Allégations: L’organisation plaignante allègue que des membres et des dirigeants
du Syndicat des travailleurs de l’Assemblée législative (SITRAL) ont été licenciés sans que
la procédure régulière soit suivie
- 172. La plainte figure dans une communication de la Confédération
nationale des travailleurs salvadoriens (CNTS) datée du 29 mars 2023. La CNTS a transmis
des informations complémentaires dans une communication datée du 26 mai 2023.
- 173. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication
datée du 7 mars 2024.
- 174. El Salvador a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 151) sur les
relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 175. Dans sa communication datée du 29 mars 2023, la CNTS allègue que:
«le 1er mai 2021, les travailleurs et travailleuses affiliés au Syndicat des
travailleurs de l’Assemblée législative (SITRAL) ont été licenciés sans que la procédure
régulière soit suivie et de façon violente». La CNTS affirme que, face à cette
situation, le SITRAL, qui est un syndicat de fonctionnaires créé en 2010, a tenté
d’obtenir un entretien d’urgence avec le président et le Conseil de l’Assemblée
législative salvadorienne afin de trouver une solution et a même demandé une audience
avec le Président de la République. Toutefois, les demandes formulées par le syndicat au
sujet de ces licenciements sont restées dans réponse.
- 176. La CNTS allègue également que, en plus d’avoir licencié les membres
du SITRAL, l’Assemblée nationale a aussi licencié des dirigeants syndicaux:
- i)
M. Luis Ernesto Rodríguez Segovia, secrétaire à l’aide sociale du SITRAL, qui
occupait un poste de chauffeur à l’Office départemental de l’Assemblée législative à
Santa Ana, a été licencié le 20 juillet 2021 sans raison valable et sans procédure
préalable.
- ii) Mme Claudia Isabel Romero Ramos, secrétaire aux relations
nationales et internationales du SITRAL, a été licenciée le 17 septembre 2021. Il
semblerait que, dès son arrivée au travail, elle ait été appelée par son supérieur
hiérarchique direct qui l’aurait alors informée de son renvoi.
- iii)
Mme Blanca del Carmen Sosa Hernández, première secrétaire aux conflits du SITRAL, a
été licenciée le 21 septembre 2021. Selon les informations communiquées,
l’intéressée s’apprêtait à commencer sa journée de travail lorsqu’elle aurait été
abordée par un agent de la police nationale, qui lui aurait demandé de quitter les
locaux de l’institution, où elle n’avait plus le droit de se trouver puisqu’elle
avait été renvoyée.
- iv) Mme Ingryd Adriana Escobar Campos, deuxième
secrétaire aux conflits du SITRAL, a été licenciée le 28 octobre 2021. D’après les
renseignements fournis, l’intéressée aurait été convoquée au bureau des ressources
humaines. Elle aurait demandé à être accompagnée par le secrétaire général du
SITRAL, ce que lui ont refusé six membres de la sécurité. Elle s’est donc rendue
seule à cette convocation, où elle a été informée de son renvoi. L’organisation
plaignante a joint à sa communication une copie de la lettre par laquelle le
responsable des ressources humaines, invoquant l’accord no 1113 de la présidence de
l’Assemblée législative, daté du 3 mai 2021, a informé l’intéressée qu’il avait été
décidé de la licencier, mettant ainsi fin à son contrat et à sa relation de travail
avec l’Assemblée législative. A également été fournie une copie de l’accord en
question, dans lequel il était notamment indiqué que: selon une étude technique,
plusieurs services de l’Assemblée étaient en sureffectif; certains postes, jugés
inutiles, pesaient lourdement sur les finances de l’État; l’Assemblée législative
estimait donc nécessaire de mettre fin à sa relation de travail avec l’intéressée,
en lui versant les indemnités auxquelles elle avait droit.
- v) M. Ismael
Soriano Gómez, premier secrétaire aux conflits du SITRAL, a été licencié le
29 juillet 2022. Il aurait été convoqué au bureau des ressources humaines de
l’Assemblée législative, où il aurait été informé de son renvoi. L’organisation
plaignante a joint à sa communication une copie de la lettre par laquelle le
responsable des ressources humaines, invoquant l’accord no 1794 de la présidence de
l’Assemblée législative, daté du 15 juillet 2022, a informé l’intéressé qu’il avait
été décidé de le licencier, mettant ainsi fin à son contrat et à sa relation de
travail avec l’Assemblée législative. L’organisation plaignante a également joint
une copie de l’accord en question, dont le contenu est similaire à celui de l’accord
concernant Mme Escobar Campos.
- vi) Mme Sara Beatriz Alfare Ramírez,
secrétaire à la question des femmes, a été licenciée le 4 novembre 2022. Elle aurait
été convoquée au bureau des ressources humaines de l’Assemblée législative, où elle
aurait été informée de son renvoi. L’organisation plaignante a joint à sa
communication une copie de la lettre par laquelle le responsable des ressources
humaines, invoquant l’accord no 1955 de la présidence de l’Assemblée législative,
daté du 17 octobre 2022, a informé l’intéressée qu’il avait été décidé de la
licencier, mettant ainsi fin à son contrat et à sa relation de travail avec
l’Assemblée législative. A également été jointe une copie de l’accord en question,
dont le contenu est similaire à celui des accords concernant M. Soriano Gómez et
Mme Escobar Campos.
- 177. L’organisation plaignante allègue que les personnes susmentionnées
ont été licenciées par l’Assemblée législative en raison de leur statut de dirigeant
syndical et qu’elles n’ont pas bénéficié d’une protection efficace contre ces actes
préjudiciables. Elle a transmis un ensemble de documents indiquant que des recours
avaient été présentés devant la Chambre du contentieux administratif au sujet des
licenciements de M. Luis Ernesto Rodríguez Segovia (en date du 15 octobre 2021), de
M. Ismael Soriano Gómez (en date du 30 août 2022) et de Mme Claudia Isabel Romero
Ramos.
- 178. Dans une communication datée du 26 mai 2023, l’organisation
plaignante fait savoir que les procédures judiciaires relatives aux recours présentés
par Mmes Sara Beatriz Alfaro Ramírez, Ingryd Adriana Escobar Campo, Claudia Isabel
Romero Ramos et M. Ismael Soriano Gómez devant le Tribunal de la fonction publique pour
tenter de faire annuler les licenciements sont toujours en cours de traitement et n’ont
fait l’objet d’aucune décision.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 179. Dans sa communication datée du 7 mars 2024, le gouvernement explique
que le Code du travail ne s’applique pas en l’espèce, mais que l’article 32, alinéa j),
de la Loi sur la fonction publique dispose qu’il est interdit, pour tout fonctionnaire
ou employé public ou municipal, d’«établir de manière directe ou indirecte des
discriminations entre les agents de la fonction publique en raison de leur affiliation à
un syndicat ou d’engager contre eux des représailles pour ce motif». En outre,
l’article 6 de ladite loi dispose que son application est confiée aux Commissions de la
fonction publique et au Tribunal de la fonction publique, qui sont les instances
compétentes à cet égard.
- 180. Le gouvernement indique que, dans ce contexte, le ministère du
Travail et de la Prévoyance sociale peut certes intervenir à la demande de l’une des
parties impliquées en mettant à disposition des services de médiation, mais que, depuis
2021, la Direction générale du travail n’a reçu que deux demandes écrites de la part des
organisations syndicales concernées: dans la première, qui date de 2021, M. Luis Ortega,
alors secrétaire général du SITRAL, demande que des inspections inopinées soient
organisées; dans la seconde, de janvier 2022, M. Roberto Gómez fait parvenir à la
Direction générale, pour information, une demande soumise au président de l’Assemblée
législative tendant à ce que le SITRAL soit représenté à la Conférence internationale du
Travail de l’OIT.
- 181. Le gouvernement note que le ministère du Travail et de la Prévoyance
sociale n’a reçu aucune demande de médiation de la part des parties et souligne qu’il
reste engagé en faveur de la liberté syndicale, du respect des droits de l’homme et de
la justice sociale et que, par conséquent, il assurera le suivi de l’affaire et mènera
les enquêtes nécessaires à son avancement par l’intermédiaire des Commissions de la
fonction publique et du Tribunal de la fonction publique, ainsi que le prévoit la
loi.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 182. Le comité observe que le présent cas porte sur le licenciement
allégué de membres et de dirigeants du Syndicat des travailleurs de l’Assemblée
législative (SITRAL), qui a été créé en 2010. Il note que l’organisation plaignante
allègue que: i) le 1er mai 2021, l’Assemblée législative a licencié des personnes
affiliées au SITRAL de façon violente et sans que la procédure régulière soit suivie; et
ii) entre juillet 2021 et novembre 2022, six dirigeants du SITRAL (M. Luis Ernesto
Rodríguez Segovia, Mme Claudia Isabel Romero Ramos, Mme Blanca del Carmen Sosa
Hernández, Mme Ingryd Adriana Escobar Campos, M. Ismael Soriano Gómez et Mme Sara
Beatriz Alfare Ramírez) ont été licenciés en raison de leur statut de dirigeant
syndical, sans que la procédure régulière soit suivie.
- 183. En ce qui concerne le licenciement allégué de membres du SITRAL, le
comité observe que, si l’organisation plaignante indique que le syndicat a tenté, en
vain, de s’entretenir avec diverses autorités en vue de trouver une solution, elle ne
précise en revanche pas le nombre exact de membres concernés et ne donne aucune autre
information à ce sujet. Il constate par ailleurs que, si deux documents du Bureau du
Procureur chargé des droits de l’homme datant de mai et de juin 2021 et faisant
notamment référence à l’annonce du licenciement de plus d’un millier de travailleurs
faite par le président de l’Assemblée législative ont bien été transmis, aucun autre
élément se rapportant aux allégations en question n’a été communiqué. Le comité demande
à l’organisation plaignante de fournir de plus amples renseignements sur la possible
nature antisyndicale dles licenciements allégués de membres du SITRAL survenus en mai
2021 et de préciser le résultat de toute action administrative ou judiciaire entreprise
à cet égard. En l’absence de telles informations, le comité ne poursuivra pas l’examen
de ces allégations.
- 184. En ce qui concerne le licenciement allégué de six dirigeants
syndicaux, le comité note que, d’après l’organisation plaignante, les intéressés
auraient été licenciés en raison de leur statut de dirigeant syndical et n’auraient pas
bénéficié d’une protection efficace contre ces actes préjudiciables. Il observe que,
d’après les documents fournis, trois d’entre eux ont reçu une lettre du responsable des
ressources humaines les informant que la présidence de l’Assemblée législative avait
décidé de les licencier, de mettre fin à leur contrat et de rompre leur relation de
travail. Il constate que le contenu des accords de la présidence au sujet de ces trois
dirigeants est identique et fait état de ce que: i) le personnel de l’Assemblée
législative était trop nombreux et que ce sureffectif pesait sur les finances de
l’institution qui estimait que les postes occupés par les intéressés n’étaient pas
nécessaires; ii) il existe, au sein de l’ordre juridique secondaire, un régime
d’indemnisation applicable aux agents de la fonction publique qui sont licenciés; et
iii) les ressources budgétaires disponibles étaient suffisantes pour couvrir les
dépenses liées aux indemnisations. Le comité relève que les accords susmentionnés ne
font pas référence au statut de dirigeant syndical des travailleurs concernés.
- 185. Le comité note par ailleurs que, d’après l’organisation plaignante,
cinq dirigeants syndicaux, sur les six concernés, ont présenté des recours devant le
Tribunal de la fonction publique aux fins de faire annuler leur licenciement et que les
procédures n’ont pas encore abouti (seule la date de présentation de deux recours, sur
les cinq soumis, est indiquée dans les documents fournis).
- 186. Le comité note que le gouvernement indique, à ce sujet que: i) la
Loi sur la fonction publique interdit d’établir des discriminations entre les agents de
la fonction publique en raison de leur affiliation à un syndicat ou d’engager contre eux
des représailles pour ce motif et que les Commissions de la fonction publique et le
Tribunal de la fonction publique sont les instances compétentes à cet égard; ii) le
ministère du Travail et de la Prévoyance sociale ne peut intervenir en mettant à
disposition des services de médiation que sur demande de l’une des parties concernées
mais que, en l’espèce, il n’a reçu aucune demande de médiation des parties; et iii) il
assurera le suivi du dossier et réalisera les enquêtes nécessaires par l’intermédiaire
des Commissions de la fonction publique et du Tribunal de la fonction publique.
- 187. Le comité déplore que, à ce jour, le gouvernement n’ait pas pu
procéder auxdites enquêtes et lui demande d’obtenir le plus rapidement possible les
informations relatives aux allégations exposées dans le présent cas auprès des instances
compétentes de la fonction publique et de les envoyer dans les meilleurs délais. Le
comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard. Notant que les
licenciements dénoncés dans le présent cas remontent aux années 2021 et 2022 et que les
procédures entamées devant le Tribunal de la fonction publique n’ont semble-t-il
toujours pas abouti, il rappelle que nul ne doit faire l’objet de mesures préjudiciables
en raison de l’exercice d’activités syndicales légitimes et que les affaires de
discrimination antisyndicale devraient être traitées de manière rapide et efficace par
les institutions compétentes. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté
syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1077.] Compte tenu de ce qui précède, le
comité espère vivement que le Tribunal de la fonction publique se prononcera rapidement
quant à la validité des licenciements de dirigeants syndicaux au sujet desquels des
recours lui ont été soumis et qu’il tiendra dûment compte des éléments susmentionnés
relatifs à la protection contre la discrimination antisyndicale. Le comité prie le
gouvernement de le tenir informé à ce propos.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 188. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le
comité demande à l’organisation plaignante de fournir de plus amples renseignements
sur la possible nature antisyndicale dles licenciements allégués de membres du
Syndicat des travailleurs de l’Assemblée législative (SITRAL) survenus en mai 2021,
en précisant le résultat de toute action administrative ou judiciaire entreprise à
cet égard. En l’absence de telles informations, le comité ne poursuivra pas l’examen
de ces allégations.
- b) Le comité demande au gouvernement d’obtenir le plus
rapidement possible les informations afférentes aux allégations formulées dans le
présent cas auprès des instances compétentes dans le domaine de la fonction
publique, et de les envoyer dans les meilleurs délais. Le comité prie le
gouvernement de le tenir informé à cet égard..
- c) Le comité espère vivement
que le Tribunal de la fonction publique se prononcera rapidement quant à la validité
des licenciements des dirigeants du SITRAL au sujet desquels des recours lui ont été
soumis et qu’il tiendra dûment compte des éléments énoncés dans les conclusions du
présent cas relatifs à la protection contre la discrimination antisyndicale. Le
comité prie le gouvernement de le tenir informé à ce propos.