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Rapport intérimaire - Rapport No. 393, Mars 2021

Cas no 3074 (Colombie) - Date de la plainte: 30-MAI -14 - Actif

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des actes de violence (homicides, tentatives d’homicide et menaces de mort) contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes

  1. 80. Le comité a examiné le cas no 2761 quant au fond à cinq reprises [voir 363e, 367e, 380e, 383e et 389e rapports], la dernière fois à sa réunion de juin 2019. À cette occasion, le comité a examiné le cas no 2761 conjointement avec le cas no 3074 et a présenté un rapport intérimaire concernant ces deux cas au Conseil d’administration. [Voir 389e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 336e session, paragr. 262 à 296.]
  2. 81. La Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) a présenté des allégations supplémentaires dans une communication en date du 18 juin 2019.
  3. 82. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications de février et août 2020 et du 24 février 2021.
  4. 83. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 84. À sa réunion de juin 2019, le comité a formulé les recommandations intérimaires ci après concernant les allégations présentées par les organisations plaignantes [voir 389e rapport, paragr. 296]:
    • a) Tout en prenant bonne note et en appréciant les mesures significatives adoptées et de l’évolution des résultats obtenus, le comité prie le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour élucider tous les actes de violence antisyndicale, homicides et autres, rapportés dans le pays et pour condamner tant les auteurs matériels que les commanditaires de tels actes.
    • b) Le comité prie le gouvernement de l’informer des effets de la procédure pénale spéciale accélérée créée par la loi no 1826 sur les enquêtes relatives à des actes de violence antisyndicale.
    • c) Le comité prie le gouvernement de continuer de fournir des informations concernant de manière générale la consultation des partenaires sociaux dans le cadre des procédures d’enquête relatives aux actes de violence antisyndicale et relatives en particulier au fonctionnement concret de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs.
    • d) Le comité prend bonne note des éléments fournis à propos de 114 cas d’homicide et de 58 autres actes de violence antisyndicale et prie le gouvernement de continuer de fournir des informations à ce propos.
    • e) Le comité prie une nouvelle fois le gouvernement de fournir des informations sur l’examen éventuel des actes de violence antisyndicale par les nouveaux organes créés dans le cadre de la mise en œuvre du processus de paix.
    • f) Tout en prenant bonne note des mesures significatives adoptées à cet égard, le comité prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts en vue de fournir une protection appropriée à tous les dirigeants syndicaux et syndicalistes dont la sécurité est menacée. Le comité prie particulièrement le gouvernement de: i) dans le cadre du plan d’action, consacrer toute l’attention voulue à la protection des membres du mouvement syndical, en veillant à faire dûment participer les organisations syndicales et le ministère du Travail; ii) dans le cadre tant du plan d’action que des instances tripartites appropriées, identifier, en étroite consultation avec les partenaires sociaux, les principales causes de la violence antisyndicale pour accroître l’effet des politiques de prévention de la violence. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • g) Le comité exprime le ferme espoir que les enquêtes et les procédures toujours en cours permettront l’élucidation rapide des faits dénoncés par, d’une part, le Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie (SINTRAELECOL) et, d’autre part, par le Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI), ainsi que la condamnation des auteurs et des commanditaires de tels actes. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • h) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que le ministère public diligente au plus vite les enquêtes nécessaires pour que tous les homicides et la tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’Association syndicale unitaire des fonctionnaires publics du système pénitentiaire et carcéral colombien (UTP) dénoncés dans le présent cas soient élucidés et que leurs auteurs et leurs commanditaires soient condamnés. Dans cette optique, le comité insiste particulièrement pour que, lors de l’organisation et du déroulement des enquêtes: i) il soit entièrement et systématiquement tenu compte des possibles liens entre les homicides et l’activité syndicale des victimes, y compris les éventuelles dénonciations d’actes de corruption qui ont pu être faites; ii) les liens éventuels entre les différents homicides dénoncés soient examinés; et iii) les contacts nécessaires avec l’organisation syndicale soient établis pour recueillir toutes les informations disponibles.
    • i) Le comité prie, d’une part, le gouvernement de fournir des informations sur l’allégation d’homicide de M. Diego Rodríguez González, membre de l’UTP et, d’autre part, l’UTP de fournir des détails sur l’allégation d’homicide de M. Manuel Alfonso.
    • j) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour évaluer au plus vite les risques encourus par les dirigeants de l’UTP suivants: Eleasid Durán Sánchez, Cindy Yuliana Rodríguez Layos, Franklin Excenover Gómez Suárez, Jhony Javier Pabón Martínez et Mauricio Paz Jojoa; et leur fournir les mesures de protection qui pourraient s’avérer nécessaires dans les plus brefs délais.
    • k) Le comité invite l’UTP à contacter les autorités compétentes pour clarifier la situation des dirigeants syndicaux suivants: Julio César García Salazar, Roberto Carlos Correa Aparicio, Gerson Méndez, Carlos Fabián Velazco Virama, Rafael Gómez Mejía, Helkin Duarte Cristancho, Óscar Tulio Rodríguez Mesa et Mauricio Olarte Mahecha.
    • l) Le comité attire tout particulièrement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 85. Dans une communication en date du 18 juin 2019, la CTC allègue que, le 22 mars 2018, M. Gustavo Adolfo Aguilar, président du Syndicat des fonctionnaires et agents publics du gouvernement et des municipalités de Colombie (SINTRASERPUVAL), a été victime d’un attentat visant à mettre fin à ses jours. L’organisation plaignante indique à cet égard que: i) M. Aguilar a été attaqué par plusieurs personnes alors qu’il circulait à moto sur la voie publique; ii) l’un des assaillants a tiré avec une arme à feu qui n’a pas fonctionné et M. Aguilar a réussi à s’échapper et à se placer sous la protection de la police; et iii) avant l’attentat, M. Aguilar avait signalé des violations en matière de convention collective et d’autres irrégularités commises par l’administration de la municipalité de Riofrío (Valle del Cauca).

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement

    Éléments généraux sur les actes de violence antisyndicale et réponse de l’État à de tels actes

  1. 86. Dans une communication datant de février 2020, le gouvernement réitère qu’il est catégoriquement opposé à toutes les formes de violence, quelle que soit leur origine, et exprime de nouveau sa volonté de faire avancer les enquêtes afin d’élucider les faits et de protéger les travailleurs, en particulier les dirigeants syndicaux. Il indique que chacune des institutions de l’État chargées de défendre les droits de l’homme a déployé des efforts considérables pour protéger la vie et l’intégrité des habitants du territoire colombien et, en particulier, des dirigeants sociaux, syndicalistes compris.
  2. 87. Le gouvernement indique que l’objectif 5 du Plan national de développement 2018-2022 prévoit la formulation et la mise en œuvre d’une politique publique nationale de prévention et de protection des dirigeants sociaux et communautaires, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme et que, conformément à cet engagement, le Président de la République a présenté le 10 décembre 2019 les lignes directrices de la politique publique globale de respect et de garantie des activités de défense des droits de l’homme. Il ajoute que, lors de la rédaction de la politique susmentionnée, une attention particulière a été accordée à l’approche intersectorielle de l’action de l’État et à la concentration des actes de violence contre les dirigeants sociaux dans les zones rurales. Le gouvernement déclare également que le ministère public poursuit sa stratégie en matière d’enquêtes et de poursuites judiciaires relatives aux crimes commis contre des syndicalistes par l’intermédiaire du groupe spécial chargé de la conduite et du suivi des enquêtes, créé en 2016 à cet effet.
  3. 88. Dans une communication en date du 24 février 2021, le gouvernement affirme qu’il a été mis fin à l’impunité en matière de violence antisyndicale puisque plus de 960 condamnations ont été prononcées et que le nombre d’homicides de syndicalistes dans le pays a baissé de manière drastique depuis l’année 2001. Le gouvernement indique à cet égard que: i) de 2001 à 2017, le nombre de cas d’homicides de syndicalistes a baissé de 94 pour cent, passant de 205 cas en 2001 à 15 cas en 2017; ii) 24 cas d’homicides de syndicalistes ont été enregistrés en 2018, 17 en 2019, 14 en 2020 et, à ce jour, 1 en 2021; et iii) le nombre d’homicides de syndicalistes a donc considérablement diminué, et il est important de faire à cet égard une distinction entre la catégorie des dirigeants sociaux et la catégorie des dirigeants syndicaux, bien que dans certains cas la même personne puisse appartenir aux deux à la fois.
  4. 89. Dans ses différentes communications, le gouvernement donne des informations détaillées sur l’état d’avancement des enquêtes et des procédures pénales relatives aux actes de violence antisyndicale, certaines de ces informations ayant été mises à jour dans les communications qu’il a adressées en octobre et novembre 2020 à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) et qui contiennent des éléments se rapportant spécifiquement au cas no 2761.
  5. 90. Le gouvernement fait tout d’abord référence à 84 cas de violence antisyndicale (dont 79 homicides) signalés en l’espèce. Il déclare que l’examen de 23 d’entre eux a beaucoup progressé dans la mesure où: i) 19 cas ont déjà abouti à 37 condamnations au total; ii) 1 cas est en instance de jugement; iii) 1 cas est en cours d’instruction et a donné lieu à la délivrance d’un mandat d’arrêt; et iv) des progrès significatifs ont été accomplis sur 2 cas faisant actuellement l’objet d’une enquête. Le gouvernement ajoute que les enquêtes susmentionnées ont permis de mettre en cause 145 personnes, dont 112 ont été placées en détention. Dans ses communications de 2020, le gouvernement fait également référence aux 216 enquêtes relatives à des homicides de syndicalistes que le ministère public a menées entre 2011 et 2020. Il précise que 42,59 pour cent d’entre elles ont progressé, dans la mesure où: i) 44 cas ont déjà abouti à 60 condamnations au total; ii) 30 sont en cours de jugement; iii) des actes d’accusation ont été émis dans 10 cas; iv) 6 sont en cours d’instruction et ont donné lieu à la délivrance de mandats d’arrêt; et v) les poursuites ont été abandonnées dans 2 cas. Le gouvernement ajoute que le taux d’élucidation obtenu dans les cas susmentionnés est bien supérieur à celui obtenu pour les homicides volontaires en général (30 pour cent). Il déclare enfin que: i) 815 condamnations ont été prononcées au total pour des homicides de membres du mouvement syndical, soit 100 condamnations de plus que le nombre annoncé dans le précédent rapport du gouvernement concernant le présent cas; ii) 960 condamnations ont été prononcées au total pour des crimes contre des syndicalistes, les tribunaux de décongestion ayant rendu 70 jugements à cet égard au cours de l’année 2020; et iii) au 22 janvier 2021, sur les 14 homicides de syndicalistes enregistrés en 2020, 3 étaient déjà en phase de jugement et les 11 autres, dont l’homicide enregistré en 2021, faisaient l’objet d’enquêtes exhaustives du ministère public.
  6. 91. Le gouvernement se réfère à la réponse des autorités publiques aux actes de menace dirigés contre des membres du mouvement syndical. Il indique à cet égard que le renforcement des capacités d’enquête en matière de menace contre des défenseurs des droits de l’homme est un objectif défini dans le cadre de la stratégie du ministère public en matière d’enquête et de poursuite concernant les crimes commis contre des personnes de cette catégorie. Le gouvernement précise que les enquêtes de ce type constituent un véritable défi pour le personnel de l’institution, ce qui a conduit à l’adoption des mesures suivantes: i) création d’un groupe de travail national chargé de soutenir, promouvoir et coordonner les procédures d’analyse, d’enquête et de poursuite concernant les cas de menace contre des défenseurs des droits de l’homme, actuellement composé de six bureaux spécialisés rattachés à la Direction nationale spécialisée dans les violations des droits de l’homme; ii) mise en place de dispositifs (téléphone, courrier électronique) de signalement des menaces contre des défenseurs des droits de l’homme, qui fonctionnent 24 heures sur 24; iii) création, grâce aux contributions du ministère public, de l’incrimination pénale spécifique de menaces contre des défenseurs des droits de l’homme, régie par l’article 188E du Code pénal, loi 1908 de juillet 2018; et iv) pour les syndicalistes qui ne se livrent pas à des activités de défense des droits de l’homme, l’article 347 du Code pénal relatif aux actes de menace ou d’intimidation prévoit que si l’acte vise un syndicaliste ou un journaliste ou les membres de sa famille et qu’il est commis en raison du poste occupé ou de la fonction exercée par l’intéressé, la peine est alourdie d’un tiers.
  7. 92. Le gouvernement ajoute que l’objectif du ministère public en matière de menaces ne se limite pas à clarifier un cas spécifique, mais consiste plutôt à regrouper les cas présentant des similarités afin d’utiliser plus efficacement les ressources institutionnelles disponibles. À cette fin, sur la base d’une analyse quantitative, des situations prioritaires ont été identifiées pour les enquêtes sur les crimes de menaces contre les syndicalistes (couvrant les infractions prévues à la fois par l’article 188 et l’article 347 du Code pénal) commis entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020, en utilisant notamment les critères suivants: i) menaces liées à des activités de défense des droits de l’homme; ii) cas dans lesquels la responsabilité d’une organisation criminelle est constatée; et iii) existence d’un risque extrême pour la vie, l’intégrité ou la sécurité des personnes menacées.
  8. 93. Le gouvernement indique que le recours aux critères ci-dessus a permis d’établir que ce sont les syndicats du secteur de l’extraction des ressources naturelles et ceux du secteur de l’enseignement qui sont les plus exposés. Géographiquement, les organisations syndicales du département de Valle del Cauca sont particulièrement touchées. En ce qui concerne le secteur de l’extraction des ressources naturelles, la liste des actes devant prioritairement faire l’objet d’une enquête permettra de dégager des schémas de comportement qui faciliteront l’identification des auteurs des menaces. En février 2021, une personne a déjà été arrêtée pour avoir menacé un syndicaliste du secteur de l’extraction. En ce qui concerne le secteur de l’enseignement, le pourcentage le plus élevé de menaces est survenu contre le comité exécutif de la Fédération colombienne des travailleurs de l’enseignement (FECODE) et certaines organisations affiliées, les enseignants travaillant dans les zones rurales étant particulièrement touchés. Ces cas seront examinés par le groupe de travail national, qui apportera un appui aux procureurs des directions régionales chargées de leur instruction.
  9. 94. En ce qui concerne les effets de la procédure pénale spéciale accélérée créée par la loi no 1826 de 2017 sur les enquêtes relatives à des actes de violence antisyndicale (recommandation b) du comité), le gouvernement fait savoir que cette procédure (qui, d’une part, permet de raccourcir les délais tout en assurant le respect des droits de la défense et, d’autre part, prévoit la possibilité de se porter partie civile) s’applique aux infractions visées à l’article 200 du Code pénal relatif à la violation des droits de réunion et d’association (qui prévoit des peines d’amende et, dans certains cas, des peines d’emprisonnement de trois à cinq ans). Le gouvernement déclare que sur les 2 727 plaintes pour violation de l’article 200 du Code pénal soumises au ministère public entre 2011 et le 20 octobre 2020, 91,02 pour cent ont été réglées et seulement 8,98 pour cent sont encore en cours d’instruction. Le gouvernement déclare que la conclusion des cas susmentionnés est due: i) à la clôture de la procédure pénale (1 363 cas); ii) à la forclusion ou l’extinction de l’action (520 cas); iii) au désistement du travailleur ou de l’organisation syndicale (441 cas); et iv) au recours à une procédure de conciliation (158 cas).
  10. 95. Le gouvernement se réfère à la consultation des partenaires sociaux sur le thème de la violence antisyndicale et, en particulier, au fonctionnement concret de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs (recommandation c) du comité). Il indique à cet égard que: i) cette commission interinstitutionnelle, à laquelle participent les trois principales centrales de travailleurs les plus représentatives du pays et l’Association des employeurs de Colombie, a tenu quatre réunions au cours de l’année 2019, dont deux de caractère régional (Pasto et Popayán); ii) en mars 2020, la commission a tenu une réunion virtuelle pour donner effet aux accords signés dans la ville de Pasto; iii) en juillet 2020, elle a tenu sa première réunion nationale virtuelle, qui a abouti à l’adoption d’une série d’engagements concrets, concernant notamment la tenue de réunions entre les organisations syndicales et la police nationale et l’Unité nationale de protection (UNP) et, avec le soutien de l’OIT, l’application systématique des peines prononcées par la justice colombienne pour les crimes perpétrés contre des syndicalistes (période 2011-2020); iv) la prochaine réunion de la commission interinstitutionnelle est prévue pour le mois de septembre 2020; v) le ministère de l’Intérieur informe la population de l’état d’avancement du projet de politique publique de protection et invite les syndicalistes à participer aux différents ateliers pour faire part des éléments qu’ils souhaiteraient voir figurer dans cette politique; et vi) conformément aux directives adoptées par la commission interinstitutionnelle, le ministère du Travail organise des réunions de dialogue social et des formations sur les droits de l’homme et les normes internationales du travail en collaboration avec l’UNP.
  11. 96. En ce qui concerne l’examen éventuel des cas de violence antisyndicale par les organes créés dans le cadre de la mise en œuvre du processus de paix (recommandation e) du comité), le gouvernement présente d’abord la réponse donnée par la Commission vérité, selon laquelle: i) en raison de sa nature extrajudiciaire, elle n’administre pas la justice et ne dispose donc pas de pouvoirs judiciaires pour établir la vérité dans des cas individuels, ni ne peut juger ou condamner qui que ce soit; ii) elle ne peut transmettre les informations qu’elle reçoit ou produit aux autorités judiciaires en vue de leur utilisation aux fins de l’imputation des responsabilités dans le cadre d’actions en justice ou à titre de preuve ni être requise de le faire par ces mêmes autorités; iii) à ce jour, aucune information sur l’éventuel examen de cas de violence antisyndicale par les organes créés dans le cadre de la mise en œuvre du processus de paix n’est disponible; et iv) le processus d’établissement de la vérité sur les pratiques et les faits qui constituent de graves violations des droits de l’homme et de graves infractions au droit international humanitaire, en particulier lorsque celles-ci revêtent un caractère répétitif ou généralisé et ont été commises à l’occasion du conflit, ainsi que la complexité des contextes et des dynamiques territoriales dans lesquelles ces pratiques avaient cours ou ces faits se sont produits, conformément à l’article 13, alinéa 1, du décret-loi no 588 de 2017, sera pris en considération dans le rapport final que la Commission vérité présentera à la société colombienne lorsqu’elle aura achevé ses travaux en novembre 2021. Le gouvernement présente ensuite la réponse de la Juridiction spéciale pour la paix (JEP), selon laquelle: i) la demande d’information ne fait apparaître aucun lien direct ou indirect avec le conflit armé et ne relève pas de la compétence de la JEP; et ii) la Chambre pour l’établissement de la vérité, des responsabilités, des faits et des pratiques, qui est chargée de classer par ordre de priorité les affaires dont la JEP est actuellement saisie, a engagé sept poursuites pour violation des droits de l’homme en général.
  12. 97. En ce qui concerne les mesures de protection mises en œuvre par l’État colombien pour contrecarrer la violence antisyndicale, le gouvernement déclare dans ses communications que: i) depuis que le programme de protection confié à l’UNP a été lancé en 2012, 4 262 études avaient été menées au 31 janvier 2021 sur le niveau de risque auquel sont exposés les dirigeants syndicaux ou les syndicalistes; ii) en 2018, 447 évaluations des risques ont permis de recenser des situations présentant un risque exceptionnel (280) et ordinaire (167); iii) en 2019, ce chiffre a baissé: 332 évaluations des risques ont permis de recenser des situations présentant un risque exceptionnel (206), un risque extrême (1) et un risque faible (125); iv) en 2020, 282 évaluations des risques ont permis de recenser des situations présentant un risque exceptionnel (1 689), un risque extrême (3) et un risque ordinaire (111); v) en janvier 2021, 35 évaluations des risques ont permis de recenser des situations présentant un risque exceptionnel (19) et un risque ordinaire (16); vi) à l’heure actuelle, 296 syndicalistes bénéficient de mesures de protection strictes qui vont de la mise à disposition d’un garde du corps à la mise en place d’un dispositif renforcé de protection individuelle et collective (véhicules blindés et conventionnels et gardes du corps armés); et vii) le montant des dépenses consacrées aux mesures de protection des dirigeants syndicaux s’élevait à 42 889 000 054 pesos colombiens en 2018 et à 39 986 188 070 pesos colombiens en 2019.
  13. 98. Le gouvernement ajoute que la plupart des mesures de protection de syndicalistes concernent les départements suivants: i) en premier lieu Bogotá, qui regroupe les centrales syndicales, les fédérations et les comités de direction nationaux des principaux syndicats; et ii) Atlántico, Santander, Norte de Santander, Cesar, Antioquia et Valle del Cauca, en raison des troubles à l’ordre public que ces départements ont connus tout au long de leur histoire et des nombreux syndicats qui y sont implantés. En ce qui concerne les auteurs présumés des menaces reçues par des membres du mouvement syndical, le gouvernement signale que: i) en 2018, la plupart des menaces ont émané de l’organisation criminelle Autodefensas Gaitanistas de Colombia; ii) pour 2019, c’est l’organisation criminelle Águilas Negras qui a occupé la première place; et iii) l’apparition en 2020 de nouvelles sources de menaces a nécessité un renforcement des mécanismes et stratégies de protection des dirigeants sociaux et des défenseurs des droits de l’homme. Le gouvernement ajoute dans sa communication de février 2021 que, pour l’année 2020, sur les 196 menaces adressées à des membres du mouvement syndical qui ont été enregistrées, 160 sont d’origine inconnue, 29 proviennent de groupes armés illégaux et 3 de mouvements subversifs, 1 relève de la délinquance de droit commun et 3 sont le fait du crime organisé.
  14. 99. En ce qui concerne les mesures de protection susmentionnées, le gouvernement fait enfin observer que: i) le plan d’action a montré son efficacité en tant que mécanisme de coordination interinstitutionnelle permettant de rapprocher les instances territoriales des différents niveaux de gouvernement, d’avoir une connaissance directe de la situation des populations, notamment celle de leurs dirigeants, en vue de conclure des accords avec les institutions; ii) l’UNP, qui est membre permanent du plan d’action et signale les situations à risque, appuie les activités de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs du Comité national de suivi des mutations d’enseignants pour raisons de sécurité, en collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale et la FECODE, ainsi que du Comité de suivi des enseignants menacés, en collaboration avec le Secrétariat à l’éducation de Bogotá; et iii) lors des réunions qu’elle a tenues à Pasto et à Popayán, la commission interinstitutionnelle a examiné la question des menaces et situations qui mettent en danger les syndicalistes.

    Actes de violence antisyndicale allégués par le Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie et le Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali

  1. 100. En ce qui concerne les actes de violence antisyndicale allégués par les organisations syndicales SINTRAELECOL et SINTRAEMCALI, le gouvernement déclare en premier lieu qu’au 30 janvier 2020: i) 37 enquêtes établissaient que la victime appartenait au SINTRAELECOL (24 enquêtes pour homicide, 9 pour menaces, 1 pour extorsion, 2 pour enlèvement et 1 pour tentative d’homicide); ii) 9 des 37 cas en sont au stade de l’exécution des peines et 21 condamnations ont été prononcées contre 27 personnes. Le gouvernement indique en second lieu que: i) 53 enquêtes établissaient que la victime appartenait au SINTRAEMCALI (13 enquêtes pour homicide, 29 pour menaces, 1 pour entente délictueuse, 1 pour enlèvement, 1 pour blessures, 1 pour séquestration, 5 pour tentative d’homicide et 2 pour terrorisme); ii) 10 des 53 cas en sont au stade de l’exécution des peines et 24 condamnations ont été prononcées contre 28 personnes.

    Homicides et menaces de mort dans le secteur pénitentiaire

  1. 101. Le gouvernement annonce que, au 30 janvier 2020, 43 enquêtes (42 pour homicide et 1 pour menaces) étaient en cours pour des actes de violence commis contre des membres et des dirigeants de l’Association syndicale unitaire des agents publics du système pénitentiaire et carcéral colombien (UTP). Il précise que: i) 12 cas en sont au stade de l’exécution des peines et 17 condamnations ont été prononcées contre 23 personnes; ii) 29 des 31 autres cas sont en instance (4 en cours de jugement, 6 en cours d’instruction ou faisant l’objet d’une enquête et 19 faisant l’objet d’un examen préliminaire).
  2. 102. En ce qui concerne l’homicide présumé de MM. Diego Rodríguez González et Manuel Alfonso, le gouvernement indique que le ministère public, après examen de ses systèmes d’information, n’a pas pu établir clairement l’identité des personnes visées. Le gouvernement demande le numéro de carte d’identité de ces personnes pour pouvoir les identifier avec certitude. En ce qui concerne l’évaluation des risques auxquels sont exposés Eleasid Durán Sánchez, Cindy Yuliana Rodríguez Layos, Franklin Excenover Gómez Suárez, Jhony Javier Pabón Martínez et Mauricio Paz Jojoa, dirigeants de l’UTP, (recommandation j) du comité), le gouvernement fait savoir que l’UNP a communiqué les informations suivantes: i) M. Eleasid Durán Sánchez bénéficie de mesures de protection mises en place par l’UNP; ii) L’UNP a traité en 2015 les cas de MM. Jhony Javier Pabón Martínez et Franklin Excenover Gómez Suárez, sans toutefois avoir reçu au préalable des informations sur les risques ou les menaces auxquels ces personnes étaient directement exposées; iii) après vérification de ses bases de données et des informations dont elle dispose, l’UNIP n’a trouvé aucune demande formulée au nom de Mme Cindy Yuliana Rodríguez Layos; il convient donc de communiquer le numéro de carte d’identité de cette personne afin d’éviter tout risque de confusion avec des homonymes.
  3. 103. Enfin, en ce qui concerne le cas des huit dirigeants syndicaux de l’UTP qui auraient fait l’objet de menaces et au sujet desquels le comité avait invité l’organisation plaignante à contacter les autorités compétentes pour clarifier leur situation (recommandation k) du comité), le gouvernement soumet la réponse de l’UNP, selon laquelle: i) une réévaluation des risques auxquels est exposé M. Julio César García Salazar est en cours; ii) après vérification de ses bases de données et des informations dont elle dispose, l’UNP a constaté qu’aucune demande n’avait été formulée au nom des sept autres personnes mentionnées ci-dessus.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 104. Le comité rappelle que les cas nos 2761 et 3074 concernent des allégations faisant état de nombreux homicides de dirigeants syndicaux et de membres du mouvement syndical, ainsi que de nombreux autres actes de violence antisyndicale.

    Éléments généraux sur les actes de violence antisyndicale et réponse de l’État à de tels actes

  1. 105. Le comité note tout d’abord la déclaration du gouvernement selon laquelle il a été mis fin à l’impunité en matière de violence antisyndicale – plus de 960 condamnations ont été prononcées – et que le nombre d’homicides de syndicalistes commis dans le pays a baissé de manière drastique depuis 2001. Le comité note à cet égard que le gouvernement indique que: i) de 2001 à 2017, le nombre d’homicides de syndicalistes a baissé de 94 pour cent, passant de 205 en 2001 à 15 en 2017; et ii) 24 homicides de syndicalistes ont été enregistrés en 2018, 17 en 2019, 14 en 2020 et, à ce jour, 1 en 2021.
  2. 106. Le comité prend note par ailleurs des informations générales que le gouvernement a fournies sur les initiatives institutionnelles menées pour élucider les actes de violence antisyndicale et sanctionner les coupables. Le comité note à ce sujet que le gouvernement indique que chacune des institutions de l’État chargées de défendre les droits de l’homme a déployé des efforts considérables pour protéger la vie et l’intégrité des habitants du territoire colombien et, en particulier, des dirigeants sociaux et des syndicalistes. Il note que le gouvernement souligne surtout que, en application du Plan national de développement 2018-2022, le Président de la République a présenté, le 10 décembre 2019, les lignes directrices de la politique publique globale de respect et de garantie des activités de défense des droits de l’homme. Il ajoute que, lors de la rédaction de ladite politique, une attention particulière a été accordée à l’approche intersectorielle des actions de l’État et à la concentration de la violence contre des dirigeants sociaux dans les zones rurales. Le comité note également que, selon le gouvernement, le ministère public poursuit sa stratégie en matière d’enquêtes et de poursuites judiciaires relatives aux délits commis contre des syndicalistes par l’intermédiaire du groupe spécial chargé de la conduite et du suivi des enquêtes, créé à cet effet en 2016. De plus, il prend note des informations fournies par le gouvernement à propos des réunions que la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs organise aux niveaux national et régional; les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs, ainsi que les différentes autorités publiques chargées de la protection des droits de l’homme dans le pays y participent activement et interagissent efficacement.
  3. 107. Par ailleurs, le comité note que le gouvernement transmet les observations de la Commission vérité et de la JEP concernant l’examen éventuel des actes de violence antisyndicale par les nouveaux organes créés dans le cadre de la mise en œuvre du processus de paix. Il note qu’il ressort de ces observations que: i) à ce jour, la Commission vérité ne dispose d’aucune information sur l’examen éventuel des actes de violence antisyndicale par les nouveaux organes créés dans le cadre de la mise en œuvre du processus de paix; ii) la commission présentera son rapport final à la société colombienne une fois ses travaux achevés, en novembre 2021; et iii) l’objet de la demande d’information dépasse la compétence de la JEP.
  4. 108. Le comité prend ensuite note des informations fournies par le gouvernement sur les progrès accomplis au niveau des enquêtes menées pour élucider les actes de violence antisyndicale commis dans le pays et sur les sanctions prononcées dans ce cadre. En ce qui concerne les 84 cas de violence antisyndicale (dont 79 homicides) signalés de 2010 à 2012 dans le présent cas, le comité note que le gouvernement indique que: i) 19 cas ont abouti à 37 condamnations; ii) 1 cas est en instance de jugement; iii) 1 cas est en cours d’instruction et a donné lieu à la délivrance d’un mandat d’arrêt; et iv) des progrès significatifs ont été accomplis sur 2 cas faisant actuellement l’objet d’une enquête. Le gouvernement ajoute que les enquêtes susmentionnées ont permis de mettre en cause 145 personnes, dont 112 ont été placées en détention. Le comité prend également note des informations fournies par le gouvernement sur l’ensemble des 216 enquêtes relatives à des homicides de membres d’organisations syndicales que le ministère public a menées de 2011 à 2020. Selon le gouvernement, 60 décisions de justice ont été rendues concernant 44 cas et le taux d’élucidation des enquêtes est de 42,59 pour cent, ce qui représente une moyenne supérieure aux résultats obtenus pour l’ensemble des homicides volontaires (30 pour cent). Enfin, le comité prend note des informations transmises par le gouvernement en 2021 sur les résultats des enquêtes relatives à l’ensemble des actes de violence antisyndicale commis dans le pays. Il note que d’après les indications du gouvernement: i) 815 décisions au total ont été rendues pour des cas d’homicide de membres du mouvement syndical, soit 100 condamnations de plus que le nombre annoncé dans le précédent rapport du gouvernement de février 2019; et ii) 960 condamnations au total ont été prononcées pour des crimes contre des syndicalistes, les tribunaux de décongestion ayant rendu 70 jugements à cet égard pendant l’année 2020.
  5. 109. Le comité prend également note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur les mesures prises pour accroître l’efficacité des enquêtes relatives aux menaces proférées contre des membres du mouvement syndical. À cet égard, le comité prend note en particulier de: i) la création d’un groupe de travail national chargé de soutenir, promouvoir et coordonner les procédures d’analyse, d’enquête et de poursuite concernant les cas de menaces contre des défenseurs des droits de l’homme; ii) la création en juillet 2018 de l’incrimination pénale spécifique de menace contre des défenseurs des droits de l’homme, régie par l’article 188E du Code pénal et l’article 347 du même code relatif aux actes de menaces ou d’intimidation, qui prévoit un alourdissement de la peine lorsque la victime est un syndicaliste ou un journaliste; et iii) la hiérarchisation, sur la base d’une série de critères (notamment le lien entre les menaces et les activités des syndicalistes victimes en matière de droits de l’homme, les indices de l’implication d’une organisation criminelle dans les menaces, le risque extrême pour la vie, l’intégrité ou la sécurité des personnes menacées), des enquêtes sur certains crimes de menaces contre les syndicalistes commis entre 2018 et 2020 en vue de relier les cas et, de cette manière, de générer une plus grande efficacité dans l’utilisation des ressources institutionnelles disponibles.
  6. 110. Le comité observe qu’il ressort clairement des initiatives décrites ci-dessus que: i) les syndicats du secteur de l’extraction des ressources naturelles et du secteur de l’enseignement sont les plus touchés par les crimes de menaces; et ii) la hiérarchisation des enquêtes permettra de dégager des schémas de comportement qui faciliteront l’identification des auteurs; en février 2021, une personne avait été arrêtée pour avoir menacé un syndicaliste du secteur de l’extraction.
  7. 111. Le comité prend également note de l’indication du gouvernement selon laquelle la procédure pénale spéciale accélérée, créée par la loi no 1826 de 2017 (qui, d’une part, permet de raccourcir les délais tout en assurant le respect des droits de la défense et, d’autre part, prévoit la possibilité de se porter partie civile), s’applique aux infractions visées à l’article 200 du Code pénal relatif à la violation des droits de réunion et d’association (l’article 200 prévoit l’imposition d’amendes et, dans certains cas particuliers, de peines d’emprisonnement de trois à cinq ans). Tout en prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle 91,02 pour cent des 2 727 cas présumés de violation de l’article 200 du Code pénal portés à la connaissance du ministère public ont été réglés, le comité note qu’il ne dispose d’aucune information sur le nombre de décisions rendues à cet égard.
  8. 112. Tout en notant avec préoccupation que la grande majorité des nombreux cas d’homicide et autres cas de violence antisyndicale survenus dans le pays en général, ainsi que ceux visés dans le présent cas, restent impunis, le comité se félicite de l’augmentation significative du nombre de décisions de justice rendues pour des cas d’homicide de syndicalistes. Il note en particulier que, sur les 84 homicides et tentatives d’homicide dénoncés de 2010 à 2012 dans le cadre du présent cas, 12 nouvelles condamnations ont été prononcées et des décisions ont été rendues dans 3 autres cas d’homicide depuis le dernier examen du cas. Saluant les diverses initiatives prises pour accroître l’efficacité des enquêtes sur les menaces contre des syndicalistes et notant que les critères de hiérarchisation des enquêtes donnent la priorité aux victimes exerçant une activité liée à la défense des droits de l’homme, le comité espère que le gouvernement veillera à ce que les syndicalistes soient pleinement inclus dans cette priorité et qu’il pourra faire état de progrès considérables dans les résultats de ces enquêtes. Conscient de la complexité des défis auxquels sont confrontés les organes chargés des enquêtes pénales, le comité ne peut par ailleurs que constater de nouveau l’absence de données sur le nombre de condamnations prononcées à l’encontre des instigateurs des actes de violence antisyndicale. Le comité souligne à cet égard que l’enquête ne devrait pas se limiter au seul auteur matériel du crime, mais s’étendre aux instigateurs en vue de faire prévaloir entièrement la justice et d’empêcher de manière significative toute violence future à l’égard des membres du mouvement syndical.
  9. 113. Se félicitant des mesures importantes que les autorités publiques ont adoptées et du nombre croissant de décisions de justice rendues, le comité, compte tenu de l’ampleur des défis auxquels le pays se trouve confronté dans sa lutte contre la violence antisyndicale et l’impunité, prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour élucider tous les actes de violence antisyndicale, homicides, menaces et autres, rapportés dans le pays, et pour condamner tant les auteurs matériels que les instigateurs de tels actes. Il espère, en particulier, que toutes les mesures supplémentaires seront prises et toutes les ressources nécessaires mobilisées pour que les enquêtes et les procédures pénales relatives aux actes de violence antisyndicale dont il est question dans le présent cas permettent d’identifier et de sanctionner de façon plus efficace les instigateurs de tels actes. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à cet égard.
  10. 114. En ce qui concerne les mesures adoptées par les autorités publiques pour prévenir les actes de violence antisyndicale et protéger les membres du mouvement syndical dont la sécurité est menacée, le comité prend bonne note des initiatives institutionnelles adoptées dans le cadre de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs et du plan d’action pour faciliter le dialogue entre les autorités compétentes et les organisations syndicales à propos des actes et des risques de violence auxquels elles sont confrontées. Il prend ensuite bonne note des informations détaillées du gouvernement sur les activités de l’UNP, dont il ressort que: i) du 1er janvier 2019 au 31 janvier 2021, l’UNP a réalisé 649 évaluations des risques auxquels sont exposés certains dirigeants et membres syndicaux; ii) actuellement, 296 dirigeants et membres syndicaux bénéficient de mesures de protection strictes; et iii) en 2019, le coût des mesures de protection mises en place par l’UNP pour les dirigeants et les syndicalistes s’élevait à 39  986  188  070 pesos colombiens. En outre, le comité prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur la répartition géographique des évaluations des risques menées et sur les différents auteurs des menaces. À ce propos, il prend en particulier note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’apparition en 2020 de nouvelles sources de menaces l’a obligé à renforcer les mécanismes et les stratégies de protection des dirigeants sociaux et des défenseurs des droits de l’homme. À cet égard, le comité constate également que, malgré une diminution significative du nombre de victimes depuis 2001, le gouvernement continue de signaler de nouveaux homicides de membres du mouvement syndical dans le pays.
  11. 115. Tout en saluant les efforts considérables déployés par les autorités publiques en matière de protection contre la violence antisyndicale et les consultations tenues avec les partenaires sociaux au sein de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs, le comité ne peut manquer de constater avec une profonde préoccupation la persistance du nombre élevé d’homicides et autres actes de violence antisyndicale dans le pays, ainsi que l’apparition, comme le rapporte le gouvernement, de nouvelles sources de menaces. Le comité rappelle à ce sujet que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 82.] Compte tenu de la situation, le comité prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour fournir une protection appropriée à tous les dirigeants et membres syndicaux dont la sécurité est menacée. Pour accroître l’effet des politiques de prévention de la violence antisyndicale, le comité prie particulièrement le gouvernement de continuer, tant dans le cadre du plan d’action et de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs qu’au sein de toutes les instances tripartites concernées, d’encourager la tenue d’un dialogue étroit entre les organisations syndicales et les différentes autorités compétentes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

    Allégations de violence présentées en 2014 par le SINTRAELECOL et le SINTRAEMCALI

  1. 116. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement sur l’état d’avancement de toutes les enquêtes sur les cas de violence dont les victimes étaient, d’une part, des membres du SINTRAELECOL et, d’autre part, des membres du SINTRAEMCALI. Tout en prenant bonne note de ces informations et, en particulier, du nombre de condamnations prononcées dans ces cas (21 et 24, respectivement), le comité rappelle toutefois que: i) les allégations de violence antisyndicale formulées par les organisations susmentionnées dans le cadre des cas nos 2761 et 3074 font référence à des actes spécifiques de violence antisyndicale (en ce qui concerne le SINTRAELECOL, il s’agit de blessures infligées en 2014 à M. Oscar Arturo Orozco et de menaces de mort dont M. Oscar Lema Vega aurait fait l’objet; et en ce qui concerne le SINTRAEMCALI, il s’agit de l’attentat d’avril 2014 contre le siège de l’organisation et le véhicule de l’un de ses dirigeants); et ii) lors de son précédent examen des présents cas, le comité avait exprimé le ferme espoir que les enquêtes et les procédures toujours en cours permettraient l’élucidation rapide des faits dénoncés, ainsi que la condamnation de leurs auteurs matériels et de leurs instigateurs. Compte tenu de ce qui précède, le comité demande de nouveau au gouvernement de l’informer sur l’état d’avancement des enquêtes et procédures en cours relatives aux actes signalés en 2014 par le SINTRAELECOL et le SINTRAEMCALI.

    Allégations de violence antisyndicale dans le secteur pénitentiaire

  1. 117. En ce qui concerne la plainte relative aux homicides de 21 membres de l’UTP, dont 3 dirigeants syndicaux, commis entre le 5 juin 2012 et le 24 octobre 2016, ainsi qu’à la tentative d’homicide dont a été victime un autre dirigeant de l’UTP le 4 juin 2015, le comité prend note des informations générales transmises par le gouvernement sur l’état d’avancement, au 30 janvier 2020, des 43 enquêtes relatives à des cas de violence contre des membres et des dirigeants de l’UTP (42 enquêtes pour des cas d’homicide et 1 enquête pour des menaces). Le comité note que, en ce qui concerne les cas susmentionnés, le gouvernement signale ce qui suit: i) 12 cas en sont au stade de l’exécution des peines, 17 condamnations ayant été prononcées à l’encontre de 23 personnes; et ii) 29 autres cas sont toujours en instance (4 sont en cours de jugement, 6 sont en cours d’instruction ou font l’objet d’une enquête, et 19 sont en phase préliminaire).
  2. 118. Le comité prend bonne note de ces éléments et, en particulier, des 17 condamnations prononcées. Il fait observer dans le même temps qu’aucune information ne lui a été transmise sur les mobiles des homicides sanctionnés par ces condamnations, ou permettant de déterminer si les personnes condamnées sont à la fois les auteurs et les instigateurs des actes, ou si ces condamnations ont permis d’établir des liens entre les différents homicides de membres de l’UTP. Par conséquent, le comité prie instamment le gouvernement de continuer de s’efforcer d’éclaircir tous les homicides et la tentative d’homicide dont ont été victimes des dirigeants et des membres de l’UTP et dont il est question dans le présent cas, et de condamner les auteurs matériels et les instigateurs de tels actes. En ce qui concerne les cas dénoncés en l’espèce, le comité prie également le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’état d’avancement des enquêtes en cours, ainsi que sur le contenu des décisions rendues.
  3. 119. En ce qui concerne les allégations d’homicide de MM. Diego Rodríguez González et Manuel Alfonso, membres de l’UTP, le comité note que le gouvernement déclare que le ministère public, après examen de ses systèmes d’information, n’a pas pu établir clairement l’identité des personnes visées et demande que leur numéro de carte d’identité soit communiqué pour pouvoir les identifier avec certitude. Compte tenu de ce qui précède, le comité invite l’UTP et le gouvernement à se mettre en contact pour procéder aux identifications susmentionnées.
  4. 120. Pour ce qui est des menaces de mort dont auraient fait l’objet plusieurs dirigeants de l’UTP et des mesures que l’UNP a mises en place pour protéger les intéressés, le comité prend note des informations fournies par le gouvernement à propos des mesures adoptées à l’égard de MM. Julio César García Salazar, Eleasid Durán Sánchez, Jhony Javier Pabón Martínez et Franklin Excenover Gómez Suárez. Il note également que, dans le cas de Mme Cindy Yuliana Rodríguez Layos, le gouvernement indique qu’il est nécessaire de communiquer le numéro de sa carte d’identité pour éviter tout risque de confusion avec des homonymes. En outre, le comité prend note que: i) le gouvernement ne fournit pas les informations requises sur l’évaluation des risques auxquels est exposé M. Mauricio Paz Jojoa; et ii) l’organisation plaignante ne fournit pas les informations requises sur MM. Roberto Carlos Correa Aparicio, Gerson Méndez, Carlos Fabián Velazco Virama, Rafael Gómez Mejía, Helkin Duarte Cristancho, Óscar Tulio Rodríguez Mesa et Mauricio Olarte Mahecha (personnes pour lesquelles l’UNP indique ne pas avoir reçu de demandes de mesures de protection). Sur la base de ces différents éléments, le comité prie le gouvernement de fournir les informations demandées sur l’évaluation des risques auxquels est exposé M. Mauricio Paz Jojoa. Il invite aussi l’UTP et le gouvernement à se mettre en contact pour procéder à l’identification définitive de Mme Cindy Yuliana Rodríguez Layos.
  5. 121. Notant enfin que, en ce qui concerne les membres de l’UTP, le gouvernement ne mentionne qu’un seul cas de menaces faisant l’objet d’une enquête alors que, dans sa plainte initiale, l’organisation faisait référence à 31 membres et dirigeants menacés de mort, le comité prie le gouvernement de s’assurer que toutes les allégations de menace contre des membres ou des dirigeants de l’UTP ont bien donné lieu à des enquêtes visant à identifier et à sanctionner leurs auteurs.

    Nouvelles allégations

  1. 122. Le comité prend note des allégations présentées par la CTC dans une communication datée du 18 juin 2019 relative à l’attentat dont M. Gustavo Adolfo Aguilar, le président du SINTRASERPUVAL, aurait été victime le 22 mars 2018. Le comité note que l’organisation plaignante affirme que M. Aguilar a été attaqué par des assaillants dont l’arme à feu n’a pas fonctionné et que, avant cet attentat, la victime avait dénoncé des violations des droits du travail de la part de l’administration de la municipalité de Riofrío (Valle del Cauca). Il rappelle à cet égard que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne, et que l’exercice des droits syndicaux est incompatible avec tout type de violence ou de menace, et qu’il appartient aux autorités de diligenter une enquête dans les plus brefs délais et, le cas échéant, de sanctionner tout acte de cette nature. [Voir Compilation, paragr. 82 et 88.] Le comité prie donc le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection de M. Aguilar et de veiller à ce que les enquêtes nécessaires soient menées pour identifier et sanctionner rapidement les auteurs matériels et les instigateurs de l’attentat survenu en mars 2018. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 123. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Saluant les mesures importantes que les autorités publiques ont adoptées et le nombre croissant de condamnations prononcées, le comité, compte tenu de l’ampleur des défis auxquels le pays se trouve confronté dans sa lutte contre la violence antisyndicale et l’impunité, prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour élucider tous les actes de violence antisyndicale, homicides, menaces et autres rapportés dans le pays, et pour condamner tant les auteurs matériels que les instigateurs de tels actes. Le comité espère, en particulier, que toutes les mesures supplémentaires seront prises et toutes les ressources nécessaires mobilisées pour que les enquêtes et les procédures pénales menées en relation avec les actes de violence antisyndicale dénoncés dans le présent cas augmentent considérablement leur efficacité pour identifier et sanctionner les instigateurs de tels actes. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à cet égard.
    • b) Tout en saluant les efforts considérables déployés par les autorités publiques, ainsi que les consultations tenues avec les partenaires sociaux au sein de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs, le comité prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses initiatives visant à fournir une protection appropriée à tous les dirigeants et membres syndicaux en situation de risque. En vue d’accroître l’effet des politiques de prévention de la violence antisyndicale, le comité prie particulièrement le gouvernement de continuer, tant dans le cadre du plan d’action et de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs qu’au sein de toutes les instances tripartites concernées, à encourager un dialogue étroit entre les organisations syndicales et les différentes autorités compétentes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie de nouveau le gouvernement de l’informer sur l’état d’avancement des enquêtes et procédures en cours relatives aux faits signalés en 2014 par le Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie (SINTRAELECOL) et le Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI).
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de continuer à déployer tous les efforts nécessaires pour élucider tous les homicides et la tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’Association syndicale unitaire des fonctionnaires publics du système pénitentiaire et carcéral colombien (UTP) dénoncés dans le présent cas, et condamner les auteurs matériels et les instigateurs de tels actes. En ce qui concerne les cas dénoncés dans le présent cas, le comité prie également le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’état d’avancement des enquêtes en cours, ainsi que sur le contenu des décisions rendues. En outre, le comité invite l’UTP et le gouvernement à se mettre en contact pour procéder à l’identification de MM. Diego Rodríguez González et Manuel Alfonso;
    • e) Le comité prie le gouvernement de fournir les informations demandées sur l’évaluation de la situation à risque de M. Mauricio Paz Jojoa. Il invite aussi l’UTP et le gouvernement à se mettre en contact pour procéder à l’identification définitive de Mme Cindy Yuliana Rodríguez Layos.
    • f) Le comité prie également le gouvernement de s’assurer que toutes les allégations de menaces contre des membres ou des dirigeants de l’UTP ont donné lieu à des enquêtes visant à identifier et à sanctionner leurs auteurs; le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection de M. Gustavo Adolfo Aguilar, président du Syndicat des fonctionnaires et agents publics du gouvernement et des municipalités de Colombie (SINTRASERPUVAL), et pour mener les enquêtes nécessaires pour identifier et sanctionner rapidement les auteurs matériels et les instigateurs de l’attentat survenu en mars 2018. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard;
    • g) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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