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Rapport définitif - Rapport No. 378, Juin 2016

Cas no 3111 (Pologne) - Date de la plainte: 14-JANV.-15 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que la définition des parties à un conflit collectif qui figure dans la législation nationale restreint les droits de négociation collective et le droit de grève de certains travailleurs, et elle dénonce l’exclusion excessive du droit de grève dont font l’objet certains employés de la fonction publique. L’organisation plaignante dénonce également le fait que la législation nationale ne prévoie pas la possibilité d’organiser des grèves générales ou des grèves liées à des questions socio-économiques

  1. 674. La plainte figure dans une communication du Syndicat indépendant et autonome «Solidarnosc» (NSZZ «Solidarnosc») en date du 14 janvier 2015.
  2. 675. Le gouvernement a répondu à ces allégations dans une communication en date du 3 juin 2015.
  3. 676. La Pologne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 677. Dans une communication en date du 14 janvier 2015, l’organisation plaignante NSZZ «Solidarnosc» dénonce le fait que le gouvernement polonais n’a pas correctement intégré les conventions nos 87 et 151 dans la législation polonaise (loi du 23 mai 1991 sur les syndicats et loi du 23 mai 1991 sur les conflits collectifs du travail). L’organisation plaignante allègue que le gouvernement: i) enfreint la convention no 87 en ce qu’il limite les parties patronales à un conflit collectif et à la grève à l’employeur au sens du Code du travail, et la convention no 151 en raison de l’absence de dispositions reconnaissant que les «autorités publiques» peuvent être partie au conflit pour les fonctionnaires; ii) enfreint la convention no 87, car aucun règlement n’autorise les syndicats à organiser des grèves liées à des questions socio-économiques et des grèves générales; et iii) enfreint la convention no 151 en ce qu’il prive de leur droit de grève certains employés des organes de gouvernance de l’Etat et du gouvernement local, des tribunaux et des bureaux des procureurs.
  2. 678. L’organisation plaignante fournit un aperçu du cadre législatif en indiquant que, conformément à l’article 59(3) de la Constitution de la République de Pologne, les syndicats sont autorisés à organiser des grèves et d’autres actions de protestation dans les limites définies par la loi sur les syndicats et peuvent mener des procédures de conflit collectif sur la base des dispositions de la loi sur les conflits collectifs du travail. Un conflit collectif du travail opposant des travailleurs et un ou plusieurs employeurs peut porter sur les conditions de travail, les salaires ou les prestations sociales, ainsi que sur les droits et libertés des employés ou d’autres groupes autorisés à s’organiser en syndicats (article 1 de la loi sur les conflits collectifs du travail). Aux termes de cette loi, un employeur est une entité visée par la section 3 du Code du travail (article 5 de la loi sur les conflits collectifs du travail). Si les parties ne parviennent pas à un accord, le conflit du travail aboutit à une grève. Une grève correspond à l’arrêt collectif du travail par les travailleurs et constitue le dernier recours (article 17(1) et (2)). Une grève d’avertissement peut être organisée, mais à une seule reprise et pendant une durée maximale de deux heures (article 12). Pour défendre les droits et intérêts des travailleurs ne disposant pas du droit de grève, le syndicat d’un autre établissement peut organiser une grève de solidarité d’une durée maximale d’une demi journée de travail (article 22). Tout arrêt du travail dû à une grève qui a une incidence sur les postes, le matériel et les machines est interdit lorsqu’il met en péril la vie ou la santé des personnes ou la sécurité de l’Etat (article 19(1)); il est interdit d’organiser une grève au sein de l’Agence de la sécurité intérieure, de l’Agence du renseignement, du Service de contre-espionnage militaire, du Service de renseignement militaire, du Bureau central de lutte contre la corruption, des unités de police, des forces armées de la République de Pologne, de l’administration pénitentiaire, des gardes-frontières, des services douaniers ainsi que des unités de lutte contre l’incendie (article 19(2)); et le droit de grève n’est pas accordé aux employés des organes de gouvernance de l’Etat et du gouvernement local, des tribunaux et des bureaux des procureurs (article 19(3)). Une grève touchant un établissement est annoncée par l’organisation syndicale avec l’accord de la majorité des employés votants, si le vote a rassemblé au moins 50 pour cent des employés sur le lieu de travail (article 20(1)); une grève touchant plusieurs établissements est déclarée par l’entité syndicale désignée dans les statuts, après avoir été approuvée par la majorité des travailleurs votants dans les établissements où la grève doit avoir lieu, sous réserve que, dans chaque établissement, au moins 50 pour cent des travailleurs aient participé au vote (article 20(2)); et le préavis de grève doit être d’au moins cinq jours (article 20(3)).
  3. 679. En ce qui concerne le point i), l’organisation plaignante déclare que la référence faite à la section 3 du Code du travail dans la loi sur les conflits collectifs du travail signifie que, en Pologne, une partie patronale à un conflit collectif ne peut être qu’une unité organisationnelle ou une personne physique qui emploie des travailleurs. L’organisation plaignante dénonce le fait que, la définition d’une partie à un conflit collectif et à une grève étant limitée à l’employeur au sens du Code du travail, les syndicats sont souvent dans l’impossibilité d’engager une procédure de conflit (par exemple, pour une augmentation salariale) avec l’entité traitant effectivement les questions financières de la profession. Par exemple, l’université ou l’école sont elles-mêmes considérées comme l’employeur des personnes engagées par l’université ou l’école, bien que les questions financières des institutions publiques de ce type soient traitées, selon le sujet, par le ministre de la Science et de l’Enseignement supérieur, par le ministre de l’Education ou par le ministre des Finances. Jusqu’à une date récente, le ministre de la Science et de l’Enseignement supérieur pouvait être partie à une convention collective multi-établissements établie pour les universités publiques; cependant, fin 2014, la législation nationale a abrogé la disposition pertinente. L’organisation plaignante indique que, à l’heure actuelle, il n’est pas possible d’ouvrir une procédure de conflit collectif ou même de négocier une convention collective avec le ministre concerné, la législation ayant transféré, pour toutes les questions liées à l’emploi, y compris les questions financières, le pouvoir de décision à l’université (l’employeur, au sens du Code du travail). S’agissant des questions relatives à la législation en matière d’emploi, le porte-parole de l’université en tant qu’employeur est le recteur adjoint de l’université, et le porte-parole de l’école en tant qu’employeur est le directeur, bien que tous deux soient soumis aux limites financières fixées par le ministère de la Science et de l’Enseignement supérieur et par le ministère des Finances (ou, dans le cas d’une école publique, par le ministère de l’Education et par le ministère des Finances). L’organisation plaignante estime que le fait d’adresser les revendications économiques des travailleurs au recteur adjoint d’une université ou au directeur d’une école est inutile, dans la mesure où ces derniers n’ont pas de véritable influence sur les décisions financières.
  4. 680. En outre, l’organisation plaignante dénonce le fait qu’il est souvent impossible, dans le secteur privé, de mener une procédure de conflit collectif à l’encontre de l’entité économiquement responsable en pratique – l’employeur véritable ou la société mère, par exemple. En Pologne, bon nombre de sociétés fusionnent afin de concentrer leurs capitaux. Par conséquent, l’employeur au sens du Code du travail (entité employeur) n’est pas toujours l’employeur véritable ou l’employeur agissant sur la situation financière des personnes qui travaillent dans une succursale spécifique de la société. L’organisation plaignante ajoute que la solution juridique adoptée dans la loi sur les conflits collectifs du travail a été mise au point pour répondre aux besoins de la relation de travail individuelle et ne correspond pas aux spécificités des relations collectives du travail; elle a été critiquée par les spécialistes nationaux du droit du travail, car elle se traduit par la présentation de demandes relatives aux intérêts des travailleurs à des employeurs dépourvus de pouvoir de décision.
  5. 681. L’organisation plaignante répète que les objections se résument au fait, d’une part, que les autorités publiques ne peuvent constituer une partie à un conflit collectif ou à une grève en Pologne (qu’il s’agisse du gouvernement, du ministre ou du gouvernement local) et, d’autre part, que les parties à un conflit collectif ou à une grève ne peuvent pas être d’autres entités économiquement responsables de certaines professions ou accordant des droits à certaines professions. D’après l’organisation plaignante, une partie à un conflit du travail et à une grève devrait toujours être l’entité financièrement responsable ou l’entité conférant véritablement des pouvoirs à certaines professions, par exemple une autorité publique (gouvernement, ministère compétent, gouvernement local ou provincial, entre autres), ou encore une autre entité responsable – la société mère par exemple.
  6. 682. En ce qui concerne le point ii), l’organisation plaignante déclare que le problème susmentionné des parties compétentes (réelles) à un conflit collectif et à une grève est particulièrement important sur le plan pratique, car le fait de reconnaître uniquement l’employeur au sens du Code du travail en tant que partie à un conflit collectif revient à limiter les questions pouvant faire l’objet d’un conflit collectif aux questions qui relèvent du niveau de l’entreprise. L’article 1 de la loi sur les conflits collectifs du travail dispose qu’un conflit collectif opposant des travailleurs et un ou plusieurs employeurs peut porter sur les conditions de travail, les salaires et les prestations sociales, les droits syndicaux et les libertés des employés ou d’autres groupes qui ont le droit de s’organiser en syndicats. Compte tenu de cette disposition légale, les syndicats ne peuvent pas, dans le cadre d’un conflit collectif, exprimer leur mécontentement sur des questions socio-économiques auprès de l’entité véritablement responsable de la situation professionnelle, sociale et économique des travailleurs. L’employeur au sens étroit d’«entité employeur» ne détermine pas la situation socio-économique qui influence les conditions de travail et les conditions sociales des travailleurs. La législation nationale ne prévoit pas de situations dans lesquelles les syndicats peuvent engager des procédures de conflit et mener des grèves à l’encontre d’une autorité publique sur la base de problèmes socio-économiques. L’organisation plaignante conclut que l’absence de règlements appropriés concernant l’organisation de grèves liées à des questions socio-économiques revient, de fait, à interdire les grèves visant la politique économique de l’Etat et constitue une grave atteinte à la liberté syndicale.
  7. 683. Par ailleurs, l’organisation plaignante soutient que, même si les syndicats peuvent, au titre de la loi sur les conflits collectifs du travail, mener des grèves, y compris des grèves d’avertissement, des grèves de solidarité, des grèves d’entreprise et des grèves multi-employeurs, l’expression «grève générale» ne figure pas dans la législation nationale. Pour l’organisation plaignante, la grève générale désigne une grève faisant intervenir, en particulier, différents employeurs d’un secteur ou d’une région donnés, voire de tout le pays, dans le but de soutenir ou de défendre des solutions législatives favorables, ou de protester contre des plans et décisions pris par les autorités publiques qui ont des conséquences sociales négatives sur certaines professions.
  8. 684. En ce qui concerne le point iii), l’organisation plaignante fait référence à l’article 19(1) de la loi sur les conflits collectifs du travail, qui dispose que tout arrêt du travail dû à une grève qui a une incidence sur les postes, le matériel et les machines est interdit lorsqu’il met en péril la vie ou la santé des personnes ou la sécurité de l’Etat. L’organisation plaignante souligne que, parallèlement, la législation nationale n’indique aucun poste particulier, ni même une procédure qui serait utile pour établir la liste des postes dans lesquels un arrêt du travail mettrait en péril la vie ou la santé des personnes ou la sécurité de l’Etat. L’article 19(2) interdit les grèves au sein de l’Agence de la sécurité intérieure, de l’Agence du renseignement, du Service de contre-espionnage militaire, du Service de renseignement militaire, du Bureau central de lutte contre la corruption, des unités de police, des forces armées de la République de Pologne, de l’administration pénitentiaire, des gardes-frontières, des services douaniers ainsi que des unités de lutte contre l’incendie. Enfin, l’article 19(3) dispose que le droit de grève n’est pas accordé aux employés des organes de gouvernance de l’Etat et du gouvernement local, des tribunaux et des bureaux des procureurs. L’organisation plaignante met en cause la conformité des restrictions du droit de grève visant certains employés de l’administration publique vis-à-vis des normes de l’OIT: en effet, la législation nationale prive de ce droit un large éventail de personnes ayant le statut d’employé, y compris des personnes ayant été employées non pas à des postes de fonctionnaire, mais au titre de contrats de travail pour des activités auxiliaires ou de services au sein des organes de gouvernance de l’Etat, du gouvernement local, des tribunaux et des bureaux des procureurs.
  9. 685. L’organisation plaignante est d’avis que les interdictions figurant à l’article 19(1) et (3) de la loi sur les conflits collectifs du travail doivent être jugées excessives. Conformément à l’article 59(4) de la Constitution polonaise, l’étendue de la liberté syndicale des syndicats et des organisations d’employeurs ainsi que des autres droits syndicaux ne peut faire l’objet de restrictions légales que si ces restrictions n’enfreignent pas les accords internationaux liant la République de Pologne. L’organisation plaignante estime que le droit de grève devrait être garanti à un vaste groupe de travailleurs et n’être limité qu’à titre exceptionnel (à savoir pour les fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme ); or l’article 19(3) de la loi prive de leur droit de grève tous les employés des organes de gouvernance de l’Etat et du gouvernement local, des tribunaux et des bureaux des procureurs.
  10. 686. Par conséquent, l’organisation plaignante dénonce le fait que la législation nationale ne met pas en œuvre les normes fondamentales de l’OIT en matière de liberté syndicale, notamment en lien avec le droit de grève, car elle ne prévoit pas: de conflits collectifs du travail et de grèves visant le gouvernement, un ministre, un gouvernement local ou une entité responsable des questions économiques, sociales ou professionnelles autre que l’employeur direct; des grèves liées à des questions socio-économiques et des grèves générales; et l’octroi du droit de grève à certains employés des organes de gouvernance de l’Etat et du gouvernement local, des tribunaux et des bureaux des procureurs. A cet égard, l’organisation plaignante dénonce le fait que les modifications législatives nécessaires n’ont toujours pas été apportées et que le gouvernement n’a toujours pas mis en œuvre les recommandations formulées par le comité en 2012 dans le cadre du cas no 2888 concernant le droit d’organisation des personnes employées au titre de contrats de droit civil et des travailleurs indépendants.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 687. Dans une communication en date du 3 juin 2015, le gouvernement souhaite, en premier lieu, faire référence aux sources constitutionnelles du droit de grève et du droit d’organisation. L’article 59(1) et (2) de la Constitution de la République de Pologne stipule que le droit d’organisation des syndicats, des organisations socioprofessionnelles d’agriculteurs et des organisations d’employeurs est garanti, et que les syndicats ainsi que les employeurs et leurs organisations ont le droit de négocier collectivement, en particulier aux fins du règlement des conflits collectifs du travail, et de conclure des conventions collectives et d’autres arrangements. De même, conformément à l’article 59(3), les syndicats ont le droit d’organiser des grèves de travailleurs ou d’autres actions de protestation, dans les limites définies par la loi. Pour protéger l’intérêt public, la législation peut limiter ou interdire la conduite de grèves par certaines catégories d’employés ou dans des domaines spécifiques. L’étendue de la liberté syndicale des syndicats et des organisations d’employeurs ainsi que des autres libertés syndicales ne peut faire l’objet de restrictions légales que si ces restrictions n’enfreignent pas les accords internationaux auxquels la République de Pologne est partie (article 59(4)). Le gouvernement souligne que le droit de grève diffère du droit d’organisation des syndicats et du droit de négociation collective: la portée du droit d’organisation et du droit de négociation collective est vaste, tandis que le droit de grève fait l’objet de limitations définies par la loi, en tenant compte des spécificités des grèves.

    i) Partie à un conflit du travail

  1. 688. S’agissant de la question de la définition de la partie à un conflit du travail, le gouvernement déclare que le règlement des conflits du travail est régi par la loi sur les conflits collectifs du travail. Au travers de cette loi, le législateur a respecté l’obligation faite à l’article 59(3) de la Constitution de la République de Pologne de définir les limitations applicables à la liberté de protestation. Ces critères permettent de déterminer les situations dans lesquelles, conformément à la loi, un intérêt protégé (le droit d’un entrepreneur de mener des activités économiques à but lucratif et la protection de ses droits de propriété) est abandonné au profit d’un autre intérêt (le droit des travailleurs de lutter pour améliorer leur situation professionnelle).
  2. 689. Le gouvernement indique que, à la lumière de l’article 1 de la loi sur les conflits collectifs du travail, un conflit peut porter sur les conditions d’emploi, les conditions de rémunération, les prestations sociales, et les libertés et droits syndicaux. L’expression «conflit du travail» désigne un conflit opposant des employés et un ou plusieurs employeurs. Ainsi, à part les employés représentés par un syndicat, la partie à un conflit ne peut être qu’un ou plusieurs employeurs. Au titre de l’article 5 de la loi, la définition du terme «employeur» qui a été adoptée est identique à celle figurant à la section 3 du Code du travail. Cette structure juridique est fondée sur un modèle de gouvernance quasi universel, et la capacité à employer des travailleurs en son nom personnel constitue le critère fondamental à partir duquel une personne morale ou physique est considérée comme employeur. La validité du terme utilisé à la section 3 du Code du Travail résulte du fait que la direction, le conseil exécutif ou un autre organe exécutant des tâches régies par les dispositions du droit du travail pour l’employeur peut remplir, au bénéfice des employés, les obligations qui lui incombent en déterminant des conditions d’emploi et de rémunération spécifiques dans leurs contrats de travail.
  3. 690. Le gouvernement estime que, d’après la définition de la partie à un conflit du travail donnée ci-dessus, il est évident que les employeurs qui emploient des travailleurs dans des unités organisationnelles faisant partie de l’administration du gouvernement central ou local sont ces unités, représentées par leurs directeurs qui prennent des décisions sur les conditions d’emploi et de rémunération spécifiques offertes aux personnes qu’ils emploient, ce qui implique que le ministre compétent ou un autre organe d’administration du gouvernement central, ou même un organe du gouvernement local, sont exclus du champ d’application de la définition énoncée à la section 3 du Code du travail et, par conséquent, à l’article 5 de la loi sur les conflits collectifs du travail. Le gouvernement souligne que le fait d’exclure les autorités publiques de la participation directe aux conflits du travail est un choix réfléchi et délibéré qu’a fait le législateur en 1991, au moment de l’adoption de la loi sur les conflits collectifs du travail, et que le Parlement possède toujours la liberté législative de choisir des solutions juridiques susceptibles d’avoir les conséquences sociales et économiques escomptées, de la manière la plus appropriée. La loi sur les conflits collectifs du travail a été examinée par le Tribunal constitutionnel polonais qui, dans sa décision du 24 février 1997, a jugé que l’article 5 de la loi sur les conflits collectifs du travail, dans laquelle la définition du terme «employeur» ne prévoit pas la participation d’un ministre ou du président d’un conseil d’association communal (gmina) en tant que partie – distincte de l’employeur direct – à un conflit du travail concernant les employés d’unités financées par l’Etat et administrées par les autorités centrales ou locales, est conforme aux articles 1 et 85 des règles constitutionnelles maintenues en vigueur au titre de l’article 77 de la loi constitutionnelle du 17 octobre 1992 sur les relations mutuelles entre les institutions législatives et exécutives de la République de Pologne et sur le gouvernement autonome local. Bien qu’une nouvelle Constitution ait été adoptée entre temps, la thèse soutenant cette décision reste valide.
  4. 691. D’après le gouvernement, l’exemple fourni par l’organisation plaignante – le ministre chargé de l’enseignement supérieur qui ne peut devenir partie au conflit concernant une augmentation salariale, en dépit du fait qu’il prend des décisions sur les finances des établissements d’enseignement supérieur – ne correspond pas totalement à la réalité juridique. La suppression de la compétence du ministre chargé de l’enseignement supérieur en matière d’établissement de conventions collectives multi-entreprises (article 152 de la loi du 27 juillet 2005 sur l’enseignement supérieur) était liée à la modification des principes de gestion financière appliqués par les établissements publics d’enseignement supérieur. Au titre de l’article 100 de la loi susmentionnée, les établissements d’enseignement supérieur gèrent leurs affaires financières de façon indépendante à partir d’un plan financier et opérationnel, et les coûts d’exploitation de ces établissements, l’acquittement de leurs dettes, le financement de leur développement et tous les autres besoins sont couverts par les recettes mentionnées à l’article 98(1) de cette loi. A cet égard, la responsabilité appartient au recteur de l’établissement d’enseignement supérieur, et c’est ce dernier qui, en établissant les véritables pouvoirs relatifs aux finances des employeurs, représente l’employeur dans les relations professionnelles entretenues avec les employés de l’établissement. Le recteur d’un établissement public d’enseignement supérieur est chargé de gérer les affaires financières de cet établissement et, en tant qu’employeur, de gérer les fonds alloués aux salaires des employés. Ainsi, le recteur est une partie appropriée à tout conflit du travail qui porterait sur des questions salariales. Accessoirement, il convient d’ajouter que la possibilité d’établir une convention collective multi-entreprises pour les employés de ces établissements d’enseignement supérieur existe toujours; cependant, les pouvoirs en la matière appartiennent désormais à une organisation d’employeurs qui rassemble les établissements d’enseignement supérieur employant des travailleurs visés par l’élaboration d’une telle convention.
  5. 692. S’agissant de l’impossibilité supposée, pour les syndicats, d’exprimer leur mécontentement sur des questions socio-économiques sous la forme d’un conflit du travail, le gouvernement rappelle qu’un accord avait été conclu le 29 mai 1992 entre le Conseil des ministres et l’organisation plaignante sur les règles de procédure relatives au règlement des conflits entre l’administration de l’Etat et le NSZZ «Solidarnosc». Aux termes de son préambule, cet accord avait été conclu, car les règles figurant dans la législation syndicale ne permettaient pas de régler de nombreuses questions intéressant de vastes groupes de travailleurs. En outre, la loi sur les conflits collectifs du travail, récemment adoptée, ne s’appliquait pas aux conflits impliquant l’administration de l’Etat, et il manquait les fondations juridiques nécessaires à la conduite d’un dialogue social avec le gouvernement en vue de régler les conflits sociaux générés par les réformes menées en Pologne. Au titre de cet accord, en cas de conflits nationaux de nature intersectorielle, les organes d’administration publique principaux ou centraux (Conseil des ministres, ministres ou directeurs des bureaux centraux) et la Commission nationale du NSZZ «Solidarnosc» auraient pu être parties à un conflit. Cependant, en cas de conflit concernant tout un secteur ou toute une profession, les parties auraient pu être des ministres ou des directeurs de bureaux centraux compétents au regard de l’objet du conflit et, du côté du syndicat, les secrétariats sectoriels nationaux autorisés par procuration à représenter les autorités nationales du syndicat. Le thème d’un conflit ne pouvait couvrir que des questions relevant des compétences des syndicats prévues par la loi, à condition que les règles de procédure n’aient pas été définies dans la législation. L’accord prévoyait des règles de procédure pour le règlement des conflits à l’amiable – négociations, médiation et arbitrage – sans octroyer au syndicat concerné le droit d’organiser une grève qui, étant donné la portée du conflit, aurait dû prendre la forme d’une grève générale. L’entrée en vigueur de la loi du 6 juillet 2001 sur la Commission tripartite pour les affaires économiques et sociales et les commissions de dialogue social des voïvodies a fourni un fondement juridique à la réalisation des objectifs pour lesquels l’accord avait été conclu. Conformément aux dispositions de cette loi, la commission tripartite servait de cadre au dialogue social mené en vue de concilier les intérêts des travailleurs, les intérêts des employeurs et l’intérêt public. La commission visait à instaurer et à maintenir la paix sociale et était habilitée à mener un dialogue social sur les salaires, les prestations sociales et d’autres questions sociales ou économiques. Toute partie à la commission avait le droit de soumettre des questions ayant une forte incidence sociétale et économique afin qu’elles soient examinées à la commission, si cette partie était convaincue que le règlement d’une question donnée était important pour le maintien de la paix sociale. Le gouvernement indique que, à l’heure actuelle, des travaux sont menés sur le projet de loi relatif au Conseil du dialogue social et à d’autres institutions de dialogue social, qui devraient aboutir au remplacement de la commission tripartite par le Conseil du dialogue social en tant qu’instance de coopération tripartite entre les travailleurs, les employeurs et le gouvernement. Le dialogue social devrait se poursuivre au sein du conseil en vue de concilier les intérêts des travailleurs, les intérêts des employeurs et l’intérêt public.
  6. 693. En ce qui concerne l’absence supposée d’habilitation officielle des autorités publiques en tant que partie à un conflit du travail, le gouvernement déclare que la loi sur les conflits collectifs du travail ne protège pas ces autorités contre la participation aux conflits et ne constitue pas non plus une déclaration de neutralité de l’Etat dans les relations collectives. En matière de relations collectives, la pratique appliquée à l’heure actuelle en Pologne prouve que les autorités gouvernementales ne sont pas exclues de la participation à ces questions. Les employés et leurs représentants, lorsqu’ils formulent explicitement et publiquement leurs revendications, adressent ensuite leurs réclamations aux autorités publiques sous la forme de lettres ouvertes et de pétitions, entre autres. De même, les employeurs des unités financées par l’Etat au sens large visent à préserver autant de ressources budgétaires que possible afin de répondre aux revendications des représentants des employés.
  7. 694. En ce qui concerne la violation supposée que constitue le fait de limiter les parties patronales à un conflit du travail aux employeurs au sens donné dans le Code du travail, et la suggestion faite par l’organisation plaignante d’offrir la possibilité de mener une procédure de conflit du travail avec l’employeur véritable (dans les entreprises qui ont fusionné avec l’objectif de concentrer des capitaux ou dans les sociétés possédant différentes succursales), le gouvernement souligne que la diversité des entreprises, y compris les structures organisationnelles, justifie la prudence du législateur dans la réglementation de cette question. La possibilité d’établir des personnes morales chargées uniquement d’honorer leurs obligations est un élément important de la liberté de l’activité économique. Cependant, conformément à l’article 20 de la Constitution, les bases du système économique de la République de Pologne incluent la solidarité, le dialogue et la coopération entre les partenaires sociaux, ce qui signifie que le législateur doit, d’une part, réaliser le principe de liberté économique et, d’autre part, assurer la protection des travailleurs et mettre en place un cadre juridique approprié pour le dialogue et la coopération entre les partenaires sociaux à tous les niveaux de la vie sociale et économique, y compris au niveau des établissements. En adoptant un concept selon lequel la partie à un conflit du travail et à une grève devrait systématiquement être une entité assumant une responsabilité financière ou est effectivement, par exemple, la société mère, on prend le risque d’ignorer complètement, dans le cadre d’un conflit, l’employeur mentionné à la section 3 du Code du travail et à l’article 5 de la loi sur les conflits collectifs du travail. Cela entamerait la légitimité de l’utilisation, par les entrepreneurs, des instruments de droit commercial ou civil qui réglementent la question de la subjectivité, et de la répartition des responsabilités. En outre, le gouvernement fait mention de la possibilité, au titre de la législation en vigueur, de mener une procédure de conflit multi-établissements qui va au-delà du champ des activités menées par un seul employeur. De plus, il convient de prendre également en compte la jurisprudence qui, en cas de mauvaise utilisation du concept de modèle de gestion par l’employeur, garantit l’interprétation adéquate de la législation existante.

    ii) Grèves générales

  1. 695. D’après le gouvernement, rien n’empêche l’organisation de grèves faisant intervenir différents employeurs dans un secteur, une région ou un pays donné. Conformément à l’article 20 de la loi sur les conflits collectifs du travail, une grève multi-établissements est déclarée par une entité syndicale mentionnée dans la loi, après approbation de la majorité des employés votants dans chaque établissement où la grève doit avoir lieu, sous réserve que, dans chacun des établissements, au moins 50 pour cent des employés participent au vote. Par conséquent, il est possible de mener une grève impliquant des employeurs dans une région ou un secteur donné, ou dans tout le pays, à condition que les revendications formulées dans le cadre du conflit demeurent directement liées aux activités menées par les employeurs impliqués dans le conflit.
  2. 696. S’agissant de la demande de l’organisation plaignante d’introduire la notion de grève générale, à savoir «une grève faisant intervenir différents employeurs d’un secteur ou d’une région donnés, ou de tout le pays, dans le but de soutenir ou de défendre des solutions législatives favorables, ou de dénoncer les conséquences professionnelles ou sociales négatives des plans et décisions mis en œuvre par les autorités publiques», le gouvernement estime que cette demande ne pourra être satisfaite que par le biais d’une action législative, qui irait au-delà de la compétence des employeurs impliqués dans le conflit. Le gouvernement conclut que l’introduction de la notion de grève générale sous la forme souhaitée par l’organisation plaignante est susceptible d’avoir une incidence négative sur les employeurs, qui devraient supporter les coûts associés aux périodes d’inactivité, tout en n’ayant aucune influence sur la position du destinataire des revendications (les autorités publiques). Les employeurs individuels ne peuvent influencer l’action législative d’un gouvernement ou les plans et décisions mis en œuvre par les autorités publiques et ne devraient donc pas subir les conséquences négatives de la politique économique appliquée par l’Etat. De l’avis du gouvernement, l’action législative devrait être soutenue ou défendue dans l’enceinte mise en place spécifiquement à cet effet (la commission tripartite ou le Conseil du dialogue social qui doit remplacer cette commission). Si les syndicats souhaitent exprimer publiquement leur mécontentement concernant les conséquences professionnelles ou sociales néfastes des mesures publiques, ils peuvent exercer leur droit d’organiser une assemblée en vue d’exprimer de façon conjointe leur position sur un sujet donné (loi du 5 juillet 1990 sur les assemblées). S’agissant de la possibilité d’organiser une grève liée à des questions socio-économiques, le gouvernement souligne que les travailleurs ont le droit d’exprimer leur mécontentement sur ces questions. Pour ce faire, ils peuvent utiliser la possibilité que leur offre la législation polonaise d’organiser des assemblées, sous différentes formes (manifestations, piquets ou protestations).

    iii) Droit de grève dans la fonction publique

  1. 697. S’agissant de la limitation du droit de grève, le gouvernement rappelle que, conformément à l’article 59(3) de la Constitution de la République de Pologne, l’intérêt public est le critère autorisant le législateur à limiter ou à supprimer le droit de grève pour des catégories spécifiques d’employés. L’étendue de la liberté syndicale des syndicats et des organisations d’employeurs ne peut faire l’objet de restrictions légales que si ces restrictions n’enfreignent pas les accords internationaux auxquels la Pologne est partie. Le gouvernement déclare que, si les conventions de l’OIT ne réglementent pas explicitement le droit de grève, les organes de contrôle de l’OIT en reconnaissent l’existence sur la base de l’interprétation des dispositions de la convention no 87, et soulignent dans le même temps que le droit de grève n’est pas un droit absolu et que la législation nationale peut supprimer la possibilité d’exercer ce droit dans des circonstances exceptionnelles ou soumettre son exercice à des conditions ou limitations, pour les fonctionnaires représentant les autorités publiques ou les travailleurs fournissant des services de nature essentielle (c’est-à-dire des services dont l’absence mettrait en péril la vie, la santé ou la sécurité personnelle de tout ou partie de la population); les organes de contrôle de l’OIT soulignent par ailleurs que la limitation ou la suppression du droit de grève pour des catégories spécifiques d’employés devrait s’accompagner de mesures appropriées de défense de leurs intérêts pouvant prendre la forme d’une procédure de conciliation ou d’un règlement à l’amiable et d’une procédure d’arbitrage.
  2. 698. Le gouvernement indique que l’interdiction légale du droit de grève est introduite par l’article 19 de la loi sur les conflits collectifs du travail et présente une double nature: elle est déterminée soit par le thème (article 19(1) et (2)), soit par le sujet (article 19(3)). L’article 19(1) n’établit pas directement l’interdiction des grèves dans une unité organisationnelle spécifique, mais interdit l’arrêt du travail dû à une grève qui a une incidence sur les postes, le matériel et les installations lorsqu’il met en péril la vie ou la santé des personnes ou la sécurité de l’Etat. Cela implique une division des travailleurs: d’une part, ceux qui peuvent interrompre leur travail et, d’autre part, ceux qui ne disposent pas de ce droit. Le facteur déterminant l’existence de l’interdiction est – dans ce cas – le résultat final de l’arrêt du travail. Cette réglementation ne dépend pas du secteur ou de la branche à laquelle appartient l’établissement ni de son modèle de gestion ou de propriété. L’article 19(2) prévoit une interdiction des grèves en fonction de la portée de l’activité. Cette disposition dresse une liste exhaustive des unités de services en uniforme dans lesquelles les grèves sont interdites et doit être interprétée de façon littérale. Ainsi, les travailleurs des établissements au sein de la structure organisationnelle des autorités militarisées mentionnées ne sont pas traités de la même manière que les travailleurs des établissements qui accomplissent des opérations auxiliaires et de services pour ces derniers.
  3. 699. Le gouvernement ajoute que, au titre de l’article 19(3) de la loi sur les conflits collectifs du travail, tous les employés des autorités publiques, de l’administration du gouvernement central et local, des tribunaux et des bureaux des procureurs sont privés du droit de grève. Conformément à ces dispositions, l’une des catégories d’employés privées du droit de grève est celle qui rassemble les membres du corps de la fonction publique, une forme spécifique de fonction publique. Contrairement à certains pays où le corps de la fonction publique couvre la quasi-totalité du secteur public, y compris les enseignants, les travailleurs du secteur de la santé et les employés du gouvernement local, en Pologne, son étendue est relativement limitée – il ne compte qu’environ 121 400 personnes employées dans les bureaux de l’administration gouvernementale (environ 2 300 bureaux). Au titre de l’article 78(3) de la loi sur la fonction publique, les membres du corps de la fonction publique ne sont pas autorisés à participer à des grèves ou à des actions de protestation qui perturberaient le fonctionnement ordinaire d’un bureau; ils sont donc autorisés à participer à certaines actions de protestation. En outre, conformément à l’article 22 de la loi sur les conflits collectifs du travail, le syndicat d’un autre établissement peut déclarer une grève de solidarité pour défendre les droits et intérêts des travailleurs qui ne disposent pas du droit de grève. Le gouvernement souligne que le corps de la fonction publique est composé d’agents employés dans des unités organisationnelles particulièrement importantes pour la conduite des activités de l’Etat. De plus, certaines personnes employées dans la fonction publique fournissent des services importants pour la société, dont la continuité doit être assurée. Le gouvernement conclut que la suppression du droit de grève pour les membres du corps de la fonction publique au titre de l’article 19(3) semble justifiée par l’intérêt public et relève de la liste des exclusions autorisées par les organes de contrôle de l’OIT.
  4. 700. Les personnes employées dans les tribunaux et les bureaux des procureurs sont une autre catégorie d’employés privée du droit de grève au titre de l’article 19(3) de la loi sur les conflits collectifs du travail. En raison des principes législatifs de répartition et d’équilibre des pouvoirs, y compris le pouvoir judiciaire exercé par les tribunaux, les travailleurs employés dans les tribunaux sont soumis à des réglementations spécifiques. Bon nombre d’affaires traitées par les tribunaux sont de telle nature que l’absence de décision ou le retard dans la prise de décisions peut considérablement perturber le fonctionnement de l’Etat, des unités du gouvernement local, des entités juridiques individuelles et des personnes physiques. Compte tenu de ce qui précède, l’intérêt public a été privilégié par rapport aux intérêts des personnes employées dans ladite fonction publique. A cet égard, le gouvernement souligne que la formulation de l’article 19(3) indique qu’il a été estimé que le fonctionnement d’un tribunal nécessitait le fonctionnement de toute l’institution, qu’il s’agisse des juges, des officiers de justice ou des travailleurs des tribunaux.
  5. 701. Le gouvernement souligne également que le fait que les employés listés à l’article 19(3) de la loi sur les conflits collectifs du travail sont privés du droit de grève ne signifie pas qu’ils ne sont pas autorisés à mener une procédure de conflit du travail. Les organisations syndicales représentant les intérêts de ces catégories d’employés peuvent engager une procédure de conflit du travail et la mener à bien, à condition qu’elle n’aboutisse pas à une grève. Conformément à l’article 16, la partie au conflit du travail qui représente les intérêts des employés peut, au lieu d’exercer le droit d’entamer une grève, tenter de régler le conflit en le présentant à un comité d’arbitrage social. L’article 17 dispose qu’une grève est le dernier recours et ne devrait être déclarée qu’après épuisement de toutes les possibilités de règlement du conflit prévues par la loi (présentation de revendications, négociations et médiation). La loi permet aussi aux syndicats, dans le cadre des conflits légaux du travail, d’exercer une pression sur les employeurs sans recourir à la grève: au titre de l’article 25, après épuisement de la procédure prévue au chapitre 2 (négociations), des actions de protestation autres que les grèves sont autorisées pour défendre les droits et intérêts listés à l’article 1 (conditions de travail, salaires ou prestations sociales, libertés et droits syndicaux des employés ou d’autres groupes de personnes), à condition que ces actions ne mettent pas en péril la vie ou la santé des personnes, qu’elles n’impliquent pas un arrêt du travail et qu’elles soient réalisées dans le respect de l’ordre juridique; il est expressément stipulé que les employés qui ne disposent pas du droit de grève sont aussi concernés par ce qui précède, ce qui inclut les membres du corps de la fonction publique.
  6. 702. Le gouvernement rappelle que les syndicats qui représentent les travailleurs privés du droit de grève sont autorisés à utiliser les mêmes procédures prévues par la loi sur les conflits collectifs du travail – négociations, médiation et arbitrage – que les syndicats qui représentent les travailleurs disposant du droit de grève. D’après le gouvernement, la convention no 151 n’établit pas la liste des obligations ou fonctions assumées par des agents publics qui justifierait de restreindre l’exercice de la liberté syndicale (y compris le droit de grève). Cette liste doit être rédigée par un législateur national, lorsqu’il détermine la mesure dans laquelle il est justifié de restreindre les droits collectifs des agents publics de sorte à garantir que l’exercice de ces droits n’est pas en contradiction avec la protection de l’intérêt public. Ainsi, le gouvernement estime que le législateur polonais avait le droit de juger nécessaire, pour l’intérêt public, la suppression du droit de grève pour tous les membres du corps de la fonction publique plutôt que pour les agents de niveau élevé uniquement. Il convient de prendre en compte le fait que le corps de la fonction publique est composé d’agents employés dans des unités organisationnelles présentant une grande importance pour la conduite des activités de l’Etat. La conduite de ces activités semble impossible à assurer si l’on supprime le droit de grève uniquement pour certains groupes d’employés de bureau: elle nécessite la disponibilité totale non seulement des agents de niveau élevé (direction), mais aussi de tout l’appareil de fonctionnaires ainsi que des travailleurs assurant le fonctionnement d’un bureau.
  7. 703. S’agissant de la déclaration de l’organisation plaignante selon laquelle le gouvernement n’a pas, pour le moment, accordé le droit de s’associer en syndicats aux personnes travaillant sur une base autre que la relation de travail, le gouvernement donne un aperçu des mesures prises et des travaux menés en vue de préparer les modifications législatives nécessaires concernant le droit d’organisation des personnes travaillant au titre de contrats de droit civil et des travailleurs indépendants.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 704. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que la définition des parties à un conflit collectif qui figure dans la législation nationale restreint les droits de négociation collective et le droit de grève de certains travailleurs, et elle dénonce l’exclusion excessive du droit de grève dont font l’objet certains employés de la fonction publique. L’organisation plaignante dénonce également le fait que la législation nationale ne prévoie pas la possibilité d’organiser des grèves générales ou des grèves liées à des questions socio-économiques. Le comité note également la déclaration générale du gouvernement selon laquelle le droit de grève diffère du droit d’organisation et du droit de négociation collective en ce qu’il fait l’objet de limitations définies par la loi, tenant compte des spécificités des grèves.

    Définition de la partie à un conflit collectif du travail

  1. 705. En ce qui concerne la définition des parties à un conflit collectif du travail, le comité note l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle: i) la référence faite, à l’article 5 de la loi sur les conflits collectifs du travail, à la définition du terme «employeur» figurant à l’article 3 du Code du travail signifie qu’une partie patronale à un conflit collectif et à une grève ne peut être qu’un employeur, c’est-à-dire une unité organisationnelle ou une personne physique qui emploie des travailleurs; ii) en raison de cette définition étroite de la partie à un conflit, les syndicats du secteur public sont souvent dans l’impossibilité d’engager une procédure de conflit (par exemple, concernant des augmentations salariales) avec l’entité traitant effectivement les questions financières de la profession, étant donné que les autorités publiques ne peuvent pas être partie à un conflit collectif en Pologne; iii) par exemple, le recteur est censé être l’employeur des employés des établissements d’enseignement supérieur tandis que les questions financières de ces établissements sont traitées par le ministre compétent; iv) il est souvent impossible, dans le secteur privé, de mener une procédure de conflit collectif visant l’entité qui assume, dans la pratique, les responsabilités économiques; et v) les droits de négociation collective et le droit de grève sont enfreints par la limitation à l’employeur direct au sens du Code du travail, car une partie à un conflit collectif du travail et une grève devraient toujours être l’entité véritablement responsable sur le plan financier ou l’entité qui confère effectivement des pouvoirs à certaines professions, par exemple l’autorité publique pertinente (gouvernement, ministre compétent, gouvernement local ou provincial, entre autres), ou encore l’entité chargée des affaires économiques, sociales ou professionnelles – la société mère, par exemple.
  2. 706. Le comité note les indications du gouvernement selon lesquelles: i) la définition du terme «employeur» figurant à la section 3 du Code du travail correspond à un modèle de gouvernance quasi universel, dans lequel la capacité à employer des travailleurs constitue le critère fondamental permettant de déterminer qu’une personne morale ou physique est un employeur, la validité du terme résultant du fait que la direction, le conseil exécutif ou un organe similaire peut remplir les obligations qui incombent à l’employeur en déterminant les conditions d’emploi et de rémunération spécifiques des employés; ii) les employeurs qui emploient des travailleurs dans des unités organisationnelles faisant partie de l’administration du gouvernement central ou local sont ces unités, représentées par leurs directeurs qui prennent des décisions sur les conditions d’emploi et de rémunération, ce qui implique que les autorités publiques (par exemple, le ministre compétent, un organe d’administration du gouvernement central ou un organe du gouvernement local) sont exclues du champ d’application de la définition; iii) le Tribunal constitutionnel a jugé que l’article 5 de la loi sur les conflits collectifs du travail, dans laquelle la définition du terme «employeur» n’autorise pas la participation d’un ministre ou d’un président d’un conseil d’association communal en tant que partie à un conflit du travail concernant les employés des unités financées par l’Etat et administrées par les autorités centrales ou locales, est conforme à la Constitution; iv) s’agissant de l’exemple fourni par l’organisation plaignante, le recteur d’un établissement public d’enseignement supérieur qui est chargé de gérer les affaires financières de cet établissement, y compris les fonds alloués aux salaires des employés, est la partie appropriée à un conflit du travail portant sur des questions salariales; v) les autorités gouvernementales participent indirectement aux conflits collectifs: les employés et leurs représentants, lorsqu’ils formulent publiquement leurs revendications, adressent ensuite leurs réclamations aux autorités publiques sous la forme de lettres ouvertes, de pétitions, etc., et les employeurs des unités financées par l’Etat visent à préserver les ressources budgétaires afin de répondre aux revendications des représentants des employés; vi) la diversité des entreprises du secteur privé, y compris les structures organisationnelles, justifie la prudence du législateur national, car en adoptant le concept selon lequel la partie à un conflit devrait systématiquement être l’entité assumant la responsabilité financière finale on prend le risque d’ignorer, dans le cadre d’un conflit, l’entité employeur; vii) en outre, la jurisprudence garantit, en cas de mauvaise utilisation du concept de modèle de gestion par l’employeur, l’interprétation adéquate de la législation existante; et viii) en vertu de la législation en vigueur, il est possible de mener une procédure de conflit multi-établissements allant au-delà du champ des activités menées par un seul employeur.
  3. 707. Le comité note que la définition du terme «employeur» figurant à la section 3 du Code du travail, selon laquelle un employeur est une unité organisationnelle ou un individu, à condition qu’il emploie des employés, s’applique à la fois au secteur public et au secteur privé, et est valide aux fins de la loi sur les conflits collectifs du travail.
  4. 708. Le comité est d’avis que, dans le cadre d’un conflit collectif du travail, il n’est ni réaliste ni nécessaire de traiter systématiquement, côté employeur, avec l’entité assumant la responsabilité financière ou économique finale ou avec le représentant de l’employeur de plus haut niveau, que ce soit dans le secteur public (par exemple, le ministre compétent) ou dans le secteur privé (par exemple, la société mère). Dans le même temps, le comité rappelle que, conformément au paragraphe 13 de la recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, les représentants des travailleurs devraient avoir accès sans retard injustifié à la direction de l’entreprise et auprès des représentants de la direction autorisés à prendre des décisions lorsque cela est nécessaire pour le bon exercice de leurs fonctions. En outre, au vu de l’obligation incombant à la fois à l’employeur et au syndicat de négocier de bonne foi et de déployer tous les efforts nécessaires pour parvenir à un accord, ainsi que de l’importance du droit de grève comme l’un des moyens essentiels de défense des intérêts économiques et sociaux des travailleurs et de leurs organisations, le comité estime qu’il devrait être garanti que la partie patronale à un conflit collectif du travail a le pouvoir de faire des concessions et de prendre des décisions concernant les salaires et les modalités et conditions d’emploi, de sorte que la pression exercée au cours des différentes étapes d’un conflit collectif du travail vise effectivement l’entité appropriée.
  5. 709. Le comité note la référence du gouvernement à la capacité du pouvoir judiciaire à régler tout cas d’abus relatif au concept d’«employeur» et de la possibilité de mener une procédure de conflit multi-établissements pour inclure des entités autres que l’employeur direct. Le comité, faisant également référence à ses observations ci-dessous concernant l’article 19(3) de la loi sur les conflits collectifs du travail, prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que la partie patronale à un conflit collectif du travail peut être clairement identifiée et est habilitée à faire des concessions et à prendre des décisions sur les salaires ainsi que sur les modalités et conditions d’emploi.

    Grèves générales et grèves liées à des questions socio-économiques

  1. 710. S’agissant des grèves générales et des grèves liées à des questions socio-économiques, le comité note les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles: i) le fait de reconnaître uniquement l’employeur au sens du Code du travail en tant que partie à un conflit collectif ainsi que l’énumération des questions pouvant faire l’objet d’un conflit collectif dans l’article 1 de la loi sur les conflits collectifs du travail ont pour conséquence de limiter les questions pouvant faire l’objet d’un conflit collectif aux questions soulevées au niveau de l’entreprise; ii) les syndicats ne peuvent pas, dans le cadre d’un conflit collectif, exprimer leur mécontentement sur des questions socio-économiques auprès de l’entité véritablement responsable de la situation professionnelle, sociale et économique des travailleurs, et ils ne peuvent pas non plus mener de grève à l’encontre d’une autorité publique sur la base de problèmes socio-économiques; iii) la législation nationale ne respecte pas les principes de la liberté syndicale, car elle n’autorise pas les «grèves générales», c’est-à-dire les grèves faisant intervenir, en particulier, différents employeurs d’une région ou d’un secteur donnés, voire de tout le pays, dans le but de soutenir ou de défendre des solutions législatives favorables, ou de protester contre des plans et décisions pris par les autorités publiques, qui ont des conséquences sociales négatives ou des répercussions néfastes sur certaines professions.
  2. 711. Le comité note les indications du gouvernement selon lesquelles: i) l’article 20 de la loi sur les conflits collectifs du travail prévoit la possibilité de mener des grèves multi-établissements; ii) l’introduction de la notion de grève générale est susceptible d’avoir une incidence négative sur les employeurs, qui devraient supporter les coûts associés aux périodes d’inactivité, tout en n’ayant aucune influence sur la position du destinataire des revendications (action législative ou plans et décisions pris par les autorités publiques); iii) l’action législative devrait être soutenue ou défendue dans l’enceinte mise en place spécifiquement aux fins de l’instauration et du maintien de la paix sociale, par la conduite d’un dialogue sur les questions sociales ou économiques préoccupantes et la conciliation des intérêts des travailleurs, des employeurs et du gouvernement (le Conseil du dialogue social qui doit remplacer la commission tripartite); iv) si les syndicats souhaitent exprimer publiquement leur mécontentement concernant les conséquences professionnelles ou sociales néfastes des mesures publiques, ils peuvent exercer leur droit d’organiser une assemblée en vue d’exprimer de façon conjointe leur position sur un sujet donné; et v) de même, s’agissant de la possibilité d’organiser une grève liée à des questions socio-économiques, les travailleurs peuvent utiliser les possibilités prévues par la législation nationale en matière d’assemblées (manifestations, piquets ou protestations).
  3. 712. Le comité observe qu’un conflit collectif opposant des employés et un ou plusieurs employeurs ne peut porter que sur les conditions de travail, les salaires, les prestations sociales, les libertés et les droits syndicaux des employés ou d’autres groupes de personnes disposant du droit d’organisation, et qu’une grève correspond à l’arrêt collectif du travail par les employés dans le but d’ouvrir une procédure de conflit concernant les questions susmentionnées (articles 1 et 17 de la loi sur les conflits collectifs du travail). Observant également que les grèves multi-établissements sont réglementées par l’article 20 lu conjointement avec l’article 1 de la loi sur les conflits collectifs de travail, le comité rappelle à cet égard que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs défendent par le droit de grève se rapportent non seulement à l’obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d’ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale et aux problèmes qui se posent à l’entreprise et qui intéressent directement les travailleurs. En outre, les organisations chargées de défendre les intérêts socio-économiques et professionnels des travailleurs devraient en principe pouvoir utiliser la grève pour appuyer leur position dans la recherche de solutions aux problèmes posés par les grandes orientations de politique économique et sociale, qui ont des répercussions immédiates pour leurs membres, et plus généralement pour les travailleurs, notamment en matière d’emploi, de protection sociale et de niveau de vie. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 526 et 527.] Tout en notant avec intérêt l’établissement du Conseil du dialogue social – un nouveau forum institutionnel tripartite remplaçant la Commission tripartite pour les affaires sociales et économiques –, le comité observe que la garantie de la liberté de réunion et du dialogue social tripartite est importante mais n’est pas suffisante pour assurer le respect des principes énoncés ci-dessus. Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les organisations de travailleurs soient en mesure d’exprimer si nécessaire, par des actions de protestation de manière plus large, leur opinion sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts de leurs membres.

    Restrictions du droit de grève à l’article 19 de la loi sur les conflits collectifs du travail

  1. 713. En ce qui concerne le droit de grève dans la fonction publique et dans certains postes, le comité note les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles: i) les restrictions du droit de grève figurant à l’article 19(1) de la loi sur les conflits collectifs du travail sont excessives, étant donné que la législation nationale n’indique pas de poste particulier, ni même une procédure permettant d’établir la liste des postes dans lesquels les grèves sont interdites au motif qu’un arrêt du travail mettrait en péril la vie ou la santé des personnes ou la sécurité de l’Etat; et ii) les restrictions du droit de grève visant certains employés de l’administration publique et figurant à l’article 19(3) sont excessives, dans la mesure où la législation nationale prive de ce droit un large éventail de personnes, y compris les personnes qui n’ont pas été employées à des postes de fonctionnaire, mais au titre de contrats de travail pour des activités auxiliaires ou de services au sein des organes de gouvernance de l’Etat, du gouvernement local, des tribunaux et des bureaux des procureurs. Le comité note également le point de vue de l’organisation plaignante selon lequel, à la lumière de l’article 59(4) de la Constitution polonaise, qui dispose que l’étendue de la liberté syndicale des syndicats et des organisations d’employeurs ainsi que des autres droits syndicaux ne peut faire l’objet de restrictions légales que si ces restrictions n’enfreignent pas les accords internationaux liant la République de Pologne; le droit de grève devrait être garanti à un vaste groupe de travailleurs et n’être limité qu’à titre exceptionnel (à savoir, pour les fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou les travailleurs des services essentiels au sens strict du terme).
  2. 714. Le comité note les indications du gouvernement selon lesquelles: i) le facteur déterminant l’existence d’une interdiction de grève au titre de l’article 19(1) de la loi sur les conflits collectifs du travail, indépendamment de la branche, est le résultat final de l’arrêt du travail (danger pour la vie ou la santé des personnes ou pour la sécurité de l’Etat); cela implique une division des travailleurs entre ceux qui peuvent interrompre leur travail et ceux qui ne disposent pas de ce droit; ii) l’une des catégories d’employés privées du droit de grève au titre de l’article 19(3) est celle qui rassemble les membres du corps de la fonction publique – une forme spécifique de fonction publique; contrairement à certains pays où le corps de la fonction publique couvre la quasi-totalité du secteur public, y compris les enseignants, les travailleurs du secteur de la santé et les employés du gouvernement local, en Pologne, son étendue est relativement limitée –, il ne compte qu’environ 121 400 personnes employées dans les bureaux de l’administration gouvernementale (environ 2 300 bureaux); iii) le corps de la fonction publique est composé d’agents employés dans des unités organisationnelles particulièrement importantes pour la conduite des activités de l’Etat, y compris des services pertinents pour la société, qui ne peuvent être garanties si l’on supprime le droit de grève uniquement pour certains groupes d’employés de bureau – la conduite de ces activités nécessite la disponibilité totale de tout l’appareil de fonctionnaires ainsi que des travailleurs assurant le fonctionnement d’un bureau; iv) la suppression du droit de grève pour les membres du corps de la fonction publique semble justifiée par l’intérêt public et relève de la liste des exclusions autorisées par les organes de contrôle de l’OIT; v) en ce qui concerne les personnes employées dans les tribunaux et les bureaux des procureurs, bon nombre d’affaires traitées par les tribunaux sont de telle nature que l’absence de décision ou le retard dans la prise de décisions peut considérablement perturber le fonctionnement de l’Etat, des unités du gouvernement local, et des personnes morales et physiques – l’intérêt public a donc été privilégié par rapport aux intérêts des personnes employées dans les tribunaux ou les bureaux des procureurs (y compris les juges, les officiers de justice et les travailleurs des tribunaux); vi) les syndicats représentant des travailleurs privés du droit de grève sont autorisés à recourir aux mêmes procédures de la loi sur les conflits collectifs du travail que les autres syndicats, à savoir les négociations, la médiation et l’arbitrage; vii) conformément à l’article 78(3) de la loi sur la fonction publique, les membres du corps de la fonction publique ne sont pas autorisés à participer à des actions de protestation susceptibles de perturber le fonctionnement ordinaire d’un bureau - ils sont donc autorisés à participer à certaines actions de protestation; viii) au titre de l’article 25 de la loi sur les conflits collectifs du travail, après des négociations infructueuses, des actions de protestation autres que la grève sont autorisées pour exercer une pression sur les employeurs dans le cadre d’un conflit du travail, y compris pour les employés qui ne disposent pas du droit de grève; et ix) au titre de l’article 22, le syndicat d’un autre établissement peut déclarer une grève de solidarité pour défendre les droits et intérêts des travailleurs ne disposant pas du droit de grève.
  3. 715. Le comité observe que l’article 19(3) de la loi sur les conflits collectifs du travail prive du droit de grève les membres du corps de la fonction publique et les employés des tribunaux et des bureaux des procureurs, et que l’article 19(1) interdit tout arrêt du travail dû à une grève qui a une incidence sur les postes, le matériel et les machines lorsqu’il met en péril la vie ou la santé des personnes ou la sécurité de l’Etat. Le comité rappelle que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Le comité souligne également qu’une définition trop extensive de la notion de fonctionnaire est susceptible d’aboutir à une limitation très large, voire à une interdiction, du droit de grève de ces travailleurs et que l’interdiction du droit de grève dans la fonction publique devrait se limiter aux fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 575 et 576.] Le comité invite le gouvernement à étudier la possibilité d’établir une procédure pour déterminer quels sont les fonctionnaires listés à l’article 19(3) de la loi sur les conflits collectifs du travail et à l’article 2 de la loi sur la fonction publique qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et dont le droit de grève pourrait donc être limité, ainsi que pour définir des services minima, le cas échéant. Cette procédure pourrait aussi être utilisée aux fins de l’article 19(1) pour déterminer les cas dans lesquels un arrêt du travail constitue un danger au titre de cet article et où le droit de grève pourrait donc être interdit ou limité, ainsi que pour définir des services minima, le cas échéant.
  4. 716. Enfin, en ce qui concerne l’indication de l’organisation plaignante selon laquelle la recommandation, formulée par le comité en 2012 dans le cadre du cas no 2888, d’accorder le droit d’organisation aux personnes travaillant au titre de contrats de droit civil et aux travailleurs indépendants n’a toujours pas été mise en œuvre, le comité note avec satisfaction: i) que le gouvernement a pris des mesures en vue de préparer les modifications législatives nécessaires; ii) que le Tribunal constitutionnel a rendu en juin 2015 une décision soutenant que l’article 2(1) de la loi sur les syndicats est contraire à la Constitution de la République de Pologne et que le législateur devrait étendre le droit d’organisation à toutes les personnes exerçant un travail rémunéré sur la base d’une relation légale; et iii) qu’un projet de loi introduisant les modifications systémiques pertinentes sera soumis pour consultation au Conseil du dialogue social récemment établi.
  5. 717. Le comité renvoie les aspects législatifs de ce cas à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 718. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne la définition de la partie à un conflit collectif du travail, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que la partie patronale à un conflit collectif du travail peut être clairement identifiée et est habilitée à faire des concessions et à prendre des décisions sur les salaires ainsi que sur les modalités et conditions d’emploi.
    • b) En ce qui concerne les grèves générales et les grèves liées à des questions socio-économiques, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les organisations de travailleurs soient en mesure d’exprimer si nécessaire, par des actions de protestation de manière plus large, leur opinion sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts de leurs membres.
    • c) S’agissant des restrictions du droit de grève figurant à l’article 19 de la loi sur les conflits collectifs du travail, le comité invite le gouvernement à étudier la possibilité d’établir une procédure: i) pour déterminer quels sont les fonctionnaires listés à l’article 19(3) de la loi sur les conflits collectifs du travail et à l’article 2 de la loi sur la fonction publique qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et dont le droit de grève pourrait donc être limité; ii) pour déterminer les cas dans lesquels un arrêt du travail constitue un danger au titre de l’article 19(1) et où le droit de grève pourrait donc être interdit ou limité; et iii) pour définir des services minima, le cas échéant.
    • d) Le comité renvoie les aspects législatifs de ce cas à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
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