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Rapport définitif - Rapport No. 382, Juin 2017

Cas no 3116 (Chili) - Date de la plainte: 29-OCT. -14 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce l’intention de résilier le contrat de travail d’un de ses dirigeants et le transfert arbitraire dont il a ensuite fait l’objet, ainsi que le licenciement de plusieurs de ses membres

  1. 210. La plainte figure dans une communication de l’Association des fonctionnaires du Service de santé métropolitain central – DAP, présentée le 29 octobre 2014 et complétée par une communication du 5 janvier 2015.
  2. 211. Le gouvernement a transmis ses observations par une communication datée du 29 juillet 2015.
  3. 212. Le Chili a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 213. Dans sa communication du 29 octobre 2014, l’organisation plaignante allègue que, le 17 mars 2014, le directeur du Service de santé métropolitain central – un organisme étatique décentralisé et déconcentré (ci-après «le Service de santé») – a pris la décision de résilier de façon anticipée le contrat de travail de durée déterminée («emploi contractuel») du président de l’Association des fonctionnaires du Service de santé métropolitain central – DAP, docteur Roberto Eduardo Sepúlveda Hermosilla, en violation de ses droits syndicaux. L’organisation plaignante indique que le Contrôleur général de la République a formellement contesté ladite décision, dans une note datée du 12 août 2014, du fait que le dirigeant syndical concerné était couvert par l’immunité syndicale en vertu de l’article 25 de la loi no 19296 relative aux associations de fonctionnaires de l’administration de l’Etat. L’organisation plaignante ajoute que le dirigeant syndical a introduit un recours en protection auprès de la Cour d’appel de Santiago. Celle-ci a accueilli, le 14 juillet 2014, à l’unanimité le recours en protection et considéré que «[…] le Service de santé métropolitain central n’[avait] pas nié qu’il avait l’intention de résilier le contrat. Cela ne peut être considéré autrement que comme une menace illégale et arbitraire dirigée contre [le dirigeant syndical], puisque son licenciement effectif constituerait une violation de l’immunité syndicale qui le protège en tant que président de l’association professionnelle qu’il dirige». L’organisation plaignante souligne que l’arrêt de la cour ordonnait à la partie défenderesse de mettre fin aux menaces qui pesaient sur le poste du demandeur.
  2. 214. L’organisation plaignante allègue que, le 24 mars 2014, le directeur du Service de santé a pris une autre décision par laquelle il ordonnait le transfert du dirigeant syndical, sans que celui-ci ait été sollicité pour donner son accord, en violation de la loi no 19296, dans l’intention évidente de le déconsidérer et le déprécier. L’organisation plaignante ajoute que, à la date de la présente plainte, le dirigeant syndical ne pouvait exercer ses fonctions, puisqu’il ne lui avait été attribué aucun service ni aucun bureau. En outre, à compter du mois d’avril 2014, le Service de santé a donné ordre de ne plus payer certains émoluments au dirigeant syndical, en violation de la loi en vertu de laquelle il avait été engagé, ce qui a représenté pour celui-ci une perte de revenus mensuels de près de 50 pour cent. L’organisation plaignante considère que ces mesures ne peuvent qu’être motivées par le fait que la personne en question dirige une association de fonctionnaires indépendante, qui ne défend pas les intérêts des autorités du Service de santé ni de la coalition au gouvernement, et qu’il s’agit de toute évidence d’une pratique antisyndicale.
  3. 215. L’organisation plaignante allègue en outre que, malgré la décision de la Cour d’appel de Santiago, le directeur du Service de santé a systématiquement continué de tourmenter et de harceler plusieurs professionnels du service, du seul fait qu’ils étaient affiliés à l’association de fonctionnaires. Il a ainsi ordonné le licenciement arbitraire de 18 autres fonctionnaires, tous membres de l’association. D’après l’organisation plaignante, il n’y a aucune raison d’ordre technique qui ait motivé ces licenciements. C’est d’ailleurs ce qu’ont estimé tant la Cour d’appel de Santiago que la Cour suprême dans les nombreux arrêts qu’elles ont prononcés pour ordonner la réintégration immédiate des personnes concernées ainsi que le versement de la totalité de leur traitement depuis la date de leur licenciement. Dans sa communication du 5 janvier 2015, l’organisation plaignante précise à ce propos que plus de 30 recours en protection ont été introduits auprès des tribunaux du fait des pratiques antisyndicales réitérées qu’ont constitué les licenciements arbitraires, illégaux et discriminatoires de ses membres par le Service de santé, et que la Cour suprême a estimé et fait droit à 22 des 30 recours ainsi formés.
  4. 216. Enfin, l’organisation plaignante allègue qu’une situation similaire s’est produite au sein du secrétariat régional du ministère de la Santé publique de la région métropolitaine et dans l’hôpital métropolitain El Carmen de Maipú, qui ont mis fin, de façon «sélective», aux contrats de 22 professionnels dans le premier cas et de 86 dans le second, toutes ces personnes étant affiliées à l’association de fonctionnaires existant au sein de leur structure.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 217. Le gouvernement a transmis les observations du Service de santé dans sa communication du 29 juillet 2015. D’après celles-ci:
    • i) la décision du 17 mars 2014, par laquelle il a été mis fin au contrat de durée déterminée du docteur Sepúlveda, n’a pas été suivie d’effet, puisque celui-ci a été réintégré dans ses fonctions dans un nouvel établissement (le centre de santé familiale (CESFAM) de San José de Chuchunco), conformément à la décision no 481 du 24 mars 2014;
    • ii) le Service de santé réfute l’accusation de harcèlement du dirigeant syndical, indiquant que, si la Cour d’appel de Santiago a fait droit au recours en protection qu’elle a examiné, elle a considéré que les actes constitutifs de harcèlement professionnel allégués par le demandeur n’étaient pas établis;
    • iii) la décision nº 481/2014 n’a pas eu d’incidence sur l’immunité dont jouit le dirigeant syndical du fait de ses fonctions, puisque ladite décision a été déclarée par les autorités administratives et judiciaires comme conforme au droit, étant donné que le docteur Sepúlveda a été engagé pour exercer ses fonctions au sein du réseau de soins du Service de santé, qui compte plusieurs centres de soins;
    • iv) s’agissant de la diminution de traitement du dirigeant syndical, elle s’inscrit dans le cadre juridique en vigueur, puisque le traitement comprend deux types de rétributions: une partie fixe et une autre variable, dont l’octroi, sous forme de prime de «responsabilité» ou d’«encouragement» est une prérogative du directeur du service, conformément à la réglementation en vigueur. Ainsi, dans la mesure où le demandeur n’occupait plus un poste de direction, le directeur a décidé de ne plus verser cette rétribution tout en maintenant la partie fixe de son traitement;
    • v) les résiliations de contrats des autres fonctionnaires ont été effectuées dans le respect des dispositions légales existantes puisque, même dans le cas des résiliations anticipées, le contrat de travail initial prévoyait cette possibilité en fonction des besoins du service. Les licenciements en question ont donc respecté le principe de légalité. Le Service de santé remet à cette fin la liste corrigée des licenciements ayant fait l’objet d’un recours judiciaire. Sur les 35 recours présentés, 13 auraient été examinés par les tribunaux, et le Service de santé aurait respecté scrupuleusement les décisions judiciaires;
    • vi) à propos de la situation décrite par le demandeur qui déclare ne pas disposer de service ou de bureau pour y exercer ses fonctions professionnelles, le docteur Sepúlveda ne s’est jamais présenté pour occuper son poste au CESFAM San José de Chuchunco, mais ce point serait résolu, puisque le demandeur a été employé comme fonctionnaire à la direction de la municipalité de Calera de Tango, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015, raison pour laquelle il aurait renoncé au recours en protection des travailleurs introduit devant la deuxième chambre du Tribunal du travail de Santiago.
  2. 218. Le gouvernement transmet ensuite ses propres observations, considérant que les précisions apportées par le Service de santé permettent de conclure qu’il n’y a pas eu violation de la liberté syndicale. S’il y a eu des erreurs ou des différences d’appréciation des faits par les parties, celles-ci ont été tranchées par les institutions compétentes du pays. Le gouvernement explique que la législation reconnaît les droits des fonctionnaires occupant des fonctions de dirigeants d’associations professionnelles, en application de l’article 25 de la loi no 19296 sur les associations de fonctionnaires, tout comme la protection qui leur est accordée à ce titre. Il ajoute cependant que, conformément à la loi organique constitutionnelle fixant les bases générales de l’administration de l’Etat, loi no 18575, les chefs de service doivent diriger, organiser et administrer leurs services respectifs, et que le privilège mentionné ne peut nuire à l’autorité qu’a l’organisme d’organiser son personnel de la façon la plus idoine pour le bon fonctionnement de ses services. De ce fait, le changement de fonctions par suite des mesures indiquées ne porte pas atteinte à la protection syndicale. Enfin, le gouvernement fait observer que dans le cas du docteur Sepúlveda, il n’est fait mention que d’un seul transfert – et non de fréquents transferts –, ce qui serait conforme à la position du Comité de la liberté syndicale exprimée dans son Recueil de décisions et de principes.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 219. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante dénonce l’intention de résilier le contrat de travail du président de l’Association des fonctionnaires du Service de santé métropolitain central – DAP, docteur Roberto Eduardo Sepúlveda Hermosilla, et le transfert arbitraire dont il a ensuite fait l’objet, ainsi que le licenciement de plusieurs membres de l’association.
  2. 220. S’agissant de la situation du dirigeant syndical, le comité note que le docteur Sepúlveda était employé par le Service de santé, que son contrat, de durée déterminée, prenait fin au 31 décembre 2014 et que, en date du 17 mars 2014, la direction du Service de santé a décidé de le résilier de façon anticipée. Le comité observe que la décision en question est restée sans effet et que, en vertu d’une nouvelle décision datée du 24 mars 2014, la direction a décidé de transférer le dirigeant syndical sans lui demander son accord, ce qui d’après ce dernier a constitué une forme de discrimination du fait de sa fonction de dirigeant syndical.
  3. 221. Le comité observe que le dirigeant syndical a contesté la décision de résiliation anticipée de son contrat devant deux instances, la Cour d’appel de Santiago et le Contrôleur général de la République, qui ont toutes deux rendu une décision, le 14 juillet 2014 pour la première et le 12 août 2014 pour la seconde. Le comité constate que les deux décisions se fondent sur l’immunité syndicale dont jouit le dirigeant, en vertu de la loi nº 19296 relative aux associations de fonctionnaires de l’administration de l’Etat. Le comité note à ce propos que d’après la décision de la cour d’appel, il n’y a pas eu de licenciement, mais une menace de résiliation de son contrat: «l’intention de résilier le contrat de durée déterminée de [l’employé] protégé […] ne peut être considérée autrement que comme une menace illégale et arbitraire dirigée contre celui-ci, puisque son licenciement effectif constituerait une violation de l’immunité syndicale qui le protège en tant que président de l’association professionnelle qu’il dirige».
  4. 222. En réponse à l’allégation selon laquelle le transfert du docteur Sepúlveda revêtirait un caractère antisyndical, le comité prend note des indications du gouvernement et des décisions jointes à la communication de ce dernier, à savoir la décision de la Cour d’appel de Santiago, du 22 mai 2014, et la décision du Contrôleur général de la République, du 5 novembre 2014, selon lesquelles la décision nº 481/2014 relative au transfert n’a pas porté atteinte à l’immunité syndicale du dirigeant de l’association, puisque le docteur Sepúlveda a été engagé pour exercer ses fonctions au sein du réseau de soins du Service de santé, qui comprend plusieurs centres de soins dans des localités proches.
  5. 223. En dépit de ce qui précède, le comité constate que la décision de transférer le dirigeant syndical a été prise quelques jours après la décision de le licencier, et bien qu’il s’agisse d’un transfert unique, au vu des éléments dont il dispose, le comité ne peut écarter l’hypothèse que la décision de transférer le docteur Sepúlveda soit liée à des considérations en rapport avec le rôle syndical de ce dernier. Le comité observe en particulier que le transfert du dirigeant syndical a entraîné une dégradation de ses conditions de travail ainsi qu’une importante diminution de revenus. Le comité rappelle à ce sujet qu’«un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables – et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 799.]
  6. 224. D’autre part, le comité note que, selon le gouvernement, le demandeur ne s’est jamais présenté au CESFAM de San José de Chuchunco et qu’il a renoncé au recours en protection qu’il avait formé auprès du Tribunal du travail de Santiago. Le comité observe en outre qu’un autre contrat lui a été offert après le 31 décembre 2014 au sein de la Direction de la santé de la municipalité de Calera de Tango. Constatant que la situation contractuelle du docteur Sepúlveda a été résolue, y compris après la fin de son contrat initial, le comité veut croire que le gouvernement fera en sorte qu’à l’avenir les travailleurs du secteur de la santé bénéficient d’une protection adéquate contre les actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi.
  7. 225. En ce qui concerne les allégations relatives au licenciement de plusieurs personnes affiliées à l’association de fonctionnaires dans le but de démanteler l’association, le comité note qu’il s’agit là aussi de résiliations anticipées de contrats de travail de durée limitée (plus de 18 d’après l’organisation plaignante, nombre que le gouvernement révise à la baisse dans sa réponse). Bien qu’il n’ait pas reçu toutes les décisions auxquelles il est fait référence, le comité observe qu’il y a un grand nombre de décisions de justice portant sur toute une série de décisions du Service de santé par lesquelles, pendant cette même période, des contrats étaient résiliés de façon anticipée, au motif que les services des personnes concernées n’étaient pas requis. Le comité observe que les décisions de justice ne font pas référence à des considérations syndicales, mais plutôt à l’attention accordée au critère relatif aux besoins du service, et que ces décisions signalent en général que la résiliation anticipée d’un contrat n’était possible que si le contrat initial contenait une clause explicite sur les besoins du service. Le comité note que la justice s’est fondée sur ce critère pour ordonner la réincorporation des travailleurs concernés. Le comité observe par ailleurs qu’il ne dispose pas d’information permettant de savoir si le Service de santé a tenté de résilier avant leur terme les contrats d’autres travailleurs qui n’étaient pas membres de l’association de fonctionnaires, afin de pouvoir établir le caractère antisyndical ou non des licenciements. Cela étant, et tout en rappelant l’importance de respecter pleinement les principes de la liberté syndicale et de garantir en particulier que les travailleurs bénéficient d’une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de ressources humaines dans les services de santé du pays, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette question.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 226. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à considérer que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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