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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 384, Mars 2018

Cas no 3202 (Libéria) - Date de la plainte: 21-MARS -16 - En suivi

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Allégations: L’organisation plaignante allègue le refus d’accorder le statut syndical à la NAHWAL ainsi que le licenciement de travailleurs et d’autres actes de représailles à la suite d’une grève, y compris le licenciement du secrétaire général et du président de l’organisation plaignante, le refus d’entendre les revendications de l’organisation plaignante et le niveau de coopération très faible qui lui a été fourni afin de remédier aux problèmes liés aux conditions de travail dans le secteur de la santé publique

  1. 362. La plainte figure dans une communication en date du 21 mars 2016 de l’Association nationale des travailleurs de la santé du Libéria (NAHWAL). L’Internationale des services publics (ISP), la Confédération syndicale internationale (CSI) et la CSI-Afrique se sont associées à la plainte et ont donné des informations complémentaires dans des communications datées respectivement des 24 mars, 17 octobre et 31 octobre 2016. La NAHWAL a donné des informations complémentaires dans une communication en date du 19 septembre 2017.
  2. 363. Le gouvernement a présenté ses observations dans une communication en date du 16 mai 2017.
  3. 364. Le Libéria a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 365. Dans des communications en date du 21 mars 2016 et du 19 septembre 2017, l’organisation plaignante indique que, depuis 2007, des milliers de travailleurs du secteur de la santé publique travaillent dans des conditions défavorables, puisqu’ils effectuent notamment de longues heures de travail, pâtissent de l’insuffisance des effectifs et sont recrutés pour des périodes considérables (entre cinq et dix ans) sans disposer d’un statut d’emploi. De ce fait, ils ne bénéficient ni de la sécurité de l’emploi ni de la sécurité sociale, ni des droits à une pension de retraite ni d’une couverture par le régime d’assurance-maladie. En outre, les travailleurs inscrits sur la liste des employés de la fonction publique ne disposent pas de lettre d’embauche ni de description de poste, touchent des salaires peu élevés et ne peuvent pas prendre de congés annuels à cause du manque d’effectifs et d’une procédure centralisée pour l’acceptation des demandes de congés. La NAHWAL indique qu’elle s’est efforcée de travailler avec les autorités pour remédier à ces problèmes, notamment avec le ministère de la Santé et l’Agence de la fonction publique en 2010 et 2011. L’organisation plaignante allègue que, alors qu’ils avaient initialement bien travaillé ensemble, le ministère a mis fin aux consultations sans l’en avertir.
  2. 366. La NAHWAL conteste en particulier les déclarations du gouvernement, selon qui le secrétaire général du syndicat a encouragé les manifestations de travailleurs et a incité ceux ci à débrancher les tubes à oxygène et les perfusions intraveineuses de patients se trouvant dans un état critique en juillet 2012. Au contraire, l’organisation plaignante indique que les travailleurs lésés qui, après plus d’une année de service, n’avaient pas reçu leur première prime, ont demandé au secrétaire général d’intervenir en leur nom auprès de l’administrateur de l’hôpital. Lorsque celui-ci a déclaré qu’il ne pouvait rien faire et que les travailleurs pouvaient abandonner leur emploi s’ils le souhaitaient, la réaction de ces travailleurs «bénévoles» a été de cesser de se rendre au travail, car ils ne pouvaient plus continuer à emprunter de l’argent pour payer leurs frais de transport. La NAHWAL déclare qu’elle a ensuite appelé les autres collègues à apporter leur aide là où les «bénévoles» ne venaient pas travailler, tout en continuant à chercher une solution amiable au conflit. Comme l’action des travailleurs qui ne prenaient pas leur poste a suscité des préoccupations dans l’opinion publique, un journaliste s’est entretenu avec le secrétaire général sur les problèmes en question, ce qui a conduit à la suspension de celui-ci. Deux lettres de suspension, l’une faisant état d’une durée d’un mois et l’autre, envoyée trois jours plus tard, d’une durée indéterminée, ont été jointes à la plainte. L’organisation plaignante souligne qu’aucune de ces lettres ne fait référence à des allégations de débranchement de tubes d’oxygène ou de perfusions intraveineuses, et que le conseiller juridique du ministère, estimant que cette suspension était illégale et que la procédure n’avait pas été respectée, a recommandé la réintégration du secrétaire général (une copie de l’avis juridique daté du 6 novembre 2012 était jointe à la plainte). L’organisation plaignante considère que les observations du gouvernement sont des allégations très graves ayant de lourdes implications à caractère diffamatoire et estime que, pour que ces déclarations soient prises au sérieux, le gouvernement doit fournir les éléments dont il dispose pour les étayer.
  3. 367. L’organisation plaignante indique que, en février 2013, des travailleurs du secteur de la santé ont soumis une pétition à l’autorité législative, en étroite collaboration avec la NAHWAL. Cette pétition visait à revendiquer des lettres d’embauche, des descriptions de poste ainsi qu’un plan pour le régime des traitements des professionnels de la santé. La NAHWAL allègue que, alors qu’elle avait tenu une première réunion avec le ministère de la Santé en avril 2013, elle n’a reçu aucune réponse aux communications qu’elle a adressées par la suite au ministère de la Santé et aux membres de la commission législative chargée de la santé entre avril et juillet 2013. En conséquence, les professionnels de la santé mécontents ont décidé d’entamer une grève à compter du 22 juillet 2013. Des négociations ont été menées par la suite et un comité technique a été mis en place et chargé d’examiner ces questions, le vice-ministre de la Santé et le secrétaire général du syndicat y participant en qualité de principaux représentants. Ce comité technique a formulé plusieurs recommandations, dont l’augmentation des salaires des travailleurs du secteur de la santé de toutes les catégories. Des fonds ont donc été alloués à cette fin au budget du ministère de la Santé pour 2013 14. La NAHWAL allègue néanmoins que, sur le conseil du ministère de la Santé, le Président n’a pas approuvé l’augmentation des salaires. La NAHWAL considère qu’il s’agissait là non seulement d’une usurpation de compétences ordinairement reconnues, en matière budgétaire, à la branche législative, mais que cela témoignait également du manque de bonne foi du ministère lors de sa participation au comité technique, où les recommandations formulées n’avaient suscité aucun désaccord. En collaboration avec l’Agence de la fonction publique, le ministère a alors publié un nouveau plan supprimant les primes pour les travailleurs du secteur de la santé à compter de janvier 2014. A ce sujet, l’organisation plaignante indique qu’elle a reçu de nombreuses plaintes de travailleurs du secteur de la santé concernant la procédure relative à cette prise de décision, à laquelle les travailleurs n’avaient pas été associés et qui avait été publiée dans le quotidien local le 30 décembre 2013 pour prendre effet le 1er janvier 2014.
  4. 368. L’organisation plaignante indique que, en réaction à cette mesure, les travailleurs du secteur de la santé ont entamé une nouvelle grève, et elle allègue que le gouvernement a menacé de licenciement ceux qui ne se rendraient pas au travail. Le 18 février 2014, 22 professionnels de la santé du pays considérés comme des dirigeants de la NAHWAL ont été licenciés, y compris le président de l’association, M. Joseph Tamba, et son secrétaire général, M. George Poe Williams. Selon la NAHWAL, plusieurs organismes publics et groupes de la société civile ont appelé les membres et les dirigeants du syndicat à retourner au travail, indiquant qu’ils persuaderaient le gouvernement d’examiner les préoccupations des travailleurs du secteur de la santé et promettant qu’aucun travailleur ne serait licencié. La NAHWAL a donc annulé l’action de grève, et les professionnels de la santé sont retournés au travail. Toutefois, le 28 février 2014, alors qu’il reprenait le travail après un congé, le secrétaire général de l’organisation, M. George Poe Williams, a reçu une lettre de licenciement datée du 18 février 2014.
  5. 369. L’organisation plaignante ajoute que, en avril 2014, au début de l’épidémie de la maladie à virus Ebola dans le pays, une manifestation a été organisée lors du sommet de l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS) afin de présenter une pétition attirant l’attention sur les risques que le virus Ebola faisait courir aux professionnels de la santé du pays. Les travailleurs revendiquaient notamment une formation, un équipement de protection et des mesures d’incitation (prime de risque et prestations en cas de décès). La NAHWAL estime que, si ces revendications avaient été entendues, le décès de nombreux travailleurs du secteur de la santé aurait pu être évité. Le syndicat indique que de nombreux travailleurs sont morts alors qu’ils n’avaient pas de statut d’emploi, laissant les personnes à leur charge dans le besoin. Les travailleurs ont ensuite exigé des contrats en bonne et due forme comprenant des dispositions relatives à leur sécurité, à une prime de risque et à des prestations en cas de décès et ils ont entamé une action de grève perlée en octobre 2014 pour parvenir à leurs fins.
  6. 370. L’organisation plaignante allègue que M. Williams et M. Tamba ont été mis sur la «liste noire» du gouvernement. De plus, un certain nombre de mesures punitives ont été prises contre des membres de la NAHWAL: la présidente de la section du comté de Bong (Mme Martha Morris) n’a pas été payée pendant huit mois; le président de la section du comté de Rivercess (M. Borris Grupee) a été muté, le lendemain de sa participation à une action collective, dans un village non couvert par les réseaux de téléphonie mobile, de façon à l’empêcher de joindre les membres de l’organisation; le secrétaire général de la section du comté de Grand Bassa (M. Suku) a été rétrogradé et le président de la section du comté de Lofa a été menacé de licenciement. La CSI indique que, à de nombreuses reprises, la NAHWAL a porté ces mesures discriminatoires à l’attention du ministère du Travail ainsi que de l’Agence de la fonction publique, mais qu’aucune réparation n’a été accordée aux travailleurs et qu’aucune sanction dissuasive n’a été imposée aux responsables de ces actes. La NAHWAL allègue par ailleurs que le gouvernement prend des mesures visant à saper le fonctionnement de l’organisation, et s’efforce de diviser les travailleurs en accordant des avantages, notamment en offrant des véhicules, aux dirigeants d’organisations affiliées à la NAHWAL.
  7. 371. Enfin, l’organisation plaignante fournit une copie de sa demande de statut de syndicat en date du 30 janvier 2014 et indique qu’elle n’a toujours pas reçu de réponse officielle, malgré ses relances auprès du ministère du Travail. Elle allègue que le chef de l’Etat avait indiqué que tout agent qui aurait délivré un certificat au syndicat serait licencié. A cet égard, la CSI déclare que le manque de transparence et la longueur de la procédure d’enregistrement portent à croire que le ministère du Travail dispose d’un pouvoir discrétionnaire concernant l’enregistrement des syndicats, ce qui s’apparente à un régime d’autorisation préalable. Elle affirme que le refus du gouvernement d’enregistrer la NAHWAL a eu de graves incidences sur la capacité du syndicat de représenter ses membres, notamment dans la négociation collective, et de collecter les cotisations syndicales. Pour prouver qu’elle est légitimement fondée à représenter les intérêts des travailleurs dans le secteur de la santé, l’organisation plaignante fournit une copie d’une lettre du Congrès du travail du Libéria (LLC) datée du 30 septembre 2016 dans laquelle le LLC l’informe qu’il accepte sa demande d’affiliation.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 372. Le gouvernement, par l’intermédiaire du ministère de la Santé, apporte une réponse dans une communication datée du 16 mai 2017. Il évoque les difficultés d’un pays qui sort d’un conflit après quinze années de guerre. Il déclare notamment que la plupart des professionnels de la santé formés ont fui le pays pendant les années de guerre et que le système de santé publique s’est effondré. Les rares qui sont restés étaient employés par des organisations non gouvernementales internationales et des organisations humanitaires, intervenues pour aider à faire fonctionner le secteur de la santé en l’absence d’un gouvernement stable et efficace. Des bénévoles non professionnels ont été formés pour travailler comme auxiliaires. Une fois le gouvernement issu des élections de 2006 en place, un processus de transition a été lancé en vue de rattacher à la fonction publique les établissements et le personnel. En mars 2017, 10 875 travailleurs du secteur de la santé étaient ainsi inscrits sur la liste des employés de la fonction publique, soit une augmentation de plus de 400 pour cent depuis 2006.
  2. 373. Dans ce contexte, il a fallu procéder à des audits pour purger la liste des employés d’éventuels travailleurs fantômes. Un audit indépendant des états de paie était en outre en cours en mai 2017. Le gouvernement évoque plusieurs allégations et demandes formulées par M. Williams (le secrétaire général de la NAHWAL) concernant diverses questions se rapportant aux conditions générales d’embauche des professionnels de la santé, notamment l’augmentation de salaire recommandée par le comité technique mis en place par la commission législative chargée de la santé pour répondre aux préoccupations de ces travailleurs (y compris M. Williams). Si cette augmentation n’avait pas été officiellement approuvée par le ministère de la Santé, le gouvernement souligne qu’il ne s’agissait pas d’une question de principe, mais qu’il était impossible de mettre en œuvre une telle augmentation dans le cadre du budget national. Sur ce point, le gouvernement indique qu’il accueillerait favorablement les conseils du BIT quant à la manière de mieux répondre aux demandes des travailleurs du secteur de la santé dans un contexte de ressources fortement limitées. Il confirme que le ministère de la Santé et l’Agence de la fonction publique ont publié un plan pour sortir les travailleurs du système de primes, mais souligne que cette mesure avait pour objectif de rendre possible leur passage dans les états de paie. Pour le gouvernement, le fait d’avoir mis l’accent sur la suppression du versement des primes a totalement induit en erreur les travailleurs, car il n’avait pas été précisé que ces démarches visaient en fait à rendre leur situation plus stable. Selon lui, cette mauvaise appréhension de la situation, des présentations erronées de faits par M. Williams et M. Tamba (président de la NAHWAL), la propagation de fausses informations et la diffusion de rumeurs trompeuses sont à l’origine de la principale action de grève.
  3. 374. Le gouvernement affirme que M. Williams et M. Tamba ont tous deux été licenciés pour avoir commis des actes qui étaient non seulement contraires à l’exécution effective de leurs obligations, mais qui constituaient aussi des infractions à la législation de la République du Libéria. A cet égard, le gouvernement évoque une insubordination caractérisée et une obstruction à l’exercice de fonctions publiques par des fonctionnaires, et renvoie à la loi relative aux pratiques de travail en vigueur à l’époque, qui interdisait de promouvoir, de faciliter ou d’encourager délibérément un mouvement de grève dans le secteur public. Il ajoute que ces licenciements se sont produits après que les deux hommes ont mené des actions illégales pendant des années, et allègue que M. Williams s’est livré à des actes dangereux à l’égard d’un patient dans un état critique et a permis à des journalistes de prendre et de publier des photographies de patients sans que ceux-ci aient donné leur consentement.
  4. 375. Le gouvernement déclare que, en 2013 et 2014, un très grand nombre de personnes et de groupes sont venus à la table des négociations pour demander aux organisateurs de la NAHWAL d’entendre raison et de poursuivre leurs activités de manière pacifique et constructive. Il affirme que les actions du syndicat ont été menées par un petit groupe d’insurgés qui, au sein d’une fraction très fragile de la société, organisaient des grèves illégales et meurtrières en invoquant des prétextes fallacieux, alors que le reste de la collectivité les suppliait d’entendre raison et de mettre fin aux ravages qu’ils causaient.
  5. 376. Le gouvernement déclare qu’il aurait besoin de plus amples détails concernant les autres allégations de discrimination antisyndicale afin de pouvoir mener une enquête à leur sujet. En ce qui concerne la mutation de M. Borris Grupee dans une structure située en zone rurale, le gouvernement répond qu’elle ne saurait être qualifiée de punitive, car il est normal et fréquent qu’un professionnel de santé soit transféré d’une structure à une autre. Quant aux allégations se rapportant à Mme Martha Morris et à M. Suku, le gouvernement déclare qu’il n’est au courant de rien.
  6. 377. Le gouvernement affirme qu’il travaille en étroite collaboration avec des associations professionnelles de médecins et d’infirmiers qui s’occupent toutes de l’intérêt et du bien être des travailleurs du secteur de la santé et qu’elles lui ont demandé de prendre en considération leurs griefs en matière de salaires et d’état de paie. Ces négociations se déroulent de manière professionnelle, même lorsqu’elles portent sur des questions litigieuses, et le gouvernement conteste l’affirmation de la NAHWAL, qui prétend que ces associations lui sont affiliées.
  7. 378. Le gouvernement déclare ne pas avoir eu d’échanges avec la police à l’occasion de la réunion des ministres de l’OOAS et conteste les dires du syndicat, selon qui il n’a pas versé de prime de risque ni de prestations de décès, et n’a pas dispensé de formation ni fourni d’équipements de protection.
  8. 379. Enfin, en ce qui concerne le refus que les autorités auraient opposé à la demande d’enregistrement de la NAHWAL en qualité de syndicat, le gouvernement déclare que rien ne s’oppose à ce que les travailleurs du secteur de la santé s’organisent eux-mêmes et défendent leurs intérêts s’ils le font légalement et dans le respect des droits et de la sécurité des patients. Il indique que la législation sur la reconnaissance des syndicats a évolué depuis que la NAHWAL a soumis sa demande et que la loi relative au travail décent, dont les dispositions prévoient l’obligation de soumettre les statuts du syndicat, est désormais celle qui s’applique.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 380. Le comité note que le présent cas concerne des allégations relatives à la suspension puis au licenciement de dirigeants syndicaux à la suite d’une action de grève ainsi qu’à d’autres actes de discrimination antisyndicale, à une ingérence dans les affaires internes de la NAHWAL et au refus d’accorder un statut syndical à l’organisation.
  2. 381. Pour ce qui est des allégations concernant les 22 travailleurs licenciés en février 2014, le comité croit comprendre que 20 d’entre eux ont été réintégrés, tandis que, selon l’organisation plaignante – et ce point est confirmé par le gouvernement – M. George Poe Williams et M. Joseph S. Tamba, respectivement secrétaire général et président de la NAHWAL, ne l’ont pas été. En ce qui concerne les allégations relatives au licenciement de M. Williams et de M. Tamba le 18 février 2014, le comité observe que ces licenciements se sont produits lors d’une action collective organisée en février 2014 par la NAHWAL, et que, depuis, ces deux personnes n’ont pas pu retrouver d’emploi dans le secteur de la santé publique. Le comité note que le gouvernement indique dans sa réponse que M. Williams et M. Tamba ont tous deux été licenciés pour des actions illégales s’étalant sur plusieurs années, qui étaient non seulement contraires à l’exécution effective de leurs obligations, mais qui constituaient aussi des infractions à la législation de la République du Libéria, et qu’il fait état d’une insubordination caractérisée et d’une obstruction à l’exercice de fonctions publiques par des agents de l’Etat. Le gouvernement ajoute que ces actes étaient contraires à la loi relative aux pratiques de travail en vigueur à l’époque, qui interdisait de promouvoir, de faciliter ou d’encourager délibérément un mouvement de grève dans le secteur public. Alors que, selon le gouvernement, le secrétaire général a en outre commis des actes particuliers mettant en danger un patient et, lorsqu’il a été suspendu pour la première fois, avait permis en 2012 à des journalistes de prendre et de publier des photographies de patients sans que ceux-ci aient donné leur consentement, l’organisation plaignante insiste sur le fait qu’il s’agit de diffamation sans fondement et fournit à cet égard une copie de l’avis juridique rendu au ministre de la Santé, avis qui avait conclu à l’illégalité de la suspension et recommandé la réintégration de l’intéressé.
  3. 382. Le comité rappelle que l’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. Le comité rappelle également que la pratique consistant à établir des listes noires de dirigeants et militants syndicaux met gravement en péril le libre exercice des droits syndicaux et, d’une manière générale, les gouvernements devraient prendre des mesures sévères à l’égard de telles pratiques. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 799 et 803.] Le comité demande au gouvernement de diligenter sans délai une enquête indépendante à propos du licenciement de M. Williams et de M. Tamba et, s’il s’avère que les militants syndicaux en question ont été licenciés pour avoir exercé des activités syndicales légitimes, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour remédier à la situation, y compris en réintégrant ces travailleurs sans perte de salaire. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
  4. 383. Pour ce qui est des allégations concernant d’autres actes de discrimination antisyndicale, le comité note que l’organisation plaignante allègue des actes punitifs spécifiques visant Mme Martha Morris, la présidente de la section du comté de Bong, M. Borris Grupee, le président de la section du comté de Rivercess et M. Suku, le secrétaire général de la section du comté de Grand Bassa, ainsi que la menace de licenciement visant M. Washington Kezelee, le président de la section du comté de Lofa. Il note que le gouvernement aurait besoin de plus amples détails concernant ces allégations de discrimination antisyndicale afin de pouvoir les étudier. En ce qui concerne plus spécifiquement la mutation de M. Borris Grupee dans une structure en zone rurale, si le gouvernement indique qu’il ne s’agit là que d’un cas normal et fréquent dans le secteur des soins de santé qui ne saurait être qualifié de punitif, le comité note l’indication de l’organisation plaignante, pour qui cette mutation est intervenue immédiatement après une vaste action de grève nationale. Etant donné que ces allégations, dans l’état actuel des choses, ne font pas l’objet d’informations détaillées, le comité invite l’organisation plaignante à communiquer au gouvernement des éléments circonstanciés afin que celui-ci puisse déterminer la réparation appropriée, s’il s’avère que les intéressés ont subi des représailles antisyndicales. Il prie en outre le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
  5. 384. En ce qui concerne l’ingérence dans les affaires internes du syndicat, le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante, qui affirme que le gouvernement, dans le but de diviser les travailleurs, a fait preuve de favoritisme envers des dirigeants d’organisations affiliées à la NAHWAL, notamment en leur fournissant des véhicules. Le comité, relevant que les informations communiquées ont un caractère général, souhaite mettre l’accent sur le fait que le respect des principes de la liberté syndicale suppose que les autorités publiques fassent preuve d’une grande retenue en ce qui concerne toute intervention dans les affaires internes des syndicats; elles ne devraient rien faire, par exemple, qui puisse être interprété comme favorisant un groupe au détriment d’un autre au sein d’un syndicat. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 859.]
  6. 385. Quant aux allégations concernant l’enregistrement du syndicat, le comité note les indications de la NAHWAL, qui affirme avoir formulé sa demande de statut syndical trois ans avant le dépôt de la plainte et ne pas avoir reçu de réponse officielle de la part de l’Etat. Il note les indications du gouvernement, qui précise que l’enregistrement des syndicats relève désormais de la loi de 2015 relative au travail décent, aux termes de laquelle les demandes d’enregistrement doivent être accompagnées des statuts de l’organisation concernée. Il regrette qu’il n’ait apparemment pas été donné suite à la demande d’enregistrement déposée en janvier 2014 par l’organisation plaignante et se voit dans l’obligation de rappeler qu’une longue procédure d’enregistrement constitue un obstacle sérieux à la création d’organisations et équivaut à un déni du droit des travailleurs de créer des organisations sans autorisation préalable. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 307.] Le comité note avec préoccupation que trois ans se sont écoulés depuis la demande initiale et, observant qu’une nouvelle loi subordonne l’enregistrement d’un syndicat au dépôt de ses statuts, invite l’organisation plaignante à soumettre de nouveau sa demande, conformément à la nouvelle loi, et prie les autorités de prendre sans tarder des mesures pour reconnaître le syndicat. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  7. 386. Le comité prend bonne note des informations communiquées par le gouvernement et par l’organisation plaignante qui affirment que les problèmes exposés dans le présent cas se sont posés dans le contexte des difficultés, en particulier budgétaires, auxquelles se heurtait un pays sorti de quinze années de guerre et qui devait faire face à une épidémie sanitaire dévastatrice faisant courir un risque considérable aux travailleurs du secteur de la santé mobilisés pour affronter cette tragédie. Le comité invite le gouvernement à prendre des mesures visant à promouvoir le dialogue social entre l’organisation plaignante et les autorités compétentes des services de santé en vue de régler les questions en suspens et lui rappelle qu’il peut, s’il le souhaite, solliciter l’assistance technique du BIT à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 387. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de diligenter sans délai une enquête indépendante sur les licenciements du secrétaire général de la NAHWAL, M. George Poe Williams, et de son président, M. Joseph Tamba, et s’attend, s’il s’avère que les militants syndicaux en question ont été licenciés pour avoir exercé des activités syndicales légitimes, à ce que les autorités prennent les mesures nécessaires pour remédier à la situation, y compris en réintégrant ces travailleurs sans perte de salaire. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • b) Le comité invite l’organisation plaignante à donner au gouvernement des informations détaillées sur les allégations de discrimination antisyndicale concernant plusieurs de ses dirigeants de section de comté, afin de déterminer la réparation appropriée, s’il s’avère que ces personnes ont subi des représailles antisyndicales. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • c) Le comité invite l’organisation plaignante à soumettre à nouveau sa demande d’enregistrement conformément à la nouvelle loi et prie les autorités de procéder sans délai à cet enregistrement. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • d) Le comité invite le gouvernement à prendre des mesures visant à promouvoir le dialogue social entre l’organisation plaignante et les autorités compétentes des services de santé afin de régler les questions en suspens et lui rappelle qu’il peut, s’il le souhaite, solliciter l’assistance technique du BIT à cet égard.
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