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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 399, Juin 2022

Cas no 3375 (Panama) - Date de la plainte: 18-NOV. -19 - En suivi

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce une ingérence du gouvernement, qui a imposé que la négociation collective d’une nouvelle convention dans une entreprise transnationale d’exportation d’ananas soit menée avec un syndicat considéré comme complaisant

  1. 230. La plainte figure dans une communication en date du 18 novembre 2019.
  2. 231. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications datées du 30 août 2021 et du 25 avril 2022.
  3. 232. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 233. Dans sa communication datée du 18 novembre 2019, l’organisation plaignante dénonce une ingérence du gouvernement, qui a imposé dans l’entreprise agricole d’exportation d’ananas Ananas Trading INC Panamá S.A. (ci-après «l’entreprise»), basée au Panama, que la négociation collective d’une nouvelle convention se fasse avec un syndicat «complaisant» vis-à-vis de l’entreprise (le Syndicat des travailleurs d’Ananas Trading INC (SITRAATI)), au détriment du Syndicat de l’industrie agroalimentaire et activités connexes du Panama (SITAIP), qui est affilié à la Confédération unifiée des travailleurs du Panama.
  2. 234. L’organisation plaignante allègue que, le 11 juin 2019, quelques semaines avant l’expiration de la convention collective en vigueur dans l’entreprise, le SITRAATI a essayé de faire enregistrer, de manière irrégulière, une convention collective. Le 12 juin, le SITAIP a présenté un cahier de revendications en vue de la négociation d’une nouvelle convention avec l’entreprise, qui lui a été renvoyé sur résolution de la Direction régionale du travail du Panama-Ouest (DRTPO) en date du 29 juin 2019. Le 3 juillet 2019, le SITAIP a contesté la décision devant le ministère du Travail et du Développement social (MITRADEL), mais comme celui-ci tardait à résoudre le conflit, les travailleurs ont entamé une grève, qui a été suivie par plus de 360 membres du personnel de l’entreprise. Le 18 juillet, la ministre du Travail a annulé la résolution de la DRTPO et a mis les deux syndicats en concurrence, alors que, selon l’organisation plaignante, il était établi que le SITAIP est le syndicat majoritaire dans l’entreprise, comme le montre le fait que plus de 137 travailleurs ont fait une déclaration sur l’honneur, signée et accompagnée du numéro de leur pièce d’identité, attestant qu’ils n’avaient jamais été membres du SITRAATI.
  3. 235. L’organisation plaignante allègue que le MITRADEL n’a pas tenu compte du fait que le SITAIP était majoritaire et s’est prononcé en faveur du SITRAATI, dans l’intention délibérée de favoriser une organisation proche de l’entreprise, perpétuant ainsi de mauvaises pratiques qui sont contraires à la démocratie syndicale et bafouent les droits des travailleurs de l’industrie agroalimentaire.
  4. 236. L’organisation plaignante allègue en outre que le SITAIP a présenté dans l’intervalle un deuxième cahier de revendications, cette fois pour violation de la loi, et qu’il a accompli les formalités de dépôt d’un préavis de grève pour le 8 novembre 2019. Le 7 novembre 2019, cependant, la direction du MITRADEL au Panama-Ouest, sur instruction des services centraux du ministère, a pris une décision de suspension du processus, en violation du droit de grève des travailleurs.
  5. 237. L’organisation plaignante indique enfin que, compte tenu des mesures prises par le MITRADEL, elle a demandé au Bureau du médiateur du Panama d’organiser une réunion, au cours de laquelle il a été décidé que cette institution enquêterait sur ce cas, qui serait parallèlement porté devant d’autres instances.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 238. Dans sa communication du 30 août 2021, le gouvernement transmet ses observations selon lesquelles: i) le SITAIP a présenté à la DRTPO, le 12 juin 2019, un cahier de revendications en vue de la négociation d’une convention collective; ii) par décision no 0.14 MC DRTPO 19, la DRTPO a renvoyé le cahier de revendications présenté par le SITAIP et ordonné le classement du dossier au motif qu’une convention collective était en train d’être négociée directement avec le SITRAATI; iii) en désaccord avec la décision de la DRTPO, le SITAIP a présenté un recours contre celle-ci auprès du bureau supérieur du MITRADEL; iv) par la résolution no DM 312 2019 du 17 juillet 2019, la ministre du Travail a révoqué dans sa totalité la décision no 0.14 MC DRTPO 19 et ordonné l’application des règles énoncées à l’article 402 du Code du travail ainsi que le renvoi du dossier à la direction d’origine (la DRTPO), aux fins de traitement; v) faisant valoir que le SITAIP avait présenté un cahier de revendications alors qu’une convention collective était en train d’être négociée directement par le SITRAATI, la DRTPO (section de la médiation collective), par la note no 2172 DRTPO MC 19 du 2 août 2019, a constaté la présence concomitante de plusieurs cahiers de revendications, situation relevant de l’article 402 du Code du travail, et demandé que soit déterminé lequel des deux syndicats comptait le plus grand nombre de membres, en vue de son accréditation pour l’ouverture de la négociation; vi) par la note no 2524 MC DRTPO 19 du 16 septembre 2019, la DRTPO a indiqué que le département des organisations sociales avait communiqué l’information demandée le 10 septembre 2019 et que le SITAIP et le SITRAATI comptaient respectivement 61 et 132 membres dans l’entreprise; le SITRAATI a par conséquent été désigné pour mener la négociation des cahiers de négociations rassemblés en un seul, en vue de la conclusion d’une nouvelle convention collective; vii) à la suite du recours présenté par le SITAIP contre la note mentionnée, la DRTPO a réaffirmé sa décision antérieure et confirmé que la responsabilité de négocier le cahier de revendications présenté par le SITAIP le 12 juin 2019 et celui présenté par le SITRAATI le 11 juin 2019 revenait au SITRAATI; et viii) dans le procès-verbal de la séance d’ouverture des négociations, le 18 septembre 2019, dans les locaux de la DRTPO, il est mentionné que le SITRAATI, fort de 132 membres, pouvait de ce fait réactiver la convention collective existante et la faire enregistrer auprès du département des organisations sociales de la Direction du travail du MITRADEL. Dans sa communication du 25 avril 2022, le gouvernement précise que la convention collective est enregistrée auprès de la direction générale du travail sous le numéro 60/19 du 12 novembre 2019.
  2. 239. Le gouvernement indique en outre que, le 27 septembre 2019, le SITAIP a présenté un autre cahier de revendications contre l’entreprise, pour violation et non-respect du Code du travail, et qu’il a déposé le 30 octobre 2019 un préavis de grève à partir du 8 novembre 2019. Alors que le dialogue avec le SITAIP se poursuivait et que le département de l’inspection était sollicité pour apporter son appui sur le point du préavis, la grève a été suspendue sur décision du MITRADEL.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 240. Le comité observe que ce cas concerne d’une part une situation de présence concomitante de plusieurs cahiers de revendications et de conflit de représentativité dans une entreprise d’exportation d’ananas et, d’autre part, la suspension d’une grève à laquelle avait appelé l’un des deux syndicats concernés.
  2. 241. Sur la présence concomitante de plusieurs cahiers de revendications, le comité note que l’organisation plaignante dénonce une ingérence du gouvernement, qui a imposé que la négociation d’une nouvelle convention collective dans l’entreprise se fasse avec un syndicat (le SITRAATI) que l’organisation plaignante considère comme «complaisant» vis-à-vis de cette entreprise, au détriment du syndicat de branche, le SITAIP. Le comité note que l’organisation plaignante allègue en particulier que: i) le 12 juin 2019, le SITAIP a présenté un cahier de revendications en vue de la négociation d’une nouvelle convention collective avec l’entreprise et que celui-ci lui a été renvoyé sur résolution de la DRTPO en date du 29 juin 2019, alors que, dans le même temps, le SITRAATI essayait de son côté de faire enregistrer, de manière irrégulière, une convention collective dans l’entreprise; ii) le 3 juillet 2019, le SITAIP a contesté la décision devant le MITRADEL, mais comme celui-ci tardait à résoudre le conflit, les travailleurs ont entamé une grève, qui a été suivie par plus de 360 membres du personnel de l’entreprise; et iii) le 18 juillet, la ministre du Travail a annulé la résolution de la DRTPO et a mis les deux syndicats en concurrence, alors que, selon l’organisation plaignante, il était établi que le SITAIP est le syndicat majoritaire dans l’entreprise.
  3. 242. Le comité note que, de son côté, le gouvernement indique que: i) la DRTPO, par décision no 0.14 MC DRTPO 19, a renvoyé le cahier de revendications présenté par le SITAIP en juin 2019, au motif qu’une convention collective était en train d’être négociée directement avec le SITRAATI; ii) en réponse au recours présenté par le SITAIP contre la décision susmentionnée, la ministre du Travail, par la résolution no DM 312 2019 du 17 juillet 2019, a révoqué la décision no 0.14 MC DRTPO 19; iii) faisant valoir que le SITAIP avait présenté un cahier de revendications alors qu’une convention collective était en train d’être négociée directement par le SITRAATI, la DRTPO (section de la médiation collective), par une note du 2 août 2019, a constaté la présence concomitante de plusieurs cahiers de revendications, situation relevant de l’article 402 du Code du travail, et demandé que soit déterminé lequel des deux syndicats comptait le plus grand nombre de membres, en vue de son accréditation pour l’ouverture de la négociation; et iv) sur la base des informations communiquées par le département des organisations sociales de la Direction du travail du MITRADEL, selon lesquelles le SITAIP et le SITRAATI comptaient respectivement 61 et 132 membres dans l’entreprise, la DRTPO a considéré en deux occasions qu’il revenait au SITRAATI de négocier le cahier de revendications qu’il avait présenté le 11 juin 2019 ainsi que celui présenté par le SITAIP le 12 juin 2019, et aussi que ce syndicat pouvait, en tant que syndicat majoritaire, réactiver la convention collective existante et la faire enregistrer auprès du département des organisations sociales de la Direction du travail du MITRADEL.
  4. 243. Le comité prend note de ces éléments. Il observe que le présent cas porte sur un conflit intersyndical entre le SITAIP et le SITRAATI à l’occasion de la renégociation de la convention collective en vigueur, un mois avant qu’elle ne vienne à expiration. Le comité rappelle qu’une situation qui n’implique pas de différend entre le gouvernement et les organisations syndicales, mais ne résulte que d’un conflit au sein même du mouvement syndical, est du seul ressort des parties intéressées. Le comité rappelle également que, dans des cas de conflits internes à une organisation syndicale, le comité a signalé que l’intervention de la justice permettrait de clarifier la situation du point de vue légal et de normaliser la gestion et la représentation de l’organisation en cause. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1610 et 1615.] Le comité observe d’une part que l’organisation plaignante allègue que le MITRADEL n’a pas tenu compte du fait que le SITAIP était majoritaire et s’est prononcé en faveur du SITRAATI, dans l’intention de favoriser une organisation proche de l’entreprise, et d’autre part que le gouvernement déclare n’avoir fait qu’appliquer les dispositions pertinentes du Code du travail, à savoir celles de l’article 402 relatif à la présence concomitante de plusieurs cahiers de revendications, et avoir agi sur la base des informations fournies par le département des organisations sociales, selon lesquelles le SITRAATI, avec plus du double du nombre de membres, est plus représentatif que le SITAIP. Le comité observe à cet égard que le MITRADEL a annulé la décision par laquelle la DRTPO avait initialement renvoyé le cahier de revendications présenté par le SITAIP, en attendant que la représentativité des syndicats soit établie, mais que les chiffres relatifs aux effectifs des deux organisations sur lesquels le MITRADEL s’est fondé pour déclarer que le SITRAATI était plus représentatif continuent d’être contestés par le SITAIP.
  5. 244. Le comité rappelle que sont compatibles avec la convention no 98 tant le système du négociateur unique (l’organisation la plus représentative) que celui d’une délégation composée de toutes les organisations ou seulement des plus représentatives en fonction de critères clairs définis au préalable pour déterminer les organisations habilitées à négocier. Le comité rappelle également que là où, selon les systèmes en vigueur, le syndicat le plus représentatif jouit de droits préférentiels ou exclusifs de négociation, il importe que ce syndicat soit déterminé d’après des critères objectifs et fixés d’avance, afin d’éviter toute possibilité de partialité ou d’abus. Il rappelle également que des critères objectifs, précis et préétablis pour déterminer la représentativité d’une organisation d’employeurs ou de travailleurs doivent exister dans la législation, et que cette appréciation ne saurait être laissée à la discrétion des gouvernements. [Voir Compilation, paragr. 1360, 1369 et 530.] À cet égard, le comité observe que l’article 402 du Code du travail prévoit que lorsque plusieurs cahiers de revendications sont présentés concomitamment et que les syndicats ne se mettent pas d’accord, la responsabilité de négocier collectivement revient au syndicat comptant le plus grand nombre de membres dans l’entreprise. Le comité rappelle aussi que la volonté de s’assurer du caractère représentatif d’un syndicat ou de le vérifier se concrétise le mieux lorsqu’il existe de fortes garanties en matière de secret et d’impartialité. Par conséquent, la vérification du caractère représentatif d’un syndicat doit être effectuée par un organe indépendant et impartial. [Voir Compilation, paragr. 533.] Compte tenu du fait que l’organisation plaignante remet en cause l’évaluation du caractère représentatif réalisée par l’administration du travail, le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de préciser si le SITAIP a eu la possibilité de contester devant les tribunaux la décision du MITRADEL relative à ce conflit de représentativité et, si cela est le cas, de communiquer des informations sur le résultat de cette procédure. Notant aussi que l’organisation plaignante indique qu’elle s’est adressée au Bureau du médiateur à propos des allégations selon lesquelles le gouvernement aurait favorisé le SITRAATI, le comité prie également le gouvernement et l’organisation plaignante de fournir des informations sur le résultat des investigations menées.
  6. 245. En ce qui concerne le préavis de grève déposé par le SITAIP le 30 octobre 2019 dans le cadre de son cahier de revendications pour violation de la loi, le comité note que l’organisation plaignante allègue que le SITAIP a accompli les formalités de dépôt de préavis pour la grève fixée au 8 novembre 2019 mais que, le 7 novembre 2019, la direction du MITRADEL au Panama-Ouest, sur instruction des services centraux du ministère, a pris une décision de suspension du processus de grève. Le comité prend note du fait que le gouvernement confirme les faits exposés et indique que, alors que le dialogue sur le cahier de revendications pour violation de la loi présenté par le SITAIP se poursuivait avec le syndicat et que le département de l’inspection était sollicité pour apporter son appui sur le point du préavis, la grève a été suspendue sur décision du MITRADEL.
  7. 246. Tout en observant qu’il ne dispose pas d’informations sur les raisons pour lesquelles le MITRADEL a ordonné la suspension du mouvement de grève susmentionné, le comité rappelle d’une part qu’il a considéré que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’État; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne, et d’autre part que la responsabilité de la suspension d’une grève ne devrait pas incomber au gouvernement mais à un organe indépendant qui ait la confiance de toutes les parties concernées. [Voir Compilation, paragr. 830 et 914.] Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement d’indiquer les raisons pour lesquelles le MITRADEL a décidé de suspendre le processus de grève engagé par le SITAIP.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 247. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de préciser si le SITAIP a eu la possibilité de contester devant les tribunaux la décision de l’administration du travail relative à ce conflit de représentativité et, si cela est le cas, de communiquer des informations sur le résultat de cette procédure; le comité prie également le gouvernement et l’organisation plaignante de fournir des informations sur le résultat des investigations menées par le Bureau du médiateur à propos des allégations selon lesquelles le SITRAATI aurait été favorisé.
      • b) Le comité prie le gouvernement d’indiquer les raisons pour lesquelles le MITRADEL a décidé de suspendre le processus de grève engagé par le SITAIP.
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