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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 376, Octobre 2015

Cas no 3060 (Mexique) - Date de la plainte: 28-OCT. -13 - Clos

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Allégations: Dans le cadre d’une procédure visant à établir la qualité de signataire des conventions collectives, des irrégularités, des ingérences des autorités publiques et des entreprises concernées sont alléguées, ainsi que des actes de violence et des menaces de la part d’un autre syndicat

  1. 787. La plainte figure dans des communications en date des 28 octobre 2013 et 28 avril 2014 du Syndicat national des mines et de la métallurgie «Don Napoleón Gómez Sada» (SNMM).
  2. 788. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date du 23 mai 2014 et du 21 octobre 2015.
  3. 789. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 790. Dans ses communications en date des 28 octobre 2013 et 28 avril 2014, le Syndicat national des mines et de la métallurgie «Don Napoleón Gómez Sada» (SNMM) allègue que, dans le cadre d’une procédure visant à établir la qualité de signataire des conventions collectives, des irrégularités, des ingérences ont été commises par les autorités publiques et les entreprises concernées et que des actes de violence ont été perpétrés; et des menaces, proférées par un autre syndicat. L’organisation plaignante affirme que les travailleurs des entreprises Servicios Minera Real de Ángeles et Minera Real de Ángeles de la Mina el Coronel étaient affiliés sans le savoir à un syndicat, le Syndicat des travailleurs de l’industrie minière et branches connexes et similaires de la République du Mexique (STIMS) qui disposait de la qualité de signataire de deux conventions collectives de protection. L’organisation plaignante signale que, lors d’une grève qui a eu lieu en avril 2012, le SNMM est intervenu dans le conflit du travail avec succès, réussissant à obtenir le paiement des bénéfices qui étaient dus ainsi que d’autres améliorations dans les conditions de salaire et de travail, y compris la révision de la convention collective de travail. De mai 2012 à mai 2013, le SNMM s’est entretenu à maintes reprises avec les entreprises et le STIMS pour établir leur représentativité respective car, selon lui, le STIMS ne représentait pas les travailleurs. Aucun accord n’ayant pu être établi, le 28 mai 2013, l’organisation plaignante a introduit une plainte devant le Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage pour obtenir la qualité de signataire des conventions collectives.
  2. 791. L’organisation plaignante déclare qu’à partir du 29 mai 2013 un troisième syndicat, le Syndicat national des travailleurs des mines, de la métallurgie, de la sidérurgie et des branches connexes de la République du Mexique (SNTMMSS) a lancé une campagne offensive contre le SNMM et ses adhérents pour remporter la qualité de signataire des conventions collectives, avec le soutien des entreprises et des autorités compétentes. Le SNMM fait savoir que le SNTMMSS a déclenché ce même jour, 29 mai 2013, une grève illégale qui a duré soixante-dix-neuf jours et, face à cette situation, l’entreprise a envoyé les travailleurs suivre des cours de formation. L’organisation plaignante allègue que, pendant la grève, le secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale a rencontré les entreprises, le SNTMMSS et le STIMS, ignorant le SNMM, et que, dans les médias, la reconnaissance du SNTMMSS par le secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale comme titulaire de la signature des conventions collectives a été communiquée, ce qui était illégal, étant donné que le recours introduit par l’organisation plaignante devant le Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage sur cette question était en cours d’examen. L’organisation plaignante allègue que, pendant les discussions visant à obtenir la fin de la grève, le secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale a convenu avec les entreprises, le SNTMMSS et le STIMS que, pour limiter la représentation du SNMM et empêcher qu’il obtienne la qualité de signataire des conventions collectives, il fallait éviter le retour de ses représentants à leur poste de travail. Le SNMM allègue que, lors de la reprise du travail, le 16 août 2013, sous prétexte qu’ils devaient rester indéfiniment en formation, et avec l’accord du secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale, 30 travailleurs du SNMM, nominalement désignés, et dont certains étaient membres de son comité exécutif local, se sont vu interdire l’accès à leur lieu de travail.
  3. 792. L’organisation plaignante déclare également que les adhérents et les sympathisants du SNMM, dont certains des 30 travailleurs en question dans le paragraphe précédent, ont fait l’objet d’agressions et de menaces, y compris des menaces de mort, de la part de membres du SNTMMSS, de leurs sympathisants ou de tueurs à gages à leur solde, afin de les empêcher d’accéder à leur lieu de travail et les dissuader de soutenir le SNMM. Le SNMM relève les allégations de violence suivantes, pour lesquelles des plaintes ont été déposées devant le bureau du ministère public: a) passage à tabac de Mme Ana Gabriela Ruíz González par cinq membres du SNTMMSS; b) actes d’intimidations et de violence commis pour empêcher l’accès au travail d’un groupe de 29 travailleurs, nominalement désignés, et menaces de mort proférées à leur encontre par un tueur à gages du SNTMMSS; c) agressions contre M. Mauricio Alberto Sustaita López, syndicaliste du SNMM, sur son lieu de travail; il a été contraint de quitter son travail sous la menace, sur ordre d’un délégué du SNTMMSS; et d) harcèlement, menaces et privation de liberté à l’encontre de Mme Norma Ibarra Torres, sœur d’une travailleuse membre du SNMM, pour l’empêcher d’accéder à son lieu de travail. L’organisation plaignante juge que ces attaques et harcèlements ont été permis par le secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale et par les entreprises qui n’auraient fait aucune démarche pour les en empêcher, et en ce qui concerne les faits survenus sur le lieu de travail elle signale que les services de sécurité ne sont pas intervenus pour défendre les droits des personnes concernées.
  4. 793. Dans sa communication en date du 28 avril 2014, l’organisation plaignante dénonce des irrégularités dans la procédure visant à accorder la qualité de signataire des conventions collectives, estimant que le vote qui a eu lieu le 21 février 2014 pour déterminer quelle était l’organisation syndicale la plus représentative ne s’est pas déroulé de façon libre, directe, personnelle, inaliénable et secrète, étant donné que la confidentialité n’était pas garantie, qu’il était permis aux travailleurs votants d’exhiber sur leurs vêtements les insignes du SNTMMSS et que des personnes étrangères ont pu influer sur la décision des travailleurs votants (à cet égard, l’organisation plaignante fait parvenir un feuillet informatif du SNTMMSS dans lequel il reconnaît la participation d’observateurs internationaux, parmi lesquels se trouvaient des syndicalistes du syndicat international United Steelworkers et de la Fédération américaine du travail AFL-CIO). L’organisation plaignante ajoute que les 30 travailleurs qui avaient été empêchés, sous prétexte qu’ils devaient continuer leur formation, d’accéder à l’entreprise ont dû rentrer en cachette pour pouvoir participer au vote et n’ont pu reprendre leur travail qu’à partir de ce moment-là. Le 28 février 2014, l’organisation plaignante a soulevé des objections quant à la procédure de décompte des voix devant le Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage, objections qui ont été rejetées, raison pour laquelle le SNMM a introduit un recours en justice. L’organisation plaignante ajoute que les entreprises, avec l’accord du secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale et du Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage, négocient actuellement avec le SNTMMSS la révision de la convention collective alors qu’ils n’ont pas le droit de le faire étant donné que le différend relatif à l’obtention de la qualité de signataire est toujours en cours de jugement, ce qui démontre l’ingérence des entreprises et des autorités publiques.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 794. Dans sa communication en date du 23 mai 2014, le gouvernement déclare que la plainte s’inscrit dans le cadre d’un conflit intersyndical qui a été traité conformément aux dispositions de la législation du travail et dans le respect des principes de la liberté syndicale. Le gouvernement ajoute que l’organisation plaignante a pu faire valoir ses droits devant le Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage pour demander la qualité de signataire des conventions collectives et a pu interjeter recours contre la décision du conseil.
  2. 795. Quant aux allégations relatives à la grève illégale déclenchée le 29 mai 2013 et l’ingérence présumée de l’autorité du travail, le gouvernement signale que les autorités sont intervenues dans le cadre de leur compétence dans la recherche d’un équilibre entre les facteurs de production, en vertu de l’article 40 de la loi organique de l’Administration publique fédérale. Le gouvernement fait savoir que le secrétariat au Travail et à la Protection sociale a encouragé un rapprochement entre le syndicat titulaire de la signature des conventions collectives, les autres organisations syndicales et l’entreprise et que son intervention pour concilier les intérêts des parties a abouti à la fin de la grève, le 14 août 2013. Le gouvernement souligne: i) que la grève a été déclenchée par des travailleurs qui se sentaient lésés, avec le soutien du SNTMMSS ainsi que de travailleurs sympathisants du SNMM et du STIMS; ii) qu’en juin 2013 l’entreprise minière a entrepris d’organiser des cours de formation pour tous les travailleurs, avec paiement des salaires; iii) que, grâce à la médiation des autorités de l’Etat et des autorités fédérales, qui ont toujours respecté la pleine liberté et l’autonomie syndicale de tous les travailleurs, les parties sont parvenues, en août 2013, à un accord et les activités ont repris; iv) que, conformément aux accords conclus, il a été établi que tous les travailleurs décideraient de manière démocratique et par les voies légales devant le Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage s’ils voulaient continuer à appartenir à l’organisation syndicale qui jusque-là était titulaire de la signature de leur convention collective, ou s’ils voulaient opter pour un autre syndicat parmi ceux qui participaient au différend intersyndical; v) que les travailleurs ont accepté que l’autorité du travail vérifie si le paiement des bénéfices avait été effectué conformément à la législation, tandis que l’entreprise s’engageait à ne licencier aucun des grévistes ni à introduire des plaintes à leur encontre, et à payer 50 pour cent de leurs salaires au moment de la levée de la grève et l’autre moitié dès qu’ils auraient terminé un programme spécifique de formation; et vi) que les travailleurs ont souligné l’attitude positive de l’entreprise minière durant toute la négociation.
  3. 796. En ce qui concerne la procédure mise en place pour établir la qualité de signataire des conventions collectives que le STIMS avait conclues, le gouvernement fait parvenir les informations du Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage. Celui-ci signale que la qualité de titulaire de la signature des conventions collectives a été revendiquée par le secrétaire général du SNMM le 28 mai 2013 et par le secrétaire général du SNTMMSS le 6 juin 2013 (un troisième syndicat l’avait demandée également, mais a retiré sa plainte par la suite). Le gouvernement déclare que, après recensement des 776 travailleurs syndiqués concernés, la convocation au vote a été fixée au 21 février 2014; celui-ci a commencé à 7 heures et a été déclaré clos à 15 heures sur accord des trois syndicats intervenants, 740 personnes ayant voté, et voici les résultats finaux: 309 voix pour le SNMM, 425 voix pour le SNTMMSS, zéro voix pour le STIMS et six votes nuls.
  4. 797. Dans sa communication en date du 21 octobre 2015, le gouvernement déclare, en ce qui concerne les allégations de violation dans le déroulement des opérations de décompte, qu’il est pleinement donné effet aux conditions dégagées par la législation et la jurisprudence de la Cour suprême de justice de la nation (150/2008). Le gouvernement indique que, conformément à ces critères, les autorités: a) ont constaté qu’il avait été procédé à l’identification pleine et entière des travailleurs ayant le droit de participer au vote, grâce à une liste établie préalablement; b) ont vérifié que les conditions dans lesquelles le vote s’est déroulé correspondaient aux conditions nécessaires pour que ce vote se déroule de manière ordonnée, rapide et pacifique, constatation faite de ce que le lieu du scrutin présentait les conditions matérielles et de sécurité voulues; c) il a été vérifié que le vote s’était déroulé de manière sûre, libre et secrète; d) l’identité des travailleurs a été vérifiée au moyen de leur accréditation officielle en cours de validité; e) il a été vérifié que le décompte final des voix avait été réalisé de manière transparente et publique, en la présence de représentants syndicaux et de représentants patronaux au nombre desquels se trouvaient des représentants de l’organisation plaignante; et f) pour faire droit aux objections visant le déroulement du vote, conformément à la loi fédérale du travail, le 28 février 2014 une audience a eu lieu, les objections du SNMM ont été examinées et elles ont été jugées irrecevables. Le gouvernement indique que, en vertu des résultats du vote, le 11 mars 2014 un jugement a été rendu, attribuant au SNTMMSS la qualité de titulaire de la signature de la convention collective de travail. Enfin, le gouvernement mentionne que le SNMM a formé un recours en amparo alléguant de violations de procédure, recours auquel le juge de la première chambre de district en matière de travail du district fédéral a décidé le 30 avril 2014 de ne pas donner suite, si bien que la question a été déclarée close et que l’attribution de la qualité de titulaire de la signature de la convention collective de travail au SNTMMSS s’est trouvée confirmée.
  5. 798. Pour ce qui est des allégations d’agressions commises contre des membres du SNMM et de menaces proférées à leur encontre par des membres du SNTMMSS, le gouvernement fait savoir que, au cas où de tels actes de violence se seraient produits, tant les travailleurs que les représentants des entreprises avaient la possibilité de faire usage des moyens et des recours juridiques à leur disposition pour les dénoncer devant les autorités compétentes.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 799. Le comité observe que l’organisation plaignante allègue que, dans le cadre d’un conflit entre des organisations syndicales à propos d’une procédure visant à établir la qualité de signataire des conventions collectives, des irrégularités, des ingérences des autorités publiques et des entreprises concernées se sont produites, ainsi que des actes de violence et des menaces de la part d’un autre syndicat. Le comité note que le gouvernement déclare que les autorités ont traité le différend intersyndical conformément à la loi et dans le respect des principes de la liberté syndicale, intervenant pour faciliter le règlement d’un conflit collectif et pour déterminer de manière démocratique à qui revenait la qualité de signataire des conventions collectives.
  2. 800. En ce qui concerne les allégations d’irrégularités dans la procédure visant à établir la qualité de signataire des conventions collectives, et en particulier dans la procédure de décompte des voix (allégations portant sur l’absence de confidentialité du vote, le port d’insignes sur les vêtements et la présence d’éléments externes), le comité prend dûment note des explications données par le gouvernement, s’agissant de la satisfaction des conditions établies par la loi et par la jurisprudence pour le déroulement d’un décompte, et observe que l’organisation plaignante a saisi de ses objections les autorités compétentes et qu’il n’a pas été donné suite à son recours en amparo et que, de ce fait, l’attribution de la qualité de titulaire de la signature de la convention collective de travail au SNTMMSS s’est trouvée confirmée. Par ailleurs, en ce qui concerne l’allégation relative à la présence d’autres individus dans la procédure de décompte des voix, le comité observe que, d’après la documentation fournie par l’organisation plaignante, il semblerait que certains d’entre eux étaient des observateurs internationaux d’organisations syndicales étrangères et internationales (AFL-CIO et United Steelworkers), et désire rappeler à cet égard que la présence d’observateurs internationaux dans une procédure de vote contestée ne constitue pas une infraction aux principes de la liberté syndicale.
  3. 801. En ce qui concerne les allégations de violence (agressions et menaces, y compris menaces de mort, visant à empêcher l’accès à leur lieu de travail aux membres et aux sympathisants de l’organisation plaignante et à les intimider pour qu’ils renoncent à soutenir le SNMM), le comité note que, parmi les différents actes de violence et les menaces allégués, l’organisation plaignante met en évidence quatre faits, pour lesquels il a introduit une plainte. Le comité observe également que, s’il est vrai que le gouvernement fait référence à la possibilité d’interjeter recours, il n’a pas envoyé d’informations spécifiques concernant ces allégations de violence et de menaces. Exprimant son profond regret quant à la gravité des faits allégués, rappelant que les organisations syndicales doivent respecter la légalité et soulignant l’importance que revêt l’exercice pacifique des droits syndicaux, le comité invite l’organisation plaignante à signaler si elle a introduit d’autres plaintes au pénal relatives à ses allégations de menaces et actes de violence et à le tenir informé des décisions judiciaires.
  4. 802. Cependant, tenant compte des divergences entre les allégations de l’organisation plaignante et la réponse du gouvernement, le comité invite l’organisation plaignante à envoyer des informations additionnelles à l’appui de ces allégations, y compris tous les recours judiciaires qui ont pu être engagés à cet égard.
  5. 803. Enfin, le comité prie le gouvernement d’obtenir les observations des entreprises en question sur le présent cas par l’intermédiaire de l’organisation d’employeurs concernée, et de les communiquer.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 804. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne les allégations de violence, exprimant son profond regret quant à la gravité des faits allégués, rappelant que les organisations syndicales doivent respecter la légalité et soulignant l’importance que revêt l’exercice pacifique des droits syndicaux, le comité invite l’organisation plaignante à signaler si elle a introduit d’autres plaintes au pénal relatives à ses allégations de menaces et d’actes de violence et à le tenir informé des décisions judiciaires.
    • b) S’agissant des allégations d’ingérence du gouvernement et des entreprises concernées, le comité note que le gouvernement déclare que son action s’est inscrite dans le cadre des dispositions de la législation et invite l’organisation plaignante à envoyer des informations additionnelles à l’appui de ces allégations, y compris tous les recours judiciaires qui ont pu être engagés à cet égard.
    • c) Le comité prie le gouvernement d’obtenir les observations des entreprises en question sur le présent cas, par l’intermédiaire de l’organisation d’employeurs concernée, et de les communiquer.
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