Allégations: Exclusion de l’Association des travailleurs de l’État de la commission de négociation paritaire centrale, dans le cadre de la négociation collective des travailleurs de la ville autonome de Buenos Aires
- 120. La plainte figure dans des communications de la Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA des travailleurs), la Centrale des travailleurs de l’Argentine – Autonome (CTA Autonome) et l’Association des travailleurs de l’État (ATE) dans des communications datées du 3 juillet 2018 et du 18 janvier 2019.
- 121. Le gouvernement a envoyé des commentaires par une communication datée de mai 2019.
- 122. L’Argentine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 123. Dans leurs observations, les organisations plaignantes allèguent l’exclusion de l’ATE de la négociation collective pour les fonctionnaires de la ville autonome de Buenos Aires (CABA), en particulier de la commission de négociation paritaire centrale.
- 124. Dans leur communication datée du 27 juin 2017, les organisations plaignantes affirment que l’ATE dispose du statut syndical ainsi que du champ de représentation pour négocier collectivement au sein de la CABA et a négocié collectivement dans le passé avec les autorités dans ce contexte. Les organisations plaignantes font notamment référence à une convention collective conclue entre l’ATE et le gouvernement de la ville de Buenos Aires (GCBA) en 2010, après que les tribunaux eurent imposé la reconnaissance de l’ATE en 2008 (par un jugement reconnaissant le droit de l’ATE d’intervenir dans les négociations collectives générales de la ville et ordonnant son incorporation au sein de la commission de négociation paritaire centrale). Les organisations plaignantes soulignent à cet égard que, dans le secteur public en général, et dans la ville autonome de Buenos Aires en particulier, comme le reconnaît la loi sur les relations de travail dans l’administration publique de la ville autonome de Buenos Aires, no 471, il existe une pluralité de syndicats disposant du statut syndical. Dans le cas de la commission de négociation paritaire centrale des fonctionnaires du pouvoir exécutif de la CABA, les organisations plaignantes indiquent que les syndicats disposant du privilège de représentation dans le tableau général sont l’ATE, ainsi que le Syndicat des fonctionnaires de la nation (UPCN) et le Syndicat unique des travailleurs de l’État de la ville de Buenos Aires (SUTECBA). Les organisations plaignantes fournissent des informations supplémentaires pour illustrer le fonctionnement du système de pluralité syndicale dans d’autres secteurs publics, par exemple en soulignant comment, dans le secteur de l’éducation ou de la santé, plusieurs syndicats participent à une seule table de négociation.
- 125. Les organisations plaignantes allèguent que, néanmoins, le GCBA a exclu l’ATE des négociations collectives dans le cadre du tableau général, en intégrant la commission de négociation paritaire centrale uniquement avec le SUBTECA. À cet égard, les organisations plaignantes indiquent, pour illustrer cette allégation, que: i) en réponse à la requête de l’ATE datée du 24 février 2017 demandant aux autorités de convoquer la commission de négociation paritaire centrale, extemporanément le 9 mars 2017, le GCBA, de manière tardive, a non seulement omis de procéder à la convocation des parties, mais aussi indiqué que les différentes associations disposant du statut syndical «seront convoquées aux négociations qui seront engagées par la suite». Les organisations plaignantes considèrent cette réponse comme une attitude dilatoire qui élude le droit à la négociation collective; et ii) face à la réponse des autorités, l’ATE, par communication datée du 14 mars 2017, a sommé pour la dernière fois le GCBA de convoquer la commission de négociation paritaire centrale avec toutes les organisations autorisées dans un délai de quarante-huit heures et de ne pas négocier sans la participation de l’ATE, sous peine d’envisager d’augmenter les actions syndicales et judiciaires correspondantes. Par conséquent, les organisations plaignantes terminent leur communication initiale en demandant la constitution de la commission de négociation paritaire centrale du GCBA. Elles considèrent que le retard pris par les autorités pour confirmer cette dernière est en contradiction avec la reconnaissance dans d’autres secteurs – comme l’éducation ou la santé – de la négociation conjointe avec différentes organisations disposant du statut syndical. Elles font référence à la reconnaissance de ce modèle de pluralité syndicale dans la négociation par d’autres législations, tant nationales que provinciales, et affirment qu’il s’agit également d’une coutume dans le secteur. Les organisations plaignantes considèrent également que l’autorité d’exécution est à la fois juge et partie au litige et dénoncent le fait que, en réponse à la demande formulée, le sous-secrétariat au travail, à l’industrie et au commerce n’a pas convoqué la réunion paritaire, en tant qu’autorité d’exécution en matière de conflits et de négociation, niant ainsi l’une de ses fonctions et compétences et se rendant complice de la mauvaise foi de l’administration dans la négociation.
- 126. Dans leur communication datée du 18 janvier 2019, les organisations plaignantes complètent leurs allégations en affirmant que: i) l’État de la République argentine et le GCBA, tous deux de la même allégeance politique, ne respectent pas les principes de la liberté syndicale, en élaborant un plan systématique contre l’ATE visant à affaiblir sa représentativité – un plan systématique qui aurait de multiples manifestations: licenciements de délégués, privation de locaux syndicaux, contestation d’élections syndicales et exclusion de la négociation; ii) tout au long de l’année 2018, les autorités ont pris part à la négociation en excluant systématiquement l’ATE et ont refusé de soumettre les informations demandées par cette dernière (sans répondre aux notes de l’ATE demandant que lui soient remis le procès-verbal des négociations paritaires et les dispositions relatives à la mise en place de la commission de négociation); iii) l’exclusion ne s’est pas limitée à la négociation collective du tableau général mais s’est étendue à la commission de négociation des professionnels de la santé de la CABA; et iv) le 20 septembre 2018, par l’intermédiaire de la décision no 1697/MEFGC/18, l’accord paritaire no 27/18 sur les augmentations salariales des travailleurs du GCBA a été mis en œuvre exclusivement avec le SUTECBA. Les organisations plaignantes demandent que soient mises en place la commission de négociation paritaire centrale du GCBA et la commission de négociation paritaire centrale pour les professionnels de la santé du GCBA avec la participation de toutes les parties habilitées, y compris l’ATE.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 127. Dans sa communication datée de mai 2019, le gouvernement dément les allégations formulées et transmet les observations du GCBA à cet égard.
- 128. Les autorités rappellent tout d’abord l’articulation du droit syndical dans l’administration publique, en soulignant: i) que, dans l’administration publique, il peut y avoir plusieurs associations syndicales dont les privilèges de représentation se chevauchent, c’est-à-dire qui partagent tout ou partie du même champ d’action personnel et territorial en matière de négociation collective – il s’agit d’une situation codifiée dans différentes lois, dont la loi nationale no 24185 et la loi no 471; ii) il existe plus de 60 associations syndicales opérant dans le champ couvert par la CABA, et plus de 20 d’entre elles disposent du statut syndical pour représenter, selon le cas, tout ou partie des travailleurs du GCBA; et iii) il existe trois associations ayant le statut syndical accordé pour représenter tous les travailleurs du GCBA: le SUTECBA affiliant environ 50 pour cent des travailleurs du tableau général, l’ATE avec environ 5,3 pour cent et l’UPCN avec 2,5 pour cent (le gouvernement précise que les pourcentages ont été obtenus en considérant les affiliations simples et en laissant de côté les affiliations doubles, en précisant que de toute façon, même si les affiliations doubles étaient ajoutées, les pourcentages finaux ne subiraient pas de variations significatives).
- 129. Le gouvernement rejette les accusations formulées par les organisations plaignantes et affirme que le droit à la liberté syndicale a été pleinement respecté, et que l’ATE a toujours bénéficié de tous les droits attachés à son statut de syndicat, même si elle est loin d’être le syndicat le plus représentatif selon les pourcentages d’affiliation, et qu’aucune mesure n’a été prise pour restreindre l’exercice, par l’ATE, de son droit de négociation collective. En effet, l’ATE reconnaît elle même avoir conclu une convention collective avec le GCBA en 2010, mais, ce qu’elle omet de reconnaître, c’est que le GCBA agit de la même manière depuis cette date. À cet égard, le GCBA transmet des copies des conventions collectives conclues avec l’ATE jusqu’en 2016.
- 130. Les autorités soulignent que, durant les années 2017 et 2018, c’est par sa propre décision que l’ATE n’a pas signé de convention collective et démentent que le GCBA n’ait pas convoqué l’ATE. Le GCBA souligne qu’il n’a jamais ignoré le droit de l’ATE de participer à la négociation collective et qu’il ne s’est jamais opposé à la formation de la volonté commune d’exercer la représentation collective de tous les travailleurs. Cependant, les organisations syndicales disposant du privilège de représentation, loin d’avoir promu une volonté commune, ont choisi d’exprimer leurs voix et de fonctionner séparément, sans parvenir à un consensus sur leurs actions. Le GCBA a donc conclu des accords avec certaines associations et n’a jamais refusé de négocier à travers les différentes formes que ces associations ont décidé d’adopter.
- 131. Dans ce contexte, le gouvernement souligne que l’ATE a omis de déployer les efforts minimaux pour former la représentation commune avant de formaliser sa demande unilatérale d’ouverture de la négociation collective (la première condition prévue par la législation pour former la volonté commune étant l’existence d’un accord entre les différentes associations syndicales qui veulent participer à la commission de négociation). Au contraire, l’ATE a mené de nombreuses actions syndicales, y compris en même temps qu’elle adressait ses sommations de négocier, démontrant ainsi son mépris pour la possibilité de mener un dialogue large et ordonné. À cet égard, le gouvernement fournit des informations détaillées sur 40 actions de mobilisation déclenchées par l’ATE entre février 2017 et janvier 2019, y compris des manœuvres d’intimidation – en particulier l’appropriation de bâtiments publics et des occupations illégales – effectuées en même temps qu’elle exigeait la convocation urgente de la commission de négociation paritaire centrale. Le gouvernement souligne à quel point l’ATE a ignoré à cet égard la procédure de prévention des conflits collectifs qui avait été convenue à l’article 35 de la convention collective ratifiée par la décision no 2779/MHGC/2010 et précise que nombre de ces actions de mobilisation assorties d’arrêts du travail au sein du GCBA étaient fondées sur des faits partiellement ou totalement étrangers aux relations de travail.
- 132. Le gouvernement ajoute que, malgré tout cela, il a agi en toute bonne foi et en essayant de rester en dehors des conflits visibles entre les différentes associations syndicales (SUTECBA, ATE et UPCN) afin qu’elles puissent se prononcer sur le projet d’achèvement du barème des salaires de 2017 et un plan d’augmentation des salaires pour 2018. À cet égard, contestant l’allégation d’exclusion systématique de l’ATE au cours de l’année 2018, les autorités transmettent copie d’une communication envoyée à l’ATE le 7 février 2018, convoquant les membres de cette association à une réunion pour discuter, entre autres, de la négociation collective pour 2018. Le gouvernement souligne que, dans la convocation, il n’y a eu aucune discrimination, et que le SUTECBA et l’UPCN – qui représentent ensemble 52,5 pour cent des membres cotisants – ont accepté la proposition. D’autre part, l’ATE (représentant 5,3 pour cent), avant de donner une réponse formelle, a commencé à annoncer publiquement des actions de mobilisation. Dans ce contexte, avec la signature des accords entre le GCBA et le SUTECBA et l’UPCN, et le refus tacite de l’ATE reflété par les actions de mobilisation unilatérales adoptées, les négociations entre le gouvernement et les organisations de travailleurs ont naturellement pris fin. Pour sa part, l’ATE, en désaccord avec les autres organisations, a décidé unilatéralement d’appeler à de nombreux arrêts de travail sans activer la procédure de prévention des conflits susmentionnée. Le gouvernement estime qu’il est paradoxal que l’ATE, extemporanément, c’est-à-dire après la fin des négociations, appelle à l’établissement d’une table de négociation unique avec toutes les autres associations syndicales, tout en faisant preuve d’un mépris marqué pour la volonté déjà exprimée par celles-ci et en essayant, sans succès, d’imposer sa volonté. Le gouvernement considère donc qu’il est prudent d’appeler l’ATE à réfléchir et à changer sa position intransigeante et propose de continuer la réalisation, par le GCBA, des plus grands efforts possibles pour améliorer les méthodes de négociation collective et les relations de travail en général par le dialogue.
- 133. D’autre part, le gouvernement affirme que les allégations relatives à un plan systématique contre l’ATE visant à affaiblir sa représentativité, y compris le licenciement de délégués, la privation de locaux syndicaux et la contestation d’élections syndicales, sont fausses, téméraires et malveillantes. Le gouvernement souligne que ces allégations sont dépourvues de tout élément factuel ou de preuve, ainsi que de toute référence à leurs circonstances et aux personnes prétendument concernées. Cela ne permet même pas au gouvernement de se défendre. Les autorités concernées ajoutent qu’il est totalement faux que des délégués de l’ATE aient été licenciés et indiquent que les dirigeants syndicaux élus par l’ATE ont toujours bénéficié d’un congé sans solde et de la protection syndicale spéciale qui en découle. Il indique également qu’il est faux de dire que l’ATE a été privée de locaux et affirme que le GCBA a respecté les mandats des délégués élus et ne fait que contester les appels aux élections effectués en violation flagrante des règles en vigueur.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 134. Le comité note que la plainte allègue l’exclusion de l’ATE de la négociation collective des fonctionnaires de la CABA, en particulier de la commission de négociation paritaire centrale.
- 135. Le comité note que chaque partie prétend que l’autre n’a pas agi de bonne foi pour promouvoir la négociation collective au sein de la CABA. Les organisations plaignantes accusent le gouvernement d’exclusion de la négociation, et le gouvernement affirme que l’ATE, malgré sa représentativité limitée, n’a pas respecté la procédure convenue de prévention des conflits et a choisi des stratégies unilatérales de confrontation au lieu de rechercher des accords entre les parties, y compris d’autres syndicats qui, avec environ dix fois plus d’adhérents que l’ATE, ont participé à la négociation et ont conclu un accord avec le gouvernement.
- 136. À cet égard et de manière générale, le comité rappelle qu’il importe qu’employeurs et syndicats participent aux négociations de bonne foi et déploient tous leurs efforts pour aboutir à un accord, des négociations véritables et constructives étant nécessaires pour établir et maintenir une relation de confiance entre les parties. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1328.]
- 137. En ce qui concerne le cas concret, et bien qu’il ne dispose pas des éléments pour examiner chacune des allégations formulées entre les parties, le comité note que, face aux allégations d’exclusion systématique de l’ATE de la négociation collective dans la CABA, le gouvernement ne nie pas, mais au contraire reconnaît à plusieurs reprises, les droits de participation revendiqués par l’ATE et affirme que, bien qu’elle ait une représentativité limitée (5,3 pour cent des cotisants – contre 50 pour cent des cotisants représentés par le SUTECBA), elle est l’une des trois associations disposant du statut syndical (sur plus de 60 opérant dans la CABA) autorisées à représenter tous les travailleurs de la CABA. Le comité note également que le gouvernement apporte la preuve qu’il a conclu avec l’ATE plusieurs accords résultant de négociations collectives en 2016 et 2017 (en transmettant les procès-verbaux correspondants) et, en ce qui concerne la principale allégation d’exclusion en 2018, le gouvernement prouve qu’il a convoqué l’ATE pour une réunion de la commission centrale de négociation paritaire afin de discuter, entre autres, de la négociation collective pour 2018.
- 138. En ce qui concerne l’allégation relative à l’existence d’un plan systématique contre l’ATE visant à affaiblir sa représentativité, qui comprendrait le licenciement de délégués, la privation de locaux syndicaux et la contestation d’élections syndicales, le comité note que, comme le souligne le gouvernement, il s’agit d’affirmations générales sans précision factuelle ni présentation de preuves documentaires qui permettraient au gouvernement de répondre de manière adéquate et au comité de l’examiner. À cet égard, le comité tient à rappeler que, pour pouvoir examiner les allégations de violations des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, celles-ci doivent être spécifiées avec précision et, dans la mesure du possible, accompagnées de preuves. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.
- 139. À la lumière de ce qui précède (tout en saluant l’appel au dialogue lancé par le gouvernement pour continuer à promouvoir l’amélioration des méthodes de négociation collective et des relations de travail), le comité invite les autorités compétentes à continuer à promouvoir la négociation collective de bonne foi dans la ville autonome de Buenos Aires avec les différentes organisations disposant du statut syndical reconnu, comme c’est le cas de l’ATE, conformément à la législation applicable et dans l’intérêt de la promotion de relations de travail harmonieuses.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 140. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité invite les autorités compétentes à continuer de promouvoir la négociation collective de bonne foi dans la ville autonome de Buenos Aires avec les différentes organisations disposant du statut syndical reconnu, comme c’est le cas de l’Association des travailleurs de l’État (ATE), conformément à la législation applicable et dans l’intérêt de la promotion de relations de travail harmonieuses.
- b) Le comité considère que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.