Allégations: L’organisation plaignante allègue le refus de la part des services
du ministère du Travail et de la Sécurité sociale d’enregistrer un syndicat de
sapeurs-pompiers et, à la suite de la formation dudit syndicat, des licenciements, des
transferts et des pressions pour obtenir des membres qu’ils renoncent à leur
affiliation
- 528. Le comité a examiné le présent cas à sa réunion d’octobre 2014 et, à
cette occasion, a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir
373e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 320e session (octobre 2014),
paragr. 369 à 381.]
- 529. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en
date du 19 janvier 2015, du 3 août et du 30 septembre 2016.
- 530. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 154) sur
la négociation collective, 1981.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 531. A sa réunion d’octobre 2014, le comité a formulé les recommandations
suivantes [voir 373e rapport, paragr. 381]:
- a) Le comité note
avec regret que, malgré plusieurs demandes et un appel pressant, le gouvernement n’a
fourni aucune information sur les allégations, et lui demande de faire preuve de
plus de coopération à l’avenir.
- b) Le comité prie
instamment le gouvernement d’examiner sans délai le recours en révocation déposé par
le syndicat en formation pour refus d’enregistrement et de veiller à prendre une
décision qui soit pleinement conforme aux principes de la liberté syndicale
concernant la constitution et l’enregistrement des organisations syndicales qui sont
énoncés dans les conclusions. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé
sans délai de l’évolution de la situation à cet égard.
- c)
Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter immédiatement une enquête
sur les pressions qui auraient été exercées pour obtenir la désaffiliation des
membres du SGTBCVBG et de veiller, s’il y a lieu, à ce que les résultats de
l’enquête soient pris en compte dans la décision de l’administration du travail sur
l’enregistrement de ladite organisation. Le comité prie le gouvernement de le tenir
informé sans délai de l’évolution de la situation à cet égard.
- d) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter
immédiatement des enquêtes sur les licenciements et les transferts de membres
fondateurs du syndicat et, s’il s’avère qu’ils ont été décidés pour des motifs
antisyndicaux, de procéder sans délai à la réintégration des travailleurs concernés.
Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sans délai de l’évolution de la
situation à cet égard.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 532. En ce qui concerne les allégations relatives au refus d’enregistrer
le Syndicat professionnel des travailleurs du Corps émérite de sapeurs-pompiers
volontaires de Guatemala (SGTBCVBG), le gouvernement a déclaré, dans une communication
en date du 3 août 2016, que: i) suivant la suggestion de la Commission spéciale de
traitement des conflits déférés à l’OIT en matière de liberté syndicale et de
négociation collective, les membres du syndicat ont présenté une nouvelle demande
d’enregistrement au ministère du Travail et de la Sécurité sociale; ii) l’organisation a
été enregistrée, par une décision en date du 9 décembre 2015 sous le nouveau nom de
«Syndicat professionnel des sapeurs-pompiers de Guatemala (SGTBG)»; iii) le nouveau nom
de l’organisation syndicale a été choisi pour des motifs liés uniquement à son
enregistrement.
- 533. En ce qui concerne les allégations relatives aux pressions exercées
pour obtenir la désaffiliation des membres du SGTBCVBG, ainsi qu’aux licenciements et
aux transferts de membres fondateurs du syndicat, le gouvernement a transmis en premier
lieu, dans une communication de janvier 2015, les observations formulées par le
président du Corps émérite de sapeurs-pompiers volontaires de Guatemala (ci-après «le
corps de sapeurs pompiers») selon lesquelles: i) aucune pression n’a été exercée sur les
membres du SGTBCVBG pour obtenir leur désaffiliation, mais la direction du corps de
sapeurs-pompiers a déposé une plainte pénale pour irrégularités commises dans le cadre
de la formation du syndicat, notamment pour le fait d’avoir falsifié des documents et
des signatures dans le but de faire apparaître comme membres fondateurs des personnes
qui n’étaient même pas affiliées au syndicat; ii) la direction du corps de
sapeurs-pompiers n’a pas envoyé de représentant dans les diverses casernes de
sapeurs-pompiers ni pour les inciter à se désaffilier du syndicat ni pour les convaincre
de signer une pétition contre la formation du syndicat; iii) les casernes qui étaient
contre la formation du syndicat se sont exprimées de manière indépendante;
iv) Mme Teresa Rivas, qui a été licenciée du corps de sapeurs-pompiers en raison de ses
absences dans les équipes de travail, n’a subi ni pression ni intimidation; v) le
17 septembre 2012, Mme Lesbia Corina Queme Roma et MM. Adolfo Martín Enríquez Suchite,
Jonathan Raúl Girón Kunse, Luis Alberto Pérez Soberanis et Raúl Heriberto Gonzales ont
été licenciés pour cause de restructuration, conformément à la loi organique du Corps
émérite des sapeurs-pompiers volontaires de Guatemala; vi) au moment de leur
licenciement, les travailleurs concernés ne bénéficiaient pas du privilège syndical
d’inamovibilité car, contrairement à ce qui a été affirmé par l’organisation plaignante,
la notification de la formation du syndicat au ministère du Travail et de la Sécurité
sociale date du 15 mars 2013 et non du 5 septembre 2012; vii) c’est la raison pour
laquelle la direction du corps de sapeurs-pompiers n’a pas procédé à la réintégration
des travailleurs licenciés après la visite de l’inspection du travail; et viii) les
transferts de MM. René Galicia, Félix Montenegro et Fernando Esquivel résultent des
rotations permanentes qui ont lieu dans cette institution, conformément à l’évolution
des besoins en personnel dans les diverses casernes.
- 534. Le gouvernement a transmis en deuxième lieu les informations
fournies par l’unité spéciale du ministère public chargée des enquêtes sur les délits
commis contre les syndicalistes (ci après «l’unité spéciale des enquêtes»), dans
lesquelles il est indiqué que: i) MM. Luis Alberto Pérez Soberanis, Raúl Heriberto
Gonzales, René Galicia, Félix Montenegro, Fernando Esquivel et Adolfo Martín Enríquez
Suchite, ainsi que Mme Lesbia Corina Queme Roma, ont porté plainte au pénale concernant
les licenciements et les allégations relatives à des pressions exercées pour obtenir la
désaffiliation des membres du syndicat, qui figurent dans la présente plainte;
ii) l’unité spéciale des enquêtes a rassemblé les témoignages des plaignants; iii) une
enquête a été menée par l’unité chargée des attaques contre les activistes des droits
humains de la division spécialisée dans les enquêtes criminelles de la police nationale
civile; iv) les personnes mises en cause ont pu être identifiées; et v) les informations
recueillies sont en cours d’analyse afin de déterminer s’il y a eu ou non ingérence des
autorités du corps de sapeurs-pompiers dans une éventuelle formation du syndicat;
vi) une des personnes mises en cause a attiré l’attention du ministère public sur le
fait que des poursuites pénales sont en cours contre les fondateurs du syndicat pour
falsification de documents et de signatures visant à déguiser en membres fondateurs des
personnes qui n’étaient même pas affiliées au syndicat; vii) le 23 juillet 2016, le
quatrième tribunal pénal en première instance chargé des affaires de trafic de drogues
et de délits contre l’environnement a établi la corrélation entre les poursuites pénales
entreprises par divers membres fondateurs du syndicat et l’action en justice entamée par
les sapeurs-pompiers à l’encontre de ces mêmes personnes pour falsification de
documents.
- 535. Dans sa communication du 30 septembre 2016, le gouvernement fournit
des informations sur l’examen du licenciement de cinq des membres fondateurs du syndicat
par l’inspection du travail et les tribunaux du travail. S’agissant de l’intervention de
l’inspection du travail, le gouvernement fait savoir que: i) après avoir constaté, le
28 septembre 2012, le caractère antisyndical des licenciements, l’inspection du travail
a entamé le 13 janvier 2013 les formalités relatives à la dénonciation d’une violation
de la législation du travail à l’encontre du Corps émérite de sapeurs-pompiers
volontaires de Guatemala; ii) en vertu de la législation guatémaltèque qui ne reconnaît
aucun pouvoir de sanction à l’inspection du travail, le dossier a été transféré à la
justice du travail le 24 avril 2016; iii) par un arrêté du 8 mai 2013, le deuxième
tribunal du travail et de la prévoyance sociale a déclaré recevable la demande
d’exception de prescription du corps de sapeurs-pompiers car l’action entamée par
l’inspecteur l’a été de manière tardive. Quant aux procédures judiciaires relatives aux
licenciements des cinq membres fondateurs, le gouvernement indique que: i) le 2 octobre
2012, le premier tribunal du travail chargé de l’admissibilité des plaintes a ordonné la
réintégration immédiate de M. Raúl Heriberto González Archila, et cette réintégration a
été confirmée par la cour d’appel le 12 novembre 2014: ii) M. González Archila a
effectivement été réintégré à son poste, d’où la clôture du cas; iii) au terme de
diverses étapes de procédure, la justice a ordonné la réintégration définitive de
M. Jonathan Raúl Girón Kunse, et a pu constater, le 24 mai 2016, que cette réintégration
était effective; iv) les tribunaux ont également ordonné la réintégration de Mme Lesbia
Corina Queme Roma, mais le centre des services auxiliaires de la justice n’a pu donner
suite pour cause d’absence de la travailleuse; v) l’information concernant la
réintégration de MM. Luis Alberto Pérez Soberanis et Adolfo Martín Suchite n’a pas
encore été fournie par les tribunaux du travail.
- 536. Le gouvernement déclare finalement que: i) il ressort des échanges
avec les représentants du syndicat des sapeurs-pompiers que ces derniers estiment que
leur organisation continue de faire l’objet d’actes de répression antisyndicale; ii) la
décision de l’assemblée générale du syndicat de porter ou non le cas devant la
Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT en matière de liberté
syndicale et de négociation collective (ci-après «la Commission de traitement des
conflits») est encore en attente; et iii) le comité sera tenu informé de tout fait
nouveau en lien avec la Commission de traitement des conflits.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 537. Le comité rappelle que, dans cette plainte déposée en 2012,
l’organisation plaignante allègue le refus de la part des services du ministère du
Travail et de la Sécurité sociale d’enregistrer un syndicat de sapeurs-pompiers et, à la
suite de la formation dudit syndicat, des licenciements, des transferts et des pressions
pour obtenir des membres qu’ils renoncent à leur affiliation.
- 538. En ce qui concerne les allégations relatives au refus d’enregistrer
le syndicat, le comité prend note avec satisfaction de l’information fournie par le
gouvernement selon laquelle, suivant la suggestion de la Commission spéciale de
traitement des conflits déférés à l’OIT en matière de liberté syndicale et de
négociation collective, les membres de l’organisation syndicale ont présenté une
nouvelle demande d’enregistrement qui a donné lieu, par une décision du 9 décembre 2015
du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, à l’enregistrement du syndicat, sous
le nom de Syndicat professionnel des sapeurs-pompiers de Guatemala (SGTBG).
- 539. En ce qui concerne les allégations de licenciement (Mme Lesbia
Corina Queme Roma, et MM. Adolfo Martín Enríquez Suchite, Jonathan Raúl Girón Kunse,
Luis Alberto Pérez Soberanis et Raúl Heriberto Gonzalez) et les transferts antisyndicaux
ainsi que les pressions visant à obtenir la désaffiliation des membres du syndicat, le
comité observe qu’il ressort des observations du gouvernement que: i) les membres
fondateurs du SGTBCVBG ont porté plainte au pénal contre le corps de sapeurs-pompiers
pour exercice de pressions visant à obtenir la désaffiliation des membres du syndicat,
tandis que le corps de sapeurs-pompiers a aussi porté plainte contre ces mêmes membres
fondateurs pour falsification de documents lors de la création du syndicat; ii) le 23
juillet 2016, la justice a établi un lien entre les deux plaintes et on est actuellement
en attente du résultat des enquêtes pertinentes; iii) après avoir constaté le caractère
antisyndical du licenciement de cinq des membres fondateurs, l’inspection du travail a
saisi les tribunaux du travail pour violation de la législation du travail; iv) les
tribunaux du travail ont déclaré la plainte irrecevable au motif qu’elle avait été
présentée de manière tardive; v) à la suite du recours en justice contre les
licenciements, les tribunaux ont ordonné la réintégration des MM. González Archila et
Girón Kunse, et ces travailleurs sont désormais réintégrés à leur poste de travail;
vi) les tribunaux ont également ordonné la réintégration de Mme Queme Roma mais cette
réintégration n’a pas eu lieu du fait de l’absence de la travailleuse en question au
jour dit; vii) on est encore en attente d’une information de la justice concernant le
licenciement de MM. Luis Alberto Pérez Soberanis et Adolfo Martín Enriquez Suchite.
- 540. A la lumière de ce qui précède et rappelant que l’administration
dilatoire de la justice constitue un déni de justice [voir Recueil de décisions et de
principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 105], le
comité s’attend dès lors fermement à ce que les plaintes pénales déposées au sujet du
présent cas fassent l’objet de décisions sans délai supplémentaire. Le comité prie le
gouvernement de le tenir informé à cet égard. Concernant le licenciement de Mme Queme
Roma qui n’avait pas été réintégrée du fait de son absence le jour fixé pour son retour
au travail, le comité, tout en rappelant qu’au cas où l’autorité judiciaire constaterait
que la réintégration des travailleurs licenciés en violation de la liberté syndicale est
impossible, des mesures devraient être prises pour qu’ils soient indemnisés
intégralement [voir Recueil, op. cit., paragr. 843], prie le gouvernement de fournir de
plus amples informations sur la situation de ladite travailleuse. Le comité prie
également le gouvernement de l’informer rapidement des résultats du recours en justice
formé contre le licenciement de MM. Luis Alberto Pérez Soberanis et Adolfo Martín
Enríquez Suichite.
- 541. Enfin, le comité note les indications du gouvernement selon
lesquelles le SGTBG serait toujours victime d’actes de répression antisyndicale et
serait en train d’évaluer la possibilité de saisir la Commission de traitement des
conflits. A cet égard, le comité constate que le gouvernement ne précise pas si ce
recours éventuel à la médiation porterait uniquement sur des actes de répression
antisyndicale postérieurs à la présente plainte, ou s’il porterait aussi sur les faits
dénoncés dans celle-ci. Le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de
l’informer de tout fait nouveau éventuel devant la Commission de traitement des
conflits.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 542. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité s’attend
fermement à ce que les plaintes pénales déposées au sujet du présent cas fassent
l’objet de décisions sans délai supplémentaire. Le comité prie le gouvernement de
l’informer à cet égard.
- b) Le comité prie le gouvernement de fournir de plus
amples informations sur la situation de Mme Queme Roma et de l’informer sans délai
des résultats du recours en justice formé contre le licenciement de MM. Luis Alberto
Pérez et Adolfo Martín Enríquez Suchite.
- c) Pour ce qui est des éventuels
nouveaux actes de répression antisyndicale perpétrés au sein du corps de
sapeurs-pompiers, le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de
l’informer de tout fait nouveau éventuel devant la Commission de traitement des
conflits.