembre 1994). En conséquence, l'examen qu'il est amené à faire de la réglementation s'inscrit dans le cadre de cette compétence. Compte tenu des éléments qui lui ont été communiqués par la FSM, dans sa réclamation, et par le gouvernement, dans ses observations, le comité a décidé d'examiner les points suivants: Y a-t-il eu un manque de contrôle de l'application de la réglementation en vigueur de la part de l'inspection du travail dans les établissements employant des plongeurs? L'inspection du travail a-t-elle manqué de signaler les défaillances ou les lacunes de la réglementation en vigueur? Les différences éventuelles entre la réglementation territoriale et la réglementation métropolitaine entraînent-elles |H des discriminations à rencontre des plongeurs tahitiens au sens de l'article 18, paragraphe 1, de la convention n° 82? La formation des plongeurs, telle que prévue par les textes et telle que mise en ÷uvre en pratique, répond-elle aux exigences de l'article 20 de la convention n° 82?
  52. 1. Le contrôle de la réglementation en vigueur
  53. 23. Le comité relève la convergence de vues sur la question du contrôle de la réglementation en vigueur entre la FSM et le gouvernement de la France pour la période considérée. Il ressort du tableau communiqué par le gouvernement que le nombre de contrôles effectués dans les fermes perlières, inexistants ou faibles de 1990 à 1993, s'est accéléré à partir de 1994. Près des deux tiers des contrôles et des salariés couverts (respectivement 63 et 65 pour cent) figurent dans les chiffres donnés pour l'année 1994. De même, plus de 80 pour cent des observations et des procédures formulées ou engagées de 1990 à 1994 à la suite de contrôle l'ont été durant la seule année 1994. Le comité note la conclusion du O rapport annuel sur l'activité du service de l'inspection du travail pour l'année 1992 selon laquelle «des secteurs à haut risque en matière d'accidents du travail tel (...) la plongée professionnelle ne peuvent être actuellement pris en charge de manière concrète par le Service [de l'inspection du travail] dans le domaine de l'hygiène et de la sécurité, ce qui est très préjudiciable pour les entreprises de ces secteurs et des salariés qui y sont occupés. A l'exception de Tahiti, les autres îles des autres archipels sont négligées par le service qui n'y effectue des interventions que de manière très sporadique du fait de l'éloignement de ces îles et des coûts élevés de transport.» Le comité conclut qu'il est nécessaire d'améliorer l'application de l'article 3, paragraphe 1 a) et b), et des articles 12 et 13 de la convention n° 81. A cet égard, le comité espère que, conformément aux indications fournies par le gouvernement dans ses observations concernant, entre autres, les dotations budgétaires, une intervention plus soutenue des services d'inspection du travail dans ce secteur se poursuivra, compte tenu notamment du fait que, jusqu'en 1994, seul un tiers des plongeurs salariés a été couvert par les contrôles de l'inspection.
  54. 24. Le comité relève la déclaration du gouvernement selon laquelle l'intervention des services d'inspection a entraîné immédiatement une diminution sensible du nombre des accidents du travail. Faute d'indications autres que celles portant sur les accidents ayant entraîné la mort ou une incapacité permanente, le comité n'est pas en mesure d'apprécier l'influence exercée par les missions d'inspection dans les entreprises du secteur considéré. Il espère qu'à l'avenir des données détaillées concernant les accidents du travail seront communiquées à l'inspection du travail en vertu de l'article 14 de la convention n° 81, afin de permettre d'évaluer l'impact des missions d'inspection sur la santé et la sécurité des travailleurs.
  55. 2. Les défaillances et les lacunes éventuelles de la réglementation en vigueur
  56. 25. Le comité note que l'adoption de la réglementation de 1987 par les autorités du territoire de la Polynésie française visait à combler un vide juridique, en s'inspirant sur certains points de la réglementation métropolitaine en vigueur à ce moment-là. Il relève que certaines divergences entre la réglementation territoriale et l'ancienne réglementation métropolitaine portent sur des questions techniques qui ont un lien étroit avec les conditions de sécurité dans lesquelles doivent s'effectuer des travaux subaquatiques, quel que soit le lieu géographique d'exécution des travaux. Ainsi, une comparaison de la délibération n° 87/79 AT du 12 juin 1987, applicable en Polynésie française, avec l'arrêté n° 74-725 du 11 juillet 1974 montre des divergences sur les points suivants: i) l'accès à la profession de travailleurs sous-marins peut exceptionnellement être autorisé par l'inspecteur du travail aux adolescents de 16 à 18 ans (art. 4 de la délibération); ii) la durée du travail sous-marin peut être égale à quatre heures (art. 12 de la délibération) alors que l'arrêté métropolitain prévoit trois heures de travail; iii) en cas d'utilisation d'outils pneumatiques à percussion, la délibération ne prévoit pas une réduction du temps de travail, tandis que l'arrêté métropolitain prévoit qu'elle n'excédera pas une heure et demie; iv) les tables de plongée annexées à la délibération (art. 12) sont les tables de plongée en usagé pour la plongée de loisir; v) les classes de qualification des plongeurs ne coïncident pas: les niveaux A (travaux par moins de 12 mètres de fond) et B (travaux par moins de 50 mètres de fond) de la réglementation territoriale ne correspondent pas aux classes I (exécution de travaux à des pressions relatives n'excédant pas 4 bars) et II (idem pour des pressions n'excédant pas 6 bars) de la réglementation métropolitaine. Il en résulte que les qualifications des plongeurs du territoire ne seront pas reconnues en dehors de celui-ci. Enfin, aucune disposition de la délibération ne fait référence aux caissons de recompression ni aux caractéristiques des appareils respiratoires de plongée.
  57. 26. Aucun élément ne permet de conclure que l'inspection du travail aurait omis de porter à l'attention de l'autorité compétente les déficiences qui ne sont pas spécifiquement couvertes par les dispositions existantes, conformément à l'article 3 1 c) de la convention n° 81. Il ressort, au contraire, du rapport annuel de l'inspection du travail du territoire précité que l'inspection du travail avait, en travail a été étroitement associée à un groupe de travail sur la plongée professionnelle constitué en vue de préparer une nouvelle réglementation dont l'une des trois commissions de travail et de réflexion, créée le 23 juillet 1993, chargée d'examiner les dispositions existantes en matière de réglementation du travail et d'y apporter les améliorations souhaitables tirées des enseignements des contrôles dans les fermes perlières et de l'analyse des accidents du travail survenus a été présidée par le chef de Service de l'inspection du travail. Cette commission s'est réunie 14 fois, de novembre 1993 à juin 1994, et a élaboré un projet de délibération modifiant sur un certain nombre de points la réglementation existante.
  58. 27. Le gouvernement indique que ce projet de délibération a été soumis pour avis à l'Institut national de plongée professionnelle (INPP).
  59. 3. Le caractère discrimiiiatoïre de la réglementation territoriale
  60. 28. Les dispositions pertinentes du paragraphe 1 de l'article 18 sont les suivantes:
  61. «1. Ce devra être l'un des buts de la politique sociale de supprimer toute f|| discrimination entre les travailleurs, fondée sur la race, la couleur, le sexe, la croyance, l'appartenance à un groupement traditionnel ou l'affiliation syndicale, en matière de:
  62. a) législation et conventions du travail, qui devront offrir un traitement économique équitable à tous ceux qui résident ou travaillent légalement dans le territoire;
  63. b) admission aux emplois tant publics que privés;
  64. c) conditions d'embauchage et d'avancement;
  65. d) facilités de formation professionnelle;
  66. e) conditions de travail; f) mesures relatives à l'hygiène, à la sécurité et au bien-être».
  67. En vertu de cette disposition, il appartient à l'autorité d'éliminer toute discrimination, fondée sur un des critères reconnus (race, couleur, etc.) entre personnes travaillant sur le territoire.
  68. 29. Le comité note qu'il n'existe pas de normes internationales concernant la qualification, la formation, la sécurité et la protection de la santé des personnes travaillant en milieu hyperbare. Cependant, dans un certain nombre de pays (Australie, France, Norvège, Royaume-Uni, Singapour) les conditions de qualification des plongeurs et les règles de sécurité ont été harmonisées. Il note que les différences établies entre plongeurs professionnels ayant obtenu leurs qualifications dans le territoire de la Polynésie française et ceux qui les ont obtenues en métropole portent, d'une part, sur les classes de qualifications et, d'autre part, sur certains aspects des conditions de travail et de sécurité. La réglementation métropolitaine (Note_3) prévoit trois classes de qualifications: la classe I (scaphandriers qualifiés pour l'exécution de travaux à des pressions relatives n'excédant pas 4 bars (40 mètres)); la classe II (pressions relatives n'excédant pas 6 bars (60 mètres)); et la classe III (pressions relatives supérieures à 6 bars). La réglementation territoriale de 1987 prévoit deux classes: une classe A (qualification aux travaux à des profondeurs de moins de 12 mètres) et une classe B (qualification aux travaux jusqu'à 50 mètres). Les deux classifications ne concordent pas. Or les entreprises métropolitaines de travaux subaquatiques exerçant une partie de leurs activités sur le territoire sont tenues de respecter la réglementation métropolitaine et de n'engager que des plongeurs possédant les qualifications correspondantes (classes I, II ou III). Il en résulte que les plongeurs ayant obtenu leurs qualifications en vertu des dispositions de la réglementation territoriale (classes A ou B) ne peuvent être engagés par des entreprises métropolitaines exécutant des travaux sous-marins dans le territoire de la Polynésie française. Ce point a été relevé par le directeur de l'INPP dans sa lettre du 6 juin 1991 aux autorités du territoire ainsi que par un ingénieur de la TEXMAR, spécialiste en ingénierie et sécurité subaquatique, dans une note sur les accidents de plongée en Polynésie.
  69. 30. Le comité note que l'article 18, paragraphe 1, de la convention n° 82 vise les discriminations entre travailleurs exerçant leur activité dans les limites de juridiction du territoire. Il ne s'applique donc pas aux discriminations entre plongeurs exerçant leur activité en Polynésie française et plongeurs exerçant leur activité en métropole. Cependant, le comité relève que les plongeurs salariés des entreprises métropolitaines exerçant une activité sur le territoire de la Polynésie française sont couverts par les normes métropolitaines et sont recrutés sur les critères établis par la réglementation métropolitaine. En établissant une classification différente de celle adoptée en métropole et dans un certain nombre de pays, la réglementation territoriale introduit une discrimination qui empêche les plongeurs d'accéder à un emploi dans les sociétés régies par la réglementation métropolitaine.
  70. 31. Le comité note que, si la réglementation territoriale s'applique sans discrimination à tous les plongeurs employés par des entreprises qui ne sont pas tenues de respecter des réglementations offrant une plus grande protection, cette application de la réglementation entraîne, de manière disproportionnée, des conséquences défavorables pour une majorité de personnes caractérisées par la race, la couleur ou l'appartenance à un groupe traditionnel, la grande majorité, voire la quasi-totalité, des plongeurs qui parviennent aux qualifications délivrées en vertu de la réglementation territoriale étant originaire des îles Tuamotu. En conséquence, le comité note que les différences substantielles entre la réglementation métropolitaine et la réglementation territoriale provoquent des discriminations au sens de l'article 18, paragraphe 1, de la convention. Le comité note également que les projets de délibération qui ont été communiqués par le gouvernement maintiennent les différences de classes de qualifications établies par la réglementation de 1987. Il exprime l'espoir que les avis de l'INPP, en ce qu'ils visent à l'élimination des causes de discrimination indirectes, seront pris en compte avant l'adoption des textes définitifs.
  71. 4. La conformité de la formation professionnelle aux exigences de l'article 20 de la convention n° 82
  72. 32. Le paragraphe 1 de l'article 20 de la convention n° 82 se lit comme suit:
  73. 1. Afin d'assurer une productivité élevée par le développement du travail spécialisé dans les territoires non métropolitains, l'enseignement des nouvelles techniques de production devra, lorsqu 'il aura lieu, être dispensé au moyen de centres de formation professionnelle sur les plans local, régional ou métropolitain.
  74. 33. Le comité relève qu'en vertu de cette disposition l'enseignement de nouvelles techniques de production devrait se faire en tenant compte des derniers développements scientifiques et techniques. En conséquence, s'il est légitime que les autorités territoriales adaptent aux réalités du territoire leur réglementation en matière de formation, cette adaptation ne peut aller à rencontre des règles élémentaires de sécurité et de protection de la santé des plongeurs. En particulier, elle ne devrait pas déboucher sur des qualifications qui ne soient reconnues que dans les limites du territoire et pour des activités qui ne sont pas soumises à une réglementation plus exigeante, tant en matière de qualification que de sécurité. Le comité souligne que le fait de confier la formation de plongeurs professionnels à des organismes, dont la destination est la formation de plongeurs de loisir et dont le personnel ne possède pas nécessairement les qualifications requises pour l'enseignement de la plongée professionnelle, telles que définies par l'organisme compétent en la matière (INPP), ne paraît pas de nature à assurer le respect des dispositions du paragraphe 1 de l'article 20 de la convention. Le comité rappelle le fait que les stages de formation professionnelle effectivement réalisés ne respectant pas les durées établies dans la réglementation territoriale, déjà inférieures aux périodes de stages de qualification prévues par la réglementation métropolitaine, est de nature à faire douter du sérieux de la formation dispensée. Le comité note enfin que le projet de délibération fixant les conditions d'organisation et de financement de la formation à la plongée professionnelle n'apporte pas, en la matière, de réponses satisfaisantes.
  75. IV. Recommandations du comité
  76. 34. A la lumière des conclusions qui précèdent, le comité recommande au Conseil d'administration:
  77. a) d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions formulées aux paragraphes 23, 31 et 33, concernant l'application des articles 3, paragraphe 1 a) et h), 12 et 13 de la convention (n° 81) sur l'inspection du travail, 1947, et des articles 18, paragraphe 1, et 20, paragraphe 1, de la convention (n° 82) sur la politique sociale (territoires non métropolitains), 1947;
  78. B) d'inviter le gouvernement, compte tenu des conclusions figurant aux paragraphes 23 et 24, à prendre les mesures nécessaires pour:
  79. i) assurer l'application effective des dispositions des articles 3, 12 et 13 de la convention n" 81 dans les activités où sont employés des plongeurs professionnels, et notamment que les moyens humains, matériels et techniques soient mis à la disposition de l'inspection du travail du territoire de la Polynésie française pour lui permettre d'effectuer les contrôles nécessaires;
  80. ii) continuer à assurer l'information de l'inspection du travail quant aux accidents du travail affectant des plongeurs professionnels;
  81. c) d'inviter le gouvernement, compte tenu des conclusions figurant aux paragraphes 31 et 33, à prendre les mesures pour que la réglementation territoriale, dont la nécessaire révision est reconnue, soit mise en conformité avec les exigences de la convention n° 82, notamment en éliminant les dispositions qui peuvent provoquer des discriminations indirectes et en ajustant la formation aux règles de l'art de la plongée professionnelle;
  82. d) d'inviter le gouvernement de la France à fournir, dans les rapports sur l'application des conventions nos 81 et 82 qu'il doit présenter en vertu de l'article 22 de la Constitution de l'OlT, des informations détaillées, notamment sur l'adoption des textes législatifs et réglementaires auxquels le gouvernement s'est référé, ainsi que sur les visites d'inspection dans les entreprises employant. des plongeurs professionnels, les observations et les procès-verbaux dressés, la nature des infractions constatées et les accidents survenus dans ces entreprises afin de permettre à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de poursuivre l'examen de cette question;
  83. e) de déclarer close la procédure engagée à la suite de la présente réclamation.
  84. Genève, 22 mars 1996.
  85. (Signé) D. Willers,
  86. président;
  87. L. Sasso-Mazzufferi,
  88. J.-C. Parrot.
  89. Point appelant une décision: paragraphe 34.
  90. Note 1
  91. Aux termes de la déclaration d'application, le second paragraphe de l'article 18 n'est pas applicable aux territoires énumérés dans la déclaration.
  92. Note 2
  93. Arrêté n° 0686/CM du 2 juin 1987 fixant les conditions d'organisation et de financement de la formation à la plongée professionnelle et délibération n° 87-79 AT du 12 juin 1987 fixant les mesures particulières de protection applicables aux scaphandriers.
  94. Note 3
  95. Confirmée sur ce point par l'arrêté n° 90-277 du 28 mars 1990 relatif à la protection des travailleurs intervenant en milieu hyperbare.
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