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RECLAMATION (article 24) - SENEGAL - C105, C111 - 1997

1. Syndicat unique et démocratique des enseignants du Sénégal (SUDES)

Clos

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Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation présentée par le Syndicat unique et démocratique des enseignants du Sénégal (SUDES) en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant l'inexécution par le Sénégal de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957

Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation présentée par le Syndicat unique et démocratique des enseignants du Sénégal (SUDES) en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant l'inexécution par le Sénégal de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957

Decision

Decision
  1. Convention no. 105: Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close. Convention no. 111: Réclamation non recevable.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. A. Introduction
  2. 1. Par lettre en date du 28 août 1995, le Syndicat unique et démocratique des enseignants du Sénégal (SUDES), invoquant l'article 24 de la Constitution de l'OIT, a adressé une réclamation alléguant la non-observation par le gouvernement du Sénégal de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957.
  3. 2. Les conventions susmentionnées ont été ratifiées par le Sénégal le 13 novembre 1967, pour la première, et le 28 juillet 1961, pour la seconde, et sont toutes deux en vigueur dans le pays.
  4. 3. Les dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail relatives à la présentation des réclamations sont les suivantes:
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. La procédure suivie en cas de réclamation se fonde sur le règlement en la matière, tel qu'il a été révisé par le Conseil d'administration à sa 212e session (mars 1980).
  10. 5. Conformément à l'article 2, paragraphe 1, de ce règlement, le Directeur général a transmis la réclamation au bureau du Conseil d'administration.
  11. 6. A sa 265e session (mars 1996), le Conseil d'administration, se fondant sur le rapport présenté par son bureau, a déclaré la réclamation recevable uniquement pour ce qui concerne la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, et a désigné un comité chargé de son examen, constitué de M. Baccar (membre gouvernemental, Tunisie), M. Aka-Anghui (membre employeur) et M. Mayaki (membre travailleur). A sa 267e session (novembre 1996), le Conseil d'administration a désigné M. Baichoo (membre gouvernemental, Maurice) en remplacement de M. Baccar.
  12. 7. Conformément aux dispositions de l'article 4, paragraphe 1, alinéas a) et c), du règlement, le comité a invité le gouvernement à présenter sur cette réclamation les informations qu'il jugeait opportunes. Le gouvernement a présenté ses observations et commentaires par communication datée du 23 janvier 1997.
  13. 8. Le comité s'est réuni une première fois en novembre 1996, puis à nouveau le 11 novembre 1997 pour l'adoption de son rapport.
  14. B. Examen de la réclamation
  15. I. Allégations présentées par le SUDES
  16. 9. Le SUDES allègue l'inexécution par le gouvernement du Sénégal de la convention no 105 sur l'abolition du travail forcé, en raison du recrutement, sur la base d'un appel à travers la presse, de "1 200 volontaires de l'éducation".
  17. 10. Quant aux faits, le SUDES allègue que l'appel lancé par le gouvernement à travers la presse pour le recrutement de "1 200 volontaires de l'éducation" précise que sont ciblés les jeunes (garçons ou filles ) ayant un diplôme équivalent ou supérieur au BFEM et qui sont "sans perspectives d'emploi à court terme". Ce recrutement de maîtres a pour objectif entre autres: de "rouvrir plus de 500 classes fermées faute de maître", "de freiner la tendance à la baisse" du taux de scolarisation, "mais aussi de lutter contre le chômage et le sous-emploi des jeunes". Expliquant la stratégie gouvernementale dans ce domaine, l'appel indique que "face aux limites de l'Etat "il s'agit de mobiliser les jeunes" dans un mouvement de volontaires de l'éducation" et de mettre en service chaque année -- durant quatre ans -- "1 200 volontaires de l'éducation dans les classes élémentaires, notamment, pour scolariser les enfants des zones les plus déshéritées du Sénégal". Ces jeunes, dit l'appel, "trouveront un travail qui valorise leurs potentialités intellectuelles, morales et physiques", apprendront le métier "d'enseignant", et "bénéficieront d'une bourse mensuelle de 50 000 francs CFA et d'un logement gratuit au lieu de service dans les zones déshéritées".
  18. 11. Le SUDES ajoute que le gouvernement, qui n'a associé à aucun moment les organisations d'enseignants dans cette entreprise, convoque un séminaire à Gorée sur la politique du ministère délégué à l'Alphabétisation et à l'Education de base, et que, dans un élan unanime, les syndicats d'enseignants boycottent le point de l'ordre du jour portant sur la question du "recrutement des volontaires". Les enseignants rejettent l'option gouvernementale qui "accélère le processus de liquidation de la qualité de l'éducation et de la formation, de dévalorisation de la fonction enseignante et de précarisation de l'emploi dans la fonction publique".
  19. 12. Le SUDES indique encore que le gouvernement, tout en reconnaissant qu'il n'a pas associé les enseignants et leurs syndicats dans l'élaboration de son option de "volontaires", décide, en Conseil des ministres du 11 juillet 1995, de poursuivre cette option de "volontaires"; que les syndicats d'enseignants réagissent et appellent leurs militants à refuser de s'impliquer dans l'organisation des modalités de recrutement, pour obliger le gouvernement à arrêter cette option du coup de force; et que le gouvernement passera outre et choisira "ses volontaires" dans une logique clientéliste fortement décriée par l'opinion.
  20. 13. Quant au respect de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, le SUDES relève que, aux termes de l'article 1 b) de la convention, tout Membre de l'OIT qui ratifie la présente convention s'engage à supprimer le travail forcé ou obligatoire et à n'y recourir sous aucune forme "en tant que méthode de mobilisation et d'utilisation de la main-d'oeuvre à des fins de développement économique". Pour le SUDES, cette disposition n'est pas respectée par le gouvernement du Sénégal qui précise dans son "appel" au recrutement de "volontaires de l'éducation" qu'il s'agit de "mobiliser" le potentiel d'engagement des jeunes "sans perspectives d'emploi" dans un "mouvement" pour contribuer au développement du pays. Selon le SUDES, la population ciblée par le recrutement (diplômés chômeurs, jeunes sans perspectives d'emploi) traduit clairement que la contrainte économique, le besoin de travail à tout prix constituent la "motivation" principale des "volontaires". Il n'y a pour eux aucune possibilité de choix. Cette situation exclut toute utilisation appropriée de l'idée de volontaire. C'est bien la contrainte économique qui force à accepter.
  21. 14. Le SUDES indique que, dans l'histoire coloniale en Afrique, l'administration coloniale, sous couvert de "recrutement de volontaires", obligeait en fait les "indigènes" à des travaux dits d'intérêt de développement, et que le gouvernement du Sénégal, par sa politique de "volontaires" qui tourne le dos aux conventions internationales et piétine la législation du travail en vigueur au Sénégal, maintient la réalité du travail forcé.
  22. 15. Le SUDES ajoute que l'article 23 de la "Déclaration universelle des droits de l'homme" stipule que "toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage", et souligne que ce principe universel de "libre choix" du travail n'est guère considéré dans la politique des "volontaires" obligatoire. Pour le SUDES, le gouvernement du Sénégal reprend ici, sous une forme différente, sa politique de volontariat forcé, déjà appliquée lorsqu'il a fallu réduire les effectifs de la fonction publique, et que plusieurs travailleurs appelés alors "volontaires" pour le départ de la fonction ont été obligés d'accepter un licenciement déguisé.
  23. II. Observations et commentaires du gouvernement
  24. 16. Quant aux faits, le gouvernement indique que les allégations reproduites au paragraphe 10 ci-dessus n'appellent pas de commentaires, puisqu'il s'agit d'extraits de textes publiés dans la période du lancement du projet par le gouvernement et la direction du projet.
  25. 17. Quant aux passages reproduits au paragraphe 11 ci-dessus, le gouvernement observe que le pays est soumis à des contraintes majeures liées au contexte économique très difficile au moment où il doit faire face à l'exigence d'éducation pour tous d'ici l'an 2000 conformément aux engagements pris à Jomtien. Ces engagements pris ensemble en 1990 lui imposent, parmi d'autres gouvernants de pays du tiers monde, des choix déchirants et des solutions alternatives hors des schémas classiques qui ont fait leur preuve. Déjà, lors des assises des Etats généraux de l'éducation et de la formation (EGEF) de 1981, il y a eu consensus sur un certain nombre de points: 1) les tâches d'éducation sont aujourd'hui immenses; or elles sont incontournables si l'on veut développer le Sénégal; 2) l'Etat seul n'a pas les ressources suffisantes pour réaliser l'éducation universelle au Sénégal; 3) il faut développer une solidarité nationale autour de l'école pour relever les défis en mobilisant parents d'élèves, enseignants, intellectuels, employeurs (l'Etat et le patronat).
  26. 18. Le gouvernement ajoute qu'au cours des discussions entre syndicats d'enseignants et gouvernement en 1994 tout le monde était arrivé à la conclusion qu'il fallait une solution alternative pour trouver une réponse au déficit structurel en personnel. Mais cette question ne pouvait plus attendre face à la pression de la demande en éducation et aux derniers engagements pris ensemble (Etat, syndicats d'enseignants, parents d'élèves, mouvements de jeunes, associations féminines, autorités religieuses, partenaires au développement) lors du Forum sur la scolarisation des filles présidé par le Président de la République les 21 et 22 avril 1995. Il se pose alors un certain nombre d'interrogations:
  27. -- Comment traduire en acte concret cette exigence de solidarité nationale autour de l'éducation exprimée par les EGEF en 1981?
  28. -- Les associations de parents d'élèves et les collectivités locales, qui construisent et équipent en moyenne entre 700 à 800 classes par an, s'investissent davantage dans cette solidarité pour appuyer l'effort de l'Etat. Que faire pour ne pas décourager davantage cette mobilisation?
  29. -- Les enseignants, en acceptant de servir dans des classes multigrades et les classes doubles flux, n'expriment-ils pas à leur tour leur solidarité?
  30. -- Les partenaires au développement, en prenant l'engagement de construire et d'équiper au moins 3 500 classes d'ici 1998, ne s'associent-ils pas aussi à ce mouvement de solidarité qui doit faire tâche d'huile?
  31. -- L'Etat, qui a déjà consacré près de 30 pour cent de son budget à l'éducation, peut-il faire encore plus?
  32. -- Comment doit se traduire maintenant la solidarité de ces milliers de jeunes intellectuels ayant fini leurs études au moment où des jeunes du même âge venant des USA, de France, du Japon, etc. bravent les intempéries et les conditions de vie de nos pays en s'investissant dans le volontariat pour aider nos pays à se développer?
  33. 19. Le gouvernement note que c'est dans un tel contexte que le projet des volontaires de l'éducation a été lancé par le gouvernement et, dès le jeudi 15 juin 1995, avant de le rendre public, le gouvernement a rencontré les organisations syndicales d'enseignants pour leur présenter le projet en leur donnant le maximum d'informations. Les discussions autour dudit projet devaient se poursuivre à l'occasion d'un séminaire organisé par le ministre délégué chargé de l'Education de base et des Langues nationales dans le cadre de la préparation de la concertation nationale autour de la politique sectoriale du gouvernement prévue du 10 au 13 août 1995. Pour le gouvernement, il fallait engager des discussions sur le projet et apporter les améliorations nécessaires étant donné que les syndicats étaient d'accord sur la nécessité de solutions alternatives. Dès le lendemain de la rencontre du 15 juin 1995, avant même le séminaire de Gorée des 16 et 17 juin 1995 au cours duquel ils allaient étudier le plus profondément le document du projet, les syndicats ont exprimé leur opposition audit projet sans rien proposer à la place. C'est ainsi qu'ils vont boycotter l'étude du point sur le projet au moment où ils auraient dû l'exiger. Ce n'est donc pas le gouvernement qui a refusé d'associer les syndicats à la réflexion. Ils ont choisi d'eux-mêmes de "boycotter" la discussion sur la question. Et malgré l'agitation qu'il y a eu sur ce projet l'opinion publique l'a fortement soutenu.
  34. 20. Le gouvernement signale qu'un débat contradictoire organisé par la Radio-télévision du Sénégal a regroupé les représentants des syndicats d'enseignants, des enseignants retraités, des parents d'élèves, de la Société civile et de l'Etat sur la question. L'effet produit par ce débat est plutôt la mobilisation de l'opinion publique pour le projet et contre la position des syndicats. Alors que, généralement, le nombre de candidats aux concours de recrutement des futurs instituteurs variait entre 15 000 et 16 000, il y a eu 32 595 candidats, tous de jeunes Sénégalais, pressés de se retrouver dans les campagnes avec d'autres jeunes volontaires français, japonais ou américains. Tous piaffaient d'impatience pour aider leur pays à relever le défi de l'éducation pour tous d'ici l'an 2000. Ils sont dans leur grande majorité des bacheliers ou d'anciens universitaires et ne peuvent donc contribuer à "liquider la qualité de l'éducation et de la formation" comme l'allègue le SUDES.
  35. 21. Pour ce qui est des allégations reproduites au paragraphe 12 ci-dessus, le gouvernement indique que l'appel des syndicats d'enseignants à leurs militants à refuser de s'impliquer dans l'organisation des modalités de recrutement n'a pas été suivi par tous les enseignants car les épreuves écrites se sont normalement déroulées dans 24 circonscriptions sur les 31 concernées par le recrutement. Quant à l'allégation selon laquelle "le gouvernement aurait choisi "ses volontaires" dans une logique clientéliste fortement décriée par l'opinion", cette version est très loin de la réalité. Contrairement à ce qui s'est toujours passé, la sélection des 1 200 volontaires n'a pas été faite par le ministère. L'opération a été décentralisée avec une totale responsabilisation des inspections départementales de l'éducation nationale. Un quota de volontaires à recruter a été fixé à chaque inspection en fonction du déficit en maîtres enregistré à ce niveau. C'est ainsi qu'à partir du 11 juillet 1995 s'est déroulé dans les 31 circonscriptions scolaires du pays le test de sélection des 1 200 volontaires. Dans chaque circonscription scolaire concernée par cette sélection, l'inspecteur a mis sur pied, sur instructions du ministre, un jury comprenant: des professeurs; des représentants des syndicats d'enseignants; des représentants des associations de parents d'élèves (à titre d'observateurs); des représentants des autorités administratives et deux observateurs envoyés par l'inspecteur d'académie et le ministère pour veiller à la régularité des opérations. Les jurys, entièrement autonomes et responsabilisés, ont assuré toutes les opérations et proclamé eux-mêmes les résultats définitifs. Il n'y a donc eu aucun clientélisme, le recrutement s'étant déroulé dans la rigueur et la transparence la plus totale, et cela malgré le mot d'ordre de boycott qui n'a pas empêché un bon déroulement du test de sélection. Commencé le 11 juillet 1995, le test s'est terminé le 22 juillet 1995 sur l'ensemble du territoire. Sur 32 595 candidats qui se sont présentés, les 1 200 ont été sélectionnés et ont aussitôt commencé leur formation pédagogique et pratique dès le 24 juillet 1995.
  36. 22. Le comité note par ailleurs que, dans les observations que le gouvernement a formulées en rapport avec la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, il précise que les volontaires ne sont pas des fonctionnaires et, comme le SUDES l'a déjà cité dans son rapport à la page une, il s'agit "de jeunes qui veulent apprendre le métier d'enseignant". Jusqu'à une date récente (1994), la formation des instituteurs durait quatre ans dans les écoles normales d'instituteurs. Dans ces écoles normales (quatre au total), les élèves-maîtres avaient théoriquement le niveau du BFEM. Ils subissaient une formation théorique et pratique de quatre ans avec, pendant les trois premières années, une dominante académique. Ils bénéficiaient d'une bourse d'études de 17 500 francs par mois pendant les trois premières années et de 28 000 francs la quatrième année. Ils apprenaient ainsi pendant quatre (4) ans le métier d'enseignant. Le projet des volontaires de l'éducation a donc repris la durée initiale de quatre (4) ans de formation dans les écoles normales d'instituteurs, en mettant cependant les élèves-maîtres volontaires en situation réelle d'apprentissage pendant quatre (4) ans après une formation initiale de quatre (4) mois. Le gouvernement ajoute que les 1 200 volontaires de l'éducation, qui sont donc des élèves-maîtres et non des fonctionnaires, bénéficient d'une bourse de 50 000 francs par mois et d'un logement gratuit dans les écoles rurales pour "apprendre pendant quatre ans le métier d'enseignant".
  37. 23. Le gouvernement signale encore à ce sujet qu'au cours de la formation initiale de quatre mois (trois mois de formation théorique et pratique et un mois de stage de responsabilité entière), les élèves-maîtres volontaires de l'éducation ont été dotés de brochures diverses qui doivent accompagner cette formation initiale. La formation initiale reçue va être renforcée pendant les quatre ans du volontariat à trois niveaux: les élèves-maîtres volontaires de l'éducation sont non seulement pris en charge par les équipes pédagogiques de leurs écoles respectives mais ils participent aux activités des cellules d'animation pédagogique (plusieurs écoles) qui se réunissent tous les quinze jours sur des questions pédagogiques; le volontaire bénéficie au moins chaque mois d'un encadrement rapproché d'un inspecteur qui, à la suite de son inspection, élabore un rapport; un stage de recyclage d'une durée de quinze jours est organisé chaque année pour combler les lacunes constatées dans les différents rapports. Ce stage peut être éclaté en deux ou trois séminaires organisés au cours de l'année scolaire. Pour parfaire leur formation, les volontaires sont autorisés à passer les examens professionnels des enseignants: a) le certificat élémentaire d'aptitude pédagogique (CEAP pour le niveau du brevet de fin d'étude moyenne); b) le certificat d'aptitude pédagogique (CAP pour le niveau du BAC). C'est seulement après les quatre ans que l'élève-maître volontaire peut prétendre à la fonction publique. En effet, il est prévu que les meilleurs des 1 200 volontaires seront recrutés au niveau de la fonction publique. Avant ces quatre ans, les volontaires ne sont ni des stagiaires ni des fonctionnaires; ils apprennent le métier d'enseignant. Il ne peut donc pas y avoir de confusion entre le statut actuel du volontaire qui est un élève-maître qui veut devenir enseignant et celui de l'enseignant fonctionnaire. On ne peut par conséquent faire de comparaison entre la bourse du premier et le salaire du deuxième. Cette comparaison aurait dû se faire entre la bourse de 17 500 francs par mois de l'élève-maître des écoles de formation d'instituteurs et celle du volontaire qui est de 50 000 francs par mois.
  38. 24. Quant au respect de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, le gouvernement indique qu'il n'y a aucune violation de cette convention. Il ne s'agit ni de travail forcé, encore moins de travail obligatoire. Le volontaire de l'éducation était en situation d'attente: soit il est arrivé à trouver un emploi, et dans ce cas il est libéré à sa demande, soit il veut faire carrière dans l'enseignement, et dans ce cas il suit une formation continue de quatre ans, termine son volontariat avant d'être recruté par la fonction publique ou par les collectivités locales.
  39. 25. Le gouvernement explique que cette mobilisation des jeunes a été rendue possible en partie par une tradition dans ce domaine. Depuis une trentaine d'années, il s'est développé dans le pays une forme de volontariat dans le secteur de l'éducation. Partout dans les grandes villes, de jeunes professeurs, des universitaires ou de simples citoyens ont créé des centres d'entraide scolaire qui accueillent des enfants des familles déshéritées, démunies ou des enfants exclus du système scolaire. Ces centres ont essaimé partout grâce à cette forme de solidarité qui a sauvé bien des milliers d'enfants. Pendant les grandes vacances, le mouvement associatif s'investit également pour organiser des cours de vacances. Dans les villages où il manque des enseignants, des parents prennent des initiatives pour confier l'éducation de leurs enfants à de jeunes diplômés. Dans les campagnes, des jeunes Français, Japonais, Américains, etc. âgés de 18 à 30 ans sillonnent les brousses pour aider les paysans à améliorer leurs conditions d'existence. Il existe donc un puissant mouvement de solidarité auquel il faut donner forme. Et c'est tout le sens des initiatives similaires d'ONG qui ont recruté des volontaires pour appuyer l'Etat (l'ONG Aide et action et la Fondation Paul Gerin La Joie).
  40. 26. Le gouvernement ajoute que, lorsque le SUDES écrit "la population ciblée par le recrutement (...) traduit clairement que la contrainte économique, le besoin de travail à tout prix constituent la motivation principale des volontaires. Il n'y a pour eux aucune possibilité de choix. Cette situation exclut toute utilisation appropriée de l'idée de volontaire. C'est bien la contrainte économique qui force à accepter", il passe sous silence les réalités profondes dans le pays. Quel est le jeune diplômé sénégalais qui est devenu enseignant par vocation? Qui n'est pas devenu enseignant parce qu'il n'a rien trouvé d'autre? Qui ne l'est pas devenu par pression économique? Les jeunes diplômés ont l'habitude de passer tous les concours pour multiplier les chances de réussite car il n'y a plus de choix à faire, il faut tout simplement trouver un emploi. Au point qu'aujourd'hui les universitaires ont pratiquement chassé tous les brevetés des concours qui étaient destinés à ces derniers. Si c'est une contrainte économique qui a forcé 32 595 jeunes diplômés à se présenter au test de sélection des volontaires, il faudra donc donner les raisons pour lesquelles des milliers de jeunes ont accepté de s'investir dans les opérations de nettoyage des villes et des villages sans réclamer de salaires et ont ouvert autant de centres d'entraide scolaire sans contrepartie financière significative. L'appel s'est adressé à ces jeunes diplômés qui, en attendant de trouver un emploi, ont accepté de poursuivre le même travail qu'ils font dans les centres d'entraide scolaire concentrés dans les villes, en s'investissant en milieu rural à côté d'autres volontaires de leur âge d'autres nationalités. Ils ont, contrairement aux allégations du SUDES, compris tout le sens de l'appel et toutes les opportunités que leur offre le projet pour se rendre utiles en se préparant à une carrière qu'ils pourront choisir à n'importe quel moment de leur volontariat.
  41. III. Conclusions du comité
  42. 27. Définition du travail forcé ou obligatoire. Le SUDES allègue le non-respect par le gouvernement du Sénégal de l'article 1 b) de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, ratifiée par le Sénégal. Aux termes de cette disposition, le gouvernement s'est engagé à ne recourir au travail forcé ou obligatoire sous aucune forme en tant que méthode de mobilisation et d'utilisation de la main-d'oeuvre à des fins de développement économique. La convention ne définit pas la notion de travail forcé ou obligatoire. Selon la pratique constante des organes de contrôle de l'OIT (Note 1), la définition de la notion de travail forcé contenue à l'article 2, paragraphe 1, de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, est valable d'une manière générale et peut donc servir aussi à déterminer ce que représente le "travail forcé ou obligatoire" au sens de la convention de 1957, à savoir "tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré". Il a été précisé, lors de l'examen du projet de la convention de 1930 par la Conférence, que la peine dont il est question ici ne doit pas revêtir forcément la forme d'une sanction pénale, mais qu'il peut s'agir également de la privation de quelque droit ou avantage (Note 2). Quant au "travail ou service" visé dans la définition, les organes de contrôle ont fait une distinction entre le travail et la formation professionnelle, et ont admis qu'un programme de formation professionnelle obligatoire, par analogie avec l'instruction générale obligatoire, et considéré comme un prolongement de celle-ci ne constitue pas du travail ou service obligatoire au sens des conventions sur le travail forcé. Toutefois, étant donné que la formation professionnelle comprend généralement une certaine quantité de travaux pratiques, la distinction entre formation et emploi n'est pas toujours facile à établir (Note 3).
  43. 28. Contrainte économique. La notion de travail forcé ou obligatoire implique que le travailleur ne s'est pas offert de plein gré pour le travail ou service en question. Dans le cas faisant l'objet de la présente réclamation, les travailleurs concernés ont répondu à un appel public s'adressant à des volontaires possédant certaines qualifications. Sur 32 595 candidats qui se sont présentés, 1 200 ont été sélectionnés, conformément à l'appel lancé. Sans contester la forme volontaire de l'offre de services faite par les candidats ayant répondu à l'appel, le SUDES fait valoir qu'ils n'étaient pas libres: "La population ciblée par le recrutement (diplômés chômeurs, jeunes sans perspectives d'emploi) traduit clairement que la contrainte économique, le besoin de travail à tout prix constituent la "motivation" principale des "volontaires". Il n'y a pour eux aucune possibilité de choix. Cette situation exclut toute utilisation appropriée de l'idée de volontaire. C'est bien la contrainte économique qui force à accepter (Note 4)." Le comité observe que la notion de contrainte économique a été au coeur des conclusions tirées par les organes de l'OIT au sujet de représentations antérieures alléguant l'inexécution de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, conclusions dont il conviendra de dégager les critères utilisés.
  44. 29. Précédents. Le comité du Conseil d'administration chargé d'examiner la réclamation présentée en 1983 par le Conseil national de coordination syndicale du Chili (CNS) en vertu de l'article 24 de la Constitution, et alléguant l'inexécution par le Chili des conventions nos 1, 2, 29, 30 et 122, a étudié l'incidence de programmes officiels d'emploi, le "Programme d'emploi minimum" (PEM) et le "Programme d'occupation pour les chefs de foyer" (POJH), sur le respect de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. Le comité est arrivé à la conclusion que les personnes affectées à ces programmes "ne peuvent être considérées comme disposant d'un emploi librement choisi". En particulier, le comité était d'avis "que le travail d'un grand nombre de personnes rétribuées à des taux excessivement bas ne bénéficiant pas de la protection de la législation du travail et de la sécurité sociale peut soulever des doutes quant à son caractère volontaire, d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une solution d'urgence et de nature provisoire, mais d'une situation qui tend à durer, même en tenant compte des informations communiquées par le gouvernement sur les personnes inscrites au PEM qui ne peuvent être considérées comme faisant partie de la force de travail. Il paraît raisonnable de penser que les personnes sans emploi et aptes au travail qui s'inscrivent au PEM ou au POJH s'y sentent contraintes faute d'un meilleur choix, afin de percevoir quelque revenu, si modeste soit-il. Par ailleurs, la participation à l'un ou l'autre de ces programmes est susceptible d'améliorer les possibilités des travailleurs d'obtenir un emploi stable puisque, pour bénéficier de l'allocation prévue par la loi no 18 206 de 1983, les employeurs ont l'obligation d'engager des travailleurs qui sont au bénéfice de l'aide au chômage ou sont inscrits dans l'un des programmes de résorption du chômage. En outre, dans la mesure où les personnes effectuent des activités productives ou des activités normales des services publics, il résulte de cette situation de contrainte une disproportion entre leur rémunération et les travaux effectués pour le compte du gouvernement (Note 5)." Des conclusions identiques ont été tirées par un comité du Conseil d'administration désigné pour examiner une deuxième réclamation présentée par le CNS en 1985 (Note 6).
  45. 30. Critères d'une contrainte imputable ou non au gouvernement. Si le cas soumis à l'examen du comité présente certaines analogies avec ceux mentionnés ci-dessus -- absence d'un meilleur choix pour les candidats, espoir d'obtenir un emploi stable --, il s'en distingue sur des points importants, pris en compte par les comités antérieurs, à savoir le niveau de rémunération et de bénéfices offert et le nombre de personnes concernées. Dans un cas où il existe une situation objective de contrainte économique qui n'a, toutefois, pas été créée par le gouvernement, ce n'est qu'en exploitant cette situation en offrant un taux de rémunération excessivement bas que le gouvernement pourrait se voir, dans une certaine mesure, imputer une situation qu'il n'a pas créée. En outre, il pourrait être tenu responsable d'avoir lui-même organisé ou fomenté la contrainte économique dès lors que le grand nombre de personnes embauchées par le gouvernement à des taux de rémunération excessivement bas et le volume de travail effectué par ces personnes auraient, par un effet de substitution progressive, une incidence sur la situation d'autres personnes, de sorte qu'elles perdent leur emploi normal et tombent à leur tour sous la contrainte économique.
  46. 31. Il n'en est rien dans le cas présent: au lieu d'un "grand nombre de personnes rétribuées à des taux excessivement bas", il s'agit de 1 200 personnes choisies parmi plus de 30 000 candidats pour la période débutant en 1995, dont la rétribution, selon les indications du gouvernement (Note 7), est supérieure à celle des élèves-maîtres des écoles de formation d'instituteurs, occupant des fonctions régulières comparables. Par ailleurs, le reproche de clientélisme formulé par le SUDES en relation avec la sélection des candidats retenus, et réfuté par le gouvernement (Note 8), va à l'encontre de l'allégation selon laquelle il s'agit de travail forcé ou obligatoire. En définitive, le comité estime que la contrainte économique peut revêtir une réalité relevant de la définition du travail forcé; cependant, dans le cas présent, le gouvernement ne saurait être tenu responsable d'avoir créé ou fomenté la contrainte économique, ni de l'avoir exploitée en offrant, à ceux qui n'auraient pas d'alternative, des conditions de service qui ne seraient pas normalement acceptables.
  47. 32. Conclusion. A la lumière de ce qui précède, le comité conclut que la réclamation alléguant l'inexécution par le Sénégal de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, n'est pas fondée.
  48. C. Recommandations du comité
  49. 33. Le comité recommande au Conseil d'administration:
  50. a) d'adopter le présent rapport, et en particulier la conclusion figurant au paragraphe 32;
  51. b) de déclarer close la procédure engagée devant le Conseil d'administration à la suite de la réclamation présentée par le Syndicat unique et démocratique des enseignants du Sénégal (SUDES) en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant l'inexécution par le Sénégal de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957.
  52. Note 1
  53. Voir notamment Rapports de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations (RCE); Etudes d'ensemble des rapports concernant la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957; Conférences internationales du Travail, 65e session, 1979, rapport III (partie 4B), paragr. 39 et suiv., et 52e session, 1968, rapport III (partie IV), p. 192, paragr. 42 et suiv.
  54. Note 2
  55. Conférence internationale du Travail, 14e session, Genève, 1930: Compte rendu des travaux, troisième partie (Genève, BIT, 1930), p. 691.
  56. Note 3
  57. Voir notamment le paragraphe 20 de l'étude d'ensemble de 1979, déjà citée à la première note de bas de page.
  58. Note 4
  59. Cf. paragr. 13 ci-dessus.
  60. Note 5
  61. Voir notamment les paragraphes 60 et 62 de son rapport (Bulletin officiel, Supplément spécial 2/1985, vol. LXVIII, 1985, série B, rapport du comité désigné pour examiner la réclamation présentée par le Conseil national de coordination syndicale du Chili (CNS) en vertu de l'article 24 de la Constitution, et alléguant l'inexécution par le Chili des conventions internationales du travail nos 1, 2, 29, 30 et 122).
  62. Note 6
  63. Paragraphe 86 du rapport du comité désigné pour examiner la réclamation présentée par le Conseil national de coordination syndicale du Chili (CNS) en vertu de l'article 24 de la Constitution, et alléguant l'inexécution par le Chili des conventions internationales du travail nos 1, 2, 24, 29, 30, 35, 37, 38 et 111 (document GB.234/23/28, nov. 1986).
  64. Note 7
  65. Paragraphes 22 et 23 ci-dessus.
  66. Note 8
  67. Paragraphes 12 et 21 ci-dessus.
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