Allegations: : Les organisations plaignantes allèguent que la liquidation de l’entreprise Pricol Alimentos S.A. avait pour finalité de faire disparaître l’organisation syndicale SINTRAPRICOL et d’éliminer la présence syndicale dans l’usine de production de Facatativá, propriété du groupe d’entreprises Polar
- 276. La plainte figure dans des communications en date d’octobre 2012, février 2013, 22 octobre 2013, 30 mai 2014, 22 octobre 2014 et 11 mars 2015.
- 277. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date des 28 avril 2014, 13 juin 2014 et 21 juillet 2015.
- 278. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 279. Dans leurs diverses communications, les organisations plaignantes allèguent que le processus de liquidation de l’entreprise Pricol Alimentos S.A. (ci-après «l’entreprise») avait pour finalité de faire disparaître l’organisation syndicale SINTRAPRICOL et d’éliminer la présence syndicale dans l’usine de production de Facatativá, qui appartient au groupe d’entreprises Polar. Les organisations plaignantes soulignent notamment que le processus de liquidation n’a donné lieu à aucun moment à des consultations avec l’organisation syndicale, que les dirigeants syndicaux du SINTRAPRICOL ont été licenciés sans qu’il y ait eu une levée judiciaire de leur immunité syndicale et que l’entreprise a demandé l’annulation de la personnalité juridique du syndicat après avoir licencié la majeur partie de ses membres. Les organisations plaignantes ajoutent qu’il y a unité d’entreprise entre Pricol Alimentos S.A. et Alimentos Polar Colombia S.A.S., avec laquelle la première a fusionné dans l’usine de production de Facatativá, ce qui donne à entendre que le processus de liquidation de l’entreprise avait en réalité pour but de liquider l’organisation syndicale et d’éliminer la présence syndicale dans l’usine de production susmentionnée.
- 280. Les organisations plaignantes indiquent ensuite la chronologie des faits liés aux allégations mentionnées. Elles expliquent notamment que: i) l’entreprise, qui fait partie du groupe Polar, a acquis en 2002 les actifs de Productos Quaker S.A., qui avait commencé à la fin des années cinquante son activité de production à Santiago de Cali; ii) du fait de ce changement de propriétaire, l’organisation syndicale SINTRAQUAKER, créée en 1958, est devenue SINTRAPRICOL; iii) en 2006, l’usine de Cali de l’entreprise comptait 103 travailleurs dont 52 étaient affiliés au SINTRAPRICOL, l’entreprise et le syndicat ayant conclu en 2005 une convention collective en vigueur jusqu’en 2008; iv) en novembre 2006, l’entreprise a annoncé que tous les travailleurs de l’usine seraient transférés à partir de janvier 2007 dans la ville de Facatativá (département de Cundinamarca); v) parallèlement, l’entreprise a commencé à faire pression sur les travailleurs pour que, au lieu d’accepter un transfert à Facatativá, ils consentent à ce qu’il soit mis fin à leurs contrats en échange de sommes dérisoires; vi) en décembre 2006, une vingtaine de travailleurs supplémentaires se sont affiliés à l’organisation syndicale; vii) entre le 24 novembre 2006 et le 3 février 2008, l’entreprise a mis un terme aux contrats de 45 travailleurs, violant ainsi les dispositions de la convention collective de travail; viii) le représentant légal du SINTRAPRICOL a présenté une plainte administrative du travail le 19 janvier 2007 au motif d’un licenciement collectif illégal, plainte n’ayant pas abouti; ix) à la suite de ces licenciements collectifs, le nombre des affiliés au syndicat n’était plus que de 20 travailleurs; x) l’entreprise a alors demandé l’annulation de la personnalité juridique du syndicat au motif qu’il était passé en dessous du seuil des 25 affiliés, et cette demande est toujours en instance compte tenu des procédures pour réintégration qui ont été entamées par de nombreux travailleurs licenciés membres du syndicat; xi) en juin 2008, les travailleurs de l’entreprise ont créé, avec des travailleurs d’autres entreprises du secteur, un syndicat d’industrie, intitulé le Syndicat national des travailleurs de l’industrie, des cultures agricoles et du conditionnement des aliments (SINALTRACINPROA); xii) en mars 2009, le SINALTRACINPROA a présenté un cahier de revendications à l’entreprise; xiii) le 14 avril 2009, la négociation du cahier de revendications avec l’entreprise a été lancée et, en vertu de la législation colombienne, tous les affiliés se sont donc retrouvés au bénéfice de l’immunité syndicale que confère la négociation; xiv) le 4 mai 2009, comme l’entreprise et le syndicat n’avaient toujours pas conclu d’accord, la phase de négociation directe est venue à échéance et le syndicat a demandé au ministère de la Santé et de la Protection sociale de constituer un tribunal d’arbitrage; xv) en dépit de sa décision initiale en septembre 2009 de constituer un tribunal d’arbitrage, le vice-ministre des Relations de travail a finalement fait marche arrière lorsque l’entreprise a intenté un recours administratif; xvi) le 21 octobre 2009, l’assemblée générale des actionnaires a décidé volontairement de dissoudre et liquider la société qui constituait la forme juridique sous laquelle fonctionnait l’entreprise; xvii) en vertu de la législation colombienne, l’entreprise devait alors en principe demander l’autorisation du ministère de la Santé et de la Protection sociale pour fermer, et celle du juge du travail pour licencier les travailleurs bénéficiant de l’immunité syndicale; xviii) les travailleurs n’ont été informés ni du processus de liquidation ni de la demande de fermeture de l’entreprise; xix) en novembre 2009, l’entreprise a interjeté des demandes spéciales de levée de l’immunité syndicale concernant 14 dirigeants syndicaux (MM. Marino Villa Valencia, Jorge Humberto Mayor Jiménez, Ildebrando Zamora Cifuentes, Luis Espper Cuadrado Gutiérrez, Diego Rivera Tovar, Abelardo Paz Herrera, Diego Fernández Flores Loaiza, Jairo Ossa Castillo, Wilson Hernández Misas, Jorge Heber Morales Cardona, José Fernando Sánchez Muñoz, Eimar Lider Martínez Gómez, Gentil Aníbal Muñoz et Jorge Alberto Quintero Rodríguez); xx) le 18 décembre 2009, l’entreprise a décidé de licencier les 20 travailleurs syndiqués parmi lesquels se trouvaient les 14 dirigeants syndicaux susmentionnés outre MM. Héctor Fabio Morales Cano, Luis Óscar Montes, Fernando López Jiménez, Nelson Yesid Castañeda Poloche, Luis Eduardo Abadía Basto et Campo Elías Quiroz Asmasa, en dépit du fait que, à ce moment là, l’entreprise n’avait reçu ni l’autorisation du ministère de fermer ni l’autorisation judiciaire de levée de l’immunité syndicale; xxi) parallèlement, l’entreprise a poursuivi son processus de liquidation sans avoir obtenu l’autorisation du ministère de la Santé et de la Protection sociale de fermer; xxii) lorsque le ministère a demandé à l’entreprise le dossier requis pour procéder à l’autorisation de fermeture, le liquidateur a répondu le 26 janvier que l’entreprise Pricol Alimentos S.A. était déjà liquidée; xxiii) le 4 février 2010, le ministère de la Santé et de la Protection sociale s’est désisté de la demande de visite de l’entreprise qu’il avait présentée en janvier 2010 pour pouvoir procéder à l’autorisation de fermeture; xxiv) le 5 janvier 2010, le syndicat a présenté une plainte administrative concernant les 20 licenciements, aux motifs de la violation de la législation relative au licenciement collectif et de la violation de l’immunité syndicale dont jouissaient tous les travailleurs en vertu de la négociation collective qui était alors en cours; xxv) le 9 septembre 2010, le ministère de la Santé et de la Protection sociale a décidé de s’abstenir de prendre quelque mesure que ce soit contre l’entreprise; xxvi) le syndicat a demandé au ministère de la Santé et de la Protection sociale qu’il reconnaisse l’unité d’entreprise entre l’entreprise Pricol Alimentos S.A. et l’entreprise Alimentos Polar Colombia S.A.S., puisque toutes deux avaient la même raison sociale et que toutes deux avaient été fusionnées dans l’établissement de Facatativá; xxvii) cette demande a été rejetée par le ministère; xxviii) la Surintendance des sociétés n’a pas examiné l’indication transmise par l’Agence des douanes Agecoldex S.A. selon laquelle, dans le cadre du processus de dissolution et de liquidation de l’entreprise, il avait été omis de signaler le fait qu’elle appartenait et dépendait du groupe d’entreprises Polar, au grand détriment de ses créanciers et de ses travailleurs.
- 281. Dans leurs communications de 2014 et 2015, les organisations plaignantes font savoir que plusieurs décisions judiciaires reconnaissent la violation de l’immunité syndicale des dirigeants syndicaux du SINTRAPRICOL et du SINALTRACINPROA, mais elles ne demandent pas la réintégration de ces travailleurs ni le versement des indemnités auxquelles ils ont droit au motif que l’entreprise est déjà liquidée.
- 282. Quant aux autres actions judiciaires engagées pour demander la réintégration des travailleurs aux entreprises Alimentos Polar Colombia S.A.S., Polmacer Ltda. et Inversiones Pricol C.A., qui continuent d’opérer dans l’usine de Facatativá, les organisations plaignantes indiquent que plusieurs jugements en première instance ont ordonné la réintégration des travailleurs, que ces décisions ont été révoquées en deuxième instance et que les recours en cassation sont toujours en cours.
- 283. Dans ces mêmes communications, les organisations plaignantes soulignent que les activités de production de l’entreprise se sont poursuivies au sein de l’usine de Facatativá qui appartient au groupe Polar; il y a donc unité d’entreprises entre Pricol Alimentos S.A. et Alimentos Polar Colombia S.A.S. A cet égard, les organisations plaignantes signalent que: i) les deux entreprises avaient la même raison sociale; ii) les deux entreprises avaient les mêmes partenaires; iii) les deux entreprises s’identifiaient par la même marque (Polar) comme le prouve l’indication du nom des deux entreprises sur les reçus de paiement des salaires et sur les uniformes des travailleurs; iv) l’activité productive de l’entreprise a été reprise par Alimentos Polar Colombia S.A.S. dans l’usine de Facatativá, qui fabrique les mêmes produits avec les mêmes équipements; v) il y a continuité de la prestation de services puisque de nombreux travailleurs de l’entreprise ont été transférés à Alimentos Polar Colombia S.A.S., et leur ancienneté précédant leur transfert a été reconnue; vi) Alimentos Polar Colombia S.A.S. a également reconnu aux ex-travailleurs de l’entreprise Pricol Alimentos S.A. les droits inscrits dans la convention collective dont ils jouissaient avant le transfert.
- 284. Compte tenu de tout ce qui précède, les organisations plaignantes affirment que la liquidation de l’entreprise avait bien pour finalité d’éliminer le SINTRAPRICOL et de permettre à l’usine de Facatativá d’opérer sans organisation syndicale. Elles ajoutent qu’aucune entreprise colombienne du groupe ne comptait d’organisations syndicales en son sein au moment des faits et que la pratique du groupe consiste à signer des pactes collectifs avec des travailleurs non syndiqués au lieu de souscrire des conventions collectives. Par conséquent, les organisations plaignantes demandent la réintégration des dirigeants et des membres du SINTRAPRICOL et du SINALTRACINPROA à l’entreprise Alimentos Polar Colombia S.A.S.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 285. Dans une communication en date du 28 avril 2014, le gouvernement de la Colombie transmet la réponse de l’entreprise liquidée Pricol Alimentos S.A. L’entreprise indique qu’à aucun moment elle n’a attenté à la liberté syndicale, que l’objet de la plainte porte sur les droits individuels des travailleurs licenciés et que les allégations sont par conséquent étrangères au domaine de compétence du Comité de la liberté syndicale. L’entreprise informe également sur l’état de la procédure des diverses actions judiciaires liées à ce cas et mentionnées par les organisations plaignantes, en soulignant que les recours interjetés par chacun des requérants sont encore en instance.
- 286. Le gouvernement communique ensuite ses propres observations quant aux allégations des organisations plaignantes, indiquant que le transfert de l’entreprise de Santiago de Cali à Facatativá est légitime du point de vue de la liberté économique reconnue par la Constitution de la Colombie et que les organisations syndicales n’expliquent pas de quelle manière ce transfert viole les conventions de l’OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective. Le gouvernement indique également que la justice colombienne s’est prononcée sur les demandes des plaignants et que les jugements leur ont été contraires.
- 287. Par ailleurs, le gouvernement donne des informations sur les processus administratifs en matière de travail liés au présent cas, signalant notamment que: i) le 4 décembre 2009, l’entreprise a demandé l’autorisation à l’Administration du travail de mettre un terme définitif à ses activités, car elle était en liquidation; ii) le 7 décembre 2009, l’Administration du travail a demandé à l’employeur des informations sur l’existence ou non d’organisations syndicales et elle a également posé d’autres questions en matière de travail et de pensions; iii) le 26 janvier 2010, l’ex-liquidateur de Pricol Alimentos S.A. a fait savoir que la liquidation était effective depuis le 21 décembre 2009 sans fournir les informations demandées sur l’existence éventuelle d’organisations syndicales non plus que sur les questions relatives au travail et aux pensions; iv) le même jour, l’Administration du travail a fait savoir qu’elle effectuerait une visite dans l’entreprise le 5 février 2010, en présence des travailleurs; v) le 4 février 2010, l’ex-liquidateur s’est désisté de sa demande d’autorisation de fermeture et a indiqué que la liquidation de l’entreprise était déjà effective sur le plan juridique; vi) le 19 février 2010, le classement de la demande de fermeture de l’entreprise a été ordonné. Le gouvernement fait savoir également que: i) le 5 janvier 2010, plusieurs travailleurs affiliés au SINALTRACINPROA, au SINTRAPRICOL et au SINALTRAINPROCED portaient plainte contre l’entreprise, aux motifs d’un licenciement collectif et de la violation de l’immunité syndicale; ii) le 26 janvier 2010, une enquête a été ouverte, et les parties ont été citées pour le 10 février 2010; iii) l’ex-liquidateur a fait savoir que la liquidation de Pricol Alimentos S.A. était effective et légale; iv) au vu de ces éléments, la plainte a été classée le 23 août 2011 compte tenu de l’impossibilité de diligenter une enquête du fait de l’inexistence de la personnalité juridique de l’entreprise.
- 288. Dans une communication en date du 21 juillet 2015, le gouvernement informe de l’avancement des procédures des diverses actions judiciaires intentées par l’entreprise concernant le présent cas. Le gouvernement ajoute pour sa part que: i) l’entreprise n’a fait qu’exercer sa liberté économique sans violer les conventions de l’OIT ratifiées par la Colombie en matière de liberté syndicale et, par conséquent, le comité n’est pas compétent en ce qui concerne ce cas; ii) la majeure partie des actions judiciaires intentées par les travailleurs sont toujours en attente d’une résolution définitive, la majorité des décisions judiciaires rendues jusqu’ici ayant été favorables à l’entreprise, comme l’est la demande de reconnaissance de l’existence d’une unité d’entreprise entre Pricol Alimentos S.A. et Alimentos Polar Colombia S.A.S, ce jugement relevant de la Cour suprême de justice saisie d’un recours extraordinaire en cassation; et iii) le ministère du Travail a pris toutes les mesures nécessaires concernant la demande d’une déclaration d’unité d’entreprise présentée par le SINTRAPRICOL.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 289. Le comité observe que le présent cas porte sur le processus de liquidation de l’entreprise Pricol Alimentos S.A. (ci-après «l’entreprise») et sur le licenciement concomitant des travailleurs de l’entreprise affiliés aux organisations syndicales SINTRAPRICOL et SINALTRACINPROA. Le comité observe que les informations fournies par les organisations plaignantes, l’entreprise et le gouvernement rapportent principalement les faits suivants: i) le SINTRAPRICOL, syndicat d’entreprise dont l’origine remonte à 1958, regroupait en 2006 la majorité des travailleurs de l’entreprise avec laquelle il avait conclu une convention collective; ii) en janvier 2007, l’entreprise, basée à Santiago de Cali, a commencé à transférer son usine de production vers la ville de Facatativá; iii) entre novembre 2006 et février 2008, l’entreprise s’est séparée de 45 travailleurs; iv) du fait de ces licenciements, le nombre des travailleurs affiliés au syndicat est passé en dessous du seuil minimal de 25 travailleurs exigé par la législation; v) compte tenu de ce qui précède, l’entreprise a saisi la justice pour demander l’annulation de la personnalité juridique du syndicat, et cette action est encore en instance; vi) en 2008, les travailleurs de l’entreprise ont participé à la création d’un syndicat d’industrie, le SINALTRACINPROA, qui a négocié un cahier de revendications avec l’entreprise entre mars et mai 2009 sans réussir à conclure un accord; vii) le 21 octobre 2009, l’assemblée générale des actionnaires de l’entreprise a volontairement décidé sa liquidation; le 18 décembre 2009, l’entreprise a licencié 20 travailleurs syndiqués, y compris 14 dirigeants syndicaux du SINTRAPRICOL et du SINALTRACINPROA; viii) le 20 décembre 2009, la liquidation de la société est devenue effective.
- 290. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent notamment que: i) à aucun moment la liquidation de l’entreprise n’a donné lieu à des consultations avec les organisations syndicales; ii) la liquidation de l’entreprise était une manœuvre visant à en finir avec les organisations syndicales, puisque les activités de l’entreprise ont été maintenues dans le même lieu et avec le même équipement après sa liquidation, mais sous une autre raison sociale appartenant au groupe d’entreprises Polar (ci-après «le groupe»), dans le cadre duquel l’entreprise opérait.
- 291. Le comité note par ailleurs que l’entreprise et le gouvernement affirment que l’entreprise s’est limitée à exercer sa liberté économique sans que cela ne suppose la moindre violation des droits syndicaux des travailleurs, que la présente plainte ne relève pas du domaine de compétence du comité, et enfin que la majeure partie des actions judiciaires intentées par les travailleurs sont encore en instance, la majorité des décisions judiciaires rendues jusqu’ici ayant été favorables à l’entreprise.
- 292. S’agissant de l’allégation relative à l’absence de consultation des organisations syndicales concernant la liquidation de l’entreprise, le comité observe que l’entreprise et le gouvernement n’y répondent pas. Rappelant que, lorsqu’on applique de nouveaux programmes de réduction de personnel, le comité demande que l’on procède à des négociations ou consultations entre l’entreprise concernée et les organisations syndicales [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1082], le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’à l’avenir les processus de liquidation des entreprises donnent lieu à des consultations et des négociations avec les organisations syndicales pertinentes.
- 293. Concernant l’allégation relative à la nature antisyndicale du processus de liquidation de l’entreprise, le comité note que, selon l’organisation syndicale: i) l’entreprise objet de la liquidation faisait partie d’un groupe d’entreprises; ii) la liquidation n’a pas entraîné la fermeture des opérations de production, et les activités de l’entreprise ont été maintenues dans la même usine, avec le même équipement, mais sous une autre raison sociale appartenant au groupe susmentionné; iii) la liquidation de l’entreprise a été menée à bien sans autorisation de fermeture du ministère du Travail; iv) les travailleurs protégés par l’immunité syndicale ont été licenciés sans la nécessaire autorisation judiciaire préalable; v) certains travailleurs non syndiqués de l’entreprise travaillent toujours dans l’usine sous la nouvelle raison sociale; vi) la liquidation de l’entreprise a permis à l’usine de Facatativá de fonctionner sans organisation syndicale.
- 294. Le comité note également les affirmations du gouvernement: i) le 4 décembre 2009, l’entreprise a demandé l’autorisation à l’Administration du travail de mettre un terme définitif à ses activités, car elle était en liquidation; ii) en janvier 2010, l’ex-liquidateur de Pricol Alimentos S.A. a fait savoir à l’Administration du travail que la liquidation était effective depuis le 21 décembre 2009, alors que l’entreprise n’avait fourni à l’administration aucune des informations demandées sur l’existence d’organisations syndicales en son sein et n’avait pas non plus répondu à des questions relatives au travail et aux pensions; iii) l’Administration du travail avait décidé d’une visite à l’entreprise le 5 février 2010; iv) le 4 février 2010, l’entreprise s’est désistée de la demande de fermeture, arguant que la liquidation était déjà effective, et l’administration du travail a alors décidé de classer le dossier; v) la plainte administrative en matière de travail présentée le 5 janvier 2010 par les travailleurs affiliés aux organisations syndicales SINTRAPRICOL, SINALTRACINPROA et SINALTRAINPROCED pour la violation de la législation relative aux licenciements et à l’immunité syndicale a été classée car il était impossible de diligenter une enquête puisque, après sa liquidation, l’entreprise n’avait plus de personnalité juridique; vi) la majeure partie des actions judiciaires intentées par les travailleurs concernant la liquidation de l’entreprise sont encore en instance, la majorité des décisions judiciaires rendues jusqu’ici ayant été favorables à l’entreprise, y compris la demande de reconnaissance de l’existence d’une unité d’entreprise entre Pricol Alimentos S.A. et Alimentos Polar Colombia S.A.S.; vii) le ministère du Travail a pris toutes les mesures nécessaires en ce qui concerne la demande du SINTRAPRICOL de déclarer l’unité d’entreprise.
- 295. S’agissant de cette deuxième allégation, le comité rappelle tout d’abord que son mandat consiste à déterminer si, concrètement, telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale énoncés dans les conventions portant sur ces sujets. [Voir paragr. 27 des procédures spéciales en vigueur pour l’examen des plaintes en violation de la liberté syndicale au sein de l’Organisation internationale du Travail.] A cet égard, bien que la légalité du processus de liquidation de l’entreprise ne relève pas de son mandat, le comité est en revanche compétent pour vérifier que ce processus ne soit pas entaché d’actes de discrimination antisyndicale.
- 296. En se fondant sur les éléments fournis par les organisations plaignantes, l’entreprise et le gouvernement, et sur les décisions judiciaires jointes par ceux-ci, le comité constate que la liquidation de l’entreprise est allée de pair avec le licenciement de tous les dirigeants syndicaux qui y travaillaient, alors qu’il n’y avait pas eu la nécessaire autorisation judiciaire de levée de l’immunité syndicale en vertu de la législation colombienne. Le comité observe également que, se fondant sur cette liquidation, le ministère du Travail a classé, sans faire de visite à l’entreprise, tant la demande d’autorisation de mettre un terme aux activités de l’entreprise que la plainte administrative relative à la nature illégale des licenciements des travailleurs syndiqués. Le comité observe que, étant donné ce qui précède, le ministère du Travail n’a pas pu examiner la véracité des allégations des organisations plaignantes selon lesquelles la liquidation de l’entreprise avait pour finalité de maintenir la production de l’entreprise sous une autre raison sociale avec des travailleurs non syndiqués. Le comité observe également que les tribunaux de première et de deuxième instance ont constaté que le licenciement des 14 dirigeants syndicaux employés par l’entreprise en décembre 2009 a été mené à bien en violation des dispositions relatives à l’immunité syndicale, mais qu’ils n’ont ordonné ni la réintégration des travailleurs ni le versement des salaires non perçus du fait de la liquidation de l’entreprise.
- 297. A cet égard, le comité rappelle que nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 771.] Le comité considère que la liquidation et l’extinction de la personnalité juridique sous laquelle opère une entreprise ne doivent pas être utilisées comme prétexte pour perpétrer des actes de discrimination antisyndicale ni ne doivent constituer un obstacle pour les autorités compétentes à l’heure de déterminer s’il y a eu ou non actes de discrimination antisyndicale et, au cas où de tels actes seraient avérés, ceux-ci doivent être sanctionnés et les travailleurs qui en ont été victimes doivent obtenir réparation.
- 298. Rappelant que, lorsqu’elles sont saisies de plaintes en discrimination antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui auront été constatés [voir Recueil, op. cit., paragr. 835], le comité demande au gouvernement de diligenter dans les plus brefs délais une enquête exhaustive sur l’éventuelle nature antisyndicale des licenciements des travailleurs syndiqués de l’entreprise, au moment de sa liquidation, et de vérifier entre autres si les activités de production menées par l’entreprise avant sa liquidation ont continué dans l’usine de Facatativá, si elles ont été transférées dans d’autres établissements du groupe d’entreprises au sein duquel opérait l’entreprise Pricol Alimentos S.A. et si les travailleurs non syndiqués de l’entreprise ont été maintenus ou non dans des entreprises du groupe susmentionné. Le comité demande au gouvernement de lui communiquer dès que possible les résultats de cette enquête et, au cas où les actes de discrimination antisyndicale seraient avérés, de veiller à ce qu’ils soient sanctionnés d’une manière effective et à ce que les travailleurs affectés obtiennent une réparation appropriée.
- 299. Le comité demande en outre au gouvernement de le tenir informé des progrès des procédures judiciaires liées à ce cas.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 300. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, à l’avenir, les procédures de liquidation d’entreprises donnent lieu à des consultations et des négociations avec les organisations syndicales pertinentes.
- b) Le comité prie le gouvernement de: i) diligenter dans les plus brefs délais une enquête exhaustive sur l’éventuelle nature antisyndicale du licenciement des travailleurs syndiqués de l’entreprise, dans le cadre de sa liquidation; et ii) informer dans les plus brefs délais des résultats de cette enquête et, au cas où les actes de discrimination antisyndicale seraient avérés, de veiller à ce qu’ils soient sanctionnés de manière effective et à ce que les travailleurs obtiennent une réparation appropriée.
- c) Le comité prie en outre le gouvernement de le tenir informé de l’avancement des procédures judiciaires liées au présent cas.