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RECLAMATION (article 24) - IRAQ - C095, C105, C111, C118 - 1991

1. Fédération des syndicats égyptiens (CGT)

Clos

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Rapport du comité désigné pour examiner la réclamation présentée par la Fédération des syndicats égyptiens en vertu de l'article 24 de la Constitution et alléguant l'inexécution par l'Iraq de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949, de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et de la convention (no 118) sur l'égalité de traitement (sécurité sociale), 1962

Rapport du comité désigné pour examiner la réclamation présentée par la Fédération des syndicats égyptiens en vertu de l'article 24 de la Constitution et alléguant l'inexécution par l'Iraq de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949, de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et de la convention (no 118) sur l'égalité de traitement (sécurité sociale), 1962

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. I. Introduction
  2. 1. Par une lettre remise le 8 novembre 1990 au Directeur général du Bureau international du Travail, la Fédération des syndicats égyptiens, invoquant l'article 24 de la Constitution de l'OIT, a présenté une réclamation alléguant l'inexécution par l'Iraq, tant en Iraq qu'au Koweït, de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949, de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et de la convention (no 118) sur l'égalité de traitement (sécurité sociale), 1962.
  3. 2. Ces quatre conventions ont été ratifiées par l'Iraq et sont en vigueur dans le pays (Note_1).
  4. 3. Les dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail relatives à la présentation de réclamations sont les suivantes:
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. La procédure qui doit être suivie en cas de réclamation est régie par le Règlement révisé adopté par le Conseil d'administration à sa 212e session (mars 1980).
  10. 5. Conformément aux articles 1 et 2, paragraphe 1, de ce Règlement, le Directeur général a accusé réception de la réclamation, en a informé le gouvernement de l'Iraq et l'a transmise au bureau du Conseil d'administration.
  11. 6. A sa 248e session (novembre 1990) (Note_2), le Conseil d'administration, sur recommandation de son bureau, a décidé que la réclamation était recevable eu égard à l'Iraq, mais pas en ce qui concernait le Koweït, et il a institué un comité chargé de l'examiner, composé de MM. J. Rhénan Segura (membre gouvernemental, Costa Rica, président), J.J. Oechslin (membre employeur, France) et J. Morton (membre travailleur, Royaume-Uni).
  12. 7. En vertu de l'article 4, paragraphe 1, alinéas a) et c), du Règlement, le comité a décidé: a) d'inviter l'organisation plaignante à fournir, avant le 22 février 1991, tous renseignements complémentaires qu'elle souhaiterait porter à la connaissance du comité; b) d'inviter le gouvernement à présenter ses observations au sujet de la réclamation avant le 22 février 1991, étant entendu que les renseignements complémentaires qu'aurait fournis la fédération plaignante seraient également communiqués au gouvernement.
  13. 8. L'organisation plaignante a communiqué des renseignements complémentaires, par deux lettres en date du 13 février et du 7 mars 1991, et a remis directement au Bureau un certain nombre de documents en février 1991. Des copies de ces documents ont été transmises au gouvernement.
  14. 9. Le gouvernement a présenté, par une communication en date du 3 janvier 1991, ses observations au sujet de la réclamation.
  15. 10. Le comité s'est réuni une première fois en novembre 1990, puis en février 1991 et, enfin, pour l'adoption de son rapport en juin 1991.
  16. II. Examen de la réclamation
  17. A. Questions relatives à la convention (no 95) sur la protection du salaire. 1949
  18. Allégations présentées par l'organisation plaignante
  19. 11. Selon la Fédération des syndicats égyptiens, les travailleurs égyptiens qui ont regagné leur pays avant 1'invasion du Koweït n'ont pas perçu les salaires qui leur étaient dus, le gouvernement ayant cessé les versements approvisionnant les comptes bancaires utilisés aux fins du règlement des salaires. En conséquence, les établissements bancaires ont refusé d'honorer les chèques délivrés aux travailleurs. L'organisation plaignante considère qu'il s'agit d'une violation de l'article 12 de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949.
  20. 12. Selon l'organisation plaignante, les travailleurs égyptiens rentrés d'Iraq après l'invasion du Koweït n'ont pas perçu les salaires qui leur étaient dus, ce qui, à son avis, est contraire à l'article 12 de la convention.
  21. 13. En outre, les autorités iraquiennes auraient délivré à quelques travailleurs des chèques représentant une partie de sommes dues, tirés sur une banque en Jordanie, ce qui, selon la Fédération des syndicats égyptiens, "est une manière de rendre difficile le paiement à ces travailleurs des montants qui leur sont dus et constitue donc une violation de l'article 5 de la convention".
  22. 14. Se référant à la déclaration d'un responsable du ministère iraquien des Finances selon laquelle les montants dus aux travailleurs égyptiens pourraient être remboursés sous forme de pétrole ou toute autre marchandise que réclamerait le gouvernement égyptien, la Fédération des syndicats égyptiens estime que cette proposition n'est pas conforme à l'article 3, paragraphe 1, de la convention et que, si elle était mise à exécution, cela ne serait pas conforme à l'article 5 (paiement direct au travailleur intéressé).
  23. Observations du gouvernement
  24. 15. Le gouvernement a indiqué que les sommes dues aux travailleurs égyptiens qui ont quitté l'Iraq, "droits, indemnités, indemnités de fin de contrat et tout autre montant qui leur était dû" y compris, leur ont été versées conformément à la loi, à l'exception du pourcentage qui doit être transféré en devises étrangères. Le paiement de ce pourcentage est, selon le gouvernement, lié aux conditions économiques que connaît l'Iraq depuis le blocus économique qui lui a été imposé et qui a provoqué le gel de ses avoirs dans les banques étrangères.
  25. 16. En outre, le comité note que, dans une communication datée du 8 novembre 1990, le Directeur général de l'Organisation arabe du Travail indique, à la lumière de la correspondance échangée et des contacts directs avec les parties concernées de la République de l'Iraq, que l'Iraq, "par respect pour ses engagements financiers et pour assurer la protection des intérêts des frères égyptiens", est prêt à rembourser la totalité des montants dus. Ce remboursement pourrait se faire sous formé d'un troc tel que mentionné au paragraphe 14 ci-dessus. Les montants dus pourraient également être considérés comme une dette que l'Iraq rembourserait dès la disparition des causes qui l'ont, jusqu'alors, empêché de s'en acquitter.
  26. Conclusions du comité
  27. 17. Le comité note que la réclamation porte sur le non-paiement de tout ou d'une partie des salaires dus aux travailleurs égyptiens, employés en Iraq, et qui ont quitté ce pays avant ou après l'invasion du Koweït. La Fédération des syndicats égyptiens a également émis des appréciations sur la compatibilité de certaines propositions de règlement des sommes dues au titre des salaires, faites par le gouvernement iraquien, avec les articles 3 et 5 de la convention.
  28. 18. Le comité note que le gouvernement ne conteste pas que des sommes dues au titre des salaires n'ont pas été payées aux travailleurs égyptiens employés en Iraq et qui ont quitté ce pays avant ou après l'invasion du Koweït. Le gouvernement précise que ces sommes représentent la part du salaire qui doit être transférée en devises étrangères. Il allègue que le blocus qui a été imposé à l'Iraq est la cause du non-paiement des salaires et que, dès que celui-ci sera levé, il s'acquittera de ses obligations.
  29. 19. Au sens de l'article 1 de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949, "le terme salaire signifie (...) la rémunération ou les gains susceptibles d'être évalués en espèces (...) qui sont dus en vertu d'un contrat de louage de services (...) par un employeur à un travailleur, soit pour le travail effectué ou devant être effectué, soit pour les services rendus ou devant être rendus". Les sommes auxquelles se réfèrent l'organisation plaignante et le gouvernement (part du salaire transférable en devises convertibles) constituent une part du salaire au sens de la convention.
  30. 20. Le comité note que les allégations de l'organisation plaignante font état, pour une part, du non-versement des sommes payables en devises étrangères avant l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies imposant un blocus à l'Iraq. Le comité conclut que le non-paiement d'une partie des salaires, celle habituellement convertible en devises, n'a pas été provoqué par les sanctions imposées à l'Iraq en raison de l'invasion du Koweït, mais que ce non-paiement a, dans le cas des travailleurs ayant quitté l'Iraq avant l'invasion du Koweït, précédé la décision d'imposer un blocus.
  31. 21. Le comité constate que le défaut d'approvisionnement des comptes bancaires sur lesquels des chèques ont été émis constitue un obstacle au paiement du salaire. Ce défaut d'approvisionnement, qui se traduit dans la pratique par un non-paiement de tout ou partie du salaire à intervalles réguliers, n'est pas conforme à l'article 12 de la convention. Le comité note également la déclaration du gouvernement, dans sa communication en date du 3 janvier l99l, selon laquelle ses avoirs déposés dans des banques étrangères ont été gelés comme suite aux mesures économiques décidées par le Conseil de sécurité des Nations Unies.
  32. 22. Pour ce qui est des chèques remis à certains travailleurs, négociables auprès de banques installées en Jordanie, après que la décision d'imposer un blocus à l'Iraq ait été adoptée, le paiement des salaires par chèques négociables auprès d'établissements ayant leur siège en Jordanie ne peut être considéré comme un moyen effectif de paiement. Compte tenu du fait qu'il n'était guère possible de procéder autrement à l'époque, les deux gouvernements intéressés devraient trouver un moyen permettant aux travailleurs de recevoir les paiements qui leur sont dus.
  33. 23. Aux termes de l'article 12, paragraphe 2, de la convention, "lorsque le contrat de travail prend fin, le règlement final de la totalité du salaire dû sera effectué conformément à la législation nationale, à une convention collective ou à une sentence arbitrale ou à défaut (...) dans un délai raisonnable, compte tenu des dispositions du contrat". En vertu de l'article 48 du Code du travail de la République d'Iraq "en cas de cessation de service du travailleur, l'employeur est tenu de lui verser son salaire dans les sept jours qui suivent la date de cessation".
  34. 24. Rappelant la déclaration du gouvernement selon laquelle la part de salaire qui doit être transférée en devises étrangères n'a pas été versée aux travailleurs égyptiens qui ont quitté l'Iraq, le comité constate que les dispositions de la législation nationale relatives au règlement final de la totalité du salaire qui donnent effet à l'article 12, paragraphe 2, de la convention, n'ont pas été respectées. Il se réfère à cet égard au paragraphe 21 ci-dessus.
  35. 25. Il ressort des informations mises à la disposition du comité que les différentes propositions transmises par le Directeur général de l'Organisation arabe du Travail n'ont pas encore reçu le moindre commencement d'exécution. Toutefois, d'après ces informations, les sommes dues au titre de règlement des salaires sont une dette que le gouvernement s'est engagé à honorer. Le comité prend acte de la volonté exprimée par le gouvernement de l'Iraq de payer la part des salaires due aux travailleurs égyptiens qui ont quitté l'Iraq avant ou après l'invasion du Koweït.
  36. 26. Le comité note le manque d'estimation chiffrée du nombre des travailleurs concernés et a fortiori du montant des créances. Il considère qu'une telle évaluation, établie sur une base objective acceptable par les parties concernées, pourrait constituer un préalable à la mise en ÷uvre de mesures visant à effectuer le paiement des sommes dues au titre des salaires.
  37. B. Questions relatives à la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957
  38. Allégations présentées par l'organisation plaignante
  39. 27. Dans sa lettre du 8 novembre 1990, la Fédération des syndicats égyptiens allègue que le gouvernement iraquien a forcé dans plusieurs cas des travailleurs désirant regagner leur pays (l'Egypte) à rester en Iraq et les a obligés à continuer à travailler dans les usines et les installations stratégiques, servant ainsi de "boucliers humains". Comme indiqué plus haut, elle allègue également que ceux des travailleurs égyptiens qui sont rentrés d'Iraq ont perdu le bénéfice des salaires qui leur étaient dus au titre d'arriérés, d'indemnités de fin de contrat ou de retenues pour la sécurité sociale. En plus, selon l'organisation plaignante, la Confédération des syndicats iraquiens a, sur l'ordre du gouvernement de l'Iraq, transformé ses bureaux de services sociaux pour les travailleurs égyptiens en Iraq en centres de recrutement de volontaires dans l'armée de défense populaire, exerçant ainsi des pressions sur les travailleurs égyptiens afin qu'ils s'enrôlent dans cette armée.
  40. 28. Dans sa communication supplémentaire du 13 février 1991, la fédération a ajouté que le gouvernement de l'Iraq a contraint des travailleurs égyptiens à s'engager dans l'armée iraquienne de défense populaire, et qu'il a obligé des travailleurs égyptiens à creuser des tranchées.
  41. 29. En outre, le 7 mars 1991, l'organisation plaignante a communiqué un rapport détaillé sur la situation et le nombre de travailleurs égyptiens se trouvant en Iraq et au Koweït. Dans ce rapport, il est indiqué que le secteur privé occupe 10 pour cent de la totalité des travailleurs égyptiens dont la plupart sont des artisans et des commerçants, et ne rencontrent de ce fait aucun problème. Dans le secteur socialiste, et surtout dans les services de l'Etat tels que les usines d'armement, les établissements de production et les services publics, les travailleurs égyptiens représentent 60 pour cent des effectifs. Ces travailleurs ne peuvent quitter le pays qu'après l'expiration de la durée de leur contrat ou s'il est mis fin à leur emploi, ce qui dépend des services qui les emploient. Dans la ville de Mahmoudiyé et dans l'établissement de Hattine, dans la ville d'Alexandrie, après l'invasion iraquienne du Koweït, les travailleurs égyptiens du secteur de la production d'armements n'ont pas été autorisés à partir, et leurs passeports leur ont été retirés par crainte de départs en masse. Seuls ceux dont les contrats de travail avaient expiré et ceux qui étaient employés dans les usines qui avaient fermé faute de matières premières ont été autorisés à partir.
  42. Observations du gouvernement
  43. 30. Le gouvernement de l'Iraq indique dans ses observations que, conformément au principe de libre circulation de la main-d'÷uvre arabe, les travailleurs égyptiens peuvent en toute liberté venir en Iraq ou quitter ce pays. La raison principale du départ d'un grand nombre de travailleurs égyptiens était de fuir le risque de guerre.
  44. 31. Le gouvernement considère que l'allégation de l'organisation plaignante, indiquant que la main-d'÷uvre égyptienne occupée en Iraq et qui désirait rentrer en Egypte a été contrainte de rester en Iraq et de poursuivre le travail dans les usines et les sites stratégiques pour servir de bouclier humain, est en contradiction avec les propres indications de l'organisation plaignante selon lesquelles des milliers de travailleurs égyptiens ont quitté l'Iraq. Le gouvernement indique que la main-d'÷uvre égyptienne en Iraq jouit de la liberté de choisir son travail et de rester en Iraq ou de le quitter.
  45. 32. En ce qui concerne les allégations de l'organisation plaignante selon lesquelles les bureaux de services sociaux pour les travailleurs égyptiens en Iraq sont devenus des centres de recrutement pour l'armée de défense populaire, le gouvernement indique qu'aucun organisme iraquien n'a jamais contraint un travailleur égyptien à s'engager dans l'armée de défense populaire et que ceux qui se sont engagés l'ont fait par sentiment nationaliste pour défendre l'Iraq et la nation arabe.
  46. Conclusions du comité
  47. 33. L'article premier de la convention no 105 dispose:
  48. Tout Membre de l'Organisation internationale du Travail qui ratifie la présente convention s'engage à supprimer le travail forcé ou obligatoire et à n'y recourir sous aucune forme:
  49. a) en tant que mesure de coercition ou d'éducation politique ou en tant que sanction à l'égard de personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l'ordre politique, social ou économique établi;
  50. b) en tant que méthode de mobilisation et d'utilisation de la main-d'÷uvre à des fins de développement économique;
  51. c) en tant que mesure de discipline du travail;
  52. d) en tant que punition pour avoir participé à des grèves;
  53. e) en tant que mesure de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse.
  54. 34. Le comité note que l'organisation plaignante et le gouvernement ont présenté des versions contradictoires des faits pouvant intéresser la convention. Selon la Fédération des syndicats égyptiens, le gouvernement de l'Iraq a forcé certains travailleurs désirant regagner l'Egypte à continuer à travailler dans des usines et installations stratégiques. Selon le gouvernement, tel n'est pas le cas; conformément au principe de libre circulation de la main-d'÷uvre arabe, les travailleurs égyptiens peuvent en toute liberté venir en Iraq et quitter ce pays; à l'appui de sa version des faits, le gouvernement cite l'indication de l'organisation plaignante selon laquelle des milliers de travailleurs égyptiens ont quitté l'Iraq.
  55. 35. Le comité observe que, sans éléments d'information supplémentaires, les seules allégations de fait présentées de part et d'autre ne permettraient pas d'avoir une vue claire du respect ou non de la convention par le gouvernement. Cependant, le comité note que dans des commentaires formulés depuis un certain nombre d'années au titre de la convention no 105, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a relevé qu'aux termes de l'article 364 du Code pénal de l'Iraq (comme de l'article 241 du projet de nouveau Code pénal) est passible d'emprisonnement entre autres tout fonctionnaire ou toute personne chargée d'assurer un service public qui quitte son travail, même après avoir démissionné, si cela peut paralyser un service public. La commission d'experts a attiré l'attention sur la nécessité de modifier cette disposition pour assurer le respect aussi bien de la convention no 105, dont l'article 1 c) interdit le recours au travail forcé en tant que mesure de discipline du travail, que de la convention no 29 de 1930 sur le travail forcé, en vertu de laquelle les travailleurs doivent rester libres de mettre fin à leur contrat moyennant un préavis raisonnable. Dans son observation de cette année sur cette question, la commission d'experts a noté que, malgré les indications données par le gouvernement à la Conférence internationale du Travail en 1989, selon lesquelles la possibilité d'effectuer les amendements nécessaires était à l'étude, en septembre 1990 aucun changement n'était intervenu sur ce point.
  56. 36. En outre, le comité note qu'aux termes de la Résolution du Conseil du Commandement Révolutionnaire no 150 du 19 mars 1987 les droits et obligations des fonctionnaires s'appliquent également à tous les travailleurs des services de l'Etat et du secteur socialiste, qui se trouvent ainsi soustraits au champ d'application du Code du travail et tombent sous les dispositions des résolutions suivantes. Aux termes de la Résolution du Conseil du Commandement Révolutionnaire no 521 du 7 mai 1983, la démission des fonctionnaires iraquiens nommés dans un des services de l'Etat ou du secteur socialiste ou mixte ne doit pas être acceptée avant dix années de service effectif dans lesdits services, et en plus elle est subordonnée au remboursement de tous les frais de stages de formation précédant la nomination ou suivis pendant la période de service; le fonctionnaire qui démissionne sans l'accord du service qui l'emploie subit également les privations de droits prévues dans la Résolution no 700 du 13 mai 1980, qui prévoit entre autres la perte des droits issus des services antérieurs. Seules les femmes peuvent voir leur démission acceptée inconditionnellement en vertu de la Résolution no 703 du 5 septembre 1987. Enfin, aux termes de la Résolution no 200 du 12 février 1984, tout fonctionnaire ou travailleur des services de l'Etat ou du secteur socialiste qui, malgré une sommation écrite, ne rejoint pas son poste de travail ou dépasse son congé de plus de trois jours sans excuse valable, sera passible d'une peine d'emprisonnement de six mois à dix ans; selon la Résolution no 552 du 28 juin 1986, les mêmes dispositions s'appliquent à tous les fonctionnaires nommés d'office ou diplômés placés de manière centralisée qui n'acceptent pas la place de travail qui leur a été attribuée. Aux termes de la Résolution no 286 du 6 avril 1986, tous les fonctionnaires ou travailleurs des services de l'Etat ou du secteur socialiste ou mixte qui, sans excuse légitime, désobéissent aux ordres légaux de leurs chefs ou refusent d'exécuter les tâches qui leur ont été confiées sont passibles d'emprisonnement de six mois au moins.
  57. 37. L'existence de telles restrictions juridiques et dispositions pénales rend plausibles les allégations selon lesquelles certains travailleurs ont été empêchés de quitter leur travail. Ces dispositions sont contraires à l'article 1 c), de la convention no 105, et, dans la mesure où elles sont encore en vigueur, le gouvernement devrait les abroger afin d'assurer le respect de la convention.
  58. Questions relatives à la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958
  59. Allégations présentées par l'organisation plaignante
  60. 38. La fédération allègue que, après l'invasion du Koweït le 2 août 1990, le gouvernement de l'Iraq a perpétré des actes d'agression contre des ressortissants égyptiens travaillant en Iraq, dont certains ont été grièvement ou mortellement blessés, et qu'il a expulsé d'Iraq des ressortissants égyptiens et leurs familles. La fédération allègue aussi que le gouvernement a empêché les ressortissants égyptiens de continuer leur travail ou de quitter l'Iraq, en leur enlevant tous leurs papiers personnels, y compris leurs passeports et en les en enrôlant dans les forces armées iraquiennes ou en les forçant à travailler dans des usines ou des installations stratégiques où ils servaient de boucliers humains. La fédération fait également référence aux allégations présentées au titre de la convention no 95.
  61. Observations du gouvernement
  62. 39. Le gouvernement de l'Iraq, dans sa réponse en date du 3 janvier 1991, réfute ces allégations et notamment toute allégation de discrimination. Il déclare que, si de nombreux travailleurs arabes, y compris des travailleurs égyptiens, ont quitté le pays, c'est en raison du conflit armé contre l'Iraq. S'agissant du traitement des ressortissants égyptiens demeurés dans le pays, le gouvernement attire l'attention sur un discours du Président Saddam Hussein appelant tous les Iraquiens à traiter décemment tous les travailleurs arabes, quelle que soit la position de leurs gouvernements.
  63. Conclusions du comité
  64. 40. L'article 1 a) de la convention no 111 dispose:
  65. Aux fins de la présente convention, le terme "discrimination" comprend:
  66. a) toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession.
  67. 41. Le comité note qu'il n'a reçu aucune information détaillée sur les raisons pour lesquelles les travailleurs égyptiens ont quitté le pays ou sur l'ampleur des expulsions. Il est allégué que les travailleurs égyptiens ont été traités plus durement que les autres travailleurs demeurés dans le pays, l'organisation plaignante indiquant dans sa lettre du 7 mars 1991 que seuls les travailleurs égyptiens ont été victimes d'agressions à l'exclusion des travailleurs vietnamiens, indiens et autres travailleurs asiatiques.
  68. 42. Le comité note aussi l'absence d'allégation de discrimination contre des travailleurs égyptiens fondée sur un autre motif que leur nationalité. La convention no 111 n'inclut pas la nationalité parmi les critères interdits de discrimination, comme cela est souligné, entre autres, dans l'Etude d'ensemble de 1988 sur l'égalité dans l'emploi et la profession (rapport III (4 B), Conférence internationale du Travail, 75e session, 1988, paragr. 36).
  69. 43. Compte tenu des informations dont il dispose, le comité estime qu'il ne peut conclure que la présente convention n'a pas été respectée. En premier lieu, la portée et la motivation des actes qui se seraient produits ne ressortent pas clairement des informations dont dispose le comité. De plus, les allégations dussent-elles être exactes, il ne semble pas que les actes faisant l'objet de la réclamation aient été commis pour l'un des motifs visés par la convention no 111.
  70. D. Questions relatives à la convention (no 118) sur l'égalité de traitement (sécurité sociale), 1962
  71. Allégations présentées par l'organisation plaignante
  72. 44. L'organisation plaignante allègue que les travailleurs égyptiens repartis en Egypte ont perdu les cotisations sociales qu'ils ont versées quand ils travaillaient en Iraq. Elle indique, dans des informations supplémentaires soumises le 13 février 1991, que le gouvernement iraquien, en violation de la convention no 118, n'a pas versé les indemnités de fin de contrat aux ressortissants égyptiens qui travaillaient en Iraq et, leur emploi ayant pris fin, ont quitté l'Iraq, bien que leurs employeurs aient effectué certaines retenues sur leurs salaires au titre de la sécurité sociale.
  73. Observations du gouvernement
  74. 45. Le gouvernement n'a fait aucune observation directe sur les points soulevés en vertu de la présente convention; ses observations au sujet de la convention no 95 pourraient s'appliquer en l'espèce.
  75. Conclusions du comité
  76. 46. L'Iraq a accepté les obligations de la convention pour les branches suivantes: a) soins médicaux; b) indemnités de maladie; c) prestations de maternité; d) prestations d'invalidité; e) prestation de vieillesse; f) prestations de survivants; et g) prestations d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
  77. 47. La présente convention est fondée sur le principe de la réciprocité et, en conséquence, les prestations accordées en vertu de ce texte sont réservées aux ressortissants des Etats qui ont ratifié la convention. L'article 3, paragraphe 1, dispose:
  78. Tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur doit accorder, sur son territoire, aux ressortissants de tout autre Membre pour lequel ladite convention est également en vigueur, l'égalité de traitement avec ses propres ressortissants au regard de sa législation (...) dans toute branche de sécurité sociale pour laquelle il a accepté les obligations de la convention.
  79. 48. L'Egypte n'a pas ratifié la convention no 118 et, en conséquence, le comité pourrait noter qu'aucune obligation n'incombe au gouvernement iraquien en ce qui concerne les ressortissants égyptiens.
  80. 49. Le comité note néanmoins que, dans un rapport envoyé par le président du Bureau des travailleurs égyptiens en Iraq au président de la Fédération des syndicats égyptiens et communiqué au BIT le 7 mars 1991, il est indiqué que les contrats de travail des travailleurs des usines d'armement ne prévoient aucun droit pour ces travailleurs, lesquels peuvent avoir des problèmes en cas d'accident. Le rapport cite à titre d'exemple le cas d'un salarié d'une usine d'armement qui est resté partiellement paralysé après être tombé de l'édifice sur lequel il travaillait et qui ne bénéficiait d'aucun droit aux termes de son contrat de travail. Le comité note à ce propos que tant l'Egypte que l'Iraq sont liés par la convention no 19 sur l'égalité de traitement (accidents du travail), 1925, dont l'article 1, paragraphe 1, dispose:
  81. Tout Membre (...) qui ratifie la présente convention s'engage à accorder aux ressortissants de tout autre Membre ayant ratifié ladite convention qui seront victimes d'accidents de travail survenus sur son territoire, ou à leurs ayants droit, le même traitement qu'il assure à ses propres ressortissants en matière de réparation des accidents du travail.
  82. 50. Aux termes de l'article 1, paragraphe 2, de la convention no 19, "cette égalité de traitement sera assurée aux travailleurs étrangers et à leurs ayants droit sans aucune obligation de résidence."
  83. 51. Le Comité note que l'application de la convention no 19 n'est pas directement mise en cause par la présente réclamation. Il exprime néanmoins l'espoir que le gouvernement fournira des informations sur ce point dans un prochain rapport au titre de l'article 22 de la Constitution sur l'application de cette convention afin que la commission d'experts puisse examiner la question.
  84. III. Recommandations du comité
  85. 52. Se référant aux conclusions auxquelles il a abouti sur les questions relatives aux conventions dont l'application est mise en cause, le comité recommande au Conseil d'administration:
  86. 1) d'approuver son rapport final et en particulier les conclusions et recommandations qui y sont formulées;
  87. 2) d'inviter le gouvernement de l'Iraq à prendre les mesures préconisées dans les conclusions du comité relatives aux questions examinées, notamment:
  88. a) Questions relatives à la convention no 95
  89. i) il conviendrait que le gouvernement prenne toutes les dispositions appropriées pour que, compte tenu des circonstances du départ des travailleurs concernés et des difficultés qui pourraient en résulter pour établir la preuve de la créance de salaire, les parties puissent, avec le concours du Bureau international du Travail et des organisations ayant pris part à l'assistance et à l'accueil des travailleurs intéressés, évaluer le nombre des travailleurs et le montant des créances en cause;
  90. ii) il conviendrait que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour que les sommes dues au titre des salaires aux travailleurs égyptiens, telles qu'évaluées selon la recommandation ci-dessus, soient réglées de façon effective et dans les plus brefs délais;
  91. iii) il conviendrait que le gouvernement communique, dans les rapports qu'il présentera en vertu de l'article 22 de la Constitution sur l'application de la convention (no 95) sur la protection des salaires, 1949, des informations sur les mesures prises ou envisagées pour donner effet aux présentes recommandations, afin de permettre aux organes de contrôle de l'OIT de poursuivre l'examen des questions traitées dans le présent rapport.
  92. b) Questions relatives à la convention no 105
  93. i) il conviendrait que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour abroger, dans la mesure où elles sont encore en vigueur, les dispositions susmentionnées du Code pénal et les résolutions du Conseil du Commandement révolutionnaire qui empêchent les travailleurs de mettre fin à leur emploi moyennant un préavis raisonnable et qui prévoient des peines comportant du travail obligatoire en tant que mesure de discipline du travail;
  94. ii) en attendant l'abrogation de ces textes, le gouvernement devrait prendre les mesures nécessaires pour permettre à tous les travailleurs désireux de mettre fin à leur relation d'emploi, et notamment aux travailleurs égyptiens souhaitant regagner leur pays, de quitter leur travail moyennant un préavis raisonnable et sans s'exposer à des sanctions ou pertes de droits issus des services antérieurs;
  95. iii) il conviendrait que le gouvernement communique, dans les rapports qu'il présentera en vertu de l'article 22 de la Constitution sur l'application de la convention (no 105) sur 1'abolition du travail forcé, 1957, des informations sur les mesures prises ou envisagées pour donner effet aux présentes recommandations, afin de permettre aux organes de contrôle de l'OIT de poursuivre l'examen des questions traitées dans le présent rapport.
  96. c) Questions relatives à la convention no 118
  97. il conviendrait que le gouvernement communique dans son prochain rapport sur l'application de la convention (no 19) sur l'égalité de traitement (accidents du travail), 1925, des informations sur l'égalité de traitement des travailleurs étrangers aux termes de cette convention;
  98. 3) de prier le Directeur général de porter à l'attention du Conseil d'administration, en temps approprié, les résultats de l'examen de la situation par les organes de contrôle régulier:
  99. 4) de déclarer close la procédure engagée par la présente réclamation.
  100. Genève, 14 juin 1991.
  101. (Signé) J. Rhénan Segura, Président,
  102. J.J. Oechslin,
  103. J. Morton.
  104. Note 1
  105. Convention no 95: ratification enregistrée le 12 mai 1960; convention no 105: ratification enregistrée le 15 juin 1959; convention no 111: ratification enregistrée le 15 juin 1959 ; convention no 118: ratification enregistrée le 28 avril 1978.
  106. Note 2
  107. Document GB.248/20/8.
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