Afficher en : Anglais - Espagnol
- 798. La plainte figure dans une communication du Syndicat national des infirmières de l’assurance sociale en matière de santé (SINESSS), en date du 18 mai 2009. Le SINESSS a fait parvenir de nouvelles allégations par des communications en date des 21 août et 13 octobre 2009.
- 799. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date des 17 novembre 2009, 25 mai et 20 octobre 2010.
- 800. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 801. Dans sa communication du 18 mai 2009, le Syndicat national des infirmières de l’assurance sociale en matière de santé (SINESSS) allègue le non-respect d’une convention collective conclue avec l’assurance sociale en matière de santé (ESSALUD). L’organisation plaignante déclare qu’ESSALUD est un organisme public dépendant du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi qui offre une couverture sociale aux assurés et à leurs ayants droit sous forme d’allocations au titre de la prévention, de la promotion et du rétablissement de la santé ainsi que des indemnités économiques et sociales correspondant au régime de la sécurité sociale en matière de santé au Pérou. Le SINESSS est une organisation syndicale de premier niveau, dûment inscrite et enregistrée au registre des organisations syndicales des fonctionnaires du ministère du Travail, qui regroupe et représente 8 000 infirmières travaillant dans tout le réseau d’établissements de santé appartenant à l’assurance sociale en matière de santé dans toutes les régions du Pérou.
- 802. Le 16 février 2002, le gouvernement du Pérou a promulgué la loi no 27669 sur le travail de l’infirmière(er), et le 22 juin 2002, par le biais du ministère de la Santé, il a approuvé le règlement de la loi no 27669 par le décret suprême no 004-2002-SA; l’article 19 de la loi no 27669 et l’article 17 du décret suprême no 004-2002-SA disposent que le temps destiné à la relève (rapport d’infirmerie) est compris dans le temps de travail quotidien de l’infirmière. Avant la promulgation de cette loi et de son règlement, les infirmières étaient assujetties à un temps de travail qui n’incluait pas le temps – 20 à 30 minutes – consacré à la relève, laquelle intervient à la fin de la journée de travail de chaque équipe, dans tous les postes d’infirmerie, et consiste à transmettre les informations sur l’état des patients, les équipes et le matériel placés sous leur responsabilité; ceci est désigné sous le nom de «rapport d’infirmerie». Ledit temps n’étant pas considéré comme faisant partie du temps de travail, les infirmières effectuaient des horaires de travail supérieurs à ceux établis par la loi, sans que ces heures soient considérées comme des heures supplémentaires, ce qui, dans la pratique, constitue un acte de discrimination. Les dispositions susmentionnées corrigent cette situation.
- 803. L’organisation plaignante signale qu’ESSALUD et le SINESSS, lors de la négociation collective de 2005, ont conclu, le 26 mai, une convention collective en 22 points qui apportaient des solutions à des questions concernant les rémunérations et les conditions de travail des infirmières d’ESSALUD. Cette convention établissait dans son point 9 la reconnaissance du temps de 20 minutes pour la relève (rapport d’infirmerie), mettant ainsi en application les dispositions de l’article 19 de la loi no 27669 et de l’article 17 du décret suprême no 004-2002-SA. Elle a été approuvée le 2 juin 2005 par la plus haute autorité de l’assurance sociale en matière de santé par l’ordonnance no 390-PE-ESSALUD-2005. En conséquence, la disposition du point 9 de la convention collective reconnaissant que les 20 minutes consacrées à la relève font partie du temps de travail a été appliquée, avec effet rétroactif à partir du 16 février 2002 (date à laquelle la loi no 27669 est entrée en vigueur) et reste à ce jour en vigueur.
- 804. En application de la convention collective et de l’article 2 de l’ordonnance no 390-PE-ESSALUD-2005, la direction générale d’ESSALUD a émis la circulaire no 058-GG-ESSALUD-2005 du 8 septembre 2005, laquelle indique textuellement: «Conformément aux précisions apportées dans la lettre no 6252-GDP-ESSALUD-2005, étant donné que les critères établis dans la loi en question et son règlement (loi no 27669 et décret suprême no 004-2002-SA) prévoient la transmission d’informations non seulement sur les patients, mais aussi sur le matériel et la relève entre professionnels, tous les postes d’infirmerie devront avoir un système de rapport, étant entendu que les infirmières qui n’auraient pas de relève en consultation externe devront remettre un rapport d’infirmerie à la chef de service, responsable ou coordinatrice, selon le cas, et/ou au professionnel responsable de l’établissement». De même, par la circulaire no 57-GG-ESSALUD-2006 du 13 novembre 2006, la direction générale d’ESSALUD précise que la lettre no 058-GG-ESSALUD-2005 reste en vigueur. L’organisation plaignante déclare que, cependant, par l’ordonnance no 217-GG-ESSALUD-2009 du 4 mars 2009, ESSALUD approuvait la directive no 002-GG-ESSALUD-2009, «Normes pour la programmation des soins des travailleurs de la santé, professionnels ou non, dans les centres de santé de l’assurance sociale». La section XIII.3 de cette directive («Du personnel d’infirmerie») dispose que «le rapport d’infirmerie (20 minutes) est établi pendant la journée de travail, dans les services d’hospitalisation et les départements de soins critiques …».
- 805. Selon le SINESSS, par la disposition en question, ESSALUD porte atteinte à la convention collective conclue avec le SINESSS en limitant de manière unilatérale aux infirmières des services d’hospitalisation et des départements de soins critiques la reconnaissance des 20 minutes consacrées à la relève comme temps de travail, alors que le point 9 de la convention collective, ainsi que la circulaire no 058-GG-ESSALUD-2005, du 8 septembre 2005, disposent qu’elle s’applique à tous les postes d’infirmerie. Les infirmières qui travaillent dans les services de consultation externe des établissements de santé sont ainsi exclues et, par conséquent, se voient de nouveau imposer des journées de travail d’une durée supérieure à celle établie par la loi dans ce secteur, ce qui est illégal et discriminatoire. Cette situation avait été corrigée et rectifiée par la loi no 27669 et son règlement, décret suprême no 004-2002-SA, en vertu desquels avait été convenu le point 9 de la convention conclue entre ESSALUD et le SINESSS.
- 806. En effet, en vertu de la section XIII.3 de la directive no 002-GG-ESSALUD-2009, les infirmières qui travaillent dans les services de consultation externe doivent effectuer une journée de travail de 6 heures et 20 minutes, soit une semaine de 37 heures et 20 minutes, donc un mois de 156 heures, ce qui est contraire à l’article 17 de la loi no 27669 sur le travail de l’infirmière et à son règlement approuvé par le décret suprême no 004-2002-SA, lesquels établissent que la durée maximale de la journée de travail de l’infirmière est de 36 heures par semaine ou 150 heures par mois.
- 807. L’organisation plaignante observe qu’il convient de préciser que, en application du point 9 de la convention collective conclue entre ESSALUD et le SINESSS et des pièces complémentaires émises par ESSALUD, qui l’entérinent, depuis 2005, les 20 minutes pour relève de service sont reconnues comme faisant partie du temps de travail de l’infirmière pour tous les postes d’infirmerie sans exception dans les établissements de santé administrés par le défendeur; c’est pourquoi la directive no 002-GG-ESSALUD-2009, et en particulier la section XIII.3, contrevient de manière flagrante à la convention collective. Face à cette situation, le SINESSS a protesté auprès du directeur d’ESSALUD et du ministre du Travail, demandant que la directive no 002-GG-ESSALUD-2009, et tout particulièrement la section XIII.3, soit considérée comme nulle et non avenue car elle porte atteinte à la convention collective, dite texte de compromis, conclue le 26 mai 2005. Faute de réponse, le SINESSS a convoqué une grève nationale illimitée à partir du 18 mai 2009, concernant plus de 8 000 infirmières travaillant dans 325 établissements de santé dans tout le pays.
- 808. Dans sa communication du 21 août 2009, le SINESSS allègue l’ingérence des autorités d’ESSALUD dans la vie interne de l’organisation syndicale. L’organisation plaignante déclare que, en vertu d’un accord émanant de sa plus haute instance exécutive adopté conformément aux articles 8, 10, alinéa d), 24, 26 et 31, alinéa a), du statut, figurant dans les procès-verbaux de la séance plénière nationale des délégués du SINESSS des 13 et 21 mai 2009, elle a demandé par circulaire no 285-S.ORG.CEN.SINESSS.2009 que les cotisations soient retenues sur les salaires des syndiquées. Cette retenue a été effectuée sur les salaires du mois de juillet 2009 et les fonds correspondants ont été versés au syndicat. Il convient de signaler que, la retenue ayant été décidée par la plus haute autorité du syndicat, l’autorisation personnelle des infirmières membres du SINESSS n’est pas requise. Selon le SINESSS, les autorités d’ESSALUD, par un communiqué contenant de fausses affirmations tendancieuses diffusé dans tous ses établissements partout dans le pays, et par la lettre no 3990-GCRH-OGA-ESSALUD-2009, adressée au syndicat, ont remis en cause et contesté cette retenue sur les salaires des affiliées. De plus, elles ont notifié qu’elles procéderaient à la restitution des montants de cotisation retenue à chacune des affiliées; à cet effet, elles ont communiqué leur décision unilatérale d’utiliser à cette fin les fonds constitués par les contributions ordinaires. Le SINESSS, par les lettres nos 236 et 237S.DEF.CEN-SINESSS-2009, s’est adressé au directeur général et au directeur des ressources humaines d’ESSALUD pour réfuter ces exigences, soulignant qu’ils n’ont ni qualité ni pouvoir de qualifier, contester, observer ou ignorer les actes propres à l’organisation interne du syndicat (notamment les retenues effectuées sur le salaire des affiliées en vertu du statut et des accords adoptés par les instances exécutives de l’organisation syndicale). Le SINESSS a demandé à ESSALUD de renoncer à cette démarche, demande qui n’a pas été prise en considération, ESSALUD procédant à la restitution incriminée au mois d’août 2009.
- 809. Dans sa communication du 13 octobre 2009, le SINESSS déclare que le journal El Comercio, du Pérou, dans son édition du 15 juin 2009, a publié un article faisant état de la réutilisation de matériel médical à usage unique dans des opérations chirurgicales en ophtalmologie et en laparoscopie à l’hôpital national Edgardo Rebagliati Martins d’ESSALUD, mettant gravement en danger la santé et la vie de milliers de patients soignés dans cet hôpital. L’organisation plaignante déclare que, vu le fait que l’article mentionnait les infirmières de l’hôpital national Edgardo Rebagliati Martins en tant qu’utilisatrices et responsables de l’utilisation et du nettoyage du matériel à usage unique, vu la gravité des faits et l’absence de réponse à la plainte déposée auprès des autorités (la voie de recours administrative ayant préalablement été épuisée devant les fonctionnaires responsables), dans le but de protéger la santé des patients, le Syndicat national des infirmières d’ESSALUD, par l’entremise de la secrétaire générale du conseil exécutif national, Cecilia Grados Guerrero, assistée de la secrétaire générale du Syndicat des infirmières dudit hôpital, Carmen Chávez Cabrera, a convoqué une conférence de presse, le 19 juin 2009, afin de confirmer la véracité de l’article de presse, notamment en ce qui concerne la réutilisation du matériel à usage unique. Il s’agissait d’alerter les autorités et l’opinion publique d’une situation comportant des risques pour la santé des patients. Ce faisant, la responsabilité des infirmières était écartée.
- 810. Le SINESSS déclare que, le 7 août 2009, les autorités d’ESSALUD, par la décision no 178-GAP-GCRH-OGA-ESSALUD-2009, ont engagé une procédure administrative disciplinaire contre Cecilia Grados Guerrero et Carmen Chávez Cabrera, pour faute disciplinaire grave au motif qu’elles avaient fait des déclarations à la presse et rendu publique la réutilisation de matériel médico-chirurgical dans un hôpital d’ESSALUD. Le SINESSS juge la procédure abusive, les autorités d’ESSALUD ayant, dès le jour suivant la publication, suspendu la pratique consistant à réutiliser le matériel de ce type au niveau national, tout particulièrement dans l’hôpital où cela se faisait couramment, donnant ainsi raison au syndicat. Le SINESSS ajoute que, le 28 septembre 2009, la Commission permanente pour les procédures administratives disciplinaires d’ESSALUD a décidé, à la majorité – le représentant des travailleurs ayant voté contre –, d’infliger les sanctions suivantes: six mois de suspension sans solde à Cecilia Grados Guerrero, secrétaire générale du conseil exécutif national du Syndicat national des infirmières d’ESSALUD, et 12 mois de suspension sans solde à Carmen Chávez Cabrera, secrétaire générale du Syndicat des infirmières de l’hôpital national Edgardo Rebagliati Martins d’ESSALUD, pour faute disciplinaire grave au motif qu’elles ont formulé lesdites déclarations sans y avoir été autorisées par les autorités d’ESSALUD. Elles ont été accusées d’avoir enfreint l’interdiction faite aux fonctionnaires de donner leur avis dans les médias sur «des affaires d’Etat», interdiction prévue dans le statut de la fonction publique (décret législatif no 276); il leur a été reproché en outre d’avoir subtilisé à l’hôpital le matériel médico-chirurgical réutilisé, à titre de preuve.
- 811. En infligeant la sanction disciplinaire, les autorités d’ESSALUD ont ignoré le statut de dirigeantes syndicales et représentantes de 8 000 infirmières d’ESSALUD, sur la base duquel les déclarations à la presse avaient été formulées; il est ainsi porté atteinte à l’exercice de la liberté syndicale consacrée par la Constitution politique du Pérou et les conventions de l’OIT ratifiées par l’Etat du Pérou. Selon le SINESSS, il est pour le moins préoccupant que la sanction ait été infligée et appliquée en dépit des recommandations de la médiatrice, vu que les droits fondamentaux à la liberté d’expression, d’opinion, d’information et à la liberté syndicale ont été violés, ainsi que le droit au travail des dirigeantes syndicales, droits consacrés par la Constitution politique du Pérou. Le SINESSS affirme qu’il y a actuellement une persécution des dirigeants syndicaux nationaux et de base, dans le but de faire taire toute plainte allant à l’encontre des intérêts politiques des fonctionnaires du gouvernement.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 812. Dans ses communications des 17 novembre 2009 et 20 octobre 2010, le gouvernement rappelle que les observations qui lui ont été demandées portent sur une plainte formulée par le Syndicat national des infirmières de l’assurance sociale en matière de santé (SINESSS) pour non-respect de la convention collective conclue entre ledit syndicat et l’assurance sociale en matière de santé (ESSALUD). Le gouvernement déclare qu’il est important de souligner que l’article 28 de la Constitution politique du Pérou consacre les droits d’organisation et de négociation collective. En outre, étant donné que le Pérou a ratifié la convention no 87 et la convention no 98 de l’OIT, les dispositions contenues dans ces instruments internationaux ont force de loi sur le territoire national.
- 813. Le gouvernement, se référant à la législation en vigueur, indique que la loi no 27669 du 16 février 2002 sur le travail de l’infirmière stipule ce qui suit en ce qui concerne le temps de travail et la relève: article 17: Le temps de travail de l’infirmière(er) aura une durée maximale de trente-six heures par semaine ou cent cinquante heures par mois, y compris la garde de jour et de nuit. Le repos rémunéré correspondant aux jours fériés non ouvrables sera comptabilisé dans le temps de travail hebdomadaire ou mensuel de la manière prévue par le règlement. L’article 19 stipule que la continuité du travail d’infirmerie exige une relève entre professionnels à chaque changement d’équipe. De la même manière, le règlement de la loi sur le travail de l’infirmière, daté du 22 juin 2002, approuvé par le décret suprême no 004-2002-SA, dispose dans son article 17 que le temps de travail de l’infirmière(er) a une durée maximale de trente-six (36) heures par semaine, ou cent cinquante heures par mois (150), y compris la garde de jour et de nuit, selon le régime de travail correspondant. Le jour de repos correspondant aux jours fériés non ouvrables sera comptabilisé dans le temps de travail hebdomadaire ou mensuel, selon le régime de travail applicable. L’article 19 dispose que la relève est le temps employé par l’infirmière(er) à la fin de son service, pour informer l’infirmière de l’équipe suivante sur le service, l’état des patients et leur évolution, ainsi que sur le personnel, le matériel et toute autre éventualité. La relève fait partie du temps de travail (…).
- 814. Le gouvernement ajoute que, par la note no 105-GCRH-OGA-ESSALUD-2009, ESSALUD a déclaré que la plainte déposée par le SINESSS a été formulée à une date antérieure à la décision de la direction générale no 855-GG-ESSALUD-2009, du 3 août 2009, décision approuvant le texte unique codifié de la directive no 002-GG-ESSALUD-2009 qui a modifié certains points de la directive originale, établissant dans la section XIII.3 ce qui suit: le rapport d’infirmerie (20 minutes) est établi pendant la journée de travail, dans tous les postes d’infirmerie effectuant un travail d’aide. Les infirmières qui n’ont pas de relève en consultation externe devront remettre le rapport d’infirmerie à la chef de service, la responsable, la coordinatrice et/ou le professionnel responsable de l’établissement, selon le cas.
- 815. Le gouvernement signale, en ce qui concerne les actions de l’autorité administrative du travail, que la Direction nationale de l’inspection du travail indique que les inspections ont conclu que l’ESSALUD a respecté la convention collective depuis l’entrée en vigueur de la décision de la direction générale no 855-GG-ESSALUD-2009, du 3 août 2009, en ce qui concerne la relève (rapport d’infirmerie de 20 minutes) pendant la journée de travail dans les villes de Lima, Junín, Piura et Loreto.
- 816. Le gouvernement déclare que la législation du travail péruvienne qui réglemente la liberté syndicale est conforme aux normes et principes de l’OIT; ainsi, à la lumière de la convention no 98 de l’OIT, elle protège le droit d’organisation et préconise que l’employeur s’abstienne de toute intervention de nature à limiter, restreindre ou entraver le droit d’organisation des travailleurs. L’article 28 de la Constitution du Pérou déclare que la convention collective a force de loi dans le cadre de ce qui a été concerté. Conformément audit précepte constitutionnel, l’article 42 du texte unique codifié de la loi sur les relations professionnelles, approuvé par le décret suprême no 010-2003-TR, réaffirme la force contraignante de la convention collective, laquelle découle de sa nature double, à la fois obligatoire (qui oblige les parties qui l’ont adoptée) et normative (qui oblige les personnes au nom desquelles elle a été signée, celles auxquelles elle s’applique, ou celles qui s’y associeraient ultérieurement). Conformément aux déclarations du tribunal constitutionnel, interprète suprême de la Constitution politique du Pérou, la notion de «force contraignante dans le cadre de ce qui a été concerté» découle du caractère normatif de l’accord collectif. La force contraignante implique que, dans la convention collective, les parties puissent établir la portée et les restrictions ou les exclusions que, de manière autonome, elles auront décidées conformément à la loi.
- 817. Dans sa communication du 25 mai 2010, le gouvernement indique à propos de la retenue sur les salaires des cotisations des affiliés du SINESSS que la note no 124-GCRH-ESSALUD-2009, de la direction générale des ressources humaines d’ESSALUD, précise ce qui suit:
- – les amendes imposées aux affiliés du SINESSS pour non-respect des statuts ont été communiquées à ESSALUD, par lettre no 285-S-ORG-CEN-SINESSS-2009, pour que soient effectuées les retenues correspondantes sur les salaires. Ce n’est qu’après avoir effectué les retenues qu’ESSALUD s’est penchée sur les pièces appuyant la demande et s’est rendu compte qu’elle ne disposait que des procès-verbaux de la séance plénière nationale des délégués du syndicat et non pas des autorisations individuelles de chacune des travailleuses pour lesquelles les retenues extraordinaires étaient demandées;
- – ESSALUD a reçu de nombreuses réclamations – tant par téléphone que par écrit – des travailleuses affiliées au SINESSS indiquant qu’elles n’avaient pas autorisé les retenues en question, lesquelles s’avéraient excessives et grevaient leur budget familial;
- – par lettre no 3990-GCRH-OGA-ESSALUD-2009, le SINESSS a été informé que, faute de prescription légale essentielle des retenues sur les salaires, les montants prélevés seraient remboursés, un délai de 48 heures étant octroyé pour ce faire;
- – selon ESSALUD, cette action ne constitue aucunement une ingérence et, au contraire, est parfaitement conforme à la loi (troisième disposition transitoire de la loi no 28411, loi générale du système budgétaire national; article 28 du décret suprême no 010-2003-TR, texte unique codifié de la loi sur les relations professionnelles disposant que l’employeur, à la demande du syndicat et avec l’autorisation écrite du travailleur syndiqué, est tenu de retenir sur les salaires les cotisations syndicales légales, ordinaires et extraordinaires);
- – ESSALUD signale que l’argument du SINESSS, selon lequel l’autorisation personnelle des syndiqués n’est pas obligatoire lorsque l’instance exécutive suprême du syndicat (assemblée nationale des délégués en séance plénière) a adopté une décision, est dénué de tout fondement et contraire aux normes;
- – il est inexact d’affirmer que le refus d’ESSALUD de retenir les «cotisations extraordinaires» en l’absence d’autorisation des travailleuses constitue une ingérence dans les décisions des dirigeants syndicaux.
- 818. Le gouvernement ajoute que la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de Lima-Callao a précisé, dans le rapport no 715-2009-MTPE/2/12.1, que:
- – en vertu de l’ordre d’inspection no 18058-2009-MTPE/2/12.3, ESSALUD a fait l’objet d’une inspection en ce qui concerne la liberté syndicale; les enquêtes et vérifications correspondantes ayant été effectuées, il a été constaté que 1 974 travailleurs sont affiliés au SINESSS, selon le registre du personnel de septembre 2009;
- – le SINESSS a joint l’attestation écrite des syndiqués autorisant la retenue sur leurs salaires des cotisations ordinaires (il y a été procédé en toute normalité, comme il ressort du registre et des bulletins de paie d’août 2009); cependant, en ce qui concerne les cotisations extraordinaires, il n’a pas présenté l’autorisation écrite des infirmières et infirmiers syndiqués, de sorte qu’ESSALUD n’était pas dans l’obligation d’effectuer les retenues correspondantes;
- – la disposition de l’article 28 du décret suprême no 010-2003-TR approuvant le texte unique codifié de la loi sur les relations professionnelles n’a pas été respectée. Cette disposition s’applique à l’opération sollicitée par le SINESSS dans sa lettre no 329-S-ORG-CEN-SINESSS-2009, dans laquelle le syndicat fournit à ESSALUD la liste des affiliées auxquelles doit s’appliquer la retenue des cotisations extraordinaires et lui demande d’effectuer ces prélèvements en vertu de l’accord conclu en séance plénière nationale extraordinaire des délégués, approuvé en séance plénière extraordinaire (selon le syndicat, cette décision étant issue de son organe exécutif suprême, l’autorisation individuelle des affiliées n’est pas requise, affirmation qui va à l’encontre de l’article 51 de la Constitution, de l’article 8 de la convention no 87 de l’OIT et des articles 10 et 27 du décret suprême no 010-2003-TR); et
- – il ressort de ce qui précède que l’inspection d’ESSALUD n’a pas détecté d’infraction au droit du travail en ce qui concerne les relations professionnelles eu égard aux 1 974 travailleurs inscrits sur le registre du personnel de septembre 2009.
- 819. En ce qui concerne les allégations d’atteinte au droit à la liberté d’expression et d’opinion des dirigeants du SINESSS, le gouvernement déclare que, dans la communication no 175-SG-ESSALUD-2010, du 5 avril 2010, ESSALUD fait état de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre de Irma Cecilia Grados Guerrero et Carmen Chávez Cabrera. Concrètement, il y est précisé ce qui suit:
- – la direction des ressources humaines a jugé recevable en partie l’appel interjeté par Carmen Chávez Cabrera et Irma Cecilia Grados Guerrero contre la décision de la direction no 229-GAP-GCRH-ESSALUD-2009, imposant à la première une sanction disciplinaire consistant en douze mois de suspension sans solde et à la seconde six mois de suspension sans solde. La décision susmentionnée a été modifiée par la décision de la direction générale no 1053-GCRH-OGA-ESSALUD-2009, chacune des intéressées se voyant infliger une suspension sans solde de cinq mois par la commission des procédures administratives disciplinaires, sur la base des alinéas a) et f) de l’article 28 du décret-loi no 276, loi sur la carrière administrative et les traitements dans la fonction publique, pour les motifs exposés dans ladite décision;
- – Carmen Chávez et Irma Grados ont intenté un recours en amparo et ont obtenu une mesure conservatoire en leur faveur. A ce jour, elles ont été réintégrées.
- 820. Le gouvernement indique enfin que: 1) comme l’indiquent ESSALUD et la Direction de l’inspection du travail, exiger l’autorisation de chacun des affiliés au SINESSS de retenir les cotisations syndicales extraordinaires serait conforme à la loi et, en général, à la législation péruvienne relative au droit de négociation collective; 2) la dernière décision de la direction des ressources humaines d’ESSALUD a modifié la sanction administrative infligée à Irma Grados et Carmen Chávez, qui a été ramenée à cinq mois de suspension sans solde. L’une et l’autre ont engagé un recours d’amparo et une mesure conservatoire a été prise en leur faveur de sorte qu’elles ont été réintégrées; 3) en ce qui concerne le nonrespect par ESSALUD de la convention collective du 26 mai 2005 qui reconnaît comme temps de travail les 20 minutes consacrées à la relève (rapport d’infirmerie), il ressort de deux des trois inspections réalisées à l’intérieur du pays que cette disposition est appliquée, autrement dit que le rapport d’infirmerie est établi pendant la journée de travail et dans tous les départements des établissements hospitaliers.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 821. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue le non-respect de la convention collective conclue avec l’assurance sociale en matière de santé (ESSALUD) et conteste la décision d’ESSALUD de restituer aux travailleuses affiliées le montant de la contribution retenue en tant que cotisation syndicale, en utilisant pour ce faire les fonds syndicaux; elle allègue en outre que ladite institution a infligé des sanctions à deux dirigeantes syndicales pour avoir fait des déclarations à la presse.
- 822. En ce qui concerne l’allégation de non-respect de la convention collective conclue entre le Syndicat national des infirmières de l’assurance sociale (SINESSS) et l’assurance sociale en matière de santé (ESSALUD) (il est déclaré concrètement que, en vertu d’une décision de mars 2009 de l’institution, l’application de la disposition no 9 de la convention collective relative à la reconnaissance de 20 minutes pour la relève comme temps de travail est, de façon erronée, restreinte aux seules infirmières qui travaillent dans les services d’hospitalisation et les départements de soins critiques), le comité observe que, selon le gouvernement: 1) la plainte a été déposée antérieurement à une nouvelle décision d’ESSALUD datée du 3 août 2009 prévoyant que le rapport d’infirmerie est inclus dans le temps de travail et s’applique à tous les postes d’infirmerie; 2) le cinquième bureau de la sous-direction de l’inspection du travail a émis l’ordre d’inspection et la Direction nationale de l’inspection du travail a indiqué que les inspections ont conclu qu’ESSALUD a respecté la convention collective depuis l’entrée en vigueur de la décision du 3 août 2009 qui concerne la relève (20 minutes) pendant la journée de travail dans les villes de Lima, Junín, Piura et Loreto. Tenant compte de toutes ces informations et observant en particulier que l’autorité administrative veillerait au respect de la convention collective conclue entre les parties, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.
- 823. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle ESSALUD a décidé de restituer aux travailleuses le montant de la contribution retenue en tant que cotisation syndicale, en utilisant pour ce faire les fonds syndicaux, le comité note que, selon le gouvernement, ESSALUD a fait savoir ce qui suit: 1) ESSALUD a vérifié qu’elle ne dispose que des procès-verbaux de l’assemblée plénière nationale des délégués et non pas d’attestations individuelles des travailleuses concernées autorisant la retenue des cotisations extraordinaires (l’article 28 du décret suprême no 010-2003-TR dispose que l’autorisation des travailleurs affiliés est nécessaire); 2) ESSALUD a reçu – tant par téléphone que par écrit – de nombreuses réclamations de travailleuses affiliées au SINESSS indiquant qu’elles n’avaient pas autorisé les retenues sur leurs salaires, lesquelles étaient excessives et grevaient leur budget familial; 3) par communication no 3990-GCRH-OGA-ESSALUD-2009, le SINESSS a été informé que, faute de prescription légale essentielle concernant les retenues sur les salaires, les montants prélevés seraient remboursés, un délai de 48 heures étant octroyé pour ce faire; 4) cette action ne constitue aucunement une ingérence et, au contraire, est parfaitement conforme à la loi; l’argument du SINESSS, selon lequel l’autorisation personnelle des travailleurs affiliés au syndicat n’est pas nécessaire lorsque l’instance exécutive suprême du syndicat (assemblée nationale des délégués en séance plénière) a adopté une décision, est dénué de tout fondement et contraire aux normes. Le comité note aussi que le gouvernement indique qu’ESSALUD a fait l’objet d’une inspection et que, à cette occasion, le SINESSS a joint l’attestation écrite des syndiqués autorisant la retenue sur les salaires des cotisations ordinaires; cependant, en ce qui concerne les cotisations extraordinaires, il n’a pas présenté l’autorisation écrite des infirmières et infirmiers syndiqués, de sorte qu’ESSALUD n’était pas dans l’obligation de les prélever sur les salaires et que, par conséquent, il n’y a pas eu d’infractions à la législation du travail.
- 824. Le comité rappelle qu’à de nombreuses reprises il a souligné que «la suppression de la possibilité de retenir les cotisations à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n’est pas propice à l’instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée» et que «l’exigence que les travailleurs confirment par écrit leur affiliation syndicale comme condition préalable à la retenue des cotisations syndicales sur leur salaire ne porte pas atteinte à la liberté syndicale». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 475 et 476.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de s’assurer qu’ESSALUD continue à effectuer la retenue des cotisations syndicales des membres du SINESSS qui l’auraient demandé.
- 825. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle des sanctions auraient été infligées, à savoir six mois de suspension sans solde à Cecilia Grados Guerrero, secrétaire générale du conseil exécutif national du SINESSS, et 12 mois de suspension sans solde à Carmen Chávez Cabrera, secrétaire générale du Syndicat des infirmières de l’hôpital national Edgardo Rebagliati Martins, pour leurs actions syndicales, le comité note que le gouvernement déclare ce qui suit: 1) la direction des ressources humaines a jugé recevable, en partie, l’appel interjeté par les travailleuses concernées contre la décision leur imposant les sanctions mentionnées; 2) en conséquence, la décision a été modifiée, chacune des intéressées se voyant infliger une suspension sans solde de cinq mois par la commission des procédures administratives disciplinaires pour faute commise en vertu de la loi sur la carrière administrative et les traitements dans la fonction publique; et 3) les intéressées ont intenté un recours en amparo et ont obtenu une mesure conservatoire, de sorte qu’elles ont été réintégrées. Le comité note que, selon les allégations, ces dirigeantes ont confirmé à la presse une nouvelle selon laquelle du matériel dangereux pour la santé des patients aurait été utilisé, mais elles ont écarté la responsabilité des infirmières mentionnées dans l’article de presse. Le comité prend note de ce que, selon l’organisation plaignante, l’institution n’a pas pris de mesures pour défendre lesdites infirmières et c’est pourquoi les dirigeantes syndicales, après avoir épuisé la voie de recours administrative, ont décidé de répondre à la presse. Le comité rappelle l’importance du principe selon lequel «le droit d’exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l’un des éléments essentiels des droits syndicaux». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 155.] Il signale également que «dans l’expression de leurs opinions, les organisations syndicales ne devraient pas dépasser les limites convenables de la polémique et devraient s’abstenir d’excès de langage». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 154.] Le comité a bon espoir que l’issue finale du recours d’amparo interjeté par Cecilia Grados Guerrero et Carmen Chávez Cabrera contre la décision administrative leur infligeant cinq mois de suspension sans solde tiendra pleinement compte de ces principes et assurera le respect du droit d’expression qui est essentiel pour l’exercice significatif des droits syndicaux. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 826. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de s’assurer que l’assurance sociale en matière de santé (ESSALUD) continue à effectuer la retenue des cotisations syndicales pour les membres du Syndicat national des infirmières de l’assurance sociale (SINESSS) qui l’auraient demandé.
- b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’issue finale du recours d’amparo interjeté par Cecilia Grados Guerrero, secrétaire générale du Conseil exécutif national du SINESSS, et Carmen Chávez Cabrera, secrétaire générale du Syndicat des infirmières de l’hôpital national Edgardo Rebagliati Martins, contre la décision administrative de leur infliger une suspension de cinq mois sans solde.