Allégations: L’organisation plaignante allègue de graves violations de la liberté syndicale, y compris: licenciements massifs de membres et de dirigeants syndicaux de la Fédération générale des syndicats de Bahreïn (GFBTU) en raison de leur participation à une grève générale; menaces à l’intégrité physique de dirigeants syndicaux; arrestations; harcèlement, poursuites et intimidation; ingérence dans les affaires internes de la GFBTU
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232. La plainte figure dans une communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) en date du 16 juin 2011. La CSI a envoyé des informations complémentaires dans des communications datées des 10 novembre 2011 et 3 février 2012.
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233. Le gouvernement a envoyé ses observations partielles dans une communication en date du 29 février 2012.
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234. Bahreïn n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante
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235. Dans sa communication en date du 16 juin 2011, la CSI a déposé une plainte au nom de ses organisations affiliées, y compris la Fédération générale des syndicats de Bahreïn (GFBTU), contre le gouvernement de Bahreïn pour de graves violations des principes de la liberté syndicale de l’OIT.
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236. La CSI se réfère aux précédentes plaintes déposées par la GFBTU contre des violations graves de la liberté syndicale, notamment le déni du droit syndical aux travailleurs du secteur public et les restrictions au droit de grève; elle dénonce l’absence de toute mesure visant à mettre en œuvre les recommandations pertinentes du Comité de la liberté syndicale.
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237. La CSI explique que la GFBTU a organisé deux grèves générales, les 20 février et 13 mars 2011, afin d’appuyer une série de revendications économiques et sociales et de soutenir le processus de démocratisation et de réforme. La première grève a été annulée après une journée. La seconde grève a été annulée au bout de neuf jours, suite à l’intervention des forces armées de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, après que le gouvernement se fut engagé à ouvrir le dialogue et à ne pas exercer de représailles.
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238. Peu après la fin de ces grèves, de nombreuses entreprises des secteurs public et privé, ainsi que des ministères, ont licencié un grand nombre de syndicalistes et de dirigeants syndicaux (1 876 travailleurs à ce jour, selon la GFBTU) qui avaient participé aux grèves générales ou les avaient soutenues. Dans de nombreux cas, la lettre de licenciement mentionnait expressément cette participation comme le principal motif justifiant cette mesure.
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239. Des dirigeants syndicaux ont reçu des menaces répétées à leur sécurité personnelle, et ont été notamment victimes d’arrestations, de harcèlement, de poursuites et d’intimidation. En outre, les médias ont mené une campagne (en particulier sur les chaînes de télévision de Bahreïn) contre la GFBTU et ses dirigeants.
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240. La CSI ajoute que, le 12 juin 2011, un comité mixte de grandes sociétés a publié une communication appelant les dirigeants de la GFBTU à démissionner immédiatement de leur poste, sous peine de poursuites pénales et civiles pour leur rôle dans cette grève que le comité mixte qualifiait d’illégale. Le gouvernement a rejeté toutes les tentatives faites par les syndicats pour renouer le dialogue social. Cela étant, la CSI a demandé au Conseil d’administration d’envisager de renvoyer cette affaire à une commission d’investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale.
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241. Dans sa communication en date du 10 novembre 2011, la CSI fournit des informations complémentaires au nom de l’Internationale de l’éducation (IE) et de la GFBTU et rappelle les événements du 17 février: les forces de sécurité ont investi la place Pearl et dispersé les manifestants à l’aide de gaz lacrymogènes et de matraques; des chars d’assaut ont occupé la place; plusieurs personnes auraient été tuées et des centaines d’autres blessées. Les forces de sécurité ont poursuivi leurs attaques le jour suivant et tiré à balles réelles sur les personnes qui manifestaient contre les décès du jour précédent, faisant encore plus de morts et de blessés.
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242. Le 19 février, la GFBTU a salué l’initiative de dialogue national du Prince héritier, tout en soulignant que la condition préalable était l’arrêt du recours à la force contre les manifestants pacifiques. Pour assurer la protection et la sécurité des citoyens, la GFBTU a appelé à une grève générale à partir du 20 février, qu’elle a suspendue le jour même, après que les autorités eurent retiré l’armée des rues et donné des garanties assurant la liberté de réunion.
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243. Les manifestations se sont poursuivies durant les semaines suivantes avec la participation des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, qui réclamaient des réformes économiques, sociales et politiques. Tout au long de cette période, la GFBTU a fait des déclarations publiques mettant l’accent sur l’unité nationale et celle du mouvement syndical, affirmant le soutien de la GFBTU à l’initiative de dialogue national (qui, toutefois, ne s’était pas matérialisée) et soulignant que le gouvernement devait remplir ses engagements, y compris le respect des libertés fondamentales et la tenue d’enquêtes sur les violentes agressions perpétrées contre des manifestants pacifiques.
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244. Les événements ont pris un tour dramatique le 13 mars, lorsque les forces de sécurité ont lancé des gaz lacrymogènes et tiré des balles en caoutchouc sur les manifestants afin de tenter de disperser le mouvement d’occupation; on a également fait état d’agressions contre les manifestants par des civils armés non identifiés. Des centaines de manifestants ont été blessés et hospitalisés. En réponse à l’utilisation de cette force excessive contre les manifestants et la mise en danger de la paix civile, la GFBTU a appelé à une grève générale, afin de trouver rapidement une solution à la crise, sans nouvelle effusion de sang.
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245. Au lieu de cela, le lendemain (14 mars), un convoi blindé des Gulf Cooperation Council Peninsula Shield Forces, constitué essentiellement de troupes d’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, est intervenu à la demande du gouvernement de Bahreïn. Le 15 mars, le Roi a décrété l’état d’urgence pour une durée de trois mois, en vertu de l’article 36(b) de la Constitution, qui interdit la plupart des rassemblements publics et les déclarations lors de ces manifestations, ainsi que les activités des ONG, des organisations politiques et des syndicats. Selon certains rapports, les forces de sécurité auraient occupé des établissements médicaux, refusé des soins aux blessés, harcelé les médecins et les infirmières, et réorienté les blessés vers des établissements militaires, où ils seraient certainement détenus et interrogés.
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246. Soulignant que les problèmes de sécurité et les agressions contre les travailleurs ne permettaient pas la reprise du travail avant que la situation ne revienne à la normale, la GFBTU a maintenu son mot d’ordre de grève générale. Après une rencontre avec le ministre du Travail et le président du Conseil de la Shura, qui leur a communiqué les assurances données par le Vice-Premier ministre – à savoir que les agressions contre les travailleurs cesseraient, qu’ils ne seraient pas victimes de représailles, que le passage aux points de contrôle serait facilité, et que la sécurité des travailleurs nationaux et résidents serait assurée –, la GFBTU a annulé l’appel à la grève du 23 mars, invitant les travailleurs à signaler toutes les violations de la sécurité, en coordination avec leur syndicat et la direction des entreprises, et à lui en faire rapport. La GFBTU a également souligné que les travailleurs devaient faire tous les efforts possibles pour préserver la cohésion sociale et nationale, et demandé aux gestionnaires des secteurs public et privé de faire preuve de compréhension, compte tenu des circonstances exceptionnelles, et de protéger les droits de tous les travailleurs. La GFBTU a également réitéré la nécessité de mettre en place les conditions propices à un véritable dialogue, permettant de trouver une solution à la crise.
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247. Le 24 mars, la GFBTU et la Chambre de commerce et d’industrie de Bahreïn (BCCI) ont publié une déclaration conjointe (jointe à la plainte) invitant tous les responsables des secteurs public et privé à faire preuve de compréhension, au vu des circonstances exceptionnelles que traversaient les travailleurs du pays. Les deux parties ont souligné que le dialogue était la meilleure issue à la crise. La BCCI a salué la décision de la GFBTU d’appeler à la fin de la grève et au retour au travail.
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248. Toutefois, la BCCI a connu une évolution politique dans les semaines suivantes, en raison d’un changement dans l’équilibre des forces au sein de la Chambre, qui penchait dorénavant en faveur du gouvernement. Vers cette période, des dirigeants syndicaux influents et des centaines de syndiqués ordinaires ont été licenciés, certains d’entre eux faisant face à des poursuites pénales en raison de leur rôle dans l’organisation des grèves et des manifestations, ou de leur participation à ces événements. En exigeant le licenciement des travailleurs qui avaient participé à des grèves approuvées par le syndicat, ou avaient revendiqué l’adoption de réformes politiques et socio-économiques – concernant le plus souvent des entreprises d’Etat, ou des sociétés où ce dernier possédait des parts importantes (y compris Bahrain Petroleum Company (BAPCO), Aluminium Bahrain (ALBA), Bahrain National Gas (BANAGAS), Gulf Air, Bahrain Telecommunications Company (BATELCO), АРМ Terminals, Arab Shipbuilding & Repair Yards (ASRY), Gulf Aluminium Rolling Mill Co. (GARMCO) et Bahrain Airport Services (BAS)) –, le gouvernement a activement œuvré pour intimider et démanteler un mouvement syndical indépendant, démocratique et non sectaire. Le gouvernement a également persécuté des dirigeants et des syndiqués du secteur public.
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249. Le 12 juin, le Comité mixte des grandes sociétés, qui comprend des entreprises totalement ou partiellement détenues par la branche d’investissement du gouvernement (Mumtalakat), également représentée au conseil d’administration de la BCCI, a publié une communication à l’intention des dirigeants de la GFBTU, demandant à son comité exécutif de 15 membres de démissionner «volontairement» sur-le-champ, sous peine de poursuites civiles et pénales.
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250. Les licenciements se sont poursuivis pendant des mois. Les employés du gouvernement, notamment ceux des secteurs de la santé, de l’éducation et des services municipaux (qui sont souvent en contact avec le public en raison de la nature de leur travail), ont continué à faire l’objet de suspensions ou de congédiements à cause, entre autres, de leur participation réelle ou supposée à des activités politiques au début de l’année. Le nombre de licenciements a augmenté depuis le mois de juin, le gouvernement ayant institué des «comités d’enquête» chargés d’écarter de la fonction publique les travailleurs constituant selon lui une menace en raison de leurs opinions politiques. Environ 550 travailleurs municipaux ont été licenciés ou suspendus. La GFBTU signale également qu’au moins 132 enseignants ont été licenciés, ainsi que 14 professeurs d’université le 12 août. Les enseignants menacés de licenciement doivent comparaître devant un conseil de discipline, sans aucune possibilité de préparer leur défense juridique. Les salaires des personnes faisant l’objet d’une enquête sont soit complètement gelés, soit réduits de moitié. En outre, il semble que les travailleurs licenciés sont remplacés par des employés progouvernementaux. Selon la Bahrain Teachers Association (BTA), 2 500 enseignants ont été amenés d’Egypte pour remplacer les enseignants bahreïnites licenciés, et le gouvernement a embauché 6 500 autres volontaires locaux non qualifiés, ce qui se traduit par une sérieuse détérioration de la qualité de l’enseignement.
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251. Au moment de la plainte, le ministre du Travail avait refusé de discuter avec la GFBTU des licenciements des travailleurs du secteur public, niant toute responsabilité et renvoyant plutôt ces derniers à la Commission de la fonction publique; 2 815 travailleurs des secteurs public et privé ont été licenciés ou suspendus, touchant ainsi 14 069 personnes si l’on compte les membres de leur famille. Malgré les promesses publiques à l’effet contraire, le gouvernement n’a globalement pas réintégré les travailleurs licenciés illégalement. La GFBTU déclare que seulement 336 travailleurs avaient été réintégrés au moment de la présentation de la plainte et que seuls 212 travailleurs ont vu leur suspension révoquée. De nombreux travailleurs se sont vu imposer des conditions inacceptables, voire illégales, pour pouvoir réintégrer leur emploi, par exemple: renoncer à toute activité politique; se désister de leurs plaintes en suspens devant les ministères du Travail et de la Justice; renoncer à tous paiements ou avantages pouvant leur être dus; accepter de ne pas adhérer à un syndicat. Les contrats à durée indéterminée de certains travailleurs ont été transformés en contrats à durée déterminée. Bien qu’ils restent employés du gouvernement, il ne fait aucun doute que ce dernier continue d’exercer des représailles contre ces travailleurs en raison de leurs opinions politiques et n’hésitera pas à les licencier à nouveau s’ils recommencent à exprimer leur point de vue, comme ils en ont le droit.
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252. Les dirigeants syndicaux ont fait, et continuent de faire, l’objet d’accusations pénales. Par exemple, Mmes Jalila al-Salman, vice-présidente de la BTA, et Roula al-Saffar, directrice de la Bahrain Nursing Society, ont été jugées et condamnées par un tribunal militaire, avant que ces sentences ne soient levées et leur dossier transféré à une juridiction civile pénale. Ce transfert à un tribunal civil constitue un élément positif, mais ces dirigeantes syndicales n’auraient jamais dû être accusées. Le gouvernement a également intenté des poursuites, entre autres, contre les dirigeants syndicaux des sociétés Gulf Air, DHL, GARMCO, BAPCO, avec l’intention manifeste de détruire le syndicat. Mansour Al Jamry, journaliste d’expérience et rédacteur en chef d’Al Wasat, ainsi que trois autres cadres supérieurs du journal, sont poursuivis sous l’accusation d’avoir publié de fausses informations sur la répression policière, punissable d’une peine d’emprisonnement d’un an.
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253. S’agissant des enseignants, l’organisation plaignante explique que le ministère de l’Education a annoncé le 13 mars la fermeture temporaire de toutes les écoles et suspendu l’année universitaire. Lorsque les écoles ont rouvert pour le personnel le 20 mars, les enseignants ont refusé de reprendre le travail, et des bénévoles ont été recrutés pour remplacer les enseignants grévistes; 19 étudiants de l’Ecole normale de Bahreïn ont été arrêtés et 18 professeurs et administrateurs de l’Université de Bahreïn, y compris le doyen de la Faculté de commerce, ont été licenciés. Les membres du conseil exécutif de la BTA ont été arrêtés le 29 mars et sa secrétaire générale, Mme Sana Abdul Razzaq, l’a été le 30 mars. Les forces de sécurité ont perquisitionné à deux reprises (les 20 et 29 mars) la maison de M. Mahdi Abu Dheeb, président de la BTA, et interrogé sa femme et ses enfants; il a été arrêté le 6 avril.
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254. Tous les enseignants des écoles publiques affiliés à la BTA ont décidé de cesser le travail afin d’appuyer le mouvement prodémocratie, mais aussi par crainte pour la vie de M. Mahdi Abu Dheeb, enseignant et dirigeant syndical. Depuis la déclaration de l’état d’urgence en mars, les autorités ont mené des perquisitions avant l’aube au domicile de nombreux étudiants, enseignants et dirigeants syndicaux, détenant certains d’entre eux sans procès pendant des mois et laissant leur famille sans aucune nouvelle. De nombreux autres étudiants ont été expulsés, dont 63 l’ont été le 12 juin. Selon la BTA, plus de 8 000 enseignants ont été touchés par la répression, qui a créé un climat de peur dans le monde de l’éducation.
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255. Le 25 septembre, le tribunal de première instance de sécurité nationale – tribunal militaire de Bahreïn – a condamné Mme Jalila al-Salman et M. Mahdi ‘Issa Mahdi Abu Dheeb à trois et dix ans d’emprisonnement, respectivement, pour leur participation aux manifestations pacifiques en mars dernier; un tribunal civil était censé entendre leur appel le 1er décembre. Ils ont été jugés sous plusieurs chefs d’inculpation, y compris: «incitation à la haine envers le régime»; «appel à renverser et modifier le régime par la force»; «appeler les parents à ne pas envoyer leurs enfants à l’école»; et «appeler les enseignants à cesser de travailler et à participer à des grèves et des manifestations». L’analyse de leurs déclarations n’a mis en lumière aucune preuve d’incitation à la violence.
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256. En outre, des rapports fiables indiquent que Mahdi Abu Dheeb et Jalila al-Salman ont tous deux été torturés en détention. Le 7 juin, un parent du président de la BTA a expliqué aux membres de l’IE que M. Mahdi Abu Dheeb, détenu depuis 61 jours, avait perdu beaucoup de poids en raison des tortures et autres mauvais traitements qu’il a subis. Il était maintenu en isolement dans une pièce sans fenêtre et n’a pas pu consulter un avocat avant le 7 juin. D’autres témoins oculaires confirment que Mahdi Abu Dheeb a été sauvagement torturé quotidiennement durant les trois premiers mois de sa détention, d’avril à juillet 2011. Après son arrestation, il a été emmené au siège de la Direction des enquêtes criminelles (CID) à Adliya, où il a été menotté, les yeux bandés, frappé à la tête, aux oreilles, aux reins et au dos, insulté à propos de ses croyances religieuses, et forcé de rester debout pendant de longues périodes. Le deuxième jour de sa détention, il a été extrait de sa cellule, suspendu au plafond et sauvagement battu avec un tuyau en plastique. Bien qu’il ait signé des aveux forcés, ses gardiens ont continué à le battre et ont menacé de le suspendre de nouveau au plafond. Le 9 avril, il a été transféré au service médical des Forces royales de la défense de Bahreïn et battu de nouveau sur le chemin de l’hôpital. Après qu’il eut reçu des soins médicaux, un policier l’a prévenu qu’il serait battu à nouveau s’il ne suivait pas leurs instructions. Il a été mis en détention dans la cellule no 2 de la prison militaire d’Al Grain, où ses codétenus ont constaté que ses geôliers continuaient à le torturer, lui interdisaient de prier selon le rite de sa religion et ont menacé à plusieurs reprises de le violer. En un mois, il a perdu environ 15 livres, sa santé s’est détériorée et ses reins ont été touchés lors des passages à tabac.
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257. Le 9 mai, il a été ramené pour interrogatoire à la CID, où les policiers ont refusé d’admettre que son corps portait des traces de torture. Une autre personne est entrée dans la salle et l’a menacé de faire appel à des «spécialistes», l’un pour le battre, l’un pour le violer et l’autre pour le torturer par des chocs électriques. On lui a versé de la cendre de cigarette sur la tête. Après avoir signé de nouveaux aveux forcés, destinés à être utilisés par le procureur militaire, Mahdi Abu Dheeb a été autorisé à aller aux toilettes, où il a vu son visage pour la première fois en un mois. Il n’a jamais pu bénéficier des services d’un avocat avant la première audience du tribunal militaire. A son retour à la prison d’Al Grain, après son interrogatoire, il a été battu de nouveau. Il a entamé une grève de la faim le 11 septembre pour protester contre sa détention et l’incarcération de ses collègues et le fait que ses deux lettres aux procureurs militaires étaient restées sans réponse. Le 12 octobre, il a été transféré à la prison de Jaw, qui abrite entre 450 et 500 détenus et est connue par les militants des droits de l’homme pour ses conditions de détention déplorables. Selon certains rapports, d’autres détenus auraient été violemment maltraités durant leur détention. Mahdi Abu Dheeb n’a pas été soigné pour son diabète et son hypertension artérielle au cours de sa détention.
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258. Le 29 mars, plus de 40 agents de sécurité ont perquisitionné la résidence de la vice-présidente de la BTA, Jalila al-Salman, à Manama. Emmenée à la Direction des enquêtes criminelles à Manama, elle est y restée environ une semaine, durant laquelle elle a été battue et maintenue en isolement. Elle aurait été transférée sous la garde de l’armée pendant deux mois, avant d’être transférée à nouveau au centre de détention de la ville d’Issa.
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259. Plusieurs employeurs ont unilatéralement annulé les retenues de cotisations syndicales à la source, apparemment en représailles pour les activités syndicales menées au début de l’année. Ce système de précompte syndical est en place depuis de nombreuses années et n’a jamais été remis en cause auparavant. Ainsi, à la société Arab Shipbuilding & Repair Yard (ASRY), les travailleurs ont remarqué que leur bulletin de salaire du mois de mai et des mois suivants n’indiquait plus de retenues de cotisations à partir, contrairement au bulletin du mois d’avril, bien qu’aucun d’entre eux n’ait démissionné du syndicat; en outre, ni les travailleurs ni le syndicat n’ont demandé à l’employeur de cesser de déduire les cotisations syndicales des chèques de paie. Le syndicat des travailleurs de l’ASRY a écrit en juin à la direction de la société et au ministère du Travail au sujet de cette annulation, mais n’a reçu aucune réponse. Le but de cette manœuvre est manifeste, à savoir priver le syndicat des ressources financières nécessaires pour représenter ses membres.
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260. La société Bahrain Airport Services a également annulé la retenue des cotisations au bénéfice du syndicat (Bahrain Airport Services Trade Union), arguant du fait que les travailleurs en auraient demandé l’annulation. Outre que cela est faux, ce n’est pas la procédure à suivre en pareil cas: si un travailleur démissionne du syndicat, ce dernier informe l’employeur que le travailleur n’est plus syndiqué et lui demande de cesser de retenir les cotisations. Le syndicat a protesté contre l’annulation du précompte syndical par l’employeur en novembre 2011.
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261. Le syndicat en place à la société Gulf Aluminium Rolling Mill Co. (GARMCO) représentait à une certaine époque 750 à 780 employés. Suite aux événements du 13 mars, il a pris des mesures spéciales pour assurer la poursuite de la production malgré l’insécurité totale et la mise en place de barrages routiers; il a même proposé que ses membres fassent deux quarts de travail de douze heures, plutôt que les trois quarts de huit heures habituels, afin d’éviter les problèmes dus au couvre-feu et aux autres obstacles logistiques. Toutefois, des enquêtes ont été ouvertes un mois plus tard, menant à de nombreux licenciements et suspensions. Tout le conseil exécutif syndical a été licencié le 8 mai, après que le syndicat eut déposé plainte contre les licenciements. La société a ensuite fait circuler une pétition dénonçant le syndicat; environ 130 travailleurs l’ont signée, mais plusieurs ont déclaré par la suite qu’ils y avaient été contraints par la force ou par la ruse. La société a ensuite décidé unilatéralement de ne plus «reconnaître» le syndicat. Les dirigeants syndicaux se sont vu interdire l’accès aux locaux du syndicat, qui ont été cambriolés par des agents de la société.
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262. Le 9 octobre, le gouvernement de Bahreïn a modifié la loi sur les syndicats, unilatéralement et sans préavis, afin de réduire au silence la GFBTU, voix indépendante et démocratique des travailleurs du pays. Ces amendements constituaient une nouvelle atteinte grave aux droits fondamentaux des travailleurs de Bahreïn et un acte de représailles évident (et illégal) du gouvernement contre les travailleurs qui n’avaient fait qu’exercer leurs droits syndicaux. L’organisation plaignante craint que les amendements servent à établir et promouvoir des syndicats fantoches, contrôlés par le gouvernement, qui défendront ses politiques antisyndicales et antidémocratiques devant la communauté internationale. Les dispositions suivantes de la loi sur les syndicats ont été amendées:
- L’article 8(1) a été modifié afin d’interdire la constitution d’une fédération syndicale générale, et de permettre uniquement la constitution de fédérations de syndicats «semblables».
- L’article 8(3) autorise le ministre du Travail à décider quel syndicat peut représenter les travailleurs de Bahreïn lors des négociations au niveau national et dans les instances internationales. Comme dans la plupart des pays, ces droits appartiennent à l’organisation syndicale la plus représentative, en l’occurrence la GFBTU. Il s’agit ici d’une tentative flagrante du gouvernement de l’empêcher de continuer à dénoncer devant l’OIT les violations des droits syndicaux perpétrées par le gouvernement.
- L’article 10 permet la création de plusieurs syndicats au niveau de l’entreprise, à condition qu’ils ne soient pas constitués sur une base sectaire, religieuse ou raciale. Ce type de législation autorisant plusieurs syndicats dans une entreprise est pleinement compatible avec le droit international, mais l’adoption de cette réforme, à ce moment et dans ce contexte, soulève de sérieuses questions quant aux motivations du gouvernement. Le texte interdit également aux syndicats d’exercer toute discrimination fondée sur une base sectaire, religieuse ou raciale. La GFBTU est une organisation non sectaire et aucun de ses syndicats affiliés n’est constitué sur l’une de ces bases interdites. Toutefois, l’organisation plaignante craint que le gouvernement ne cherche à identifier et cibler les syndicats à large majorité chiite, ce qui est à prévoir puisque la grande majorité des travailleurs bahreïnites sont en fait chiites. La loi pourrait être invoquée pour radier les syndicats au motif qu’ils ont été établis sur des bases religieuses ou sectaires, même s’il n’existe aucune preuve en ce sens.
- L’article 17 interdit maintenant aux syndicalistes reconnus coupables de violations ayant entraîné la dissolution d’un syndicat ou de son conseil exécutif de postuler à l’instance dirigeante de tout syndicat dans les cinq ans suivant le jugement final prononçant la dissolution du syndicat. Bien qu’une loi interdisant l’élection d’un dirigeant syndical reconnu coupable d’infraction liée à son intégrité – telle la corruption ou la fraude – puisse être appropriée, cet amendement constitue une tentative évidente d’écarter les dirigeants syndicaux qui ont participé à la mobilisation politique au début de l’année. Comme mentionné ci-dessus, les dirigeants syndicaux de plusieurs grandes sociétés – y compris Gulf Air, GARMCO, BAPCO et DHL – ont été cités à comparaître devant les tribunaux pour des faits liés aux manifestations du début de l’année. S’ils sont reconnus coupables, cela pourrait provoquer la dissolution du conseil exécutif de ces syndicats, voire des syndicats eux-mêmes, ce qui porterait un coup sévère à la GFBTU.
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263. Même avant les amendements apportés à la loi sur les syndicats en 2011, la législation du travail de Bahreïn portait sérieusement atteinte aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. Les lacunes les plus graves, décrites ci-dessous, doivent également être réglées par un processus de dialogue social.
- L’article 2 du Code du travail exclut expressément plusieurs catégories importantes de travailleurs de son champ d’application. Certains de ces travailleurs – tels les fonctionnaires et les marins – sont couverts par un régime de relations de travail distinct, mais d’autres catégories de travailleurs semblent être totalement privées de protection, par exemple les domestiques et «travailleurs assimilés», les travailleurs temporaires exerçant des tâches auxiliaires pour une durée de moins d’un an et la plupart des travailleurs agricoles. Les enfants de l’employeur sont également exclus, quel que soit leur âge.
- La législation du travail de Bahreïn a été interprétée de manière à interdire aux travailleurs du secteur public de constituer des syndicats, le gouvernement ayant ainsi refusé de reconnaître six syndicats légitimes dans ce secteur. L’article 10 du décret législatif no 33 de 2002 (la loi sur les syndicats) dispose que «les travailleurs d’un établissement de tout secteur d’activité, ou appartenant à des industries ou professions semblables ou associées, peuvent constituer leur propre syndicat, sous réserve des dispositions de la loi»; toutefois, la circulaire no 1 du 10 février 2003 interdit expressément aux travailleurs de la fonction publique de constituer leur propre syndicat, puisqu’ils peuvent uniquement s’affilier à des syndicats déjà existants du secteur privé. Les dispositions pertinentes de la circulaire no 1 se lisent comme suit: «Conformément à l’article 10 de la loi no 33 de 2002 sur les syndicats, il est interdit aux employés régis par la Commission de la fonction publique de former des syndicats au sein des ministères ou organismes gouvernementaux relevant de l’Administration de la fonction publique, cela étant assimilé à une violation de la loi. Ces employés ont seulement le droit de s’affilier à des syndicats constitués par des travailleurs assujettis à la législation applicable au secteur privé ou au droit maritime… En conséquence, toutes les organisations syndicales et assemblées générales ainsi que tous les conseils et comités exécutifs syndicaux, formés par des travailleurs du secteur public ou encore en existence, sont réputés être des organisations illégales et, partant, considérés comme inexistants. De plus, tous les travailleurs relevant de l’Administration de la fonction publique doivent, s’ils choisissent d’exercer des activités syndicales conformément à la loi, demander leur adhésion à un syndicat déjà constitué en vertu de la législation du travail régissant le secteur privé ou en vertu du droit maritime.» Les dirigeants de la GFBTU ayant demandé à plusieurs reprises au ministre du Travail d’abolir la circulaire no 1, le gouvernement a promis que le Parlement envisagerait de modifier la loi sur les syndicats afin de permettre aux travailleurs du secteur public de constituer leurs propres syndicats. Cependant, dans une communication ultérieure, datée du 22 mars 2007, le gouvernement a informé la GFBTU que toute modification de la loi était différée jusqu’à ce que le mouvement syndical de Bahreïn ait eu le temps de mûrir. Le gouvernement n’a pris depuis aucune mesure pour étendre le droit de liberté syndicale et de négociation collective aux travailleurs du secteur public. En outre, le gouvernement de Bahreïn devrait abroger immédiatement la directive no 3 de 2007, autorisant les autorités à prendre des mesures disciplinaires contre les travailleurs de la fonction publique qui établissent un syndicat dans le secteur public ou s’y affilient.
- Le droit de grève est indûment restreint à Bahreïn, en droit et dans la pratique. L’article 21(e) de la loi sur les syndicats dispose que «les grèves sont interdites dans les installations vitales et importantes comme la sécurité, la défense civile, les aéroports, les ports, les hôpitaux, les transports, les télécommunications, les services d’eau et d’électricité». Cette disposition a été modifiée en 2006 par l’article 21 de la loi no 49, qui interdit les grèves dans «les entreprises stratégiques pouvant menacer la sécurité nationale ou perturber la vie quotidienne des citoyens»; la loi prévoyait également que le Premier ministre prendrait une ordonnance «indiquant les entreprises stratégiques où la grève est interdite». En conséquence, le Premier ministre a publié le 20 novembre 2006 la décision no 62, désignant les secteurs suivants comme entreprises «stratégiques» aux fins de la loi no 49: «les services de sécurité, la défense civile, les aéroports, les ports, les hôpitaux, les établissements médicaux et les pharmacies, tous les moyens de transport de personnes ou de marchandises, les télécommunications, les services d’eau et d’électricité, les boulangeries, les établissements d’enseignement et les installations pétrolières et gazières».
- L’article 133 du Code du travail prévoit que chaque partie peut, de sa propre initiative, demander la conciliation et l’arbitrage pour résoudre les conflits collectifs du travail dans le secteur privé. En outre, le gouvernement peut imposer la conciliation et l’arbitrage, même si aucune partie n’en a fait la demande. Les employeurs ont très souvent invoqué cette procédure – qui peut toutefois durer plusieurs années dans la pratique, bien que le texte prévoie un règlement plus rapide – pour empêcher un syndicat d’exercer son droit de grève. L’article 140 dispose qu’aucun syndicat ne peut faire grève dès que l’employeur présente une demande de conciliation.
- Le Code du travail ne comporte aucune disposition substantive ni de mécanisme procédural en matière de négociation collective, même si cette dernière se déroule effectivement dans les entreprises syndiquées, quoique sous une forme restreinte. Ces «accords» prennent le plus souvent la forme d’un recueil d’ententes distinctes, conclues au fil du temps et portant sur un seul sujet, mais ne constituent pas le résultat d’une négociation collective globale sur les salaires, les heures et les conditions de travail, au sens où on l’entend habituellement. Les syndicats ont exercé des pressions en vue de l’adoption d’une loi sur la négociation collective, mais elles n’ont pas abouti à ce jour. Certains employeurs (par exemple la société BAPCO) ont refusé de négocier collectivement en invoquant l’absence de dispositions expresses à cet égard dans le Code du travail.
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264. En conclusion, le plaignant demande instamment au comité de recommander au gouvernement de Bahreïn de réintégrer inconditionnellement dans leur emploi tous les travailleurs du secteur public illégalement licenciés pour avoir exercé des activités syndicales. Le gouvernement devrait également s’assurer que les travailleurs licenciés dans le secteur privé sont réintégrés sans condition. Toutes les conditions imposées aux travailleurs réintégrés et qui sont incompatibles avec le droit national et international devraient être considérées comme nulles et non avenues. Les poursuites pénales pour activités syndicales devraient être abandonnées, et les travailleurs déjà condamnés devraient être immédiatement libérés. Les récentes modifications apportées à la loi sur les syndicats devraient également être abrogées dans la mesure où elles sont incompatibles avec le droit international; il conviendrait également d’élaborer par la voie du dialogue social de nouveaux amendements rendant la législation du travail conforme aux conventions nos 87 et 98, et de les promulguer dès que possible. En outre, le BIT devrait examiner les récents amendements législatifs qui, bien que conformes aux conventions, soulèvent néanmoins certaines interrogations en raison de la date et du contexte de leur adoption, et de la forte probabilité qu’ils seront utilisés pour affaiblir encore la GFBTU plutôt que pour renforcer le mouvement syndical dans son ensemble.
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265. Dans sa communication du 3 février 2012, l’organisation plaignante indique que la première audience de l’appel des dirigeants de la BTA, Mme Jalila al-Salman et M. Mahdi Abu Dheeb, a eu lieu le 11 décembre 2011 et ajournée au 19 février par la Cour suprême d’appel. Les deux accusés étaient présents; leurs avocats ont demandé que soit versé au dossier le rapport de la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn (BICI), qui fait état des tortures et mauvais traitements infligés à Mahdi Abu Dheeb et à d’autres détenus pendant leur détention. Les avocats ont également demandé le rejet des «aveux» extorqués sous la torture aux deux militants. Le tribunal a rejeté la demande des avocats de la BTA de libérer M. Mahdi sous caution en raison de son état de santé. Le juge a finalement ajourné l’audience au 19 février 2012 et ordonné l’annexion du rapport de la BICI au dossier. Cet ajournement porte atteinte au droit des dirigeants de la BTA à un procès rapide et équitable.
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266. Sept autres membres du comité exécutif de la BTA (voir liste complète en annexe) sont également en procès, et 76 enseignants ont été licenciés pour des raisons similaires, infondées. De nombreux enseignants sont toujours suspendus de leurs fonctions, et la plupart des membres du comité exécutif de la BTA ont été licenciés.
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267. Mme Jalila al-Salman, actuellement en liberté sous caution, a informé l’IE qu’il existe de sérieuses craintes pour la santé de l’ancien président de la BTA, Mahdi Abu Dheeb. Son état de santé se détériore de jour en jour depuis son transfert à la prison de Jaw le 12 octobre, mais l’administration pénitentiaire persiste à lui refuser l’aide médicale d’urgence dont il a besoin. Les tortures et mauvais traitements infligés à Mahdi Abu Dheeb et à d’autres détenus dans les prisons de Bahreïn sont décrits dans le rapport de la BICI, publié le 23 novembre.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
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268. Dans sa communication du 29 février 2012, le gouvernement fournit les informations partielles suivantes en réponse à la plainte. Il affirme que le Royaume de Bahreïn adhère à tous les principes internationaux du travail et aux normes contenues dans les conventions et recommandations de l’OIT. Bien que Bahreïn n’ait pas ratifié les conventions arabes et internationales sur la liberté syndicale, il s’efforce de les respecter dans sa législation nationale, notamment la loi no 33 de 2002 sur les syndicats. En outre, le gouvernement déclare n’avoir pris aucune mesure contre les participants aux grèves déclenchées par la GFBTU et certains de ses syndicats affiliés. De plus, aucune mesure législative n’a été prise contre la GFBTU, qui poursuit ses activités aux échelons local et international et s’exprime librement.
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269. Le gouvernement déclare qu’il continue à assurer le suivi des recommandations formulées précédemment par le Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 2433 et 2552. Il coordonne son action avec les autorités concernées pour donner effet aux recommandations du comité et s’efforce d’élaborer une législation nationale conforme aux normes internationales du travail.
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270. S’agissant du licenciement de 180 employés de la fonction publique, le gouvernement indique que ces travailleurs ont été révoqués en vertu de la décision du Vice-Premier ministre et chef adjoint du Conseil de la fonction publique. Les employés concernés ont été réintégrés dans leur emploi le 1er janvier 2012, avec tous les droits et privilèges reconnus par la loi. Tous les employés licenciés du secteur public ont été réintégrés dans leur emploi, à l’exception de quelques cas actuellement en suspens devant les tribunaux.
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271. En outre, depuis la formation de la Commission tripartite du travail, conformément à l’accord conclu à la 312e session du Conseil d’administration du BIT en novembre 2011 (en rapport avec la plainte en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT pour non respect de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958), le ministère du Travail s’est engagé à examiner tous les cas de licenciement dans les secteurs public et privé.
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272. Le gouvernement a pris des mesures pour réintégrer dans leur emploi les travailleurs licenciés des secteurs public et privé, en application des directives de Sa Majesté le Roi. Le rapport qui doit être communiqué au BIT, conformément à la décision du Conseil d’administration, contient des détails sur le processus de réintégration.
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273. A la date de cette communication, plus de 90 pour cent des employés du secteur privé qui avaient été licenciés ont été réintégrés dans leur ancien poste ou ont retrouvé un autre emploi, grâce aux efforts déployés par le ministère du Travail; les mesures visant à les réintégrer dans leur emploi antérieur ou dans d’autres sociétés, avec les mêmes avantages qu’auparavant ou avec de meilleures conditions, ont été approuvées. En outre, les procédures de réintégration concernant certains autres employés du secteur privé, qui avaient été licenciés et que les entreprises avaient accepté de réintégrer, seront bientôt terminées. La mission du BIT, qui s’est rendue à Bahreïn du 28 février au 2 mars 2012, en a été directement informée.
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274. Quant aux arrestations des dirigeants d’associations d’enseignants, le gouvernement déclare que, selon le ministère de l’Education, la BTA a violé le décret législatif no 21 de 1989, tel qu’amendé, concernant les associations et clubs sociaux et culturels, les organisations et institutions sportives privées pour la jeunesse, décret aux termes duquel l’association a obtenu son statut juridique. Diverses violations lui sont reprochées, notamment: engagement politique; promotion du sectarisme; atteinte à la sécurité nationale et à l’ordre social; inciter les enseignants – y compris ceux des écoles maternelles et des instituts de réadaptation pour personnes handicapées – à négliger leurs obligations professionnelles et éducatives.
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275. Le ministère de l’Education indique en outre qu’il a pris des mesures juridiques, prévues dans la loi sur la fonction publique et ses règlements d’application, afin de traduire les contrevenants devant des comités d’enquête composés de personnes qualifiées et impartiales, en leur offrant toutes les garanties prévues par la loi. Plusieurs employés qui ont été arrêtés et ont fait l’objet d’une enquête ont continué à percevoir l’intégralité de leur rémunération durant leur détention. Les décisions de licenciement ont été annulées, conformément aux directives de Sa Majesté le Roi et aux ordres de Son Excellence le Vice-Premier ministre. Tous les employés visés par ces décisions ont repris leur travail le 1er janvier 2012.
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276. S’agissant des amendements à la loi sur les syndicats, le gouvernement déclare que Sa Majesté le Roi a promulgué le décret législatif no 35 de 2011 modifiant diverses dispositions de la loi no 33 de 2002 sur les syndicats, afin de donner effet aux points de vue exprimés lors de la réunion de dialogue national tenue en juillet 2011. Ces amendements sont conformes aux normes internationales du travail, notamment la convention no 87. Le gouvernement de Bahreïn attache une grande importance à ces normes dans sa législation du travail, estimant que la législation nationale doit suivre les dernières évolutions législatives afin de protéger les droits des travailleurs, qui représentent une grande proportion de la société bahreïnite.
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277. Les modifications les plus importantes introduites par ce décret législatif sont énoncées ci dessous:
- a) Le décret-loi dispose que deux ou plusieurs syndicats représentant des professions ou des secteurs similaires peuvent former une fédération syndicale, à condition que l’assemblée générale du syndicat approuve majoritairement la création d’une fédération et l’adhésion à celle-ci.
- b) Le syndicat le plus représentatif sera désigné par décision du ministre du Travail pour représenter les travailleurs de Bahreïn dans les fora internationaux et pour les négociations collectives au niveau national avec les employeurs. Le ministère du Travail souligne que ces décisions ministérielles sont purement d’ordre administratif et seront basées sur les normes internationales du travail.
- c) En vertu de l’article 10, tel que modifié par le décret-loi, les travailleurs d’un secteur ou d’un établissement donnés exerçant une activité dans des secteurs ou métiers similaires ou connexes ont désormais le droit de constituer un ou plusieurs syndicats de leur choix, à condition que ceux-ci ne soient pas établis sur une base sectaire, religieuse ou ethnique. La loi autorise ainsi les travailleurs d’un établissement à mettre en place plus d’un syndicat pour défendre leurs intérêts et empêche un seul syndicat d’exercer un monopole dans un établissement.
- d) Afin d’assurer le bon fonctionnement des syndicats et des fédérations syndicales et d’empêcher les membres de leur comité exécutif de commettre des violations, le législateur interdit aux personnes jugées coupables de violations ayant entraîné la dissolution d’une organisation syndicale (qu’il s’agisse d’un syndicat, d’une fédération ou de l’organe directeur d’une telle organisation) de postuler à des fonctions à l’instance dirigeante de toute organisation syndicale durant les cinq ans suivant la date de dissolution volontaire d’une organisation ou d’un jugement définitif à cet effet.
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278. Comme indiqué précédemment, ces modifications sont conformes aux normes arabes et internationales du travail. Cependant, le fait que le décret-loi susmentionné introduise le pluralisme syndical au niveau des établissements ou des fédérations ne signifie pas que la loi oblige la multiplication des syndicats et des fédérations. Il appartient aux travailleurs ou aux syndicats de choisir s’ils veulent l’unicité syndicale ou le pluralisme, comme le prévoient les normes arabes et internationales du travail, qui stipulent que la législation nationale devrait prévoir le pluralisme syndical et permettre aux travailleurs de choisir entre unicité et pluralisme syndical. Il convient de noter à cet égard que le pluralisme syndical empêche l’institution de monopoles syndicaux et crée en quelque sorte une émulation entre les syndicats et les fédérations, qui est bénéfique pour les travailleurs et a un impact positif sur la défense de leurs intérêts.
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279. En outre, les modifications introduites par le décret-loi comprennent diverses mesures de contrôle permettant de s’assurer que les syndicats restent fidèles à leurs objets, notamment: les restrictions relatives à la création de syndicats ou d’associations sur une base sectaire, religieuse ou ethnique; et les dispositions interdisant durant une période déterminée la nomination de personnes jugées responsables de la dissolution d’une organisation syndicale ou de son organe directeur, afin d’assurer le bon fonctionnement des organisations syndicales (étant donné qu’il existe actuellement une lacune législative en ce domaine). Il convient de noter à cet égard que le Conseil des représentants a approuvé ce décret-loi, actuellement examiné par le Conseil de la Shura, le deuxième organe législatif du Royaume de Bahreïn.
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280. S’agissant plus généralement des licenciements dans le secteur privé, le gouvernement déclare qu’un certain nombre de sociétés et d’institutions touchées économiquement par des absences de travailleurs ont pris des mesures disciplinaires à leur égard, exerçant ainsi le pouvoir disciplinaire que leur confèrent la loi et les règlements applicables, et agissant dans le cadre de leurs règles internes, approuvées et enregistrées par le ministère du Travail. Parallèlement, en vertu du droit de Bahreïn, les travailleurs et les syndicalistes ayant subi des mesures disciplinaires ont le droit de déposer plainte afin de vérifier que la loi a été correctement appliquée, qu’ils n’ont pas licencié arbitrairement et que les mesures juridiques habituelles ont été prises pour tenter de régler les différends à l’amiable. Lorsque cela n’est pas possible, les dossiers sont renvoyés aux tribunaux compétents pour examen, conformément à l’article 110bis du Code du travail de 1976, applicable au secteur privé.
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281. S’agissant des licenciements dans le secteur public, suite à l’absence de plusieurs employés de ce secteur, les autorités du travail ont mis en place des comités pour enquêter sur ces absences. Ces comités ont remis leurs recommandations concernant les employés absents sans excuse valable au Bureau de la fonction publique, qui doit examiner les dossiers et déterminer les mesures à prendre. Selon les données du Bureau de la fonction publique, les différents ministères et organismes concernés ont transmis les noms de 2 075 employés, auxquels les autorités avaient décidé d’imposer des mesures disciplinaires, y compris le licenciement. Après examen, le Bureau de la fonction publique a pris les décisions suivantes: abandon des accusations dans 19 cas; demande aux autorités du travail de réexaminer huit cas; renvoi de 219 dossiers au Bureau du procureur; acquittement de 18 employés; réduction des peines imposées par les ministères, 1 631 employés étant suspendus de leurs fonctions pour une période n’excédant pas dix jours. Le bureau a joué un rôle important et positif en encourageant les comités de discipline à se conformer à ces directives afin de tourner la page sur les événements.
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282. S’agissant des droits des travailleurs domestiques, bien que le code actuellement applicable au secteur privé ne comporte aucune disposition concernant directement ces travailleurs, leurs droits sont protégés en vertu d’autres lois et règlements applicables au niveau national. Il convient de noter que le nouveau Code du travail, actuellement dans la phase finale d’examen par le pouvoir législatif, contient certaines dispositions protégeant clairement les droits des travailleurs domestiques et assimilés, sur un pied d’égalité avec les autres travailleurs.
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283. Quant aux allégations selon lesquelles certaines entreprises ont cessé de traiter avec leurs syndicats, ont suspendu le prélèvement à la source des cotisations syndicales et ne les reconnaissent plus comme représentants des travailleurs, le gouvernement déclare que le ministère n’a reçu aucune plainte à ce jour, mais qu’il prendra les mesures juridiques voulues si c’est le cas. Le gouvernement souligne l’excellente coopération existant entre certaines entreprises et leurs syndicats, telles les sociétés Aluminium Bahrain et Gulf Petrochemicals Industries.
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284. Le gouvernement conclut en confirmant sa volonté de coopérer pleinement avec l’OIT pour fournir toute information complémentaire demandée par le comité.
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285. Dans sa communication en date du 15 mai 2012, le gouvernement déclare que 57 dirigeants syndicaux ont été réintégrés. Cependant, la GFBTU a transmis dix nouveaux noms. Trois d’entre eux ont été réintégrés et quatre sont en train de l’être, les employeurs des trois cas restants ont saisi la justice de plaintes les accusant de malversation financière. Le ministère du Travail ne ménagera aucun effort pour leur réintégration si la justice venait à décider de leur innocence et que leur licenciement était lié aux évènements politiques.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
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286. Le comité observe que ce cas concerne des allégations graves – arrestations massives, tortures, licenciements, intimidation et harcèlement de membres et dirigeants syndicaux – suite à une grève générale menée en février et mars 2011 pour défendre les intérêts socio-économiques des travailleurs. L’organisation plaignante allègue en outre que le gouvernement s’est ingéré dans les affaires intérieures de la Fédération générale des syndicats de Bahreïn (GFBTU) et a modifié la législation syndicale dans un sens contraire aux principes de la liberté syndicale.
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287. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle le Royaume de Bahreïn adhère à tous les principes et normes internationaux du travail contenus dans les conventions et les recommandations de l’OIT. Bien que Bahreïn n’ait pas ratifié les conventions internationales sur la liberté syndicale, le gouvernement déclare qu’il s’efforce de respecter ces libertés dans sa législation nationale, notamment la loi no 33 de 2002 sur les syndicats. Le gouvernement ajoute qu’il n’a pris aucune mesure de rétorsion contre les participants aux grèves déclenchées par la GFBTU et certains de ses syndicats affiliés.
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288. Le comité souhaite d’abord exprimer sa profonde préoccupation devant les nombreuses et graves allégations énoncées dans la plainte. Il rappelle à cet égard qu’un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l’homme et dans un climat exempt de violence et d’incertitude. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 33 et 45.]
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289. S’agissant des licenciements et des poursuites pénales intentées contre les fonctionnaires, le comité observe qu’un grand nombre de ces questions ont également été soulevées dans la plainte en vertu de l’article 26 contre le gouvernement de Bahreïn pour non-respect de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. Le comité se félicite de l’accord tripartite qui a été signé dans ce cadre (voir annexe I), aux termes duquel les parties se sont engagées à poursuivre leurs efforts pour assurer dans la mesure du possible la réintégration pleine et entière, au plus tard le 30 mai 2012, de tous les travailleurs des secteurs public et privé qui n’ont pas encore été réintégrés dans leurs fonctions. Les parties se sont en outre engagées à abandonner toutes les poursuites judiciaires en cours contre les travailleurs licenciés des entreprises publiques et privées, ainsi que des grandes sociétés, afin de favoriser la paix sociale et d’améliorer les relations professionnelles; le gouvernement s’est également engagé à examiner le cas des 64 fonctionnaires faisant face à des accusations pénales, à s’assurer que ces accusations sont conformes aux normes nationales et internationales, et à réintégrer avec plein salaire et indemnités les travailleurs qui doivent répondre d’accusations non conformes à ces exigences. Dans sa dernière communication, le gouvernement indique que 60 dirigeants syndicaux ont été réintégrés, quatre sont en train de l’être et trois sont dans l’attente d’une décision de justice. Le comité prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur la mise en œuvre de cet accord, ainsi que sur la situation en ce qui concerne tout cas en instance devant la justice.
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290. En ce qui concerne les allégations d’intervention policière excessive lors des manifestations générales, le comité rappelle que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans les situations où l’ordre public serait sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence excessive lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 140.] Le comité note que le rapport de la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn (BICI), mentionné par le gouvernement, contient des recommandations spécifiques sur la promulgation et l’application de normes professionnelles à l’intention de la police, et souligne qu’il était nécessaire de sensibiliser les policiers à ces questions et de leur donner une formation juridique à cet égard; le comité demande au gouvernement de le tenir informé des cours de formation ainsi dispensés.
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291. Le comité note que le gouvernement n’a pas répondu aux allégations d’intimidation et de harcèlement contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux, y compris au moyen d’une campagne qui aurait été menée dans les médias contre la GFBTU et ses dirigeants et d’une communication faite le 12 juin 2011 par un comité mixte de grandes entreprises exhortant les dirigeants de la GFBTU à démissionner immédiatement de leur poste, sous peine d’accusations civiles et pénales, pour leur rôle dans une grève que le comité mixte qualifiait d’illégale. Le comité exprime sa profonde préoccupation face à la nature des allégations d’ingérence qui, si elles sont avérées, pourraient nuire sérieusement au droit des dirigeants syndicaux d’exercer une activité syndicale légitime. Le comité attend du gouvernement qu’il transmette sans délai ses observations sur ces allégations et qu’il fasse en sorte que les mesures voulues soient prises pour protéger les syndicalistes contre ces actes d’intimidation et de harcèlement.
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292. Le comité souligne en outre les allégations concernant l’arrestation, la détention et les actes de torture dont ont été victimes M. Mahdi ‘Issa Mahdi Abu Dheeb, président de la Bahrain Teachers Association (BTA), et Mme Jalila al-Salman, vice-présidente de la BTA, et leur condamnation à trois et dix ans d’emprisonnement, respectivement, par un tribunal militaire de Bahreïn pour leur participation à des manifestations pacifiques. Bien qu’ils se soient pourvus en appel devant les tribunaux civils, le comité observe avec une profonde préoccupation que M. Abu Dheeb reste en détention et que l’organisation plaignante soulève de graves allégations quant aux tortures que lui et Mme Jalila al-Salman ont subies en prison.
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293. Le comité note les informations fournies par le ministère de l’Education, à savoir que la BTA aurait violé le décret-loi no 21 de 1989, tel que modifié, concernant les associations et clubs sociaux et culturels, les organisations et institutions sportives privées pour la jeunesse, décret aux termes duquel la BTA a obtenu son statut juridique. Les infractions qui lui sont reprochées comprennent les activités politiques, la promotion du sectarisme, la mise en danger de la sécurité nationale et de l’ordre social, et d’avoir incité des enseignants, y compris ceux qui travaillent dans les écoles maternelles et les instituts de réadaptation pour les personnes handicapées, à négliger leurs obligations professionnelles et éducatives.
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294. Le comité souhaite d’abord souligner, en ce qui concerne les allégations relatives aux mauvais traitements ou aux autres mesures punitives qui auraient été prises contre les travailleurs ayant pris part à des grèves, l’importance qu’il attache à ce que les syndicalistes, comme toutes les autres personnes, bénéficient d’une procédure judiciaire régulière, conformément aux principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dans les cas allégués de torture et de mauvais traitements de prisonniers, les gouvernements devraient enquêter sur les plaintes de cette nature pour que les mesures qui s’imposent, y compris la réparation des préjudices subis, soient prises et que des sanctions soient infligées aux responsables pour veiller à ce qu’aucun détenu ne subisse ce genre de traitement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 57 et 56.]
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295. Le comité note que la BICI a recommandé dans son rapport qu’une enquête indépendante soit menée sur les allégations de torture et d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants; il s’attend à ce que le gouvernement fournisse des informations sans délai sur les mesures spécifiques prises pour diligenter une enquête sur les allégations de torture à l’égard de M. Abu Dheeb et Mme Jalila al-Salman et sur le résultat de cette enquête et, compte tenu des inquiétudes exprimées par l’organisation plaignante au sujet de la santé de M. Abu Dheeb, de veiller à ce qu’il reçoive immédiatement tous les soins médicaux nécessaires.
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296. En ce qui concerne le maintien en détention de M. Abu Dheeb, le comité rappelle que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques en général, et des libertés syndicales en particulier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 64.] Le comité s’attend à ce que M. Abu Dheeb soit immédiatement remis en liberté, s’il est conclu qu’il est détenu pour l’exercice d’activités syndicales légitimes. Le comité prie instamment le gouvernement de lui communiquer des renseignements complets sur le statut des appels formés par M. Abu Dheeb et Mme Jalila al-Salman et sur les accusations précises portées contre eux, ainsi qu’une copie de tout jugement prononcé à leur égard.
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297. Tout en notant la réponse du gouvernement, qui déclare n’avoir pas reçu de plaintes concernant l’annulation unilatérale des retenues de cotisations syndicales ou le refus d’employeurs de reconnaître les syndicats établis, le comité lui demande de fournir dans son prochain rapport des informations sur le statut des syndicats au sein des sociétés Arab Shipbuilding & Repair Yard (ASRY), Bahrain Airport Services et Gulf Aluminium Rolling Mill Co. (GARMCO), mentionnées spécifiquement dans la plainte.
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298. Le comité prend également note des préoccupations soulevées par l’organisation plaignante quant aux récents amendements de la loi no 33 de 2002 sur les syndicats. Le comité relève notamment les allégations suivantes: 1) il ne serait plus possible de constituer de fédération syndicale générale; 2) le ministère du Travail invoquera son pouvoir discrétionnaire pour désigner les organisations chargées de représenter les travailleurs lors des négociations au niveau national et dans les instances internationales; 3) la date et le contexte de l’introduction du pluralisme syndical dans les entreprises (art. 10) et de l’interdiction de la discrimination par les syndicats sur une base sectaire, religieuse ou raciale font craindre que cette disposition soit détournée pour saper le mouvement syndical; et 4) les restrictions imposées pour les élections syndicales en ce qui concerne les candidats qui ont commis une infraction.
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299. Le gouvernement déclare pour sa part: 1) qu’une fédération peut être constituée si elle se compose de syndicats d’un même secteur; 2) que le choix des syndicats les plus représentatifs par le ministère est une décision administrative d’ordre purement procédural, qui sera basée sur les normes internationales du travail; 3) que la modification de l’article 10 permet aux travailleurs d’un établissement de constituer plus d’un syndicat pour défendre leurs intérêts et empêche un seul syndicat d’exercer un monopole dans un établissement; cela ne signifie pas pour autant qu’il y aura une multiplication de syndicats et de fédérations imposée par la loi; il appartient aux travailleurs et aux syndicats de choisir eux-mêmes s’ils veulent l’unicité ou le pluralisme syndical, comme le prévoient les normes arabes et internationales du travail; en outre, ces contrôles sont nécessaires pour veiller à ce que les syndicats restent fidèles à leurs objectifs, notamment grâce aux restrictions relatives à la création de syndicats ou d’associations sur une base sectaire, religieuse ou ethnique; et 4) que, dans le but d’assurer le bon fonctionnement des syndicats et des fédérations et d’empêcher les membres des instances dirigeantes syndicales de commettre des infractions, le législateur interdit aux personnes jugées coupables de violations ayant entraîné la dissolution d’une organisation syndicale de postuler à des fonctions de direction dans toute organisation syndicale durant les cinq ans suivant la date de dissolution volontaire de l’organisation ou d’un jugement final à cet effet.
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300. Le comité souhaite d’abord exprimer sa profonde préoccupation concernant l’allégation selon laquelle les amendements à la loi sur les syndicats signifient qu’il ne serait plus possible de constituer des fédérations syndicales générales regroupant des organisations de secteurs différents. Le comité rappelle qu’une législation qui empêche la constitution de fédérations et de confédérations au sein desquelles pourraient s’organiser les syndicats ou les fédérations de nature différente qui déploient leurs activités dans la même localité ou la même région, ou sur une base régionale ou nationale, n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 715 et 720.] Le comité prie le gouvernement de confirmer que cet amendement ne portera aucunement atteinte au principe mentionné ci-dessus et que la GFBTU pourra poursuivre légalement ses activités et être pleinement reconnue; le comité invite le gouvernement, si nécessaire, à modifier cette disposition, en pleine consultation avec la GFBTU, afin de préciser que les fédérations syndicales générales peuvent se constituer librement.
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301. S’agissant de l’amendement à l’article 10 introduisant le pluralisme syndical au niveau de l’entreprise et interdisant la constitution de tout syndicat pratiquant une discrimination sur une base sectaire, religieuse ou de croyance, le comité rappelle tout d’abord qu’il avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre en place le pluralisme syndical au niveau de l’entreprise et de modifier l’article 10 lorsqu’il a examiné le cas no 2433. [Voir 340e rapport, paragr. 321-324.] Le comité note les préoccupations exprimées par l’organisation plaignante, à savoir que le contexte de ce changement pourrait viser à miner la GFBTU et ses syndicats affiliés ou être utilisé à cette fin. Le comité rappelle que, lorsque les autorités interviennent dans les activités d’un syndicat librement constitué en créant d’autres organisations de travailleurs et en incitant ces derniers, par des pratiques déloyales, à changer de syndicat, elles violent le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier; le comité s’attend à ce que le gouvernement garantisse le plein respect du principe selon lequel les travailleurs doivent pouvoir, dans la pratique, constituer des organisations de leur choix et s’y affilier, en toute liberté et sans ingérence du gouvernement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 344 et 309.]
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302. En ce qui concerne l’interdiction des organisations qui exercent une discrimination sur une base sectaire, religieuse ou de croyance, le comité rappelle que le principe de la non discrimination en matière syndicale et la formule «sans distinction d’aucune sorte» signifient que la liberté syndicale est reconnue sans discrimination d’aucune sorte tenant à l’occupation, au sexe, à la couleur, à la race, aux croyances, à la nationalité, aux opinions politiques, etc. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 209.] Néanmoins, le comité prend note des préoccupations exprimées par l’organisation plaignante, à savoir que le gouvernement pourrait utiliser cet amendement pour interdire les syndicats essentiellement chiites (ou entraver leurs activités), compte tenu de la présence largement majoritaire de travailleurs chiites dans plusieurs établissements. A cet égard, il rappelle que le libre exercice du droit de constituer des syndicats et de s’y affilier implique la libre détermination de la structure et de la composition de ces syndicats. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 333.] Le comité s’attend à ce que le gouvernement veille à ce que cette disposition puisse exclusivement être invoquée dans les cas où les statuts ou règlements d’un syndicat sont de nature à permettre une discrimination délibérée contre certains travailleurs pour les motifs mentionnés ci-dessus et ne soit d’aucune façon utilisée pour dissoudre une organisation en se basant uniquement sur la composition de ses effectifs.
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303. Enfin, s’agissant de l’amendement interdisant aux personnes jugées coupables d’infraction ayant entraîné la dissolution d’une organisation syndicale ou de son comité exécutif de postuler à des fonctions de dirigeant syndical durant les cinq ans suivant leur condamnation, le comité prend note des préoccupations soulevées par l’organisation plaignante, à savoir que cet amendement constitue une tentative pour écarter les dirigeants syndicaux qui ont participé à la mobilisation politique au début de l’année. L’organisation plaignante craint notamment que, si les dirigeants syndicaux de plusieurs grandes entreprises qui ont été cités à comparaître devant les tribunaux pour des faits liés aux manifestations sont reconnus coupables, cette disposition pourrait provoquer la dissolution de ces comités exécutifs et syndicats et, en dernière analyse, porter un coup sévère à la GFBTU. Le comité rappelle qu’une loi interdisant de manière générale l’accès aux fonctions syndicales pour toute sorte de condamnation est incompatible avec les principes de la liberté syndicale, dès lors que l’activité condamnée ne met pas en cause l’aptitude et l’intégrité nécessaires pour exercer de telles fonctions. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 421.] Le comité prie le gouvernement d’amender la législation afin de veiller au respect de ce principe et, entre-temps, de confirmer que cette disposition ne peut pas être invoquée en rapport avec des condamnations relatives à l’exercice d’une activité syndicale légitime ou du droit de manifestation pacifique.
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304. Le comité note en outre les allégations relatives aux dispositions de la législation du travail à l’égard desquelles il a antérieurement formulé des recommandations, à savoir le droit de liberté syndicale des fonctionnaires et leur droit de grève. Le comité rappelle ses recommandations dans les cas nos 2433 et 2552, priant le gouvernement de modifier la loi sur les syndicats afin de: veiller à ce que les fonctionnaires puissent constituer les organisations de leur choix et s’y affilier; respecter les principes relatifs au droit de grève; et modifier la liste des services essentiels énoncés dans la décision no 62 de 2006 du Premier ministre, de manière qu’elle ne vise que les services essentiels au sens strict du terme. [Voir cas no 2433, 340e rapport, paragr. 326; cas no 2552, 349e rapport, paragr. 424.] Le comité observe que le gouvernement déclare qu’il continue à assurer le suivi des recommandations formulées précédemment par le comité dans les cas nos 2433 et 2552 et a cherché à élaborer une législation nationale conforme aux normes internationales du travail. Le comité invite instamment le gouvernement à prendre très rapidement les mesures voulues pour mettre intégralement en œuvre ses recommandations antérieures.
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305. Le comité note en outre les préoccupations soulevées par l’organisation plaignante quant aux exclusions du champ d’application de la législation du travail concernant les domestiques et «travailleurs assimilés», les travailleurs temporaires effectuant des services auxiliaires pour une durée inférieure à un an, la plupart des travailleurs agricoles, ainsi que les enfants de l’employeur (quel que soit leur âge). Le comité rappelle que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, y compris sans discrimination tenant à l’occupation, devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 216.] Le comité note que, selon le gouvernement, si les travailleurs domestiques ne sont pas régis par le Code du travail applicable au secteur privé, leurs droits sont néanmoins protégés en vertu d’autres lois et règlements nationaux; il ajoute que certains articles du nouveau Code du travail, actuellement dans la phase finale d’examen par l’autorité législative, protègent clairement les droits des travailleurs domestiques et assimilés, sur un pied d’égalité avec les autres travailleurs. Le comité prie le gouvernement d’indiquer la manière dont le nouveau Code du travail garantit pleinement la liberté syndicale des travailleurs domestiques et de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, puissent librement constituer des organisations de leur choix et s’y affilier. Il prie le gouvernement de lui transmettre une copie du projet de loi soumis à l’autorité législative.
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306. Compte tenu des questions importantes soulevées ci-dessus, le comité se félicite de l’engagement de tous les signataires de l’accord tripartite à collaborer pour assurer la réintégration harmonieuse des travailleurs dans leur établissement et le retour à la paix sociale, ainsi que de l’engagement du BIT à fournir l’appui voulu aux entreprises et aux partenaires tripartites concernés, par des activités de renforcement des capacités et de formation facilitant la réintégration des travailleurs et l’amélioration des relations professionnelles et du dialogue social. Le comité s’attend à ce que le gouvernement se prévale très prochainement de l’assistance technique et du soutien du BIT et lui demande de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
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307. Enfin, le comité se félicite de l’engagement pris par le gouvernement, dans le cadre de l’accord tripartite, d’œuvrer à la ratification de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
Recommandations du comité
Recommandations du comité
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308. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité se félicite de l’accord tripartite aux termes duquel les parties se sont engagées à poursuivre leurs efforts pour assurer la réintégration pleine et entière, dans la mesure du possible au plus tard le 30 mai 2012, de tous les travailleurs des secteurs public et privé qui n’ont pas encore été réintégrés dans leurs fonctions. Le comité prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur la mise en œuvre de cet accord, notamment en ce qui concerne la réintégration des syndicalistes et la situation de tout cas en instance devant la justice.
- b) Le comité note que le rapport de la BICI, mentionné par le gouvernement, contient des recommandations spécifiques concernant la promulgation et l’application de normes professionnelles à l’intention de la police et la nécessité de sensibiliser les policiers à ces questions et de leur donner une formation juridique à cet égard; le comité demande au gouvernement de le tenir informé des cours de formation ainsi dispensés.
- c) Le comité s’attend à ce que le gouvernement transmette sans délai ses observations sur les allégations d’intimidation et de harcèlement contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux et fasse en sorte que les mesures voulues soient prises pour les protéger contre de tels actes.
- d) Prenant note des recommandations contenues dans le rapport de la BICI demandant la tenue d’une enquête indépendante sur les allégations de torture et d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants, le comité s’attend à ce que le gouvernement fournisse sans délai des informations sur les mesures spécifiques prises pour diligenter une enquête sur les allégations de torture subies par les dirigeants de la BTA, M. Abu Dheeb et Mme Jalila al-Salman, ainsi que sur le résultat de cette enquête et, compte tenu des inquiétudes exprimées par l’organisation plaignante sur la santé de M. Abu Dheeb, qu’il veille à ce que ce dernier reçoive immédiatement tous les soins médicaux nécessaires.
- e) Le comité s’attend à ce que M. Abu Dheeb soit immédiatement remis en liberté, s’il est conclu qu’il est détenu pour l’exercice d’activités syndicales légitimes. Le comité prie en outre instamment le gouvernement de lui communiquer des renseignements complets sur le statut des appels formés par M. Abu Dheeb et Mme Jalila al-Salman et sur les accusations précises portées contre eux, ainsi qu’une copie de tout jugement prononcé à leur égard.
- f) Le comité demande au gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des informations sur le statut des syndicats dans les sociétés Arab Shipbuilding & Repair Yard (ASRY), Bahrain Airport Services et Gulf Aluminium Rolling Mill Co. (GARMCO).
- g) Le comité prie le gouvernement de confirmer que l’amendement à la loi sur les syndicats ne portera aucunement atteinte au droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier et, pour ces organisations, au droit de former des fédérations et confédérations de leur choix ou de s’y affilier, et que la GFBTU pourra poursuivre légalement ses activités et être pleinement reconnue. Il invite en outre le gouvernement, si nécessaire, à modifier cette disposition, en consultation avec la GFBTU, afin de préciser que les fédérations syndicales générales peuvent se constituer librement.
- h) Le comité s’attend à ce que le gouvernement garantisse le plein respect du principe selon lequel les travailleurs doivent pouvoir, dans la pratique, constituer des organisations de leur choix et s’y affilier, en toute liberté et sans ingérence du gouvernement.
- i) Le comité prie le gouvernement d’amender la législation interdisant aux personnes jugées coupables d’infractions ayant entraîné la dissolution d’une organisation syndicale ou de son comité exécutif de postuler à des fonctions de dirigeant syndical et, entre-temps, de confirmer que cette disposition ne peut pas être invoquée en rapport avec des condamnations relatives à l’exercice d’une activité syndicale légitime ou du droit de manifestation pacifique.
- j) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre très rapidement les mesures voulues pour mettre intégralement en œuvre les recommandations qu’il a formulées antérieurement dans les cas nos 2433 et 2552, notamment en ce qui concerne la nécessité de garantir pleinement le droit de liberté syndicale des fonctionnaires, et de rendre la loi sur les syndicats et la décision no 62 de 2006 du Premier ministre conformes à ses recommandations concernant les restrictions au droit de grève.
- k) Le comité prie le gouvernement d’indiquer comment les droits de liberté syndicale des travailleurs domestiques seront pleinement garantis par le nouveau Code du travail et de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, puissent librement constituer des organisations de leur choix et s’y affilier. Il prie le gouvernement de lui transmettre une copie du projet de loi soumis à l’autorité législative.
- l) Le comité s’attend à ce que le gouvernement se prévale très prochainement de l’assistance et du soutien techniques du BIT pour le renforcement des capacités et la formation, en vue de faciliter la réintégration harmonieuse des travailleurs, ainsi que l’amélioration des relations professionnelles et du dialogue social. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- m) Le comité se félicite de l’engagement pris par le gouvernement, dans le cadre de l’accord tripartite, d’œuvrer à la ratification de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
Z. Annexe
Z. Annexe
- Accord tripartite concernant les questions soulevées dans le cadre de la plainte en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT contre Bahreïn pour non-respect de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, présentée par des délégués à la 100e session
(2011) de la Conférence internationale du Travail
- On rappellera que, à la 100e session (juin 2011) de la Conférence internationale du Travail, plusieurs délégués des travailleurs à la Conférence ont déposé une plainte en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT contre le gouvernement de Bahreïn pour non-respect de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. Selon cette plainte, suite aux événements qui ont eu lieu en février 2011 à Bahreïn, des mesures de suspension et diverses formes de sanction, notamment le licenciement, ont été imposées à plus de 2 000 travailleurs des secteurs public et privé, en particulier des syndicalistes (membres et dirigeants), qui avaient participé à des manifestations pacifiques pour exiger des réformes économiques et sociales et soutenir le processus de démocratisation et de réforme en cours. D’après la plainte, les licenciements ont été décidés pour des motifs liés notamment aux opinions, aux croyances et à l’affiliation syndicale des travailleurs.
- A sa 312e session (novembre 2011), le Conseil d’administration du BIT a approuvé la proposition de son bureau, qui a pris acte de la proposition du gouvernement de Bahreïn selon laquelle:
- a) il instituera une commission tripartite composée d’un membre désigné par le gouvernement, d’un membre désigné par la Fédération générale des syndicats de Bahreïn et d’un membre désigné par les employeurs de Bahreïn;
- b) il veillera à ce que cette commission tripartite ait accès à tous les documents pertinents et siège toutes les semaines pour examiner, avec l’aide d’un conseiller juridique indépendant (BIT) si le gouvernement ou les représentants des travailleurs ou des employeurs en font la demande, la question des licenciements et des réintégrations signalés dans la plainte, et transmettra le procès-verbal de ses sessions au Bureau international du Travail; et
- c) il fera parvenir au Directeur général deux rapports d’étape, l’un en janvier et le second en février 2012, dans lesquels sera indiquée la situation dans l’emploi de chaque travailleur censé avoir été indûment licencié au cours de la période en question. Tout renseignement supplémentaire qui s’avérerait nécessaire sera communiqué au Bureau avant l’ouverture de la session que le Conseil d’administration tiendra en mars 2012.
- Le Conseil d’administration, sur la base de la proposition de son bureau, a invité le Directeur général à apporter au gouvernement de Bahreïn ou aux représentants des travailleurs ou des employeurs toute l’aide ou tout le soutien qu’ils pourraient solliciter en l’espèce, et à faire rapport sur la situation au Conseil d’administration lors de sa session de mars 2012.
- Compte tenu de la décision susmentionnée du Conseil d’administration et en réponse à une demande reçue par la Fédération générale des syndicats de Bahreïn (GFBTU), le Directeur général du BIT a décidé d’envoyer une mission à Bahreïn. Celle-ci, qui était dirigée par Mme Cleopatra Doumbia-Henry, directrice du Département des normes internationales du travail (Note 1), a séjourné dans le pays du 29 février au 11 mars. Le gouvernement de Bahreïn, la GFBTU et la Chambre de commerce et d’industrie de Bahreïn (BCCI) ont apporté leur plein appui à la mission et ont mis à sa disposition toutes les informations requises.
- Les membres de la mission ont également rencontré le Vice-Premier ministre, Son Altesse Mohammed Bin Mubarak Al-Kalifa, le Vice-Premier ministre, Son Excellence Khaled Bin Abdallah Al Khalifa, le ministre du Travail, Son Excellence Jameel Humaidan, la ministre des Droits de l’homme et du Développement social, Son Excellence Fatima Al Balooshi, le ministre de la Santé, Son Excellence Sadek El Shahabi, le président du Bureau de la fonction publique, M. Ahmed Al Zayed, et le président de la Commission nationale de suivi de la mise en œuvre des recommandations du rapport de la Commission d’enquête indépendante (BICI), M. Ali Saleh el Saleh, qui est également le chef de la Shura.
- Le gouvernement de Bahreïn, la GFBTU et la BCCI («les parties») souhaitent confirmer qu’ils ont consenti des efforts considérables pour résoudre l’ensemble des problèmes soulevés dans la plainte, efforts dont la mission du BIT a pu témoigner. Les parties confirment également leur volonté de mettre pleinement en œuvre les recommandations pertinentes contenues dans le rapport de la BICI établi sous la direction de M. Bassiouni.
- Compte tenu des progrès réalisés à ce jour, nous sommes convenus de ce qui suit:
En conséquence des événements de février-mars 2011, plus de 2 200 travailleurs ont été licenciés d’entreprises publiques/privées (1 520 licenciements) et d’entreprises purement privées (697 licenciements).
- Selon le gouvernement, 180 fonctionnaires ont été licenciés, et 1 631 ont fait l’objet d’une mesure de suspension sans traitement pour une période n’excédant pas dix jours. Cette mesure est toujours en cours d’application. En outre, 219 fonctionnaires ont été suspendus avec demi-traitement et ont été traduits devant la justice pénale. Sur ces 219 cas, 155 sont clos et 64 fonctionnaires restent suspendus avec demi-traitement en attendant que la justice se prononce. Vingt professionnels de la santé ont été condamnés et font actuellement l’objet d’une mesure de suspension sans traitement en attendant le résultat de leur appel. Le 10 mars, le procureur général a annoncé à 15 des 20 intéressés que les charges retenues au pénal contre eux avaient été abandonnées et que leur cas serait déféré au Conseil de discipline médicale. L’abandon des charges au pénal permettra à ces 15 personnes d’être réintégrées avec versement rétroactif de leur traitement.
- Selon la GFBTU, 246 fonctionnaires ont été licenciés et 415 suspendus.
- D’après le gouvernement, le nombre total des travailleurs concernés, au vu des données susmentionnées, est de plus de 4 200. Ce chiffre ne prend pas en compte les personnes qui ont été licenciées dans d’autres institutions gouvernementales qui ne relèvent pas du Bureau de la fonction publique. La GFBTU affirme que 65 travailleurs d’institutions gouvernementales ne relevant pas du Bureau de la fonction publique ont été suspendus et 145 licenciés.
- A la date de la signature du présent accord, selon le gouvernement, les 2 050 fonctionnaires qui ont fait l’objet d’une procédure disciplinaire ou de sanctions, y compris le licenciement, ont été tous réintégrés, à l’exception de 64 qui font encore l’objet d’une procédure pénale et d’un qui a été condamné par la justice pénale. D’après la GFBTU, 168 des 246 fonctionnaires qui ont été licenciés ont été réintégrés et 78 sont encore suspendus; dans le secteur public hors fonction publique, 54 des 65 travailleurs qui avaient été suspendus ont été réintégrés et 96 des 145 travailleurs qui avaient été licenciés ont été réintégrés aussi.
- Au sujet des entreprises publiques/privées, sur les 1 520 travailleurs qui avaient été licenciés, tous ont été réintégrés ou sont en cours de réintégration. Le gouvernement s’est engagé à réintégrer tous les travailleurs concernés.
- Au sujet du secteur privé à proprement parler, selon le gouvernement, sur les plus de 697 cas de licenciements qui ont été examinés, 141 personnes ont été réintégrées et 301 ont retrouvé un emploi dans d’autres entreprises. D’après la GFBTU, sur les 734 travailleurs licenciés, 193 ont été réintégrés et le gouvernement a soumis une liste de 176 travailleurs qui ont retrouvé un emploi; cette liste devrait être vérifiée par la GFBTU. Le gouvernement et la BCCI se sont engagés à prendre toutes les mesures nécessaires pour trouver un autre emploi aux travailleurs qui en cherchent un.
- Les parties conviennent de poursuivre leurs efforts pour veiller à la pleine réintégration, tant dans le secteur public que privé, de tous les autres travailleurs, dans toute la mesure possible, au plus tard le 30 mai. Dans le cas où la réintégration ne serait pas possible, des indemnités appropriées devraient être versées ainsi que des prestations sociales. Les parties notent que la plupart des personnes qui n’ont pas encore été réintégrées travaillaient dans de petites entreprises. Le gouvernement s’est engagé à continuer d’agir avec la GFBTU et la BCCI pour placer tous les travailleurs qui cherchent un nouvel emploi.
- Soixante-quatre fonctionnaires continuent de faire l’objet d’une procédure pénale. Le gouvernement s’engage à examiner ces cas pour veiller à ce que les chefs d’inculpation soient conformes aux normes nationales et internationales et à réintégrer, avec l’intégralité du traitement et des prestations, les personnes dont le cas n’a pas été examiné conformément à ces normes. Le gouvernement s’engage aussi à ce que tous les fonctionnaires réintégrés soient en mesure de retrouver les postes qu’ils occupaient avant leur licenciement ou leur suspension. Dans le cas où cela ne serait pas possible, ces travailleurs devraient bénéficier d’un poste équivalent au regard du grade, de la rémunération et des prestations, y compris des indemnités de transport le cas échéant, et pouvoir retrouver leur emploi dès qu’il sera disponible. Le gouvernement s’engage aussi à retirer tous les documents liés aux événements en question qui ont été insérés dans le dossier individuel des fonctionnaires concernés. La GFBTU demande au gouvernement de mettre un terme à toutes les suspensions et réductions de salaires de fonctionnaires en cours d’application. Le gouvernement s’engage à ce qu’aucun autre fonctionnaire ne soit suspendu à cause de ces événements, au-delà des suspensions en cours d’application.
- Toutes les entreprises publiques/privées et les grandes entreprises dans lesquelles des licenciements ont eu lieu s’engagent à réintégrer tous les travailleurs licenciés et soumettront un plan de réintégration des travailleurs au plus tard le 20 mars, réintégration qui devrait être achevée par les entreprises le 1er avril au plus tard. Toutes les entreprises se sont engagées à agir en vue d’une réintégration sans heurts des travailleurs licenciés dans leurs emplois et à ôter des dossiers tous les documents liés aux événements en question. Toutes les parties s’engagent à se retirer de l’ensemble des procédures judiciaires en cours, dans l’intérêt de la paix sociale et pour favoriser l’amélioration des relations sur le lieu de travail.
- En ce qui concerne les travailleurs des entreprises publiques/privées qui n’ont pas été encore réintégrés à la date du présent accord, le gouvernement s’engage à veiller à ce que le nombre des travailleurs non réintégrés soit aussi faible que possible. Les cas en suspens de non-réintégration seront alors soumis pour examen à un mécanisme tripartite approprié. Le gouvernement s’engage à faire en sorte que, à la suite de cet examen, les travailleurs qui n’auront pas encore été réintégrés bénéficient d’un autre emploi, compte étant tenu de leur situation précédente dans l’emploi.
- Le gouvernement de Bahreïn, la GFBTU et la BCCI s’efforceront d’agir ensemble pour garantir la réintégration sans heurts des travailleurs dans leur lieu de travail et le rétablissement de la paix sociale. A cet égard, le gouvernement s’engage aussi à étudier la possibilité de ratifier la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
- La Commission tripartite nationale qui a été mise en place pour donner suite à la décision de novembre 2011 du Conseil d’administration devrait continuer d’agir en vue de la pleine réintégration des travailleurs.
- Assistance technique du BIT
- Les parties se félicitent de l’engagement du BIT d’apporter aux partenaires tripartites et aux entreprises concernées l’appui nécessaire, par le biais d’activités de renforcement des capacités et de formation, en vue d’une réintégration sans heurts des travailleurs, et de contribuer à l’amélioration des relations sur le lieu de travail et du dialogue social, ainsi qu’à la formation sur les normes internationales du travail. La formation et le renforcement des capacités en matière de normes internationales du travail seront aussi étendus aux institutions gouvernementales intéressées ainsi qu’aux autorités judiciaires et au Parlement. Cette assistance portera aussi sur d’éventuelles autres réformes juridiques et sur l’accroissement des capacités institutionnelles de garantir l’application effective de la convention no 111. Le BIT devrait aussi continuer de fournir une assistance pour traiter les questions en suspens et pour veiller à l’application effective du présent accord.
- Fait à Manama, le 11 mars 2012
- Son Excellence Jameel Humaidan, Ministre du Travail
- M. Salman Almahfoudh, Président de la Fédération générale des syndicats de Bahreïn
- M. Othman Sharif, Vice-président de la Chambre du commerce et de l’industrie de Bahreïn
- Mme Cleopatra Doumbia-Henry, BIT
- (Note 1: Les autres membres de la mission étaient Mme Karen Curtis, directrice adjointe; Mme Shauna Olney, coordinatrice, conventions sur l’égalité; M. Walid Hamdan, spécialiste principal des activités pour les travailleurs; et M. Gary Rynhart, spécialiste principal des activités pour les employeurs.)