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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 357, Juin 2010

Cas no 2683 (Etats-Unis d'Amérique) - Date de la plainte: 04-DÉC. -08 - Clos

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  1. 430. La plainte est présentée dans une communication en date du 4 décembre 2008, l’Association des agents de bord – Travailleurs du secteur des communications d’Amérique (Association of Flight Attendants – Communications Workers of America, ci-après «l’AFA-CWA») et la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles (ci-après «l’AFL-CIO»).
  2. 431. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date du 8 octobre 2009, du 25 janvier et du 25 mai 2010.
  3. 432. Les Etats-Unis n’ont pas ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 433. Dans une communication en date du 4 décembre 2008, l’organisation plaignante allègue que le National Mediation Board (ci-après le «NMB» ou le «Conseil»), agence indépendante du gouvernement des Etats-Unis, a érigé des obstacles importants pour les travailleurs des transports aériens et ferroviaires aux Etats-Unis, qui veulent constituer des syndicats et se faire représenter par eux lors des négociations collectives. Les entraves imposées par le NMB ont privé des milliers d’agents de bord de la société Delta Air Lines, Inc. (ci-après «Delta») de leurs droits à la liberté syndicale et à la négociation collective.
  2. 434. Les organisations plaignantes expliquent qu’en 2008 plus de 13 000 agents de bord de Delta ont tenté d’obtenir une représentation syndicale en s’affiliant à l’AFA-CWA. Leur lutte illustre les sérieux défis auxquels sont confrontés les travailleurs qui souhaitent se syndiquer, en raison des règles et procédures du NMB. Delta a mené une campagne antisyndicale agressive contre le syndicat, ce qui lui a permis d’empêcher ses agents de bord de choisir librement leur représentation syndicale. Le NMB a refusé de prévenir les actes d’ingérence de Delta, ou d’y remédier, laissant ainsi les agents de bord de cette société sans représentation syndicale, alors même qu’elle se préparait à conclure une fusion sans précédent, qui influera sur la vie au travail des agents de bord durant de nombreuses années.
  3. 435. Le NMB est chargé d’appliquer la loi sur les relations professionnelles dans l’industrie ferroviaire (Railway Labor Act, ci-après la «RLA»), qui établit un régime de relations professionnelles spécifique pour les chemins de fer et les compagnies aériennes, distinct de la loi nationale sur les relations professionnelles (National Labor Relations Act, ci-après la «NLRA»).
  4. 436. La RLA prévoit ce qui suit:
    • Les employés ont le droit de se syndiquer et de négocier collectivement par l’entremise des représentants de leur choix. La majorité des membres d’un métier ou d’une catégorie d’employés a le droit de choisir le représentant de ce métier ou de cette catégorie d’employés, aux fins du présent chapitre...
  5. 437. En cas de différend concernant la représentation des employés d’une société de transport, le NMB examine le différend et accrédite le représentant autorisé des employés. Dans le cadre de cette enquête, le NMB peut tenir un vote à bulletin secret des salariés concernés, ou utiliser toute autre méthode permettant «de garantir le choix des représentants des salariés, sans ingérence, influence ou contrainte de la part du transporteur».
  6. 438. La méthode normalement utilisée par le NMB pour résoudre les conflits de représentation est un vote au scrutin secret. Lorsque les employés ne sont pas syndiqués, le NMB n’organise un scrutin qu’après avoir reçu des cartes d’adhésion syndicale signées par au moins 35 pour cent des employés du corps de métier ou de la catégorie concernés. Une fois reçu le nombre suffisant de cartes d’adhésion, le NMB définit une période de vote, au cours de laquelle est tenu un vote au scrutin secret. A la fin de la période de scrutin, le NMB procède au dépouillement des votes de la manière suivante:
    • - premièrement, le NMB exige la majorité absolue des salariés ayant le droit de vote, afin d’accréditer un représentant comme agent négociateur; le NMB compte donc tout employé admissible à voter, mais n’ayant pas participé à l’élection, comme un vote contre la représentation syndicale;
    • - en second lieu, estimant qu’il s’agit de votes contre la représentation syndicale, le NMB invalide également: les bulletins où l’intention de l’électeur n’est pas clairement exprimée; les bulletins n’indiquant aucune volonté de représentation syndicale; les bulletins en faveur d’un transporteur ou de son représentant; et les bulletins où l’électeur inscrit «moi-même», «représentation individuelle» ou toute indication équivalente;
    • - enfin, si la majorité requise des employés admissibles à voter l’ont fait dans les règles, un représentant doit certifier la majorité des bulletins de vote exprimés.
  7. 439. Si les majorités requises en faveur de la représentation ne sont pas obtenues, le NMB rejette la demande et refuse d’accréditer un agent négociateur pour les salariés concernés.
  8. 440. La Cour suprême des Etats-Unis a confirmé la validité des règles électorales du NMB, estimant que le choix du mode de scrutin doit être laissé à son appréciation, notant que, contrairement à l’idée communément admise à l’époque, le fait de ne pas prévoir de case «pas de syndicat» sur le bulletin, et de décompter toutes les abstentions comme des votes négatifs, permettrait en réalité aux employeurs d’éviter plus facilement la syndicalisation, et ne faciliterait pas la syndicalisation des travailleurs et la négociation collective:
    • Un employé peut s’abstenir d’adhérer à un syndicat et refuser de négocier collectivement en utilisant le bulletin de vote du Conseil. Il lui suffit pour cela de ne pas voter, ce qui est considéré comme un vote contre la représentation syndicale, selon la pratique du Conseil exigeant que la majorité des électeurs admissibles dans un métier ou une catégorie votent effectivement pour un représentant, pour que l’élection soit déclarée valide. Les modalités pratiques du vote, c’est-à-dire le fait que beaucoup de ceux qui souhaitent une certaine forme de représentation ne votent pas, jouent en faveur des employés qui ne veulent pas de syndicat. En réalité, la méthode proposée par le Conseil est plus efficace que la solution consistant à prévoir l’option «pas de syndicat» sur le bulletin, puisque, si ce choix est offert aux votants, une abstention serait alors perçue comme un vote approuvant le choix de la majorité des votants. C’est la pratique en vigueur au National Labor Relations Board (NLRB).
  9. 441. Comme l’avait prévu la Cour, les règles du NMB ont en effet été extrêmement efficaces pour empêcher les travailleurs de se syndiquer et d’obtenir une représentation aux fins de la négociation collective. Les employeurs hostiles à la syndicalisation ont largement profité du fait que «les modalités pratiques de scrutin» permettent souvent d’empêcher de voter même les travailleurs favorables à une représentation syndicale. Il est beaucoup plus facile pour un employeur d’influencer un employé en l’incitant tout simplement à rester passif et à s’abstenir de voter que de le persuader de prendre le temps de participer activement à une élection et de voter contre la représentation syndicale. Les employeurs peuvent en tirer parti pour abaisser le taux de participation, de telle sorte qu’il y a plus d’employés abstentionnistes que le NMB décompte comme des adversaires de la représentation syndicale.
  10. 442. Il existe une pratique encore plus préoccupante, de plus en plus courante chez les employeurs comme Delta, qui consiste à mener des campagnes sophistiquées et agressives visant à réduire le taux de participation des travailleurs aux scrutins d’accréditation. Un élément clé de ces campagnes est une stratégie générale de communication tirant parti de la position unique de l’employeur, qui est le seul à pouvoir rester en contact régulier et de façon prévisible avec un personnel continuellement en voyage, et qui peut submerger les travailleurs de messages antisyndicaux. L’objectif de ces campagnes n’est pas seulement de convaincre les employés de s’opposer sur le fond à la syndicalisation, mais d’empêcher même les employés de participer au scrutin. Ces campagnes font appel à des techniques telles que des instructions répétées et coordonnées des employeurs aux employés, les incitant à détruire leur bulletin de vote ou les instructions de vote distribuées par le gouvernement, dont ils ont besoin pour participer au scrutin. Lors de ces campagnes, ce sont les bulletins de vote, les instructions officielles de scrutin et le processus de vote lui-même que les employeurs cherchent à transformer en objets de dérision et de mépris, voire pour susciter la crainte chez les employés. Les employeurs ordonnent à leurs salariés de déchirer ou de détruire le bulletin et les instructions de vote, les enjoignent de ne pas utiliser les systèmes de vote par Internet ou par téléphone, et les avertissent de se méfier des manipulations ou des fraudes électorales.
  11. 443. Selon les organisations plaignantes, en menant de telles campagnes, les employeurs espèrent éviter la tenue d’un débat honnête entre les employés sur les avantages potentiels de la syndicalisation. Un employé qui obtempère aux directives de son employeur et détruit les instructions de vote se désengage et se désintéresse du processus électoral. En détruisant les instructions de vote, un employé vote effectivement contre la représentation syndicale avant même d’avoir eu l’occasion d’en discuter les mérites avec ses collègues de travail, ou d’avoir pu réfléchir à ce qu’elle pourrait signifier pour sa vie professionnelle.
  12. 444. En outre, les règles du NMB incitent les employeurs qui s’opposent à la syndicalisation à tenter d’augmenter le nombre d’employés prétendument admissibles au scrutin, et donc de gonfler artificiellement le nombre de voix requis pour obtenir une majorité en faveur de la représentation syndicale. Etant donné que l’employeur est le seul à détenir les informations sur le statut des employés, les possibilités de manipulation du système sont monnaie courante, ce qui nécessite une vigilance constante des employés, des syndicats et du NMB lui-même.
  13. 445. En outre, les règles du NMB aggravent considérablement l’impact que les omissions et les oublis – même mineurs – de l’autorité chargée de surveiller le déroulement du scrutin peuvent avoir sur le droit syndical. Lorsque le NMB ne parvient pas à vérifier intégralement les listes d’admissibilité des employés, cela permet aux employeurs de manipuler le système en gonflant le nombre de salariés abstentionnistes, comptés par le NMB comme opposés à la représentation syndicale. En outre, lorsque le NMB n’envoie pas correctement les instructions de vote par courrier, voire ne les poste pas du tout, cela a des répercussions beaucoup plus profondes, compte tenu de ses règles de décompte des votes. Ces lacunes du système peuvent non seulement empêcher les employés concernés de voter pour ou contre la représentation, comme cela est permis dans le cadre d’autres modes de scrutin, mais les règles du NMB font que chaque employé concerné est compté comme un adversaire de la représentation syndicale.
  14. 446. Reconnaissant implicitement que ses règles électorales normales n’offrent pas des garanties suffisantes contre l’ingérence des employeurs, le NMB peut tenir un deuxième scrutin selon d’autres modalités, pour remédier aux actes d’ingérence dont un transporteur s’est rendu coupable: c’est ce qu’il est convenu d’appeler le scrutin «Laker», où le NMB met un bulletin «oui/non» à la disposition des électeurs, ce qui leur permet de choisir l’option «pas de syndicat». Avec ce mode de scrutin, le NMB n’exige pas qu’une majorité d’employés admissibles participent au vote, et accrédite un représentant dès lors qu’il reçoit la majorité des suffrages exprimés.
  15. 447. Malgré la meilleure protection offerte par le mode de scrutin «Laker» contre l’ingérence des employeurs, le NMB n’y recourt que dans les cas où l’employeur s’est déjà indûment ingéré dans une élection menée selon la procédure normale. Lorsque des employés sollicitent un scrutin «Laker» dès le début d’une campagne électorale afin d’éviter les risques d’ingérence d’un employeur, le NMB refuse habituellement d’accéder à leur demande. En outre, même après la tenue d’une élection entachée de fraude, le NMB ne tient un scrutin «Laker» qu’après avoir mené une enquête et complété d’autres démarches permettant d’établir qu’il y a effectivement eu ingérence. Les employés sont donc privés de représentation pendant toute la durée de cette longue procédure.
  16. 448. En outre, le NMB a formulé des exigences très strictes pour autoriser un scrutin «Laker», même après la tenue d’une élection selon la procédure normale. Premièrement, les travailleurs doivent établir que l’ingérence était suffisamment sérieuse pour justifier des mesures correctives. Dans neuf des 13 décisions rendues par le NMB depuis 2001 sur des questions d’ingérence, ce dernier a statué que les preuves d’ingérence étaient insuffisantes pour justifier une mesure de redressement; il a statué en ce sens même lorsque les plaignants ont présenté des preuves concernant des actes répréhensibles de la part de l’employeur: surveillance des employés, actes de harcèlement, campagne généralisée de communication antisyndicale, etc. Le NMB a accordé une marge de manœuvre particulièrement large aux employeurs, leur permettant ainsi de mener des campagnes exhortant les employés à ne pas participer aux élections syndicales. Cela découle en partie de l’interprétation judiciaire du Premier amendement de la Constitution des Etats-Unis, qui protège le droit des employeurs de s’exprimer contre la syndicalisation. Le NMB applique cette protection reconnue aux employeurs pour permettre aux transporteurs d’exhorter les travailleurs à détruire leurs bulletins et l’information de vote, lors des campagnes syndicales, dans la mesure où ces communications ne sont pas jugées coercitives et ne sont pas factuellement trompeuses.
  17. 449. Même lorsque les travailleurs sont en mesure de prouver au NMB qu’il y a eu ingérence de l’employeur, le NMB n’y remédie pas toujours en ordonnant la tenue d’un scrutin «Laker», puisqu’il n’accède à ces demandes que dans des «circonstances inhabituelles et extraordinaires … où l’ingérence flagrante» de l’employeur a été démontrée. Le NMB n’a tenu un scrutin «Laker» que dans un seul des quatre cas tranchés depuis 2001 où il avait statué que l’ingérence de l’employeur avait entravé le bon déroulement de la période électorale. Dans ce cas, les travailleurs ont pu obtenir la représentation syndicale suite à un scrutin «Laker»; dans les trois autres cas – et bien que les employeurs aient licencié des militants syndicaux, tenu des réunions antisyndicales obligatoires, interrogé des travailleurs sur leurs préférences syndicales, accordé certains avantages durant la période électorale afin d’influer sur le résultat (voire toutes ces mesures à la fois) –, le NMB a ordonné une nouvelle élection, mais a refusé de mettre un bulletin «oui/non» à la disposition des travailleurs, afin qu’ils puissent choisir un syndicat à la majorité des suffrages exprimés. Les employés n’ont pu obtenir la représentation syndicale dans ces élections tenues selon la procédure normale du NMB que dans un seul de ces trois cas.
  18. 450. Le refus du NMB d’autoriser la tenue d’un scrutin «Laker», ou d’ordonner d’autres mesures correctives suffisamment dissuasives pour protéger les employés contre l’ingérence des employeurs, a contribué à nier la représentation syndicale à des milliers d’employés de sociétés de transport ferroviaire et aérien depuis 2001. Toutefois, le rejet de la demande de représentation syndicale des agents de bord de Delta constitue manifestement la plus grave violation récente de la liberté syndicale des travailleurs et de leur droit de s’organiser et de négocier collectivement, dans le cadre des règles du NMB.
  19. 451. En 2001 et 2008, Delta a mené une campagne antisyndicale, agressive et soutenue, contre la participation aux élections syndicales, portant ainsi atteinte au droit syndical de ses travailleurs. Par conséquent, même si l’AFA-CWA a reçu la quasi-totalité des suffrages exprimés lors des deux scrutins, le NMB n’a pu l’accréditer, faute de quorum. Malgré les preuves des tactiques antisyndicales de Delta qui lui ont été présentées, le NMB a refusé d’accéder aux demandes de scrutin «Laker», ou d’ordonner toute autre mesure de réparation contre les actes d’ingérence de l’employeur. L’attitude du NMB a facilité et encouragé les violations des droits des travailleurs de Delta, et a permis le rejet de leurs demandes de représentation syndicale.
  20. 452. Delta occupe une position unique dans l’industrie du transport aérien aux Etats-Unis en ce qu’elle est le plus important transporteur employant des agents de bord non syndiqués. Pour les organisations plaignantes, cela ne constitue pas un hasard: c’est le résultat d’une culture antisyndicale omniprésente dans l’entreprise et favorisée par la direction, et de sa détermination à lutter contre tous les efforts de syndicalisation de ses employés. Malheureusement, Delta a bénéficié des règles et de la jurisprudence du NMB lors de ses campagnes antisyndicales.
    • Le scrutin de 2001 des agents de bord de Delta
  21. 453. Il importe de résumer brièvement le déroulement du scrutin de 2001 pour comprendre le contexte de l’élection de 2008, qui est l’objet principal de cette plainte. Le 29 août 2001, l’AFA a demandé au NMB d’enquêter sur un différend de représentation concernant les agents de bord non syndiqués de Delta.
  22. 454. Avant le dépôt de la demande et pendant la période électorale elle-même, Delta s’est livrée à de nombreuses tactiques pour contraindre les agents de bord à ne pas participer au scrutin. La société a notamment: 1) mis sur pied, et contrôlé, un «Forum consultatif des agents de bord» pour discuter directement des salaires et des conditions de travail avec les employés; 2) commandité et coordonné un groupe d’employés opposé à la syndicalisation, dénommé la «Freedom Force», et favorisé la communication de son message antisyndical au détriment de celle des travailleurs favorables à la syndicalisation; 3) harcelé, interrogé et surveillé les partisans de l’AFA, y compris par une présence accrue des superviseurs dans les salles du personnel où les employés auraient pu discuter de l’élection; 4) lancé une campagne systématique de communication antisyndicale sur le lieu de travail; et 5) mené une campagne de désinformation sur le processus électoral, en invitant de façon répétée les employés à déchirer et détruire leur bulletin de vote.
  23. 455. L’AFA a sollicité l’aide du NMB à deux reprises pour lutter contre cette ingérence de l’employeur, avant l’élection et après celle-ci. Dans les deux cas, le NMB a refusé de prendre des mesures pour protéger le droit des agents de bord de se syndiquer.
  24. 456. Le 6 septembre 2001, l’AFA a déposé une requête auprès du NMB, lui demandant de statuer que Delta s’ingérait dans le droit de ses employés de se syndiquer, et l’a invité à tenir un scrutin «Laker». Le 26 octobre 2001, le NMB a constaté que le requérant avait fait la preuve prima facie d’une ingérence, mais a rejeté la demande de scrutin «Laker», s’engageant à poursuivre l’examen des allégations d’ingérence après l’élection. Le 7 novembre 2001, le NMB a décidé que l’élection se tiendrait selon la procédure normale.
  25. 457. Delta a poursuivi sa campagne antisyndicale agressive, distribuant des messages antisyndicaux, harcelant les partisans du syndicat et exhortant les agents de bord à détruire leur bulletin de vote et à ne pas participer à l’élection. Lors du dépouillement des bulletins effectué le 1er février 2002 par le NMB, l’AFA a recueilli 5 520 voix, soit 98 pour cent des suffrages validement exprimés. Toutefois, le NMB a rejeté la demande de l’AFA parce que seulement 30 pour cent des 19 033 employés admissibles avaient participé au scrutin.
  26. 458. Après l’élection, le NMB a poursuivi l’enquête sur les allégations d’ingérence qu’elle avait engagée en réponse à la requête présentée par l’AFA avant le scrutin, et a publié ses conclusions le 12 décembre 2002. Bien qu’il ait constaté une série de preuves étayant les allégations d’ingérence présentées par l’AFA, et qu’il se soit déclaré «troublé et perturbé» par l’attitude antisyndicale de Delta, le Conseil a finalement conclu, dans une décision partagée, que les actes d’ingérence de l’employeur ne justifiaient pas la tenue d’un nouveau scrutin, selon la procédure «Laker». Un membre du panel, composé de trois personnes, a rendu un jugement dissident en termes vigoureux, se déclarant «absolument incapable de comprendre le raisonnement tortueux de la majorité», concluant que l’ingérence de Delta avait entaché le processus nécessaire à la conduite d’un scrutin libre et équitable.
  27. 459. Le NMB ayant refusé d’intervenir malgré ces preuves «troublantes et perturbantes» d’ingérence de l’employeur, les agents de bord de Delta se sont vu refuser la possibilité d’utiliser un bulletin de vote comportant l’alternative «oui/non» lors d’un scrutin «Laker». Incapables de surmonter la campagne antisyndicale de Delta et déboutés par le NMB, les agents de bord de la société ont été privés de représentation syndicale aux fins de négociation collective.
    • Le scrutin de 2008 des agents de bord de Delta
  28. 460. En 2008, les agents de bord de Delta ont présenté une nouvelle demande de représentation syndicale. Le 14 février 2008, l’AFA-CWA a demandé au NMB d’enquêter sur un différend de représentation au sein de la société. Le 18 mars 2008, le NMB a décidé d’organiser un scrutin et fixé la période électorale du 23 avril au 28 mai 2008.
  29. 461. Lors des élections de 2008, le NMB a de nouveau laissé Delta mener une vaste campagne d’ingérence, qui lui a permis d’abaisser le taux de participation au scrutin, et a effectivement privé les agents de bord de Delta de leur liberté syndicale, du droit de s’organiser et de négocier collectivement. Le NMB, tant par l’application de ses règles et procédures que par les mesures prises dans ce cas particulier, a permis à Delta de mener sa campagne antisyndicale, et l’y a même encouragée.
  30. 462. Le 1er avril 2008, l’AFA-CWA a demandé au Conseil de recourir à la procédure «Laker» pour ce scrutin syndical, insistant notamment sur les pratiques passées d’ingérence de Delta dans les droits syndicaux de ses employés. Le 15 avril 2008, le Conseil a rejeté cette demande, concluant que les circonstances «inhabituelles et extraordinaires» justifiant le recours à un autre mode de scrutin n’étaient pas réunies en l’espèce. Comme pour l’élection de 2001, le NMB n’a donc fourni aucune protection supplémentaire aux agents de bord et a permis à Delta de poursuivre ses tactiques d’ingérence afin d’abaisser le taux de participation à l’élection.
  31. 463. Le 5 mai 2008, l’AFA-CWA a de nouveau écrit au NMB concernant l’ingérence de Delta dans le droit des agents de bord d’élire un représentant de leur choix, et lui a demandé de mener une enquête. Dans sa requête, l’organisation plaignante décrivait la campagne antisyndicale récemment lancée par Delta, y compris les instructions répétées aux employés de détruire les instructions de vote communiquées par le NMB, ainsi que les renseignements trompeurs concernant le droit des employés à participer au scrutin. Le jour même où il a reçu la lettre, le NMB a décidé qu’aucune mesure ne s’imposait pour remédier à l’attitude de Delta pendant la période électorale.
  32. 464. Tout au long de la période électorale, Delta a de nouveau mené une campagne agressive pour s’ingérer dans le droit de ses agents de bord de se syndiquer. Un compte rendu détaillé de la campagne antisyndicale de Delta et la documentation utilisée par la société durant cette campagne sont joints à la présente plainte. Les éléments clés de l’attitude antisyndicale de Delta sont résumés ci-dessous:
    • - Campagne de communication antisyndicale: Delta a lancé une vaste campagne de communication antisyndicale, qui a saturé le milieu de travail des agents de bord. Les instructions répétées de la direction, exhortant les agents de bord à détruire les instructions de vote communiquées par le gouvernement, dont ils avaient besoin pour participer à l’élection, constituaient l’un des axes essentiels de cette campagne. La campagne de communication comportait également de fausses allégations, selon lesquelles la confidentialité des instructions pouvait avoir été compromise, afin de permettre des fraudes électorales. La campagne était conçue pour submerger les employés de messages antisyndicaux et d’informations trompeuses, et les inciter à ne pas participer au scrutin de représentation.
    • - Dans le cadre de cette campagne, Delta a installé des stands d’information et posté de grandes affiches et des bannières dans tous les salons du personnel, exhortant les agents de bord à détruire les instructions de vote reçues du NMB. Toutes les communications véhiculaient le même slogan: «Détruisez les instructions. Ne cliquez pas. Ne téléphonez pas.» La société a également distribué des badges portant l’inscription «shred it» aux agents opposés à la syndicalisation, afin qu’ils les portent durant les vols pour inciter les autres employés à détruire leurs instructions de vote. La campagne visait à abaisser le taux de participation, en incitant les agents de bord à détruire définitivement leurs instructions de vote, avant d’avoir eu le temps de réfléchir aux enjeux du scrutin et d’en discuter avec leur collègues.
    • - La société a aussi inondé les agents de bord de messages antisyndicaux par le biais de son bulletin d’information interne I believe in our Delta, qui demandait aux employés de détruire leurs instructions de vote et donnait une information erronée, soit qu’il était nécessaire de détruire ces instructions pour empêcher le syndicat de commettre des fraudes électorales. En outre, le bulletin d’information mettait les travailleurs en garde contre l’exercice d’activités syndicales à bord des avions, et tournait en dérision les avantages de la syndicalisation. Delta a programmé une version électronique du bulletin, qui apparaissait sur les écrans du système informatique de la société chaque fois que les agents de bord se connectaient pour vérifier leur horaire de travail; la direction a également distribué des exemplaires du bulletin d’information dans les salons du personnel et les halls de l’aéroport.
    • - Delta a également produit un DVD, qu’elle a envoyé au domicile de chaque agent de bord, incluant un message personnel du PDG de la société, indiquant qu’un vote en faveur de la syndicalisation nuirait «aux bonnes relations» entre Delta et ses employés. Le DVD contenait également plusieurs informations trompeuses au sujet des avantages d’un milieu de travail non syndiqué, et des difficultés qui résulteraient d’un vote en faveur de la représentation syndicale. Une copie du DVD est jointe à la plainte.
    • - Harcèlement, intimidation et surveillance des partisans du syndicat: la direction de Delta a également entravé le processus électoral par des tactiques de harcèlement et d’intimidation des agents de bord partisans du syndicat. Des membres de la direction et des employés favorables à son point de vue étaient constamment présents dans les salons du personnel et les halls de l’aéroport pour affirmer une présence antisyndicale constante, ainsi qu’à bord des avions en certaines occasions. La direction et ses représentants ont ordonné aux militants syndicaux d’enlever les insignes et la documentation prosyndicale, ont interrogé les agents de bord sur leurs sympathies syndicales, et ont surveillé et harcelé les partisans du syndicat. Ces activités ont nui à la capacité des agents de bord de communiquer avec leurs collègues au sujet de la syndicalisation, et de participer à l’élection sans crainte de représailles.
    • - Octroi d’avantages pour influencer les employés pendant la période électorale: Delta a aussi cherché à influencer le résultat du scrutin en annonçant, durant la période électorale, que deux nouveaux avantages sociaux seraient attribués aux employés. L’octroi de ces avantages en période électorale déséquilibre le rapport de force car il rappelle aux employés que l’employeur a la faculté de donner (et de reprendre) ce type de prestations, et utilise la puissance économique de l’employeur pour exercer sur les employés une influence qui est hors de portée du syndicat. Au beau milieu de la période électorale, Delta a annoncé pour les employés non contractuels une augmentation salariale qui entrerait en vigueur après le dernier jour de la période électorale syndicale, réussissant ainsi à saper le soutien à la syndicalisation. En outre, après que l’AFA-CWA eut déposé sa demande d’élections syndicales, Delta a annoncé deux nouveaux programmes de retraite anticipée volontaire, dont la période d’inscription chevauchait largement la période électorale, et le dernier jour pour choisir une date de retraite coïncidait avec le jour de dépouillement des votes. Les employés souhaitant se prévaloir des programmes de retraite étaient donc peu enclins à participer au scrutin, étant donné leur départ imminent; toutefois, ils restaient tous inscrits au registre salarial de Delta pendant la période électorale (même s’ils avaient notifié à l’employeur leur intention de quitter leur emploi avant la fin de la période électorale). Ces programmes de retraite volontaire anticipée ont ainsi permis à Delta de maintenir artificiellement un nombre élevé de votes requis pour satisfaire les exigences du NMB en matière de quorum, tout en éliminant complètement pour de nombreux employés l’intérêt qu’ils auraient eu à participer au scrutin.
  33. 465. Par cette campagne d’ingérence, Delta a réussi à réduire le taux de participation des employés au scrutin de représentation. Le NMB a procédé au dépouillement des bulletins de vote le 28 mai 2008. D’après le décompte final, 5 253 employés, ou 99 pour cent, ont choisi l’AFA-CWA pour les représenter lors de leurs négociations. Cependant, le NMB a de nouveau refusé de certifier l’AFA-CWA comme agent négociateur des agents de bord parce que seulement 5 322 des 13 380 employés admissibles à voter avaient exprimé un suffrage valide.
  34. 466. Après le dépouillement des votes et le rejet de la demande, l’AFA-CWA a déposé une autre plainte auprès du NMB, détaillant la campagne d’ingérence de l’employeur et demandant un nouveau scrutin. Après une période de presque quatre mois, le NMB a refusé d’ouvrir une enquête sur la plainte pour ingérence. Le panel a conclu que les tactiques mentionnées par le syndicat étaient des incidents isolés, qui ne constituaient pas une preuve prima facie de l’ingérence de l’employeur. Le NMB a également conclu que Delta n’a pas commis d’ingérence en exhortant les employés à détruire les instructions de vote, parce que celles-ci informaient précisément les employés sur la façon de voter contre le syndicat. Un membre du panel s’est vivement désolidarisé de la majorité, déclarant que cette dernière avait failli à son devoir en refusant d’ouvrir une enquête. Compte tenu de la décision du NMB, il n’y a pas eu de nouveau scrutin, selon la procédure «Laker», et les agents de bord de Delta ne sont toujours pas syndiqués.
  35. 467. En outre, le NMB a unilatéralement abrégé la période électorale, décidant le 24 mars 2008 qu’elle s’étendrait du 23 avril au 3 juin 2008. Saisi le 1er avril 2008 des préoccupations exprimées par l’AFA-CWA concernant l’ingérence de l’employeur, le NMB a décidé, unilatéralement et sans consultation, de limiter la période électorale. Le 3 avril 2008, il a modifié la date du dépouillement, l’avançant du 3 juin au 28 mai 2008. L’AFA-CWA a protesté contre cette décision, soulignant qu’une petite unité d’agents de bord avait bénéficié d’une période électorale de six semaines lors d’une autre élection, alors que les agents de bord de Delta n’avaient que cinq semaines. Le NMB a débouté l’AFA-CWA, réitérant que la période électorale serait raccourcie d’une semaine, sans toutefois donner d’explications. En réduisant ainsi la période électorale, la NMB a refusé de donner à l’AFA-CWA un temps suffisant pour communiquer avec les agents de bord et contrer la campagne antisyndicale de Delta.
  36. 468. Une période électorale suffisamment longue était particulièrement importante dans le cas de Delta, où des milliers d’agents de bord sont dispersés dans tous les Etats-Unis et dans le monde entier à un moment donné. L’employeur bénéficie ainsi d’un avantage unique, étant le seul à pouvoir communiquer régulièrement avec chacun de ces employés, ce qui lui donne un avantage marqué dans la transmission de son message antisyndical aux travailleurs. En revanche, le syndicat et ses partisans doivent faire des efforts démesurés pour rejoindre dans un court laps de temps le plus grand nombre possible de leurs collègues, largement dispersés et constamment en voyage.
  37. 469. En outre, le NMB a permis à l’employeur de manipuler la liste des employés admissibles le 29 février 2008. Delta a présenté au NMB une liste des noms qu’elle souhaitait inclure dans le groupe d’employés admissibles à voter. Comme il a été indiqué précédemment, l’employeur a intérêt à inclure le plus grand nombre possible de noms sur la liste d’admissibilité, afin de faire augmenter le nombre d’électeurs requis pour l’accréditation d’un syndicat. Les 9 et 15 mai 2008, après avoir examiné la liste de Delta et les oppositions formulées par l’AFA-CWA, les enquêteurs du NMB ont statué sur l’admissibilité des employés à participer à l’élection. L’AFA-CWA s’est pourvue contre ces décisions d’admissibilité, mais le NMB a rejeté son appel dans une décision du 28 mai 2008, jugeant que 82 stagiaires qui avaient achevé leur formation, mais n’avaient pas encore été affectés à un équipage spécifique, pouvaient néanmoins être inclus sur la liste d’admissibilité, qui est censée se limiter aux employés «travaillant régulièrement» dans l’unité de négociation. En outre, le NMB a décidé que 901 agents de bord, alors en congé sans solde, pouvaient aussi être inclus sur la liste d’admissibilité, même si un tel congé peut durer jusqu’à cinq ans, et bien que Delta ait décidé d’embaucher de nouveaux agents de bord plutôt que de rappeler au travail ces employés en congé sans solde.
  38. 470. Ce faisant, le NMB a permis de conserver sur la liste d’admissibilité des agents de bord n’ayant qu’un rapport distant avec le lieu de travail, c’est-à-dire des stagiaires non encore affectés à un poste régulier, et des agents de bord en congé sans solde que la société n’avait pas jugé bon de rappeler au travail lorsqu’elle avait eu besoin de personnel. La décision du NMB a permis à Delta d’ajouter 983 travailleurs à la liste des employés admissibles à voter, et donc d’augmenter de 492 voix le nombre de votes requis pour atteindre le quorum. Parallèlement, en autorisant le maintien sur la liste des employés les moins motivés par le scrutin, le NMB a augmenté le nombre prévisible d’abstentions, qui seraient considérées comme autant de votes contre la représentation syndicale.
  39. 471. Le manque d’intérêt du NMB pour l’intégrité de la liste d’admissibilité des employés se reflète également dans la manière dont il a traité le cas d’un agent de bord, inclus sur la liste, bien qu’il fût entre-temps décédé. Ayant été informé qu’un des agents de bord mentionné sur la liste d’admissibilité était décédé, le NMB a refusé de le radier de la liste parce que l’avis de décès avait été reçu moins de sept jours avant le dépouillement des votes. Le NMB s’en est strictement tenu à ses règles concernant les délais pour la notification d’un changement de statut, estimant que la mort n’était pas une «circonstance extraordinaire» justifiant une renonciation au délai. En conséquence, l’agent de bord décédé est resté sur la liste d’admissibilité, et le NMB a compté son abstention comme un vote supplémentaire contre la syndicalisation. Il a infirmé cette décision par la suite, lors de l’examen des plaintes pour ingérence présentées par le syndicat après le scrutin, notant cependant que cela n’influait aucunement sur le résultat des élections. Toutefois, cette décision est révélatrice des pratiques du NMB, qui refuse de protéger le droit des travailleurs de choisir librement la représentation syndicale lorsque cette protection est la plus nécessaire, c’est-à-dire avant et pendant la période électorale elle-même.
  40. 472. En outre, le NMB a omis de s’assurer que tous les employés avaient reçu des instructions de vote appropriées. En vertu des procédures d’élection du NMB, les agents de bord ont le droit de voter par téléphone ou par Internet. Pour assurer l’intégrité et le secret du mode de scrutin, le NMB a pour pratique d’envoyer par courrier à chaque agent de bord un numéro confidentiel d’identification devant être utilisé pour voter par téléphone ou par Internet. Toutefois, de nombreux agents de bord de Delta ont déclaré avoir reçu leurs instructions de vote dans des enveloppes endommagées, ouvertes, ou collées à des enveloppes destinées à d’autres agents. Ces erreurs de postage se sont produites dans le contexte de la campagne de Delta (décrite en détail ci-dessous) visant à dissuader les salariés de voter, leur indiquant notamment que la confidentialité des numéros d’identification personnels pouvait avoir été violée, à des fins de fraude électorale. En conséquence, plusieurs agents de bord ayant reçu des instructions de vote qui semblaient avoir été altérées ont refusé de voter. Conformément aux règles du NMB, toutes ces abstentions ont été comptées comme des votes contre la représentation syndicale.
  41. 473. Enfin, le NMB a ajouté un obstacle supplémentaire aux tentatives des agents de bord de Delta d’obtenir une représentation syndicale, en ne fournissant pas rapidement d’autres instructions de vote aux employés qui en faisaient la demande. Comme il est expliqué ci-après, Delta a exhorté de façon répétée ses employés à détruire les instructions de vote que le NMB leur avait envoyées par courrier. En outre, plusieurs agents de bord ont reçu des instructions de vote semblant avoir été altérées ou avoir fait l’objet de manipulations. De nombreux agents de bord ont demandé au NMB de leur envoyer un duplicata des instructions de vote, mais il n’a pas répondu rapidement. La veille du dépouillement final, au moins 58 agents de bord n’avaient toujours pas reçu le duplicata des instructions de vote qu’ils avaient demandé au NMB. Chaque agent de bord n’ayant pas reçu ces instructions s’est vu non seulement refuser la possibilité de voter, mais a aussi été décompté par le NMB comme un opposant à la représentation syndicale.
  42. 474. En tant que Membre de l’OIT, les Etats-Unis doivent s’assurer que tous les travailleurs dans le pays peuvent exercer leur liberté syndicale et leurs droits d’organisation et de négociation collective. Le NMB, organisme indépendant du gouvernement des Etats-Unis, ne s’est pas montré à la hauteur de ses responsabilités, et ce à plusieurs égards.
  43. 475. Non seulement les règles et la pratique du NMB sont insuffisantes pour protéger les travailleurs contre l’ingérence des employeurs, comme l’exigent les conventions pertinentes; elles encouragent et récompensent de telles ingérences. Le NMB facilite l’ingérence des employeurs de diverses façons.
  44. 476. Tout d’abord, les règles et les procédures du NMB permettent aux employeurs d’éviter la syndicalisation des employés en réduisant le taux de participation aux élections d’accréditation. Les employeurs y parviennent en profitant de l’ambivalence et de l’inertie des employés, en fomentant des craintes et des malentendus infondés au sujet du processus électoral, et en portant en dérision le scrutin lui-même. Considérant qu’il s’agit d’une manifestation de la liberté d’expression, le NMB protège ces campagnes de communication des employeurs, y compris celles qui demandent aux travailleurs de détruire leurs instructions de vote. Les employeurs peuvent aussi réduire le taux de participation en offrant des avantages et d’autres incitations pendant la période électorale, afin de réduire l’intérêt que les employés bénéficiaires peuvent porter au scrutin. Toutes ces tactiques ont été manifestement constatées durant la campagne de syndicalisation au sein de la société Delta. Les employeurs antisyndicaux n’ont pas besoin de convaincre les employés que la représentation syndicale n’est pas dans leur intérêt, en leur présentant des arguments fondés, ni de participer activement au scrutin et de voter contre la représentation; il leur suffit de semer suffisamment de doute et de confusion chez les employés pour les amener à s’abstenir de voter. Le NMB compte toutes les abstentions résultant de ces tactiques comme des votes contre la représentation syndicale.
  45. 477. Deuxièmement, les règles et la pratique du NMB encouragent les employeurs à manipuler les listes d’employés admissibles qu’ils lui fournissent, afin de gonfler artificiellement le nombre de votes nécessaires pour satisfaire les exigences du NMB quant à la majorité requise pour une accréditation. Les employeurs peuvent ainsi éviter la syndicalisation en maximisant le nombre de voix requis, tout en minimisant le nombre d’employés participant effectivement au scrutin. Delta a employé cette stratégie lors de la dernière campagne syndicale. Les conséquences de l’inexactitude de la liste sont très sérieuses, puisque chaque nom inexact restant sur la liste constitue une abstention, ce qui, selon les règles du NMB, représente une voix supplémentaire contre la représentation syndicale.
  46. 478. Enfin, le NMB continue à tenir des élections en vertu de ces règles, même s’il reconnaît qu’elles protègent mal les employés contre l’ingérence des employeurs. Le Conseil a constaté que les employés sont mieux protégés contre l’ingérence patronale lorsque le bulletin de vote offre un choix «oui/non», et que la majorité des suffrages exprimés suffit pour décider une accréditation. Ce mode de scrutin, dit «Laker», élimine certaines incitations à l’ingérence des employeurs, mentionnées ci-dessus. Cependant, le NMB n’autorise la tenue d’un scrutin «Laker» que dans des «circonstances inhabituelles et extraordinaires», généralement seulement après que les salariés aient déjà été victimes d’une ingérence «flagrante» de la part de l’employeur, durant une élection tenue conformément aux procédures habituelles du NMB. Lorsqu’un scrutin «Laker» est demandé dès le début d’une campagne d’accréditation syndicale, comme c’était le cas de Delta, le NMB refuse généralement d’y accéder. Toutefois, même après une élection viciée par des actes d’ingérence, le Conseil persiste à refuser le recours à un scrutin «Laker»; dans les 13 cas concernant des actes d’ingérence ayant fait l’objet d’une décision depuis 2001, le NMB n’a accordé qu’une seule fois un deuxième scrutin selon le mode «Laker».
  47. 479. Les règles électorales normales du NMB privent les employés de la possibilité de choisir leur agent négociateur à la majorité des suffrages exprimés; il maintient néanmoins ces règles tout en sachant qu’elles exposent les travailleurs à une ingérence plus marquée de la part des employeurs. Même lorsqu’on lui présente des preuves d’ingérence, le NMB n’intervient pas pour les empêcher et y remédier, afin de protéger les droits des travailleurs. Les règles du NMB et l’attitude qu’il adopte ne permettent donc pas aux travailleurs d’exercer librement leur droit syndical, leur assurent une protection insuffisante contre les actes d’ingérence des employeurs, ne répondent pas aux exigences requises pour assurer le respect du droit syndical par les autorités, n’encouragent pas la négociation collective, et n’en assurent pas la promotion.
  48. 480. Tant les actions que la passivité du NMB lors du scrutin syndical dans la société Delta ont clairement démontré la protection insuffisante que le Conseil assure aux travailleurs en matière de liberté syndicale et de négociation collective. Premièrement, le NMB n’a pas tenu compte des préoccupations exprimées par rapport au comportement antisyndical passé de Delta, et n’est pas intervenu même lorsqu’il a été informé que la société reprenait ses tactiques d’ingérence. Le NMB a légitimé les directives de l’employeur exhortant les employés à détruire les instructions de vote, considérant qu’il s’agissait d’une manifestation admissible de la liberté d’expression. Le NMB a refusé la tenue d’un scrutin «Laker», malgré les preuves d’ingérence qui lui avaient été présentées.
  49. 481. Deuxièmement, le NMB a encore plus favorisé Delta, au détriment des agents de bord, en abrégeant unilatéralement la période électorale, réduisant ainsi la période ouverte au syndicat et à ses partisans pour communiquer avec leurs collègues. Cette mesure a été prise sans préavis, ni consultation avec les parties concernées.
  50. 482. Troisièmement, le NMB a autorisé Delta à manipuler la liste des employés admissibles en refusant de radier de la liste des salariés les employés en période de formation, les employés en congé sans solde, et même un agent de bord décédé.
  51. 483. Quatrièmement, le NMB a renforcé le scepticisme des employés quant à l’intégrité du processus électoral et a contribué à la baisse du taux de participation, en omettant de s’assurer que toutes les instructions de vote avaient été correctement envoyées par courrier, et en ne renvoyant pas rapidement d’autres instructions de vote aux salariés qui en ont fait la demande.
  52. 484. En conclusion, l’AFA-CWA et l’AFL-CIO demandent au comité d’inviter instamment les autorités à prendre les mesures énoncées ci-dessous, afin d’assurer le respect des droits des travailleurs et d’amener les Etats-Unis à respecter leurs obligations en tant que Membre de l’OIT:
    • - premièrement, le NMB devrait modifier ses règles électorales, et offrir systématiquement aux employés la possibilité d’un scrutin «oui/non» pour choisir un agent négociateur; les travailleurs ne devraient pas être tenus de démontrer que l’ingérence a déjà eu lieu avant de bénéficier de ce mode de scrutin. Au minimum, le droit d’utiliser cette procédure de vote ne devrait pas être limité aux circonstances «inhabituelles et extraordinaires», ou aux cas où des actes «flagrants» d’ingérence ont déjà été commis;
    • - deuxièmement, le NMB devrait s’assurer qu’il offre aux travailleurs une protection adéquate contre l’ingérence des employeurs dans la pratique, en instituant des procédures rapides et efficaces, assorties de sanctions suffisamment dissuasives;
    • - enfin, le NMB devrait prendre rapidement des mesures pour sanctionner les actes d’ingérence commis par Delta, et s’assurer que les agents de bord de la société peuvent librement choisir un agent négociateur.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 485. Dans une communication en date du 8 octobre 2009, le gouvernement rappelle que les Etats-Unis n’ont pas ratifié les conventions nos 87 et 98, qu’il n’a donc pas obligations en droit international aux termes de ces instruments et, par conséquent, n’est aucunement tenu de leur donner effet dans le cadre de la législation nationale. Néanmoins, le gouvernement des Etats-Unis a maintes fois démontré que sa législation du travail, ainsi que la pratique en vigueur sont généralement conformes aux conventions nos 87 et 98, position généralement confirmée par les organes de contrôle de l’OIT.
  2. 486. Le gouvernement déclare que la plainte ne soulève aucune difficulté en ce qui concerne la législation applicable. Au contraire, la plainte se concentre sur l’élection syndicale de 2008 au sein de la société Delta, pour invoquer des lacunes générales dans la procédure électorale du NMB ainsi que des erreurs spécifiques commises dans la gestion du processus électoral. Par conséquent, les observations ci-dessous traiteront d’abord des procédures du NMB en la matière, puis du cas particulier des élections syndicales de 2008 chez Delta, afin de démontrer que les mesures prises par le NMB pour décider s’il devait accréditer un agent négociateur étaient compatibles avec la législation des Etats-Unis et ne contrevenaient pas aux principes de l’OIT concernant la liberté syndicale, le droit de se syndiquer ou la négociation collective.
  3. 487. Le gouvernement ajoute que Delta Air Lines a fait l’acquisition de la société Northwest Airlines le 29 octobre 2008. Suite à cette fusion, l’AFA a déposé une requête auprès du NMB, l’invitant à statuer que Delta et Northwest Airlines constituent une seule et même société de transport aux fins de la représentation syndicale. Si le NMB décide que Delta et Northwest constituent un seul système de transport, comme il l’a fait dans une récente affaire mettant en cause ces transporteurs, l’AFA aurait 14 jours à compter de la décision pour présenter des preuves attestant qu’elle représente au moins 35 pour cent des employés du corps de métier ou de la catégorie concernés. Cette requête de l’AFA serait facilitée par le fait qu’elle obtiendrait un crédit pour tous les agents de bord de Northwest Airlines qu’elle représente actuellement. Si l’AFA a gain de cause, le NMB organiserait alors un scrutin de représentation syndicale. Le gouvernement communiquera des renseignements supplémentaires sur l’évolution de la situation dès qu’ils seront disponibles.
  4. 488. Le gouvernement affirme que, contrairement aux allégations des organisations plaignantes, la procédure suivie par le NMB lors de l’élection de 2008 dans la société Delta est compatible avec les principes de liberté syndicale. La loi sur les relations professionnelles du secteur ferroviaire (Railway Labor Act, RLA) est la principale loi prévoyant l’extension des droits aux salariés du secteur privé qui désirent constituer des syndicats, s’y affilier ou les soutenir, dans les secteurs du transport ferroviaire ou aérien (45 USC 151-188). La RLA prévoit les dispositions suivantes en ce qui concerne le pouvoir du NMB d’organiser des élections de représentation syndicale:
    • S’il survient un litige entre les employés d’un transporteur sur le point de savoir qui sont les représentants des employés, désignés et autorisés conformément aux prescriptions du présent chapitre, le NMB est tenu, sur demande d’une des parties au différend, d’enquêter sur le différend et d’indiquer par écrit aux deux parties, ainsi qu’au transporteur, dans les trente jours suivant la réception de la requête, le(s) nom(s) des personnes ou organisations qui ont été désignées et autorisées à représenter les employés qui sont partie au différend. Dès réception de l’avis d’accréditation, le transporteur doit traiter avec le représentant ainsi accrédité comme représentant des employés du corps de métier ou de la catégorie concernés, aux fins du présent chapitre…
  5. 489. Comme il est indiqué plus haut, le NMB est tenu d’enquêter sur les différends entre les employés d’un transporteur afin d’identifier leur représentant et de communiquer son nom aux parties. Le NMB ouvre une enquête lorsqu’un syndicat dépose une requête alléguant un conflit de représentation dans une catégorie, un corps de métier, de salariés employés par un transporteur particulier, et demande qu’une élection soit tenue pour choisir le représentant des travailleurs aux fins de la négociation collective. Lorsque les travailleurs ne sont pas syndiqués, la demande doit être accompagnée des cartes d’affiliation syndicale d’au moins 35 pour cent des travailleurs. L’enquête du NMB porte sur l’ensemble du processus électoral de représentation syndicale.
  6. 490. La RLA confère un large pouvoir d’appréciation au NMB pour l’organisation de l’élection, la Cour suprême ayant reconnu sa compétence à prendre les décisions finales quant aux modalités des élections de représentation.
  7. 491. La RLA prévoit que «la majorité des employés d’un métier ou d’une catégorie de travailleurs a le droit de déterminer qui sera le représentant de ce métier ou de cette catégorie...» (45 USC 152, 4e). Le NMB dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour déterminer par une méthode appropriée qui sera le représentant des employés, pouvoir comprenant celui d’interpréter raisonnablement cette obligation légale. Depuis 70 ans, le NMB exige, lorsque les employés ne sont pas syndiqués et qu’une seule organisation demande à être accréditée comme agent négociateur, que cette organisation recueille la majorité des votes des travailleurs du corps de métier ou de la catégorie concernés.
  8. 492. La pratique établie de longue date du NMB d’exiger une majorité des électeurs admissibles à voter est conforme au premier principe général de la RLA, qui est «d’éviter toute interruption de commerce ou de l’exploitation d’un transporteur qui s’y adonne» (45 USC 151a), et assure efficacement la stabilité des relations professionnelles. Etant donné qu’une grève chez un transporteur régi par la RLA peut effectivement interrompre le commerce interétatique, il est essentiel de maintenir des relations de travail harmonieuses, ce qui est plus facile si le syndicat en cause représente une majorité des travailleurs au nom desquels il négocie.
  9. 493. La Cour suprême a confirmé la procédure normale de vote adoptée par le NMB, déclarant que «le choix d’un type de bulletin de vote est un attribut nécessaire de l’obligation faite au NMB de régler les différends. La RLA le dit expressément, en lui confiant la responsabilité exclusive d’établir les règles régissant les élections.»
  10. 494. Le comité a toujours reconnu l’importance d’un syndicat représentant la majorité des travailleurs:
    • Les autorités compétentes devraient, dans tous les cas, être habilitées à procéder à une vérification objective de toute demande d’un syndicat prétendant représenter la majorité des travailleurs d’une entreprise, pour autant qu’une telle demande semble plausible. Si le syndicat intéressé se révèle grouper la majorité des travailleurs, les autorités devraient prendre des mesures de conciliation appropriées en vue d’obtenir la reconnaissance, par l’employeur, de ce syndicat aux fins de la négociation collective. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 959.]
  11. 495. Contrairement à la loi nationale sur les relations professionnelles (National Labor Relations Act, NLRA), la RLA ne prévoit pas de processus de révocation de l’accréditation. Par conséquent, l’accréditation du syndicat reste valable jusqu’à ce qu’un autre syndicat se montre intéressé à représenter les employés du métier ou de la catégorie en question. Etant donné que ce nouveau syndicat doit prouver qu’il recueille l’appui d’au moins la majorité des employés du métier ou de la catégorie en cause, le prétendu désavantage découlant de la méthode d’accréditation du NMB favorise en réalité le syndicat en place. Il est donc primordial que le syndicat accrédité ait le soutien des travailleurs qu’il est accrédité pour représenter.
  12. 496. La procédure électorale normale du NMB n’a pas entraîné des disparitions de syndicats. En fait, 84 pour cent des employés du secteur ferroviaire et 60 pour cent de ceux des compagnies aériennes sont syndiqués, alors que moins de 10 pour cent des salariés du secteur privé relevant de la compétence de la NLRA le sont. En outre, l’examen des élections tenues par le NMB depuis 1990 démontre que l’accréditation syndicale a été obtenue dans plus de 60 pour cent des élections. Il importe également de souligner que le NMB a récemment accrédité la Air Line Pilots Association comme représentant des membres d’équipage du poste de pilotage de la société Delta, et la Professional Airline Flight Control Association comme représentant des répartiteurs de vol de Delta.
  13. 497. Si les organisations plaignantes estiment que le NMB a outrepassé son pouvoir légal en choisissant le mode de scrutin proposé aux électeurs, elles pouvaient se pourvoir contre toute décision rendue en 2008 concernant Delta. Rien n’indique qu’elles l’aient fait.
  14. 498. Si l’on prend un peu de recul, il semble que les organisations plaignantes remettent en cause la capacité du NMB à «offrir des garanties suffisantes contre l’ingérence des employeurs» lors des scrutins d’accréditation. L’examen de la loi et de la pratique du NMB démontre cependant que ce dernier participe étroitement au processus électoral de représentation syndicale, et est habilité à utiliser divers types de recours si des actes répréhensibles sont établis.
  15. 499. Le comité a constamment affirmé que des critères objectifs précis et préétablis pour déterminer la représentativité des organisations de travailleurs doivent exister dans la législation, et que cette appréciation ne devrait pas être laissée à la discrétion des gouvernements. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 348.] Au-delà de ce principe général et de l’obligation de respecter des procédures établies pour déterminer l’organisation la plus représentative aux fins de la négociation collective, le comité a décidé qu’il appartenait aux pays membres de définir, en droit comme en pratique, les méthodes et procédures spécifiques permettant d’accréditer un syndicat représentatif aux fins de la négociation collective. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 971.]
  16. 500. La méthode suivie par le NMB pour l’organisation des scrutins de représentation est partiellement décrite ci-dessus. La RLA lui impose l’obligation de procéder à ces élections en s’assurant que les employés peuvent exprimer un choix libre de toute ingérence, influence ou contrainte de la part du transporteur. Par conséquent, si le NMB conclut que ces conditions n’ont pas été respectées en raison du comportement de l’employeur, le remède approprié est un second tour de scrutin.
  17. 501. La problématique de «l’ingérence» est expliquée en détail ci-dessous, mais il est essentiel de noter dès ce stade que, dans les enquêtes qu’il mène sur les différends de représentation syndicale, le NMB est amené à statuer sur les objections que peut présenter un syndicat, s’il affirme par exemple que le transporteur a exercé une influence illégale, a commis des actes de coercition, ou toute autre atteinte illicite au libre choix d’un représentant. Pour rendre ce type de décision, le NMB examine l’ensemble des circonstances établies grâce à son enquête.
  18. 502. Lorsqu’il conclut qu’un employeur s’est ingéré dans le libre choix des employés, le NMB ordonne des mesures de redressement fondées sur la gravité des actes de l’employeur, en tenant compte de la possibilité d’organiser un second scrutin de représentation dans des conditions satisfaisantes.
  19. 503. S’il conclut que le comportement illégal du transporteur a empêché les travailleurs de choisir librement leur représentant, le NMB dispose d’un éventail de mesures de redressement permettant «d’éliminer l’influence indue des actes d’ingérence sur le libre choix du représentant». Le recours choisi par le NMB pour permettre aux employés de choisir véritablement leur représentant en toute liberté varie selon la gravité de l’ingérence prouvée du transporteur. «A un extrême, le NMB peut conclure que le transporteur n’a pas entravé le libre choix du représentant par les employés. Inversement, il peut décider que l’employeur a commis des actes d’ingérence si graves que d’autres moyens qu’une élection au scrutin secret seraient plus appropriés pour évaluer l’opinion des employés sur la syndicalisation.»
  20. 504. Le NMB organise généralement une deuxième élection dans les cas où l’ingérence est constatée, mais il dispose de nombreuses possibilités en ce qui concerne les modalités du deuxième tour de scrutin. Il peut notamment: modifier la forme du bulletin de vote, en utilisant par exemple un bulletin proposant l’alternative «oui/non», sans espace prévu pour ajouter des commentaires (connu sous le nom de scrutin «Laker», voir ci-dessous); envoyer aux employés admissibles à voter une copie des résultats de l’enquête menée sur le transporteur, avec ses conclusions sur les violations de la RLA; afficher un avis annonçant qu’il est interdit à l’employeur d’influencer, de gêner ou de contraindre les employés; ordonner la tenue d’un nouveau scrutin selon la procédure normale, renforcée par une déclaration spéciale; ou élaborer une procédure de vote spéciale, prévoyant que le syndicat sera accrédité à moins que la majorité des électeurs se prononcent contre la syndicalisation. Dans les cas les plus graves, le NMB peut accréditer le syndicat requérant en se fondant sur la présentation des cartes d’adhésion d’une majorité des employés du corps de métier ou de la catégorie de salariés concernés. Ainsi, dans l’affaire Sky Valet, le Conseil a accrédité le syndicat sans tenir d’élection, se contentant de contrôler le nombre de cartes d’adhésion syndicale, considérant qu’il s’agissait d’un moyen approprié pour remédier à ce qu’il jugeait être une ingérence «manifeste» (dans ce cas, l’employeur avait notamment licencié des militants syndicaux, et avait donné aux employés l’impression qu’il surveillait ceux qui avaient signé des cartes d’adhésion).
  21. 505. La plainte contient une allégation précise concernant l’utilisation de la procédure «Laker» par le NMB, ouverte seulement lorsque ce dernier constate une ingérence du transporteur et ordonne la tenue d’un second scrutin. Cette mention renvoie à l’affaire Laker Airways Ltd, 8 NMB 236 (1981), où le comportement de la société Laker représentait l’un «des pires exemples de violation flagrante des droits des salariés jamais constatés», et exigeait donc une mesure de redressement «extraordinaire».
  22. 506. Dans l’affaire Laker, le NMB a conclu que le transporteur avait commis plusieurs violations de la RLA, notamment en demandant aux employés de remettre leur bulletin de vote à des représentants du transporteur, en accordant une augmentation salariale immédiatement avant la période électorale et en interrogeant les employés sur leurs intentions de vote. Jugeant ce comportement inacceptable, le NMB a ordonné un deuxième scrutin, avec un bulletin de vote offrant l’alternative «oui/non» par rapport à l’organisation requérante, et ne comportant pas d’espace pour ajouter des commentaires, la majorité des suffrages exprimés déterminant le résultat de l’élection.
  23. 507. La méthode «Laker» n’est imposée que dans des cas vraiment exceptionnels. En fait, seulement 11 des 172 scrutins d’accréditation tenus par le NMB depuis 2003 (6 pour cent) concernaient des allégations d’ingérence d’un employeur, aucun de ces cas ne présentant le degré de gravité requis pour justifier le recours à un scrutin «Laker».
  24. 508. Avant que les bulletins de vote ne soient envoyés aux employés pour l’élection de 2008 chez Delta, et tenant compte de ses tentatives précédentes d’accréditation en 2000 et 2002, l’AFA a demandé au NMB d’organiser un scrutin «Laker», arguant que le NMB devrait modifier sa procédure pour prévenir l’ingérence de l’employeur dans l’élection. Le NMB a rejeté cette demande pour deux motifs: premièrement, il n’était pas disposé à présumer une ingérence de l’employeur avant même la période électorale; deuxièmement, il estimait que la réponse appropriée aux allégations et aux preuves d’ingérence d’un employeur consistait à annuler le premier scrutin et à en organiser un deuxième. En outre, c’est seulement en cas d’ingérence grave de l’employeur que le NMB ordonne la tenue d’un deuxième scrutin selon la procédure «Laker», demandée par l’AFA.
  25. 509. Le NMB a suivi sa pratique habituelle et a agi conformément à la RLA, en utilisant une norme d’accréditation exigeant que la majorité des travailleurs se prononce en faveur d’un syndicat avec le statut exclusif d’agent négociateur. Le NMB a également agi conformément à sa propre jurisprudence et aux précédents en vertu de la RLA, en rejetant la requête de scrutin «Laker» présentée en avril par l’AFA, la demande n’étant pas étayée par des preuves suffisantes pour justifier une deuxième élection dans de telles circonstances. Cette décision était appropriée, et ne démontre pas que la législation ne prévoit pas de garanties suffisantes pour le bon déroulement des scrutins d’accréditation. Ces deux décisions du NMB ne sont pas incompatibles avec les principes de l’OIT.
  26. 510. La plainte conteste plusieurs décisions de nature factuelle rendues par le NMB. A-t-il fait erreur en modifiant la date du scrutin, ou en statuant que l’employeur n’avait pas commis «d’ingérence»? A-t-il identifié correctement les personnes admissibles à voter et leur a-t-il fourni des instructions de vote? Dans ses décisions rendues en 2008, le NMB semble avoir traité de toutes ces questions et, dans chaque cas, les a examinées et tranchées de manière raisonnable, conformément au droit et à la pratique des Etats-Unis, ainsi qu’aux principes de l’OIT.
  27. 511. Comme il a été démontré ci-dessus, le NMB est le seul compétent pour organiser un scrutin d’accréditation et décider si certains événements survenant dans le cadre d’un scrutin constituent une ingérence illégale en vertu de la RLA. Dans l’affaire Delta, les parties ont pu présenter tous les arguments, le NMB a examiné tous les faits et a rendu des décisions pleinement motivées, le 28 mai 2008 (sur les questions d’admissibilité des électeurs) et le 30 septembre 2008 (sur les questions d’ingérence dans le processus électoral). Il importe de souligner que ces décisions n’ont pas été portées en appel.
  28. 512. Les observations ci-dessous répondent spécifiquement aux préoccupations des plaignants quant aux décisions du NMB. Elles sont examinées dans l’ordre chronologique afin d’illustrer le rôle du NMB dans le processus électoral et le bien-fondé de ses décisions.
    • Période électorale
  29. 513. Lors des scrutins d’accréditation, le NMB prévoit habituellement une période de trois semaines entre la distribution des bulletins de vote et leur dépouillement. Il alloue parfois une plus longue période pour les groupes plus importants, afin de donner à ses enquêteurs un temps suffisant pour examiner et trancher les contestations et les objections.
  30. 514. En ce qui concerne l’élection de 2008 dans la société Delta, l’enquêteur avait initialement proposé une période de six semaines pour permettre de statuer sur diverses questions, comme les oppositions à l’admissibilité de certains électeurs et d’autres objections. Etant donné que le processus électoral est la plupart du temps complété en cinq semaines, même s’il s’agit de groupes d’employés très nombreux, le NMB a décidé de raccourcir la période électorale de six jours. Cette décision administrative s’inscrit dans ses larges pouvoirs discrétionnaires, compte tenu de la durée moyenne de ce type de scrutin. Le changement a été effectué avant le début de la période électorale, et aucune preuve ne permet de penser que cette décision ait engendré de la confusion chez les électeurs, ou a influencé les résultats du scrutin. Cette décision n’était pas incompatible avec les principes de l’OIT sur la liberté syndicale.
  31. 515. La RLA prévoit ce qui suit:
    • Il est interdit à tout transporteur, ainsi qu’à ses dirigeants ou à ses agents, de refuser ou de mettre en cause, de quelque façon que ce soit, le droit de ses employés de former un syndicat de leur choix, de s’y affilier ou de contribuer à sa formation, et il est interdit à tout transporteur de s’ingérer de quelque façon que ce soit dans la syndicalisation de ses employés ... ou d’influencer ou de contraindre les employés dans le but de les inciter à adhérer à une organisation syndicale ou à en rester membre, ou à ne pas y adhérer ou en rester membre ...
  32. (45 USC 152, 4e; soulignement ajouté).
  33. 516. L’article 17.0 du Manuel du NMB sur l’accréditation traite des «Allégations d’ingérence dans le processus électoral» et prévoit, à ce titre, que:
    • Les allégations d’ingérence dans le processus électoral doivent s’appuyer sur des preuves prima facie, attestant que les conditions normales de scrutin n’ont pas été respectées, et doivent être étayées par des preuves matérielles convaincantes. Les allégations d’ingérence insuffisamment étayées par de telles preuves seront rejetées.
  34. 517. Le NMB a souligné, en rapport avec le critère applicable pour les «conditions normales» d’un scrutin d’accréditation, qu’il s’agit essentiellement de décider si le droit des employés de choisir librement leur représentant, sans aucune coercition ou ingérence de l’employeur, a été protégé, plutôt que d’examiner si le transporteur a violé la loi. Les «conditions normales» de scrutin exigent que, compte tenu «de l’ensemble des circonstances», l’élection se déroule sereinement, sans ingérence ou influence du transporteur. Sauf circonstances exceptionnelles, le NMB tient généralement compte des preuves concernant des faits pouvant remonter jusqu’à un an avant le dépôt de la requête d’accréditation, ainsi que les faits survenus durant la période électorale et toute enquête ultérieure.
  35. 518. Dans l’affaire Delta, le NMB a conclu que l’AFA n’avait pas établi une preuve prima facie d’ingérence. Plus précisément, il a statué que ses allégations d’ingérence n’étaient pas étayées par des preuves matérielles, que l’ingérence n’avait pas été prouvée selon les critères énoncés dans sa jurisprudence bien établie, et qu’il s’agissait dans plusieurs cas «d’incidents isolés sur un effectif de 13 000 personnes, ne constituant pas le genre de comportement, systématique et généralisé, qui aurait entravé le déroulement normal du vote».
  36. 519. Conformément à la loi, le Conseil a décidé que l’employeur était en droit de communiquer avec les travailleurs et d’exprimer son point de vue sur l’élection (citant la position de la Cour suprême, selon laquelle «l’employeur est libre de communiquer à ses employés son opinion générale sur le syndicalisme, ou sur un syndicat donné, tant que les communications ne comportent pas de menaces de représailles ou de mesures coercitives, ou de promesses d’avantages», NLRB v. Gissel Packing Co., 395 US 575, 618 (1969). Le Conseil a analysé attentivement le contenu des DVD et des bulletins d’information préparés par Delta, et a statué qu’ils ne permettaient pas raisonnablement d’établir l’ingérence de l’employeur.
  37. 520. La plainte affirme à maintes reprises que la campagne antisyndicale de Delta, encourageant les travailleurs à détruire leurs bulletins de vote, était inappropriée. Toutefois, le NMB a toujours considéré que le fait d’informer les travailleurs qu’ils peuvent exprimer leur volonté de rester non syndiqués en détruisant leur bulletin de vote ne constitue pas une «ingérence» et n’altère pas le déroulement normal du scrutin.
  38. 521. Dans l’affaire Delta, le NMB a fait observer qu’une constatation d’ingérence serait justifiée lorsqu’il est prouvé que l’employeur a exercé une surveillance sur les employés. Il a également déclaré que le fait d’interroger des travailleurs sur leurs préférences syndicales constitue une preuve d’ingérence. Bien que les requérants aient allégué que des employés avaient été surveillés et harcelés, les preuves fournies en l’espèce étaient insuffisantes pour étayer ces allégations. Le Conseil a procédé à une analyse approfondie des 23 cas de harcèlement allégués, et a constaté qu’ils ne constituaient pas une ingérence dans le libre choix des travailleurs, ou avaient entravé le déroulement normal du scrutin.
  39. 522. L’organisation plaignante affirme également que Delta a illégalement offert des avantages aux employés durant la période électorale. La RLA interdit l’offre d’avantages pendant une campagne d’organisation syndicale afin d’en influencer l’issue. La jurisprudence du Conseil est claire sur ce point: «… l’octroi, et même la simple promesse, d’avantages durant une campagne de syndicalisation, ont pour effet de contraindre les employés et d’influencer leur choix». Le Conseil a généralement statué que le déroulement normal du scrutin n’est pas affecté lorsque l’employeur avait prévu de modifier lesdites prestations avant la période électorale, ou lorsque «des preuves claires et convaincantes démontrent que l’octroi de ces avantages se justifiait par des motifs commerciaux incontournables...».
  40. 523. La conclusion du NMB, soit que l’augmentation salariale de 3 pour cent offerte le 1er juillet 2008 par Delta à tous les employés non contractuels avait été attribuée pour des raisons commerciales légitimes, est étayée par des éléments de preuve, et est compatible avec sa jurisprudence antérieure. Le Conseil a également conclu que le programme de retraite volontaire était justifié par des raisons commerciales et ne concernait pas uniquement les agents de bord de Delta. En outre, le Conseil a noté que le faible nombre d’agents de bord participant aux programmes volontaires, même s’ils avaient été dissuadés de voter, n’aurait pas influé sur le résultat du scrutin.
  41. 524. Les conclusions du Conseil sur les questions d’ingérence étaient raisonnables, compatibles avec la loi et la pratique passée, et étayées par des preuves. Ces décisions ne sont pas incompatibles avec les principes de l’OIT sur la liberté syndicale.
    • Le scrutin
  42. 525. La RLA confère un large pouvoir discrétionnaire au NMB pour «désigner les employés qui peuvent participer au scrutin, et fixer les règles régissant l’élection...». Dans l’affaire Delta, les décisions prises par le NMB pour régler les questions d’admissibilité et de vote s’inscrivaient dans le large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu pour organiser les scrutins d’accréditation, conformément à sa procédure et à sa pratique passées, et constituaient des décisions raisonnables au vu des circonstances.
  43. 526. L’enquêteur du NMB chargé du scrutin dans l’affaire Delta a accepté les objections de l’AFA en ce qui concerne l’inscription de 245 stagiaires sur la liste des employés admissibles à voter, qui en ont donc été radiés. En revanche, il a décidé que 82 autres stagiaires récusés par l’AFA resteraient inscrits sur la liste, décision confirmée en appel par le NMB. Ce dernier a conclu, conformément à sa jurisprudence et aux critères d’admissibilité énoncés dans son manuel, que ces stagiaires avaient le droit de voter puisqu’ils avaient complété leur formation opérationnelle initiale, comprenant du travail sous la supervision de l’employeur, avant la date limite d’admissibilité.
  44. 527. L’enquêteur du NMB a également convenu avec l’AFA que 31 agents de bord en congé sans solde devraient être radiés de la liste d’admissibilité, compte tenu de leur changement de statut. En revanche, il a jugé que 901 autres agents de bord, également en congé sans solde, avaient le droit de voter parce qu’ils bénéficiaient d’un droit de rappel au travail pendant cinq ans, droit qu’ils n’avaient pas refusé d’exercer, et que leur poste de travail n’avait pas été supprimé. Cette décision a été confirmée en appel par le Conseil, aucune preuve n’ayant été apportée pour contester le bien-fondé de ces décisions.
  45. 528. Le NMB a conclu qu’il n’y avait pas eu de confusion généralisée chez les électeurs parce que quatre enveloppes contenant les instructions de vote auraient été reçues ouvertes ou mal adressées, alors que plus de 13 000 instructions de vote avaient été envoyées aux électeurs admissibles. Le Conseil a conclu: «… aucune preuve ne démontre que les instructions de vote envoyées dans des enveloppes mal fermées ou à une mauvaise adresse sont dues à autre chose que le taux normal d’erreurs et de déchet dans le cadre d’un envoi postal de masse».
  46. 529. Le Conseil a également examiné les préoccupations de l’AFA quant aux doubles bulletins de vote, qui se montaient au total à 64, soit un nombre largement insuffisant pour influer sur le résultat de l’élection. Néanmoins, il semble que le NMB a fourni un duplicata à 15 personnes qui en avaient fait la demande, que 40 des travailleurs nommés par l’AFA n’en avaient pas demandé, et que trois autres employés ne figuraient pas sur la liste d’admissibilité.
  47. 530. Les conclusions du Conseil en l’espèce étaient raisonnables, compatibles avec la loi et la pratique passée, et étayées par des preuves. Ces décisions n’étaient pas incompatibles avec les principes de l’OIT sur la liberté syndicale.
    • Evolution récente au sein du National Mediation Board
  48. 531. Le 11 septembre 2009, le NMB a annoncé la formation d’un nouveau comité paritaire, direction-syndicat, chargé d’examiner les recommandations formulées dans les années quatre-vingt-dix par la Commission sur l’avenir des relations professionnelles (plus connue sous le nom de «Commission Dunlop»), ainsi que sur le fonctionnement interne, les politiques et les procédures du NMB. La Commission Dunlop, qui a notamment examiné les méthodes utilisées pour résoudre les différends survenant durant les périodes de négociation collective, avait été invitée à formuler ses recommandations concernant l’amélioration du NMB pour le 1er novembre 2009.
  49. 532. Le 22 septembre 2009, en réponse à une demande de l’AFA, le NMB a annoncé qu’il envisageait de permettre aux participants à un scrutin d’accréditation d’afficher des liens hypertexte sur le site Web dédié au vote. Il avait limité cette pratique auparavant, craignant de ne pouvoir vérifier l’identité des personnes visitant le site Web. Les commentaires étaient acceptés jusqu’au 22 octobre 2009.
  50. 533. Dans une lettre de septembre 2009, l’AFL-CIO a proposé au NMB de modifier sa politique exigeant un vote de la majorité des employés d’une catégorie ou d’un métier en faveur de la représentation syndicale, pour accréditer un syndicat comme agent négociateur exclusif. Selon cette proposition, le résultat d’un scrutin d’accréditation devrait être déterminé par la majorité des suffrages exprimés, même si ces derniers représentent moins de la moitié des travailleurs admissibles à voter. Le NMB n’a pas encore commenté cette proposition.
  51. 534. Des renseignements supplémentaires sur l’évolution de la situation au sein du Conseil seront communiqués au comité dès qu’ils seront disponibles.
    • Conclusion
  52. 535. Les observations qui précèdent démontrent que ni les procédures du NMB ni la façon dont il a géré en 2008 le scrutin d’accréditation des membres de l’AFA à la société Delta n’ont entraîné de violations de la liberté syndicale, du droit d’organisation ou de négociation collective. En conséquence, les mesures de redressement demandées par les organisations plaignantes ne sont ni nécessaires ni appropriées.
  53. 536. Le gouvernement a également transmis les observations formulées par le United States Council for International Business (ci-après l’«USCIB») et Delta Air Lines, Inc. dans leur communication du 25 janvier 2010. L’USCIB soutient que, contrairement aux allégations des requérants, la procédure établie de longue date régissant la désignation d’un agent négociateur en vertu de la RLA est parfaitement conforme aux principes de la liberté syndicale tels que définis par le comité. En effet, c’est dans le cadre de ce système bien rodé depuis 70 ans que la majorité des employés de toutes les compagnies aériennes des Etats-Unis ont pu obtenir d’être représentés par un syndicat. L’AFA se trompe de cible en blâmant la RLA, le NMB ou Delta pour leur incapacité à convaincre les agents de bord de Delta de la choisir comme agent négociateur. Autrement dit, l’AFA a perdu les scrutins d’accréditation en 2002 et 2008 parce que la majorité des agents de bord de Delta ne souhaitaient pas que ce syndicat les représente. Cette décision des agents de bord était fondée en grande partie sur la culture d’entreprise au sein de Delta, qui favorise le respect mutuel entre les employés et la société, et est totalement étrangère aux politiques du NMB ou à la procédure d’élection prévue dans la RLA.
  54. 537. L’USCIB affirme que la plainte est sans fondement pour les raisons suivantes: 1) le comité ne peut pas appliquer les dispositions spécifiques des conventions nos 87 et 98 aux Etats-Unis parce que ce pays n’a ratifié aucune de ces conventions. En l’espèce, il doit plutôt limiter son examen à l’application des principes de la liberté syndicale qu’il a lui-même définis; 2) la désignation de Delta comme partie intimée dans la plainte n’est pas appropriée parce que les arguments avancés concernent manifestement la législation des Etats-Unis, et non pas une entreprise ou un groupe d’entreprises; 3) la plainte est entachée d’un vice de procédure, car les organisations plaignantes ont saisi le comité avant d’avoir préalablement épuisé les voies de recours disponibles devant les instances judiciaires compétentes au niveau national; 4) les organisations plaignantes ne sont pas fondées à demander au comité de se constituer en une sorte de «superorgane d’appel», qui réviserait les conclusions d’un organisme indépendant du gouvernement, établi de longue date (le NMB en l’occurrence), qui a rendu son jugement sur la base de preuves exhaustives, fournies par l’AFA et Delta, voire qui substituerait ses propres conclusions à celles du NMB; et 5) les procédures instituées en vertu de la RLA fournissent aux employés un moyen efficace, avec des critères préétablis, leur permettant d’élire un représentant de leur choix, sans autorisation préalable ou risques de représailles. Ces procédures sont entièrement compatibles avec les principes de la liberté syndicale au niveau international.
  55. 538. L’USCIB estime que la plainte est devenue sans objet puisque les événements mettant en cause Delta reposent sur des allégations relatives à un scrutin tenu en 2008. Le 27 juillet 2009, l’AFA a demandé pour la troisième fois au NMB d’enquêter sur un différend concernant la représentation des agents de bord, afin de tenter de se faire accréditer pour représenter les 20 640 agents de bord travaillant pour la nouvelle entité Delta (qui a fusionné en 2008 avec Northwest Airlines). Cette requête rend inutile la poursuite de l’examen des allégations par le comité.
  56. 539. Dans des circonstances normales, le NMB aurait rapidement mené une enquête et organisé une élection au scrutin secret. Il ne l’a pas fait, mais sans donner d’explications. Il a plutôt décidé de surseoir à la demande d’accréditation, présentée en juillet, concernant Delta. Parallèlement, il a traité des demandes d’accréditation concernant d’autres transporteurs dans le délai normal, soit environ deux mois. Delta estime que la raison de ce traitement différencié résultait de la demande ex parte de l’AFL-CIO, invitant le NMB à modifier ses règles de scrutin au beau milieu de la fusion entre les sociétés Delta et Northwest, et après le dépôt de la demande d’élection présentée par l’AFA. Le 3 novembre 2009, compte tenu du délai extrêmement inhabituel dans le traitement de sa demande par le NMB, l’AFA s’est désistée de sa demande d’accréditation comme agent négociateur des agents de bord de Delta. Le jour même, le NMB a publié un projet de réglementation proposant de modifier la procédure de vote pour les scrutins d’accréditation, et invitant les intéressés à formuler leurs commentaires. On ignore encore à ce stade si l’AFA souhaite que le NMB organise un autre scrutin. En tout état de cause, l’évolution de la situation depuis l’élection de 2008 a rendu la plainte sans objet, pour les trois raisons suivantes.
  57. 540. Tout d’abord, le nombre d’agents de bord maintenant employés par Delta est bien différent de celui que l’AFA cherchait à représenter en 2008. Le groupe des agents de bord du corps de métier ou de la catégorie concernés comporte 35 pour cent de plus de membres qu’en 2008 et inclut de nombreux agents de bord de l’ex-Northwest Airlines, qui bénéficiaient de l’ancienne convention collective négociée par l’AFA. Deuxièmement, la composition du NMB diffère sensiblement de ce qu’elle était lorsque ont été tranchées les questions liées au scrutin de 2008. Le Président Obama a nommé Mme Linda Puchala (ex-présidente, Affaires internationales, de l’AFA) membre du NMB, nomination confirmée le 21 mai 2009 par le Sénat; elle y a rejoint la présidente, Mme Elizabeth Dougherty, et le membre Harry Hoglander (ancien vice-président exécutif de l’Association des pilotes de ligne), le NMB se composant de trois membres. Enfin, le fait que l’AFA a de nouveau demandé au NMB de l’accréditer pour représenter les agents de bord de la nouvelle société Delta démontre que les questions soulevées dans la plainte concernent plus les décisions du NMB sur les faits liés au scrutin de 2008 que des problèmes concernant des dispositions de fond de la RLA, ou le NMB en tant qu’institution. Les allégations qui ont donné lieu à la plainte ne sont plus pertinentes et n’ont plus d’incidence sur l’issue de l’affaire. S’il examinait cette plainte maintenant, le comité rendrait des conclusions et formulerait des recommandations déjà obsolètes à la date où elles seraient rédigées. En conséquence, le comité devrait rejeter la plainte.
  58. 541. L’USCIB explique que Delta emploie près de 80 000 personnes à travers le monde. Elle offre à ses employés d’excellents salaires et avantages sociaux, bien supérieurs aux normes du secteur, et a mis en place un régime de participation aux bénéfices abondé par l’employeur ainsi qu’un programme opérationnel de récompenses, qui garantissent à tous les employés une rémunération globale souvent supérieure aux normes du secteur. Delta s’est fermement engagée sur les questions d’éthique commerciale, et veille au bien-être de ses employés, favorisant la diversité, la santé et la sécurité au travail, le professionnalisme, le travail d’équipe et un climat de confiance. Delta a toujours entretenu d’excellentes relations avec ses employés et a reçu de nombreux prix pour la qualité exceptionnelle de son service à la clientèle. Ces succès répétés supposent un environnement de travail caractérisé par un engagement et un respect mutuels entre l’employeur et ses salariés.
  59. 542. En guise d’exemple de la culture d’engagement mutuel de Delta, l’USCIB mentionne la situation qui s’est produite vers la fin des années quatre-vingt, lorsque la société faisait face à des difficultés financières. Trois agents de bord de Delta ont lancé une campagne afin de recueillir les contributions des employés de l’entreprise dans le monde entier, et en ont fait don à Delta pour l’achat d’un nouveau Boeing 767. L’avion est maintenant exposé au musée Delta au siège social de la société (Atlanta, Géorgie), comme symbole de la relation particulière entre Delta et ses employés, et exemple tangible de leurs liens forts et durables. Conformément à son engagement de préserver une culture positive de relations professionnelles après sa fusion avec Northwest, Delta a pris des mesures qui profitent à tous les employés, y compris les anciens salariés de Northwest. Premièrement, elle s’est engagée à ne pas imposer unilatéralement de congés sans solde aux agents de bord, aux équipes au sol, aux pilotes et aux autres personnels d’exploitation à la suite de la fusion. Deuxièmement, dans le cadre de la fusion, 15 pour cent des actions de la nouvelle société ont été distribués aux employés. Ces actes démontrent l’engagement constant de Delta à favoriser des relations professionnelles positives.
  60. 543. Historiquement, seule une faible partie des effectifs de Delta était syndiquée, car la plupart des employés ne ressentent pas le besoin d’être représentés dans leurs rapports avec la société. Les pilotes et les régulateurs de vol de Delta sont les seuls métiers et catégories d’employés résultant de la fusion actuellement représentés par un syndicat. Les pilotes sont représentés depuis de nombreuses années par la Air Line Pilots Association (ALPA), et les régulateurs de vol sont représentés par la Professional Airline Flight Control Association. Delta n’a jamais connu de grève ou d’autre arrêt de travail. Peu après l’annonce de la fusion, Delta a conclu avec l’ALPA une convention collective couvrant tous les pilotes de la nouvelle société, qui constituent maintenant le plus important groupe de pilotes au monde représenté par l’ALPA.
  61. 544. Les agents de bord de Delta n’ont jamais souhaité se syndiquer. A deux reprises, d’abord en 2002, puis en 2008, l’AFA a tenté de se faire accréditer comme agent négociateur des agents de bord de Delta. En ces deux occasions, l’AFA a perdu le scrutin d’accréditation par une marge importante. Avant la fusion, les agents de bord de Northwest étaient représentés par l’AFA mais, en vertu des règles du NMB, la société résultant de la fusion ne pouvait pas regrouper les agents de bord en une seule entité tant que la question de la représentation syndicale du groupe combiné ne serait pas résolue. Le 27 juillet 2009, l’AFA a déposé une requête en vue du regroupement des 20 640 agents de bord, dont elle s’est désistée depuis lors, comme il a été expliqué ci-dessus.
  62. 545. Delta a récemment participé à deux élections organisées par le NMB, suite à sa fusion avec Northwest. La première concernait les météorologues employés par les deux compagnies aériennes; seuls six des 32 employés admissibles à participer ont voté pour le syndicat requérant, et la demande a été rejetée. La deuxième élection concernait les régulateurs de vol; 306 des 335 électeurs se sont prononcés en faveur de la représentation, et la Professional Airline Flight Control Association a été accréditée comme agent négociateur de ces employés. Lors de ces deux élections, aucune accusation d’ingérence n’a été portée contre Delta, qui n’a pas été reconnue coupable de tels faits.
  63. 546. L’USCIB soutient que la procédure d’accréditation instituée par la RLA est une méthode très efficace pour les employés qui souhaitent obtenir une représentation syndicale. Aux Etats-Unis, environ 84 pour cent des employés dans l’industrie ferroviaire et 60 pour cent des employés dans l’industrie aérienne sont syndiqués. L’AFA a également bénéficié de la procédure d’élection en vigueur puisque, si l’on excepte le scrutin faisant l’objet de la présente plainte, elle a obtenu gain de cause dans la majorité (13 sur 20) des scrutins d’accréditation auxquels elle a participé durant les dix dernières années. En outre, un examen des votes d’accréditation organisés par le NMB à la demande d’autres syndicats révèle un taux de succès similaire. Compte tenu des résultats positifs récemment obtenus par l’AFA dans le cadre de la RLA, il est même difficile de comprendre les allégations qu’elle formule dans sa plainte.
  64. 547. S’agissant du scrutin de 2002, l’USCIB rappelle que seuls 5 609 des 19 033 électeurs admissibles ont voté en faveur de la représentation syndicale. L’AFA a demandé au NMB d’enquêter sur les allégations d’ingérence de Delta lors du scrutin. Le NMB a enquêté sur les lieux et, au terme de son enquête, a conclu qu’aucun des faits reprochés à la société n’avait entravé le déroulement normal de l’élection.
  65. 548. L’AFA à de nouveau perdu par une marge importante lors du scrutin de 2008, seuls 5 306 des 13 380 électeurs admissibles ayant voté en faveur de la représentation syndicale. Elle a demandé une fois de plus au NMB d’enquêter sur les allégations d’ingérence, mais n’a fourni que peu de preuves convaincantes, voire aucune, étayant ses allégations. Le 30 septembre 2008, le NMB a statué que l’AFA n’avait même pas réussi à établir une preuve prima facie d’ingérence et a classé l’affaire: c’est cette décision qui constitue le fondement de la plainte de l’AFA au comité. Presque immédiatement après avoir perdu les élections de 2008, l’AFA a commencé à solliciter les agents de bord de la nouvelle société fusionnée, afin de demander un autre scrutin d’accréditation au NMB. Elle avait d’abord déposé une demande de regroupement des 20 640 agents de bord en une seule unité, mais s’est ensuite désistée, compte tenu du long délai dans le traitement du dossier par le NMB, un fait sans précédent.
  66. 549. Etant donné que les Etats-Unis n’ont pas ratifié les conventions nos 87 et 98, l’USCIB s’oppose aux allégations répétées de l’AFA selon lesquelles le NMB de manière générale et le comportement allégué de Delta en particulier violent les dispositions spécifiques de ces conventions. En vertu de la Charte des Nations Unies et de la Constitution de l’OIT, les Etats-Unis n’ont pas, en droit international, l’obligation de se conformer aux conventions qu’ils n’ont pas ratifiées. Bien que l’AFA ait reconnu cette réalité, elle fonde néanmoins les arguments avancés dans sa plainte sur des dispositions particulières de ces conventions. En outre, le comité ne devrait pas procéder à l’examen de la plainte en s’inspirant des dispositions de ces deux conventions, mais doit plutôt fonder son analyse sur les principes généraux de la liberté syndicale énoncés dans la Constitution de l’OIT, et déterminer si l’application de la législation du travail aux Etats-Unis est conforme à ces principes.
  67. 550. La Constitution de l’OIT ne mentionne la liberté syndicale qu’une fois, dans son préambule. Par leur système législatif et réglementaire exhaustif, les Etats-Unis appuient les principes de la liberté syndicale tels qu’ils sont énoncés dans la Constitution de l’OIT. En fait, le cadre juridique en vigueur aux Etats-Unis constitue un modèle d’équilibre du rapport des forces entre les syndicats et la direction, tout en respectant les droits individuels des travailleurs par rapport à leurs employeurs, et les droits des organisations syndicales qui les représentent ou souhaitent les représenter. Ce cadre juridique constitue également un modèle de fonctionnement de système législatif et réglementaire accessible à tous les justiciables. En réalité, les Etats-Unis ont fait de la liberté syndicale l’une des principales clés de voûte de leur législation du travail et de leur politique internationale en la matière, sont partie à de nombreux accords et traités internationaux faisant référence à la liberté syndicale, et souscrivent à la Déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Un examen des principes régissant la RLA et son application par le NMB démontre que les Etats-Unis reconnaissent, en droit comme en pratique, la liberté des travailleurs américains de s’associer avec qui ils veulent, ainsi que celle de ne pas le faire.
  68. 551. Cette plainte contre Delta est un exemple supplémentaire de la tendance inquiétante, de plus de plus en plus répandue, des organisations de travailleurs d’instrumentaliser le Comité de la liberté syndicale et de s’en servir comme d’une arme pour attaquer les entreprises avec lesquelles elles ont un différend. Cette pratique sape la mission fondamentale du comité qui «n’est pas de blâmer ou de punir qui que ce soit, mais plutôt d’engager un dialogue tripartite constructif afin de promouvoir le respect des droits syndicaux en droit et en pratique». Toute plainte au comité désignant nommément une entreprise revient implicitement à demander au comité de juger cette entreprise et son comportement. De même, la mention de l’entreprise dans le rapport du comité implique que ce dernier a effectivement rendu un jugement sur l’entreprise et son comportement. Le comité n’a pas pour mandat d’analyser ou de critiquer la conduite des acteurs individuels, puisque ces questions sont traitées au niveau national. Si la législation et les pratiques d’une nation autorisent une conduite incompatible avec les principes de la liberté syndicale, le comité a alors compétence pour fournir des orientations sur la manière dont elles doivent être amendées. Il n’appartient pas au comité de donner des instructions aux entreprises sur la façon de se conformer à ces lois et pratiques nationales.
  69. 552. En mai 2008, l’Organisation internationale des employeurs (OIE) a envoyé une lettre au BIT pour réclamer des changements fondamentaux dans la procédure du comité. Le secrétaire général de l’OIE soulevait les préoccupations de son organisation sur le nombre croissant de renvois à des entreprises privées dans les cas examinés par le comité, et a observé que «… les plaintes sont de plus en plus souvent soumises au comité par les syndicats avec l’intention manifeste d’attaquer et de discréditer les entreprises multinationales». Il a en outre fait observer que «le mandat du comité est de veiller à ce que les gouvernements appliquent les principes de la liberté syndicale; (le comité) n’a pas le pouvoir de faire référence aux sociétés privées ou de formuler directement des commentaires à leur sujet». L’USCIB appuie cette position, et encourage le comité à l’adopter. Le fait que le NMB a tenu des milliers de scrutins d’accréditation sans que son comportement soit remis en question devant l’OIT, ainsi que l’accent important nommément mis sur Delta dans la plainte, démontre que les véritables motivations des plaignants sont d’attaquer la société et non pas de contester le régime juridique en vigueur. Cette démarche est inappropriée: s’il veut préserver sa capacité à orienter les législations et pratiques nationales, le comité devrait supprimer toute mention nominative d’une entreprise dans le présent rapport, et dans tous ceux qu’il publiera à l’avenir.
  70. 553. Le comité a observé à plusieurs reprises que les procédures «nationales» devraient être utilisées pour traiter les plaintes de discrimination antisyndicale. Or le syndicat plaignant en l’espèce avait un accès immédiat et illimité aux juridictions nationales pour mettre fin aux actes d’ingérence ou de discrimination reprochés à Delta, ou obtenir réparation à cet égard, mais il ne s’est jamais prévalu de ses droits. Il a simplement choisi de s’adresser au comité. En déposant sa plainte sans même intenter les recours disponibles au niveau national, l’AFA a créé un dilemme embarrassant pour le comité puisque, s’il examine le cas, le comité niera ses propres principes, qui encouragent la création de mécanismes efficaces au niveau national pour remédier à la discrimination antisyndicale et la prévenir.
  71. 554. Le comité «a toujours considéré que, compte tenu de ses responsabilités, sa compétence pour examiner les allégations n’est pas subordonnée à l’épuisement des procédures nationales». Toutefois, il a également soutenu que «l’utilisation des procédures judiciaires internes, quel qu’en soit le résultat, constitue un facteur à prendre en considération». De fait, le comité favorise depuis longtemps l’adoption de ces procédures juridiques au niveau national pour assurer une protection rapide et efficace contre la discrimination antisyndicale. Il doit donc évaluer soigneusement si sa décision d’examiner un cas particulier le justifie d’ignorer les mécanismes nationaux que, par ailleurs, il s’efforce sans relâche de promouvoir. Certes, lorsque la partie plaignante allègue que le mécanisme national est inefficace ou n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale, cela peut justifier un examen du cas par le comité avant que les procédures nationales ne soient épuisées. Toutefois, le comité ne devrait pas examiner le cas lorsque l’organisation plaignante, sans donner la moindre explication, ne se prévaut même pas des recours disponibles au niveau national. La présente plainte tombe dans cette dernière catégorie, et le comité devrait statuer en conséquence.
  72. 555. Par sa plainte, l’AFA demande au comité de se muer en superorgane d’appel, et donne des événements une version qui constitue en réalité un raccourci très sommaire de quelques faits, commodément rassemblés pour présenter ses déboires sous le meilleur jour: c’est une version unilatérale des événements. Ce n’est pas la perspective que le NMB a prise en rendant ses décisions, et ce n’est pas celle que le comité devrait adopter en examinant ce cas.
  73. 556. Contrairement aux affirmations des plaignants, Delta n’a pas mené une campagne agressive d’ingérence dans le droit syndical des agents de bord. La société s’est bornée à communiquer son point de vue sur la syndicalisation et a fourni des informations précises aux employés sur le processus électoral, actes que le NMB a jugés conformes aux obligations de Delta en vertu de la RLA. Ces communications sont entièrement compatibles avec les principes fondamentaux de la liberté syndicale, qui donnent aux travailleurs comme aux employeurs le droit à la liberté d’opinion et d’expression. Le comité a écrit que «… le plein exercice des droits syndicaux exige la libre circulation des informations, opinions et idées et, à cette fin, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations doivent jouir de la liberté d’opinion et d’expression lors de leurs réunions, dans leurs publications et dans le cadre d’autres activités syndicales». A de nombreuses reprises, le comité a voulu s’assurer que les gouvernements «garantissent, par l’existence de moyens indépendants d’expression, la libre circulation des idées, indispensable à la vie et au bien-être des organisations d’employeurs et de travailleurs». Tous les partenaires sociaux, y compris les représentants des employeurs, doivent jouir des libertés publiques, qui comprennent la liberté d’opinion et d’expression.
  74. 557. L’AFA s’appuie sur le Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale pour étayer son allégation soit qu’en communicant aux employés ses vues sur le processus électoral et la façon de voter, Delta tentait en fait «de convaincre les employés de retirer les autorisations données au syndicat». Cet argument n’est pas fondé. Delta a communiqué avec des employés qui n’avaient pas encore choisi leur représentant; ils n’avaient donc aucune autorisation à se retirer, puisqu’ils devaient auparavant voter à bulletin secret pour désigner l’AFA comme agent négociateur.
  75. 558. En outre, et conformément aux principes énoncés par le comité en ce qui concerne la liberté d’expression, le Premier amendement de la Constitution des Etats-Unis protège la liberté d’expression des employeurs et des travailleurs dans le cadre des campagnes syndicales, à condition que ces communications «ne comportent pas de menaces de représailles ou de coercition, ou de promesses d’avantages». En vertu de la RLA, les employeurs jouissent d’une certaine latitude pour communiquer avec leurs employés pendant les élections, mais ils doivent respecter certaines limites. «Les transporteurs sont en droit d’expliquer précisément aux employés comment voter contre la représentation syndicale, et de diffuser des publications exprimant leur point de vue sur le scrutin d’accréditation.» Toutefois, lorsque les déclarations du transporteur dépassent les normes acceptées, le NMB peut y voir un acte d’ingérence dans le processus électoral, notamment lorsqu’elles donnent des renseignements erronés sur les procédures de vote du Conseil. Dans ce contexte, un transporteur ne doit pas mener une campagne systématique et généralisée «empêchant les travailleurs de choisir librement leur représentant», faute de quoi le NMB conclura à l’ingérence. L’assertion de l’AFA selon laquelle les messages de Delta à ses employés au moyen de bulletins d’information, de bannières, de vidéos et d’autres supports, y compris les insignes «shred it», constituaient une ingérence dans le processus électoral n’est tout simplement pas fondée, que ce soit en vertu de la LRA ou des principes de la liberté syndicale. Il ne faut donc pas s’étonner que le NMB ait considéré que les messages de l’employeur constituaient en fait une description précise de ses procédures et des mesures que devraient prendre les employés s’ils ne souhaitaient pas être représentés par l’AFA. En outre, le NMB a noté que, dans plusieurs des communications critiquées par le syndicat, Delta reconnaissait expressément le droit des employés de choisir eux-mêmes leur représentant. Enfin, le NMB a rejeté l’argument de l’AFA, voulant que Delta ait mené une campagne de communication «généralisée, excessive et conçue pour submerger les employés d’informations».
  76. 559. Comme le NMB, le comité a conclu que l’affichage de drapeaux et le port d’insignes, ainsi que la publication et la distribution de bulletins et de dépliants, sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale. Bien que la plupart des cas qu’il a examinés concernent l’exercice de ce droit par les syndicats et leurs militants, le comité a souligné à maintes reprises que ce droit vaut également pour les employeurs et leurs représentants. De fait, les principes de la liberté syndicale font peu de distinction entre l’expression d’une opinion sur la représentation syndicale, qu’elle vienne du représentant d’un employeur ou d’un travailleur favorable à la représentation syndicale, dans la mesure où cela se fait dans une atmosphère libre de toute coercition, intimidation ou crainte de représailles.
  77. 560. Le NMB a conclu que Delta n’avait pas commis d’actes de harcèlement, d’intimidation et de surveillance, comme l’a allégué l’AFA. Le NMB considère que, s’ils sont prouvés, le harcèlement, l’intimidation et la surveillance des employés constituent une ingérence dans un scrutin d’accréditation et peuvent justifier un deuxième tour de scrutin. Ce principe est entièrement compatible avec le concept de la liberté syndicale promu par le comité.
  78. 561. En outre, l’AFA ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait en l’espèce, c’est-à-dire de présenter au NMB des preuves crédibles et fiables d’un tel comportement de la part de Delta. Dans la mesure où l’AFA n’a présenté aucune preuve au NMB, les faits établis ne permettaient pas de démontrer que Delta s’était rendue coupable de harcèlement, d’intimidation ou de surveillance, sous quelque forme que ce soit. Tout d’abord, s’agissant de la surveillance exercée sur les employés, l’AFA a simplement présenté certains éléments de preuve indiquant que des superviseurs étaient présents dans les salons du personnel où travaillaient des partisans et des militants de l’AFA. Aucune disposition de la RLA ni aucun principe de la liberté syndicale n’exige que les représentants de l’employeur doivent quitter des lieux sous le contrôle de l’entreprise, pour la seule raison que des militants syndicaux y sont présents. Deuxièmement, l’AFA a allégué 23 cas de harcèlement, mais n’a étayé aucune de ces allégations par des preuves directes, du type exigé par le NMB pour conclure à l’existence d’actes d’ingérence. Ce dernier a considéré que, même s’ils avaient été étayés par des preuves convaincantes, les 23 incidents allégués ne constituaient pas une manifestation de «harcèlement systématique», dans le contexte d’une campagne d’accréditation syndicale s’étendant sur cinq semaines et concernant plus de 13 000 électeurs.
  79. 562. Quant à l’allégation selon laquelle Delta aurait octroyé des avantages aux employés afin de les influencer, les principes régissant l’attribution de prestations aux employés lors des différends d’accréditation en vertu de la RLA sont bien établis. «Les changements apportés aux conditions de travail durant une campagne d’accréditation peuvent altérer le déroulement normal du scrutin, sauf s’ils étaient prévus avant le scrutin en question, ou s’il existe des preuves claires et convaincantes qu’ils étaient justifiés pour des raisons commerciales.» L’AFA allègue à tort que Delta a accordé une augmentation salariale de 3 pour cent aux agents de bord le 1er juillet 2008, en violation de la RLA. Après examen des faits, le NMB a conclu que non seulement l’augmentation de 2008 avait été annoncée avant la période électorale de 2008, mais qu’elle avait même été prévue en 2007, lorsque Delta avait émergé de la faillite. Si les faits, tels qu’établis, avaient démontré que la société avait augmenté les salaires des agents de bord pour influencer le vote, le NMB y aurait vu un acte constitutif d’ingérence.
  80. 563. S’agissant de l’allégation voulant que le NMB aurait abrégé unilatéralement la période électorale, l’AFA tente de tromper le comité en soutenant que le NMB a commis une faute en avançant la date de dépouillement du vote, du 3 juin au 23 mai 2008. Bien qu’elle fût tenue de le faire, l’AFA n’a produit aucune preuve démontrant que ce changement de date lui avait porté préjudice. Le Manuel du NMB sur l’accréditation, qui énonce les règles devant être observées par toutes les parties, dispose que la période de vote doit être d’au moins 21 jours. En l’espèce, elle a duré 35 jours, ce qui donnait un temps amplement suffisant aux salariés pour voter par Internet ou par téléphone, une opération qui ne prend que quelques minutes.
  81. 564. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le NMB a permis une manipulation de la liste des employés, celui-ci dispose d’une procédure bien établie pour déterminer l’admissibilité des électeurs; l’affirmation de l’AFA, soit que Delta a manipulé la liste à son avantage avec l’approbation du NMB, est manifestement fausse. Les règles du NMB régissant l’admissibilité des électeurs existent depuis de nombreuses années, et ont été scrupuleusement suivies lors du scrutin à la société Delta. En effet, lorsque, suite à sa demande d’accréditation, la liste des électeurs admissibles lui a été fournie, l’AFA a demandé et obtenu un délai supplémentaire pour s’opposer à l’inclusion sur la liste des employés dont elle estimait qu’ils n’avaient pas droit de vote. Les allégations que l’AFA a présentées au comité ont été examinées et tranchées par le NMB après l’enquête d’usage. En outre, celui-ci a souvent statué en faveur de l’AFA, ce qui démontre que la procédure a fonctionné comme prévu.
  82. 565. L’AFA tente une fois de plus de déformer les faits devant le comité, en réitérant son objection à l’inclusion d’un agent de bord décédé dans la liste d’admissibilité. Saisi de la question, le NMB a radié ce nom de la liste des électeurs, et a publié un décompte révisé des bulletins de vote. En dernière analyse, la présence d’un électeur non admissible sur une liste contenant plus de 13 000 noms n’influe pas réellement sur l’issue du scrutin qui, comme il a été expliqué précédemment, était très largement majoritaire.
  83. 566. L’AFA allègue que le NMB a omis de s’assurer que tous les employés ont reçu des instructions de vote, parce que 64 électeurs – sur plus de 13 000 – n’avaient pas reçu de bulletin de vote. Curieusement, 40 des personnes mentionnées par l’AFA n’ont jamais demandé un duplicata de bulletin de vote, comme les règles en vigueur les y obligent, si elles souhaitent voter. Seuls 15 électeurs ont reçu un duplicata, et les autres soit n’avaient pas la qualité d’électeur, soit en avaient fait la demande hors délai, ou encore les bulletins de vote avaient été renvoyés à l’expéditeur. Quant aux quatre enveloppes contenant les instructions de vote qui auraient été ouvertes ou mal scellées, une fois saisi de la question, le NMB a mené une enquête et a conclu qu’il «n’existait aucune preuve démontrant que les (quatre) enveloppes mal scellées et les instructions de vote postées à une mauvaise adresse résultaient d’autre chose que du taux normal d’erreurs et de déchet lors d’un envoi de masse». Conformément à ses règles, le NMB a rapidement envoyé deux jeux d’instructions de vote à quatre agents de bord. En tout état de cause, le fait qu’un nombre aussi restreint de personnes n’ait pas reçu les instructions et le bulletin de vote, par rapport à un si grand nombre d’électeurs, démontre en fait l’efficacité du processus électoral du NMB. Comme pour les autres critiques formulées par l’AFA à l’égard des procédures électorales du NMB, l’allégation selon laquelle ce processus violerait en quelque sorte les principes de la liberté syndicale dans ce contexte n’est tout simplement pas plausible.
  84. 567. S’agissant de la procédure de vote «Laker», que l’AFA estime inappropriée et dont elle demande le remplacement, cette question n’est pas du ressort du comité. Une méthode qui permet aux travailleurs de désigner leur représentant exclusif aux fins de la négociation collective sur la base de «critères préétablis, précis et objectifs ... [qui existent] dans la législation» est conforme aux principes de la liberté syndicale. Le NMB s’en tient depuis plus de 70 ans à sa procédure bien établie, qui exige un vote à la majorité du nombre total des électeurs appartenant au corps de métier ou à la catégorie concernés, sauf s’il y a eu auparavant ingérence dans le processus électoral. Cette façon de procéder découle manifestement des dispositions limpides de la loi, prévoyant qu’un représentant doit être choisi par la majorité des salariés d’un corps de métier ou d’une catégorie donnés. La seule manière pratique de mettre en œuvre cette prescription législative consiste à exiger que la majorité des employés du corps de métier ou de la catégorie concernés votent en faveur de la représentation syndicale. Toute disposition moins exigeante constituerait une violation de ces «critères précis, préétablis et objectifs» clairement énoncés dans la législation.
  85. 568. Dans les cas où un syndicat formule des allégations d’ingérence dans le processus électoral, le NMB confirme le résultat d’un scrutin s’il en vient à la conclusion qu’un transporteur n’a pas commis d’actes d’ingérence, ou que les actes en question étaient suffisamment isolés pour ne pas constituer une «tentative systématique d’ingérence dans l’élection». En revanche, s’il conclut qu’il y a effectivement eu ingérence, le NMB ordonne dans la plupart des cas un deuxième tour de scrutin, tenu conformément à sa procédure électorale normale. Si les circonstances l’exigent, il peut parfois prolonger la durée de la période de vote.
  86. 569. A titre très exceptionnel, le NMB peut modifier la procédure électorale, uniquement après avoir conclu que le transporteur a sérieusement entravé le déroulement normal du scrutin. Pour remédier aux ingérences les plus flagrantes, et corriger les effets du comportement d’un transporteur ayant sapé «l’indépendance de jugement des électeurs», le NMB peut ordonner un deuxième scrutin, selon des modalités différentes. C’est ce qu’il est convenu d’appeler un scrutin «Laker», par référence à l’affaire Laker Airways, Ltd (1981), où le NMB, jugeant la conduite du transporteur comme «l’une des violations les plus flagrantes des droits des employés jamais constatées», avait effectivement interrogé les employés sur leurs souhaits en matière de représentation syndicale. Dans cette affaire, l’employeur avait notamment sondé les employés sur leurs opinions, entravé l’envoi de courrier par le NMB pour le premier scrutin, et pris des mesures pour vérifier quels employés avaient des bulletins de vote, et lesquels n’en avaient pas.
  87. 570. Ayant conclu que l’employeur avait commis en l’espèce des actes graves, le NMB a reconfiguré le processus électoral pour le second scrutin, faisant les commentaires suivants: «les mesures que nous adoptons dans ce cas ne devraient pas être considérées comme un précédent pour les situations électorales ordinaires, mais se limitent aux cas où il y a ingérence flagrante dans une élection organisée par le NMB». Lors de la deuxième élection dans l’affaire Laker, le NMB a ordonné d’utiliser une boîte de scrutin située dans les locaux de la société, et modifié la forme des bulletins de vote afin de donner un seul choix aux employés – «oui/non» –, sans espace pour ajouter des commentaires. Enfin, le NMB a décidé que l’issue du scrutin serait déterminée à la majorité des suffrages exprimés, plutôt qu’à la majorité des personnes habilitées à voter. Après l’affaire Laker, le NMB a également modifié dans quelques cas la procédure de vote, et ordonné un deuxième scrutin lors d’élections où il considérait que le transporteur avait commis certaines fautes, par exemple sonder les employés sur leur opinion par rapport à l’élection, ou des actes de ce genre. Une fois de plus, une telle intervention du NMB est l’exception et non la règle.
  88. 571. L’allégation de l’AFA, soit que le recours à une procédure d’élection normale, plutôt qu’à un scrutin «Laker», démontre que les règles du NMB «offrent une protection insatisfaisante aux employés contre l’ingérence des employeurs», n’est pas fondée. Dans l’affaire Laker, le NMB a ordonné d’utiliser une boîte de scrutin dans les locaux de la société et de modifier les modalités de décompte des voix afin d’encourager une participation maximale des salariés, et de préserver l’intégrité des bulletins de vote et du scrutin. Dans ce cas, l’employeur avait déjà entravé la procédure de vote électronique et il était possible d’utiliser une boîte de scrutin sur les lieux parce que l’employeur n’avait pas beaucoup de salariés. Compte tenu des circonstances dans l’affaire Laker, le NMB a conclu que cette modification du mode de scrutin permettrait de remédier à la violation. Dans l’affaire Delta en revanche, le NMB n’était pas confronté à des faits semblables ni à un même comportement répréhensible. En conséquence, le NMB a correctement conclu qu’un scrutin «Laker» était inutile dans l’affaire Delta.
  89. 572. En conclusion, l’USCIB soutient que la plainte de l’AFA ne démontre pas que les procédures de scrutin du NMB restreignent le droit des travailleurs de se syndiquer librement ou de négocier collectivement. La RLA protège convenablement le droit des travailleurs de se syndiquer et de désigner un représentant de leur choix. Le comité est souvent saisi de plaintes concernant des assassinats, des incarcérations, des menaces de mort, et d’autres violations extrêmement graves des droits fondamentaux des travailleurs qui souhaitent exercer leur liberté syndicale. Par comparaison avec des actes d’une telle gravité, il ne paraît guère approprié que l’AFA, un syndicat qui dispose d’un solide financement et a accès à des mécanismes juridiques exécutoires pour faire valoir ses droits en vertu des lois des Etats-Unis, accapare le temps du comité avec une plainte concernant quelques aspects mineurs d’un scrutin qu’il a perdu par une marge importante.
  90. 573. Dans sa communication en date du 25 mai 2010, le gouvernement attire l’attention du comité sur le fait que, le 11 mai 2010, le NMB a publié une décision finale qui amende ses procédures d’élection de telle sorte que, dans des différends de représentation, la majorité des bulletins valides détermineront la représentation du métier ou de la classe. La nouvelle règle, qui prend effet trente jours après sa publication, mettra fin à une pratique de 75 années du NMB qui exigeait qu’une majorité des travailleurs vote pour la représentation pour qu’un syndicat puisse être accrédité comme représentatif et où les travailleurs qui n’avaient pas participé au scrutin étaient comptabilisés comme des votes contre. En adoptant la nouvelle règle, le NMB note que les nouvelles procédures d’élection permettront de mesurer de manière plus correcte les intentions des employés dans des différends de représentation et d’offrir aux employés des choix clairs quant aux questions de représentation. Ainsi, le changement semble résoudre la préoccupation essentielle soulevée par l’organisation plaignante dans le cas.
  91. 574. Le gouvernement des Etats-Unis fournira d’autres informations pertinentes pour le présent cas et sur la nouvelle règle du NMB dès qu’elles seront disponibles. Il est raisonnable de s’attendre à ce que l’organisation plaignante ainsi que l’USCIB fassent part de leur souhait de partager leur point de vue sur la nouvelle règle. Dans ces conditions, le gouvernement suggère qu’il serait peut-être de l’intérêt du comité qu’il reporte brièvement l’examen du cas. En tout état de cause, le gouvernement est d’avis que la nouvelle évolution sera prise en compte dans l’examen du comité.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 575. Le comité observe que les allégations formulées dans ce cas concernent des actes antisyndicaux de la société Delta Air Lines et l’insuffisance des mécanismes et procédures nationaux protégeant les droits syndicaux. Les organisations plaignantes allèguent notamment un certain nombre de défaillances du National Mediation Board (NMB), qui n’a pas garanti efficacement leurs droits en vertu de la RLA en 2002, et en particulier lors du scrutin d’accréditation des agents de bord de la compagnie aérienne, tenu en 2008.
  2. 576. Le gouvernement déclare pour sa part que la législation et la pratique nationales sont généralement conformes aux conventions nos 87 et 98, et aux principes de la liberté syndicale. Le gouvernement décrit en détail les procédures suivies par le NMB et conclut que ses conclusions dans le cas faisant l’objet de cette plainte devant le comité étaient raisonnables et s’inscrivaient tout à fait dans le cadre du pouvoir discrétionnaire d’appréciation qui lui est conféré pour l’application de la RLA.
  3. 577. Le gouvernement transmet également une communication du United States Council for International Business (USCIB). Ce dernier affirme, entre autres, que la plainte est irrecevable parce que les organisations plaignantes: 1) ont saisi le comité sans avoir préalablement épuisé les voies de recours existantes devant les autorités judiciaires nationales; 2) ne sont pas fondées à demander au comité de se muer en «superorgane d’appel», chargé de réexaminer les décisions d’un organisme gouvernemental indépendant bien établi, qui s’est prononcé sur la base de preuves exhaustives présentées par l’AFA et la compagnie aérienne, voire d’y substituer ses propres conclusions. L’USCIB affirme que le comité n’a pas compétence pour analyser ou critiquer la conduite des parties parce que ces questions doivent être traitées au niveau national, et invite donc le comité à supprimer toute mention nominative des entreprises.
  4. 578. En ce qui concerne la première question soulevée par l’USCIB, soit la recevabilité de la plainte, le comité tient effectivement compte, lors de l’examen d’une plainte, des situations où les organisations plaignantes n’ont pas utilisé les recours disponibles au niveau national devant des tribunaux indépendants. Dans ce cas précis, le comité observe que les organisations plaignantes ne contestent pas seulement les actes de discrimination antisyndicale qu’elles reprochent à l’employeur, et dont l’impact éventuel sur le réexamen des faits est incertain; elles allèguent également, ce qui est plus important, qu’il existe un lien entre les conclusions du NMB et ce qu’elles estiment être des lacunes dans la législation nationale pour la protection effective du droit syndical. C’est donc dans cette optique que le comité procédera à l’examen de ce cas. S’agissant de la mention nominative des entreprises, le comité estime que les décisions qu’il a prises à cet égard suite à des discussions approfondies lors de l’examen de plaintes précédentes concernant l’usage répété des noms des entreprises devrait être évité restent valables dans ce cas particulier, et il procédera sur cette même base.
  5. 579. Le comité note que l’organisation plaignante formule plusieurs allégations en ce qui concerne les actes d’ingérence de la part des employeurs en général, et des compagnies aériennes en particulier, qui tentent d’entraver le droit des travailleurs de choisir librement l’organisation qui les représentera. D’après les allégations, les employeurs, par exemple: abusent de leur liberté d’expression pour mener des campagnes de communication antisyndicale; harcèlent et intimident les employés; manipulent des noms sur les listes de vote, afin d’augmenter le quorum nécessaire pour établir la représentation majoritaire; et octroient des avantages aux employés pour influencer leur vote.
  6. 580. Le gouvernement répond à chacune de ces allégations, affirmant que le NMB a soigneusement examiné toutes les questions soulevées et a rendu à cet égard des décisions raisonnables, compatibles avec la législation et la pratique des Etats-Unis, ainsi qu’avec les principes de l’OIT. Le gouvernement renvoie plus précisément à la jurisprudence du NMB, selon laquelle un plaignant doit d’abord établir que les actes d’ingérence allégués ont entravé le déroulement normal du processus électoral, en étayant ses allégations par des preuves matérielles. Dans ce cas particulier, ayant conclu que les allégations n’étaient pas étayées par des preuves matérielles, le NMB a décidé que l’organisation plaignante n’avait pas prouvé l’ingérence. L’USCIB allègue également que l’AFA ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, c’est-à-dire présenter au NMB des preuves crédibles et fiables du comportement antisyndical de la société aérienne, et répond à chaque allégation des organisations plaignantes. L’USCIB affirme en outre que, contrairement à ces allégations, la compagnie a toujours entretenu une relation privilégiée avec ses employés, dans une culture d’engagement mutuel.
  7. 581. Le comité constate que certaines des informations concernant le comportement de la société aérienne fournies par les organisations plaignantes, d’une part, et le gouvernement et l’USCIB, d’autre part, sont contradictoires. Comme l’affirme l’USCIB, et plus indirectement le gouvernement, le comité n’est pas en mesure, en l’espèce, d’évaluer sérieusement les preuves factuelles et les divers éléments pertinents, notamment si l’on tient compte des contradictions entre les allégations des organisations plaignantes et les informations communiquées par le gouvernement. Le comité ne tentera donc pas de réexaminer l’appréciation déjà portée sur les faits par le NMB dans ce différend.
  8. 582. Toutefois, le comité prend dûment note de l’accent mis par les organisations plaignantes sur les pratiques de l’employeur, qu’elles considèrent particulièrement inacceptables, à encourager les employés à déchirer leurs instructions de vote, à poster des affiches et des banderoles appelant les employés à détruire leurs bulletins de vote, et à distribuer aux agents de bord des badges portant des messages semblables. Les organisations plaignantes expliquent que ces campagnes sont particulièrement néfastes dans un système de relations professionnelles fondé sur la représentation majoritaire, où le syndicat doit obtenir la majorité de tous les employés admis à voter, et non seulement les suffrages exprimés, pour être accrédité comme agent négociateur. Dans le présent cas, bien que plus de 5 000 agents de bord aient exprimé le souhait d’être représentés par l’AFA-CWA, ils sont demeurés sans représentation syndicale car ils ne représentaient pas les 50 pour cent exigés des plus de 13 000 employés admis à voter.
  9. 583. Le gouvernement et l’USCIB ne contestent pas les faits rapportés plus haut mais soutiennent plutôt le fait que de telles actions sont parfaitement conformes avec la jurisprudence nationale et les principes bien établis du NMB en ce qui concerne la liberté d’expression. Le gouvernement se réfère en particulier à la position de la Cour suprême à cet égard, soit que «l’employeur est libre de communiquer à ses employés son opinion générale sur le syndicalisme, ou son point de vue particulier sur un syndicat donné, tant que ses messages ne comportent pas de menaces de représailles ou de coercition, ou de promesse d’avantages». Selon l’USCIB, la société a simplement communiqué son avis sur la syndicalisation et fourni des renseignements exacts aux employés sur le processus électoral, y compris sur la façon de voter contre le syndicat en détruisant leur bulletin de vote.
  10. 584. Bien qu’il ait souligné à de nombreuses reprises l’importance qu’il attache à la liberté d’expression comme corollaire fondamental de la liberté syndicale et de l’exercice des droits syndicaux, le comité considère aussi qu’elles ne devraient pas devenir des droits concurrents, l’un visant l’élimination de l’autre. Tout en notant que le processus national n’a pas conclu à une ingérence dans la liberté syndicale, le comité exprime sa préoccupation de manière générale dans l’utilisation de badges portant l’inscription «shred it» («déchiquetez-le») à cet égard. Bien que le fait de fournir toutes les instructions de vote pertinentes, y compris la façon de voter contre un syndicat, puisse être acceptable comme faisant partie du processus électoral d’un scrutin d’accréditation, le comité considère que la participation active d’un employeur d’une manière qui s’ingère de n’importe quelle manière dans l’exercice par un employé de sa liberté de choix serait une violation de la liberté syndicale et un manque de respect envers le droit fondamental des travailleurs de s’organiser.
  11. 585. Le comité rappelle à cet égard qu’il a récemment eu l’occasion d’examiner la question de la liberté d’expression des employeurs dans une affaire où, tout en observant que la protection offerte par la législation nationale contre les pratiques déloyales de travail s’étendait aux manifestations de la liberté d’expression susceptibles d’entraver la formation d’une organisation de travailleurs ou le choix d’un syndicat comme agent négociateur, il a conclu que les principes de la liberté syndicale ne semblaient pas avoir été violés (cas no 2654, 356e rapport, paragr. 381). Dans un autre cas, le comité a demandé au gouvernement de s’assurer que les employeurs n’expriment pas d’opinions susceptibles d’intimider les travailleurs dans l’exercice de leurs droits syndicaux, par exemple en prétendant qu’il est illégal de constituer une association, en les mettant en garde contre l’affiliation à une organisation de niveau supérieur, ou en les encourageant à se retirer du syndicat (cas no 2301, 356e rapport, paragr. 80). Le comité attire l’attention du gouvernement sur l’importance de fournir une protection spécifique et efficace en ce qui concerne le droit syndical et le choix d’un agent négociateur, et le prie de réexaminer avec les partenaires sociaux l’application actuelle de la RLA, concernant les questions soulevées dans ce cas, afin de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect intégral de ces principes dans la pratique.
  12. 586. Le comité note en outre que les organisations plaignantes ont établi un lien entre les risques d’abus de la liberté d’expression sur l’exercice effectif du droit syndical et la procédure électorale du NMB, qui exige qu’un syndicat recueille les suffrages de la majorité des employés pour être accrédité comme agent négociateur. Dans ce contexte, l’organisation plaignante affirme que le NMB aurait dû non seulement tenir en l’espèce un scrutin «Laker» (vote «oui/non», le syndicat étant accrédité s’il obtient la majorité des suffrages exprimés), mais soutient plus généralement que les règles du NMB devraient offrir aux employés l’option d’un scrutin «Laker» ou, à tout le moins, ne plus restreindre ce mode de scrutin aux circonstances «extraordinaires et inhabituelles».
  13. 587. Le comité note que le gouvernement invoque à cet égard les conditions particulières du secteur couvert par la RLA, et la nécessité de garantir des relations professionnelles stables afin d’éviter toute interruption du commerce interétatique. Le gouvernement mentionne également que la RLA ne prévoit pas de procédure de révocation de l’accréditation et qu’il est donc essentiel que le syndicat accrédité ait le soutien des travailleurs qu’il représente. Le gouvernement décrit aussi les circonstances inhabituelles pouvant justifier la tenue d’un scrutin «Laker», et soutient que la décision du NMB de ne pas y recourir en l’espèce était parfaitement cohérente avec sa pratique habituelle. Enfin, le comité prend note des informations communiquées par l’USCIB, qui établissent une distinction entre la présente affaire et les cas de violations flagrantes qui ont justifié dans le passé le recours à un scrutin «Laker».
  14. 588. Le comité a été appelé au cours des années à examiner la compatibilité de nombreux systèmes de relations professionnelles, exigeant ou non la représentation majoritaire, avec les principes de la liberté syndicale. Il n’est pas nécessairement incompatible avec la convention no 87 de prévoir la délivrance d’un certificat au syndicat le plus représentatif dans une unité donnée pour le reconnaître comme agent exclusif de négociation au nom de cette unité, mais il faut encore qu’un certain nombre de garanties soient assurées. A ce propos, le comité a signalé que, dans plusieurs pays où la procédure d’octroi de certificat à des syndicats, comme agents exclusifs de négociation, a été établie, il a été considéré comme essentiel que ces garanties comprennent notamment: a) l’octroi du certificat par un organisme indépendant; b) le choix de l’organisation représentative par un vote de majorité des travailleurs dans l’unité considérée; c) le droit pour une organisation qui n’obtient pas un nombre de voix suffisant de demander une nouvelle élection après un délai déterminé; d) le droit pour une organisation autre que les organisations ayant reçu un certificat de demander une nouvelle élection au bout d’une période déterminée, souvent 12 mois après l’élection précédente. Le comité rappelle en outre que lorsque, dans un système de désignation d’agent négociateur exclusif, aucun syndicat ne représente le pourcentage de travailleurs requis pour être déclaré agent négociateur exclusif, les droits de négociation collective devraient être accordés aux syndicats de l’unité, au moins au nom de leurs propres membres. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 969 et 976.] Le comité observe que le système mis en place par le NMB prévoit les garanties essentielles pour un système basé sur les droits de négociation exclusifs pour le syndicat le plus représentatif: 1) la délivrance du certificat est assurée par un organisme indépendant; 2) l’organisation représentative est choisie par un vote majoritaire des employés de l’unité concernée; et 3) une organisation non accréditée a le droit de demander une nouvelle élection après un délai déterminé.
  15. 589. Le comité observe en outre que la demande des organisations plaignantes concernant l’utilisation généralisée des scrutins «Laker» semble surtout être liée à ce qu’elles perçoivent comme un déséquilibre des forces en faveur de l’employeur, ce qui rend la tâche très difficile aux syndicats dans le cadre d’un scrutin normal où tous les employés ayant le droit de vote sont comptés. Dans sa première réponse, le gouvernement maintient au contraire que la méthode d’élection telle que mise en pratique par le NMB n’a pas abouti à la suppression des syndicats et qu’il y a un pourcentage significativement plus élevé de syndicalisation dans la main-d’œuvre couverte par la RLA. Le comité se félicite à cet égard du dialogue social décrit par le gouvernement comme actuellement mis en place. Ce dialogue inclut l’information fournie dans la plus récente communication du gouvernement selon laquelle le NMB a publié une décision finale en date du 11 mai 2010 qui amende ses procédures d’élection de telle sorte que, dans des différends sur la représentation, une majorité des bulletins valides détermineront la représentation du métier ou de la classe, résolvant apparemment la préoccupation essentielle de l’organisation plaignante; l’examen d’une nouvelle règle en rapport avec la loi applicable; et la formation par le NMB d’une nouvelle Commission conjointe sur la gestion du travail pour examiner les recommandations faites dans les années quatre-vingt-dix par la Commission sur l’avenir des relations professionnelles («Commission Dunlop»). Le comité s’attend à ce qu’il soit tenu compte des questions soulevées dans ce cas et des principes de la liberté syndicale dans ce processus et dans tout autre processus d’examen engagé.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 590. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité attire l’attention du gouvernement sur l’importance de fournir une protection spécifique et efficace en ce qui concerne le droit syndical et le choix d’un agent négociateur, et le prie de réexaminer avec les partenaires sociaux l’application actuelle de la RLA, concernant les questions soulevées dans ce cas, afin de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect intégral, dans la pratique, des principes énoncés dans ses conclusions.
    • b) Le comité s’attend à ce qu’il soit tenu compte des questions soulevées dans ce cas et des principes de la liberté syndicale dans le processus mentionné dans ses conclusions et dans tout autre processus d’examen engagé.
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