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Rapport définitif - Rapport No. 392, Octobre 2020

Cas no 3357 (Monténégro) - Date de la plainte: 18-JANV.-19 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce des violations des droits syndicaux par le gouvernement à l’égard du Syndicat de la défense et des forces armées du Monténégro (SOVCG), y compris des actes de discrimination antisyndicale à l’encontre de son président et de ses membres, ainsi que le déni de certains droits au syndicat et à ses membres

  1. 773. La plainte figure dans une communication en date du 18 janvier 2019 de l’Union des syndicats libres du Monténégro (UFTUM).
  2. 774. Le gouvernement fournit ses observations dans une communication en date du 14 janvier 2020.
  3. 775. Le Monténégro a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 776. Dans sa communication en date du 18 janvier 2019, l’organisation plaignante dénonce des violations des droits syndicaux par le gouvernement à l’égard du Syndicat de la défense et des forces armées du Monténégro (SOVCG) – un syndicat de branche affilié à l’Union des syndicats libres du Monténégro (UFTUM) et l’une des deux organisations syndicales représentatives au sein des forces armées du Monténégro. L’organisation plaignante allègue en particulier des actes de discrimination antisyndicale à l’encontre du président et des membres du SOVCG, ainsi que le déni de certains droits au syndicat, alors qu’ils sont accordés à une autre organisation représentative du même niveau. Elle informe le comité que la liberté syndicale et d’organisation dans les forces armées est garantie par l’article 53 de la Constitution, l’article 15 de la loi sur les fonctionnaires et les agents de l’État et l’article 67 de la loi sur les forces armées du Monténégro.
  2. 777. En ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale, l’organisation plaignante affirme que, depuis juillet 2017, le président et les membres du SOVCG ont fait l’objet d’actes de discrimination antisyndicale en raison de la lutte qu’ils mènent pour maintenir 22 soldats en service. Lorsque le ministère de la Défense a annoncé que les contrats de travail professionnels de ces soldats ne seraient pas prolongés malgré les recommandations de leurs supérieurs en ce sens, le président du SOVCG a sollicité une réunion avec le ministère de la Défense pour obtenir des explications sur le non-renouvellement des contrats auxquelles le syndicat a droit en vertu de l’article 3 de l’accord de coopération conclu entre le SOVCG et le ministère de la Défense. Cette disposition stipule que, avant de prendre une décision d’importance vitale pour les intérêts professionnels et économiques des agents du ministère de la Défense et des Forces armées, le ministère de la Défense doit demander et étudier les avis et propositions du SOVCG. Malgré cette garantie et plusieurs lettres adressées au Cabinet du ministre, le ministre de la Défense n’a pas reçu les représentants du SOVCG et ne leur a pas fourni d’informations sur les raisons de la non-prolongation des contrats de travail des soldats concernés. Dans un souci de protection des intérêts de ses collègues, le président du SOVCG a informé d’autres institutions, ainsi que le public, de cette affaire. Depuis lors, et sans aucune raison justifiée, le président du SOVCG et les membres du syndicat ont fait l’objet d’actes de discrimination antisyndicale, comme en témoignent de nombreux documents.
  3. 778. Selon l’organisation plaignante, la mesure discriminatoire la plus radicale a été le licenciement du président du SOVCG en octobre 2017 par le biais d’une retraite forcée. L’organisation plaignante affirme que, pour assurer la révocation rapide du président, ce dernier a été privé de son congé annuel et a reçu une compensation pour les congés non pris, et que la décision de mise à la retraite contenait des informations erronées concernant l’âge du président, qui ont dû être corrigées ultérieurement. L’organisation plaignante allègue en outre que le licenciement a été ordonné dans le but d’intimider les membres du syndicat et qu’il a été précédé d’une modification ciblée de la loi sur les forces armées du Monténégro en août 2017, qui permet au ministère de la Défense de mettre des membres des forces armées à la retraite de force si les besoins du service l’exigent (jusqu’alors, le rôle de président au sein d’une autre organisation représentative des forces armées était tenu depuis plusieurs années par un fonctionnaire de l’armée à la retraite, sans que cela ne pose aucune difficulté). Le ministère de la Défense a ensuite demandé l’avis du ministère du Travail et de la Protection sociale sur la question de savoir si un retraité pouvait exercer la fonction de président d’un syndicat. L’avis a été rendu en septembre 2017 et précisait qu’un syndicat est composé de personnes employées par l’employeur. Le lendemain de l’émission de l’avis, le directeur des ressources humaines du ministère de la Défense a proposé que le président du SOVCG soit mis à la retraite anticipée, et les deux syndicats représentatifs des forces armées ont été invités à organiser des élections, car ils ne pouvaient plus être représentés par des retraités. L’organisation plaignante affirme que, à partir de la date de sa retraite forcée, le président du SOVCG s’est vu refuser la possibilité d’exercer des activités syndicales et que, malgré les plaintes déposées auprès des institutions compétentes, il n’a bénéficié d’aucune protection contre le licenciement.
  4. 779. L’organisation plaignante allègue en outre que le ministère de la Défense a dénié au SOVCG les droits accordés par la législation nationale lorsqu’il a refusé de donner suite à un certain nombre de requêtes du syndicat visant à transférer sur son compte la cotisation des nouveaux membres, comme l’exige la convention collective générale. En outre, malgré la législation nationale qui prévoit l’égalité des droits pour les syndicats représentatifs de même niveau, le SOVCG s’est vu refuser plusieurs avantages qui étaient en même temps accordés à un autre syndicat représentatif des forces armées. Ces allégations portent sur l’exclusion du SOVCG de l’accord sur la création d’une coopérative de logement pour les employés du ministère de la Défense et des Forces armées; le refus de fournir au syndicat et à ses membres des informations régulières dans le domaine des questions syndicales et du travail; et le refus d’accorder de meilleurs services d’achat et le droit de recourir au Fonds d’aide financière. L’organisation plaignante allègue que, par ces mesures, le ministère de la Défense tente d’intimider les membres du SOVCG et que, suite à celles-ci, le syndicat a perdu 17 pour cent de ses membres en cinq mois. Le syndicat a adressé ces questions à l’Inspection administrative, qui s’est déclarée incompétente et qui a transmis le dossier au Défenseur des droits de l’homme et des libertés.
  5. 780. Enfin, l’organisation plaignante demande au gouvernement d’annuler la décision relative à la mise à la retraite forcée du président du SOVCG et de lui permettre d’exercer ses activités syndicales, ainsi que de permettre aux membres du SOVCG d’exercer les mêmes droits que les membres d’un autre syndicat représentatif de même niveau.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 781. Dans sa communication en date du 28 janvier 2020, le gouvernement rappelle les allégations telles que présentées par l’organisation plaignante et informe le comité que le ministère de la Défense a rejeté toutes ces allégations comme étant non fondées. En ce qui concerne la discrimination alléguée du président du SOVCG, M. Nenad Cobeljic, le gouvernement indique que l’intéressé a introduit un recours contre la décision de mise à la retraite, qui a été rejeté par la Commission des recours, faisant valoir que la décision était légitime et que le président du SOVCG ne pouvait pas être placé dans une position plus favorable que d’autres personnes dont l’emploi avait également été supprimé.
  2. 782. Quant à la question de savoir si le président du SOVCG, une fois à la retraite, pouvait occuper une fonction syndicale, le ministère de la Défense a fait savoir que l’avis fourni par le ministère du Travail et de la Protection sociale indiquait que seules les personnes employées peuvent s’organiser en syndicats, ce qui signifie que le rôle de président de syndicat ne peut être tenu que par une personne employée par l’employeur auprès duquel le syndicat est organisé. Le gouvernement déclare que M. Cobeljic, qui n’est pas employé dans les forces armées, ne peut donc pas agir en tant que président d’un syndicat dans les forces armées.
  3. 783. Concernant l’allégation selon laquelle le ministère de la Défense a illégalement exclu le SOVCG de la conclusion d’un accord sur la création d’une association de logement, le gouvernement déclare qu’il a choisi de conclure un modèle plus approprié pour résoudre la question du logement avec une autre organisation syndicale: le Syndicat des forces armées du Monténégro. Il indique que l’organisation plaignante n’a soumis aucune preuve de discrimination à l’égard du SOVCG et que le ministère de la Défense a donc considéré cette allégation comme infondée.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 784. Le comité observe que ce cas concerne des allégations de discrimination antisyndicale à l’encontre du président du SOVCG, notamment une mise à la retraite forcée et l’incapacité qui en découle d’exercer une fonction syndicale, ainsi que le déni de certains droits au SOVCG, un syndicat représentatif au sein des forces armées, alors qu’ils sont accordés à une autre organisation représentative de même niveau. Le comité prend note de la réponse du gouvernement à ces allégations, indiquant que la décision relative à la retraite du président du SOVCG a été confirmée par la Commission des recours comme étant légitime et que, conformément à l’avis du ministère du Travail et de la Protection sociale, M. Cobeljic, une fois retraité, ne peut plus exercer les fonctions de président du SOVCG, étant donné qu’un responsable syndical doit être une personne employée par l’employeur auprès duquel le syndicat est organisé. Le gouvernement réfute également l’allégation de discrimination entre le SOVCG et un autre syndicat des forces armées et souligne l’absence de toute preuve présentée par l’organisation plaignante pour étayer cette affirmation.
  2. 785. Compte tenu de ce qui précède, le comité note que le Monténégro a ratifié les conventions nos 87, 98 et 151. En ce qui concerne l’application de ces instruments aux forces armées, les conventions contiennent une disposition qui stipule que: «La mesure dans laquelle les garanties prévues par la présente convention s’appliqueront aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale» (article 9 (1) de la convention no 87; article 5 (1) de la convention no 98; et article 1 (3) de la convention no 151). Le comité a considéré que la Conférence internationale du Travail souhaitait clairement laisser aux États Membres le soin de décider de la mesure dans laquelle ils voulaient accorder les droits prévus par la convention no 87 aux membres des forces armées et de la police. Il a aussi estimé que les mêmes considérations valent pour les conventions nos 98, 151 et 154. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1253.]
  3. 786. Néanmoins, le comité note avec intérêt que le Monténégro a reconnu aux forces armées le droit de s’organiser conformément aux principes de la liberté syndicale et que ce droit est garanti par l’article 53 de la Constitution, l’article 15 de la loi sur les fonctionnaires et agents de l’État et l’article 67 de la loi sur les forces armées du Monténégro. Le comité observe également que plusieurs organisations de travailleurs ont été créées et sont actuellement actives dans les forces armées et qu’un accord de coopération a été signé en 2015 entre le SOVCG et le ministère de la Défense afin de réglementer certains droits, obligations et responsabilités mutuels. Le comité croit comprendre, d’après les informations fournies, que, en dépit du différend en cours et des opinions divergentes entre les parties à cet égard, il semble exister des voies établies de dialogue social entre les autorités politiques et militaires, d’une part, et les représentants des syndicats des forces armées, d’autre part.
  4. 787. À la lumière de ce qui précède, et dans le cadre de la législation, de la réglementation et de la pratique nationales existantes au Monténégro (article 9 (1) de la convention no 87; article 5 (1) de la convention no 98; et article 1 (3) de la convention no 151), le comité invite le gouvernement à encourager et à promouvoir le dialogue social entre les parties en vue d’assurer la protection pleine et effective des droits à la liberté syndicale du personnel militaire, tels que garantis par les lois et règlements nationaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 788. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité invite le gouvernement, dans le cadre de la législation, de la réglementation et de la pratique nationales existantes au Monténégro (article 9 (1) de la convention no 87; article 5 (1) de la convention no 98; et article 1 (3) de la convention no 151), à encourager et à promouvoir le dialogue social entre les parties en vue d’assurer la protection pleine et effective des droits à la liberté syndicale du personnel militaire, tels que garantis par les lois et règlements nationaux.
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