Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent des violations graves des
droits syndicaux par le gouvernement: arrestation et détention arbitraires de dirigeants
syndicaux et de militants, recours à des menaces de mort et à des violences physiques au
cours de la détention, accusations pénales infondées, surveillance, représailles,
intimidation, actes de discrimination antisyndicale et ingérence dans les activités
syndicales, recours excessif aux forces de police lors de manifestations pacifiques et
absence d’enquête sur ces allégations
- 159. Le comité a examiné ce cas (présenté en février 2017) pour la
dernière fois à sa réunion d’octobre-novembre 2022 et, à cette occasion, a présenté un
rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 400e rapport, paragr. 80-109,
approuvé par le Conseil d’administration à sa 346e session .]
- 160. La Confédération syndicale internationale (CSI) a fourni des
informations complémentaires dans une communication en date du 23 septembre 2022.
- 161. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications en
date du 1er novembre 2022 et des 9 et 13 février 2023.
- 162. Le Bangladesh a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le
droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 163. À sa réunion d’octobre-novembre 2022, le comité a formulé les
recommandations ci-après sur les questions en suspens [voir 400e rapport,
paragr. 109]:
- a) Le comité veut croire que les deux procédures en instance
engagées contre des travailleurs à la suite de la grève d’Ashulia de 2016 seront
menées à bien sans autre délai et prie le gouvernement de le tenir informé de leur
issue.
- b) Soulignant la nécessité d’enquêter sur toutes les graves
allégations de mauvais traitements contre des syndicalistes même en l’absence de
dépôt d’une plainte formelle par la partie lésée, le comité invite une nouvelle fois
les organisations plaignantes à fournir toutes informations pertinentes
additionnelles à l’autorité nationale compétente afin qu’elle puisse diligenter une
enquête en toute connaissance de cause. Le comité prie instamment le gouvernement de
diligenter sans délai une enquête indépendante concernant les allégations de mauvais
traitements dont auraient été victimes des syndicalistes arrêtés et détenus à la
suite de la grève d’Ashulia de 2016, sur la base des informations dont il dispose
déjà, ainsi que toutes informations supplémentaires fournies par les organisations
plaignantes, et de le tenir informé des mesures prises à ce sujet, notamment en lui
fournissant des informations détaillées sur les mécanismes disponibles pour mener
une telle enquête et sur la procédure à suivre pour engager l’examen de ces
allégations.
- c) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement
d’indiquer les mesures prises pour enquêter sur l’usage excessif de la force dont
aurait fait preuve la police durant les manifestations de 2018-19, faisant au moins
80 blessés parmi les travailleurs, et de l’informer de toute conclusion formulée à
cet égard. Il prie également le gouvernement de fournir des informations sur l’issue
de l’enquête qui, selon de précédentes indications du gouvernement, avait été menée
sur le meurtre d’une travailleuse durant ces manifestations. Le comité prie en outre
le gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement des 5 procédures en cours
contre des travailleurs, et en particulier de lui indiquer si elles ont finalement
abouti à des poursuites pénales ou si elles ont été classées sans suite.
- d)
Le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur les allégations
supplémentaires présentées par les organisations plaignantes en février 2020 qui
faisaient état de représailles massives contre des travailleurs à la suite des
manifestations de 2018-19 (licenciements, humiliation publique, diffamation et
inscription sur une liste noire) et du fait que des syndicalistes font régulièrement
l’objet de mesures de contrôle et de surveillance et d’actes d’intimidation. Le
comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour traiter et
prévenir toutes les formes de représailles, d’intimidation, de harcèlement et de
surveillance à l’encontre de travailleurs fondées sur l’appartenance syndicale ou
l’exercice d’activités syndicales légitimes.
- e) Prenant note de l’engagement
du gouvernement à assurer une formation régulière aux agents de police et aux autres
agents de l’État concernés, le comité encourage le gouvernement à poursuivre ses
efforts à cet égard afin de garantir le plein respect des libertés publiques
fondamentales, des droits de l’homme et des droits syndicaux pendant les
manifestations de travailleurs, ainsi que l’obligation, pour les auteurs
d’éventuelles violations, d’en rendre pleinement compte. Le comité prie en outre le
gouvernement de fournir des détails sur ces formations, en particulier pour la
police engagée dans les zones industrielles et d’exportation. Le comité prie
également le gouvernement de fournir des copies du programme de formation en cours
d’emploi des agents de police.
- f) Le comité prie le gouvernement de
communiquer ses observations sur l’implication présumée de la police dans le meurtre
de six personnes et l’infliction de blessures à plus de 60 travailleurs durant les
manifestations qui se sont déroulées à Chittagong, Gazipur et Ashulia depuis avril
2021 et, s’il ne l’a pas encore fait, de veiller à ce que ces incidents fassent
l’objet d’une enquête rapide et appropriée par un mécanisme indépendant afin de
lutter contre l’impunité et d’empêcher la répétition de tels actes, et enfin de
fournir des informations détaillées sur les progrès réalisés à cet égard et sur les
résultats obtenus.
- g) Le comité prie le gouvernement de rester vigilant face
à tous types d’allégations de discrimination antisyndicale, notamment les
licenciements et l’inscription de syndicalistes sur une liste noire et l’ingérence
de la police dans les activités syndicales, afin de pouvoir prendre des mesures
permettant de répondre rapidement et correctement à ces allégations. Le comité prie
le gouvernement de le tenir informé de l’issue des procédures en cours contre des
dirigeants et membres syndicaux des usines E, G et H en raison de leur participation
à des activités syndicales, ainsi que de l’issue de la procédure pour pratiques
antisyndicales dans l’usine C. Enfin, le comité prie le gouvernement de communiquer
ses observations sur l’ingérence présumée de la police dans une réunion syndicale à
Chittagong en septembre 2021.
- h) Au vu des informations parfois
contradictoires soumises par les organisations plaignantes et le gouvernement en ce
qui concerne les allégations supplémentaires présentées en mars 2022, le comité
invite les organisations plaignantes à fournir des informations complémentaires à
cet égard.
B. Informations complémentaires fournies par l’organisation plaignante
B. Informations complémentaires fournies par l’organisation plaignante- 164. Dans sa communication du 23 septembre 2022, la CSI fournit des
informations supplémentaires et reproche au gouvernement de n’avoir rien entrepris pour
lutter contre la discrimination antisyndicale, les pratiques de travail déloyales et les
violences contre les travailleurs. La CSI allègue que, en raison d’années de retard dans
le traitement des conflits du travail, les victimes subissent leur sort sans espoir de
remède et que la violation des droits des travailleurs persiste en toute impunité.
L’organisation plaignante mentionne le cas de Mme Adeeba Zerin Chowdhury, secrétaire à
la communication du Syndicat des employés de Grameenphone (GPEU), licenciée en 2012
après qu’elle et d’autres travailleurs ont soumis une demande d’affiliation syndicale.
Mme Chowdhury et plusieurs membres du comité du GPEU font partie des quelque
200 travailleurs qui ont été licenciés au lendemain de leur demande d’adhésion à un
syndicat. Mme Chowdhury a informé l’organisation plaignante que la plainte au civil
qu’elle avait déposée contre l’entreprise suite à ce licenciement est toujours en
instance devant les tribunaux du travail, dix ans après les faits, et que les efforts
déployés pour résoudre le problème à l’aide d’autres mécanismes de règlement des
différends sont restés infructueux, l’entreprise faisant barrage à toute possibilité de
dialogue. L’organisation plaignante ajoute que les services d’inspection du travail ont
enquêté sur cette violation et fourni des avis pertinents à l’employeur, à la
travailleuse concernée et à ses représentants. Par ailleurs, aucun progrès n’a été
réalisé en ce qui concerne l’élaboration d’une procédure opérationnelle normalisée (PON)
de conciliation qui permette aux travailleurs victimes de discrimination antisyndicale
d’obtenir justice.
- 165. L’organisation plaignante réitère ses allégations concernant les
poursuites pénales engagées par la police industrielle contre le secrétaire général de
la Fédération des travailleurs du textile et de l’industrie du Bangladesh (BGIWF) ainsi
que contre 24 autres syndicalistes et dirigeants syndicaux dans le contexte des
incidents survenus le 6 août 2021 dans les usines G et H , incidents mentionnés lors du
précédent examen du présent cas. [Voir 400e rapport, paragr. 88.] La CSI ajoute que la
direction a également engagé une procédure pénale contre les travailleurs. Elle rappelle
également que cinq personnes ont été tuées et des dizaines blessées le 17 avril 2021, la
police ayant ouvert le feu sur un groupe de travailleurs rassemblés dans la centrale
électrique de Chattogram (Chittagong) pour réclamer le versement des salaires impayés,
protester contre l’imposition, sans préavis, d’une réduction de leur horaire de travail
et réclamer l’octroi d’un congé pour le ramadan ainsi qu’une réduction du nombre
d’heures travaillées pendant la fête religieuse. [Voir 400e rapport, paragr. 87.]
- 166. La CSI dénonce l’absence de tout progrès, dans le droit comme dans
la pratique, depuis le dépôt de la plainte, et déclare qu’il incombe au gouvernement de
mettre en place des sanctions dissuasives et des mesures efficaces pour protéger
efficacement les travailleurs contre la discrimination et les représailles
antisyndicales et offrir des réparations aux victimes.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 167. Dans ses communications, le gouvernement apporte des réponses aux
communications de la CSI du 4 mars et du 23 septembre 2022 et consigne également ses
observations au sujet des précédentes recommandations du comité.
- 168. En ce qui concerne la recommandation a) relative aux deux procédures
encore en instance engagées contre des travailleurs après la grève d’Ashulia de 2016, le
gouvernement indique que les deux procédures sont toujours en cours: la première, qui
concerne 15 dirigeants syndicaux, a été suspendue par le tribunal concerné; s’agissant
de la seconde, qui concerne six travailleurs, l’acte d’accusation a été présenté au
tribunal et la prochaine audience a été fixée au 9 février 2023. Le gouvernement indique
que le secrétaire du ministère du Travail et de l’Emploi (MOLE) et le ministre du Droit,
de la Justice et des Affaires parlementaires (MLJPA) ont mené une enquête au sujet du
premier cas et les deux ministères envisagent de faire le nécessaire afin d’accélérer
l’examen de cette affaire-là.
- 169. En ce qui concerne la demande du comité le priant de diligenter des
enquêtes sur toutes les graves allégations faisant état de mauvais traitements infligés
aux syndicalistes, même si la partie lésée n’avait pas déposé de plainte officielle
(recommandation b)), le gouvernement affirme qu’il ne tolère aucune atteinte à
l’intégrité physique ou morale des travailleurs et que les forces de l’ordre sont
formées aux opérations antiémeute et s’interdisent tout excès ou abus, sauf en cas de
légitime défense ou lorsqu’il s’agit de protéger la vie et les biens des civils. Il
ajoute que toute allégation dénonçant un excès de la part des forces de l’ordre fait
l’objet d’une enquête en bonne et due forme, menée conformément aux procédures
juridiques et administratives en vigueur, ce qui permet d’assurer un suivi systématique.
En cas d’allégations graves, il est arrivé que les organes et autorités compétents
multiplient les enquêtes. Le gouvernement réitère en outre une indication d’ordre
général, à savoir que les mécanismes d’enquête en place prévoient systématiquement un
examen indépendant de ce type d’allégations et qu’il est possible à tout moment de leur
soumettre de nouvelles informations dûment fondées au sujet des allégations. Dans sa
communication en date du 9 février 2023, le gouvernement indique qu’au Bangladesh, le
système d’enquête concernant les affaires pénales est pleinement mené par différentes
branches du Département de la police, et qu’en dehors de l’enquête policière ordinaire,
le tribunal peut être saisi d’une demande d’enquête par d’autres organismes d’enquête, à
savoir le Département d’enquête criminelle (CID) et le Bureau d’enquête de la police
(PBI). En outre, si un policier est impliqué dans une infraction quelconque dans
l’exercice de ses fonctions, il fera l’objet d’une procédure départementale et des
mesures disciplinaires seront prises. Le gouvernement fait également état de la
formation d’un nouveau Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale qui
mènera des enquêtes sur de telles questions et communiquera avec le secrétaire du MOLE
et le MLJPA, et accélérera le processus.
- 170. En ce qui concerne la recommandation d), dans laquelle le comité
avait prié le gouvernement de prendre des mesures afin de traiter et prévenir toutes les
formes de représailles, d’intimidation, de harcèlement et de surveillance à l’encontre
de travailleurs fondées sur l’appartenance syndicale ou l’exercice d’activités
syndicales, le gouvernement indique que le Département du travail (DOL) organisera une
formation pour 90 membres de la police industrielle et fournira également bientôt une
formation de formateurs au sujet du traitement des pratiques de travail déloyales et de
la discrimination antisyndicale pour les policiers. En outre, en 2022, la police
industrielle a formé 1 370 policiers en matière du Code du travail de 2006, les droits
des travailleurs, les droits de l’homme et d’autres lois pertinentes afin qu’ils
apprennent la manière d’agir avec les travailleurs et le personnel industriel.
- 171. En ce qui concerne la recommandation e) relative aux mesures visant
à garantir le plein respect des libertés publiques, des droits de l’homme et des droits
syndicaux pendant les manifestations de travailleurs, ainsi que l’obligation, pour les
auteurs d’éventuelles violations, d’en rendre pleinement compte, le gouvernement
mentionne le travail de sensibilisation effectué auprès des agents de police pour
prévenir le harcèlement et indique que des formations, des séminaires et des ateliers
sur les droits de l’homme, le droit du travail, les droits fondamentaux, les droits
constitutionnels et les libertés publiques sont régulièrement organisés à l’intention
des agents de la police industrielle dans le cadre tant de leur cours de base que de
leur formation en cours d’emploi. Il indique en outre qu’en tout 4 002 policiers, dont
3 637 hommes et 375 femmes, étaient formés en 2022, notamment en matière du Code du
travail de 2006 et d’autres normes pertinentes. Les détails des formations continues en
cours d’emploi et le programme peuvent être consulté en se référant au lien Training –
Industrial Police Headquarters. En outre, la police industrielle a édité un compendium
exhaustif en bengali de droits des travailleurs, lois du travail et droits de l’homme
qui sera disponible sous peu. Le gouvernement réitère enfin ses précédentes indications
au sujet de la feuille de route des mesures à prendre dans le secteur du travail
élaborée en coopération avec le Bureau. [Voir 400e rapport, paragr. 93.]
- 172. En ce qui concerne l’état d’avancement des procédures engagées
contre des travailleurs dans le contexte des manifestations de 2018-19 portant sur le
salaire minimum (recommandation c)), le gouvernement indique que quatre affaires restent
en instance. Aucun des prévenus n’a été maintenu en détention, et le 30 janvier 2023 un
acte d’accusation a été présenté au tribunal en relation avec une seule affaire initiée
en octobre 2018. Deux autres affaires, initiées le 14 janvier 2019 et une autre initiée
le 7 décembre 2018, sont en instance devant les tribunaux, mais les actes d’accusation
les concernant ne sont pas encore présentés. Dans une affaire, la direction de la
fabrique s’est engagée à retirer sa plainte.
- 173. En ce qui concerne la recommandation g) dans laquelle le comité prie
le gouvernement de rester vigilant face à tous types d’allégations de discrimination
antisyndicale et d’interférence policière dans les activités syndicales, le gouvernement
indique que, en collaboration avec le Bureau, une formation au sujet de la PON relative
aux pratiques de travail déloyales et à la discrimination antisyndicale a été dispensée
aux 30 fonctionnaires du DOL du 20 au 22 août 2022 et que le DOL a également organisé,
le 24 janvier 2023, un atelier d’une journée au sujet de la réparation des pratiques de
travail déloyales et de la discrimination antisyndicale à l’intention des représentants
des travailleurs et des employeurs, ainsi que des fonctionnaires du DOL, du Département
de l’inspection des fabriques et établissements (DIFE), de l’Autorité des zones franches
et d’exportation du Bangladesh (BEPZA), de la police industrielle et des membres des
tribunaux de travail et des cours d’appel du travail.
- 174. En ce qui concerne les mesures prises pour lutter contre la
discrimination antisyndicale et les pratiques de travail déloyales, le gouvernement
fournit les indications générales suivantes: i) conformément à la loi sur le travail du
Bangladesh, tout travailleur ayant subi un préjudice peut porter plainte contre la
direction et réclamer une réparation auprès du ministère du Travail pour activités
antisyndicales ou pratiques de travail déloyales. Chaque plainte reçue est traitée en
temps utile; ii) une PON portant sur les pratiques de travail déloyales et la
discrimination antisyndicale a été adoptée le 30 août 2017 et intégrée en 2018 à la loi
sur le travail du Bangladesh; et iii) entre 2013 et 2022, le ministère du Travail a été
saisi de 199 plaintes pour discrimination antisyndicale et pratiques de travail
déloyales. Il a été statué sur 186 plaintes, 173 ont donné lieu à un règlement à
l’amiable et 13 ont été soumises aux tribunaux du travail. Les enquêtes sur les autres
plaintes sont en cours. Les dossiers correspondants sont disponibles dans la base de
données.
- 175. En ce qui concerne l’élaboration d’une procédure normalisée de
conciliation pour les conflits du travail, le gouvernement indique que plusieurs
réunions de consultation se sont tenues entre le ministère du Travail et le BIT en 2021,
sous forme virtuelle ou en présentiel, et qu’un atelier de trois jours réunissant des
fonctionnaires du ministère du Travail a été organisé en mars 2022. Cet atelier a permis
d’établir une première version de cette procédure normalisée, laquelle a été soumise à
l’appréciation du BIT. Le gouvernement ajoute que cette première mouture devait être
communiquée au ministère du Travail et de l’Emploi le 17 août 2022 afin qu’une
validation tripartite facilite son adoption.
- 176. En ce qui concerne les incidents survenus dans les usines G et H, le
gouvernement réitère le compte rendu des événements qui devaient déboucher sur
l’inculpation du secrétaire général du BGIWF et de 23 autres syndicalistes et dirigeants
syndicaux. [Voir 400e rapport, paragr. 96.] Il ajoute que le cas fondé sur la plainte du
sous-inspecteur de la police industrielle est actuellement jugé par le tribunal de
première instance de Gazipur, que tous les accusés ont été libérés sous caution et que
la prochaine audience a été fixée au 8 mars 2023. Le gouvernement indique également
qu’une deuxième plainte liée à cet incident a été déposée au poste de police par le
directeur général de l’usine H et fait actuellement l’objet d’une enquête par rapport à
laquelle une audience est également fixée au 8 mars 2023.
- 177. En ce qui concerne les événements survenus le 17 avril 2021 à la
centrale électrique de Banshkhali à Chattogram, le gouvernement indique dans sa
communication de novembre 2022 qu’un conflit social, que rien ne laissait prévoir, a
éclaté le 17 avril 2021 sur le chantier de la centrale. Des fonctionnaires du ministère
du Travail, du DIFE et d’autres administrations locales ont tenté de gérer la situation
en négociant avec les employés et l’employeur. Trois équipes de l’administration du
district, de l’administration de la police et de l’administration du travail ont ensuite
été constituées pour enquêter sur cette affaire. Le gouvernement indique que les
travailleurs réclamaient une réduction de leur horaire de travail (de dix à cinq heures)
et le versement de leur salaire tous les 5 du mois. Certains travailleurs ont endommagé
du matériel appartenant à l’usine et la police a tenté de gérer la situation. Le
gouvernement confirme que sept travailleurs ont été tués, 13 blessés, et ajoute que les
infrastructures des établissements ont également été endommagées. Conformément à la loi
sur le travail du Bangladesh, un dédommagement a été accordé aux familles et aux
travailleurs touchés, le gouvernement fournissant également une aide provenant de la
Fondation pour la protection de la main-d’œuvre du Bangladesh. Le gouvernement conclut
en indiquant que l’employeur verse l’intégralité des salaires, que les autorités
compétentes ont renforcé la surveillance de l’usine pour éviter les imprévus et que des
relations professionnelles harmonieuses permettent aujourd’hui que la construction de la
centrale électrique se déroule sans heurts. Dans sa communication du 9 février 2023, le
gouvernement fournit des détails, indiquant que, le 14 avril 2021, environ
300 travailleurs se sont mis en grève, formulant des revendications concernant les
horaires de travail pendant le mois de Ramadan et les salaires. Les jours suivants,
l’entreprise de main-d’œuvre a négocié avec les entreprises étrangères propriétaire et
sous-traitante, avec un succès mitigé. À 6 heures du matin du 17 avril, le jour des
événements, les policiers du camp de Gondamara étaient déployés à la centrale et à la
porte de sortie de Bangla Living (les quartiers des travailleurs). Dès 9 heures du
matin, Entre 2 000 et 2 500 travailleurs ont commencé à manifester à l’intérieur de la
centrale. Il y avait de l’agitation, du vandalisme et des attaques contre la police avec
des armes indigènes et des morceaux de briques. À un moment donné des coups de feu ont
été tirés depuis les quartiers des travailleurs. Six policiers ont été blessés par des
armes indigènes. En représailles et afin de protéger des vies et les investissements
public et étranger, la police du camp a ouvert le feu avec des pistolets à gaz, des
balles en caoutchouc et 62 munitions à blanc. Le gouvernement indique que 5 personnes,
dont des travailleurs et des individus venus de l’extérieur, ont été gravement blessés
dans la ligne de tir. Elles ont été transférées à l’hôpital, où le médecin de service a
déclaré leurs décès. À ce moment-là les officiers et les forces de police de Banshkhali
se sont présentés sur les lieux du crime et ont finalement réussi à maîtriser la
situation à 13 heures.
- 178. Le gouvernement ajoute que, en lien avec les événements du 17 avril
2021 à la centrale électrique, deux affaires sont en cours d’instruction à la station de
police de Banshkhali. La première plainte était déposée le jour même des événements par
le sous-inspecteur de la police du camp de Gondamara contre 2 000 à 2 500 travailleurs
et personnes venues de l’extérieur non dénommés. La seconde était déposée le 18 avril
2021 par le coordinateur chef de S. Alam Group, une des sociétés propriétaires de la
centrale, contre entre 1 040 et 1 050 travailleurs et personnes venues de l’extérieur
non dénommés par rapport au pillage et les dommages causés par le feu et les actes de
vandalisme à la centrale. Le gouvernement affirme qu’il est évident que la police
industrielle n’a joué aucun rôle dans l’incident; cependant, s’il existe une plainte ou
une inquiétude à cet égard, des moyens autres que l’enquête policière ordinaire sont
prévus, notamment le CID et le PBI peuvent mener des enquêtes distinctes et font
directement rapport au tribunal selon ordonnance judiciaire. Le gouvernement indique
enfin que le nouveau Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale fera des
investigations sur de telles questions et sera en communication directe avec le
secrétaire du MOLE et le MLJPA.
- 179. Le gouvernement fournit les informations suivantes au sujet des
allégations supplémentaires présentées par la CSI en mars 2022 [voir 400e rapport,
paragr. 87]:
- En ce qui concerne la situation dans les usines A et C , le
gouvernement réitère ses précédentes indications. [Voir 400e rapport, paragr. 94.]
Concernant l’usine C, le gouvernement ajoute que M. Selim, le représentant élu des
travailleurs qui a été licencié en 2020, a porté plainte au premier tribunal du
travail contre l’employeur en 2021 et l’affaire est toujours en instance. Trois
audiences ont déjà eu lieu et la prochaine est fixée au 15 mars 2023.
- En ce
qui concerne la situation dans l’entreprise B (un travailleur, M. Mohammad Ali,
aurait été licencié et inscrit sur liste noire en raison de ses activités
syndicales), le gouvernement réaffirme que le travailleur concerné a été réintégré.
Il ajoute que l’entreprise B possède un syndicat depuis 2017 et que M. Mohammad Ali
en était le coprésident. Une visite d’inspection effectuée le 10 mars 2022 par un
inspecteur général adjoint du DIFE a permis de confirmer qu’il était à son poste de
travail.
- En ce qui concerne l’allégation dénonçant une attaque de la police
contre des travailleurs qui menaient dans l’usine une action de protestation au
cours de laquelle Mme Jesmin Begum, ouvrière du secteur de la confection, a été tuée
et plusieurs autres travailleurs ont été blessés, le gouvernement indique que
Mme Jesmin Begum a subi un accident ne présentant pas le moindre lien avec les
opérations de dispersion opérées par les forces de l’ordre. Le mari de la victime a
déposé plainte au poste de police d’Ashulia. Le rapport final établi aux termes de
l’enquête a été approuvé par le tribunal compétent le 3 juillet 2022.
- En ce
qui concerne l’allégation selon laquelle, en septembre 2021, la police a interrompu
une réunion de la Fédération syndicale indépendante des travailleurs de la
confection du Bangladesh (BIGUF) à Chattogram, le gouvernement indique que la police
industrielle n’a interrompu aucune réunion à cette date et en ce lieu, ce qui est
confirmé par les dirigeants de la BIGUF.
- En ce qui concerne l’allégation
selon laquelle dix travailleurs au moins auraient été blessés lors de l’opération
menée par la police en février 2002 pour disperser des travailleurs qui menaient une
action de protestation dans l’usine E , le gouvernement indique qu’un haut
dirigeant de l’usine a porté plainte contre les travailleurs pour des actes de
vandalisme et que l’acte d’accusation a été présenté au tribunal compétent le
18 juin 2022. Dans sa communication en date du 9 février 2023, le gouvernement
ajoute que le haut dirigeant a déposé une demande de retrait de sa plainte auprès du
tribunal.
- En ce qui concerne l’allégation dénonçant l’agression commise par
la police en février 2022 contre des travailleurs qui manifestaient à l’usine F et
dont 20 ont été blessés à cette occasion, le gouvernement indique que la plainte
déposée par le responsable administratif de l’entreprise contre 30 travailleurs fait
actuellement l’objet d’une enquête menée par la police industrielle de Gazipur. Avec
l’intercession des autorités administratives locales, l’usine a été rouverte cinq
jours après l’incident et en ce moment elle fonctionne sans heurts.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 180. Le comité rappelle que le présent cas concerne des allégations de
violations graves des droits de liberté syndicale par le gouvernement, en particulier
par l’action des forces de police à la suite d’une grève dans des usines de confection à
Ashulia en décembre 2016, notamment l’arrestation et la détention arbitraires de
dirigeants syndicaux et de militants, les menaces de mort proférées et les violences
physiques infligées au cours de la détention, de fausses accusations pénales, la
surveillance de syndicalistes, l’intimidation et l’ingérence dans les activités
syndicales. Les organisations plaignantes ont également allégué un recours excessif aux
forces de police lors de manifestations pacifiques qui se sont déroulées en décembre
2018, en janvier 2019, en avril et juin 2021 et en février 2022 et des poursuites
pénales qui seraient en cours contre des travailleurs qui avaient participé aux
manifestations. Sont également alléguées la répression systématique des droits
syndicaux, notamment par la commission d’actes antisyndicaux par les employeurs, des
violences policières et la criminalisation des activités syndicales.
- 181. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles des poursuites
pénales illégitimes auraient été engagées contre des travailleurs à la suite de la grève
d’Ashulia de 2016 (recommandation a)), le comité prend note de l’information du
gouvernement selon laquelle les deux cas encore non réglés, qui concernent
respectivement 15 dirigeants syndicaux et six travailleurs, sont toujours en instance.
Le comité constate avec inquiétude que plus de six ans après les faits survenus à
Ashulia, ces cas ne sont toujours pas clos. Rappelant que nul ne devrait être privé de
sa liberté ou faire l’objet de sanctions pénales pour le simple fait d’organiser ou de
participer à une grève pacifique, à des réunions publiques ou à des processions, et que
l’administration dilatoire de la justice différée constitue un déni de justice [voir
Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018,
paragr. 156 et 170], le comité espère fermement que les deux cas seront réglés
rapidement et prie le gouvernement de le tenir informé au sujet de l’issue qui leur sera
donnée.
- 182. Dès le premier examen de ce cas, le comité a demandé à plusieurs
reprises au gouvernement de mener une enquête indépendante sur les graves allégations
dénonçant les menaces de mort, les violences physiques et les passages à tabac que les
syndicalistes arrêtés suite à la grève d’Ashulia de 2016 auraient subis pendant leur
détention [voir 384e rapport, paragr. 169 a); 388e rapport, paragr. 204 b);
392e rapport, paragr. 287 d) et 400e rapport, paragr. 109 b)], et de le tenir informé
des mesures prises à cet effet. Le comité regrette vivement que le gouvernement n’ait,
là encore, fourni aucune information précise indiquant que ladite enquête a été
effectuée.
- 183. En ce qui concerne les mécanismes d’enquête disponibles, le comité
note que le gouvernement mentionne l’enquête menée par différentes branches de la police
dans les affaires pénales. En ce qui concerne les mécanismes de responsabilisation, le
comité note que le gouvernement se contente de mentionner les procédures départementales
et l’action disciplinaire applicables dans les cas où il s’avère que les agents de
police ont été impliqués dans la commission d’une infraction quelconque. Le comité note
que l’article 10 de l’ordonnance de 1979 concernant le bataillon de police armée établit
les sanctions disciplinaires applicables aux policiers en cas de faute et prévoit que,
lorsqu’il s’agit des officiers supérieurs, le gouvernement, et lorsqu’il s’agit des
officiers subalternes et des policiers armés, l’inspecteur général de la police, ou tout
officier autorisé par lui, peuvent prononcer des sanctions disciplinaires. Le comité
rappelle à cet égard que «le fait d’exiger des victimes de mauvais traitements commis
par la police qu’elles présentent une plainte à la police, dans les circonstances du
cas, n’est pas de nature à créer un climat dans lequel les travailleurs se sentent en
sécurité pour agir et peut donc avoir comme conséquence que ces graves allégations
restent sans réponse». [Voir 388e rapport, paragr. 199.] En outre, la responsabilisation
par rapport à des violations aussi graves du droit à la sécurité et à l’intégrité
physique et morale de la personne ne peut pas être réduite aux procédures
départementales et sanctions disciplinaires. Le comité note l’indication du gouvernement
concernant l’établissement du Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale,
qui procédera à l’investigation de telles questions et sera en communication avec le
secrétaire du MOLE et le MLJPA; ainsi que l’initiative présentée au ministère de
l’Intérieur proposant l’institution d’un comité spécifique qui veillera au suivi et à
l’investigation des allégations de mauvais traitements par la police. Le comité s’attend
fermement à ce que ce nouvel organe accélère effectivement la résolution des questions
très graves dont le comité est saisi depuis longtemps, et en particulier le comité
s’attend à ce qu’il prenne les mesures nécessaires afin de garantir qu’une enquête
indépendante concernant les allégations de mauvais traitements dont auraient été
victimes des syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève d’Ashulia de 2016
sera ouverte sans délai. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures
prises à ce sujet.
- 184. Le comité constate avec regret que le gouvernement n’a communiqué
aucune observation au sujet des allégations dénonçant les représailles massives, la
surveillance et l’intimidation persistantes subies par les travailleurs suite aux
manifestations de 2018-19. Il rappelle les allégations des organisations plaignantes
selon lesquelles ces représailles massives ont occasionné une perte d’emploi pour 7 000
à 12 000 travailleurs, lesquels ont été humiliés et diffamés publiquement, inscrits sur
une liste noire par les propriétaires d’usines, qui ont usé de ce procédé à des fins
d’intimidation et pour paralyser le mouvement syndical dans le secteur de la confection.
Ces allégations dénoncent en outre le fait que des employeurs, le gouvernement et des
tiers travaillant en leur nom soumettaient en permanence les syndicalistes à des mesures
de surveillance, de contrôle et d’intimidation. Le comité note les indications du
gouvernement concernant les formations passées et futures du personnel de la police
industrielle au sujet des pratiques du travail déloyales et la discrimination
antisyndicale, comme moyen de traiter et de prévenir la reproduction des problèmes
soulevés. Tout en encourageant le gouvernement de continuer à dispenser de telles
formations aux forces de l’ordre afin de prévenir la répétition de tels actes dans le
futur, le comité rappelle que le harcèlement et les manœuvres d’intimidation perpétrés à
l’encontre de travailleurs au motif de leur affiliation syndicale ou de leur
participation à des activités syndicales légitimes peuvent, bien qu’ils ne portent pas
nécessairement préjudice aux travailleurs dans leur emploi, les décourager de s’affilier
aux organisations de leur choix, et par là même, violer leur droit d’organisation, et
que le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination
antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires
de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte,
impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. [Voir Compilation,
paragr. 1098 et 1138.] Le comité prie donc instamment le gouvernement de lui communiquer
ses observations sur ces allégations et de prendre les mesures nécessaires pour traiter
et prévenir toutes les formes de représailles, d’intimidation, de harcèlement et de
surveillance exercés à l’encontre de travailleurs et fondés sur l’affiliation syndicale
ou l’exercice d’activités syndicales légitimes.
- 185. Le comité note avec regret que le gouvernement, bien qu’ayant
communiqué certains détails sur les cas liés aux manifestations de 2021 et réitéré des
informations précédemment communiquées, n’a fourni aucune information pour répondre à sa
demande concernant les mesures prises pour enquêter sur un présumé recours excessif à la
force lors des manifestations pour le salaire minimum de 2018-19 et au cours desquelles
80 travailleurs au moins ont été blessés, ainsi que les conclusions de l’enquête sur le
meurtre d’une travailleuse commis lors de ces manifestations, enquête dont le lancement
avait été annoncé par le gouvernement.
- 186. En ce qui concerne l’usage excessif de la force auquel aurait
recouru la police lors des manifestations conduites par des travailleurs le 17 avril
2021 sur le chantier d’une centrale électrique à Banshkhali, Chattogram, le comité note
que, au jour de l’incident, les policiers du camp de Gondamara étaient déployés dans le
chantier de la centrale électrique et les quartiers des travailleurs dès 6 heures du
matin et que la manifestation a commencé aux alentours de 9 heures. Le comité note
également que le gouvernement indique qu’il y avait de l’agitation, du vandalisme et des
attaques contre la police et que la police du camp a réagi en autodéfense et afin de
protéger des vies et des biens et que, dans la confrontation entre la police et les
manifestants, six policiers ont été blessés par des «armes indigènes», tandis que sept
manifestants étaient tués par balle, cinq parmi eux ayant décédé le jour même et deux
autres deux jours plus tard des suites de leurs blessures. Le comité note en outre avec
préoccupation que, si le gouvernement indique que la police s’est présentée sur les
«lieux du crime» et confirme que sept travailleurs sont morts lors de ces manifestations
et que 13 ont été blessés, il ne mentionne toutefois pas qu’une enquête ait été menée
pour identifier les responsables de ces décès et de ces blessures ni qu’aucune mesure
ait été prise pour qu’ils répondent de leurs actes; en revanche, le gouvernement indique
que des indemnités et une aide ont été fournies aux travailleurs et familles concernés.
Le comité note que, néanmoins, deux plaintes pénales ont été immédiatement portées
contre plus de 2 000 travailleurs et personnes venues de l’extérieur non dénommés, l’une
par le propriétaire de la centrale en lien avec le pillage et les dommages causés aux
installations, et l’autre par le sous-inspecteur de la police du camp de Gondamara qui
aurait été blessé le jour de l’incident. L’enquête concernant les deux plaintes est
toujours en cours dans la station de police locale. Le comité note que le gouvernement
rejette catégoriquement toute implication de la police industrielle dans «l’incident»
mais ajoute qu’il est possible de passer outre «l’enquête policière ordinaire» puisque
des enquêtes menées par le Département d’enquête criminelle (CID) et le Bureau d’enquête
de la police (PBI) sont prévues. Le gouvernement indique enfin que le nouveau Comité de
suivi des cas du Comité de la liberté syndicale procédera à l’investigation de telles
questions.
- 187. En ce qui concerne l’attaque qui aurait été menée par la police
contre des travailleurs qui manifestaient le 13 juin 2021 dans l’usine D, située dans la
zone franche d’exportation de Dhaka, à Ashulia, attaque au cours de laquelle Mme Jesmin
Begum, ouvrière du secteur de la confection, a été tuée et plusieurs autres travailleurs
ont été blessés, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle le décès de
la travailleuse de la confection était dû à un accident et n’était nullement imputable
aux opérations de dispersion menées par la police. Le comité note que le mari de la
victime a déposé une plainte qui a donné lieu à une enquête dont les conclusions ont été
avalisées par le tribunal compétent le 3 juillet 2022. Le comité note que ces
conclusions contredisent l’indication précédente du gouvernement selon laquelle le
rapport d’autopsie indiquait que le décès était dû à une commotion provoquée par des
blessures infligées dans l’intention de donner la mort. Le comité note que le
gouvernement ne communique aucune information au sujet d’une quelconque enquête sur les
allégations selon lesquelles plusieurs travailleurs auraient été blessés lors de ces
manifestations.
- 188. S’agissant des manifestations qui se sont déroulées en février 2022
dans les usines E et F de Gazipur, et de l’intervention de la police au cours de
laquelle au moins 30 travailleurs du secteur la confection auraient été blessés, le
comité note que le gouvernement indique qu’un haut dirigeant de l’usine E a porté
plainte contre des travailleurs, qui ont été inculpés et sont actuellement jugés par le
tribunal compétent. De même, dans l’usine F, une plainte pour indiscipline déposée par
le responsable administratif de l’entreprise contre 30 personnes fait actuellement
l’objet d’une enquête par la police industrielle de Gazipur. Le comité note que le
gouvernement n’indique pas qu’une quelconque mesure ait été prise pour mener une enquête
sur les allégations dénonçant un recours excessif à la force de la part de la
police.
- 189. Le comité note avec une profonde inquiétude que, dans le contexte
des manifestations susmentionnées qui se sont déroulées entre décembre 2018 et février
2022 et au cours desquelles neuf travailleurs ont perdu la vie et 140 auraient été
blessés, une enquête de police n’a été diligentée que pour un seul et unique décès, et
cela non pas à l’initiative des autorités, mais suite à une plainte déposée par le mari
de la victime. À cet égard, le comité rappelle que, si les principes de la liberté
syndicale ne protègent pas des abus qui consistent en des actes de caractère délictueux
dans l’exercice d’une action de protestation, les travailleurs doivent pouvoir jouir du
droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels et que les
autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans les situations où
l’ordre public serait sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait
rester proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les
gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes
reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les
excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient
troubler l’ordre public. En outre, dans les cas où la dispersion d’assemblées publiques
ou de manifestations par la police entraîne la perte de vies humaines ou des blessures
graves, le comité attache une importance spéciale à ce que l’on procède immédiatement à
une enquête impartiale et approfondie des circonstances et à ce qu’une procédure légale
régulière soit suivie pour déterminer les responsabilités. [Voir Compilation,
paragr. 224, 208, 217 et 104.] Le comité rappelle par ailleurs que, dans les cas où la
dispersion d’assemblées publiques par la police entraîne la perte de vies humaines ou
des blessures graves, il est important qu’il soit immédiatement procédé à une enquête
indépendante. Il prie donc instamment le gouvernement de veiller à ce qu’une enquête
approfondie et indépendante soit menée afin d’établir les circonstances de la mort de
sept travailleurs qui manifestaient sur le chantier de la centrale électrique de
Chattogram le 17 avril 2021, et de déterminer si les blessures infligées à 13 autres
travailleurs lors de la même manifestation résultent d’un recours excessif à la force
par la police ou sont dues à d’autres causes. Il prie en outre instamment le
gouvernement de veiller à ce que des enquêtes soient également menées au sujet des
incidents survenus dans les usines D, E et F, et de le tenir informé des mesures prises
à cet égard et de leurs résultats. Il demande également au gouvernement de fournir des
informations sur l’état d’avancement des poursuites engagées contre des travailleurs des
usines E et F. Le comité espère que le Comité de suivi des cas du Comité de la liberté
syndicale pourra veiller à ce que les mesures nécessaires soient prises afin qu’une
enquête approfondie sur ces incidents soit diligentée et veut croire que les efforts du
gouvernement afin de demander au ministère de l’Intérieur de mettre en place un organe
d’enquête spécifique permettront de réaliser des progrès considérables dans
l’établissement complet des faits et de garantir que de telles situations ne se
reproduiront plus. Il prie également le gouvernement de fournir des informations sur le
statut des affaires en cours contre les travailleurs des usines E et F et la centrale
électrique SS à Banshkhali.
- 190. En ce qui concerne l’état d’avancement des cinq procédures qui
étaient encore en cours contre des travailleurs dans le contexte des manifestations de
salaire minimum en 2018-19, le comité note que le gouvernement fait savoir que quatre
cas sont en instance devant le tribunal, dont un seul a donné lieu au dépôt d’un acte
d’accusation et qu’aucun des accusés n’a été maintenu en détention. Notant que ces
quatre affaires ont été en instance pendant plus de quatre ans, le comité s’attend à ce
qu’elles soient bientôt conclues et prie le gouvernement de le tenir informé de l’état
d’avancement des dossiers.
- 191. En ce qui concerne la formation et les instructions données aux
agents de police et aux autres fonctionnaires de l’État dans le domaine des libertés
civiles, des droits de l’homme et des droits syndicaux, le comité note que le
gouvernement réitère son engagement à cet égard et accueille favorablement l’information
fournie concernant le nombre total des membres de la police industrielle ayant suivi une
formation en cours d’emploi en 2022, entre autres sur les droits des travailleurs. Il
note cependant que le gouvernement ne fournit pas les informations détaillées qu’il lui
avait demandées. Il prie donc à nouveau le gouvernement de lui fournir des informations
précises au sujet de ces formations, en particulier celles dispensées aux forces de
police opérant dans les zones industrielles et les zones franches d’exportation. Le
comité prie également le gouvernement de lui communiquer des copies du programme de
formation en cours d’emploi destiné aux agents de police.
- 192. En ce qui concerne la criminalisation présumée des activités
syndicales dans les usines G et H, et l’état d’avancement de la procédure engagée contre
le secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile et de l’industrie du
Bangladesh (BGIWF) et 23 autres membres du syndicat et dirigeants syndicaux, le comité
note que le gouvernement reprend sa précédente version des événements: le dirigeant
syndical et ses associés ont incité les travailleurs à la violence au cours de la
manifestation du 5 août 2021; le cas fondé sur la plainte du sous-inspecteur de la
police industrielle est en cours de jugement devant le tribunal de première instance de
Gazipur; tous les accusés ont été libérés sous caution et la prochaine audience a été
fixée au 26 décembre 2022. Le gouvernement mentionne également une deuxième plainte liée
à cet incident, qui a été déposée au poste de police par le directeur général de
l’usine H et fait actuellement l’objet d’une enquête. Rappelant qu’il a déjà attiré
l’attention sur le danger que représentent pour le libre exercice des droits syndicaux
des inculpations prononcées à l’encontre de représentants de travailleurs dans le cadre
d’activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants [voir Compilation,
paragr. 154], le comité veut croire que le procès du secrétaire général de la BGIWF et
des 23 autres dirigeants syndicaux et syndicalistes des usines G et H sera instruit
rapidement et que les accusés bénéficieront de toutes les garanties d’une procédure
judiciaire normale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’état
d’avancement de ce dossier.
- 193. Le comité prend note des allégations de la CSI selon lesquelles le
gouvernement n’a pris aucune mesure pour lutter contre la discrimination antisyndicale,
les pratiques de travail déloyales et la violence à l’encontre des travailleurs. La CSI
allègue que, en raison d’années de retard dans le traitement des conflits du travail,
les victimes subissent leur sort sans espoir de remède et que la violation des droits
des travailleurs se poursuit en toute impunité. Le comité note en outre la nouvelle
allégation de l’organisation plaignante concernant le licenciement antisyndical de la
secrétaire à la communication du Syndicat des employés de Grameenphone (GPEU) et de
plusieurs autres membres de ce même syndicat en 2012, allégation dans laquelle il est
indiqué que l’action au civil intentée par la secrétaire à la communication du syndicat
contre l’entreprise pour contester ce licenciement est, dix ans après, toujours en
instance devant le tribunal du travail. Le comité note que le gouvernement ne répond pas
à cette allégation mais fournit des informations générales concernant le droit des
travailleurs lésés de porter plainte auprès du Département du travail (DOL), ainsi que
l’information concernant les formations en matière de pratiques de travail déloyales et
la discrimination antisyndicale dispensées aux fonctionnaires du gouvernement et du
pouvoir judiciaire, à la police industrielle et aux représentants des travailleurs et
des employeurs. Le comité note en outre que l’affaire portant sur la discrimination
antisyndicale dans l’usine C, en instance depuis 2021, est toujours en cours au tribunal
du travail. Notant que, selon le gouvernement, le DOL a été saisi de 199 plaintes pour
discrimination antisyndicale entre 2013 et 2022, le comité rappelle que le gouvernement
a la responsabilité de prévenir tout acte de discrimination antisyndicale et doit
veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient
examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée
comme telle par les parties intéressées. [Voir Compilation, paragr. 1138.] Le comité
demande une fois encore au gouvernement de rester vigilant face aux allégations
dénonçant toutes les formes de discrimination antisyndicale, notamment les
licenciements, l’inscription de syndicalistes sur liste noire, et l’ingérence de la
police dans les activités syndicales, afin de pouvoir assurer rapidement un examen
rigoureux de ces allégations. Il invite le gouvernement à faire part de ses observations
au sujet de l’allégation concernant le licenciement antisyndical de la secrétaire à la
communication du GPEU et la longue procédure judiciaire à laquelle a donné lieu sa
plainte, et à fournir des informations sur l’état d’avancement du procès en cours
concernant des pratiques antisyndicales dans l’usine C.
- 194. Le comité note que, en ce qui concerne les allégations selon
lesquelles des travailleurs de l’entreprise A auraient été contraints de démissionner et
inscrits sur une liste noire en raison de leurs activités syndicales, le gouvernement
réitère sa déclaration antérieure, dans laquelle il indiquait que les accusés avaient
été acquittés en janvier 2021 et que le cas avait été réglé par un accord amiable entre
les parties. En ce qui concerne l’allégation dénonçant le licenciement et l’inscription
sur liste noire d’un travailleur de l’entreprise B, le comité note que le gouvernement
précise que le travailleur concerné a été réintégré et qu’il est coprésident du syndicat
de l’entreprise depuis 2017. En ce qui concerne l’intervention de la police qui aurait
perturbé une réunion de la Fédération syndicale indépendante des travailleurs de la
confection du Bangladesh (BIGUF) qui se tenait à Chattogram en septembre 2021, le comité
note que le gouvernement affirme catégoriquement que cet acte d’ingérence n’a jamais eu
lieu. Rappelant qu’il avait invité les organisations plaignantes à fournir des
informations supplémentaires sur ces cas, étant donné que les informations soumises par
le gouvernement contredisaient les allégations [voir 400e rapport, paragr. 109 h)], et
constatant qu’aucune nouvelle information ne lui a été communiquée, le comité ne
poursuivra pas l’examen de ces questions dans le cadre du présent cas.
- 195. Plus généralement, le comité note que les allégations mises en avant
dans le cadre de ce cas relèvent d’un contexte de relations tendues et de conflits entre
travailleurs et employeurs dans plusieurs entreprises. Prenant note de la référence du
gouvernement au travail en cours sur une PON de conciliation dans les conflits de
travail, le comité veut croire que cela facilitera la résolution expéditive et effective
des conflits de travail. Il prie le gouvernement de le tenir informé de la validation
finale et de la mise en œuvre de la PON de conciliation dans les conflits de
travail.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 196. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité espère
fermement que les deux procédures en instance engagées contre des travailleurs à la
suite de la grève d’Ashulia de 2016 seront conclues sans plus tarder et prie le
gouvernement de le tenir informé de l’issue de ces dossiers.
- b) Le comité
s’attend fermement à ce que le nouveau «Comité de suivi des cas du Comité de la
liberté syndicale» accélère effectivement la résolution des questions très graves
dont le comité est saisi depuis longtemps, et en particulier le comité s’attend à ce
qu’il prenne les mesures nécessaires afin de garantir qu’une enquête indépendante
concernant les allégations de mauvais traitements dont auraient été victimes des
syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève d’Ashulia de 2016 soit
ouverte sans délai. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures
prises à ce sujet.
- c) Le comité prie à nouveau le gouvernement de
communiquer ses observations sur les allégations supplémentaires présentées par les
organisations plaignantes en février 2020 qui faisaient état de représailles
massives contre des travailleurs à la suite des manifestations de 2018-19
(licenciements, humiliation publique, diffamation et inscription sur une liste
noire) et du fait que des syndicalistes font régulièrement l’objet de mesures de
contrôle, de surveillance et d’actes d’intimidation. Le comité prie le gouvernement
de prendre les mesures nécessaires pour traiter et prévenir toutes les formes de
représailles, d’intimidation, de harcèlement et de surveillance à l’encontre de
travailleurs fondées sur l’appartenance syndicale ou l’exercice d’activités
syndicales légitimes.
- d) Le comité accueille favorablement l’engagement
constant du gouvernement et l’information fournie concernant le nombre des
formations dispensées aux policiers en 2022 et prie le gouvernement de fournir plus
de précisions sur les formations relatives aux libertés civiles, aux droits de
l’homme et aux droits syndicaux dispensées aux officiers de police et aux autres
agents de l’État, en particulier aux forces de police opérant dans les zones
industrielles et les zones franches d’exportation. Le comité prie également le
gouvernement de lui fournir une copie du programme de formation en cours d’emploi
des agents de police.
- e) Le comité prie instamment le gouvernement de
veiller à ce qu’une enquête approfondie et indépendante soit ouverte afin d’élucider
les circonstances de la mort des sept travailleurs tués pendant la manifestation au
chantier de la centrale électrique situé à Banshkhali, Chattogram le 17 avril 2021
et de déterminer si les blessures infligées à 13 autres travailleurs au cours de la
même manifestation résultaient de l’usage excessif de la force par la police ou
étaient dues à d’autres causes. En outre, le comité prie instamment le gouvernement
de veiller à ce que de telles enquêtes soient ouvertes concernant les incidents dans
les usines D, E et F, de même que sur les allégations concernant le recours excessif
à la force lors des manifestations relatives au salaire minimum de 2018-19 et de le
tenir informé des mesures prises à cet égard et leur aboutissement. Le comité prie à
nouveau instamment le gouvernement de lui communiquer des informations sur le
résultat de l’enquête qui, selon de précédentes indications du gouvernement, avait
été menée sur le meurtre d’une travailleuse commis durant les manifestations
relatives au salaire minimum. Le comité espère que le Comité de suivi des cas du
Comité de la liberté syndicale pourra veiller à ce que les mesures nécessaires
soient prises afin qu’une enquête approfondie sur ces incidents soit diligentée et
veut croire que les efforts du gouvernement afin de demander au ministère de
l’Intérieur de mettre en place un organe d’enquête spécifique permettront de
réaliser des progrès considérables dans l’établissement complet des faits et de
garantir que de telles situations ne se reproduiront plus.
- f) Le comité prie
le gouvernement de le tenir informé de la validation définitive et de la mise en
œuvre de la procédure opérationnelle normalisée de conciliation dans les conflits de
travail.
- g) Le comité s’attend à ce que les quatre affaires toujours en
instance contre des travailleurs en rapport avec les manifestations du salaire
minimum de 2018 19 seront bientôt conclues et prie le gouvernement de le tenir
informé de l’état d’avancement de ces dossiers. Il prie en outre le gouvernement de
lui fournir des informations sur l’état d’avancement des procédures en instance
contre des travailleurs des usines E et F et la centrale électrique SS à
Banshkhali.
- h) Le comité s’attend à ce que le procès du secrétaire général
de la Fédération des travailleurs du textile et de l’industrie du Bangladesh (BGIWF)
et des 23 autres dirigeants syndicaux et syndicalistes des usines G et H sera mené
promptement et que les personnes concernées bénéficieront de toutes les garanties
d’une procédure judiciaire normale. Il prie le gouvernement de le tenir informé de
l’état d’avancement du dossier
- i) Le comité prie le gouvernement de rester
vigilant face aux allégations dénonçant tous les types de discrimination
antisyndicale, notamment les licenciements, l’inscription de syndicalistes sur une
liste noire et l’ingérence de la police dans les activités syndicales, afin qu’il
soit en mesure d’assurer rapidement un examen rigoureux de ces allégations. Il
invite le gouvernement à présenter ses observations au sujet de l’allégation
concernant le licenciement antisyndical de la secrétaire à la communication du
Syndicat des employés de Grameenphone (GPEU) et de la longue procédure judiciaire à
laquelle sa plainte a donné lieu, et à fournir des informations sur l’état
d’avancement de la procédure concernant les pratiques antisyndicales dans
l’usine C.
- j) Le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur
le caractère grave et urgent du présent cas.