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Rapport intérimaire - Rapport No. 403, Juin 2023

Cas no 3210 (Algérie) - Date de la plainte: 26-AVR. -16 - En suivi

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce une campagne de harcèlement et les intimidations d’une entreprise du secteur de l’énergie à l’encontre de ses dirigeants et adhérents, le refus d’exécuter des décisions de justice de réintégration de travailleurs licenciés abusivement, ainsi que le refus des pouvoirs publics de faire cesser les violations des droits syndicaux

  1. 98. Le comité a examiné ce cas (présenté en 2016) pour la dernière fois à sa réunion d’octobre novembre 2021 et il a présenté à cette occasion un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 396e rapport, approuvé par le Conseil d’administration lors de sa 343e session (novembre 2021), paragr. 78 à 99  .]
  2. 99. Le Syndicat national autonome des travailleurs de l’électricité et du gaz (SNATEG) a transmis des informations additionnelles dans une communication en date du 3 février 2022.
  3. 100. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications en date du 31 janvier 2022, du 3 février 2023 et du 26 avril 2023.
  4. 101. L’Algérie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 102. Lors du dernier examen du cas en octobre-novembre 2021, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 396e rapport, paragr. 99]:
    • a) Le comité doit se limiter, à ce stade, à demander au gouvernement de fournir des informations complémentaires sur la situation de M. Kouafi Abdelkader, M. Benarfa Wahid, M. Araf Imad, M. Djeha Makhfi, M. Benhadad Zakaria, M. Slimani Mohamed Amine Zakaria, M. Chertioua Tarek et Mme Sarah Benmaiche, compte tenu des informations sur les décisions de justice de réintégration présentées par les organisations plaignantes qui ne correspondent pas à la déclaration du gouvernement. Le comité prie également les organisations plaignantes d’informer, le cas échéant, de tous recours éventuels contre les décisions de justice mentionnées par le gouvernement et de leurs résultats.
    • b) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur la situation de M. Benzine Slimane, président de la Fédération nationale des travailleurs de sécurité et prévention, qui n’était toujours pas réintégré malgré une décision de justice en sa faveur, selon l’organisation plaignante.
    • c) Le comité se voit obligé à nouveau de prier instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante pour déterminer les circonstances ayant abouti à la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG. Par ailleurs, le comité attend du gouvernement qu’il revoie sans délai la décision de dissoudre le SNATEG et le prie instamment de le tenir informé de toute action entreprise dans ce sens.
    • d) Le comité exhorte de nouveau le gouvernement à mettre en œuvre sans délai ses recommandations afin d’assurer au sein de l’entreprise un environnement où les droits syndicaux sont respectés et garantis pour toutes les organisations syndicales, et où les travailleurs ont la possibilité d’adhérer au syndicat de leur choix, d’élire leurs représentants et d’exercer leurs droits syndicaux sans crainte de représailles et d’intimidation.
    • e) Le comité encourage le gouvernement à poursuivre les formations à l’intention des agents de l’ordre, en sus de leur formation de base, sur le respect du droit des citoyens à manifester pacifiquement et à y inclure le respect de la liberté syndicale.
    • f) Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de l’assistance technique du Bureau.

B. Informations additionnelles de l’organisation plaignante

B. Informations additionnelles de l’organisation plaignante
  1. 103. Dans sa communication du 3 février 2022, le SNATEG fournit des précisions concernant les précédentes recommandations du comité. S’agissant de la situation de syndicalistes et de dirigeants syndicaux licenciés par l’entreprise SONELGAZ (ci après l’entreprise) (recommandations a)), l’organisation plaignante indique que la liste fournie précédemment de syndicalistes toujours en attente de leur réintégration demeure d’actualité. Elle se réfère en particulier aux cas de M. Kouafi Abdelkader (l’organisation plaignante fournit copie de l’arrêt exécutoire du tribunal social de Larbaa (Blida) du 19 décembre 2019 ordonnant sa réintégration et indique que l’entreprise n’a exécuté que partiellement le volet financier tout en refusant de le réintégrer); M. Araf Imad (l’organisation plaignante fournit copie de l’arrêt exécutoire du tribunal social de Biskra du 20 mai 2019 ordonnant sa réintégration et indique que l’entreprise n’a exécuté que partiellement le volet financier tout en refusant de le réintégrer); M. Guebli Samir (l’organisation plaignante fournit copie de l’arrêt exécutoire du tribunal social d’Amechdalah du 16 juillet 2020 ordonnant sa réintégration et indique que M. Guebli a refusé de recevoir l’indemnité décidé par le tribunal en faisant recours devant la Cour suprême. Il demeure en attente de sa réintégration et de la décision de la Cour suprême); et M. Meziani Moussa (selon l’organisation plaignante, ce dernier n’a pas pu intenter d’action en justice contre son licenciement pour des raisons financières. Ce dernier a été poursuivi par l’entreprise pour abus de confiance et a été condamné le 1er avril 2018 à une amende).
  2. 104. Par ailleurs, l’organisation plaignante informe que, compte tenu des pressions subies depuis des années, M. Wahid Benarfa, M. Djeha Makhfi, M. Benhadad Zakaria, M. Slimani Mohamed Amine Zakaria et M. Chertioua Tarek, qui figuraient précédemment dans la liste de syndicalistes licenciés, ont décidé de se désaffilier du SNATEG. Ces derniers syndicalistes ont décidé, en février 2020, de constituer un bureau parallèle de la Confédération syndicale des forces productives (COSYFOP) et ont indiqué, via ledit bureau, leur souhait que leur cas ne soit plus examiné par les instances internationales, dont le comité. Ils comptent régler leur cas avec les autorités directement. L’organisation plaignante ne compte donc plus fournir des informations sur leur cas et constate avec regret que le laps de temps écoulé sans qu’une issue ne soit trouvée aux situations des syndicalistes licenciés donnent la possibilité au gouvernement de les convaincre que saisir les instances internationales ne fait qu’aggraver leur situation. L’organisation plaignante demande au comité d’exhorter le gouvernement à réintégrer les dirigeants syndicaux du SNATEG licenciés sans délai. Par ailleurs, rappelant que les travailleurs qui ont été réintégrés par l’entreprise ont été contraints de se désaffilier et d’adhérer à un autre syndicat présent dans l’entreprise en violation de la liberté syndicale, l’organisation demande au comité d’exhorter le gouvernement à garantir aux membres réintégrés que les déclarations qu’ils ont signées ne seront pas utilisées à leur encontre s’ils rejoignent une nouvelle fois le SNATEG.
  3. 105. S’agissant de la situation de M. Slimane Benzine, président de la Fédération nationale des travailleurs de sécurité et prévention (recommandation b)), l’organisation plaignante précise que ce dernier n’a pas pu engager d’actions en justice contre son licenciement, en raison du manque de ressources pour honorer les frais d’avocat. Ce dernier a subi une répression insupportable depuis 2017, ayant été condamné à de la prison ferme par quatre tribunaux à travers le pays pour avoir simplement exercé son mandat syndical. L’organisation plaignante indique que M. Benzine se trouve dans une situation sociale très préoccupante car il demeure sans travail et ne bénéficie d’aucune aide sociale. Enfin, en ce qui concerne la situation de Mme Sarah Benmaich, l’organisation plaignante indique qu’elle n’a pas été réintégrée à son poste de travail et qu’elle demeure terrifiée par les menaces de détention proférées par les forces de police si elle prenait contact avec le SNATEG.
  4. 106. L’organisation plaignante dénonce en outre la situation de M. Hichem Khayat, membre dirigeant de la section syndicale du SNATEG COSYFOP de l’Institut de formation en électricité et gaz, et délégué syndical de la wilaya de Blida. Selon l’organisation plaignante, ce dernier aurait été arrêté par la police le 4 janvier 2022 et demeuré en détention jusqu’au 10 janvier 2022, jour où il était présenté devant le juge d’instruction qui a ordonné sa mise sous contrôle judiciaire, accusé d’appel à rejoindre un groupe terroriste via les réseaux sociaux, de formation d’un groupe terroriste via les réseaux sociaux et de formation d’une association criminelle via les médias sociaux pouvant porter atteinte à l’unité nationale. L’organisation plaignante affirme que l’objet de l’enquête judiciaire à l’encontre de M. Hichem Khayat est uniquement fondé sur ses activités syndicales.
  5. 107. Concernant la nécessité d’assurer un environnement dans l’entreprise où les droits syndicaux sont respectés et garantis (recommandation d)), l’organisation plaignante dénonce le fait que le gouvernement continue sa campagne de répression à l’encontre des syndicalistes indépendants. En juin 2021, les autorités ont adopté des modifications du Code pénal élargissant la définition du terrorisme pour y inclure le fait d’œuvrer ou d’inciter au changement «à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par les moyens non constitutionnels». Selon l’organisation plaignante, les appels à la grève, les protestations et les revendications pacifiques à un changement de gouvernement pourraient être considérés comme criminels en vertu de cette réforme. En conséquence, cette modification du Code pénal est utilisée pour bâillonner le mouvement syndical indépendant. À cet égard, l’organisation plaignante renvoie aux inquiétudes exprimées par la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, dans sa dernière correspondance au gouvernement, déplorant la définition très large du terrorisme et l’emprisonnement des activistes des droits humaines dans le cadre de la soi-disant lutte contre le terrorisme.
  6. 108. L’organisation plaignante rappelle que, dans ce contexte de harcèlement judiciaire persistant de l’entreprise et du gouvernement à l’encontre des dirigeants syndicaux du SNATEG, M. Raouf Mellal, président de l’organisation syndicale, et les membres de sa famille ont fait l’objet d’une répression intense. L’organisation plaignante rappelle la chronologie des mesures de discrimination antisyndicale (licenciement) et de harcèlement judiciaire (condamnations successives pour diffamation, détention illégale de documents, et usurpation d’identité) à l’encontre de M. Mellal depuis 2017 et affirme que ce dernier a été condamné à six mois de prison ferme par le tribunal d’Alger suite à une plainte déposée par le ministère du Travail l’accusant de diffamation devant le Bureau international du Travail et d’avoir ainsi porté plainte contre son pays devant les organes de contrôle, qu’il assimile à un acte de trahison. L’organisation plaignante regrette que les recommandations du comité n’aient pas porté plus spécifiquement sur la protection à assurer à M. Mellal depuis le dépôt de la plainte en 2017. Un tel acharnement a forcé M. Mellal à ne plus se rendre au siège du SNATEG et à demeurer caché, puis l’a conduit à s’exiler hors du territoire en 2020. Depuis, M. Mellal réside en Suisse. L’organisation plaignante demande l’abandon de toutes les charges contre M. Mellal et exhorte le gouvernement à entamer un dialogue avec le SNATEG afin de permettre à son président de retourner au pays pour exercer son mandat de dirigeant syndical, cela en vertu des conventions internationales ratifiées par l’Algérie.
  7. 109. Par ailleurs, l’organisation plaignante précise que les informations fournies au comité par le gouvernement faisant état du fait que le tribunal d’El Harrouch n’a rendu aucun jugement portant la référence avancée par l’organisation plaignante (Ordonnance du 23 janvier 2017 – enquête: 0110/16) s’explique par le fait qu’il s’agit plutôt d’un jugement rendu par le tribunal d’El Harrach (dépendant de la wilaya d’Alger où est basé le siège du syndicat). À cet égard, l’organisation plaignante indique que le juge d’instruction a retenu dans son jugement que M. Mellal était bien le président légitime du SNATEG et a ainsi débouté M. Abdellah Boukhalfa, plaignant dans l’affaire, de sa plainte pour usurpation de fonction. L’organisation plaignante ajoute que l’entreprise a aussi été déboutée de ses plaintes contre le président du SNATEG pour usurpation de fonction de dirigeants de syndicat par la Cour de Guelma et le tribunal de Tizi Ouzou.
  8. 110. Enfin, concernant la question de sa dissolution administrative (recommandation c)), le SNATEG maintient qu’il n’y a jamais eu de dissolution volontaire comme le prétend le gouvernement. L’organisation plaignante rappelle avoir formé recours auprès du tribunal administratif le 31 décembre 2017 pour demander l’annulation de la décision administrative no 297 du 16 mai 2017 du ministère du Travail portant dissolution du SNATEG. Dans ce recours, le SNATEG rappelle au tribunal la déclaration du représentant du gouvernement devant la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2017 niant l’existence de la décision administrative de dissolution. Dans un arrêt du 19 juillet 2018 (no 152992), le tribunal refuse d’annuler la décision administrative arguant de la décision de licenciement de M. Mellal, comme conférant au ministère du Travail le droit de dissoudre l’organisation syndicale. Le SNATEG a introduit un autre recours le 11 décembre 2018 auprès de la même juridiction sollicitant le réexamen de la décision. Dans ce deuxième recours, le SNATEG présente les jugements portant annulation de la décision de licenciement de M. Mellal d’une part (ce jugement n’avait pas encore été annulé par la Cour suprême), et présente l’argumentation selon laquelle le litige à traiter concerne l’organisation syndicale en tant que personne morale et non la personne de M. Mellal, et que sa dissolution administrative va à l’encontre de la convention no 87 de l’OIT ratifiée par l’Algérie. Cependant, le tribunal a prononcé un jugement définitif le 18 juillet 2019 dans lequel il rejette la demande d’annulation de la décision administrative no 297 rendue par le ministère du Travail pour «non institution légale». Pour l’organisation plaignante une telle décision signifie qu’un tribunal administratif estime que le ministère du Travail a le droit de dissoudre une organisation syndicale par la voie administrative. L’organisation plaignante indique qu’une telle décision, qui constitue une violation très grave de la convention no 87, n’est cependant pas susceptible de recours au niveau régional ou international. Elle soulève la question de l’utilisation de la justice par le gouvernement pour contrevenir aux recommandations formulées par les instances internationales, rappelant que la décision du tribunal a été rendue en juillet 2019 alors même que la Commission de l’application des normes de la Conférence de juin 2019 avait encouragé le gouvernement à «revoir la décision de dissolution du SNATEG». En conclusion, l’organisation plaignante, déplorant que les décisions de justice aient largement été influencées par le gouvernement, est amenée à s’interroger sur la pertinence des recommandations du comité lorsqu’il se fonde sur des décisions du pouvoir judiciaire dans le présent cas.
  9. 111. L’organisation plaignante dénonce la fermeture du siège qui correspond également au siège de la COSYFOP le 21 février 2021 par une décision administrative (l’organisation plaignante copie de la décision). Après des années d’entraves et d’attaques incessantes, de répression et d’abus de pouvoir, les autorités administratives et sécuritaires sont ainsi parvenues à fermer et à condamner l’accès au siège à Alger. L’organisation plaignante souligne que les autorités n’ont même pas recouru à la justice pour justifier leur décision.
  10. 112. En conclusion, le SNATEG exhorte une nouvelle fois le comité à contraindre le gouvernement à se conformer aux normes internationales en matière de liberté syndicale, à mettre en œuvre sans délai supplémentaire les décisions de justice de réintégration de ses dirigeants, à abandonner toutes les charges et à revoir toutes les peines prononcées contre les dirigeants syndicaux, à revoir la décision de dissolution du syndicat comme demandé par les organes de contrôle de l’OIT, et ainsi à reconnaître le droit des travailleurs d’adhérer à l’organisation syndicale de leur choix et à permettre au syndicat de mener ses activités sans entrave ni crainte de représailles. Le SNATEG se déclare prêt à s’engager dans un dialogue constructif, sans préalable, avec le gouvernement afin d’élaborer une feuille de route pour assurer l’application des recommandations et résolutions émises par les différents organes de contrôle de l’OIT.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 113. Dans des communications en date du 31 janvier 2022, du 3 février 2023 et du 26 avril 2023, le gouvernement fournit des éléments de réponse aux recommandations du comité. S’agissant de la question de la réintégration des membres du SNATEG (recommandation a)), le gouvernement indique avoir, en liaison avec l’entreprise, identifié la situation des personnes suivantes: i) pour M. Wahid Benarfa, l’arrêt de la Cour de Tébessa a été exécuté dans sa partie financière, à savoir que l’intéressé a été indemnisé par son employeur la Société algérienne de distribution de l’électricité et de gaz (SADEG) d’un montant de 1 075 301,75 dinars algérien (DA) (équivalent à 7 930 dollars des États Unis d’Amérique (dollars É. U.)) en date du 4 février 2019. L’entreprise informe en outre que M. Benarfa s’est pourvu en cassation et que la Cour suprême a accepté le pourvoi et a renvoyé l’affaire dans un arrêt du 9 mars 2023; ii) pour M. Chertioua Tarek, l’intéressé a été indemnisé par la SADEG d’un montant de 190 340 DA (équivalent à 1 405 dollars É. U. en date du 16 février 2021. L’employeur informe en outre que M. Chertioua s’est pourvu en cassation et l’affaire est toujours pendante; iii) M. Slimani Mohamed Amine Zakaria a été indemnisé d’un montant de 189 996 DA (équivalent à 1 402 dollars É. U.) en date du 15 février 2021. L’entreprise informe en outre que ce dernier a été réintégré à son poste de travail le 14 mars 2023; iv) M. Benhadad Zakaria a été indemnisé par l’entreprise d’un montant de 189 996 DA (équivalent à 1 402 dollars É.-U.) en date du 15 février 2021. L’entreprise informe en outre que ce dernier a été réintégré à son poste de travail le 14 mars 2023; v) M. Araf Imad a été indemnisé par l’entreprise d’un montant de 121 420 DA (équivalent à 895 dollars É. U.) en date du 1er juillet 2019. M. Araf s’est pourvu en cassation et la Cour suprême a rendu un arrêt en date du 4 février 2021 par lequel elle annule le jugement en renvoyant l’affaire devant le tribunal autrement composé. Le gouvernement fournit copie de la décision de la cour; vi) M. Kouafi Abdelkader a eu des absences irrégulières qui constituaient une rupture unilatérale de la relation de travail. Conformément au règlement intérieur de l’entreprise, deux mises en demeure lui ont été adressées, sans résultat. Une décision d’abandon de poste lui a donc été signifiée. M. Kouafi est également poursuivi en justice par son employeur «Shariket Amn el mounchaate el Takawiya» (SAT) et condamné pour diffamation par le tribunal de Larbaa (Blida) à trois mois de prison ferme et 50 000 DA (équivalent à 369 dollars É. U.) d’amende (27 février 2018). La Cour de Blida a confirmé le jugement du tribunal de Larbaa (4 mars 2019); vii) pour Mme Sarah Benmaiche, suite aux jugements du tribunal d’Annaba, l’intéressée a bénéficié de deux indemnisations, malgré toutes les tentatives de réintégration auprès des établissements relevant de l’entreprise. Le 4 juillet 2016, Mme Benmaiche a bénéficié d’un dédommagement d’un montant de 100 000 DA (équivalent à 738 dollars É. U.) par son employeur SAT. Le 2 octobre 2017, Mme Benmaiche a bénéficié d’une indemnité de liquidation de l’astreinte pour non-réintégration d’un montant de 90 000 DA (équivalent à 664 dollars É. U.); et viii) M. Djeha Mekhfi a été licencié par son employeur «Maintenance prestations de véhicules – Constantine (MPV)» pour refus de travail et non exécution des instructions du Directeur de l’unité, fausse déclaration et faux témoignage lors d’une commission de discipline, et refus de reconnaître l’autorité d’un responsable. Après épuisement des procédures prévues dans le règlement intérieur, la commission de discipline a décidé du licenciement de M. Djeha, sans indemnité ni préavis. Aucune information n’est parvenue sur un éventuel recours contre la décision de licenciement.
  2. 114. Concernant la situation de M. Slimane Benzine (recommandation b)), le gouvernement transmet les informations fournies par l’entreprise «Shariket Amn el mounchaate el Takawiya Ouargla» (SAT) selon lesquelles M. Slimane a été licencié pour faute professionnelle, en vertu des dispositions de l’article 222 du Code pénal. Dans ce cadre, le tribunal de Ouargla l’a condamné pour faux et usage de faux à six mois de prison ferme et une amende de 20 000 DA (équivalent à 147 dollars É. U.) (13 novembre 2018). Par ailleurs, un autre jugement du tribunal de Ouargla a condamné M. Slimane à six mois de prison ferme et une amende de 100 000 DA (équivalent à 738 dollars É. U.) pour diffamation, conformément aux dispositions des articles 296 et 298 du Code pénal (12 mars 2020). Le gouvernement n’a pas été informé par l’entreprise d’un éventuel recours contre le jugement du tribunal de Ouargla.
  3. 115. S’agissant des recommandations du comité en relation avec la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG (recommandation c)), le gouvernement réitère que la dissolution volontaire du syndicat en question est conforme aux dispositions légales en vigueur et à ses statuts. Selon le procès-verbal de constat d’huissier de justice daté du 7 octobre 2017, il a été relevé la dissolution volontaire à l’unanimité des membres du congrès tenu en assemblée générale. Le gouvernement réitère sa position qui repose sur le principe de non-ingérence et rappelle qu’il n’appartient à quiconque d’entraver la volonté et la liberté des membres du SNATEG de dissoudre le syndicat, conformément à ses statuts. Aussi, conformément à ces principes de non-ingérence dans le fonctionnement interne des organisations syndicales énoncés dans les conventions de l’OIT et la loi nationale, le gouvernement ne détient aucune prérogative qui lui permettrait de revoir la décision libre et volontaire des membres de cette organisation syndicale.
  4. 116. En réponse aux recommandations relatives à la nécessité d’établir un climat de relations professionnelles harmonieux et stable dans l’entreprise où les dirigeants syndicaux peuvent exercer leurs activités de défense des intérêts de leurs membres sans crainte de poursuites pénales et d’emprisonnement (recommandation d)), le gouvernement déclare que l’adhésion aux organisations syndicales est un choix libre et volontaire des travailleurs garanti par la loi no 90 14. Les adhésions aux organisations syndicales dans les lieux de travail se font conformément aux règles prévues dans les statuts de ces organisations, sans ingérence de la part des syndicats existants dans l’entreprise ou de la part de l’employeur. Par ailleurs, les statuts des organisations syndicales fixent les règles par lesquelles sont élus les dirigeants et délégués syndicaux ainsi que les règles démocratiques de leur désignation, conformément au principe énoncé dans la loi no 90 14 sur le respect du mode démocratique dans les élections. Enfin, les services de l’inspection du travail veillent à l’application de la loi et des conventions collectives de travail en matière d’exercice du droit syndical.
  5. 117. Concernant la nécessité de garantir le respect de la liberté syndicale durant l’intervention des forces de police lors de manifestations pacifiques (recommandation e)), le gouvernement prend acte des encouragements du comité à poursuivre la formation des agents des forces de l’ordre. Le gouvernement rappelle que les libertés de réunion et de manifestations pacifiques sont garanties par la Constitution (article 52), elles s’exercent sur simple déclaration et la loi fixe les conditions et les modalités de leur exercice. La formation des agents de l’ordre est une action continue à l’effet de les faire bénéficier des nouvelles méthodes en matière de protection des citoyens et des biens dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de la loi no 91 19 du 2 décembre 1991, modifiant et complétant, la loi no 89-28 du 31 décembre 1989, relative aux réunions et manifestations publiques. Ainsi, des cycles de formation sont organisés au profit des agents de l’ordre dans le cadre de leur carrière professionnelle. Les programmes de formation sont recentrés notamment sur la mission de police administrative de prévention, l’accompagnement de la liberté de manifester, et l’entretien d’un dialogue permanent avec les manifestants. Les interventions des agents de l’ordre lors des manifestations répondent au besoin de faire assurer les conditions adéquates et de garantir aux différentes catégories de citoyens, dont les organisations syndicales, d’exercer leur liberté individuelle et collective, en leur évitant ainsi, toute entrave ou violence dans l’exercice de leur droit et liberté à l’égard des personnes, des institutions ou des biens. Le gouvernement veille au respect de la législation et de la réglementation régissant l’exercice du droit à manifester, tant que la manifestation ne porte pas atteinte au droit à la vie des citoyens, à l’ordre public et à la sécurité.
  6. 118. En conclusion, le gouvernement demande au comité de clore le présent cas, compte tenu des principes de non-ingérence dans le fonctionnement interne des syndicats et le respect de la décision souveraine des membres du SNATEG. Il considère en outre avoir fourni tous les éléments d’information sur l’application des décisions de justice concernant les travailleurs licenciés, à travers leur indemnisation, conformément à la législation en vigueur.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 119. Le comité rappelle que le présent cas porte sur des allégations de refus de l’entreprise de permettre à un syndicat officiellement enregistré de développer des activités, d’une campagne de harcèlement à l’encontre des dirigeants et adhérents de ce syndicat, de licenciement massif des membres du syndicat par l’entreprise, de refus des pouvoirs publics de faire cesser les violations des droits syndicaux et de faire appliquer des décisions de justice en faveur du syndicat, et de l’enregistrement par les pouvoirs publics de la dissolution du syndicat malgré des preuves contraires présentées.
  2. 120. Lors de son précédent examen du cas, le comité s’était référé à une liste de délégués syndicaux (membres du bureau national, des comités nationaux, des fédérations nationales et des sections syndicales des wilayas) qui, selon l’organisation plaignante, avaient fait l’objet de licenciements abusifs de la part de l’entreprise en 2017, mais n’avaient pas été réintégrés malgré des décisions de justice ou de l’inspection du travail en leur faveur. Le comité note les informations mises à jour fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement sur la situation des syndicalistes suivants:
    • cas de M. Kouafi Abdelkader, secrétaire général du SNATEG. Selon l’organisation plaignante, ce dernier bénéficie d’un arrêt exécutoire du tribunal social de Larbaa (Blida) du 19 décembre 2019 qui a annulé son licenciement considéré comme arbitraire car intervenu lors d’un congé maladie certifié et sans en informer le syndicat. Le tribunal a en outre ordonné le versement d’une indemnité de 400 000 DA (équivalent à 2 951 dollars É. U.) ainsi qu’une indemnité de 100 000 DA (équivalent à 738 dollars É. U.) pour préjudice matériel, alors que M. Kouafi réclamait une indemnité équivalente aux 28 mois écoulés sans emploi depuis son licenciement en mars 2017 (1 680 000 DA équivalent à 12 397 dollars É. U.). Mais l’entreprise n’aurait exécuté que partiellement le volet financier tout en refusant de le réintégrer. Selon le gouvernement, M. Kouafi a eu des absences irrégulières qui constituaient une rupture unilatérale de la relation de travail. Conformément au règlement intérieur de l’entreprise, deux mises en demeure lui ont été adressées, sans résultat. Une décision d’abandon de poste lui a donc été signifiée. M. Kouafi est également poursuivi en justice par son employeur «Shariket Amn el mounchaate el Takawiya» (SAT) et condamné pour diffamation par le tribunal de Larbaa (Blida) à trois mois de prison ferme et 50 000 DA (équivalent à 369 dollars É. U.) d’amende (27 février 2018). La Cour de Blida a confirmé le jugement du tribunal de Larbaa (4 mars 2019);
    • cas de M. Araf Imad, président du bureau national du sud. Le SNATEG indique qu’il bénéficie d’un arrêt exécutoire du tribunal social de Biskra du 20 mai 2019 ordonnant sa réintégration mais l’entreprise n’a exécuté que partiellement le volet financier tout en refusant de le réintégrer. Selon le gouvernement, M. Araf a été indemnisé par l’entreprise d’un montant de 121 420 DA (équivalent à 895 dollars É. U.) le 1er juillet 2019. L’entreprise s’est pourvue en cassation et la Cour suprême a rendu un arrêt du 4 février 2021 par lequel elle annule le jugement en renvoyant l’affaire devant le tribunal de Biskra autrement composé;
    • cas de M. Guebli Samir, président du bureau national du centre. Selon le SNATEG, il bénéficie d’un arrêt exécutoire du tribunal social d’Amechdalah du 16 juillet 2020 ordonnant sa réintégration. Ce dernier a refusé de recevoir l’indemnité décidé par le tribunal par un pourvoi devant la Cour suprême. Il serait toujours en attente de sa réintégration et de la décision de la Cour suprême. Le comité note que le gouvernement n’a pas fourni d’information et rappelle qu’il avait précédemment indiqué que M. Guebli a été licencié pour abandon de poste et n’aurait pas intenté d’action en justice contre la décision de licenciement;
    • cas de M. Meziani Moussa, président de la Fédération nationale des travailleurs de la distribution de l’électricité et du gaz. Selon le SNATEG, ce dernier n’a pas pu intenter d’action en justice contre son licenciement pour des raisons financières. Ce dernier a été poursuivi par l’entreprise pour abus de confiance et a été condamné en avril 2018 à une amende. Le gouvernement n’a pas fourni d’information plus à jour. Il avait précédemment indiqué que le licenciement pour abus de confiance de M. Meziani a été confirmé par un jugement du tribunal de Bouira en avril 2018, puis en appel;
    • cas de Mme Sarah Benmaiche, membre du comité des femmes. Selon le SNATEG, cette dernière n’a pas été réintégrée à son poste de travail et demeure traumatisée par le harcèlement et les menaces de détention proférées par les forces de police si elle prenait contact avec le syndicat. Selon le gouvernement, cette dernière a été licenciée pour faute professionnelle et n’aurait pas intenté d’action en justice contre la décision de licenciement. Cependant, le gouvernement fournit un compte-rendu de l’employeur de Mme Benmaiche où il est indiqué que cette dernière a engagé une action en justice le 9 juin 2016 demandant sa réintégration. Le comité en conclut que Mme Benmaiche a eu gain de cause dans la mesure où l’employeur fait état de l’impossibilité de sa réintégration en tant qu’hôtesse d’accueil au sein des différents sites du groupe ou parmi l’effectif administratif du fait de son caractère agressif, et indique que Mme Benmaiche a introduit un recours devant le tribunal le 26 septembre 2016 pour non-exécution de jugement. Suite aux jugements rendus par le tribunal d’Annaba, Mme Benmaiche aurait bénéficié de deux indemnisations d’un montant de 100 000 DA (équivalent à 738 dollars É. U.) en tant que dédommagement par son employeur et de 90 000 DA (équivalent à 664 dollars É. U.) au titre de liquidation de l’astreinte pour non réintégration;
    • cas de M. Slimane Benzine, président de la Fédération nationale des travailleurs de sécurité et prévention. Le SNATEG indique que ce dernier n’a pas pu intenter d’action en justice contre son licenciement pour des raisons financières. En outre, il subirait un harcèlement judiciaire grave depuis 2017, et a été condamné à de la prison ferme par quatre tribunaux à travers le pays pour, selon l’organisation plaignante, avoir simplement exercé son mandat syndical. L’organisation plaignante ajoute que M. Benzine se trouve dans une situation sociale très préoccupante car il demeure sans travail et ne bénéficie d’aucune aide sociale. Le gouvernement a transmis les informations fournies par son employeur (SAT) selon lesquelles M. Slimane a été licencié pour faute professionnelle. Dans ce cadre, le tribunal de Ouargla l’a condamné pour faux et usage de faux à six mois de prison ferme et une amende de 20 000 DA (équivalent à 147 dollars É. U.) (13 novembre 2018). Par ailleurs, un autre jugement du tribunal de Ouargla a condamné M. Slimane à six mois de prison ferme et une amende de 100 000 DA (équivalent à 738 dollars É. U.) pour diffamation (12 mars 2020).
  3. 121. Le comité note par ailleurs que l’organisation plaignante dénonce la situation de M. Hichem Khayat, membre dirigeant de la section syndicale du SNATEG COSYFOP de l’Institut de formation en électricité et gaz, et délégué syndical de la wilaya de Blida, qui aurait été arrêté par la police le 4 janvier 2022 et demeuré en détention jusqu’au 10 janvier 2022, puis présenté devant le juge d’instruction qui a ordonné sa mise sous contrôle judiciaire aux motifs d’appel à rejoindre un groupe terroriste via les réseaux sociaux, de formation d’un groupe terroriste via les réseaux sociaux et de formation d’une association criminelle via les médias sociaux pouvant porter atteinte à l’unité nationale. Notant avec préoccupation que, selon l’organisation plaignante, l’objet de l’enquête judiciaire à l’encontre de M. Hichem Khayat est uniquement fondé sur ses activités syndicales, le comité prie instamment le gouvernement de fournir ses observations sur la situation de ce dirigeant syndical.
  4. 122. Par ailleurs, le comité note l’indication de l’organisation plaignante selon laquelle M. Wahid Benarfa, M. Djeha Makhfi, M. Benhadad Zakaria, M. Slimani Mohamed Amine Zakaria et M. Chertioua Tarek, qui figuraient dans la liste de syndicalistes licenciées et au sujet desquels le gouvernement a fourni des informations documentées, ont décidé de se désaffilier du SNATEG en 2020 et ont indiqué leur souhait que leur cas ne soit plus examiné par le comité. En conséquence, le comité ne poursuivra pas l’examen de leur situation. Il note cependant que, selon l’organisation plaignante, le laps de temps écoulé sans qu’une issue ne soit trouvée aux situations des syndicalistes licenciés depuis 2017 donnent la possibilité au gouvernement de les convaincre que saisir les instances internationales ne fait qu’aggraver leur situation.
  5. 123. Le comité rappelle qu’à l’origine la plainte se référait à de nombreux licenciements présumés antisyndicaux de dirigeants et délégués du SNATEG à partir de 2016-17. Le comité a rappelé que le respect des principes de la liberté syndicale exige qu’on ne puisse ni licencier des travailleurs, ni refuser de les réintégrer en raison de leurs activités syndicales et a demandé au gouvernement de faire état régulièrement des mesures concernant les travailleurs licenciés dans cette affaire. Dans ses précédents commentaires, le comité avait demandé des informations complémentaires pour établir avec exactitude le lien entre les décisions de réintégration auxquelles se référait l’organisation plaignante et les décisions confirmant les licenciements auxquelles se référait le gouvernement. Le comité apprécie les informations actualisées fournies par le gouvernement et l’organisation plaignante suite à ses recommandations précédentes. Si le comité se félicite qu’une majorité des cas de licenciements des adhérents et dirigeants du SNATEG a semble-t-il été résolue par la réintégration au poste de travail comme indiqué dans les rapports réguliers du gouvernement, y compris dans ces rapports les plus récents, il regrette aussi que, plus de cinq ans après les faits allégués de licenciement antisyndicaux, plusieurs dirigeants et délégués du SNATEG sont toujours en attente d’une réintégration malgré des décisions de justice en leur faveur, et certaines procédures judiciaires n’avaient pas encore abouties. Le comité est particulièrement préoccupé par le fait que dans plusieurs cas rapportés par le gouvernement comme par l’organisation plaignante, en dépit de décisions de justice ordonnant la réintégration, les entreprises concernées ont refusé de les appliquer en toute impunité, se bornant à verser la partie financière des sanctions. Aussi, le comité s’étonne de la possibilité des entreprises concernées de ne pas mettre à exécution les injonctions des autorités judiciaires sans subir de sanction. Le comité rappelle que nul ne devrait faire l’objet de discrimination antisyndicale en raison de ses activités syndicales légitimes, et la possibilité d’être réintégré dans leur poste de travail devrait être ouverte aux personnes qui ont été l’objet de discrimination antisyndicale. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1163.] De plus, le comité note avec une profonde préoccupation que cette atteinte à la liberté syndicale a, selon l’organisation plaignante, porté lourdement préjudice aux dirigeants du SNATEG en les maintenant sans ressources. En conséquence, le comité exhorte le gouvernement à prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour mettre à exécution les décisions de justice de réintégration qui n’ont pas été contestées dans le présent cas. Selon les informations à disposition, il s’agirait des décisions concernant M. Kouafi Abdelkader et Mme Sarah Benmaiche. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sans délai des mesures prises à cet égard.
  6. 124. Par ailleurs, le comité s’attend à ce que les recours en justice encore pendant soient conclus sans délai par les juridictions saisies (cas de M. Araf Imad et de M. Guebli Samir). Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des décisions de justice rendues dans les cas susmentionnés.
  7. 125. Le comité croit utile de rappeler sa position que s’il apparaît que des licenciements ont eu lieu à la suite de la participation des travailleurs concernés à des activités syndicales, le gouvernement doit faire en sorte que ces travailleurs soient réintégrés dans leur emploi sans perte de rémunération. Cependant, au cas où l’autorité judiciaire constaterait que la réintégration des travailleurs licenciés en violation de la liberté syndicale est impossible, des mesures devraient être prises pour qu’ils soient indemnisés intégralement. Les indemnités perçues devraient être appropriées compte tenu du préjudice subi et de la nécessité d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir. [Voir Compilation, paragr. 1169, 1172 et 1173.]
  8. 126. Ayant à l’esprit les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles les travailleurs qui sont réintégrés par l’entreprise sont contraints de se désaffilier et d’adhérer à un autre syndicat présent dans l’entreprise en violation de la liberté syndicale, le comité rappelle que des déclarations de loyauté ou autre engagement de même nature ne devraient pas être imposés pour obtenir la réintégration dans l’emploi. [Voir Compilation, paragr. 1182.] Le comité attend du gouvernement qu’il garantisse que tous les travailleurs de l’entreprise puissent effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix et y adhérer librement.
  9. 127. Enfin, le comité ne peut qu’exprimer sa préoccupation devant l’allégation que M. Slimane Benzine et M. Moussa Meziani, faute de ressources financières, n’ont pas pu intenter de recours contre les mesures de licenciement. À cet égard, le comité rappelle que le respect des principes de la liberté syndicale exige que les travailleurs qui estiment avoir subi des préjudices en raison de leurs activités syndicales disposent de moyens de recours expéditifs, peu coûteux et tout à fait impartiaux. [Voir Compilation, paragr. 1142.]
  10. 128. Le comité a déjà déploré profondément le fait que la situation de conflit entre l’entreprise et le SNATEG, les mesures disciplinaires et le licenciement massif des membres du syndicat en 2017, l’incertitude liée aux différents recours contre les décisions de licenciement, la difficulté pour les syndicalistes de mettre en œuvre les décisions de justice rendues, mais aussi le harcèlement continue, y compris judiciaire, à l’encontre des dirigeants SNATEG ont porté préjudice à la conduite des activités du syndicat mais aussi constitué une intimidation entravant le libre exercice de la liberté syndicale dans l’entreprise. À cet égard, le comité note avec préoccupation l’allégation que M. Raouf Mellal, président du SNATEG, et les membres de sa famille, ont fait l’objet d’une répression intense. Selon l’organisation plaignante, M. Mellal a fait l’objet de mesures de discrimination antisyndicale continues (licenciement) et de harcèlement judiciaire systématique (condamnations successives pour diffamation, détention illégale de documents, et usurpation d’identité), en partie pour avoir porté plainte contre son pays devant les instances internationales. Le comité prend note avec préoccupation de l’indication de l’organisation plaignante qu’un tel acharnement a forcé M. Mellal à s’exiler hors du territoire en 2020 et à s’installer en Suisse. Notant que le SNATEG demande l’abandon de toutes les charges contre M. Mellal et se déclare prêt à engager un dialogue avec le gouvernement afin de permettre à M. Mellal de retourner au pays pour exercer son mandat de dirigeant syndical, le comité attend du gouvernement qu’il s’engage à assurer à M. Mellal la possibilité d’un retour au pays pour exercer ses activités syndicales dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces. Le comité rappelle en ce sens que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir Compilation, paragr. 82.]
  11. 129. Dans ses précédentes conclusions, le comité a procédé à un examen approfondi des informations fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement qui maintiennent des positions divergentes concernant la dissolution volontaire du SNATEG. [Voir 392e rapport, paragr. 209 à 212.] Le comité avait demandé au gouvernement de diligenter une enquête indépendante afin de déterminer les circonstances ayant abouti à la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG malgré des éléments contraires présentés aux autorités. Entre-temps, le comité, se référant aux recommandations formulées par la Commission de l’application des normes en juin 2019, avait indiqué attendre du gouvernement qu’il revoie sans délai la décision de dissolution du SNATEG. [Voir 392e rapport, paragr. 212.]
  12. 130. Le comité note avec un profond regret que, dans sa réponse, le gouvernement se borne une nouvelle fois à maintenir que la dissolution volontaire du SNATEG est conforme aux dispositions légales en vigueur et aux statuts du syndicat. Aussi, le gouvernement réaffirme sa position qui repose sur le principe de non-ingérence et l’impossibilité de revoir la décision administrative de dissolution du SNATEG. Dans ces conditions, le comité se voit obligé de réitérer instamment sa requête en même temps qu’il attend du gouvernement qu’il revoie sans délai la décision de dissoudre le SNATEG. Le comité le prie instamment de le tenir informé de toute action entreprise dans ce sens.
  13. 131. Par ailleurs, le comité note avec préoccupation les allégations de fermeture du siège du SNATEG à Alger le 21 février 2021 par une simple décision administrative. À cet égard, le comité rappelle que l’inviolabilité des locaux et des biens syndicaux, notamment son courrier, constitue l’une des libertés publiques essentielles pour l’exercice des droits syndicaux. Un contrôle judiciaire indépendant devrait être exercé par les autorités concernant l’occupation ou la mise sous scellés de locaux syndicaux, étant donné les risques importants de paralysie que ces mesures font peser sur les activités syndicales. [Voir Compilation, paragr. 276 et 287.] Le comité prie instamment le gouvernement de transmettre ses observations à cet égard.
  14. 132. De manière générale, le comité tient à exprimer de nouveau sa profonde préoccupation devant le présent cas caractérisé par un cumul de difficultés rencontrées par les dirigeants du SNATEG pour exercer leurs droits syndicaux légitimes. Au cours de ses examens successifs du cas, le comité observe que ces difficultés comprenaient une campagne de répression contre les dirigeants et adhérents du SNATEG, des mesures de licenciement massif, le refus de l’entreprise d’exécuter des décisions de réintégration, l’administration lente de la justice, les difficultés d’application de la loi qui aboutissent à la mise en cause de la qualité de responsable syndical, l’ingérence dans les activités syndicales, le harcèlement judiciaire, et les actes de violence policière et d’intimidation lors de manifestations pacifiques. Le comité est particulièrement préoccupé par le laps de temps écoulé sans que la justice ne parvienne à clore les recours concernant les licenciements présumés antisyndicaux de certains dirigeants du SNATEG. Ces difficultés ont porté préjudice à la conduite des activités d’un syndicat mais aussi constitué une intimidation entravant le libre exercice de la liberté syndicale dans l’entreprise. En conséquence, le comité exhorte de nouveau le gouvernement à mettre en œuvre sans délai ses recommandations afin d’assurer au sein de l’entreprise un environnement où les droits syndicaux sont respectés et garantis pour toutes les organisations syndicales, et où les travailleurs ont la possibilité d’adhérer au syndicat de leur choix, d’élire leurs représentants et d’exercer leurs droits syndicaux sans crainte de représailles et d’intimidation.
  15. 133. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de l’assistance technique du Bureau.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 134. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité exhorte le gouvernement à prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour mettre à exécution les décisions de justice de réintégration, notamment concernant M. Kouafi Abdelkader et Mme Sarah Benmaiche. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sans délai des mesures prises à cet égard.
    • b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des décisions de justice finales qui seront rendues dans les cas concernant M. Guebli Samir et M. Araf Imad.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir ses observations concernant la situation de M. Hichem Khayat, dirigeant syndical du SNATEG qui ferait l’objet d’une enquête judiciaire à cause de ses activités syndicales.
    • d) Le comité attend du gouvernement qu’il s’engage à assurer à M. Mellal la possibilité d’un retour au pays pour exercer ses activités syndicales dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces.
    • e) Le comité se voit obligé à nouveau de prier instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante pour déterminer les circonstances ayant abouti à la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG. Par ailleurs, le comité attend du gouvernement qu’il revoie sans délai la décision de dissoudre le SNATEG et le prie instamment de le tenir informé de toute action entreprise dans ce sens.
    • f) Le comité prie instamment le gouvernement de transmettre ses observations concernant les allégations de fermeture du siège du SNATEG à Alger le 21 février 2021 par une simple décision administrative.
    • g) Le comité exhorte de nouveau le gouvernement à mettre en œuvre sans délai ses recommandations afin d’assurer au sein de l’entreprise un environnement où les droits syndicaux sont respectés et garantis pour toutes les organisations syndicales, et où les travailleurs ont la possibilité d’adhérer au syndicat de leur choix, d’élire leurs représentants et d’exercer leurs droits syndicaux sans crainte de représailles et d’intimidation.
    • h) Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de l’assistance technique du Bureau.
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