Allégations: Les organisations plaignantes allèguent le licenciement de plus
d’une centaine de membres et de dirigeants syndicaux, le non-respect de diverses clauses
d’une convention collective, le refus de reconnaître une grève légale et divers actes
d’ingérence et de harcèlement antisyndical par une agence de l’État, ainsi que la décision
unilatérale du gouvernement de fermer ladite agence
- 479. La plainte figure dans des communications de l’Union nationale des
travailleurs (UNT) et du Syndicat unique des travailleurs de Notimex (SutNotimex),
datées des 20 juin, 8 août et 7 décembre 2023.
- 480. Le gouvernement du Mexique a envoyé ses observations concernant ces
allégations dans des communications datées des 11 septembre et 6 décembre 2023, et des
21 février et 20 mars 2024.
- 481. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 482. Dans leurs communications des 20 juin et 8 août 2023, les
organisations plaignantes allèguent qu’après l’arrivée d’une nouvelle directrice en mai
2019, l’Agence de presse de l’État mexicain, Notimex (ci-après l’Agence), a licencié de
manière illégale, antisyndicale et arbitraire plus de 100 dirigeants et membres du
SutNotimex (ci-après le syndicat). Selon les organisations plaignantes, ces
licenciements ont entraîné le démantèlement du comité exécutif du syndicat et l’élection
d’une nouvelle secrétaire générale, Mme Adriana Urrea Torres, qui a également été
licenciée quelques jours après avoir pris ses fonctions.
- 483. Les organisations plaignantes indiquent que, parmi les travailleurs
licenciés, 48 (dont 13 dirigeants syndicaux, y compris Mme Urrea Torres) ont engagé des
recours en justice contre l’Agence pour licenciement abusif. Elles font valoir que:
i) des décisions de réintégration ont été prononcées pour 42 travailleurs (dont
11 dirigeants syndicaux, y compris Mme Urrea Torres); ii) deux recours ont été rejetés;
et iii) quatre recours sont toujours pendants. Les organisations plaignantes affirment
toutefois qu’en dépit des décisions de réintégration qui ont été rendues, l’Agence n’a
réintégré aucun des travailleurs licenciés.
- 484. Les organisations plaignantes soutiennent que l’Agence a enfreint
plus de 30 clauses de la convention collective conclue entre les parties en raison des
licenciements susvisés et d’autres violations, notamment l’offre d’indemnisations
inférieures à ce qu’impose la législation mexicaine, la réduction des chèques-repas,
l’annulation des aides au paiement de médicaments ou d’études, et la tentative
d’abrogation unilatérale de ladite convention. Selon les organisations plaignantes,
entre décembre 2019 et février 2020, l’Agence a totalement refusé de dialoguer avec le
syndicat pour résoudre le conflit du travail résultant de ces violations, étant donné
que ses représentants dans les instances officielles auprès des autorités du travail
n’étaient pas compétents pour négocier et se bornaient à écouter les revendications
syndicales et à transmettre le rejet de l’ensemble de celles-ci par la direction.
- 485. Les organisations plaignantes indiquent que, le 21 février 2020, le
syndicat a organisé une grève que le Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage a
jugée légale le 5 mars 2020. Elles affirment toutefois que l’Agence a refusé de
reconnaître cette grève, a licencié d’autres travailleurs syndiqués et a poursuivi ses
activités en faisant appel à des briseurs de grève.
- 486. Par ailleurs, les organisations plaignantes allèguent que l’Agence a
engagé, en parallèle, une campagne de persécution, de discrédit et de harcèlement à
l’encontre de Mme Urrea Torres à la suite de son élection au poste de secrétaire
générale du syndicat. Elles affirment qu’en diffusant des vidéos, des images, des notes
d’information et des déclarations de cadres sur les réseaux sociaux, l’Agence a
faussement présenté Mme Urrea Torres comme étant «corrompue» et l’a accusée de vol, de
déclenchement d’une grève illégale, de séquestration, ainsi que d’extorsion et de
blanchiment d’argent. Les organisations plaignantes ajoutent qu’en août 2020, l’Agence a
déposé devant le Secrétariat de la Fonction publique (SFP) deux plaintes administratives
contre Mme Urrea Torres pour «déplacements de loisir à charge du Trésor public» et
«détournement de fonds publics», ainsi qu’une plainte pénale devant le Procureur général
de la République pour «exercice illégal d’un service public» en lien avec des actes de
corruption supposés et une utilisation indue de matériel d’information.
- 487. Les organisations plaignantes font valoir que la plainte pénale a
été rejetée en première instance. Elles indiquent que le ministère public a contesté
cette décision et que ce recours a également été rejeté en mai 2022. Quant aux plaintes
administratives, les organisations plaignantes indiquent que le recours pour
«déplacements de loisir à charge du Trésor public» a été rejeté par le SFP le 27 janvier
2022, mais que, par décision du 21 avril 2022, le Tribunal fédéral de la justice
administrative a déclaré Mme Urrea Torres coupable de «détournement de fonds publics»
pour des frais de déplacement de 2 416,13 pesos (140 dollars des États-Unis) qu’elle n’a
pas pu justifier. Elles précisent que cette décision a été contestée par le
syndicat.
- 488. En outre, les organisations plaignantes allèguent divers actes
d’ingérence de la part de l’Agence. Elles affirment que, le 13 septembre 2019, un
directeur de l’Agence a interrogé deux membres du syndicat, Mmes Rosaura Torres León et
Verónica Torres Lizama, sur leur participation à l’organisation d’une assemblée
syndicale urgente, et qu’il a ensuite organisé une réunion obligatoire pour tous les
travailleurs au même moment afin de les empêcher d’assister à l’assemblée. Selon les
organisations plaignantes, ce directeur a également invité les deux membres à dissuader
d’autres travailleurs de participer à ladite assemblée.
- 489. Les organisations plaignantes affirment également que l’Agence a
constitué un syndicat parallèle, le Syndicat indépendant des travailleurs de Notimex
(SiNotimex), et que ses cadres ont fait pression sur les travailleurs pour qu’ils
renoncent à leur affiliation au syndicat et adhèrent à SiNotimex, en les menaçant de
licenciement s’ils n’accédaient pas à leur demande. Elles soutiennent que Mme Diana
Pérez Caballero, une affiliée du syndicat qui était enceinte de huit mois à l’époque, a
été harcelée, expulsée des locaux de l’Agence et, finalement, licenciée par mesure de
représailles pour avoir critiqué publiquement la constitution du SiNotimex, et que trois
autres affiliées du syndicat ont également été harcelées et licenciées pour l’avoir
défendue.
- 490. Les organisations plaignantes indiquent que, le 14 avril 2023, le
Président du Mexique a annoncé la fermeture de plusieurs organismes publics, dont
l’Agence. Elles soutiennent que, bien que le gouvernement ait convoqué le syndicat pour
discuter des conditions de la liquidation, la décision de fermer l’Agence a été
unilatérale, étant donné que le Président a préféré licencier les travailleurs plutôt
que de résoudre la grève, de remédier aux violations des droits et de procéder aux
réintégrations pendantes.
- 491. Dans leur communication du 7 décembre 2023, les organisations
plaignantes indiquent qu’une proposition de décret de fermeture de l’Agence était en
cours de discussion et d’approbation par la Chambre des députés et le Sénat, après quoi
il devait être procédé au licenciement des travailleurs. Elles affirment que la question
n’a pas été réglée et que la décision de mettre un terme à une grève de trois ans et
neuf mois par un décret présidentiel de fermeture de l’Agence constituera un précédent
important pour les mouvements syndicaux et des travailleurs dans le pays.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 492. Dans ses communications des 11 septembre et 6 décembre 2023, le
gouvernement souligne que l’État mexicain n’a jamais fait obstacle aux droits du
syndicat, puisque les allégations objet du présent cas sont dirigées contre l’Agence en
sa qualité d’employeur. Il souligne que l’Agence est un organisme décentralisé de
l’administration publique qui jouit d’une autonomie opérationnelle, technique et de
gestion, et qu’elle n’est pas directement subordonnée à l’exécutif fédéral.
- 493. En ce qui concerne les licenciements antisyndicaux allégués, le
gouvernement indique qu’ils sont examinés par diverses instances dans le cadre juridique
national. Il fournit également des informations actualisées sur les quatre procédures
judiciaires engagées pour licenciement abusif qui étaient toujours pendantes au moment
du dépôt de la plainte, en précisant que dans une action intentée par Mme Carmen
Archundia Ramirez, une décision de réintégration a été rendue, et que les trois autres
actions intentées par Mme Mayte Mora Nieto et MM. Gustavo Ramirez Ibarra et Martin
Takagui Carbajo sont toujours en cours.
- 494. Quant au non-respect allégué de la convention collective par
l’Agence, le gouvernement déclare que, le 11 septembre 2023, la convention collective
conclue le 28 mai 2018 entre l’Agence et le syndicat était toujours en vigueur et
qu’aucune autre convention n’avait été enregistrée. Il soutient en outre que des mesures
ont été prises pour protéger les droits des membres du syndicat, étant donné que le
Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage a déclaré la légalité de la grève
organisée par le syndicat, conformément à l’article 450 de la loi fédérale sur le
travail, qui dispose qu’une grève peut avoir pour objet d’exiger l’application d’une
convention collective qui a été violée.
- 495. S’agissant de ladite grève, le gouvernement aborde également les
licenciements allégués et le recours supposé à des briseurs de grève par l’Agence, en
soulignant que les allégations relatives aux mouvements de personnel effectués durant
cette grève ne doivent pas être ignorées et feront l’objet d’une évaluation dans le
cadre juridique interne, conformément à la loi générale sur les responsabilités
administratives.
- 496. En ce qui concerne la persécution alléguée de Mme Urrea Torres, le
gouvernement déclare que les allégations relatives aux comptes personnels des cadres de
l’Agence sur les réseaux sociaux ne relèvent pas de la compétence de l’État. Il précise
que la Constitution du pays garantit aux citoyens le plein exercice de la liberté
d’expression et que l’on ne peut donc pas censurer ce qu’ils peuvent ou non publier sur
les réseaux sociaux. Le gouvernement soutient, en outre, que même si les fautes
administratives prétendument commises par Mme Urrea Torres l’ont été durant la période
de grève lancée par le syndicat, elles n’étaient pas liées au conflit du travail
opposant le syndicat et l’Agence. Il fait valoir que, selon lui, l’organe de contrôle
interne de l’Agence a suivi la procédure adéquate eu égard à la législation applicable
et que Mme Urrea Torres a à sa disposition les différentes voies prévues par le cadre
normatif mexicain pour résoudre les différends.
- 497. Quant à la création alléguée d’un syndicat parallèle par l’Agence,
le gouvernement déclare que la législation mexicaine n’impose aucune restriction
d’aucune sorte en matière de droit d’association des travailleurs. Il soutient que le
caractère exclusif d’un syndicat n’est pas réglementé et que les travailleurs ne sont
pas tenus de s’affilier à un syndicat en particulier. Le gouvernement ajoute que, bien
que le SiNotimex ait été reconnu par la loi, il n’a conclu aucune convention collective
avec l’Agence.
- 498. S’agissant de la décision unilatérale alléguée de fermer l’Agence,
le gouvernement fait valoir qu’en 2020 le Président du Mexique a demandé l’intervention
du Secrétariat du travail et de la prévoyance sociale (STPS) afin de servir de médiateur
dans le conflit opposant l’Agence et le syndicat. Cependant, compte tenu de l’évolution
du droit à l’information et du non-fonctionnement de l’Agence, il a été déterminé le
14 avril 2023 que cette dernière ne remplissait pas les finalités et objectifs pour
lesquels elle avait été créée et il a donc été jugé nécessaire de la fermer. Selon le
gouvernement, cette décision était sans lien avec la grève en cours.
- 499. Le gouvernement indique que le STPS a pris diverses mesures qui ont
permis d’établir un dialogue plus fluide avec le syndicat en vue principalement de
verser aux travailleurs les sommes qui leur étaient dues avant la liquidation de
l’Agence. Il déclare, en particulier, que plusieurs réunions et tables rondes ont été
organisées avec l’aide du Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage, qui s’est
chargé d’effectuer le calcul des indemnisations des membres du syndicat et que, le
3 octobre 2023, un accord de coordination a été signé entre le ministère de l’Intérieur,
le STPS et le syndicat concernant la fermeture de l’Agence.
- 500. Dans sa communication du 21 février 2024, le gouvernement rapporte
que, le 29 novembre 2023, une proposition de décret de fermeture de l’Agence a été mise
à la discussion au sein de la Chambre des députés et du Sénat, et qu’elle a finalement
été adoptée. Il précise que, le 21 décembre 2023, le décret de fermeture de l’organisme
décentralisé non sectoriel de l’Administration publique fédérale, dénommé Notimex,
Agence de presse de l’État mexicain, et abrogeant la loi portant création de l’Agence de
presse de l’État mexicain, a été publié au Journal officiel de la Fédération.
- 501. Le gouvernement souligne que l’article 4 de ce décret dispose que le
ministère de l’Intérieur est tenu de fixer les modalités de la liquidation de l’Agence
et que les conditions du licenciement des travailleurs de l’Agence doivent être fixées
dans le strict respect de leurs droits. Il ajoute que les bases de la liquidation, qui
ont été publiées en application de cet article, prévoient que les travailleurs qui ont
été licenciés jusqu’à un an avant le 21 février 2020 seront pris en considération aux
fins du paiement, pour autant qu’une décision définitive en leur faveur ait été rendue
mais pas exécutée.
- 502. Le gouvernement indique que, en décembre 2023 et janvier 2024, les
86 membres du syndicat, parmi lesquels Mme Mora Nieto et MM. Ramirez Ibarra et Takagui
Carbajo, ainsi que les 63 autres travailleurs de l’Agence, ont été licenciés, et que
tous ont été indemnisés conformément à la loi fédérale sur le travail, au décret, à la
convention collective et aux contrats individuels.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 503. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations
plaignantes allèguent que: i) une agence de l’État du secteur des communications a
licencié plus d’une centaine de membres et de dirigeants du syndicat, a violé diverses
clauses de la convention collective conclue avec ce dernier, a refusé de reconnaître une
grève légale, a commis divers actes d’ingérence antisyndicale et a mené une campagne de
persécution à l’encontre d’une dirigeante syndicale; et ii) le gouvernement a décidé
unilatéralement de fermer l’Agence au lieu de résoudre le conflit opposant celle-ci au
syndicat. Le comité note, d’autre part, que le gouvernement: i) soutient que les
allégations ont été ou seront traitées par le système judiciaire et fournit des
informations actualisées sur les procédures en cours; et ii) affirme que des
consultations ont eu lieu avec le syndicat en vue de fixer les indemnisations des
travailleurs avant la publication du décret de fermeture de l’Agence.
- 504. En ce qui concerne les licenciements antisyndicaux allégués, le
comité note que les organisations plaignantes allèguent que: i) après l’arrivée d’une
nouvelle directrice en mai 2019, l’Agence a licencié arbitrairement plus d’une centaine
de dirigeants et de membres du syndicat; ii) ces licenciements ont démantelé le comité
exécutif du syndicat, raison pour laquelle ce dernier a élu une nouvelle secrétaire
générale, Mme Adriana Urrea Torres, qui a également été licenciée quelques jours après
son entrée en fonction; iii) 48 travailleurs licenciés (dont 13 dirigeants syndicaux)
ont engagé des actions en justice pour licenciement abusif contre l’Agence et des
décisions de réintégration ont été rendues en faveur de 42 d’entre eux (dont
11 dirigeants syndicaux), deux recours ont été rejetés et les quatre autres sont
toujours pendants; et iv) en dépit des décisions précitées, l’Agence n’a réintégré aucun
des travailleurs concernés.
- 505. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement déclare que:
i) une décision de réintégration supplémentaire a été rendue depuis le dépôt de la
plainte; ii) le 21 décembre 2023, un décret de fermeture de l’Agence a été publié;
iii) les conditions de la liquidation qui ont été publiées en application de ce décret
prévoient que les travailleurs licenciés jusqu’à un an avant le 21 février 2020 seront
pris en considération à des fins de paiement, pour autant qu’une décision définitive ait
été rendue en leur faveur mais pas exécutée; et iv) en décembre 2023 et janvier 2024,
les 86 membres du syndicat, y compris les trois dont les recours sont toujours pendants,
ainsi que les 63 autres travailleurs de l’Agence ont été licenciés et indemnisés,
conformément à la loi fédérale sur le travail, au décret, à la convention collective et
aux contrats de travail individuels, pour la perte de leur emploi.
- 506. Le comité prend bonne note des informations fournies par les
organisations plaignantes et le gouvernement. Tout en notant que les 43 membres du
syndicat qui ont obtenu une décision de réintégration et les trois affiliés dont les
recours judiciaires sont toujours pendants ont été indemnisés lors de la fermeture de
l’Agence, il observe également que le gouvernement ne nie pas que l’Agence avait refusé
d’exécuter ces décisions et qu’il semble qu’aucune sanction ne lui ait été infligée pour
les licenciements. Le comité rappelle que le respect des principes de la liberté
syndicale exige qu’on ne puisse ni licencier des travailleurs ni refuser de les
réintégrer en raison de leurs activités syndicales. [Voir Compilation des décisions du
Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1164.]
- 507. En ce qui concerne les allégations de violation de la convention
collective et de non-reconnaissance de la grève qui en a résulté, le comité note que,
selon les organisations plaignantes: i) l’Agence a enfreint plus de 30 clauses de la
convention collective signée par les parties en licenciant les travailleurs précités et
en commettant d’autres violations telles que l’offre d’indemnités de licenciement trop
basses, la réduction des chèques-repas, l’annulation de l’aide pour le paiement de
médicaments et d’études et la tentative d’abrogation unilatérale de ladite convention;
ii) entre décembre 2019 et février 2020, l’Agence a refusé de dialoguer avec le syndicat
pour résoudre le conflit du travail résultant de ces violations; iii) le 21 février
2020, le syndicat a appelé à la grève, laquelle a été jugée légale par le Conseil
fédéral de conciliation et d’arbitrage le 5 mars 2020; et iv) l’Agence n’a pas reconnu
la grève, a continué de licencier des travailleurs et a poursuivi ses activités en
faisant appel à des briseurs de grève.
- 508. Le comité note également que le gouvernement soutient que: i) la
déclaration de légalité de la grève par le Conseil fédéral de conciliation et
d’arbitrage est une mesure qui a été prise pour sauvegarder les droits du syndicat,
conformément à l’article 450 de la loi fédérale sur le travail, qui prévoit qu’une grève
peut avoir pour objet d’exiger l’application d’une convention collective qui a été
violée; et ii) les allégations relatives aux mouvements de personnel survenus durant la
grève ne doivent pas être ignorées et feront l’objet d’un examen dans le cadre juridique
interne.
- 509. S’agissant du non-respect allégué de la convention collective, le
comité rappelle que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs
est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour
fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir
Compilation, paragr. 1336.] Le comité prend note des allégations concernant les
licenciements en 2019 et les licenciements abusifs en lien avec la grève. Le comité
s’attend à ce que les questions d’indemnisation aient été traitées équitablement dans
l’accord relatif à la fermeture de l’agence. Le comité prie le gouvernement et les
organisations plaignantes de fournir des informations à cet égard.
- 510. Notant que le gouvernement ne nie pas les allégations relatives à la
grève, le comité rappelle que quand les syndicalistes ou les dirigeants syndicaux sont
licenciés pour avoir exercé leur droit de grève, le comité ne peut s’empêcher de
conclure qu’ils sont sanctionnés pour leur activité syndicale et font l’objet d’une
discrimination antisyndicale. [Voir Compilation, paragr. 958.] Par conséquent, si une
grève est légale, l’utilisation d’une main-d’œuvre étrangère à l’entreprise afin de
remplacer les grévistes pour une durée indéterminée comporte un risque d’atteinte au
droit de grève qui peut affecter le libre exercice des droits syndicaux. [Voir
Compilation, paragr. 919.] Prenant dûment note de la volonté du gouvernement d’examiner
les mouvements de personnel survenus durant la grève, le comité le prie de procéder à un
tel examen et de le tenir informé à cet égard.
- 511. En ce qui concerne la campagne de persécution alléguée contre
Mme Urrea Torres à la suite de son élection au poste de secrétaire générale du syndicat,
le comité note que les organisations plaignantes affirment que: i) en diffusant des
vidéos, des images, des notes d’information et des déclarations de cadres sur les
réseaux sociaux, l’Agence a faussement présenté Mme Urrea Torres comme étant «corrompue»
et l’a accusée de vol, de déclenchement d’une grève illégale, de séquestration, ainsi
que d’extorsion et de blanchiment d’argent; ii) l’Agence a déposé deux plaintes
administratives contre elle devant le SFP pour «déplacements de loisir à charge du
Trésor public» et «détournement de fonds publics», ainsi qu’une plainte pénale devant le
Procureur général de la République pour «exercice illégal d’une fonction publique»;
iii) alors que la première plainte administrative a été rejetée le 27 janvier 2022,
Mme Urrea Torres a été déclarée coupable dans la seconde procédure administrative par
décision du 21 avril 2022 du Tribunal fédéral de la justice administrative, contre
laquelle le syndicat a formé un recours; et iv) la plainte pénale a été rejetée en
première instance et la décision a été confirmée en deuxième instance en mai 2022.
- 512. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement déclare que:
i) les allégations relatives aux comptes personnels des cadres de l’Agence sur les
réseaux sociaux ne relèvent pas de la compétence de l’État, étant donné que la
Constitution du Mexique garantit le plein exercice de la liberté d’expression; ii) même
si les fautes administratives prétendument commises par Mme Urrea Torres l’ont été
durant la grève, elles n’étaient pas liées au conflit du travail opposant l’Agence et le
syndicat; et iii) Mme Urrea Torres a à sa disposition les différentes voies prévues par
le droit national pour résoudre les litiges.
- 513. À cet égard, le comité observe que, sur la base des informations
publiquement disponibles, le Tribunal fédéral de la justice administrative a, par
décision du 9 janvier 2024, révoqué l’arrêt rendu le 21 avril 2022 contre Mme Urrea
Torres. D’autre part, notant que le gouvernement ne nie pas qu’une plainte pénale
introduite contre Mme Urrea Torres a été rejetée par deux fois par les tribunaux et que
diverses accusations infondées à caractère criminel ont été publiées contre elle par
l’Agence et ses cadres, le comité rappelle que des allégations de comportement criminel
ne doivent pas être utilisées pour harceler des syndicalistes à cause de leur
affiliation ou de leurs activités syndicales. [Voir Compilation, paragr. 80.] Le comité
veut croire que le gouvernement prendra des mesures pour garantir que les droits des
organisations de travailleurs puissent s’exercer dans un climat exempt de harcèlement à
l’égard de leurs dirigeants.
- 514. En ce qui concerne les actes allégués d’ingérence antisyndicale, le
comité note que les organisations plaignantes affirment que: i) en septembre 2019, un
cadre de l’Agence a interrogé deux membres du syndicat sur leur participation à la
convocation d’une assemblée syndicale urgente et a, par la suite, organisé une réunion
obligatoire pour tous les travailleurs de l’Agence au même moment et invité ces deux
membres à dissuader d’autres travailleurs d’assister à l’assemblée; ii) l’Agence a
constitué un syndicat parallèle, le SiNotimex, et ses cadres ont adressé des menaces de
licenciement pour inciter les travailleurs à quitter le syndicat et à s’affilier au
syndicat parallèle; et iii) une affiliée du syndicat a été harcelée, expulsée des locaux
de l’Agence et, finalement, licenciée pour avoir critiqué publiquement la création du
SiNotimex, tout comme trois autres affiliées qui ont pris sa défense.
- 515. Le comité note également que le gouvernement rapporte à cet égard
que: i) la législation mexicaine n’impose aucune restriction au droit d’association des
travailleurs et ne les oblige pas à s’affilier à un syndicat; et ii) bien que le
SiNotimex ait été officiellement reconnu, il n’a conclu aucune convention collective
avec l’Agence.
- 516. Le comité note que le gouvernement ne se prononce pas directement
sur les allégations spécifiques d’ingérence antisyndicale présentées par les
organisations plaignantes. En ce qui concerne la création du SiNotimex et les
allégations de pressions exercées par les cadres de l’Agence, le comité rappelle
l’importance qu’il attache à assurer la protection contre tous actes d’ingérence des
employeurs visant à promouvoir la création d’organisations de travailleurs dominées par
un employeur. [Voir Compilation, paragr. 1215.] Il rappelle également que les menaces
directes et les actes d’intimidation à l’encontre des membres d’une organisation de
travailleurs et le fait de les forcer à s’engager à rompre tout lien avec l’organisation
sous la menace d’un renvoi équivalent à nier les droits syndicaux de ces travailleurs.
[Voir Compilation, paragr. 1100.] Quant aux tentatives alléguées de saper l’assemblée
syndicale et aux représailles contre les travailleuses qui avaient critiqué la création
du SiNotimex, le comité rappelle que la liberté de réunion et la liberté d’opinion et
d’expression sont une condition sine qua non de l’exercice de la liberté syndicale.
[Voir Compilation, paragr. 205.] Le comité prie le gouvernement de diligenter une
enquête indépendante sur les allégations d’ingérence antisyndicale par l’Agence et, si
elles sont confirmées, de prendre les mesures nécessaires pour garantir que de telles
situations ne se reproduiront pas au sein d’autres organismes publics.
- 517. Quant à la décision unilatérale alléguée de fermeture de l’Agence,
le comité note que, selon les organisations plaignantes: i) le 14 avril 2023, le
Président du Mexique a annoncé la fermeture; ii) bien que le gouvernement ait convoqué
le syndicat pour discuter des conditions de la liquidation, la décision de fermeture
était unilatérale; et iii) le fait de mettre un terme à une grève de trois ans et
neuf mois par un décret présidentiel de fermeture de l’Agence constituera un précédent
important pour les mouvements syndicaux du pays.
- 518. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement déclare que: i)
compte tenu de l’évolution du droit à l’information et du non-fonctionnement de
l’Agence, il a été déterminé, le 14 avril 2023, que cette dernière ne remplissait plus
les objectifs pour lesquels elle avait été créée et qu’il était donc jugé nécessaire de
la fermer; ii) le Secrétariat du travail et de la prévoyance sociale (STPS) a organisé
plusieurs réunions et tables rondes avec le syndicat visant principalement à calculer
les indemnisations de ses affiliés; iii) le 3 octobre 2023, le ministère de l’Intérieur,
le STPS et le syndicat ont signé un accord de coordination concernant la fermeture de
l’Agence; iv) le 29 novembre 2023, une proposition de décret de fermeture de l’Agence a
été mise à la discussion devant la Chambre des députés et le Sénat, et finalement
approuvée et publiée; et v) en décembre 2023 et janvier 2024, les 86 membres du syndicat
et les 63 autres travailleurs de l’Agence ont été licenciés et indemnisés.
- 519. Le comité relève que les organisations plaignantes allèguent que,
bien que des consultations aient eu lieu pour fixer les modalités de la liquidation de
l’agence, le syndicat, qui représentait la majorité des travailleurs de cette dernière,
n’a pas été consulté au sujet de la décision de fermeture. Bien que le comité rappelle
qu’il n’a pas de mandat pour examiner la décision de fermer l’agence, il prie le
gouvernement de redoubler d’efforts pour promouvoir le dialogue social dans toutes ses
agences.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 520. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) En ce qui concerne
les allégations concernant les licenciements en 2019 et les licenciements abusifs en
lien avec la grève, le comité s’attend à ce que les questions d’indemnisation aient
été traitées équitablement dans l’accord relatif à la fermeture de l’agence. Le
comité prie le gouvernement et les organisations plaignantes de fournir des
informations à cet égard.
- b Prenant dûment note de la volonté du
gouvernement d’examiner les mouvements de personnel survenus durant la grève, le
comité le prie de procéder à un tel examen et de le tenir informé à cet
égard.
- c) Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête
indépendante sur les allégations d’ingérence antisyndicale par l’Agence et, si elles
sont confirmées, de prendre les mesures nécessaires pour garantir que de telles
situations ne se reproduiront pas au sein d’autres organismes publics.
- d) Le
comité prie le gouvernement de redoubler d’efforts pour promouvoir le dialogue
social dans toutes ses agences.