Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent l’exclusion injustifiée du
SINTHORESP de la représentation des travailleurs des établissements de restauration rapide
de la commune de São Paulo ainsi que la condamnation de cette organisation à une amende pour
avoir demandé en justice le versement de cotisations syndicales
- 187. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de
mai-juin 2018 et, à cette occasion, il a présenté un rapport intérimaire au Conseil
d’administration. [Voir 386e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, à sa
333e session (juin 2018), paragr. 121 à 133 .]
- 188. Les organisations plaignantes ont fait parvenir des informations
complémentaires dans des communications reçues les 31 mai et 25 septembre 2018.
- 189. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des
communications en date des 25 mai et 23 octobre 2018, du 30 septembre 2019 et du
1er février 2021.
- 190. Le Brésil n’a pas ratifié la convention (nº 87) sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais il a ratifié la convention
(nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la
convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 191. À sa réunion de juin 2018, le comité a formulé la recommandation
intérimaire ci-après concernant les allégations présentées par les organisations
plaignantes [voir 386e rapport, paragr. 133]:
- Tout en rappelant l’importance
qu’il attache à ce que les travailleurs puissent choisir librement l’organisation
qui les représente, le comité prie le gouvernement de lui communiquer dans les plus
brefs délais ses observations sur les allégations de l’organisation plaignante
relatives à son exclusion de la représentation des travailleurs des établissements
de restauration rapide de l’État de São Paulo, y compris des informations sur les
procédures et décisions ayant conduit à ladite exclusion; le comité demande
également à l’organisation plaignante de fournir de plus amples informations sur son
degré de représentativité dans l’État de São Paulo en général et dans les
établissements de restauration rapide de cet État en particulier ainsi que des
informations actualisées sur l’action en justice que le SINDIFAST aurait intentée
contre le SINTHORESP.
B. Informations complémentaires
B. Informations complémentaires- 192. Dans deux communications reçues les 31 mai et 25 septembre 2018, le
SINTHORESP fournit une série d’informations complémentaires sur les différents aspects
du présent cas. L’organisation plaignante souhaite en premier lieu préciser que: i) le
conflit de représentation qui oppose le SINTHORESP au SINDIFAST ne concerne pas les
établissements de restauration rapide de l’État de São Paulo mais ceux de la commune de
São Paulo, zone dans laquelle on compte un grand nombre de restaurants de ce type; et
ii) les cotisations syndicales prélevées sur le salaire des membres du SINTHORESP pour
être reversées au SINDIFAST ne sont pas, comme l’indique à tort le gouvernement, des
cotisations «obligatoires», qui portent atteinte aux principes de l’OIT et ont été de
fait interdites par la réforme législative de 2017, mais des cotisations instituées par
voie de convention collective et qui sont versées par les travailleurs qui ne sont pas
membres du syndicat mais qui bénéficient de la convention collective (cotisations dites
«de solidarité»).
- 193. Le SINTHORESP évoque ensuite le litige qui l’oppose au SINDIFAST et
allègue à cet égard que: i) les transferts de cotisations syndicales effectués par
plusieurs établissements de restauration rapide de la commune de São Paulo au bénéfice
du SINDIFAST et non du SINTHORESP sont frauduleux et ne résultent pas de la volonté des
travailleurs concernés, critère fondamental en matière de liberté syndicale dont les
instances judiciaires ne tiennent pas compte; ii) le SINTHORESP représente les
travailleurs de la restauration rapide dans 35 autres communes; iii) la création du
SINDIFAST a donné lieu à des ingérences extérieures de la part d’entreprises, ce qui est
contraire à la convention no 98 ratifiée par le Brésil; et iv) la convention collective
signée par le SINDIFAST a entraîné une détérioration des conditions de travail et une
réduction de 40 pour cent des salaires des travailleurs concernés, ce qui démontre le
manque de représentativité de cette organisation syndicale.
- 194. Enfin, l’organisation plaignante fait également référence au fait
que le SINDIFAST a intenté une série d’actions en justice pour réclamer l’exclusion du
SINTHORESP de la représentation des travailleurs de plusieurs établissements de
restauration rapide, les cotisations syndicales correspondant à ces établissements et la
condamnation du SINTHORESP à une très lourde amende. L’organisation plaignante affirme
que, dans ce contexte, les tribunaux du travail demandent au SINTHORESP de verser
22 millions de reais brésiliens, mettant ainsi en danger l’existence même de
l’organisation syndicale.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 195. Dans sa communication des 25 mai et 23 octobre 2018, le gouvernement
répond à la recommandation formulée par le comité dans son premier examen du cas et aux
informations complémentaires communiquées par le SINTHORESP. Le gouvernement se réfère
en premier lieu aux allégations de l’organisation plaignante relatives à son exclusion
de la représentation des travailleurs des établissements de restauration rapide de la
commune de São Paulo, en fournissant des informations sur les procédures et décisions
ayant conduit à ladite exclusion. Le gouvernement déclare à cet égard que: i) en vertu
de l’article 8 de la Constitution de 1988, le ministère du Travail ne peut intervenir
dans l’organisation et le fonctionnement des organisations syndicales, toute
autorisation préalable à leur création étant interdite; ii) en même temps, en vertu du
précédent (súmula) no 677 de la Cour suprême fédérale, le ministère du Travail est
chargé d’enregistrer les organisations syndicales et de veiller au respect du principe
de l’unicité syndicale; iii) par contre, il n’appartient pas au ministère d’évaluer la
représentativité des syndicats au-delà de ce qui est implicitement prévu par les
dispositions légales; iv) la législation brésilienne ne contient pas de critères
spécifiques de détermination de la représentativité des syndicats; v) la Constitution
(article 8.2) consacre en revanche le principe de l’unicité syndicale interdisant la
constitution de plus d’une organisation syndicale, quel que soit son niveau, pour
représenter la même catégorie professionnelle ou économique, sur une même base
territoriale; vi) conformément à ce principe, l’article 571 du Recueil des lois du
travail établit le principe de spécificité autorisant la constitution d’une nouvelle
organisation syndicale exerçant des activités plus spécifiques que l’organisation
existante, ce qui peut conduire à une situation dans laquelle deux syndicats peuvent
solliciter le droit de représenter la même catégorie de travailleurs; et vii) la
doctrine et la jurisprudence dominante considèrent que le principe de spécificité doit
prévaloir sur celui de territorialité.
- 196. Après avoir décrit les règles et critères généraux applicables à la
détermination de la représentativité syndicale, le gouvernement se réfère à l’arrêt du
Tribunal suprême du travail, qui a décidé d’accorder au SINDIFAST le pouvoir de
représenter les travailleurs de la restauration rapide dans la commune de São Paulo. Le
gouvernement indique à cet égard que cette décision du 3 août 2016 était fondée sur le
principe de spécificité susmentionné et que la haute juridiction a estimé que le
SINDIFAST jouissait d’une plus grande légitimité pour représenter les travailleurs de
cette catégorie du fait qu’il représentait exclusivement les salariés des établissements
de restauration rapide.
- 197. Se référant aux allégations des organisations plaignantes relatives
aux amendes d’un montant excessif que les tribunaux ont infligées au SINTHORESP, le
gouvernement indique que: i) il respecte pleinement l’indépendance du pouvoir
judiciaire; ii) les tribunaux ont infligé des amendes au SINTHORESP au motif que
l’organisation avait recouru de mauvaise foi à la justice en intentant de multiples
actions identiques alors qu’elle en connaissait à l’avance l’issue; et iii) cela n’a pas
empêché certaines de ces actions d’aboutir à la condamnation de l’entreprise au paiement
des frais de justice.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 198. Le comité rappelle que le présent cas porte sur la situation d’un
syndicat du secteur de la restauration – le SINTHORESP – qui dans le contexte du
mécanisme légal d’«encadrement syndical» a perdu le droit de représenter les
travailleurs des établissements de restauration rapide de la commune de São Paulo en
faveur du SINDIFAST, décision que les organisations plaignantes estiment injustifiée car
elles affirment que le SINDIFAST n’est pas suffisamment représentatif.
- 199. Le comité prend note des informations complémentaires fournies par
les organisations plaignantes, selon lesquelles: i) les travailleurs concernés n’ont pas
fait part de leur volonté que leurs cotisations syndicales soient reversées au
SINDIFAST; ii) le SINTHORESP représente les travailleurs de la restauration rapide dans
35 autres communes; iii) la création du SINDIFAST a entraîné des ingérences extérieures
de la part d’entreprises, ce qui est contraire à la convention no 98 ratifiée par le
Brésil; et iv) la convention collective signée par le SINDIFAST a entraîné une
détérioration considérable des conditions de travail et de rémunération des travailleurs
concernés, ce qui démontre le manque de représentativité de cette organisation
syndicale. Le comité note que, de son côté, le gouvernement déclare que: i) si c’est
bien au ministère du Travail qu’il incombe d’enregistrer les organisations syndicales et
de veiller au respect du principe de l’unicité syndicale (interdisant la constitution de
plus d’une organisation syndicale, quel que soit son niveau, pour représenter la même
catégorie professionnelle ou économique, sur une même base territoriale), il ne lui
appartient pas en revanche de procéder à un examen de la représentativité des syndicats
au-delà de ce qui est implicitement prévu par les dispositions légales; ii) la
législation brésilienne ne comporte pas de critères spécifiques pour la détermination de
la représentativité des syndicats; iii) conformément au principe de l’unicité syndicale
consacré par la Constitution, l’article 571 du Recueil des lois du travail établit le
principe de spécificité autorisant la constitution d’une nouvelle organisation syndicale
exerçant des activités plus spécifiques que l’organisation existante; et iv) le Tribunal
suprême du travail s’est fondé sur le principe de spécificité susmentionné pour accorder
au SINDIFAST le pouvoir de représenter les travailleurs de la restauration rapide,
estimant que cette organisation jouissait d’une plus grande légitimité du fait qu’il
représentait exclusivement les salariés de ce type de restaurants.
- 200. Le comité prend note de ces différents éléments. Il rappelle que le
conflit de représentation entre le SINTHORESP et le SINDIFAST intervient dans le
contexte du système brésilien de relations collectives du travail régi par le principe
de l’unicité syndicale, selon lequel une seule organisation syndicale peut valablement
représenter, sur une base territoriale correspondant au moins au niveau communal, une
catégorie donnée de travailleurs. Le comité observe également que le principe de
l’unicité syndicale, qui a fait l’objet de recommandations du comité dans des cas
antérieurs en raison des restrictions qu’il impose au droit des travailleurs de
constituer le syndicat de leur choix et d’y adhérer [voir, par exemple, 325e rapport,
cas no 2099, paragr. 193], n’empêche pas la survenue de conflits de représentation
lorsque deux organisations syndicales prétendent être les plus aptes à représenter une
catégorie donnée de travailleurs. Le comité note également que ce type de conflit peut
se produire en particulier lorsque, comme dans le présent cas, un nouveau syndicat est
créé dont le champ d’action est plus limité que celui du syndicat existant.
- 201. Le comité note que, dans le contexte du conflit de représentation
entre le SINTHORESP et le SINDIFAST, ni les organisations plaignantes ni le gouvernement
ne fournissent de données spécifiques permettant d’évaluer la représentativité
respective de ces deux organisations et que, en particulier, ces dernières ne
fournissent pas d’indications sur le nombre de leurs membres dans le secteur de la
restauration rapide de la commune de São Paulo. Le comité observe également que, de la
même manière, l’arrêt du Tribunal suprême du travail cité par le gouvernement, qui
accorde le pouvoir de représentation au SINDIFAST, est fondé sur le principe de
spécificité du fait de la concentration exclusive de cette organisation sur la
restauration rapide.
- 202. Le comité rappelle à cet égard que les travailleurs et les
employeurs devraient en pratique pouvoir choisir librement quelles organisations les
représentent dans les négociations collectives. [Voir Compilation des décisions du
Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1359.] Le comité rappelle
également que: i) afin d’encourager le développement harmonieux des négociations
collectives et d’éviter les conflits, on devrait toujours appliquer, lorsqu’elles
existent, les procédures destinées à désigner les syndicats les plus représentatifs aux
fins de négociation collective quand on ne sait pas clairement par quels syndicats les
travailleurs désirent être représentés. Au cas où ces procédures feraient défaut, les
autorités devraient, le cas échéant, examiner la possibilité d’instituer des règles
objectives à cet égard; ii) la détermination des organisations susceptibles de signer
seules des conventions collectives devrait être établie sur la base d’un double critère:
celui de la représentativité et celui de l’indépendance; selon le comité, les
organisations répondant à ces critères devraient être déterminées par un organisme
présentant toutes garanties d’indépendance et d’objectivité; et iii) là où, selon les
systèmes en vigueur, le syndicat le plus représentatif jouit de droits préférentiels ou
exclusifs de négociation, il importe que ce syndicat soit déterminé d’après des critères
objectifs et fixés d’avance, afin d’éviter toute possibilité de partialité ou d’abus.
[Voir Compilation, paragr. 1382, 1374 et 1369.] À la lumière de ces critères, le comité
espère que les conflits de représentation, y compris le présent cas, seront résolus en
appliquant des critères de représentativité objectifs et fixés d’avance par le
gouvernement en consultation avec les partenaires sociaux, en tenant dûment compte de la
volonté des travailleurs concernés.
- 203. Le comité note en outre l’indication du gouvernement selon laquelle
la législation nationale n’établit pas de critères de représentativité qui permettraient
de régler les conflits de représentation pouvant impliquer plusieurs organisations
syndicales et observe que cette absence peut entraver le droit des travailleurs d’être
représentés dans la négociation collective par le syndicat de leur choix. Le Brésil
ayant ratifié les conventions nos 98 et 154, le comité soumet les aspects législatifs du
présent cas à la Commission d’experts pour l’applications des conventions et
recommandations (CEACR).
- 204. En ce qui concerne la demande du comité adressée aux organisations
plaignantes pour qu’elles fournissent des informations actualisées sur l’action en
justice que le SINDIFAST aurait engagée contre le SINTHORESP, le comité note que les
organisations plaignantes allèguent ce qui suit: i) dans le cadre des actions en justice
engagées par le SINDIFAST pour exclure le SINTHORESP de la représentation de plusieurs
autres établissements de restauration rapide, le SINDIFAST a demandé que les cotisations
syndicales correspondant à ces établissements lui soient versées et que le SINTHORESP
soit condamné à une très lourde amende; ii) dans ce contexte, les tribunaux du travail
ont condamné le SINTHORESP à une amende de 22 millions de reais, mettant ainsi en péril
l’existence même de l’organisation syndicale. Le comité note que, de son côté, le
gouvernement ne fait pas référence aux poursuites engagées par le SINDIFAST contre le
SINTHORESP, mais se contente de rappeler que la peine d’amende infligée au SINTHORESP
par la justice était fondée sur le fait que l’organisation syndicale avait recouru de
mauvaise foi aux procédures judiciaires. Tout en notant qu’il ne dispose pas des
informations qui lui permettraient de se prononcer spécifiquement sur les procédures en
cours entre les deux organisations, le comité veut croire que l’application de critères
de représentativité clairs et fixés d’avance, dont il est question dans les paragraphes
précédents, permettra de résoudre le conflit susmentionné dans le respect de la liberté
syndicale.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 205. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Compte tenu du fait
que la législation nationale n’établit pas de critères de représentativité qui
permettraient de régler les conflits de représentation pouvant impliquer plusieurs
organisations syndicales, le comité espère que les conflits de représentation, y
compris le présent cas, seront résolus en appliquant des critères de
représentativité objectifs et fixés d’avance par le gouvernement en consultation
avec les partenaires sociaux, en tenant dûment compte des souhaits des travailleurs
concernés.
- b) Le comité renvoie les aspects législatifs du présent cas à la
CEACR.
- c) Le comité considère que le présent cas est clos et qu’il n’appelle
pas un examen plus approfondi.