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Rapport intérimaire - Rapport No. 370, Octobre 2013

Cas no 2723 (Fidji) - Date de la plainte: 01-JUIL.-09 - En suivi

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Allégations: Voies de fait, harcèlement et intimidation, arrestation et détention de dirigeants et de militants syndicaux, ingérence continue dans les affaires internes des syndicats, révocation d’un dirigeant syndical fonctionnaire de l’instruction publique, imposition de restrictions injustifiées aux réunions syndicales et publication de différents décrets entravant l’exercice des droits syndicaux

  1. 426. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois lors de sa réunion de novembre 2012 et a présenté, à cette occasion, un rapport intérimaire au Conseil d’administration [Voir 365e rapport, paragr. 693-783, approuvé par le Conseil d’administration lors de sa 316e session (novembre 2012)].
  2. 427. Les organisations plaignantes ont présenté de nouvelles allégations dans des communications en date des 18 et 22 février et du 6 septembre 2013. Le Syndicat des employés des secteurs bancaire et financier des Fidji a appuyé la plainte par une communication en date du 25 février 2013.
  3. 428. En l’absence de réponse de la part du gouvernement, le comité a dû ajourner l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de mai-juin 2013 [voir 368e rapport, paragr. 5], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa réunion suivante, même si les informations ou observations qu’il attendait de lui n’étaient pas reçues en temps voulu. A ce jour, le gouvernement n’a pas communiqué d’information.
  4. 429. Les Fidji ont ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 430. Lors de son dernier examen de ce cas en novembre 2012, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 365e rapport, paragr. 783]:
    • a) Bien que le gouvernement, suite à la recommandation du comité, ait accepté l’envoi dans le pays d’une mission de contacts directs, le comité note avec préoccupation que la mission en question, dépêchée aux Fidji en septembre 2012, n’a pas été autorisée à poursuivre ses activités et a été priée de partir rapidement afin que le gouvernement puisse accueillir une nouvelle mission aux termes du nouveau mandat qu’il avait présenté; le comité attend fermement du gouvernement qu’il renoue rapidement le dialogue afin que la mission puisse, dans le cadre du mandat qui lui a été assigné, retourner sans délai dans le pays et présenter un rapport au Conseil d’administration.
    • b) Ayant appris que M. Koroi a quitté le pays, le comité s’attend à ce que l’ERAB examine ce cas dans les plus brefs délais et, dans le cadre de cet examen, tienne dûment compte des conclusions formulées à ce sujet par le comité lors de sa réunion de novembre 2010 [voir 358e rapport, paragr. 550-553] afin d’assurer la réhabilitation de M. Koroi et, si celui-ci devait revenir aux Fidji, d’envisager sa réintégration.
    • c) Rappelant qu’il est profondément préoccupé par les nombreux actes d’agression, de harcèlement et d’intimidation qui, selon les allégations des organisations plaignantes, auraient été commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes ayant exercé leur droit à la liberté d’association, le comité demande instamment au gouvernement, même si les victimes ont entre-temps déposé une plainte, de diligenter d’office et dans les plus brefs délais une enquête indépendante sur les actes de violence, de harcèlement et d’intimidation qui auraient été commis contre: M. Felix Anthony, secrétaire national du FTUC et secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’industrie sucrière des Fidji; M. Mohammed Khalil, président du Syndicat des travailleurs de l’industrie sucrière et des autres industries des Fidji (antenne de Ba); M. Attar Singh, secrétaire général du FICTU; M. Taniela Tabu, secrétaire général du Syndicat national Viti des travailleurs taukei; M. Anand Singh, avocat. Le comité prie le gouvernement de lui communiquer des informations détaillées sur les résultats de cette enquête ainsi que sur les mesures prises en conséquence. S’agissant en particulier de l’allégation selon laquelle un acte d’agression aurait été commis à l’encontre d’un dirigeant syndical à titre de représailles pour des déclarations faites par le secrétaire national du FTUC lors de la Conférence internationale du Travail, le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce qu’aucun syndicaliste ne subisse des représailles pour avoir exercé sa liberté d’expression. Le comité invite instamment le gouvernement à tenir pleinement compte à l’avenir des principes énoncés dans ses conclusions.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour obtenir l’abandon immédiat de l’ensemble des poursuites engagées pour rassemblement illégal contre M. Daniel Urai, président du FTUC et secrétaire général du NUHCTIE, et M. Nitendra Goundar, membre du NUHCTIE, au motif qu’ils auraient contrevenu aux dispositions relatives à l’état d’urgence; le comité prie le gouvernement de le tenir rapidement informé de l’évolution de la situation, et notamment des résultats de l’audience, dont le comité croit comprendre qu’elle a été ajournée.
    • e) Tout en se félicitant de la levée de l’état d’urgence survenue le 7 janvier 2012 et en confirmant son approbation de la décision concernant la suspension temporaire de l’application des dispositions de l’article 8 de la loi sur l’ordre public, telle que modifiée par décret, qui soumettait la liberté de réunion à d’importantes restrictions, le comité prie le gouvernement d’envisager l’abrogation ou la modification du décret. Rappelant que la liberté de réunion et la liberté d’opinion et d’expression sont des préalables indispensables à l’exercice de la liberté syndicale, le comité prie instamment le gouvernement de tenir pleinement compte à l’avenir des principes énoncés dans ses conclusions et de ne pas entraver abusivement l’exercice légitime des droits syndicaux. Il prie également le gouvernement de réintégrer sans délai M. Rajeshwar Singh, secrétaire national adjoint du FTUC, dans ses fonctions de représentant des intérêts des travailleurs au sein du conseil d’administration d’ATS.
    • f) Rappelant qu’il a déjà conclu que le décret no 35 de 2011 sur les industries nationales essentielles et les règlements d’application correspondants donnent lieu à de graves violations des conventions nos 87 et 98 ainsi que des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, et tenant dûment compte du fait que ces textes auraient des effets désastreux sur les syndicats concernés, le comité note que la sous-commission tripartite de l’ERAB procède au réexamen de l’ensemble des décrets gouvernementaux relatifs aux salariés afin de vérifier s’ils sont conformes aux conventions fondamentales de l’OIT; il note en outre que la sous-commission, ainsi que l’indique l’organisation plaignante, a donné son accord pour que l’on supprime la plupart des dispositions du décret sur les industries nationales essentielles jugées critiquables. Le comité veut croire que les mesures décidées par la sous-commission tripartite de l’ERAB seront activement et rapidement mises en œuvre afin de rendre la législation conforme aux principes de la liberté d’association et de la négociation collective, et demande au gouvernement de le tenir informé sans délai des avancées réalisées dans ce sens.
    • g) Notant avec intérêt l’adoption du décret no 36 de 2011 portant modification de la loi sur la fonction publique, et se félicitant de la décision récemment rendue par la Haute Cour des Fidji ainsi que de la nouvelle procédure interne de réclamation mise en œuvre par la PSC, le comité demande au gouvernement de lui communiquer une copie de la décision de la Haute Cour. Il prie également le gouvernement de fournir des informations sur les mécanismes de traitement des plaintes individuelles et collectives accessibles aux fonctionnaires et de lui indiquer les résultats du réexamen, entrepris par la sous commission tripartite de l’ERAB, de l’ensemble des décrets gouvernementaux existants relatifs au service public afin de s’assurer de leur conformité aux conventions fondamentales de l’OIT.
    • h) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les parties prennent les dispositions requises pour assurer la pleine restauration du système de retenue des cotisations syndicales à la source dans le secteur public et dans les secteurs pertinents considérés comme des «industries nationales essentielles».
    • i) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
    • j) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes

B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes
  1. 431. Dans des communications en date des 18 et 22 février 2013, les organisations plaignantes dénoncent la promulgation le 15 janvier 2013 du décret (no 4) sur les partis politiques (enregistrement, activités, financement et communications), ainsi que du décret (no 11) du 18 février 2013 qui en porte modification. Le paragraphe 1 de l’article 14 de celui-ci prévoit qu’un fonctionnaire public ne peut faire de demande d’adhésion ou adhérer à un nouveau parti politique ou à un parti enregistré ni occuper de fonctions en son sein et qu’il n’est pas non plus autorisé à exercer d’activité politique susceptible de compromettre la neutralité politique de sa charge ou d’être considérée comme telle; un fonctionnaire public ne peut pas non plus exprimer publiquement son soutien ou non à un nouveau parti politique ou à un parti enregistré. En vertu du paragraphe 2 de l’article 14 du décret sur les partis politiques, le terme «fonctionnaire public» s’entend également de tout responsable élu ou désigné, y compris de toute personne occupant une fonction ou une charge rémunérée, et militant d’un syndicat enregistré en application de la loi sur les relations professionnelles de 2007 ou d’une fédération, d’un congrès, d’un conseil ou d’une confédération d’organisations syndicales ou d’employeurs. Les paragraphes 4 et 5 de l’article 14 prévoient que tout fonctionnaire public souhaitant faire une demande d’adhésion, adhérer à un nouveau parti politique ou à un parti enregistré, ou y occuper des fonctions doit renoncer à son mandat public, à défaut de quoi il sera considéré comme ayant démissionné.
  2. 432. De l’avis du Congrès des syndicats des Fidji (FTUC), le décret sur les partis politiques, promulgué trois jours après que le FTUC a décidé de former un mouvement politique lors d’une conférence spéciale de ses délégués, prive les syndicalistes de tout droit politique (droit d’adhérer à un parti politique, droit d’occuper une fonction au sein d’un parti politique, droit d’avoir une quelconque activité politique, y compris d’exprimer son soutien ou non à un parti politique) et a pour objectif d’empêcher les représentants syndicaux d’exercer une quelconque activité de nature politique.
  3. 433. Dans une communication datée du 6 septembre 2013, la Confédération syndicale internationale (CSI) indique qu’en juillet le Syndicat général des travailleurs du sucre des Fidji (FSGWU) a fait part de son intention, conformément à la procédure prévue par la loi, d’organiser un vote à bulletin secret en vue d’une action de grève suite au gel du salaire des travailleurs des sucreries depuis sept ans. Bien que la Société sucrière des Fidji (SSF) ait refusé et refuse toujours de négocier avec le syndicat, elle a spontanément annoncé une hausse de 5,3 pour cent des salaires après l’annonce d’une action de grève. Or, selon les organisations plaignantes, cette mesure ne suffit pas à remédier à la baisse de plus de 40 pour cent du salaire réel des travailleurs du sucre enregistrée au cours des sept dernières années. Elles soutiennent, en outre, que la direction de la Société sucrière des Fidji a par la suite organisé des réunions dans tous les lieux de travail pour faire pression sur les membres syndiqués et les dissuader de voter en faveur de la grève, les menaçant de communiquer au gouvernement le nom de ceux qui participeraient au scrutin malgré leurs mises en garde. Le 23 juillet 2013, lorsque le vote a débuté, des policiers et des militaires avaient été dépêchés sur les lieux de l’élection pour menacer et intimider les travailleurs. Le Procureur général a également menacé le syndicat par voie de presse, ses dernières déclarations étant que le gouvernement interviendrait pour veiller à ce que le travail se poursuive en cas de grève. Le scrutin s’est achevé le 26 juillet 2013. Malgré l’intense campagne d’intimidation, 67,5 pour cent des travailleurs ont exercé leur droit de vote et l’action de grève a remporté 90 pour cent des suffrages, des chiffres bien supérieurs aux 50 pour cent des voix requises à cette fin. Après quelques atermoiements, le ministère du Travail a fini par enregistrer les résultats du scrutin.
  4. 434. Les organisations plaignantes affirment également que, durant tout le mois d’août 2013, les travailleurs du sucre ont fait l’objet d’actes d’intimidation ininterrompus de la part de l’armée et/ou de la direction de l’entreprise (ils ont ainsi été menacés de licenciement ou d’être emmenés dans un camp militaire si la grève avait lieu et ont dû remplir des formulaires et y indiquer s’ils avaient l’intention de prendre part à la grève). En outre, fin août 2013, alors qu’il avait été demandé à Felix Anthony de prendre la parole au cours d’une réunion tenue pendant la pause déjeuner à l’extérieur de la plantation sucrière de Lautoka Mill, celui-ci a été accueilli par les gardes de sécurité déployés sur le site (composés d’anciens militaires et d’autres actuellement en service) par la direction, qui a interdit tout rassemblement autour de la plantation, bien que la loi autorise les responsables syndicaux à accéder aux lieux de travail pour autant que cela n’entraîne pas d’interruption de travail. Les organisations plaignantes affirment que la direction a exercé des pressions considérables sur les travailleurs en engageant des retraités et des travailleurs occasionnels, y compris ponctuellement des artisans, pour suppléer au manque de main-d’œuvre en cas de grève et en assurant que la Société sucrière des Fidji recruterait des travailleurs étrangers pour assurer la continuité du travail si la grève était déclarée. La direction continue de refuser de discuter avec le syndicat bien que la loi prévoie l’obligation de négocier de bonne foi.
  5. 435. Enfin, les organisations plaignantes allèguent que, le 6 septembre 2013, la police a arrêté plus de 30 manifestants, y compris des dirigeants de partis politiques et des dirigeants syndicaux, qui s’étaient rassemblés devant le Palais du gouvernement à Suva pour dénoncer l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution. Pour justifier l’arrestation de manifestants pacifiques, le gouvernement a invoqué le fait que la manifestation n’avait pas été autorisée par les autorités. Cette disposition du décret portant modification du décret sur l’ordre public, un texte répressif, qui avait été supprimée lors du processus de réforme constitutionnelle serait visiblement de nouveau en vigueur.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 436. Le comité regrette profondément que, en dépit du temps écoulé depuis le dernier examen de la plainte, le gouvernement ait à nouveau omis de répondre aux allégations des organisation plaignantes alors qu’il a été invité à le faire à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant.
  2. 437. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 438. Le comité rappelle au gouvernement que le but de l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des violations alléguées de la liberté syndicale est d’assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l’importance qu’il y a à ce qu’ils présentent, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre [Voir premier rapport, paragr. 31.]
  4. 439. Dans ces conditions, rappelant que la plainte considérée concerne des allégations portant sur plusieurs actes de violence, de harcèlement et d’intimidation, l’arrestation et la détention de dirigeants et de militants syndicaux, une ingérence continue dans les affaires internes des syndicats, la révocation d’un dirigeant syndical fonctionnaire de l’instruction publique, l’imposition de restrictions injustifiées aux réunions syndicales et la publication de différents décrets entravant l’exercice des droits syndicaux, le comité se voit dans l’obligation de réitérer les conclusions qu’il a formulées lors de l’examen du cas à sa réunion de novembre 2012 [Voir 365e rapport, paragr. 767-778 et 782.] S’agissant notamment du décret sur les industries nationales essentielles (ENID), le comité, rappelant ses conclusions selon lesquelles le nombre de dispositions légales violent les principes de liberté syndicale et de négociation collective, prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires, en pleine consultation avec les partenaires sociaux et conformément aux mesures décidées par la sous-commission tripartite du Conseil consultatif sur les relations de l’emploi (ERAB) en 2012, pour modifier ou supprimer les dispositions du décret sur les industries nationales essentielles à propos desquelles le comité a précédemment conclu qu’elles donnent lieu à de graves violations des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, afin que le décret soit conforme aux conventions nos 87 et 98, qui ont été ratifiées par les Fidji. Il demande au gouvernement de le tenir informé sans délai des progrès réalisés en ce sens.
  5. 440. S’agissant des décrets relatifs au secteur public qui tendent à supprimer la faculté, pour les travailleurs de ce secteur, d’user des voies de recours judiciaires ou administratives, la commission note que, d’après les informations et documents communiqués par le gouvernement, les fonctionnaires peuvent réclamer contre une décision administrative les concernant individuellement en recourant à la procédure de réclamation interne. Tout en notant que, conformément à l’article 164 de la Constitution, le décret de 2009 sur les services de l’Etat et le décret de 2009 sur l’administration de la justice ont été abrogés, la commission a le regret de constater que les articles 23 à 23D du second de ces décrets, qui suppriment précisément toute possibilité pour les fonctionnaires d’obtenir le réexamen devant une juridiction judiciaire d’une décision les concernant, restent en vigueur (article 174). La commission note en outre que, d’après les jugements de la Haute Cour communiqués à sa demande par le gouvernement: i) s’agissant de la compétence, il a été reconnu le 23 mars 2012 que l’article 23B du décret sur l’administration de la justice n’interdit pas à un fonctionnaire de saisir un tribunal de la décision de l’Administration de mettre fin à son emploi («l’Etat contre le Secrétaire permanent aux travaux, aux transports et aux infrastructures publiques ex parte Rusiate Tubunaruarua & Ors HBJ 01 de 2012»); ii) l’action a été rejetée le 22 avril 2013 sur les motifs qu’il n’avait pas été fait usage d’autres voies possibles (comme la procédure de réclamation interne), que l’emploi de l’intéressé était régi par les Conditions d’emploi des salariés du Secteur public si bien que les voies de recours ouvertes relevaient du droit privé, et que l’autorité qui avait nommé l’intéressé était un organe public, si bien que la décision n’était pas susceptible d’un réexamen judiciaire (HBJ 02 de 2012). Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que des voies de recours véritables et effectives devant une juridiction judiciaire soient ouvertes aux fonctionnaires contre les décisions et autres mesures de l’Administration qui les concernent et elle le prie à nouveau de donner des informations sur les voies ouvertes aux fonctionnaires lorsque le litige est collectif. Elle le prie également de fournir des informations d’ordre pratique sur les actions intentées par des fonctionnaires devant les juridictions administrative ou judiciaire (par exemple: circonstances, durée et issue des procédures). De plus, elle le prie à nouveau de faire connaître les résultats du réexamen de tous les décrets gouvernementaux relatifs à la fonction publique auquel a procédé l’ERAB sous l’angle de leur conformité aux conventions fondamentales de l’OIT.
  6. 441. Le comité prend également note avec une profonde préoccupation des nouvelles allégations formulées par les organisations plaignantes selon lesquelles: i) le décret sur les partis politiques interdit à toute personne travaillant au sein d’une organisation de travailleurs ou d’employeurs d’adhérer à un parti politique ou d’y occuper des fonctions et d’exercer une quelconque activité politique, y compris le simple fait d’exprimer un soutien à un parti politique; ii) les membres du Syndicat général des travailleurs du sucre des Fidji (FSGWU) ont été l’objet de menaces et d’intimidation par l’armée et la direction de la Société sucrière des Fidji, entreprise publique, avant et pendant l’organisation des élections en vue de l’action de grève, fin juillet, et ont continué de l’être après que la grève a été votée; iii) la direction a dépêché sur place d’anciens militaires et interdit une réunion syndicale fin août à laquelle devait participer Felix Anthony, bien que celle-ci ait été programmée à l’heure du déjeuner en dehors de la plantation; et iv) le 6 septembre 2013, plus de 30 manifestants, dont des dirigeants de partis politiques et des dirigeants syndicaux, qui s’étaient rassemblés pour dénoncer l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, ont été arrêtés. Le comité prie instamment le gouvernement de communiquer sans délai ses observations sur ces graves allégations. Il tient à rappeler à cet égard que, outre qu’elle serait incompatible avec les principes de la liberté syndicale, une interdiction générale de toute activité politique par les syndicats manquerait du réalisme nécessaire à son application pratique (les organisations syndicales peuvent vouloir exprimer publiquement, par exemple, leur opinion sur la politique économique et sociale du gouvernement). Le comité réitère en outre que, d’une manière générale, les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 503 et 44.]
  7. 442. Notant la lettre en date du 15 octobre 2013 transmise par le Premier ministre de Fidji en réponse à la communication du 3 juillet 2013 du Directeur général du BIT, le comité regrette profondément de devoir observer que la mission de contacts directs du BIT, qui s’est rendue aux îles Fidji en septembre 2012, n’a toujours pas été autorisée à revenir dans le pays, conformément à sa recommandation antérieure et aux décisions adoptées par le Conseil d’administration. Le comité prie fermement et instamment le gouvernement d’accepter sans autre délai que la mission de contacts directs puisse retourner aux Fidji dans le cadre du mandat que lui a assigné le Conseil d’administration sur le fondement des conclusions et recommandations du comité.
  8. 443. Le comité note enfin que plusieurs délégués des travailleurs à la Conférence ont déposé une plainte en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT contre le gouvernement des Fidji pour non-respect de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui est en instance d’examen par le Conseil d’administration à sa présente session.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 444. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Rappelant qu’il est profondément préoccupé par les nombreux actes de violence, de harcèlement et d’intimidation qui, selon les allégations précédentes des organisations plaignantes, auraient été commis à l’encontre de dirigeants et de militants syndicaux ayant exercé leur droit à la liberté d’association, le comité prie instamment à nouveau le gouvernement, même si les victimes ont entre-temps déposé une plainte, de diligenter d’office et sans délai une enquête indépendante sur les actes de violence, de harcèlement et d’intimidation qui auraient été commis contre: M. Felix Anthony, secrétaire national du Congrès des syndicats des Fidji (FTUC) et secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’industrie sucrière des Fidji; M. Mohammed Khalil, président du Syndicat des ouvriers de l’industrie sucrière et des autres industries des Fidji (antenne du Ba); M. Attar Singh, secrétaire général du Conseil des syndicats des îles Fidji (FICTU); M. Taniela Tabu, secrétaire général du Syndicat national Viti des travailleurs Taukei; et M. Anand Singh, avocat. Le comité prie le gouvernement de transmettre des informations détaillées concernant les résultats de cette enquête et les mesures auxquelles elle a donné lieu. S’agissant en particulier de l’allégation selon laquelle un acte d’agression aurait été commis à l’encontre d’un dirigeant syndical à titre de représailles pour des déclarations faites par le secrétaire national du FTUC lors de la Conférence internationale du Travail, le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce qu’aucun syndicaliste ne subisse de représailles pour avoir exercé sa liberté d’expression. De manière générale, le comité invite instamment le gouvernement à tenir pleinement compte à l’avenir des principes énoncés dans ses conclusions antérieures.
    • b) Le comité demande instamment à nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour obtenir l’abandon immédiat de l’ensemble des poursuites engagées pour rassemblement illégal contre M. Daniel Urai, président du FTUC et secrétaire général du Syndicat national des employés dans les industries de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme (NUHCTIE), et M. Nitendra Goundar, membre du NUHCTIE, au motif qu’ils auraient contrevenu aux dispositions relatives à l’état d’urgence; le comité prie le gouvernement de le tenir rapidement informé de l’évolution de la situation, et notamment des résultats de l’audience, dont le comité croit comprendre qu’elle a été ajournée.
    • c) Tout en prenant note de l’abrogation, le 7 janvier 2012, de la législation relative à l’urgence telle qu’elle figure dans les dispositions relatives à l’état d’urgence et de la décision de suspendre provisoirement l’application de l’article 8 de la loi sur l’ordre public telle que modifiée par le décret no 1 (2012) portant modification du décret sur l’ordre public qui soumettait la liberté de réunion à d’importantes restrictions, le comité prie à nouveau le gouvernement d’envisager l’abrogation ou la modification dudit décret. Rappelant que la liberté de réunion et la liberté d’opinion et d’expression sont des préalables indispensables à l’exercice de la liberté syndicale, le comité prie instamment à nouveau le gouvernement de tenir pleinement compte à l’avenir de ces principes. Il prie également le gouvernement de réintégrer sans délai M. Rajeshwar Singh, secrétaire national adjoint du FTUC, dans ses fonctions de représentant des intérêts des travailleurs au sein du conseil d’administration des Services de base aérienne (ATS).
    • d) S’agissant du décret sur les industries nationales essentielles, le comité demande instamment au gouvernement de prendre sans tarder, en pleine concertation avec les partenaires sociaux et conformément aux décisions adoptées par la sous-commission tripartite de l’ERAB en 2012, les mesures nécessaires pour modifier ou abroger les dispositions du décret sur les industries nationales essentielles à propos desquelles le comité a précédemment conclu qu’elles donnent lieu à de graves violations des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, afin que le décret soit conforme aux conventions nos 87 et 98, qui ont été ratifiées par les Fidji. Il demande au gouvernement de le tenir informé sans délai des progrès réalisés à cet égard.
    • e) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que des voies de recours véritables et effectives devant une juridiction judiciaire soient ouvertes aux fonctionnaires contre les décisions et autres mesures de l’Administration qui les concernent et elle le prie de fournir des informations d’ordre pratique sur les actions intentées par des fonctionnaires devant les juridictions administrative ou judiciaire (par exemple: circonstances, durée et issue des procédures). De plus, elle le prie à nouveau de donner des informations sur les voies ouvertes aux fonctionnaires lorsque le litige est collectif, et de faire connaître les résultats du réexamen de tous les décrets gouvernementaux relatifs à la fonction publique auquel a procédé le sous-comité ERAB sous l’angle de leur conformité aux conventions fondamentales de l’OIT.
    • f) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les parties s’accordent en vue de la restauration pleine et entière du système de retenue des cotisations syndicales à la source dans le secteur public et les secteurs pertinents considérés comme des «industries nationales essentielles».
    • g) S’il croit comprendre que M. Koroi a quitté le pays, le comité n’en attend pas moins de l’ERAB qu’il examine ce cas sans délai et, dans le cadre de cet examen, qu’il tienne dûment compte des conclusions formulées à ce sujet par le comité lors de sa réunion de novembre 2010 [voir 358e rapport, paragr. 550-553] afin d’assurer la réhabilitation de M. Koroi et, si celui-ci devait revenir aux Fidji, d’envisager sa réintégration.
    • h) Le comité demande instamment au gouvernement de fournir sans délai ses observations en réponse aux nouvelles allégations des parties plaignantes.
    • i) Regrettant profondément de devoir observer que la mission de contacts directs du BIT, qui s’est rendue aux îles Fidji en septembre 2012, n’a toujours pas été autorisée à revenir dans le pays, conformément à sa recommandation antérieure et aux décisions adoptées par le Conseil d’administration, le comité prie fermement et instamment le gouvernement d’accepter sans autre délai que la mission de contacts directs puisse retourner aux Fidji dans le cadre du mandat que lui a assigné le Conseil d’administration sur le fondement des conclusions et recommandations du comité.
    • j) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
    • k) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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