Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des violations graves et
systématiques du droit à la liberté syndicale, y compris des problèmes d’ordre législatif
liés à des restrictions au droit de grève et à des ingérences dans le processus électoral,
ainsi qu’à des restrictions au droit d’organisation et de négociation
collective
- 125. La plainte figure dans une communication en date du 17 mai 2013
présentée par la Fédération égyptienne des syndicats indépendants (EFITU), le Congrès
démocratique égyptien du travail (EDLC) et l’Union internationale des travailleurs de
l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches
connexes (UITA).
- 126. Le gouvernement a transmis ses observations concernant les
allégations dans des communications en date du 1er septembre 2013, du 22 janvier et du
15 mars 2014.
- 127. L’Egypte a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 128. Dans leur communication en date du 17 mai 2013, les organisations
plaignantes allèguent des violations graves et systématiques du droit à la liberté
syndicale, y compris des problèmes d’ordre législatif liés à des restrictions au droit
de grève et au droit d’organisation et de négociation collective. Elles se déclarent
profondément inquiètes de ce que le gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires,
ni en droit ni en pratique, pour autoriser la constitution d’un mouvement syndical libre
et démocratique. Au contraire, les organisations plaignantes dénoncent le fait que le
gouvernement semble chercher à asseoir la domination du parti sur le mouvement syndical
et permettre aux employeurs d’enfreindre le droit à la liberté syndicale des
travailleurs dans une quasi-impunité.
I. Modifications apportées à la législation sous le gouvernement Morsi
- 129. Le 22 novembre 2012, le gouvernement a promulgué la loi no 96 de
2012 sur la protection de la révolution. Conçue comme un outil pour poursuivre en
justice les hauts fonctionnaires de l’ancien régime pour les crimes violents qu’ils ont
commis contre les manifestants durant la révolution, cette loi va bien au-delà de cet
objectif. Par exemple, l’article 4 énumère plusieurs autres infractions au titre du Code
pénal dont le tribunal spécial établi par la loi peut être saisi. Un grand nombre des
infractions énumérées sont extrêmement vagues et pourraient être invoquées aux fins de
mettre en place des restrictions inacceptables à la liberté d’expression, à la liberté
de la presse et à la liberté de réunion, qui sont au cœur des préoccupations des
travailleurs. Les infractions énumérées dans la partie 15 du livre troisième du Code
pénal sont particulièrement préoccupantes. Cette partie interdit à tous les travailleurs
qui exercent une fonction publique ou qui travaillent dans une entreprise du secteur
public de faire grève et érige en infractions les actions de travailleurs visant à
empêcher des tiers de travailler. Dans la partie 13 du livre deuxième, l’article 167
érige en infraction l’interruption du trafic, disposition qui pourrait également
s’appliquer en cas de rassemblement de travailleurs ou de grève. Conformément à
l’article 5 de la loi no 96/2012, les personnes accusées d’avoir commis les infractions
susmentionnées peuvent être placées en détention sur décision du procureur général ou de
son représentant pour une période pouvant aller jusqu’à six mois. Les organisations
plaignantes se déclarent profondément préoccupées par les sanctions prévues par le Code
pénal, ainsi que par leur incorporation dans cette nouvelle loi.
- 130. Le 24 novembre 2012, le gouvernement a promulgué un décret (décret
no 97 du 24 novembre 2012) portant modification de la loi no 35 de 1976, qui réglemente
les syndicats (officiels), donnant lieu dans les faits à l’éviction des personnes de
plus de 60 ans des conseils d’administration des syndicats. Il s’agit d’une grave
atteinte au droit fondamental des travailleurs d’élire leurs représentants et de gérer
leur organisation. Le décret dispose également que les élections des nouveaux conseils
d’administration se tiendraient dans un délai de six mois et que le ministère du Travail
serait habilité à pourvoir toute vacance dans l’intervalle. Les travailleurs craignent
que le ministère use de ce pouvoir pour attribuer des postes vacants à des représentants
proches du gouvernement, plaçant ainsi les syndicats concernés sous son contrôle.
- 131. Les organisations plaignantes qualifient également la nouvelle
Constitution du 26 décembre 2012 de très préoccupante. Premièrement, elle ne fait aucune
référence aux conventions de l’OIT ou à d’autres instruments relatifs aux droits de
l’homme, et le projet de Constitution n’établit pas non plus la primauté des instruments
internationaux ratifiés sur le droit interne. L’article 52 consacre le droit des
syndicats de se constituer et d’exercer leurs activités librement et protège les
syndicats contre la dissolution par voie administrative. Toutefois, l’article 53 limite
la liberté des syndicats en ce qui concerne l’organisation de leur structure étant donné
qu’il dispose que seul un syndicat par profession est autorisé. L’établissement d’une
règle n’autorisant qu’un seul syndicat par profession est fondamentalement
antidémocratique et a été utilisé dans d’autres pays pour lever les obstacles des
syndicats progouvernementaux en activité.
- 132. En outre, l’article 11 de la nouvelle Constitution semble conférer
au gouvernement des pouvoirs très étendus pour «faire respecter les règles de conduite
ainsi que la moralité et l’ordre publics» qui «doivent être réglementés par la loi».
Bien qu’un Etat soit par exemple tenu de préserver l’ordre public, de nombreuses lois
actuellement en vigueur en Egypte vont bien au-delà d’un exercice raisonnable de
l’autorité et vont, au contraire, à l’encontre des droits fondamentaux de l’homme. Les
organisations plaignantes sont donc profondément préoccupées par le fait que les droits
fondamentaux à la liberté d’expression et à la liberté syndicale puissent être
restreints ou supprimés. L’article 31 interdit les injures et les marques de mépris,
notions qui peuvent être interprétées de manière très large en vue de restreindre
l’exercice légitime du droit à la liberté d’expression – que ce soit au travail ou dans
un autre contexte.
II. Cas Kraft/Mondelez
- 133. Le 12 mars 2011, le ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration
du premier gouvernement constitué après la chute de Moubarak a publié une déclaration
affirmant le droit de tous les travailleurs de constituer des syndicats indépendants et
le droit de ces syndicats de mener leurs activités sans l’intervention du gouvernement
ou de la Fédération des syndicats égyptiens (ETUF), qui est placée sous le contrôle de
l’Etat. Les employés de l’ancienne usine de confiserie de Cadbury à Alexandrie, rachetée
par Kraft Foods (aujourd’hui Mondelez International), ont voulu faire représenter leurs
intérêts par un syndicat indépendant, en raison de quoi ils ont été sévèrement réprimés.
En 2011, 38 travailleurs ont été contraints d’accepter de partir en retraite anticipée
après avoir été menacés de licenciement pour avoir tenté de constituer un syndicat.
Malgré cela, les travailleurs n’ont pas cédé. Le 28 avril 2012, ils ont organisé une
assemblée générale et ont constitué un syndicat indépendant, sous la bannière de l’EDLC,
auquel ont adhéré 250 des 300 employés de l’usine. Deux jours plus tard, le syndicat a
déposé ses statuts auprès du ministère de la Main-d’œuvre et de l’Immigration à
Alexandrie.
- 134. Le 14 juillet 2012, un décret gouvernemental a accordé une hausse de
salaire (dénommée «allocation sociale») de 15 pour cent aux employés du secteur public
et de 10 pour cent aux travailleurs du secteur privé. L’article premier de ce décret
dispose expressément que l’augmentation de juillet est calculée sur «le salaire de base
au 30 juin 2012», permettant ainsi d’éviter que les hausses de salaire précédentes
remplacent l’augmentation de juillet 2012. L’article 4 dispose clairement que d’autres
hausses de salaire ne peuvent se substituer à l’allocation de juillet.
- 135. Le 26 juillet 2012, juste avant la fin du premier poste, un avis non
signé établi sur un papier ordinaire a été placardé sur le panneau d’affichage de
l’usine, annonçant que l’entreprise ne paierait pas l’allocation sociale décrétée par le
gouvernement. Lorsque les travailleurs de l’équipe du deuxième poste sont arrivés et ont
demandé un entretien avec la direction en vue d’obtenir des explications, celle-ci a
refusé et la plupart des responsables ont quitté l’usine. C’est seulement lorsqu’un
groupe de travailleurs de l’équipe de nuit a arrêté de travailler dans la nuit du 26 au
27 juillet, pour protester contre le refus de la direction de se soumettre au décret
prévoyant une hausse de salaire de 10 pour cent pour les travailleurs du secteur privé,
que la direction de l’usine a contacté les membres du comité directeur du syndicat et
leur a ordonné de mettre un terme à cette protestation spontanée. Les travailleurs de
l’équipe du troisième poste (23 heures-8 heures) sont arrivés et ont été informés que
l’entreprise avait refusé d’engager des discussions avec les travailleurs ou avec leurs
représentants syndicaux concernant l’avis. Quelque 85 travailleurs de cette équipe ont
manifesté à l’intérieur de l’usine jusqu’à la fin de leur poste en appelant la direction
à s’entretenir avec leurs représentants syndicaux au sujet de l’avis et de la question
des salaires. Lorsque la manifestation spontanée a commencé, au début du troisième
poste, la direction a appelé les dirigeants du syndicat sur leurs téléphones portables
et leur a demandé de faire en sorte que les travailleurs se remettent au travail. Au
moins un des cinq dirigeants syndicaux qui ont par la suite été suspendus de leurs
fonctions s’est rendu à l’usine aux alentours de minuit, mais le portail était fermé et
il n’a pas pu entrer à l’intérieur pour s’entretenir avec les travailleurs.
- 136. Le 30 juillet 2012, les cinq membres fondateurs du syndicat ont été
suspendus de leurs fonctions, bien que l’action de protestation ait été une réponse
spontanée au refus de la direction de donner des explications ou de discuter sur l’avis
qu’elle avait affiché et qui indiquait que la hausse ne serait pas accordée. Le 8 août,
les cinq dirigeants du syndicat ont été informés qu’ils étaient licenciés alors que
certains d’entre eux n’étaient même pas présents durant le poste de nuit, et que leur
affaire avait été renvoyée devant le tribunal du travail. Le 15 août, les quatre autres
dirigeants du syndicat ont demandé au Directeur général de régler le problème par la
voie de discussions entre le syndicat et la direction, mais il a refusé, affirmant qu’il
ne donnerait pas son accord si le tribunal du travail ordonnait la réintégration.
D’autres membres de la direction se sont faits l’écho de sa position conflictuelle et le
directeur de l’usine a menacé les travailleurs de licenciement. Depuis, la direction a
continué de refuser de reconnaître le syndicat et d’engager un dialogue avec lui.
- 137. Dans le même temps, la répression s’est étendue à l’usine de
Kraft/Mondelez dans la cité de 10 de Ramadan, près du Caire, où des travailleurs avaient
aussi constitué un syndicat indépendant. Les membres du syndicat ont été informés que la
direction prenait des mesures juridiques pour dissoudre leur organisation – une
tentative évidente de les dissuader de soutenir les travailleurs d’Alexandrie ou d’agir
en leur nom propre.
- 138. En résumé, les organisations plaignantes indiquent que la direction
de l’usine d’Alexandrie n’a engagé aucune discussion constructive avec le syndicat
récemment constitué, qui représente une grande partie de son personnel, avant d’ordonner
désespérément aux dirigeants du syndicat de mettre fin à une manifestation spontanée
durant le poste de nuit. Elle a ensuite licencié les principaux dirigeants du syndicat
et a refusé de négocier avec ceux qui restaient. Par la suite, la direction s’est livrée
à des actes d’intimidation à l’égard du syndicat indépendant de l’usine de
10 de Ramadan.
- 139. Les organisations plaignantes indiquent que la direction poursuit sa
politique d’intimidation à l’égard des membres du syndicat et de leurs sympathisants à
l’usine d’Alexandrie. En deux temps, le 3 mars et le 3 avril 2013, 35 travailleurs de
l’usine d’Alexandrie au total ont été transférés à l’usine de Borg el Arab, à
45 kilomètres d’Alexandrie, où leur journée de travail est de douze heures. Ces
35 travailleurs étaient tous des sympathisants notoires du syndicat et certains d’entre
eux avaient témoigné dans le cadre de la procédure judiciaire concernant le licenciement
des cinq dirigeants syndicaux. Ils ont été les seuls travailleurs à être transférés
d’Alexandrie à Borg el Arab.
- 140. La retraite forcée de travailleurs en 2011 ainsi que la suspension
et le licenciement des cinq dirigeants syndicaux de l’usine de Kraft/Mondelez à
Alexandrie au motif qu’ils avaient exercé des activités syndicales légitimes constituent
une violation flagrante des principes de la liberté syndicale, tout comme les menaces de
licenciement de travailleurs supplémentaires. L’entreprise justifie ses actes en Egypte
en invoquant la législation et la pratique locales, qui s’écartent grandement des normes
internationales relatives aux droits de l’homme. Le fait que le syndicat n’était pas
enregistré auprès du gouvernement étant donné son caractère indépendant et qu’il ne
pouvait par conséquent exercer légalement aucun des droits du travail prévus par la
législation égyptienne ne prive pas les travailleurs de leur droit international de se
réunir ou de mener des activités syndicales. De plus, les mesures de représailles prises
par l’employeur contre les travailleurs au seul motif qu’ils avaient témoigné au cours
d’une procédure judiciaire constituent une atteinte de plus et auront probablement pour
conséquence que le tribunal ne pourra pas entendre tous les témoins concernés et ne sera
par conséquent pas en mesure d’assurer un procès équitable aux travailleurs licenciés.
Si l’Etat ne réprime pas ces actes, cela pourrait encourager fortement d’autres
travailleurs à ne pas participer aux procédures judiciaires, ce qui faciliterait encore
davantage le licenciement de travailleurs. Les organisations plaignantes jugent
particulièrement préoccupant que les syndicalistes licenciés ne puissent accepter un
autre emploi parce que cela constituerait une violation de leur contrat avec Mondelez.
Ces travailleurs sont donc pratiquement condamnés à mourir de faim.
III. Relations professionnelles rompues et discrimination antisyndicale sans recours effectif
- 141. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que le gouvernement
n’ait rien fait pour donner suite aux observations formulées à plusieurs reprises par la
Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR)
concernant les conventions nos 87 et 98, qui ont toutes deux été ratifiées par l’Egypte
il y a plus de cinquante ans. Les allégations présentées plus haut reflètent un problème
répandu et systématique dans les relations professionnelles en Egypte. La cause profonde
du problème est qu’il n’y a tout simplement pas de représentants de travailleurs
légitimes et légalement reconnus. Le monopole syndical, qui a prévalu pendant des
décennies, reste profondément ancré dans la législation et dans la pratique. En
conséquence, de nombreuses entreprises refusent aujourd’hui de négocier avec les
syndicats indépendants, en partie à cause de leur statut juridique flou. Un grand nombre
de dirigeants et de membres de syndicats indépendants ont été licenciés ou transférés
dans des lieux reculés ou ont fait l’objet de sanctions ou d’abus. Lorsqu’ils se livrent
à ce type de représailles, les responsables d’entreprise invoquent souvent l’absence de
protection juridique pour les syndicats qui ne sont pas soumis à la loi no 35 de 1976 –
c’est-à-dire les syndicats indépendants. Le ministère de la Main-d’œuvre a
systématiquement négligé d’enregistrer les nouveaux syndicats indépendants.
- 142. Selon les organisations plaignantes, certaines administrations et
entreprises du secteur public déduisent toujours d’office les cotisations des
travailleurs et envoient l’argent aux syndicats affiliés à l’ETUF. Certains ont pris des
mesures de représailles lorsque des travailleurs ont demandé que ces déductions cessent
d’être opérées ou soient versées aux syndicats indépendants auxquels ils étaient
affiliés. De nombreux travailleurs du secteur public n’ont pas le droit de renoncer à
leur affiliation obligatoire à des syndicats membres de l’ETUF. Les droits et avantages
dont ils bénéficient, tels que les services médicaux et les fonds d’assurance
complémentaire, sont également subordonnés à leur affiliation.
- 143. Les organisations plaignantes donnent ensuite au comité l’exemple de
plusieurs cas et précisent qu’elles ne le font pas pour que le comité rende des
conclusions sur ces cas, mais pour illustrer la gravité de la situation et la nécessité
d’engager des réformes législatives profondes. Se référant à ces exemples, les
organisations plaignantes concluent que les relations professionnelles sont en crise en
Egypte. Etant donné que les employeurs refusent de reconnaître ou de négocier avec des
syndicats indépendants légitimes, les travailleurs n’ont souvent pas d’autre solution
pour surmonter la résistance de leur employeur que de se mettre en grève ou en grève sur
le tas afin d’amener les employeurs à la table des négociations. Bien que le droit de
grève soit consacré par la nouvelle Constitution et par la loi sur le travail
no 12/2003, les grèves légales demeurent l’apanage du monopole syndical. Par conséquent,
les actions collectives menées par les syndicats indépendants sont de jure illégales, ce
qui les contraint d’organiser des milliers de grèves sauvages. Si l’action collective
parvient à encourager les employeurs à négocier, ceux-ci se conforment rarement à ce qui
a été négocié. Les dirigeants suspendent ou licencient souvent ceux qui ont pris part à
l’action collective et, dans certains cas, des bandits armés sont engagés pour menacer
et attaquer les travailleurs participant à une action collective. Cette situation ne
bénéficie à aucun des partenaires sociaux, mais elle va probablement perdurer tant que
le gouvernement n’engagera pas les réformes législatives nécessaires pour rendre la
législation nationale conforme aux dispositions des conventions nos 87 et 98. Le
gouvernement doit, sans tarder et en consultation avec les représentants des
travailleurs et des employeurs, établir un système qui reconnaît les organisations de
travailleurs indépendantes, qui garantit aux représentants des syndicats traditionnels
de pouvoir élire librement leurs représentants, qui protège tous les syndicats contre la
discrimination antisyndicale et contre les ingérences, et qui prévoit des conventions
collectives ayant force de loi.
- 144. Les organisations plaignantes soulignent qu’elles ont apporté de
nombreux éléments prouvant que la législation égyptienne relative au travail doit être
révisée sans délai et dans le strict respect des conventions de l’OIT. Dans le cas
contraire, les relations professionnelles en Egypte ne vont que continuer de se
détériorer, ce qui ne profitera à aucun des partenaires sociaux. Plus précisément, les
organisations plaignantes demandent:
- i) l’abrogation de la loi no 96/2012 et un
examen exhaustif du Code pénal égyptien afin de veiller à ce qu’il soit pleinement
conforme aux principes de la liberté syndicale;
- ii) l’abrogation du décret
no 97/2012 portant modification de la loi no 35/1976 et la révocation de tout
fonctionnaire nommé par le ministre du Travail au titre de ce décret;
- iii)
la modification de l’article 53 de la Constitution en vue de supprimer la limitation
à une seule fédération par secteur;
- iv) la mise en œuvre de mesures pour
faire en sorte que le syndicat de Mondelez soit immédiatement reconnu, que la
direction entame des négociations de bonne foi en vue de conclure une convention
collective, et que tous les syndicalistes qui ont été contraints de prendre leur
retraite ou qui ont été licenciés soient réintégrés et que leurs arriérés de
salaires et toute autre prestation prévue par la loi égyptienne leur soient versés à
titre d’indemnisation;
- v) l’élaboration, en consultation avec les syndicats,
et l’adoption immédiate d’une loi sur les syndicats qui soit conforme aux
conventions de l’OIT et, en particulier, qui confère aux syndicats indépendants tous
les droits reconnus par la loi.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 145. Dans une communication en date du 1er septembre 2013, le
gouvernement déclare que, après l’aboutissement de la révolution égyptienne le
25 janvier 2011 et la poursuite de la révolution le 30 juin 2013, qui a entraîné la
chute du régime des Frères musulmans, la République arabe d’Egypte est toujours en
transition. A ce stade, une feuille de route a été établie; elle prévoit notamment
l’abrogation de la Constitution de décembre 2012, qui ne faisait pas vraiment
l’unanimité au sein de la société, ainsi que l’établissement d’un comité chargé de
modifier la Constitution existante et l’organisation d’un référendum en vue de
l’adoption de ces modifications. Parallèlement, pour répondre aux principales
revendications de la révolution, un Président intérimaire de la République a été nommé,
et un nouveau ministère du Travail, qui s’emploie à garantir une justice sociale et de
transition à l’ensemble de la société, a été constitué. Il est prévu de répondre aux
demandes du peuple par la voie de l’élection des membres de l’Assemblée du peuple et
d’un nouveau Président de la République dans un délai de six à neuf mois. Dans une
communication reçue le 22 janvier 2014, le gouvernement ajoute que la nouvelle
Constitution de 2014 garantit tous les droits aux travailleurs, en particulier dans ses
articles 9, 11 à 15, 17, 73, 76, 77 et 93. Les mesures nécessaires sont en train d’être
prises pour la promulgation d’une nouvelle législation sur les syndicats et les
travailleurs, qui a fait l’objet d’un examen par le BIT qui l’a considéré comme
satisfaisant, et qui aborde tous les points ayant fait l’objet de critiques de la part
des syndicats de l’Egypte. Le gouvernement souligne que la présente plainte concerne
l’ancien régime et que tous les manquements allégués dans celle-ci n’ont pas été répétés
sous le régime actuel.
- 146. Eu égard au cas Kraft/Mondelez, le gouvernement indique dans sa
communication du 1er septembre 2013 que, selon le bureau du travail concerné, les
membres du comité directeur du syndicat indépendant ont adressé des plaintes au bureau
le 8 août 2012. Cependant, étant donné que les parties ne sont pas parvenues à un
règlement à l’amiable, ces affaires ont été renvoyées devant la justice le 30 août 2012.
Les personnes concernées sont les suivantes: Mohamed Hussain Mustafa (plainte no 330);
Mohamed Abu Elala Mohamed (plainte no 331); Mohamed Hassan Ahmad (plainte no 332); Nasr
Awad Abderahim (plainte no 33); et Hussain Ahmad Hussain (plainte no 334).
- 147. En ce qui concerne les allégations générales des organisations
plaignantes concernant des conflits ouvriers dans différentes entreprises avec des
syndicats indépendants, le gouvernement indique que pour la majorité des entreprises
concernées des plaintes ont été transmises à la justice et que neuf d’entre elles sont
en cours d’examen. Dans sa communication du 12 mars 2014, le gouvernement fournit des
informations à jour complémentaires concernant les cas donnés en exemple par les
organisations plaignantes.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 148. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations
plaignantes allèguent des violations graves et systématiques du droit à la liberté
syndicale, y compris des problèmes d’ordre législatif liés à des restrictions au droit
de grève et à des ingérences dans le processus électoral, ainsi qu’à des restrictions au
droit d’organisation et de négociation collective.
- 149. Le comité note que les organisations plaignantes dénoncent le fait
que les textes de loi ci-après violent les principes de la liberté syndicale: i) la loi
no 96/2012 sur la protection de la révolution, dans laquelle sont reportées certaines
infractions prévues par le Code pénal (notamment l’interdiction pour tous les
travailleurs qui exercent une fonction publique ou qui travaillent dans une entreprise
du secteur public de faire grève, la criminalisation des actions de travailleurs visant
à empêcher des tiers de travailler durant une grève, la criminalisation de
l’interruption du trafic, etc.); ii) la loi no 35/1976, telle que modifiée le
24 novembre 2012, qui radie les personnes âgées de plus de 60 ans des comités directeurs
des syndicats, qui prévoit la tenue de nouvelles élections dans un délai de six mois et
qui habilite le ministère du Travail à pourvoir toute vacance dans l’intervalle; iii) la
Constitution du 26 décembre 2012, dont l’article 53 dispose que seul un syndicat par
profession est autorisé, l’article 11 confère au gouvernement des pouvoirs très étendus
pour «faire respecter les règles de conduite ainsi que la moralité et l’ordre publics»
et l’article 31 interdit les injures et les marques de mépris; et iv) l’absence de
reconnaissance et de protection juridiques des nouveaux syndicats indépendants, qui ne
sont pas soumis à la loi no 35 de 1976, ayant pour conséquence que, dans la pratique, de
nombreuses entreprises refusent de reconnaître et de négocier avec des syndicats
d’entreprise indépendants nouvellement créés, ce qui provoque des grèves (considérées
comme de jure illégales) et, par voie de conséquence, le licenciement, la suspension, le
transfert dans des lieux reculés ou la répression de nombreux dirigeants et membres de
syndicats indépendants; à cet égard, le comité prend note de plusieurs cas donnés à
titre d’exemple (18) par les organisations plaignantes pour illustrer la nature
systématique de ces violations et pour montrer qu’il existe un problème grave et répandu
dans les relations professionnelles en Egypte, et que des réformes juridiques de grande
envergure sont nécessaires (tous les cas se rapportent à des licenciements ou à des
mesures préjudiciables autres qui auraient été imposés à la suite d’une grève ou d’une
autre activité syndicale légitime).
- 150. Le comité prend note des indications du gouvernement selon
lesquelles: i) à la suite de la révolution du 25 janvier 2011 et des événements du
30 juin 2013, le pays est toujours en transition (Président intérimaire de la
République, nouveau ministère du Travail, élections devant se tenir dans un délai de six
à neuf mois); ii) une feuille de route, prévoyant notamment l’abrogation de la
Constitution de décembre 2012, l’établissement d’un comité chargé d’y apporter des
modifications et l’organisation d’un référendum en vue de l’adoption de ces
modifications, a été établie; iii) la nouvelle Constitution de 2014 garantit tous les
droits aux travailleurs, en particulier dans ses articles 9, 11 à 15, 17, 73, 76, 77 et
93; et iv) les mesures nécessaires sont en train d’être prises pour la promulgation
d’une nouvelle législation sur les syndicats et les travailleurs, qui a fait l’objet
d’un examen par le BIT qui l’a considéré comme satisfaisant, et qui aborde tous les
points ayant fait l’objet de critiques de la part des syndicats de l’Egypte. En ce qui
concerne les cas cités à titre d’exemple, le comité accueille favorablement les
informations détaillées et précises fournies par le gouvernement et note en particulier
que dans la majorité des entreprises concernées les plaintes ont été renvoyées devant la
justice et que neuf d’entre elles sont en cours d’examen.
- 151. Tout en prenant note du point du vue du gouvernement selon lequel la
présente plainte concerne l’ancien régime et que tous les manquements allégués dans
celle-ci n’ont pas été répétés sous le régime actuel, le comité ne peut que regretter
que, malgré la Déclaration du 12 mars 2011 consacrant le droit à la liberté syndicale,
le gouvernement n’ait à ce jour pas encore adopté le cadre législatif nécessaire pour
garantir la pleine reconnaissance juridique des nombreux syndicats indépendants
récemment constitués, ce qui semble avoir eu des effets désastreux sur les relations
professionnelles dans la pratique. Rappelant que le droit des travailleurs de constituer
les organisations de leur choix implique notamment la possibilité de créer, dans un
climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes de celles qui existent déjà
et de tout parti politique [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la
liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 311], le comité accueille
favorablement le fait que, selon les informations fournies par le gouvernement au titre
de l’article 22 de la Constitution de l’OIT, la version définitive du projet de loi sur
les syndicats et la protection du droit syndical rompe avec le système de syndicat
unique et consacre le pluralisme syndical. Le comité s’attend fermement à ce que le
projet de loi soit adopté à titre prioritaire et à ce qu’il confère une protection
juridique claire aux nombreux syndicats indépendants nouvellement créés et garantisse le
plein respect des droits relatifs à la liberté syndicale (y compris le droit de ces
organisations d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur
activité et de mener des négociations collectives). Rappelant en particulier que la
discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté
syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats, le comité
s’attend à ce que la loi garantisse une protection complète et efficace contre la
discrimination antisyndicale à tous les dirigeants et membres des nouveaux syndicats
indépendants. Il prie le gouvernement de lui transmettre une copie de cette loi
lorsqu’elle aura été adoptée.
- 152. En ce qui concerne la loi no 96/2012 ainsi que les dispositions
correspondantes du Code pénal, le comité souligne que le droit de grève peut être
restreint, voire interdit, dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires
qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat. Il rappelle également que le
seul fait de participer à un piquet de grève et d’inciter fermement, mais pacifiquement,
les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré
comme une action illégitime. Il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève
s’accompagne de violences ou d’entraves à la liberté du travail par contrainte exercée
sur les non-grévistes. Le comité réitère également que le droit d’exprimer des opinions
par la voie de la presse ou autrement est l’un des éléments essentiels des droits
syndicaux et que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation
pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels; les organisations syndicales
doivent toutefois respecter les dispositions générales relatives aux réunions publiques
applicables à tous et se conformer aux limites raisonnables que pourraient fixer les
autorités en vue d’éviter des désordres sur la voie publique. [Voir Recueil, op. cit.,
paragr. 133, 144, 155 et 651.] Le comité prie par conséquent le gouvernement d’abroger
ou de modifier les dispositions pertinentes du Code pénal de manière à garantir le plein
respect des principes énoncés plus haut et à faire en sorte que leur application dans la
pratique n’empêche pas l’exercice légitime des droits syndicaux. S’agissant de la loi
no 96/2012, le comité croit comprendre qu’elle a entre-temps été abrogée et remplacée
par une autre loi sur l’organisation des manifestations et prie le gouvernement de lui
fournir des informations détaillées à cet égard ainsi qu’une copie de la nouvelle loi.
Rappelant l’importance qu’il attache au droit des travailleurs d’élire librement leurs
représentants sans intervention des autorités publiques, le comité prie le gouvernement
de prendre les mesures nécessaires pour abroger le décret no 97/2012 qui a porté
modification de la loi no 35/1976, de manière à interdire l’élection de dirigeants
syndicaux ayant l’âge de la retraite, et qui a habilité le gouvernement à pourvoir les
postes vacants. En outre, le comité prend note des modifications apportées à la
Constitution du 26 décembre 2012 approuvées par un référendum qui s’est tenu les 14 et
15 janvier 2014, et s’attend de manière générale à ce que les dispositions de la
Constitution ne soient pas appliquées de façon à restreindre l’exercice légitime de la
liberté d’expression, de réunion ou d’association.
- 153. De plus, le comité prend note des allégations spécifiques des
organisations plaignantes concernant des violations des droits syndicaux dans
l’entreprise Kraft/Mondelez, incluant les allégations d’actes de discrimination
antisyndicale commis en 2011 (mise à la retraite obligatoire de 38 travailleurs pour
avoir tenté de constituer un syndicat indépendant), en 2012 (licenciement de cinq
dirigeants du syndicat indépendant à la suite d’un arrêt du travail et d’une
manifestation) et en 2013 (mutation de 35 sympathisants connus du syndicat et
travailleurs ayant témoigné lors de la procédure judiciaire concernant les licenciements
antisyndicaux). Le comité note que le gouvernement a indiqué que les membres du comité
directeur du syndicat indépendant en question (Mohamed Hussain Mustafa, Mohamed Abu
Elala Mohamed, Mohamed Hassan Ahmad, Nasr Awad Abderahim et Hussain Ahmad Hussain) ont
déposé une plainte auprès du bureau du travail le 8 août 2012 et que, dans la mesure où
les parties n’avaient pas pu parvenir à un règlement à l’amiable, leur affaire avait été
renvoyée devant la justice le 30 août 2012.
- 154. Tout en reconnaissant les défis pour les travailleurs et les
entreprises d’un contexte général où l’Etat ne reconnaît pas officiellement les
syndicats indépendants nouvellement constitués, le comité rappelle néanmoins que l’un
des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent
bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à
porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement,
rétrogradation, mutation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est
particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que,
pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent
avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical
qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le
cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe
fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire
librement leurs représentants. Le comité souhaite également souligner que la protection
contre les actes de discrimination antisyndicale doit couvrir non seulement le
recrutement et le licenciement, mais aussi toute mesure discriminatoire qui
interviendrait en cours d’emploi et, en particulier, les transferts, les rétrogradations
et autres actes préjudiciables. Le comité réitère que non seulement le licenciement mais
aussi la mise à la retraite d’office, lorsqu’ils sont dus à des activités syndicales
licites, seraient contraires au principe selon lequel nul ne devrait faire l’objet de
discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités
syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 799, 781 et 793.]
- 155. Comme suite à ses considérations d’ordre général concernant la
nécessité de reconnaître et de protéger expressément dans la législation tous les
nouveaux syndicats indépendants, le comité prie le gouvernement, au vu des actes de
discrimination antisyndicale qui semblent être systématiquement commis dans l’entreprise
en question et du nombre de travailleurs qui en auraient été victimes, de diligenter
également une enquête indépendante sur les allégations mentionnées ci-dessus, et de
tenir le comité informé des résultats de cette enquête. Le comité demande également à
être tenu informé de l’issue de la procédure judiciaire en cours mentionnée par le
gouvernement concernant le licenciement présumé des cinq dirigeants syndicaux en 2012
ainsi que de toutes les mesures de réparation qui auront été prises. S’il s’avère (au
cours de l’enquête ou de la procédure judiciaire) que les dirigeants et membres
concernés du syndicat ont été licenciés ou ont subi d’autres formes de préjudice pour
avoir mené des activités syndicales légitimes (y compris la constitution d’un nouveau
syndicat ou l’appel à une action de revendication) ou en raison de leur affiliation
syndicale, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour
veiller à ce qu’ils soient pleinement réintégrés sans perte de salaire ou à ce qu’ils
soient retransférés dans leur lieu d’affectation initial. Dans les cas où la
réintégration ou le transfert s’avère impossible pour des raisons objectives et
impérieuses, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour
garantir que soit versée aux travailleurs concernés une indemnisation adéquate qui
constituerait une sanction suffisamment dissuasive contre la discrimination
antisyndicale.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 156. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le
comité ne peut que regretter que, malgré la Déclaration du 12 mars 2011 consacrant
le droit à la liberté syndicale, le gouvernement n’ait à ce jour pas encore adopté
le cadre législatif nécessaire pour garantir la pleine reconnaissance juridique des
nombreux syndicats indépendants récemment constitués, ce qui semble avoir eu des
effets désastreux sur les relations professionnelles dans la pratique.
- b)
Accueillant favorablement le fait que la version définitive du projet de loi sur les
syndicats et la protection du droit syndical rompe avec le système de syndicat
unique et consacre le pluralisme syndical, le comité s’attend fermement à ce que le
projet de loi soit adopté à titre prioritaire et à ce qu’il confère une protection
juridique claire aux nombreux syndicats indépendants nouvellement créés et
garantisse le plein respect des droits relatifs à la liberté syndicale (y compris le
droit de ces organisations d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur
gestion et leur activité et de mener des négociations collectives). Rappelant en
particulier que la discrimination antisyndicale est une des violations les plus
graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des
syndicats, le comité s’attend à ce que la loi garantisse une protection complète et
efficace contre la discrimination antisyndicale à tous les dirigeants et membres des
nouveaux syndicats indépendants. Il prie le gouvernement de lui transmettre une
copie de cette loi lorsqu’elle aura été adoptée.
- c) Le comité prie le
gouvernement d’abroger ou de modifier les dispositions pertinentes de la partie 15
du livre troisième et de la partie 13 du livre deuxième du Code pénal de manière à
garantir le plein respect des principes énoncés dans ses conclusions et à faire en
sorte que leur application dans la pratique n’empêche pas l’exercice légitime des
droits syndicaux. Le comité prie également le gouvernement de lui fournir une copie
de la nouvelle loi sur l’organisation des manifestations, qui remplace la loi
abrogée no 96/2012, ainsi que des informations détaillées à son sujet.
- d)
Rappelant l’importance qu’il attache au droit des travailleurs d’élire librement
leurs représentants sans intervention des autorités publiques, le comité prie le
gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger le décret
no 97/2012.
- e) Le comité s’attend de manière générale à ce que les
dispositions de la nouvelle Constitution, telle que modifiée par le référendum qui
s’est tenu les 14 et 15 janvier 2014, ne soient pas appliquées de façon à
restreindre l’exercice légitime de la liberté d’expression, de réunion ou
d’association.
- f) De plus, en ce qui concerne les allégations spécifiques
des organisations plaignantes concernant l’entreprise Kraft/Mondelez, le comité prie
le gouvernement, au vu des actes de discrimination antisyndicale qui semblent être
systématiquement commis dans cette entreprise et du nombre de travailleurs qui en
auraient été victimes, de diligenter également une enquête indépendante sur les
allégations d’actes de discrimination antisyndicale commis en 2011 (mise à la
retraite obligatoire de 38 travailleurs pour avoir tenté de constituer un syndicat
indépendant), en 2012 (licenciement de cinq dirigeants du syndicat indépendant à la
suite d’un arrêt du travail et d’une manifestation) et en 2013 (mutation de
35 sympathisants notoires du syndicat, dont des travailleurs ayant témoigné dans le
cadre de la procédure judiciaire concernant les licenciements antisyndicaux), et de
tenir le comité informé des résultats de cette enquête. Le comité demande également
à être tenu informé de l’issue de la procédure judiciaire en cours mentionnée par le
gouvernement concernant le licenciement présumé des cinq dirigeants syndicaux en
2012 ainsi que de toutes les mesures de réparation qui auront été prises. S’il
s’avère (au cours de l’enquête ou de la procédure judiciaire) que les dirigeants et
membres concernés du syndicat ont été licenciés ou ont subi d’autres formes de
préjudice pour avoir mené des activités syndicales légitimes (y compris la
constitution d’un nouveau syndicat ou l’appel à une action de revendication) ou en
raison de leur affiliation syndicale, le comité prie le gouvernement de prendre les
mesures nécessaires pour veiller à ce qu’ils soient pleinement réintégrés sans perte
de salaire ou à ce qu’ils soient retransférés dans leur lieu d’affectation initial.
Dans le cas où la réintégration ou le transfert serait impossible pour des raisons
objectives et impérieuses, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures
nécessaires pour garantir que soit versée au travailleur concerné une indemnisation
adéquate qui constituerait une sanction suffisamment dissuasive contre la
discrimination antisyndicale.