ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil >  > Plaintes Article 24/26

RECLAMATION (article 24) - ESPAGNE - C131 - 1989

Confédération syndicale des commission ouvrières

Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

Rapport du Comité chargé d'examinier la reclamation présentée par la Confédération syndicale de commissions ouvrières en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT et alléguant l'inexécution de la convention (no 131) sur la fixation des salaires minima, 1970, par l'Espagne.

Rapport du Comité chargé d'examinier la reclamation présentée par la Confédération syndicale de commissions ouvrières en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT et alléguant l'inexécution de la convention (no 131) sur la fixation des salaires minima, 1970, par l'Espagne.

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. 1. Par une lettre en date du 12 janvier 1988, la Confédération syndicale des commissions ouvrières, se référant à l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, a présenté une réclamation alléguant l'inexécution par l'Espagne de la convention (no 131) sur la fixation des salaires minima, 1970.
  2. 2. Cette réclamation se réfère à une convention qui a été ratifiée par l'Espagne et qui est en vigueur pour ce pays(Note_1).
  3. 3. Les dispositions pertinentes de la Constitution relatives à la présentation des réclamations sont les suivantes:
  4. Article 24
  5. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause, et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  6. Article 25
  7. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  8. 4. La procédure qui doit être suivie en cas de réclamation est régie par le Règlement révisé adopté par le Conseil d'administration à sa 212e session en mars 1980(Note_2).
  9. 5. En vertu des articles 1 et 2, paragraphe 1, de ce Règlement, le Directeur général a accusé réception de la réclamation, a informé le gouvernement de l'Espagne et a transmis la réclamation au bureau du Conseil d'administration.
  10. 6. A sa 239e session (février-mars 1988), le Conseil d'administration, sur recommandation de son bureau, a déclaré la réclamation recevable et a désigné un comité chargé de l'examiner, composé de M. Hector Charry Samper (membre gouvernemental, Colombie), président, M. Jean-Jacques Oechslin (membre employeur, France) et M. Marc Blondel (membre travailleur, France)(Note_3).
  11. 7. En vertu de l'article 4, paragraphe 1, alinéas a) et c), du Règlement, le comité a décidé: a) d'inviter la confédération réclamante à fournir, avant le 15 avril 1988, tous les renseignements complémentaires qu'elle souhaiterait porter à la connaissance du comité; b) d'inviter le gouvernement à soumettre ses observations sur la réclamation avant le 31 mai 1988, étant entendu que les renseignements supplémentaires qui seraient fournis par l'organisation réclamante seraient également communiqués au gouvernement.
  12. 8. La confédération réclamante a fourni par une lettre du 5 avril 1988 des renseignements complémentaires qui ont été immédiatement communiqués au gouvernement.
  13. 9. Par une communication du 5 mai 1988, le gouvernement a fait parvenir ses observations sur les allégations formulées par l'organisation réclamante; Ultérieurement, par une communication du 16 août 1988, le gouvernement a transmis des observations complémentaires, relatives aux renseignements additionnels fournis par l'organisation auteur de la réclamation. Le comité a considéré qu'il était opportun de tenir compte de ces observations complémentaires indépendamment de leur transmission tardive étant donné l'intérêt qu'elles présentaient pour l'étude de la réclamation.
  14. 10. Le comité s'est réuni pour la première fois le 3 mars 1988. A la suite de la renonciation par M. Hector Charry Samper de ses fonctions de représentant permanent de la Colombie auprès des organisations internationales à Genève(Note_4), et conformément à l'article 3 du Règlement relatif à la procédure à suivre pour l'examen des réclamations au titre des articles 24 et 25 de la Constitution de l'OIT, le Conseil d'administration a désigné M. Mozart Victor Russomano (représentant gouvernemental, Brésil) pour remplacer M. H. Charry Samper en tant que membre gouvernemental du Comité(Note_5). Le comité s'est réuni à nouveau le 2 mars 1989 et, enfin, le 30 mai 1989 pour adopter son rapport.
  15. Analyse de la réclamation
  16. I. Allégations présentées
  17. 11. La confédération réclamante allègue que le gouvernement n'a pas exécuté les obligations visées à l'article 4, paragraphes 1 et 2, de la convention (no 131) sur la fixation des salaires minima, 1970.
  18. 12. La confédération précise que les dispositions de l'article 4 de la convention en question sont reprises dans l'article 27 de la Charte des travailleurs qui prévoit que "le gouvernement fixera chaque année, après avoir consulté les organisations syndicales et les associations d'employeurs les plus représentatives, le salaire minimum interprofessionnel compte tenu des éléments suivants: a) l'indice des prix à la consommation; b) la productivité moyenne nationale enregistrée; c) l'augmentation de la participation du travail au revenu national; d) la conjoncture économique générale ...". A cet égard, et en référence au paragraphe 1 de l'article 4 cité, la confédération estime que depuis plusieurs années le gouvernement n'a pas tenu compte des éléments énoncés dans l'article 27 du Statut des travailleurs lors de la fixation du salaire minimum. La confédération réclamante estime que ces dispositions obligent à fixer des révisions semestrielles au cas où les prévisions en matière d'inflation ne se vérifieraient pas. Elle indique également que le gouvernement n'a pas procédé à la révision du niveau des salaires minima même lorsque, à différentes reprises, les prévisions en matière d'inflation ne se vérifiaient pas.
  19. 13. En outre, il apparaît à la lumière des informations communiquées par l'organisation réclamante qu'en 1984 et 1986 cette dernière a estimé nécessaire l'adoption d'une clause de garantie fixant un système de révision automatique du salaire minimum au cas où il se vérifierait que, six mois après la fixation annuelle, l'augmentation de l'indice des prix a été supérieure à un certain pourcentage. La confédération mentionnée a présenté un recours devant le Tribunal suprême du contentieux administratif contre le décret royal 2474/1985 du 27 décembre 1985, qui fixe le salaire minimum interprofessionnel pour 1986, étant donné que ce décret ne respecte pas les dispositions de l'article 27 du Statut des travailleurs relatives à la procédure d'ajustement semestriel du salaire minimum.
  20. 14. La confédération réclamante estime par ailleurs que le gouvernement n'a pas effectué les consultations prévues au paragraphe 2 de l'article 4 de la convention et par la législation nationale (art. 27 de la Charte des travailleurs) avec tout le sérieux nécessaire ("Cette consultation a été ramenée au niveau d'une parodie ou d'une farce."), qu'il n'a pas tenu compte des propositions formulées par la confédération et qu'il refuse d'organiser une réunion et de négocier directement s'agissant de l'ajustement des salaires minima. La confédération indique, en particulier, qu'en ce qui concerne l'augmentation correspondant à l'année 1988 le ministère du Travail s'est contenté, en guise de consultation, d'envoyer une note demandant à la confédération de communiquer par écrit, dans un délai de dix jours, sa position à l'égard du salaire minimum interprofessionnel, sans adjoindre aucune autre documentation ou information sur les intentions du gouvernement à l'égard de l'augmentation du salaire pour l'année mentionnée.
  21. II. Observations du gouvernement
  22. 15. Dans ses observations, le gouvernement précise qu'à son avis le paragraphe 1 de l'article 4 de la convention no 131 oblige l'Etat qui ratifie à mener à bien une action de type législatif ou normatif afin de déterminer la manière dont les salaires minima seront fixés et à prévoir une procédure pour effectuer la révision de ces salaires à des intervalles réguliers.
  23. 16. Selon le gouvernement, les obligations visées au paragraphe 2 de l'article 4 de la convention se traduisent par les consultations des organisations d'employeurs et de travailleurs effectuées a) quand les mécanismes auxquels se réfère le paragraphe 1 de l'article 4 de la convention sont créés ou modifiés, et b) lorsque l'on applique ces mécanismes afin de fixer le salaire minimum.
  24. 17. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement estime qu'à aucun moment il n'a omis de satisfaire à l'obligation de créer les mécanismes requis pour la fixation ou l'ajustement des salaires minima (obligation qui dérive du paragraphe 1 de l'article 4), ni d'effectuer les consultations nécessaires pour l'établissement de ces mécanismes (obligation qui dérive du paragraphe 2 de ce même article 4), obligations qui ont été satisfaites par l'élaboration, l'approbation et la promulgation du Statut des travailleurs (loi 8/80 du 10 mars 1980). Enfin, le gouvernement estime que ce qui importe est de savoir si, au moment de l'application des mécanismes de fixation et d'ajustement des salaires minima qui a eu lieu lors de l'approbation des décrets royaux sur les salaires minima, il a effectivement mené des consultations avec les organisations d'employeurs et de travailleurs.
  25. 18. A cet égard, le gouvernement précise que l'obligation imposée par la disposition de la convention en question, au paragraphe 2 de l'article 4, c'est-à-dire l'organisation de consultations, est de nature formelle ou procédurale. Le gouvernement considère que les consultations ont eu lieu conformément à ce qui est prévu par la convention et par les dispositions de la législation nationale, ce que l'organisation réclamante reconnaît elle-même.
  26. 19. Le gouvernement déclare que le terme "consultation" n'est pas défini par la convention et que cette dernière n'a aucune exigence quant à la forme, verbale ou écrite, que doit prendre la consultation. Il indique donc l'une des significations de ce terme et précise que, étant donné la nature de la consultation en matière de fixation des salaires minima, cette dernière s'effectue par écrit.
  27. 20. Enfin, le gouvernement mentionne les éléments qui, conformément à l'article 27 du Statut des travailleurs, doivent être pris en compte pour procéder à l'ajustement du salaire minimum et indique que, à partir de ces éléments, la confédération réclamante a formulé ses observations aux différentes consultations et a présenté également des propositions concrètes sur le taux des salaires minima qui ont été révisés. Néanmoins, selon le gouvernement, la confédération n'a pas estimé nécessaire de demander à ce dernier de lui envoyer des informations supplémentaires avant que la consultation n'ait lieu.
  28. 21. Le gouvernement estime enfin que l'objectif véritable de l'organisation réclamante est de négocier le contenu du décret royal qui fixe le salaire minimum interprofessionnel, et ceci paraît évident lorsque ladite confédération exige qu'"un débat rigoureux" et "une véritable négociation" soient menés à bien en ce qui concerne les éléments qui servent à la fixation du salaire minimum, ou lorsqu'elle affirme qu'au cours des années précédentes "la fixation du salaire minimum interprofessionnel a revêtu un caractère unilatéral et que les propositions des organisations syndicales n'ont pas été prises en compte". Le gouvernement considère que ni la convention no 131 ni la législation interne ne prévoient l'obligation de débattre et de négocier la norme de fixation du montant des salaires minima, comme le demande la confédération réclamante.
  29. III. Conclusions du comité
  30. 22. Le comité note que la convention vise à assurer la protection des travailleurs contre des salaires extrêmement bas grâce à l'établissement d'un système de salaires minima qui protège les groupes de travailleurs dont les conditions de travail sont de nature telle qu'il convient d'assurer leur protection. La convention énonce dans son article 3 les éléments à prendre en considération pour déterminer le niveau des salaires minima autant qu'il sera possible et approprié, compte tenu de la pratique et des conditions nationales. Les paragraphes 1 et 2 de l'article 4 de la convention sont rédigés de la manière suivante:
  31. "1. Tout Membre qui ratifie la présente convention devra instituer et maintenir des méthodes adaptées aux conditions et aux besoins du pays, permettant de fixer et d'ajuster de temps à autre les salaires minima payables aux groupes de salariés protégés en vertu de l'article 1 ci-dessus.
  32. 2. Des dispositions seront prises pour consulter pleinement les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs intéressées ou, en l'absence de telles organisations, les représentants des employeurs et des travailleurs intéressés, au sujet de l'établissement et de l'application des méthodes visées ci-dessus, ou des modifications qui y seraient apportées."
  33. 23. Afin d'analyser les allégations de l'organisation réclamante concernant les dispositions de ladite convention, le comité a jugé opportun de rappeler l'origine et les buts visés par l'article en question.
  34. 24. L'adoption de la convention no 131 a pour origine les recommandations formulées par la réunion d'experts d'octobre 1967, convoquée par le Conseil d'administration cette même année afin d'examiner notamment la "manière dont [...], les conventions et les recommandations de l'Organisation internationale du Travail relatives aux méthodes de fixation du salaire minimum pourraient être révisées"(Note_6).
  35. 25. Les travaux préparatoires ainsi que les discussions qui ont eu lieu au sein de la Commission de la Conférence et dans la plénière de cette dernière(Note_7) permettent d'éclairer le contenu des paragraphes 1 et 2 de l'article 4 de la convention qui prévoient l'obligation, pour les Etats qui ratifient la convention, d'établir des mécanismes de fixation du salaire minimum, en leur laissant la liberté de définir quels seront ces mécanismes, cette définition devant être faite en consultation avec les organisations représentant les employeurs et les travailleurs. Ces consultations doivent porter non seulement sur l'établissement des mécanismes, mais également sur leur application ou leur modification.
  36. 26. Concernant le paragraphe 1 de l'article 4 et l'ajustement des salaires minima qui doit avoir lieu de temps à autre, le Bureau a indiqué, au regard d'observations formulées par certains gouvernements sur le projet de convention, que: "Si le texte parle d'ajuster les salaires minima de temps à autre, il n'est nullement question d'une procédure automatique(Note_8)."
  37. 27. Concernant le paragraphe 2 de l'article 4, le Bureau a précisé dans ses commentaires que: "Ce paragraphe prévoit des consultations au sujet de l'établissement, de l'application ou de la modification des méthodes de fixation des salaires minima. Il ne semble pas appeler de telles consultations en ce qui concerne le fonctionnement ordinaire du système ou l'application d'une procédure d'indexation plus ou moins automatique établie par la loi(Note_9)."
  38. 28. Enfin, le comité souhaite rappeler que, lors de la discussion du projet de convention, un amendement a été présenté par le groupe des travailleurs pour .renforcer les dispositions du paragraphe 2 de l'article 4. C'est à cette occasion que l'on a proposé d'ajouter le terme "pleinement" après le mot "consulter". Le porte-parole du groupe des travailleurs a indiqué que "trop souvent les consultations des syndicats d'employeurs et de travailleurs n'étaient que de pure forme"(Note_10), et c'est la raison pour laquelle on a cherché à garantir l'efficacité de la consultation.
  39. 29. En conséquence, le comité considère qu'en premier lieu la convention n'établit pas au paragraphe 1 de son article 4 une périodicité précise dans la limite de laquelle les gouvernements des Etats qui ratifient la convention auraient l'obligation de procéder à des ajustements des salaires minima fixés. En second lieu, le comité estime que 1'.obligation de consulter les organisations représentant les travailleurs et les employeurs, prévue par le paragraphe 2 de l'article 4 de la convention, devra être remplie lors de l'établissement ou de la modification du système de fixation des salaires minima, ainsi qu'au cours de l'application dudit système. En outre, cette consultation devra être pleine, c'est-à-dire qu'elle ne devra pas être effectuée comme une simple formalité, de manière formelle ou procédurale, sans que cela signifie pour autant que la consultation se transforme en négociation.
  40. 30. Le comité note les dispositions de l'article 27 de la loi no 8 du 10 mars 1980, portant Charte des travailleurs, qui donnent effet aux dispositions des paragraphes 1 et 2 des articles 3 et 4 de la convention dans l'ordre juridique national. Conformément au paragraphe 1 de l'article 27, le gouvernement fixera chaque année, après avoir consulté les organisations les plus représentatives des travailleurs et des employeurs, les salaires minima interprofessionnels, compte tenu de l'indice des prix à la consommation, de la productivité nationale moyenne, de la croissance de la part du travail dans le revenu national, et de la conjoncture économique générale. De la même manière, on prévoira une révision semestrielle au cas où les prévisions concernant l'indice des prix ne se vérifieraient pas. Les organes de contrôle de l'OIT n'ont jusqu'à présent formulé aucun commentaire sur ces dispositions(Note_11).
  41. 31. Le comité souhaite rappeler que l'obligation de l'Etat Membre de l'OIT qui ratifie une convention consiste, conformément aux termes de l'article 19 de la Constitution, à prendre les mesures nécessaires pour rendre effectives, en droit et en pratique, les dispositions de cette convention. En l'occurrence, ces obligations consistent à établir et à maintenir des méthodes permettant de fixer et d'ajuster les salaires minima conformément à certaines modalités. L'article 27 de la loi citée ci-dessus détermine ces mécanismes et fixe les modalités de leur fonctionnement, leur périodicité, les éléments qui doivent être pris en compte lors de la fixation des salaires minima, et les consultations avec les employeurs et les travailleurs.
  42. 32. Compte tenu de ces éléments, le comité a examiné si l'attitude du gouvernement de l'Espagne dans la procédure de fixation des salaires minima est compatible avec les dispositions de la convention en question. A cet effet, le comité a analysé la réclamation de la confédération et les observations du gouvernement, et également les informations complémentaires et la documentation annexée.
  43. A. Périodicité régissant l'ajustement des salaires minima
  44. 33. Il apparaît à la lumière des informations disponibles que, depuis 1982, les salaires minima sont fixés annuellement au 1er janvier. A cet égard, le gouvernement fait savoir que les prévisions relatives à l'indice des prix, qui doivent être prises en compte lors d'un ajustement semestriel du salaire, ont trait à l'évolution des prix prévus pendant la période au cours de laquelle le nouveau taux de salaires minima est en vigueur, c'est-à-dire à partir du 1er janvier 1982, une période d'un an. Le gouvernement a communiqué des chiffres qui montrent les différences entre l'évolution du salaire minimum interprofessionnel et l'indice des prix à la consommation au cours de cette même période et qui se situent entre une perte de trois points en 1982 et une prévision de gain de 1,5 point en 1988. Le gouvernement reconnaît que l'évolution du salaire minimum au cours de la période de 1979 à 1988 a été inférieure à l'évolution de l'indice des prix à la consommation, la différence étant de 9,75 points et non pas de 14,1 points comme l'affirme l'organisation réclamante. Le gouvernement fait savoir que la conjoncture économique générale, surtout en période de crise, peut exercer une influence sur la fixation des salaires et mener à l'établissement d'un taux inférieur à celui de l'indice des prix, notamment lorsque la politique économique est orientée vers la lutte contre le chômage et l'amélioration de la compétitivité des entreprises, qui ont fait l'objet de l'attention prioritaire des autorités en matière économique ces dernières années.
  45. 34. Le comité rappelle que les dispositions de la convention n'imposent pas à l'Etat qui la ratifie l'adoption d'une méthode particulière de fixation des salaires minima, ni une périodicité déterminée pour procéder à l'ajustement des salaires, alors que l'article 27 de la Charte des travailleurs prévoit une révision annuelle du salaire minimum interprofessionnel effectuée au 1er janvier de chaque année depuis 1982 et une révision semestrielle, lorsque certaines conditions sont remplies, procédure qui n'a pas été utilisée. Le comité rappelle également que les méthodes qui permettent de fixer et d'ajuster les salaires minima sont conformes aux dispositions de la convention dans la mesure où elles répondent à l'objectif principal de cette même convention.
  46. 35. A cet égard, le comité conclut que, compte tenu des informations disponibles, le gouvernement s'est conformé aux dispositions contenues dans le paragraphe 1 de l'article 4 de la convention en maintenant des méthodes qui permettent "d'ajuster de temps à autre les salaires minima". A ce propos, le comité souligne que les informations qui lui ont été transmises lors de l'examen de ce point de la réclamation auraient pu être communiquées aux intéressés à l'occasion des consultations prévues par le paragraphe 2 de l'article 4 de la convention.
  47. B. Consultations devant être menées à bien par le gouvernement et champ d'application de ces consultations
  48. 36. Le comité souhaite indiquer que, si la convention ne contient pas une définition du terme "consultation", il est évident que ce terme doit se comprendre dans son sens lexical et dans le contexte des dispositions de la convention et de son objectif général. Ceci étant, conformément aux termes de la convention, la consultation avec les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs intéressées doit s'effectuer lors de l'établissement, de l'application ou de la modification des mécanismes de fixation des salaires minima, et ce, à l'évidence, afin de permettre aux parties directement intéressées d'exprimer en connaissance de cause leur opinion sur la question, pour qu'il puisse en être tenu compte au moment de prendre une décision, en l'occurrence au moment de fixer le salaire minimum correspondant. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans son étude d'ensemble sur les consultations tripartites a indiqué que le terme "consultation" "recouvre une réalité distincte à la fois de la simple 'information' et de la 'codécision'". En outre, elle a souligné que, bien que les "consultations constituent non une participation à la décision mais une simple étape du processus qui conduit et aide à la prise de la décision ...", ces consultations "doivent être en mesure d'influer sur la décision à prendre"(Note_12).
  49. 37. Dans cet ordre d'idée, le comité doit examiner la mise en oeuvre des dispositions de la convention concernant la consultation des organisations de travailleurs et d'employeurs intéressées par le gouvernement, lors de l'application du mécanisme de fixation des salaires minima.
  50. 38. Le comité indique que la consultation visée ne doit pas avoir pour seul objet de recueillir l'opinion des organisations intéressées. La partie qui a mené à bien la consultation, en l'occurrence le gouvernement, doit prendre en considération ce qu'indique ou propose la partie consultée, en l'occurrence la confédération, sans que pour autant le gouvernement doive accorder tout ce qui a été demandé, notamment en ce qui concerne la prise en compte des indices économiques lors de la fixation du salaire minimum ou le montant proposé par l'organisation consultée; il ne doit pas non plus s'engager dans une négociation - qui d'ailleurs n'est prévue ni dans l'esprit ni dans la lettre des dispositions de la convention. Il doit cependant donner les informations complètes sur ses intentions en la matière. Cette vue est renforcée par le fait que, dans le paragraphe 2 de l'article 4 de la convention, il est précisé qu'il faut "consulter pleinement" les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs intéressées. A cet égard, le comité rappelle que l'adverbe "pleinement" correspond à un amendement proposé au paragraphe en question, afin d'éviter que "les consultations des syndicats d'employeurs et de travailleurs (ne soient) que de pure forme"(Note_13), ce qui signifie que l'on souhaitait garantir que la consultation puisse avoir un réel effet.
  51. 39. Le comité rappelle que l'objectif des consultations est précisément d'obtenir le plus d'informations possibles ("consulter pleinement") de toutes les parties et non seulement de recueillir l'opinion de ces dernières, même si cette opinion est bien documentée.
  52. 40. En conséquence, le comité, tout en notant l'amorce de consultations, conclut que, dans les circonstances du cas, l'envoi par le gouvernement d'une lettre demandant à l'organisation réclamante de faire connaître, dans un bref délai, sa position sur la fixation du salaire minimum interprofessionnel sans même fournir d'indications sur ses intentions, ne satisfait pas totalement aux exigences des dispositions de l'article 4, paragraphe 2, de la convention aux termes desquelles les organisations d'employeurs et de travailleurs devront être pleinement consultées. Le comité estime opportun d'appeler l'attention du gouvernement sur la nécessité de mener à bien des consultations, non pas comme une simple formalité ou procédure mais pour entendre effectivement les acteurs sociaux sur la question qui fait l'objet de la consultation, en l'occurrence le salaire minimum interprofessionnel.
  53. 41. Le comité recommande au Conseil d'administration:
  54. a) d'approuver le présent rapport et notamment les conclusions figurant aux paragraphes 35 et 40;
  55. b) de déclarer close la procédure engagée à la suite de la réclamation présentée par la Confédération syndicale des commissions ouvrières alléguant l'inexécution de la convention (no 131) sur la fixation des salaires minima. 1970. par l'Espagne.
  56. Genève, 1 juin 1989.
  57. (Signé)
  58. M. V. Russomano, Président.
  59. J.J. Oechslin.
  60. M. Blondel.
  61. Point appelant une décision: Paragraphe 41.
  62. Note 1
  63. La convention no 131 a été ratifiée le 30 novembre 1971.
  64. Note 2
  65. Voir Bulletin officiel, vol. LXIV, 1981, série A, no 1, pp. 99-101.
  66. Note 3
  67. Documents GB.239/18/15 et GB.239/PV(Priv.)(Rev.).
  68. Note 4
  69. Document GB.242/13/7.
  70. Note 5
  71. Document GB.242/PV.IV, pp. 14-15
  72. Note 6
  73. Rapport de la Réunion d'experts sur la fixation du salaire minimum et les problèmes connexes ..., OIT: Mécanismes de fixation du salaire minimum et problèmes connexes f notamment en ce qui concerne les pays en voie de développement. rapport VII (1), CIT, 53e session, Genève, 1969, pp. 79-96.
  74. Note 7
  75. OIT: Mécanismes de fixation du salaire minimum et problèmes connexes, notamment en ce qui concerne les pays en voie de développement, rapports V (1) et V (2), Genève, 1968 et 1969. OIT: Compte rendu des travaux. Conférence internationale du Travail, 53e session, Genève, 1969, pp. 513-520 et 739-749. OIT: Mécanismes de fixation du salaire minimum et problèmes connexes, notamment en ce qui concerne les pays en voie de développement, rapports VII (1) et VII (2), Genève, 1969 et 1970. OIT: Compte rendu des travaux, Conférence internationale du Travail, 54e session, Genève, 1970, pp. 413-421 et 482-488.
  76. Note 8
  77. Rapport V (2), p. 19.
  78. Note 9
  79. ibid., p. 19.
  80. Note 10
  81. OIT: Compte rendu des travaux ... 54e session, Genève, 1970, p. 416.
  82. Note 11
  83. Les commentaires de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations se réfèrent depuis 1983 à l'application de ces dispositions aux travailleurs du service domestique et non pas à leur contenu (voir les rapports de la commission d'experts de 1983, pp. 275-276; de 1984, p. 306; et de 1985, p. 362.
  84. Note 12
  85. OIT: Consultations tripartites (normes internationales du travail). Conférence internationale du Travail, 68e session, Genève, 1982, pp. 15 et 16.
  86. Note 13
  87. OIT; Compte rendu des travaux. 54e session, Genève, 1970, p. 416. Il s'agit là du seul amendement proposé au texte du paragraphe 2 de l'article 4 de la convention et, semble-t-il, l'unique débat qui a eu lieu sur la question.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer