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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 403, Juin 2023

Cas no 3376 (Soudan) - Date de la plainte: 03-FÉVR.-20 - En suivi

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent la dissolution d’organisations de travailleurs et d’employeurs, la destitution et l’arrestation de plusieurs dirigeants syndicaux, la confiscation des biens et des avoirs d’une fédération syndicale, ainsi que le licenciement de milliers de travailleurs, dont des dirigeants et membres de syndicats, par le gouvernement à la suite d’un changement de régime

  1. 496. La plainte figure dans des communications de la Fédération des syndicats des travailleurs du Soudan (SWTUF), datées des 3 février, 19 mars et 3 mai 2020, et du 28 mai 2022, ainsi que dans des communications de l’Organisation de l’unité syndicale africaine (OUSA) datées des 23 juillet 2020 et 8 février 2021.
  2. 497. Le gouvernement du Soudan a communiqué ses observations sur ces allégations dans des communications datées des 23 mars et 4 octobre 2021.
  3. 498. Le Soudan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 499. Dans leurs communications datées des 3 février, 19 mars, 3 mai et 23 juillet 2020, les organisations plaignantes allèguent que plusieurs syndicats et associations professionnelles, notamment la SWTUF et ses 15 affiliés, ont été dissous par le Conseil de souveraineté transitoire du Soudan (ci-après le «CST») après avoir été faussement accusés de faire partie intégrante du régime évincé du pouvoir de l’ancien président du Soudan. Elles allèguent en outre que les biens et avoirs de la SWTUF ont été confisqués, que plusieurs dirigeants syndicaux ont été destitués et, dans certains cas, arrêtés pour avoir refusé de céder leur mandat, et que des milliers de travailleurs, dont des dirigeants et membres de syndicats, ont été licenciés pour des motifs sans rapport avec l’exercice de leur profession, à la suite d’un changement de gouvernement.
  2. 500. Les organisations plaignantes indiquent que la SWTUF, qui a été créée en 1950, comprend 15 syndicats interprofessionnels et leurs 18 syndicats régionaux, qui représentent un million et demi de travailleurs organisés dans différents secteurs de l’économie soudanaise. Elles ajoutent que la SWTUF et ses 15 affiliés, qui sont des entités indépendantes officiellement enregistrées, ont été dissous plusieurs fois dans le passé par des décisions successives des gouvernements militaires soudanais, mais que ces décisions antérieures avaient été annulées rapidement, et que la SWTUF et ses affiliés avaient été réintégrés dans leurs fonctions syndicales normales.
  3. 501. Les organisations plaignantes déclarent que, le 28 avril 2019, le CST a émis la résolution no 49, qui interdisait les activités de toutes les organisations de travailleurs et d’employeurs fonctionnant en toute légalité dans le pays. Elles indiquent que, le 22 mai 2019, face aux vives protestations et aux revendications exprimées par plusieurs organisations syndicales nationales, régionales et internationales en vue de l’annulation de cette décision, le CST a levé l’interdiction.
  4. 502. Les organisations plaignantes affirment, toutefois, que, le 14 décembre 2019, le CST a adopté la loi portant démantèlement du régime du 30 juin 1989 et destitution de pouvoir, qui prévoyait la création d’un Comité de démantèlement. Elles indiquent que ce comité a alors entrepris la dissolution des organisations de travailleurs et d’employeurs. Selon les organisations plaignantes, cette décision a mis un terme à l’administration des syndicats et à toutes leurs activités, partout dans le pays.
  5. 503. Les organisations plaignantes indiquent que la SWTUF a introduit un recours devant la Commission d’appel contre les mesures précitées, qui est demeuré sans réponse. Elles ajoutent que la SWTUF s’est pourvue en cassation devant la Cour constitutionnelle pour demander l’annulation de la procédure de dissolution, mais là encore sans résultat.
  6. 504. Les organisations plaignantes allèguent par ailleurs que le Comité de démantèlement a entrepris de confisquer les biens et les avoirs de la SWTUF et de ses 15 affiliés, et a ordonné le gel de leurs avoirs bancaires. Elles expliquent que, sur ordre du ministère public, la police a été déployée pour faire sortir de leurs bureaux les dirigeants élus et le personnel de la SWTUF et de ses 15 affiliés, bureaux qui sont actuellement sous scellés.
  7. 505. Les organisations plaignantes indiquent en outre que, en mars 2020, le ministère de l’Intérieur a interdit à M. Yousif Ali Abdelkarim, président de la SWTUF, de quitter le pays. Elles expliquent que cette interdiction a été prononcée juste avant une réunion de l’Organisation arabe du Travail (OAT), qui devait avoir lieu la première semaine d’avril en Oman, et que M. Abdelkarim est membre du Comité de la liberté syndicale de l’OAT.
  8. 506. Les organisations plaignantes déclarent que, le 23 mars 2020, le Comité de démantèlement a émis une décision sur la nomination de comités directeurs pour plusieurs organisations syndicales. Elles affirment que, le 13 avril 2020, M. Abbas Mohammed Habib Allah, M. Tarek Mahmoud et Mme Hanane Mohammed Sayed – trois dirigeants du Syndicat national de l’enseignement, qui est affilié à la SWTUF – ont été arrêtés pour avoir refusé de céder leur mandat aux individus désignés par le Comité de démantèlement. Selon les organisations plaignantes, M. Habib Allah et M. Mahmoud ont été emprisonnés deux jours durant, avant d’être inculpés et libérés, tandis que Mme Sayed a été interrogée et libérée.
  9. 507. Les organisations plaignantes allègent que, le 21 juin 2020, M. Louai Abdallah, président du Syndicat des travailleurs du pétrole, et Mme Naamat Mokhtar Mohamed Abdelkader, présidente du Syndicat des travailleurs de la santé dans la région du Darfour, ont également été arrêtés. Elles allègent en outre que, le 2 juillet 2020, le Comité de démantèlement a convoqué à son siège M. Abdelkarim pour le prier de céder son mandat.
  10. 508. Les organisations plaignantes affirment également que, le 25 juin 2020, trois dirigeants de la SWTUF – M. Hassan Yahia Mohamed Ali de la Banque de Khartoum, M. Khiri El Nour Ali Siam du Centre national de documentation, et M. Moussa Hama Kafi Tih du ministère de la Jeunesse et des Sports – ont été licenciés sans motif. À cet égard, elles indiquent en outre que des milliers de travailleurs, dont des douzaines de syndicalistes, ont été congédiés sous prétexte qu’ils appartenaient au régime antérieur, sans qu’aucune enquête n’ait été menée.
  11. 509. Les organisations plaignantes indiquent que l’OUSA, en tant qu’organisation syndicale régionale et panafricaine à laquelle est affiliée la SWTUF, a tenté à plusieurs reprises d’approcher les autorités soudanaises en vue d’amorcer un processus de médiation et de dialogue qui permettrait de régler le différend, mais ces tentatives n’ont pas abouti. Elles affirment que ce refus d’engager le dialogue démontre l’incapacité du gouvernement à honorer ses engagements régionaux et internationaux en matière de liberté syndicale.
  12. 510. Les organisations plaignantes indiquent par ailleurs que la SWTUF avait présenté au ministère du Travail et du Développement social une proposition visant à modifier la loi sur les syndicats de 2010 et la loi sur les associations professionnelles de 2004 en conformité avec les dispositions des conventions nos 87 et 98. Elles déclarent que le gouvernement, toutefois, est en train de rédiger une nouvelle loi sur les syndicats, sans la participation de la SWTUF.
  13. 511. Dans sa communication du 8 février 2021, l’OUSA affirme que: i) la situation des syndicats dans le pays continue de se détériorer; ii) le 28 janvier 2021, Mme Hala Al Gamar El Nour, présidente du Syndicat national des travailleurs de la Cour des comptes, a été arrêtée après avoir refusé de céder son mandat aux individus désignés par le Comité de démantèlement; iii) en général, les représentants légitimes des travailleurs sont souvent remplacés, licenciés, persécutés et arrêtés; iv) au total, 4 676 travailleurs ont été licenciés de manière arbitraire, pour des motifs sans rapport avec l’exercice de leur profession depuis le changement de régime; et v) cette purge touche tous les secteurs d’activité.
  14. 512. Dans sa communication du 28 mai 2022, la SWTUF indique que la police occupe toujours ses locaux, et que les travailleurs et leurs familles souffrent gravement de l’absence de services fournis par les représentants syndicaux légitimes qu’ils avaient élus.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 513. Dans ses communications datées des 23 mars et 4 octobre 2021, le gouvernement commence par réfuter l’affirmation selon laquelle la SWTUF a été dissoute dans le passé dans des conditions semblables. Il déclare que les mesures antérieures évoquées par les organisations plaignantes ont été décidées par les autorités militaires qui ont pris le pouvoir par un coup militaire, tandis que les mesures actuelles ont été prises en conformité avec une loi promulguée dans le respect de la constitution de transition qui a été adoptée après la glorieuse révolution de décembre 2018.
  2. 514. Le gouvernement indique que l’article 7(1)(c) de la loi portant démantèlement du régime du 30 juin 1989 et destitution de pouvoir habilite le Comité de démantèlement à dissoudre des syndicats et des fédérations, ainsi que leurs conseils d’administration et comités exécutifs, et à nommer des comités directeurs en attendant la tenue d’élections libres et régulières et l’émission de directives concernant les modalités de liquidation de leurs fonds, biens et avoirs. Il ajoute que l’article 7(1)(f) de cette loi habilite le Comité de démantèlement à intenter des poursuites contre toute personne ou en relation avec tout acte constituant un crime contre des fonds publics ou privés, une corruption financière ou administrative, un enrichissement illicite ou un abus d’influence.
  3. 515. Le gouvernement indique également que l’article 8 de la loi prévoit la création d’une Commission d’appel composée de cinq personnes, qui doit être constituée par le CST et des ministres, et chargée d’examiner les recours intentés contre les décisions du Comité de démantèlement. Il ajoute que les décisions rendues par la Commission d’appel peuvent être contestées dans les deux semaines devant la Cour suprême, dont le jugement est définitif. Le gouvernement souligne toutefois qu’un recours n’a pas pour effet de suspendre une décision rendue par le Comité de démantèlement.
  4. 516. Le gouvernement explique que la cheville ouvrière de la révolution récente était une population issue de toutes les sphères de la société qui est descendue dans la rue, assiégeant les locaux de la SWTUF et exigeant la dissolution immédiate des fédérations, des syndicats et de leurs directions. Il déclare que ces revendications étaient motivées par la conviction profonde entretenue par la majorité des travailleurs selon laquelle les membres de la direction de l’ancienne SWTUF faisaient partie intégrante du régime antérieur, n’avaient jamais rien fait pour eux et utilisaient leurs ressources au profit du parti au pouvoir.
  5. 517. Le gouvernement affirme que la dissolution de la SWTUF et de ses affiliés a donc été accélérée pour éviter une émeute ou des troubles civils qui auraient de fâcheuses conséquences pour le pays tout entier. Il indique qu’il a déclaré un état d’urgence national et qu’il a passé en revue la législation du pays en vue de l’aligner sur les normes internationales et les exigences relatives aux droits de l’homme. Le gouvernement déclare que, au nom de la liberté syndicale et du dialogue tripartite, il a créé à titre de mesure exceptionnelle 165 comités directeurs chargés d’orienter les activités syndicales à divers niveaux. Il souligne qu’un comité directeur a également été créé pour la Fédération générale des employeurs soudanais. Le gouvernement indique que la plupart des syndicats ont présenté des pétitions pour retirer la confiance accordée à la SWTUF, et que le salaire minimum a été augmenté de 600 pour cent pour passer à 3 000 livres soudanaises au lendemain de la révolution.
  6. 518. Le gouvernement insiste sur le fait que la direction dissoute de la SWTUF était l’un des organes du régime antérieur qui a procédé, à sa prise de pouvoir en 1989, à la dissolution d’associations professionnelles, de fédérations, de partis politiques et de toutes les organisations syndicales. Il souligne que la dissolution de la SWTUF n’a pas été effectuée par le CST même et qu’aucune autorité exécutive n’est intervenue dans ces mesures, le Comité de démantèlement n’étant pas un comité politique.
  7. 519. S’agissant de l’allégation selon laquelle les avoirs, biens et fonds syndicaux ont été confisqués par les forces de police, le gouvernement précise qu’ils n’ont été ni confisqués ni saisis, mais ont été mis sous séquestre par précaution. Il affirme que ces mesures visaient à mettre les avoirs et les biens concernés à l’abri du vandalisme et à faire en sorte que les documents présents dans les locaux ne soient pas altérés, pour protéger les droits des travailleurs. Le gouvernement souligne que les mesures précitées ont été prises sous la supervision du ministère public, qui est complètement indépendant des organes exécutifs.
  8. 520. Le gouvernement affirme en outre que trois dirigeants de la SWTUF ont utilisé à leurs propres fins les moyens, les capacités, les biens et les avoirs de la fédération. Il indique que des plaintes ont été déposées contre ces responsables par les services de répression du détournement des fonds publics et de la corruption et qu’une décision judiciaire a été rendue par la suite, ce qui a donné lieu à l’imposition d’une interdiction de voyager. Le gouvernement souligne que cette interdiction de voyager s’appliquait, non pas à tous les dirigeants de la SWTUF, mais seulement aux responsables concernés.
  9. 521. S’agissant de l’allégation selon laquelle la SWTUF a été exclue du processus d’élaboration d’une nouvelle loi sur les syndicats, le gouvernement indique que des consultations à grande échelle sont en cours entre les diverses organisations syndicales indépendantes en vue de l’élaboration d’une nouvelle loi qui tienne compte des souhaits, ambitions et aspirations des travailleurs.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 522. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que, suite à un changement de gouvernement, le CST a dissous les organisations d’employeurs et de travailleurs, notamment la SWTUF et ses 15 affiliés. Il note en outre que, selon les organisations plaignantes, les biens et les avoirs de la SWTUF et de ses affiliés ont été confisqués, des dirigeants syndicaux légitimes ont été arrêtés pour avoir refusé de céder leur mandat à des remplaçants désignés par le Comité de démantèlement, le président de la SWTUF s’est vu interdire de quitter le pays, des milliers de travailleurs, dont des dirigeants et membres de syndicats, ont été licenciés, et une nouvelle loi sur les syndicats est en cours d’élaboration sans la participation de la SWTUF. Le comité note par ailleurs que le gouvernement, pour sa part, affirme que la dissolution des organisations précitées, qui a été appliquée en vertu de la loi portant démantèlement du régime du 30 juin 1989 et destitution de pouvoir, a été réclamée par la majorité des travailleurs lors de la révolution de 2018, la SWTUF et ses affiliés faisant partie intégrante du régime antérieur.
  2. 523. S’agissant de la dissolution présumée des organisations soudanaises de travailleurs et d’employeurs, le comité note que les organisations plaignantes affirment que: i) l’adoption de la loi portant démantèlement du régime du 30 juin 1989 et destitution de pouvoir par le CST, le 14 décembre 2019, a permis la création d’un Comité de démantèlement, qui a procédé à la dissolution des organisations d’employeurs et de travailleurs, dont la SWTUF et ses 15 affiliés, entraînant ainsi la suspension de l’administration des syndicats et de leurs activités dans tout le pays; ii) la SWTUF a introduit un recours devant la Commission d’appel, et s’est pourvue en cassation devant la Cour constitutionnelle en rapport à la décision précitée, mais n’a reçu aucune réponse; et iii) le 23 mars 2020, le Comité de démantèlement a nommé des comités directeurs pour plusieurs organisations syndicales; et iv) plusieurs dirigeants syndicaux ont été remplacés.
  3. 524. Le comité note en outre que le gouvernement déclare que: i) ces mesures ont été prises conformément à l’article (1)(c) de la loi mentionnée ci haut, qui permet au Comité de démantèlement de dissoudre des syndicats et des fédérations, ainsi que leurs comités exécutifs, et de nommer des comités directeurs en attendant la tenue d’élections libres et régulières et l’émission de directives concernant les modalités de liquidation de leurs fonds, biens et avoirs; ii) en vertu de l’article 8 de la loi, une décision du Comité de démantèlement peut faire l’objet d’un recours devant la Commission d’appel, qui est constituée par le CST et des ministres, mais un tel recours n’a pas d’effet suspensif; iii) lors de la révolution de 2018, les manifestants ont assiégé les locaux de la SWTUF et ont exigé la dissolution immédiate des fédérations et des syndicats, convaincus que la SWTUF faisait partie intégrante du régime antérieur, ce qui a motivé la décision du gouvernement d’accélérer la dissolution de la SWTUF en vue d’éviter des émeutes et des troubles civils; iv) au nom de la liberté syndicale, il a créé à titre exceptionnel 165 comités directeurs chargés d’orienter les activités syndicales à différents niveaux; et v) un comité directeur a également été créé pour la Fédération générale des employeurs soudanais.
  4. 525. S’agissant des informations fournies par le gouvernement au sujet du contexte spécifique dans lequel le CST a accompli son travail, le comité observe que, dans les années 1990, il a été appelé à examiner plusieurs cas qui concernaient des arrestations, des placements en détention et des actes de violence visant des dirigeants et des membres de syndicats indépendants dans le contexte d’un monopole syndical placé sous le contrôle de l’État. [Voir cas no 1688, 287e rapport et cas no 1843, 306e rapport.] Le comité note par ailleurs que la présente plainte a été présentée avant la situation chaotique qui sévit dans le pays depuis le coup militaire du 25 octobre 2021 qui a marqué la dissolution du CST et que les autorités militaires n’ont fourni aucune information depuis leur prise de pouvoir ni répondu aux allégations plus récentes de mai 2022. Enfin, le comité est pleinement conscient de la gravité du conflit interne qui a forcé plus de 400 000 soudanais à fuir leur pays. Rappelant qu’un système démocratique est fondamental pour le libre exercice des droits syndicaux, le comité formule les conclusions et recommandations qui suivent dans l’espoir que la paix sera bientôt rétablie dans le pays et que des organisations de travailleurs et d’employeurs librement choisies pourront participer pleinement à la reconstruction et au développement social et économique du pays.
  5. 526. S’agissant de la dissolution de la SWTUF, le comité rappelle que les mesures de suspension ou de dissolution par voie administrative constituent de graves violations aux principes de la liberté syndicale. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 986.] Il rappelle en outre que la révocation par le gouvernement de dirigeants syndicaux constitue une grave atteinte au libre exercice des droits syndicaux, et que l’idée de base de l’article 3 de la convention no 87 est de laisser aux travailleurs et aux employeurs le soin de décider des règles à observer pour la gestion de leurs organisations et pour les élections en leur sein. [Voir Compilation, paragr. 654 et 667.] Le comité note avec intérêt que, selon des informations publiquement disponibles, la Cour suprême a rendu une décision le 22 février 2023 annulant la décision no 586 du Conseil de souveraineté qui avait dissous les syndicats et les organisations d’employeurs et s’attend fermement à ce que les mesures nécessaires soient prises de manière à ce que toutes les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent fonctionner librement. Le comité demande à être tenu informé de tout fait nouveau à cet égard.
  6. 527. S’agissant des allégations de confiscation de biens, le comité note que, selon les organisations plaignantes: i) le Comité de démantèlement a confisqué les biens et avoirs appartenant à la SWTUF et à ses 15 affiliés, et a ordonné le gel de leurs avoirs bancaires; et ii) sur ordre du ministère public, la police a fait sortir de leurs bureaux les responsables et le personnel de la SWTUF et de ses 15 affiliés, bureaux qui sont actuellement sous scellés. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle: i) les biens et les avoirs ont été mis sous séquestre par précaution pour qu’ils ne soient pas vandalisés ou que des documents s’y trouvant ne soient altérés; ii) ces mesures ont été prises sous la supervision du ministère public, qui est indépendant des organes exécutifs; et iii) des plaintes ont été déposées par les services de répression du détournement des fonds publics et de la corruption contre trois dirigeants de la SWTUF pour usage à leurs propres fins des moyens, des capacités, des biens et des avoirs de la fédération, ce qui a conduit à l’émission d’une décision judiciaire.
  7. 528. Le comité rappelle qu’il a souligné l’importance du principe selon lequel les biens syndicaux devraient jouir d’une protection adéquate, et que l’occupation ou la mise sous scellés des locaux syndicaux devraient être soumises à un contrôle judiciaire avant d’être effectuées par les autorités, étant donné les risques importants de paralysie que ces mesures font peser sur les activités syndicales. [Voir Compilation, paragr. 277 et 287.] Le comité rappelle également que le gel des avoirs bancaires syndicaux peut constituer une grave ingérence des pouvoirs publics dans les activités syndicales. [Voir Compilation, paragr. 707.] Notant que le gouvernement indique que des plaintes pour corruption ont été déposées et ont donné lieu à une décision judiciaire, et que les biens et avoirs ont été mis sous séquestre par précaution sous la supervision du ministère public, un organe indépendant, le comité demande à recevoir copie de toutes les décisions judiciaires relatives à cette affaire. Rappelant, en outre, que le fait de priver des milliers de travailleurs de leurs organisations syndicales au motif que quelques-uns de leurs dirigeants ou de leurs membres ont été condamnés pour avoir exercé des activités illégales constitue une violation flagrante des principes de la liberté syndicale [voir Compilation, paragr. 995], le comité s’attend à ce que les syndicats concernés recouvrent sans délai l’accès à leurs biens, avoirs et fonds.
  8. 529. S’agissant de l’arrestation présumée de dirigeants syndicaux pour refus de céder leur mandat aux personnes nommées par le Comité de démantèlement, le comité note que les organisations plaignantes affirment que: i) entre avril 2020 et février 2021, M. Abbas Mohammed Habib Allah, M. Tarek Mahmoud, Mme Hanane Mohammed Sayed, M. Louai Abdallah, Mme Naamat Mokhtar Mohamed Abdelkader et Mme Hala Al Gamar El Nour ont été arrêtés; et ii) deux de ces dirigeants syndicaux – M. Habib Allah et M. Mahmoud, du Syndicat national de l’enseignement – ont été emprisonnés deux jours durant, avant d’être inculpés. Notant avec préoccupation que le gouvernement n’aborde pas ces allégations, le comité rappelle que l’arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ainsi que de dirigeants d’organisations d’employeurs dans l’exercice d’activités syndicales légitimes en rapport avec leur droit d’association, même si c’est pour une courte période, constitue une violation des principes de la liberté syndicale. [Voir Compilation, paragr. 121.] Il rappelle en outre que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques en général et des libertés syndicales en particulier. [Voir Compilation, paragr. 123.] Le comité demande que des informations détaillées soient fournies sur toutes les accusations portées contre M. Habib Allah et M. Mahmoud, ainsi que sur toute décision judiciaire rendue, et s’attend à ce que les mesures nécessaires soient prises pour veiller à ce que, au cas où des accusations aient été portées pour des motifs liés à leurs activités syndicales, elles soient abandonnées par les autorités compétentes.
  9. 530. Concernant l’allégation selon laquelle le président de la SWTUF, M. Yousif Ali Abdelkarim, s’est vu interdire de quitter le pays, le comité note que, selon les organisations plaignantes: i) cette interdiction a été imposée en mars 2020, juste avant une réunion de l’OAT qui devait avoir lieu début avril en Oman; et ii) M. Abdelkarim est membre du Comité de la liberté syndicale de l’OAT. Le comité note par ailleurs que le gouvernement, pour sa part, déclare que, suite à des plaintes déposées contre trois dirigeants de la SWTUF pour usage à leurs propres fins des moyens, des capacités, des biens et des avoirs de la fédération, une décision judiciaire a été rendue contre eux, qui a donné lieu à l’imposition d’une interdiction de voyager. Rappelant que l’imposition de sanctions, telles que le bannissement ou les restrictions aux voyages à l’étranger pour des raisons syndicales, constitue une violation de la liberté syndicale, [voir Compilation, paragr. 1060], le comité s’attend à ce que l’interdiction de voyager ne soit plus en vigueur et veut croire que les dirigeants et membres de syndicats pourront se déplacer librement dans l’exercice de leurs activités syndicales.
  10. 531. S’agissant du licenciement présumé de dirigeants et de membres de syndicats, le comité note que les organisations plaignantes déclarent que: i) le 25 juin 2020, trois dirigeants de la SWTUF, M. Hassan Yahia Mohamed Ali, M. Khiri El Nour Ali Siam et M. Moussa Hama Kafi Tih, ont été licenciés sans motif; et ii) depuis le changement de régime, 4 676 travailleurs de tous les secteurs d’activité, dont des douzaines de syndicalistes, ont été licenciés arbitrairement pour des motifs sans rapport avec l’exercice de leur profession. Bien que le gouvernement n’ait pas abordé ces allégations dans sa réponse, le comité note que, selon des informations publiquement disponibles, la Cour suprême a rendu une décision le 23 janvier 2022 qui annulait la décision no 29 du 25 février 2020 résiliant le contrat de nombreux fonctionnaires en vertu de l’autorisation conférée par la loi de 2019 sur le démantèlement du régime du 30 juin 1989 et destitution de pouvoir, et veut croire que tous les syndicalistes également touchés par des licenciements arbitraires seront réintégrés dans leurs fonctions.
  11. 532. Concernant le refus présumé du gouvernement d’engager le dialogue avec la SWTUF à l’occasion de l’élaboration d’une nouvelle loi sur les syndicats, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle des consultations à grande échelle sont en cours entre les diverses organisations syndicales indépendantes en vue de l’élaboration d’une nouvelle loi. Notant l’indication des organisations plaignantes selon laquelle la SWTUF représente un million et demi de travailleurs à l’échelle du pays, le comité rappelle l’importance de consulter toutes les organisations syndicales concernées sur les questions qui ont un impact sur les intérêts de ces dernières ou de leurs membres. [Voir Compilation, paragr. 1521.] Il rappelle en outre qu’il croit utile de se référer à la recommandation (nº 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960, qui, en son paragraphe 1, dispose que des mesures devraient être prises en vue de promouvoir une consultation et une collaboration efficaces entre les autorités publiques et les organisations d’employeurs et de travailleurs, sans qu’aucune discrimination soit exercée à l’égard de ces dernières. Conformément au paragraphe 5 de cette recommandation, cette consultation devrait viser à faire en sorte que les autorités publiques sollicitent les vues, les conseils et le concours des organisations en question, notamment dans la préparation et la mise en œuvre des lois et réglementations touchant leurs intérêts. [Voir Compilation, paragr. 1530.] Le comité s’attend à ce que toutes les organisations syndicales concernées soient consultées pour l’élaboration de textes de loi touchant leurs droits et intérêts ou ceux de leurs membres.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 533. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Notant avec intérêt la décision du 22 février 2023 de la Cour suprême annulant la décision no 586 du Conseil de souveraineté qui avait dissous les syndicats et les organisations d’employeurs, le comité s’attend fermement à ce que les mesures nécessaires soient prises de manière à ce que toutes les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent fonctionner librement. Le comité demande à être tenu informé de tout fait nouveau à cet égard.
    • b) Notant que le gouvernement indique que des plaintes pour corruption ont été déposées et ont donné lieu à une décision judiciaire, et que les biens et avoirs ont été mis sous séquestre par précaution sous la supervision du ministère public, le comité demande à recevoir copie de toutes les décisions judiciaires relatives à cette affaire et s’attend à ce que les syndicats concernés recouvrent sans délai l’accès à leurs biens, avoirs et fonds.
    • c) Le comité demande que des informations détaillées soient fournies sur toutes les accusations portées contre M. Habib Allah et M. Mahmoud, ainsi que sur toute décision judiciaire rendue, et s’attend à ce que les mesures nécessaires soient prises pour veiller à ce que, au cas où des accusations aient été portées pour des motifs liés à leurs activités syndicales, elles soient abandonnées par les autorités compétentes.
    • d) Le comité s’attend à ce que l’interdiction de voyager visant M. Abdelkarim ne soit plus en vigueur et veut croire que les dirigeants et membres de syndicats pourront se déplacer librement dans l’exercice de leurs activités syndicales.
    • e) Notant la décision du 23 janvier 2022 de la Cour suprême qui annulait la décision no 29 datée du 25 février 2020 résiliant le contrat de nombreux fonctionnaires, le comité veut croire que tous les syndicalistes également touchés par des licenciements arbitraires seront réintégrés dans leurs fonctions.
    • f) Le comité s’attend à ce que toutes les organisations syndicales concernées soient consultées pour l’élaboration de textes de loi touchant leurs droits et intérêts ou ceux de leurs membres.
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