Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des menaces, des actes d’intimidation et des représailles graves contre des membres et des dirigeants du Syndicat national des journalistes somaliens (NUSOJ) et l’absence de réponse adaptée de la part du gouvernement fédéral de la Somalie
- 655. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion d’octobre 2017 et, à cette occasion, a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 383e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 331e session (octobre-novembre 2017), paragr. 592 à 608.]
- 656. Le Syndicat national des journalistes somaliens (NUSOJ) a envoyé des informations supplémentaires relatives à la plainte dans une communication en date du 18 août 2018.
- 657. Le gouvernement a fourni des observations dans une communication en date du 11 juin 2018.
- 658. La Somalie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 659. Lors de son examen antérieur du cas à sa réunion d’octobre 2017, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 383e rapport, paragr. 608]:
- a) Tout en accueillant favorablement la détermination du gouvernement à trouver une solution à ce cas qui concerne des allégations très graves, le comité réitère ses recommandations précédentes et s’attend à ce que le gouvernement fournisse rapidement des informations sur les mesures prises pour veiller à ce que la FESTU et le NUSOJ puissent mener leurs activités syndicales sans entrave et à ce que des enquêtes judiciaires indépendantes soient promptement diligentées en cas de plaintes pour menaces ou actes de violence à l’encontre de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, et ce afin d’établir pleinement les faits et circonstances, d’identifier les responsables, de sanctionner les coupables et de prévenir la répétition de tels actes.
- b) Le comité prie le gouvernement de répondre aux allégations selon lesquelles le président de la Cour suprême, nommément M. Aidid Abdullahi Ilkahanaf, qui avait rendu une décision en faveur de M. Osman – et contre la position du gouvernement –, a été démis de ses fonctions par décret présidentiel. Le comité prie également le gouvernement d’indiquer les fonctions actuelles de M. Aidid Abdullahi Ilkahanaf, et en particulier si ce dernier est demeuré dans la magistrature.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications détaillées sur les motifs de l’arrestation, le 15 octobre 2016, de M. Abdi Adan Guled, vice-président du NUSOJ.
- d) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications détaillées sur toute enquête de police et procédure judiciaire engagée en lien avec la tentative d’assassinat à l’encontre M. Osman le 25 décembre 2015.
- e) Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé du résultat de l’enquête sur le meurtre de M. Abdiasis Mohamed Ali, membre du NUSOJ.
- f) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir des observations détaillées concernant les accusations portées en mai 2017 contre M. Omar Faruk Osman et de le tenir informé des suites éventuelles données à cette procédure.
- g) Le comité veut croire que le gouvernement se prévaudra aussitôt que possible de l’assistance technique du Bureau afin de déterminer les mesures appropriées pour traiter de manière effective ses recommandations en suspens.
B. Informations complémentaires de l’organisation plaignante
B. Informations complémentaires de l’organisation plaignante- 660. Dans une communication en date du 18 août 2018, le NUSOJ dénonce l’assassinat d’un journaliste, membre du NUSOJ, qui a été abattu par un policier le 27 juillet 2018. Selon le NUSOJ, M. Abdirisaq Qasim Iman a été tué par balles rue Via Liberia dans le district de Waberi à Mogadiscio, à 16 heures. Un policier aurait ordonné au journaliste qui roulait en moto de quitter la chaussée, tout en pointant son arme sur lui et son appareil photo, le visant à la tête peu après, le tuant sur le coup. Le NUSOJ affirme que la police somalienne était peu disposée à fournir des informations au sujet du policier, qui a en fait quitté les lieux après l’assassinat. Le NUSOJ dénonce le fait que, après l’identification du policier par le syndicat et la famille de la victime, le syndicat a fait l’objet de menaces ouvertes de la part d’officiers haut gradés de la police somalienne. A cet égard, le NUSOJ rappelle que, malheureusement, les menaces et les actes de violence persistent à l’endroit de ses membres et prie le comité de demander justice et de condamner l’impunité.
C. Informations de la part du gouvernement
C. Informations de la part du gouvernement- 661. Dans une communication en date du 11 juin 2018, le gouvernement a transmis un protocole d’entente signé le 30 mai 2018 entre le ministère du Travail et des Affaires sociales et la Fédération des syndicats somaliens (FESTU) par lequel les deux parties sont convenues, entre autres, de définir un ensemble de principes et d’accords exécutoires visant à réduire les tensions et les conflits persistant en Somalie entre les partenaires sociaux tripartites dans le contexte de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de faciliter le dialogue et les consultations entre le gouvernement et les organisations de travailleurs les plus représentatives pour favoriser la mise en œuvre de normes internationales du travail et la coopération entre la Somalie et l’OIT. Parmi les principes clés figurant dans ce protocole, les deux parties sont convenues que: i) la FESTU est l’organisation syndicale nationale la plus représentative en Somalie; ii) un système de dialogue social national tripartite sera établi entre la FESTU et le ministère pour permettre des consultations efficaces et fructueuses entre partenaires sociaux; et iii) tant que le statut d’organisation la plus représentative reconnu à la FESTU n’aura pas été remis en cause à l’issue d’un processus de consultation transparent et objectif, le délégué des travailleurs de la République fédérale de la Somalie aux futures sessions de la Conférence internationale du Travail sera, à compter de 2018, M. Omar Faruk Osman Nur, secrétaire général de la FESTU, ou telle autre personne que la FESTU désignera. Le protocole a été transmis au Bureau international du Travail (BIT) et à la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence internationale du Travail, et témoigne de l’engagement pris par le gouvernement de respecter toutes ses obligations envers le BIT, notamment celle de régler toutes les questions en suspens avec la FESTU, en particulier pour l’instauration de relations sociales pacifiques et harmonieuses dans un climat de paix et de développement national. De son côté, la FESTU s’engage à s’abstenir de toute manifestation hostile, à appuyer le gouvernement et à coopérer avec lui conformément aux principes et aux résolutions du BIT et d’autres organes de protection des droits de l’homme.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 662. Le comité rappelle qu’il a examiné ce cas grave qui concerne des allégations très graves (arrestation du vice-président du NUSOJ; tentative d’assassinat à l’encontre du secrétaire général du NUSOJ; assassinat d’un journaliste, membre du NUSOJ; ingérence des autorités dans la constitution d’un syndicat) à plusieurs reprises depuis 2015. Le comité rappelle qu’il a précédemment accueilli favorablement certaines évolutions positives concernant ce cas, dont une communication en date du 10 septembre 2017 dans laquelle le gouvernement: i) a reconnu que le ministère du Travail et des Affaires sociales a consulté le Procureur général de l’Etat au sujet du cas, qui a alors conseillé aux autorités compétentes de se conformer aux recommandations du comité; ii) a reconnu que la FESTU, dirigée par M. Omar Faruk Osman, est l’organisation de travailleurs la plus représentative du pays et que M. Osman est le dirigeant du NUSOJ; iii) a indiqué qu’il souhaitait régler les différends politiques entre la FESTU et les décideurs au sein du gouvernement; et iv) a sollicité l’assistance du BIT pour favoriser un dialogue constructif et pour trouver dans l’harmonie une solution à un conflit de longue date.
- 663. Le comité prend note du protocole d’entente daté du 30 mai 2018 signé par le ministère du Travail et des Affaires sociales et la FESTU par lequel les deux parties sont convenues, entre autres, de définir un ensemble de principes et d’accords exécutoires visant à réduire les tensions et les conflits persistant en Somalie entre les partenaires sociaux tripartites et de faciliter le dialogue et les consultations entre le gouvernement et les organisations de travailleurs les plus représentatives pour favoriser la mise en œuvre de normes internationales du travail et la coopération entre la Somalie et l’OIT. Le comité constate que les deux parties sont convenues de respecter les principes clés suivants: i) la FESTU est l’organisation syndicale nationale la plus représentative en Somalie; ii) un système de dialogue social national tripartite sera établi entre la FESTU et le ministère pour permettre des consultations efficaces et fructueuses entre partenaires sociaux; et iii) tant que le statut d’organisation la plus représentative reconnu à la FESTU n’aura pas été remis en cause à l’issue d’un processus de consultation transparent et objectif, le délégué des travailleurs de la République fédérale de la Somalie aux futures sessions de la Conférence internationale du Travail sera, à compter de 2018, M. Omar Faruk Osman Nur, secrétaire général de la FESTU, ou telle autre personne que la FESTU désignera. Le comité se félicite de ce nouvel engagement du gouvernement en faveur d’une solution à un conflit de longue date conforme aux normes internationales du travail et d’un système de dialogue social national tripartite avec la FESTU. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’établissement du système de dialogue social national tripartite et sur toute autre mesure prise pour rendre le climat plus propice à l’exercice de la liberté syndicale dans le pays.
- 664. Le comité note avec une profonde préoccupation les nouvelles allégations d’assassinat d’un journaliste membre du NUSOJ, M. Abdirisaq Qasim Iman, qui aurait été abattu par un policier le 27 juillet 2018, rue Via Liberia dans le district de Waberi à Mogadiscio, à 16 heures. Selon le NUSOJ, le policier aurait ordonné au journaliste qui roulait en moto de quitter la chaussée, tout en pointant son arme sur lui et sur son appareil photo, le visant à la tête peu après, le tuant sur le coup. Le comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles la police somalienne était peu disposée à fournir des informations au sujet du policier qui a abattu M. Abdirisaq Qasim Iman et, lorsque le NUSOJ a réussi à l’identifier, le syndicat a fait l’objet de menaces ouvertes de la part d’officiers haut gradés de la police somalienne. Le comité rappelle fermement que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. L’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. L’instruction ne devrait pas se limiter au seul auteur du crime, mais s’étendre aux instigateurs en vue de faire prévaloir la vraie justice et d’empêcher de manière significative toute violence future à l’égard des syndicalistes. Il est d’une importance cruciale que la responsabilité dans la chaîne de commandement soit également dûment déterminée lorsque des crimes sont commis par des membres de l’armée ou de la police et que les instructions adéquates puissent être données à tous les niveaux, et que ceux qui détiennent le contrôle engagent leur responsabilité afin d’empêcher, de manière effective, que de tels actes se reproduisent. Enfin, bien qu’il importe que tous les actes de violence visant les syndicalistes, qu’il s’agisse d’assassinats, de disparitions ou de menaces, fassent l’objet d’enquêtes appropriées, la simple ouverture d’une enquête ne met pas fin à la mission du gouvernement; celui-ci est tenu de donner tous les moyens nécessaires aux instances chargées de ces enquêtes pour que celles-ci aboutissent à l’identification et à la condamnation des coupables. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 84, 94, 99 et 102.]
- 665. Le comité souligne la gravité de ces allégations et prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête judiciaire indépendante sur le meurtre de M. Abdirisaq Qasim Iman en vue de faire toute la lumière sur les circonstances dans lesquelles ce fait s’est produit, pour déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables. Le comité s’attend à ce que le gouvernement le tienne informé sans délai des mesures prises à cet égard et des résultats de l’enquête. Le comité rappelle qu’il a déjà prié le gouvernement de prendre des mesures pour diligenter de toute urgence une enquête sur le meurtre d’un autre journaliste et membre du NUSOJ, M. Abdiasis Mohamed Ali, qui a été tué le 27 septembre 2016 par deux individus armés de pistolets au nord de Mogadiscio. Le comité déplore l’absence d’information de la part du gouvernement sur les mesures prises pour enquêter sur ce crime grave et s’attend à ce que le gouvernement prenne toutes les dispositions nécessaires pour diligenter sans délai une enquête approfondie et pour en communiquer les résultats. Le comité déplore profondément la répétition de ces crimes des plus violents contre des syndicalistes et prie instamment le gouvernement de tout mettre en œuvre pour s’assurer que les droits fondamentaux sont pleinement respectés, en particulier ceux relatifs à la vie et à la sécurité de la personne, et pour lutter contre la culture de l’impunité créée par l’absence d’enquêtes et de poursuites concernant des actes aussi odieux.
- 666. En outre, le comité rappelle qu’il a demandé des informations sur les allégations concernant la convocation de M. Omar Faruk Osman, secrétaire général de la FESTU et du NUSOJ, au bureau du procureur général en mai 2017 et qu’il s’attend à ce que cette affaire soit réglée dans le contexte du protocole d’entente de mai 2018.
- 667. Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas communiqué d’informations concernant d’autres questions soulevées; il se voit donc obligé de réitérer ses recommandations antérieures et exprime le ferme espoir que le gouvernement fournisse sans délai supplémentaire des informations détaillées sur les mesures prises pour veiller à ce que la FESTU et le NUSOJ puissent mener leurs activités syndicales sans entrave.
- 668. Enfin, notant l’intention du gouvernement, en vertu du protocole d’entente de mai 2018, de demander son assistance technique au BIT en vue de promouvoir le dialogue social et d’atteindre les objectifs en matière de travail décent et de tripartisme, le comité veut croire que le gouvernement se prévaudra aussitôt que possible de l’assistance technique du Bureau afin de déterminer les mesures appropriées pour traiter de manière effective ses recommandations en suspens.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 669. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Tout en se félicitant de l’engagement du gouvernement en faveur d’une solution conforme aux normes internationales du travail à toutes les questions en suspens, le comité le prie de fournir des informations détaillées sur l’établissement du système de dialogue social national tripartite et sur toute autre mesure prise pour rendre le climat plus propice à l’exercice de la liberté syndicale dans le pays.
- b) Le comité souligne la gravité des nouvelles allégations concernant l’assassinat d’un journaliste, membre du NUSOJ, et prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête judiciaire indépendante sur le meurtre de M. Abdirisaq Qasim Iman en vue de faire toute la lumière sur les circonstances dans lesquelles ce fait s’est produit, pour déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables. Le comité s’attend à ce que le gouvernement le tienne informé sans délai des mesures prises à cet égard et des résultats de l’enquête.
- c) Le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne sans délai toutes les mesures nécessaires pour diligenter une enquête approfondie sur l’assassinat de M. Abdiasis Mohamed Ali, membre du NUSOJ, et de le tenir informé de ses résultats.
- d) Le comité déplore profondément la répétition de ces crimes des plus violents contre des syndicalistes et prie instamment le gouvernement de tout mettre en œuvre pour s’assurer que les droits fondamentaux sont pleinement respectés, en particulier ceux relatifs à la vie et à la sécurité de la personne, et pour lutter contre la culture de l’impunité créée par l’absence d’enquêtes et de poursuites concernant des actes aussi odieux.
- e) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications détaillées sur les motifs de l’arrestation, le 15 octobre 2016, de M. Abdi Adan Guled, vice-président du NUSOJ.
- f) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications détaillées sur toute enquête de police et procédure judiciaire engagée en lien avec la tentative d’assassinat à l’encontre M. Osman le 25 décembre 2015.
- g) Le comité prie le gouvernement de répondre aux allégations selon lesquelles le président de la Cour suprême, nommément M. Aidid Abdullahi Ilkahanaf, qui avait rendu une décision en faveur de M. Osman – et contre la position du gouvernement –, a été démis de ses fonctions par décret présidentiel. Le comité prie également le gouvernement d’indiquer les fonctions actuelles de M. Aidid Abdullahi Ilkahanaf, et en particulier si ce dernier est demeuré dans la magistrature.
- h) Le comité veut croire que le gouvernement se prévaudra aussitôt que possible de l’assistance technique du Bureau afin de traiter de manière effective ses recommandations en suspens.