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RECLAMATION (article 24) - VENEZUELA - C095, C158 - 1997

1. Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), 2. Centrale unitaire des travailleurs du Venezuela (CUTV), 3. Confédération générale des travailleurs du Venezuela (CGT), 4. Confédération des syndicats autonomes (CODESA), 5. Syndicat national des employés et fonctionnaires publics du pouvoir judiciaire et du Conseil de la magistrature (ONTRAT)

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Rapport du Comité désigné pour examiner la réclamation alléguant l'inexécution par le Venezuela de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949, et de la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), la Centrale unitaire des travailleurs du Venezuela (CUTV), la Confédération générale des travailleurs du Venezuela (CGT), la Confédération des syndicats autonomes (CODESA), le Syndicat national des employés et fonctionnaires publics du pouvoir judiciaire et du Conseil de la magistrature (ONTRAT)

Rapport du Comité désigné pour examiner la réclamation alléguant l'inexécution par le Venezuela de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949, et de la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), la Centrale unitaire des travailleurs du Venezuela (CUTV), la Confédération générale des travailleurs du Venezuela (CGT), la Confédération des syndicats autonomes (CODESA), le Syndicat national des employés et fonctionnaires publics du pouvoir judiciaire et du Conseil de la magistrature (ONTRAT)

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. 1. Par une communication remise au Bureau le 13 juin 1996, la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), la Confédération unitaire des travailleurs du Venezuela (CUTV), la Confédération générale des travailleurs du Venezuela (CGT), la Confédération des syndicats autonomes (CODESA), le Syndicat national des employés et fonctionnaires publics du pouvoir judiciaire et du Conseil de la magistrature (ONTRAT), invoquant l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, ont adressé au Bureau une réclamation alléguant l'inexécution par le gouvernement du Venezuela de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949, et de la convention (no 158) sur le licenciement, 1982.
  2. 2. La réclamation en question a trait à deux conventions auxquelles le Venezuela est partie et qui sont en vigueur pour lui (Note 1).
  3. 3. Les dispositions pertinentes de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail concernant la soumission des réclamations sont les suivantes:
  4. Article 24
  5. (Réclamations au sujet de l'application d'une convention)
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. (Possibilité de rendre la réclamation publique)
  9. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  10. 4. La procédure à suivre en cas de réclamation est régie par le Règlement révisé adopté par le Conseil d'administration à sa 212e session en mars 1980 (Note 2).
  11. 5. Conformément aux articles 1 et 2, paragraphe 1, de ce Règlement, le Directeur général a communiqué la réclamation au gouvernement du Venezuela et l'a transmise au bureau du Conseil d'administration.
  12. 6. Le Conseil d'administration, à sa 267e session (novembre 1996), sur recommandation de son bureau, a déclaré la réclamation recevable. Il a désigné le comité chargé de l'examen de la réclamation, composé de M. Antonio Ducreux (membre gouvernemental, Panama), président, de M. Walter Durling (membre employeur) et de Mme Maria Rozas (membre travailleur).
  13. 7. Le comité a décidé, en vertu de l'article 4, paragraphe 1, du Règlement d'inviter le gouvernement à soumettre ses observations sur la réclamation avant le 31 janvier 1997.
  14. 8. Par une lettre datée du 31 janvier 1997, le gouvernement a communiqué ses observations concernant la réclamation. Le comité s'est réuni à Genève le 25 mars 1997 et a adopté son rapport.
  15. Examen de la réclamation
  16. A. Allégations présentées
  17. Convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949
  18. 9. Dans leur communication, les organisations susmentionnées estiment que le régime salarial vénézuélien se développe depuis 1987 en marge des principes de la loi et des conventions internationales ratifiées par le pays. L'adoption de lois ou de décrets créant des primes dont il est précisé qu'elles n'ont pas de caractère salarial et, en conséquence, ne doivent pas être prises en considération pour le calcul des avantages, prestations et indemnités qui peuvent être versés aux travailleurs, en application de la loi ou de contrat collectif, à l'occasion de la prestation de services ou du licenciement, ne serait pas conforme aux dispositions des articles 1, 10, 11 et 12 de la convention no 95. Ce mouvement de "désalarisation", une part de la rémunération des travailleurs ne rentrant pas dans la définition du salaire, aurait débuté avec l'adoption du décret du 29 avril 1987 créant la prime compensatoire et se serait poursuivi et amplifié par l'adoption des textes suivants: loi sur le paiement de la prime compensatoire des dépenses de transport (G.O. no 34.058) du 12 août 1988; décret no 2052 du 21 février 1992 (G.O. no 34.909) accordant une augmentation de l'allocation spéciale de transport; décrets nos 123 et 124 du 13 avril 1994 (G.O. no 35.441) fixant, respectivement, les salaires minima obligatoires en zones urbaine et rurale et abrogeant le décret no 2100 du 20 février 1992; décret-loi no 247 du 29 juin 1994 (G.O. no 35.493), édicté sur la base du décret no 241 du 27 juin 1994, qui a suspendu les garanties constitutionnelles visées en son article premier et qui a fixé une allocation d'alimentation et de transport équivalant à 2 pour cent du salaire minimum mensuel par jour de travail effectué; décret-loi no 617 du 11 avril 1995 (G.O. no 35.691), édicté sur la base du décret no 285 du 22 juillet 1994, qui a suspendu les garanties constitutionnelles et qui a accordé, à la charge des employeurs du secteur privé, une allocation mensuelle de cinq cents (500) bolivares par jour de travail effectué; décret no 1054 du 7 février 1995, modifiant l'allocation d'alimentation et de transport prévue par le décret no 247 du 29 juin 1994, en la fixant à six cents (600) bolivares par jour de travail effectué pour les travailleurs du secteur privé national recevant un salaire mensuel en espèces de moins de 75 000 bolivares; décret no 1055 du 7 février 1995 modifiant l'allocation d'alimentation et de transport prévue par le décret no 247 du 29 juin 1994 en la fixant à 890,50 bolivares pour les ouvriers et à 933,50 bolivares pour les employés du secteur public national touchant un salaire mensuel en espèces de moins de 75 000 bolivares; et décret no 1240 du 6 mars 1996 modifiant l'allocation d'alimentation et de transport prévue par le décret no 1054 du 7 février 1996. L'allocation est portée à 1 300 bolivares par jour ouvré pour les travailleurs du secteur privé national recevant un revenu mensuel de moins de 75 000 bolivares.
  19. 10. Les organisations susmentionnées estiment que ces exclusions ne sont pas conformes à la définition du salaire qui figure à l'article 1 de la convention dans la mesure où ces primes et avantages remplissent les critères nécessaires pour être considérés comme des éléments du salaire. Elles considèrent également que la "désalarisation" d'une partie importante de la rémunération n'est pas conforme "dans la pratique" au régime de protection du salaire établi par la convention dans son article 10, dans la mesure où l'écart entre la rémunération effectivement perçue et le salaire de base reconnu aux fins du calcul des prestations, indemnités et autres créances dues aux travailleurs, à l'occasion de l'exécution de la relation de travail, rend précaire la protection du salaire contre les saisies. Elles se réfèrent à deux dispositions de la loi organique du travail (LOT) en vertu desquelles: i) la rémunération du travailleur n'excédant pas le salaire minimum ne peut faire l'objet de saisie (art. 162); ii) les sommes correspondantes aux prestations et indemnités ou à toutes autres créances dues aux travailleurs à l'occasion de la relation de travail ne peuvent faire l'objet de saisie "à concurrence de la valeur de cinquante (50) salaires minima" (art. 163).
  20. 11. En outre, les organisations réclamantes se réfèrent à l'article 158 de la loi organique du travail qui établit le montant de la créance privilégiée des salariés (six mois de salaire ainsi que les prestations sociales à concurrence de 90 jours de salaire normal). Elles considèrent que le gouvernement, en excluant que certaines primes ou avantages puissent être considérés comme faisant partie intégrante du salaire, contrevient aux dispositions de la convention qui assure le versement de la totalité des salaires qui sont dus au titre de travaux effectués ou de services fournis au cours de la période antérieure à la faillite ou à la liquidation de l'entreprise, tel que prescrit par la législation nationale.
  21. 12. Les organisations susmentionnées indiquent qu'en vertu de l'article 12 de la convention no 95 le règlement final du salaire dû, lorsque le contrat de travail prend fin, doit comprendre la totalité du salaire. Or, du fait des pratiques dénoncées par les organisations réclamantes, seul un faible pourcentage de la rémunération des travailleurs sera pris en considération pour calculer le salaire dû au moment de la fin du contrat de travail.
  22. 13. Enfin, les organisations susmentionnées rappellent les commentaires formulés par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations au sujet de l'application de la convention no 95 par l'Argentine, suite à l'observation du Congrès des travailleurs argentins (CTA) à propos de l'adoption de décrets établissant des prestations sociales qui ne devaient pas être prises en compte dans la rémunération (Note 3). Elles se réfèrent expressément au passage suivant des commentaires: "La commission croit pouvoir conclure à l'existence d'un lien entre les prestations visant à améliorer l'alimentation du travailleur et de sa famille et le travail effectué ou le service rendu en vertu d'un contrat de travail. Ces "prestations", quelle que soit la dénomination qui puisse leur être attribuée (primes, prestations complémentaires, etc.), sont des éléments de la rémunération au sens de l'article 1 de la convention. En conséquence, elles doivent faire l'objet des mesures prévues par les articles 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14, 15 et 16 de la convention."
  23. Convention (no 158) sur le licenciement, 1982
  24. 14. Selon les organisations réclamantes, la politique consistant à exclure de la définition du salaire certaines primes ou avantages divers affecterait l'application des articles 10 et 12 de la convention no 158. Pour ce qui est de l'article 10, l'indemnité dont le versement peut être ordonné par le juge en cas de licenciement injustifié ne pourra pas être "adéquate" au sens de la convention dans la mesure où l'assiette du calcul est réduite. Pour ce qui est de l'article 12, le montant des indemnités de départ, dues en cas de licenciement, ne sera pas calculé sur la base du salaire des travailleurs au sens de la convention no 95. La politique salariale dénoncée entraîne la réduction du coût du licenciement et par conséquent la précarisation de la stabilité de l'emploi.
  25. B. Observations du gouvernement
  26. 15. Dans sa communication, le gouvernement reconnaît que le salaire, dont le pouvoir d'achat s'est détérioré du fait de l'inflation, sert de base au calcul à toutes les prestations issues du travail (indemnités de licenciement, congés payés, bénéfices, etc.). Il justifie le recours aux bonifications et aux avantages non salariaux par la nécessité de rétablir dans l'immédiat le pouvoir d'achat des salariés. L'objectif immédiat est la lutte contre l'inflation pour ensuite convertir les revenus non salariaux ou compensatoires en salaires avec plein effet comme par le passé. Le Venezuela essaie de corriger ses déséquilibres économiques par un plan d'ajustement et de s'intégrer dans une économie mondialisée sans méconnaître la nécessité de fixer des salaires réels qui permettront de protéger le pouvoir d'achat du travailleur pour corriger l'inflation. A ce titre, le gouvernement a provoqué des réunions avec les travailleurs et les employeurs dans une ambiance de dialogue social afin de pouvoir atteindre ces objectifs.
  27. 16. En outre, le gouvernement rappelle que la loi organique du travail permet que le travailleur reçoive, pour la compensation de ses services, des indemnités ou des primes sans incidence salariale et un salaire. A ce titre, il n'y a là aucune violation de la loi organique du travail ni des conventions nos 95 et 158.
  28. C. Conclusions du comité
  29. 17. Le comité note que les allégations présentées par les organisations syndicales signataires et la réponse du gouvernement révèlent une pratique législative et réglementaire qui déforme le concept de salaire par le jeu de primes et d'allocations diverses (transport, alimentation) payées par l'employeur, sans que le montant du salaire, au sens de l'article 133 de la loi organique sur le travail, en soit affecté. Elles portent sur les conséquences de la situation ainsi créée sur l'application des articles 10, 11 et 12 de la convention no 95, lus conjointement avec l'article 1 de celle-ci. Ces dispositions qui concernent la protection du salaire contre la saisie ou la cession, la créance privilégiée constituée par le salaire et le règlement final de la totalité du salaire, ainsi que la définition du salaire protégé, sont rédigées comme suit:
  30. Article 1
  31. Aux fins de la présente convention, le terme "salaire" signifie, quels qu'en soient la dénomination ou le mode de calcul, la rémunération ou les gains susceptibles d'être évalués en espèces et fixés par accord ou par législation nationale, qui sont dus en vertu d'un contrat de louage de services, écrit ou verbal, par un employeur à un travailleur, soit pour le travail effectué ou devant être effectué, soit pour les services rendus ou devant être rendus.
  32. Article 10
  33. 1. Le salaire ne pourra faire l'objet de saisie ou de cession que selon les modalités et dans les limites prescrites par la législation nationale.
  34. 2. Le salaire doit être protégé contre la saisie ou la cession dans la mesure jugée nécessaire pour assurer l'entretien du travailleur et de sa famille.
  35. Article 11
  36. 1. En cas de faillite ou de liquidation judiciaire d'une entreprise, les travailleurs employés dans celle-ci auront rang de créanciers privilégiés soit pour les salaires qui leur sont dus au titre de services fournis au cours d'une période antérieure à la faillite ou à la liquidation et qui sera prescrite par la législation nationale, soit pour les salaires qui ne dépassent pas un montant prescrit par la législation nationale.
  37. 2. Le salaire constituant une créance privilégiée sera payé intégralement avant que les créanciers ordinaires ne puissent revendiquer leur quote-part.
  38. 3. L'ordre de priorité de la créance privilégiée constituée par le salaire, par rapport aux autres créances privilégiées, doit être déterminé par la législation nationale.
  39. Article 12
  40. (...)
  41. 2. Lorsque le contrat de travail prend fin, le règlement final de la totalité du salaire dû sera effectué conformément à la législation nationale, à une convention collective ou à une sentence arbitrale ou, à défaut d'une telle législation, d'une telle convention ou d'une telle sentence, dans un délai raisonnable, compte tenu des dispositions du contrat.
  42. 18. Par ailleurs, les organisations susmentionnées considèrent également que la création et le développement des allocations non salariales affectent l'application des articles 10 et 12, paragraphe 1 b), de la convention no 158. Ces articles qui concernent le versement au travailleur injustement licencié "d'une indemnité adéquate" et le droit du travailleur licencié "à une indemnité de départ" sont rédigés comme suit:
  43. Article 10
  44. Si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
  45. Article 12, paragraphe 1 b)
  46. 1. Un travailleur licencié aura droit, conformément à la législation et à la pratique nationales:
  47. a) (...)
  48. b) soit à des prestations d'assurance-chômage ou d'assistance aux chômeurs ou à d'autres prestations de sécurité sociale, telles que les prestations de vieillesse ou d'invalidité, aux conditions normales ouvrant droit à de telles prestations;...
  49. Examen antérieur de l'application des conventions nos 95 et 158 par les organes de contrôle de l'OIT
  50. 19. Dans le rapport de la 82e session de la Conférence internationale du Travail (1995), la commission d'experts a noté avec satisfaction que la loi organique sur le travail donne effet, entre autres, aux dispositions des articles 6, 10 et 13, paragraphe 1, de la convention no 95 à propos desquels la commission avait antérieurement formulé des observations. Le comité note que les demandes envoyées directement au gouvernement en 1995 et 1996 ne portent pas sur les dispositions qui font l'objet de la réclamation. Enfin, l'examen de l'application de la convention no 158 n'a pas donné lieu à des commentaires de la commission d'experts.
  51. Application de la convention no 95
  52. 20. Le comité constate que les organisations syndicales considèrent que la politique de "désalarisation" constituerait une violation de l'article 1 de la convention no 95, dans la mesure où les lois et règlements créant ou augmentant les primes et avantages indiquent qu'ils n'ont pas un caractère salarial et que, par conséquent, ils ne seront pas pris en considération pour le calcul des prestations qui, légalement ou par voie de conventions collectives, reviennent au travailleur. Certains textes précisent que ces primes ne seront pas considérées comme partie intégrante du salaire de base pour le calcul des prestations, avantages et indemnisations qui, de par la loi ou les conventions collectives, peuvent être versés au travailleur pendant la prestation de service ou à l'occasion de la fin de sa relation de travail (décret no 247 du 29 juin 1994, art. 4; décret no 617 du 11 avril 1995, art. 5).
  53. 21. Le comité note que l'article 1 de la convention no 95 donne une définition du salaire "aux fins de la présente convention". Cette définition peut être plus large que celle qui figure dans une législation nationale sans qu'il s'ensuive nécessairement une violation de la convention pour autant que la rémunération ou les gains dus, en vertu d'un contrat de louage de service, par un employeur à un travailleur, quelle qu'en soit la dénomination, soient couverts par les dispositions des articles 3 à 15 de la convention. Tel est le sens de l'observation de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations à laquelle se réfèrent les organisations syndicales concernées (Note 4): le fait que la prestation, quel que soit le nom qui lui est donné, ne rentre pas dans la définition du salaire contenue dans la loi nationale ne constitue pas ipso facto une violation de la convention. Ainsi, dans le cas auquel se sont référées les organisations susmentionnées, la commission d'experts "ne disposant d'aucune autre information sur ce point" a prié le gouvernement concerné d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour assurer que les prestations ne revêtant pas le caractère d'un salaire au sens de la législation nationale fassent l'objet de la protection prévue au Code du travail, en application de la convention (Note 5).
  54. 22. Le comité note que l'article 133 -- paragraphe unique -- de la loi organique sur le travail prévoit qu'un certain nombre de primes ne font pas partie du salaire. Il s'agit: i) des gratifications non directement liées à la prestation de travail que l'employeur, pour des motifs spéciaux, accorde volontairement au travailleur; ii) des subventions ou facilités accordées par l'employeur pour permettre au travailleur d'obtenir les biens et services essentiels à des prix inférieurs au prix courant; iii) des contributions de l'employeur à l'épargne du travailleur, sauf en cas de décision contraire; et iv) du remboursement au travailleur des frais encourus dans l'exercice de ses activités. Les allocations prévues par les lois et règlements cités par les organisations syndicales susmentionnées ne rentrent pas dans ces cas. Le comité rappelle également la déclaration du gouvernement selon laquelle le salaire sert de base au calcul de toutes les prestations issues du travail. Or, en indiquant expressément que les primes et allocations n'ont pas un caractère salarial et, par voie de conséquence, ne seront pas prises en considération pour le calcul des prestations qui, légalement ou par voie de convention collective, reviennent au travailleur à l'occasion du travail effectué ou du service rendu, les lois et règlements précités ont, entre autres, pour effet de les exclure des garanties prévues par la loi organique sur le travail en application des dispositions pertinentes de la convention. En conséquence, le comité prie le gouvernement d'indiquer les mesures prises pour assurer que ces allocations, qui ne revêtent pas le caractère d'un salaire au sens de la législation nationale, fassent, en application de la convention no 95, l'objet des protections prévues par la loi organique sur le travail, notamment en abrogeant les dispositions législatives ou réglementaires incompatibles avec l'article 133 de la loi organique sur le travail.
  55. 23. Le comité considère qu'il est inutile de poursuivre l'examen des conséquences de l'adoption et de la mise en oeuvre des lois et règlements cités par les organisations susmentionnées sur l'application d'articles particuliers de la convention. Ni les indications fournies par les organisations susmentionnées ni les explications communiquées par le gouvernement ne permettent de conclure que la pratique suivie i) pour la protection du salaire contre les saisies ou cessions dans la mesure jugée nécessaire pour assurer l'entretien du travailleur et de sa famille; ii) pour la protection des créances privilégiées au titre des salaires en cas de faillite ou de liquidation judiciaire de l'entreprise; ou iii) pour assurer le règlement final de la totalité du salaire dû, lorsque le contrat de travail prend fin, soit conforme aux dispositions des articles 10, 11 et 12, paragraphe 2, de la convention. Le comité relève que l'accumulation de décisions visant à ne pas reconnaître un caractère salarial aux allocations accordées en vertu des lois et règlements précités a pour effet de diminuer le montant des sommes protégées au titre du salaire dans des proportions telles que la notion même de salaire en est déformée.
  56. Application de la convention (no 158) sur le licenciement, 1982
  57. 24. Le comité note que les allégations des organisations susmentionnées concernent les effets de l'adoption de lois et de règlements créant ou augmentant des primes ou des allocations diverses (transport, alimentation) payées par l'employeur, qui ne sont pas prises en considération pour le calcul du salaire au sens de l'article 133 de la loi organique sur le travail, sur l'application des articles 10 et 12, paragraphe 1 a), de la convention no 158. Ces dispositions qui concernent les indemnités ordonnées en cas de licenciement injustifié par les tribunaux ou les arbitres et les indemnités de départ en cas de licenciement sont rédigées comme suit:
  58. Article 10
  59. Si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
  60. Article 12
  61. 1. Un travailleur licencié aura droit, conformément à la législation et à la pratique nationales:
  62. a) soit à une indemnité de départ ou à d'autres prestations similaires dont le montant sera fonction, entre autres éléments, de l'ancienneté et du niveau de salaire et qui seront versées directement par l'employeur ou par un fonds constitué par des cotisations des employeurs;
  63. (...)
  64. 25. Le comité relève que l'article 125 de la loi organique sur le travail prévoit que "si l'employeur persiste dans son intention de licencier le travailleur, il devra payer, outre les salaires que celui-ci n'aura pas perçus pendant la procédure, le double de l'indemnisation prévue à l'article 108 (deux mois de salaire par année d'ancienneté), plus le double de ce qui lui serait revenu au titre du préavis non notifié dans le cas de l'article 104 a), b) et c) (entre 15 jours et deux mois de salaire selon l'ancienneté), et l'équivalent du préavis dans les cas prévus sous d) et e) (entre deux mois et trois mois de salaire selon l'ancienneté)". Le montant de cette indemnité est calculé en fonction du salaire. Le comité considère que les primes et allocations accordées afin d'ajuster le pouvoir d'achat du travailleur aux circonstances économiques que traverse le pays doivent être prises en considération pour le calcul des indemnités prévues par la législation nationale en cas de licenciement injustifié. La question est de savoir si le fait de ne pas prendre en considération ces primes et allocations est conforme aux dispositions de la convention qui se réfèrent à une indemnité "adéquate".
  65. 26. L'article 10 de la convention prévoit qu'à titre accessoire une indemnité "adéquate" soit versée au travailleur ayant fait l'objet d'un licenciement injustifié, lorsque l'annulation du licenciement et la réintégration comme moyens de réparation principaux ne peuvent être prononcées. Le comité note que le dédommagement financier ainsi prévu sert à indemniser la perte injustifiée de l'emploi et doit être à ce titre "adéquat", c'est-à-dire suffisamment dissuasif pour éviter le licenciement injustifié. Le comité note que, si l'utilisation du terme "adéquat" n'établit ni un quelconque montant pour cette indemnité ni les modalités du calcul de ce montant, il indique cependant que le montant de l'indemnité doit raisonnablement permettre d'atteindre le but visé, à savoir l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi. Le comité note également que, dans le cas qui lui est soumis, l'article 125 de la loi organique sur le travail établit une proportionnalité entre l'indemnité en cas de licenciement injustifié et le montant du salaire. Le comité considère que les lois et règlements, créant ou augmentant des bons ou allocations qui ne rentrent pas dans la définition du salaire aux fins du calcul des indemnités de licenciement, provoquent une réduction de la base de calcul du montant de l'indemnité prévue en cas de licenciement injustifié et, de ce fait, altèrent le caractère adéquat de l'indemnité prévue à l'article 10 de la convention. En conséquence, le comité conclut que sur ce point le gouvernement du Venezuela ne s'acquitte pas des obligations prévues à l'article 10 de la convention.
  66. 27. Pour ce qui est de l'article 12 de la convention, le montant de l'indemnité de départ doit être fonction, entre autres éléments, de l'ancienneté et du niveau de salaire. L'application en droit de cette disposition est assurée par l'article 108 de la loi organique sur le travail qui prévoit le versement par l'employeur d'une indemnisation équivalant à dix jours de salaire si l'ancienneté n'excède pas six mois et à un mois de salaire pour chaque année d'ancienneté passée à son service ou fraction d'année supérieure à six mois.
  67. 28. Le comité rappelle les conclusions figurant au paragraphe 23 de son rapport dans la mesure où l'article 12 prévoit les modalités du calcul du montant de l'indemnité de départ, fondée sur l'ancienneté et le niveau du salaire. Le comité rappelle l'indication fournie par la commission d'experts au paragraphe 267 de son étude d'ensemble de 1995 sur la protection contre le licenciement injustifié selon laquelle l'indemnité de départ joue un rôle important dans la protection du revenu dans les pays où un système de sécurité sociale ne prévoit pas ou prévoit insuffisamment une telle protection. En conséquence, le comité conclut que la politique poursuivie par l'adoption des lois et règlements précités provoque une diminution du montant des indemnités de départ par rapport à la rémunération réellement perçue par le travailleur, altérant ainsi le but de protection du revenu visé par cet article de la convention. Enfin, le comité conclut que l'inexécution des obligations relatives aux articles 10 et 12 de la convention no 158 ne requiert pas une action spécifique de la part du gouvernement mais requiert une action telle qu'indiquée au paragraphe 22 du rapport en vue de rétablir le caractère salarial des primes et allocations visées dans la présente réclamation.
  68. 29. Le comité note que le gouvernement se réfère dans sa réponse à son objectif immédiat qui est de lutter contre l'inflation pour ensuite convertir les revenus non salariaux ou compensatoires en salaires avec plein effet comme par le passé. Le comité exprime l'espoir que ces objectifs pourront être atteints rapidement dans le cadre du dialogue social entre le gouvernement et les organisations d'employeurs et de travailleurs.
  69. Recommandations du comité
  70. 30. Le comité recommande au Conseil d'administration:
  71. a) d'approuver le présent rapport et, en particulier, compte tenu des conclusions qui figurent au paragraphe 22 du rapport, d'inviter le gouvernement à fournir un rapport au titre de l'article 22 de la Constitution de l'OIT, sur les mesures prises pour assurer que les allocations versées au titre des lois et règlements énumérés au paragraphe 9 fassent, en droit et en pratique, l'objet des protections prévues aux articles 3 à 15 de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949, notamment en abrogeant les dispositions législatives ou réglementaires incompatibles avec l'article 133 de la loi organique sur le travail;
  72. b) de déclarer close la procédure engagée devant le Conseil d'administration à la suite de la réclamation de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), la Confédération unitaire des travailleurs du Venezuela (CUTV), la Confédération générale des travailleurs du Venezuela (CGT), la Confédération des syndicats autonomes (CODESA) et du Syndicat national des employés et fonctionnaires publics du pouvoir judiciaire et du Conseil de la magistrature (ONTRAT), relative à l'application par le Venezuela des conventions (no 95) sur la protection du salaire, 1949, et (no 158) sur le licenciement, 1982.
  73. Note 1
  74. Convention no 95, ratifiée le 10 août 1982, et convention no 158, ratifiée le 6 mai 1985.
  75. Note 2
  76. Voir Bulletin officiel, vol. LXIV, 1981, Série A, no 1, pp. 99-101.
  77. Note 3
  78. CIT, 83e session (1996), rapport III (partie 4A), rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, pp. 185-187.
  79. Note 4
  80. Voir ci-dessus paragr. 13.
  81. Note 5
  82. CIT, 83e session (1996), rapport III (partie 4A), rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, p. 186.
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