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Rapport définitif - Rapport No. 403, Juin 2023

Cas no 3245 (Pérou) - Date de la plainte: 18-AOÛT -16 - Clos

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Allégations: Détermination indue, par voie réglementaire, du niveau de la négociation collective et du syndicat habilité à désigner les représentants appelés à bénéficier de congés syndicaux dans l’enseignement public

  1. 377. La plainte figure dans une communication du Syndicat unitaire des travailleurs de l’éducation de Lima (SUTE Lima) et du Comité national de lutte des syndicats de base du Syndicat unitaire des travailleurs de l’éducation du Pérou (SUTEP) datée du 13 août 2016, ainsi que dans une communication du Syndicat unitaire des travailleurs de l’éducation de la région d’Ayacucho (SUTE Ayacucho) et du Syndicat unitaire des travailleurs de l’éducation de la province de Huamanga (SUTE Huamanga) datée du 18 août 2016. Le Syndicat unitaire des travailleurs de l’éducation de la région de Tacna (SUTEP Tacna) a envoyé des communications concernant la plainte les 1er mai et 26 novembre 2019 et la Fédération nationale des travailleurs de l’éducation du Pérou (FENATE PERÚ) a envoyé une communication en date du 25 mai 2020 dans laquelle elle souscrit aux informations communiquées par le SUTEP Tacna et les appuie.
  2. 378. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 6 juillet 2017.
  3. 379. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 380. Dans leurs communications, les organisations plaignantes (SUTE Lima, SUTE Ayacucho, SUTE Huamanga et SUTEP Tacna), quatre organisations régionales affiliées au SUTEP, contestent deux dispositions du règlement d’application de la loi de réforme de l’enseignement (RLRM), qui ont été modifiées par le décret suprême no 13-2016 MINEDU et qui, selon les organisations plaignantes, violent le droit à la liberté syndicale et à la négociation collective des organisations régionales du secteur de l’éducation pour les raisons suivantes:
    • L’article 194.2 du RLRM confère au secrétaire général du syndicat national des enseignants ou de la fédération nationale des enseignants, selon le cas, le pouvoir d’accréditer les représentants régionaux appelés à bénéficier d’un congé syndical rémunéré. Cette même disposition établit que chaque direction régionale de l’éducation doit accorder ce congé à deux représentants de la base du syndicat des enseignants ou du syndicat des professeurs dûment inscrit au Registre des organisations syndicales de fonctionnaires (ROSSP). Les organisations plaignantes considèrent que ce pouvoir conféré par le RLRM au secrétaire général du SUTEP est excessif et contraire aux droits de représentation syndicale dont jouissent les syndicats unitaires régionaux des travailleurs de l’éducation dûment inscrits au ROSSP. Elles ajoutent que l’inscription de leurs directions régionales à ce registre n’a pas nécessité l’autorisation du comité exécutif national, ce qui tendrait à démontrer qu’en vertu du droit à la liberté syndicale l’accréditation au niveau national n’est pas nécessaire. Elles considèrent que cette disposition réglementaire assure un monopole au syndicat au sein du comité exécutif national du SUTEP, avec lequel elles peuvent avoir des désaccords importants, raison pour laquelle le syndicat en question ne devrait pas être investi de ce pouvoir d’accréditation.
    • En vertu de l’article 207 A b) du RLRM, seul le syndicat national des enseignants est autorisé à négocier collectivement avec le ministère de l’Éducation. D’après cette disposition, une convention collective s’entend d’un accord conclu entre le ministère et le syndicat national des enseignants ou la fédération nationale des enseignants le plus représentatif (en l’occurrence le SUTEP). Cette définition prive les syndicats régionaux (en l’occurrence les syndicats unitaires régionaux des travailleurs de l’éducation) de la possibilité de représenter leurs membres dans les négociations avec les gouvernements régionaux. Les organisations plaignantes considèrent que le fait de réserver cette faculté au syndicat national cause un grave préjudice aux syndicats unitaires régionaux des travailleurs de l’éducation, qui ne sont pas toujours d’accord avec les cahiers de revendications présentés par le SUTEP. Les syndicats unitaires régionaux des travailleurs de l’éducation estiment que leurs dirigeants ont été élus précisément pour négocier collectivement avec le ministère de l’Éducation ou les autres autorités nationales ou régionales compétentes.
  2. 381. Les organisations plaignantes soulignent que ces syndicats régionaux ont toute légitimité pour représenter leurs membres auprès des autorités et rappellent que de nombreux syndicats régionaux ont été constitués dans le pays, qu’ils jouissent de la personnalité juridique et qu’ils sont enregistrés auprès du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi. Elles considèrent que ces dispositions restreignent leurs droits de représentation et l’exercice de leur liberté syndicale et qu’elles devraient pouvoir négocier collectivement et déterminer lesquels de leurs représentants ont droit au congé syndical.
  3. 382. Le SUTEP Tacna allègue en outre que le SUTEP se livre à l’encontre des syndicats régionaux à des pratiques antisyndicales féroces qui ont été prouvées dans le cadre d’une action intentée en 2014 devant la juridiction administrative pour demander l’annulation de l’enregistrement du SUTEP Tacna. Ce dernier fait également référence à la demande d’annulation de l’enregistrement d’autres syndicats régionaux.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 383. Dans sa communication du 13 juillet 2017, le gouvernement communique les observations ci après, fournies par les autorités concernées en réponse aux allégations formulées dans la plainte:
    • La loi de réforme de l’enseignement (LRM) et son règlement d’application (RLRM) ne reconnaissent que le syndicat national des enseignants, en l’occurrence le SUTEP (inscrit au ROSSP), alors que ce dernier regroupe des syndicats de base ou régionaux.
    • L’article 194 du RLRM (tel que modifié par le décret suprême no 13-2016 MINEDU, contesté par les plaignants) dispose que le congé de représentation syndicale est accordé à: a) 8 membres du comité directeur du syndicat ou de la fédération des enseignants constitué pour la défense des droits et des intérêts du syndicat national des enseignants; et b) 2 représentants de la base du syndicat pour chaque direction régionale de l’éducation. C’est le secrétaire général du syndicat national qui accrédite les représentants régionaux appelés à bénéficier d’un congé syndical rémunéré. Par conséquent, les entités du secteur de l’éducation sont tenues d’accorder des congés pour représentation syndicale tant aux dirigeants nationaux du SUTEP qu’à ceux des syndicats de base (régionaux, provinciaux, etc.) et, dans un cas comme dans l’autre, le syndicat concerné doit être dûment inscrit au ROSSP.
    • En ce qui concerne la négociation collective, le ministère de l’Éducation ne négocie pas avec les syndicats de base ou les syndicats d’enseignants régionaux. Afin de garantir la défense des intérêts des enseignants, le décret suprême susmentionné dispose que la négociation collective a lieu entre le ministère de l’Éducation et le syndicat ou la fédération qui regroupe la majorité absolue des enseignants (50 pour cent plus 1 des enseignants affiliés au niveau national). Cette disposition est conforme au «système de plus grande représentativité syndicale» et constitue une solution intermédiaire entre ce système et celui du pluralisme syndical: égalité de traitement des syndicats et meilleure protection des intérêts des travailleurs.
    • Ce système ne se traduit pas par une discrimination des syndicats minoritaires, mais normalise et centralise activement les revendications, les plaintes ou les propositions que les syndicats minoritaires peuvent présenter par le truchement d’un syndicat majoritaire. Le SUTEP est composé de différentes sections ou de différents syndicats de base, dont les syndicats unitaires régionaux des travailleurs de l’éducation. En vertu du «principe de direction syndicale», ces syndicats de base doivent se conformer aux dispositions établies par les autorités du SUTEP et à leurs propres statuts. En revanche, il appartient à chaque syndicat unitaire régional des travailleurs de l’éducation d’élire ses représentants et de les accréditer en tant que tels auprès des autorités. Ces syndicats font partie de l’organigramme du SUTEP et sont donc représentés par ce dernier dans les processus de négociation collective, ce qui permet de centraliser leurs revendications.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 384. Le comité observe que dans la présente plainte, initialement présentée par quatre syndicats régionaux du secteur de l’éducation affiliés au syndicat national SUTEP, il est allégué qu’il est contraire au droit à la liberté syndicale et à la négociation collective de déterminer par voie réglementaire l’autorité syndicale habilitée à désigner les représentants régionaux du syndicat d’enseignants appelés à bénéficier d’un congé syndical rémunéré, ainsi que le niveau de la structure syndicale habilité à négocier collectivement dans le secteur de l’éducation publique.
  2. 385. Les organisations plaignantes (le Syndicat unitaire des travailleurs de l’éducation de Lima (SUTE Lima), le Syndicat unitaire des travailleurs de l’éducation de la région d’Ayacucho (SUTE Ayacucho), le Syndicat unitaire des travailleurs de l’éducation de la province de Huamanga (SUTE Huamanga) et le Syndicat unitaire des travailleurs de l’éducation de la région de Tacna (SUTEP Tacna)), qui appartiennent au secteur de l’éducation, considèrent que les articles 194.2 et 207 A b) du règlement d’application de la loi de réforme de l’enseignement (RLRM), tels que modifiés par le décret suprême no 13 2016, restreignent la liberté syndicale dans la mesure où: i) ils attribuent au secrétaire général du SUTEP le pouvoir de déterminer quels représentants des syndicats unitaires régionaux des travailleurs de l’éducation bénéficient de congés syndicaux rémunérés, alors que ces syndicats disposent de leurs propres dirigeants et de leur propre autonomie; et ii) ils restreignent la possibilité de négocier collectivement au niveau national (le SUTEP étant le syndicat majoritaire), ce qui exclut de la négociation collective les syndicats de base, tels que les syndicats unitaires régionaux des travailleurs de l’éducation. Le comité note en outre que la plainte fait également référence à des cas concrets de conflit entre le SUTEP et plusieurs de ses syndicats régionaux, le syndicat national ayant demandé la radiation de l’enregistrement de plusieurs de ses organisations régionales.
  3. 386. Le comité prend note par ailleurs de la réponse du gouvernement aux allégations concernant le contenu du RLRM. Il relève que le gouvernement indique à cet égard que: i) c’est le secrétaire général du syndicat national qui accrédite les représentants régionaux appelés à bénéficier du congé syndical rémunéré et que, par conséquent, les entités du secteur de l’éducation sont tenues d’accorder des congés pour représentation syndicale tant aux dirigeants nationaux du SUTEP qu’à ceux de leurs syndicats de base (régionaux, provinciaux, etc.); ii) le système actuel, tout en permettant le pluralisme syndical, attribue la capacité de négocier au syndicat le plus représentatif au niveau national (en l’occurrence le SUTEP), ce qui se traduit par une meilleure protection des intérêts des travailleurs; iii) pour cette raison, le ministère de l’Éducation ne négocie pas avec les syndicats de base ou les syndicats d’enseignants régionaux; et iv) les syndicats de base, tels que les syndicats unitaires régionaux des travailleurs de l’éducation, font partie de l’organigramme du SUTEP, de sorte que ce dernier peut centraliser leurs revendications et leurs nominations et les représenter dans le cadre des processus de négociation collective.
  4. 387. Notant que différents aspects de la présente plainte font apparaître des différends opposant plusieurs syndicats de base régionaux du SUTEP et la direction nationale de ce dernier, le comité souhaite rappeler en premier lieu que les conflits qui éclatent au sein d’un syndicat échappent à sa compétence et doivent être tranchés par les parties elles-mêmes avec ou sans l’assistance de l’autorité judiciaire ou d’un médiateur indépendant. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1622.]
  5. 388. En ce qui concerne les congés syndicaux, le comité reconnaît que, en fonction de la culture juridique et du système de relations professionnelles de chaque pays, des procédures différentes peuvent être établies pour donner effet aux facilités accordées aux représentants syndicaux. En ce qui concerne le cas d’espèce, le comité prend note des allégations des organisations plaignantes selon lesquelles la réglementation attribue à l’autorité centrale du syndicat d’enseignants le pouvoir de désigner les représentants régionaux appelés à bénéficier du congé, alors que les syndicats de base régionaux dudit syndicat sont inscrits en tant que tels au registre des syndicats, qu’ils ont leur propre personnalité juridique et qu’ils devraient donc être en mesure de désigner de manière autonome ceux de leurs membres qui bénéficieront d’un congé syndical. Le comité prend note également de la réponse du gouvernement selon laquelle la réglementation permet d’accorder des congés syndicaux au niveau des structures centrales des syndicats d’enseignants comme à celui de leurs structures régionales.
  6. 389. Le comité prend note de la publication, depuis la présentation de la plainte, du décret suprême no 1 2020, qui a modifié l’article 194.2 du RLRM concernant le congé pour représentation syndicale. Il observe à cet égard que la version révisée de l’article 194.2 du RLRM: i) prévoit, d’une part, qu’il peut exister, tant au niveau central que régional, plusieurs organisations syndicales représentatives dans le secteur de l’éducation et, d’autre part, que les syndicats régionaux du secteur peuvent être affiliés ou non à une organisation nationale; et ii) dispose qu’un maximum de 3 congés syndicaux par région pourront être accordés au lieu de 2, comme le prévoyait le décret suprême no 13 2016. Le comité observe toutefois que le règlement révisé continue d’attribuer à l’autorité centrale des syndicats représentatifs du secteur de l’éducation le pouvoir d’accréditer auprès de la direction régionale de l’éducation les représentants des syndicats régionaux appelés à bénéficier d’un congé syndical régional lorsque ces syndicats régionaux sont affiliés à une organisation nationale.
  7. 390. Le comité rappelle que, dans des cas antérieurs, il a estimé que la réglementation des procédures et des modalités de l’élection des dirigeants syndicaux relevait en priorité des statuts du syndicat. En effet, l’idée de base de l’article 3 de la convention no 87 est de laisser aux travailleurs et aux employeurs le soin de décider des règles à observer pour la gestion de leurs organisations et pour les élections en leur sein. [Voir Compilation, paragr. 592.] Dans cet esprit, le comité invite le gouvernement, en pleine consultation avec les organisations syndicales représentatives du secteur, à examiner comment réviser la réglementation en vigueur afin que ce soient les organisations de travailleurs de l’éducation elles-mêmes qui fixent les mécanismes internes de désignation de leurs représentants appelés à bénéficier du congé syndical. Le comité renvoie les aspects législatifs du présent cas à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
  8. 391. En ce qui concerne le niveau de la négociation collective, le comité rappelle en premier lieu qu’il a estimé que, si les administrations publiques ont le droit de décider si elles entendent négocier à l’échelon national ou à l’échelon régional, les travailleurs devraient avoir le droit de choisir l’organisation chargée de les représenter, à quelque échelon que se déroulent les négociations. [Voir Compilation, paragr. 1370.] Le comité observe en second lieu que, depuis la présentation de la plainte, les règles applicables à la négociation collective dans l’administration publique ont été modifiées par l’adoption en 2021 de la loi no 31188 sur la négociation collective dans le secteur public et par l’adoption en 2022 du décret suprême no 008 2022 PCM établissant les règles d’application de la loi no 31188, et que ces règles couvrent également la négociation collective dans le secteur de l’éducation publique. Le comité note à cet égard que: i) l’article 5.b de la loi no 31188 dispose que, dans le secteur public, la négociation collective décentralisée a lieu au niveau sectoriel ou territorial, au niveau de l’entité publique ou au niveau jugé approprié par les organisations syndicales; et ii) la deuxième disposition complémentaire du décret suprême no 008 2022 PCM abroge expressément les articles 207 A et 207 B du RLRM qui fait l’objet de la présente plainte. Compte tenu de ce qui précède, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 392. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité invite le gouvernement, en pleine consultation avec les organisations syndicales représentatives du secteur, à examiner comment réviser la réglementation en vigueur afin que ce soient les organisations de travailleurs de l’éducation qui fixent les mécanismes internes de désignation de leurs représentants appelés à bénéficier du congé syndical.
    • b) Le comité considère que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos; il renvoie les aspects législatifs du cas à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
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