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- 268. La présente plainte figure dans une communication de la Confédération des travailleurs de l’éducation de la République argentine (CTERA) en date du 29 septembre 2008.
- 269. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications d’avril 2009 et du 26 mai 2009.
- 270. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 271. Dans sa communication en date du 29 septembre 2009, la Confédération des travailleurs de l’éducation de la République argentine (CTERA) considère que la situation juridique porte préjudice aux travailleurs de l’éducation de la province de Terre de Feu, Antarctique et îles de l’Atlantique Sud, regroupés dans le Syndicat unifié des travailleurs de l’éducation de la Terre de Feu (SUTEF), entité syndicale de premier degré membre de la CTERA; cette situation constitue une grave atteinte aux principes consacrés à l’échelle internationale et qui, figurant dans la législation de l’Argentine, garantissent la liberté syndicale et la liberté d’expression.
- 272. Dans ce contexte, la CTERA se réfère au texte de la circulaire no 18/08 du 12 juin 2008 publiée par le ministère de l’Education dépendant du pouvoir exécutif de la province susmentionnée; cette circulaire relative à la restriction de l’exercice du droit de participation syndicale indique, selon un procédé d’intimidation, que les directeurs des établissements d’enseignement doivent remettre à la Direction générale du personnel du ministère de l’Education la liste des enseignants qui ont tenu des assemblées entre le 1er avril 2008 et la publication dudit acte administratif.
- 273. La CTERA indique que, aux termes de la circulaire no 18/08, l’information doit être fournie chaque jour et contenir les renseignements suivants: 1) nom et prénom de l’enseignant; 2) numéro de dossier personnel; 3) date de participation à une assemblée; 4) le cas échéant, nombre d’heures d’enseignement obligatoires; et 5) temps consacré. La CTERA se réfère aussi à la circulaire no 02/08 du 1er septembre 2008, publiée par le Secrétariat à la communication institutionnelle de la province de Terre de Feu, Antarctique et îles de l’Atlantique Sud, qui vise les directeurs d’établissements d’enseignement et qui dispose qu’à partir du 1er septembre 2008 aucun service ne pourra diffuser d’avis officiel sous quelque prétexte que ce soit sans autorisation préalable du Secrétariat à la communication institutionnelle. Dans les mêmes termes que la circulaire précédente, les seules exceptions prévues concernent la communication d’alertes à la population, les appels d’offres, la recherche de domicile, les avis de vacance de poste d’enseignants et autres avis qu’il est légalement obligatoire de diffuser. Dans tous les autres cas, indépendamment de l’urgence indiquée par les intéressés, l’autorisation du Secrétariat devra être obtenue sans exception.
- 274. Aux termes de la circulaire no 02/08, interdiction est faite aux directeurs d’établissements d’enseignement de la province de consigner, comme cela s’était toujours fait, l’état de fonctionnement des écoles: lorsqu’un établissement n’offrait pas les conditions requises pour permettre le bon déroulement des cours, les parents étaient avertis, de sorte qu’ils n’envoyaient pas leurs enfants à l’école, compte tenu des difficultés que cette situation entraîne lorsqu’elle n’est pas signalée à temps. Ainsi, par exemple, lorsqu’un établissement n’avait pas été fourni en gaz, à ce jour, le directeur s’empressait d’en avertir les intéressés au moyen d’une annonce diffusée sur Canal 11 de la télévision d’Etat de la province, compte tenu des températures extrêmement basses, en-dessous de zéro, qui sont enregistrées en Terre de Feu, territoire le plus austral du monde. Conformément à la circulaire susmentionnée, les directeurs des établissements d’enseignement ne sont plus autorisés à prendre cette mesure.
- 275. Comme décrit, il est porté atteinte de façon manifeste à la liberté syndicale et à la liberté d’expression du fait de l’intervention du pouvoir exécutif de la province de Terre de Feu par l’intermédiaire du ministère de l’Education, de la Culture, de la Science et de la Technologie, dans la mesure où celui-ci prétend exercer des compétences qui ne sont absolument pas de son ressort. Cela vaut aussi pour l’initiative du Secrétariat à la communication institutionnelle.
- 276. En ce qui concerne la circulaire no 18/08 du ministère de l’Education, la situation résulte indubitablement d’une violation de la Constitution et de certaines carences législatives dont l’Etat argentin dans son ensemble doit répondre. La responsabilité de l’Etat argentin ressort d’autant plus clairement que d’autres plaintes ont déjà été formulées par la CTERA concernant diverses collectivités qui forment cet Etat, parmi lesquelles la province de La Rioja, la province de Neuquen et la province de Buenos Aires.
- 277. La CTERA considère que l’initiative patronale décrite ci-dessus porte atteinte au droit en ce qu’elle modifie et limite le régime de la loi no 25551, et déroge au principe de la légalité (art. 28, 75, alinéa 22, de la Constitution nationale), ainsi qu’au principe de la liberté syndicale (art. 75, alinéa 22, de la Constitution nationale; art. 16 et 30 du Pacte de San José de Costa Rica; art. 5 et 8 du Pacte international des droits économiques et politiques et art. 8 de la convention no 87 de l’OIT); la CTERA considère en outre que l’initiative patronale est grandement discriminatoire (art. 75, alinéa 22, de la Constitution nationale, art. 1, 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 1 du Pacte de San José de Costa Rica et art. 1 de la loi no 23592), qu’elle annule la garantie de protection de l’action syndicale consacrée par l’article 14 bis de la Constitution nationale et qu’elle empêche son déroulement normal. La CTERA ajoute que le Comité de la liberté syndicale a eu l’occasion de s’exprimer sur des allégations similaires lorsqu’il a examiné le cas no 2223.
- 278. Selon la CTERA, la circulaire no 18/08 édictée par le ministère de l’Education de la province de Terre de Feu peut être réputée nulle, étant donné, comme indiqué, qu’elle réglemente des questions qui ne relèvent pas de sa compétence. Concrètement, le contrôle de la présence au travail est déjà prévu par la législation provinciale, et il n’y a aucune raison d’exiger qu’un autre contrôle s’exerce, en cas de constitution d’une assemblée. La circulaire no 18/08 vise à contraindre les directeurs d’établissements à établir des «listes» des travailleurs de l’enseignement qui participent à une assemblée convoquée par le syndicat. Plusieurs éléments essentiels de tout acte administratif font défaut. En premier lieu, cette circulaire n’a pas de raison d’être, étant donné que le contrôle de la présence au travail existe déjà; en deuxième lieu, elle n’est pas justifiée ou, à défaut d’être justifiée (si son objet est de contrôler la participation à l’assemblée et non l’absence au travail), elle viole l’ordre constitutionnel.
- 279. A l’évidence, il ressort de la circulaire no 18/08 que l’on vise à présenter l’activité enseignante comme un «service essentiel», tout comme cela a été le cas dans d’autres règles édictées par l’Etat de la province de Terre de Feu. On ne peut alléguer, comme il ressort du texte de la circulaire no 18/08 de la province de Terre de Feu, qu’en ce qui concerne le personnel de l’administration provinciale la province a toujours et totalement compétence pour tous les aspects; de même, en matière de stabilité de l’emploi ou du travail, les provinces sont assujetties aux principes constitutionnels susmentionnés. Qui plus est, les traités internationaux «qui ont valeur constitutionnelle» reconnaissent qu’il est de plus haut intérêt général de l’Etat de respecter et d’appuyer les droits découlant de la liberté syndicale.
- B. Réponse du gouvernement
- 280. Dans ses communications d’avril 2009 et du 26 mai 2009, le gouvernement déclare que la circulaire no 18/08 se fonde juridiquement sur le décret provincial no 2441 du 1er décembre 2008, qui approuve la «Méthodologie de relation entre les associations syndicales et l’Etat provincial». Il cite deux des dispositions de ce décret qu’il juge pertinentes à ce stade, se réservant le droit d’en examiner le texte complet dès que possible:
- Article 1: Est approuvée la «Méthodologie de relation entre les associations syndicales et l’Etat provincial» conformément aux critères exposés à l’annexe 1 qui fait partie intégrante du présent décret, «sans préjudice des dispositions qui pourraient être adoptées dans le cadre de conventions collectives ou d’accords dûment homologués, pour les aspects sous lesquels cette méthodologie contredirait lesdites dispositions».
- Article 5 de l’annexe 1: «Les assemblées de personnel convoquées par les associations syndicales sur le lieu de travail ne pourront se dérouler qu’à la fin de la journée de travail et dans le lieu assigné par l’autorité de plus haut niveau de l’organe ou du service responsable de l’immeuble où se tiendra la réunion.
- Si, compte tenu de circonstances extraordinaires, l’association syndicale doit convoquer une assemblée sur le lieu de travail pendant la journée de travail, elle est tenue de solliciter douze heures avant l’autorisation de l’autorité indiquée au paragraphe précédent.
- Si les motifs exposés sont jugés recevables, dans un délai supérieur à six heures, ladite autorité publiera l’acte autorisant la réunion en prenant les précautions requises pour garantir le déroulement normal des activités professionnelles sur place et du service à l’usager.
- L’acte administratif précisera le lieu où se tiendra la réunion, qui devra se conformer aux règles de la bienséance, étant entendu que les participants ne pourront se déplacer en d’autres lieux de l’édifice.
- Autrement dit, ce dernier article régit le déroulement des réunions pour ce qui est du moment et du lieu où elles se tiennent, de même que les communications et autorisations qui y sont attachées. Ceci est conforme à la recommandation no 143, puisque cette mesure administrative n’affecte en rien le travail du personnel enseignant.
- 281. Le gouvernement se réfère également à l’accord complémentaire du 10 novembre 2003 conclu entre l’organisation plaignante et le gouvernement de la province, qui réglemente les modalités d’octroi du congé syndical aux délégués et aux membres de la commission du personnel du syndicat, en totale conformité avec la réglementation antérieure, plus précisément l’article 3 de l’annexe du décret no 2441/98 du 1er décembre 1998, dans le respect des dispositions de la convention no 151. En d’autres termes, l’organisation plaignante connaissait parfaitement l’existence de ce décret et c’est dans l’exercice plein et entier des facultés que lui reconnaît l’article 1 susmentionné («… accords dûment homologués…») qu’elle a signé un accord sur les modalités du permis syndical octroyé aux membres de la commission ainsi qu’aux dirigeants syndicaux par la loi no 23.551, à l’article 44. Si l’on établit un rapport entre les faits et la circulaire no 18/08, maintenant contestée parce qu’elle exige l’établissement d’une liste, il faut aussi citer cette réglementation, ce qui n’a pas été fait.
- 282. C’est précisément cette omission de la part du syndicat qui a amené le ministère de l’Education de la province à réglementer dans le domaine couvert par le décret contesté. Ainsi, priorité a été donnée à la nécessité de concilier les droits des agents et les objectifs propres de l’Etat de façon à ce qu’il puisse s’acquitter de ses fonctions et à éviter de porter atteinte aux droits de la collectivité générale pour ce qui est des prestations que l’Etat est tenu de lui fournir, sans chercher en aucune manière à enfreindre ou violer quelque droit syndical. D’autre part, c’est là une évidence, les établissements d’enseignement fournissent un service à un secteur vulnérable de la population, à savoir les enfants, raison pour laquelle ledit service doit être assuré à tout moment.
- 283. Dans ces circonstances, le gouvernement affirme qu’il est nécessaire de déterminer le nombre d’enseignants présents et le nombre d’enseignants absents de leur poste parce qu’ils assistent à des assemblées ou à des réunions d’information dans les établissements d’enseignement de la province. En d’autres termes, il faut contrôler si, avec le personnel en fonction, il est possible de respecter le programme annuel fixé et de ne pas perturber le déroulement normal de l’enseignement. Cela n’a rien à voir avec une atteinte aux droits syndicaux et la circulaire contestée n’affecte en rien les dispositions de la convention no 87 de l’OIT. Comme il est démontré, les droits syndicaux sont protégés et régis par des normes qui, dans le cas d’espèce, ne sont pas respectées par l’organisation plaignante.
- 284. Le ministère de l’Education de la province, dont émane la circulaire en question, cite, en guise de conclusion et pour synthétiser l’objectif principal de son action, la jurisprudence établie par le tribunal national civil, salle B, du 22 décembre 1976, dans l’affaire Blanco, Manuel et autre c. Conseil national de l’éducation: «Lorsque le mineur est à l’école, la garde exercée par les parents est provisoirement transférée et la surveillance et la prise en charge de l’enfant sont assumées par l’enseignant. S’il y a préjudice, on peut considérer qu’il y a eu défaut de surveillance, précisément dans le lieu où les parents envoient leurs enfants pour qu’on les surveille et les contrôle.»
- 285. En ce qui concerne le cas no 2223 cité par l’organisation plaignante, le gouvernement indique qu’il n’a pas été porté atteinte au droit de réunion puisque la possibilité existe que, d’un commun accord, soient établies les modalités d’exercice de ce droit (art. 1, décret no 2441 de 1998), ce qui, d’une certaine manière, implique son interdiction; pour cette même raison, on ne peut dire non plus qu’il a été porté atteinte à l’article 6 de la convention no 151; quant à la possibilité de négocier, elle existe, et de façon absolument viable, comme il ressort de l’accord susmentionné. Le gouvernement estime donc que le parallèle avec le cas no 2223 est sans fondement.
- 286. En ce qui concerne les circulaires nos 001/08 et 002/08, sur la base des informations pertinentes relatives à la circulaire no 002/08 du 1er septembre 2008, le gouvernement indique que le Secrétariat à la communication institutionnelle du gouvernement provincial est effectivement responsable des trois moyens publics de communication de la province de Terre de Feu, à savoir Canal 11 d’Ushuaia, Canal 13 de Río Grande et Radio Fundación Austral, qui a son siège dans la capitale provinciale. Ces chaînes publiques sont la seule offre de télévision en direct qui existe dans la province, raison pour laquelle ils couvrent un très large public, en tant non seulement que source officielle d’information publique, mais aussi de divertissement pour ceux qui n’ont pas la télévision par câble ou par satellite.
- 287. Vu leur caractère public et leur rôle stratégique compte tenu de la répartition de la population dans la province (deux centres urbains séparés de 220 kilomètres), ces chaînes sont aussi beaucoup sollicitées pour diffuser des informations institutionnelles. Cela revient à dire que beaucoup d’institutions provinciales, auxquelles il faut ajouter les institutions ponctuellement associées à l’Etat ainsi que les ONG à but non lucratif, exercent une forte pression pour que ces chaînes diffusent des avis publicitaires des plus divers. Dans la majorité des cas, ces avis dits «institutionnels» diffusés sur les moyens publics sont sans frais pour l’émetteur. A titre d’exemple, on signalera qu’en avril 2008, sur le Canal 11 d’Ushuaia uniquement, 100 avis de ce type-là ont été émis en direct.
- 288. Les dirigeants de la chaîne ont fait savoir que, compte tenu de l’ampleur de la demande, il était impossible de programmer des espaces publicitaires d’une durée raisonnable, sans compter d’autres problèmes connexes. En d’autres termes, toute institution souhaitant faire passer un message s’adressait à la chaîne par l’intermédiaire d’un représentant. Afin de mettre un terme à cette situation et de définir des critères raisonnables, le Secrétariat a édicté la circulaire no 001/08 le 22 mai 2008. Cette première disposition ne faisait qu’expliquer ce qui a été exposé dans le paragraphe antérieur, établissant que «tous les services de l’Etat (y compris les entités autonomes) et les organisations sociales qui souhaitent diffuser de la publicité institutionnelle gratuite sur les chaînes de l’Etat»… doivent tenir compte d’une série de critères.
- 289. La circulaire précise que les intéressés devront obtenir l’autorisation du Secrétariat à la communication institutionnelle afin qu’il soit possible de coordonner la diffusion des avis en direct en fonction de leur urgence. On notera que la circulaire se réfère à «la publicité institutionnelle gratuite», ce qui en soi réfute toute interprétation que l’on pourrait en faire. Le second paragraphe du point «pour approbation» précise ce qui suit: «exception est faite pour les annonces d’informations urgentes (alertes à la population, suspensions de classes, etc.), les appels d’offres, les recherches de domicile, les avis de vacance de poste d’enseignants et autres avis que l’Etat a l’obligation de diffuser, et qui peuvent être remis au directeur de la chaîne». Il est en outre expressément précisé que les annonces d’informations urgentes n’entrent pas dans le champ d’application de la circulaire et, spécifiquement, que les avis de suspension de classes et même les avis de vacance de poste d’enseignants ne relèvent pas des modalités qu’elle prévoit.
- 290. La circulaire définit précisément les critères auxquels sont assujettis les avis: durée maximale de 30 secondes, fin de l’avis indiqué par un logo officiel, brièveté, textes ou support, images, etc. Tout cela confirme que la circulaire ne vise qu’à ordonner la publicité institutionnelle gratuite. Toutes ces exigences – durée maximale, indication de la fin de l’avis, remise d’images, etc. – n’auraient aucun sens s’il s’agissait de réglementer les avis de suspension de classes, lesquels, comme la circulaire le précise à diverses reprises (peut-être afin de prévenir les plaintes), «pourront être remis au directeur de la chaîne». Le gouvernement estime que la plainte est sans rapport avec les faits réels ni avec l’objectif de la circulaire.
- 291. Le gouvernement ajoute que, en août 2008, le Secrétariat à la communication institutionnelle a publié la circulaire no 002/08 fixant au 1er septembre 2008 la date d’entrée en vigueur du système de publicité officiel sur les chaînes de télévision de la province. Cette circulaire définit les modalités d’autorisation des avis pour la ville de Río Grande et tient les directeurs de chaîne ou les chefs de la rédaction pour responsables en cas d’inexécution. Sont expressément exclues de son champ d’application les alertes à la population – ce qui correspond, dans la précédente circulaire, aux «suspensions de classes» ou «informations urgentes» –, le sens initial restant le même, à savoir rationnaliser la publicité institutionnelle gratuite. D’ailleurs, la réalité confirme cela totalement: il n’y a eu aucune plainte d’aucun directeur d’école auquel on aurait demandé d’obtenir préalablement l’autorisation de diffuser un communiqué de suspension de classes. Il n’existe pas d’autre façon d’interpréter ce texte, à moins que l’intention soit de le dénaturer.
- 292. Il convient toutefois d’ajouter que, simultanément à la publication de la circulaire, se déroulait un violent conflit entre le SUTEF et le gouvernement de la province, motivé par la demande du syndicat d’une hausse de 24 pour cent des salaires, hausse selon lui acquise à l’échelle nationale. Ce conflit a donné lieu à plusieurs grèves et assemblées et à un très grand nombre de débats médiatisés où sont intervenus des fonctionnaires et des dirigeants syndicaux. Le Secrétariat a joué un rôle très important dans ce conflit en garantissant la liberté d’expression de tous les secteurs, les trois éditions quotidiennes des journaux télévisés officiels couvrant largement la grève des enseignants, en veillant tout spécialement à ce que chacun des dirigeants syndicaux ait le temps de s’exprimer, et en rendant compte de toutes les conférences de presse organisées par le syndicat ainsi que de ses déclarations.
- 293. Le gouvernement signale que l’on pourrait comprendre que telle est la fonction du Secrétariat à la communication institutionnelle, mais il n’en est rien: le 4 juin 2008 a été retransmise en direct à la télévision une réunion entre les membres de la commission exécutive du SUTEF et les fonctionnaires du ministère de l’Education de la province. A cette occasion, les syndicalistes ont mis les dirigeants au défi de débattre publiquement du budget lors d’une réunion paritaire. Le jour suivant, le 5 juin, pour la première fois dans le pays, la télévision publique de la province de Terre de Feu a transmis en direct dans toute la province, pendant plus de dix heures, le débat public entre les syndicalistes et représentants du gouvernement consacré au budget. Pendant ces journées, le syndicat a réservé sans restriction sur le Canal 11 d’Ushuaia des espaces de publicité au cours desquels il a diffusé des spots sur le conflit, et le directeur du Canal 13 de Río Grande a accepté de recevoir un important groupe d’enseignants qui souhaitaient faire des déclarations immédiates; quelques minutes plus tard, un flash répondant à leur demande a été transmis à la télévision. Tout cela se passait alors qu’un groupe d’enseignants avaient monté une tente pour manifester devant la résidence de la gouverneure. Point n’est besoin de souligner que c’est la même télévision que le SUTEF accuse aujourd’hui de lui refuser de diffuser des avis de suspension de classes pour cause de panne de chaudière.
- 294. Le gouvernement estime que les circulaires dont il est question ont pour seul objectif de mettre de l’ordre dans l’émission de publicité institutionnelle gratuite sur les chaînes de télévision publiques de la province de Terre de Feu, comme il ressort du texte même de ces instructions qui comportent des dispositions expresses relatives à d’autres types d’annonces, comme celles signalées par le SUTEF dans sa plainte.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 295. Le comité note que, dans le présent cas, la Confédération des travailleurs de l’éducation de la République argentine (CTERA) conteste la circulaire no 18/08 du 12 juin 2008 édictée par le ministère de l’Education de la province de Terre de Feu, Antarctique et îles de l’Atlantique Sud, considérant qu’elle porte atteinte à l’exercice de l’activité syndicale; selon la CTERA, cette circulaire impose aux directeurs d’établissements d’enseignement de remettre à la Direction générale du personnel du ministère de l’Education la liste des enseignants qui, entre le 1er avril 2008 et la date de publication de la circulaire, ont participé à des réunions (doivent être indiqués le nom et le prénom de l’enseignant; son numéro de dossier personnel; les dates auxquelles il a participé à des réunions syndicales; le cas échéant, le nombre d’heures d’enseignement obligatoires). La CTERA conteste aussi la circulaire no 002/08 du 1er septembre 2008 édictée par le Secrétariat à la communication institutionnelle de l’Etat de la province de Terre de Feu, Antarctique et îles de l’Atlantique Sud, qui dispose que les directeurs d’établissements d’enseignement actuellement ne peuvent émettre des communiqués puisque, à partir du 1er septembre 2008, aucun service ne pourra, sous aucun prétexte, émettre d’avis officiel sans avoir obtenu préalablement l’autorisation du Secrétariat à la communication institutionnelle; ainsi, un directeur ne peut pas faire savoir à la population que son établissement n’est pas en état de fonctionner. Selon l’organisation plaignante, ces circulaires violent la liberté syndicale et portent préjudice aux travailleurs de l’éducation de la province qui sont affiliés au Syndicat unifié des travailleurs de l’éducation de la province de Terre de Feu (SUTEF).
- 296. En ce qui concerne la circulaire no 18/08 du 12 juin 2008 publiée par le ministère de l’Education de la province de Terre de Feu, Antarctique et îles de l’Atlantique Sud, le comité note que, selon le gouvernement: 1) la circulaire se fonde juridiquement sur le décret provincial no 2441 du 1er décembre 1998 portant approbation de la méthodologie de relation entre les associations syndicales et l’Etat provincial qui régit notamment les modalités d’organisation des réunions (moment, lieu) ainsi que les communications et autorisations requises à cet égard; 2) par ailleurs, le SUTEF et le gouvernement de la province ont signé le 10 novembre 2003 un accord complémentaire régissant la méthodologie d’octroi de permis syndical aux délégués et membres de la Commission du personnel du syndicat; 3) le SUTEF connaissait parfaitement l’existence du décret no 2441 de 1998, et c’est dans l’exercice plein et entier des facultés qu’il lui octroie qu’il a signé l’accord établissant les modalités d’exercice du congé syndical; 4) le ministère de l’Education s’est vu dans l’obligation de réglementer les dispositions du décret no 2441, compte tenu de la nécessité prioritaire de concilier les droits des travailleurs et les fins propres de l’Etat, en évitant tout à la fois d’entraver l’exercice de ses prérogatives et de porter préjudice aux droits de la communauté; 5) les institutions éducatives rendent un service à un secteur vulnérable de la population et la prestation de ce service doit donc être assurée à tout moment, d’où la nécessité de déterminer le nombre d’enseignants présents à leur poste et le nombre d’enseignants absents du fait qu’ils assistent à une réunion d’information dans les établissements d’enseignement de la province; 6) il est nécessaire de contrôler si, compte tenu du nombre d’enseignants s’acquittant de leurs fonctions, il est possible de respecter le programme annuel fixé et de ne pas entraver le déroulement normal des tâches éducatives, cela n’ayant rien à voir avec une atteinte aux droits syndicaux; 7) le ministère de l’Education de la province s’appuie sur la jurisprudence du tribunal national civil selon laquelle, quand le mineur se trouve à l’école, la garde exercée par les parents se déplace provisoirement et la surveillance et la prise en charge matérielle incombent à l’enseignant; en cas de préjudice, on peut considérer qu’il y a eu défaut de surveillance, précisément dans un endroit où les parents envoient leurs enfants pour qu’ils soient surveillés et contrôlés.
- 297. A cet égard, le comité fait observer que, si l’accord complémentaire de 2003 a pour objectif de déterminer ce qu’il faut entendre par congé syndical ainsi que le temps de travail qui peut lui être consacré, la circulaire no 18/08 du 12 juin 2008 cherche à obtenir des informations sur les enseignants ayant participé à des réunions syndicales entre avril et juin 2008. Dans ces conditions, considérant que l’objectif poursuivi par ladite circulaire n’est pas compréhensible, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l’autorité compétente de la province de Terre de Feu, Antarctique et îles de l’Atlantique Sud révoque ou modifie la circulaire no 18/08 du 12 juin 2008 en consultation avec le syndicat concerné.
- 298. En ce qui concerne la circulaire no 002/08 du 1er septembre 2008, édictée par le Secrétariat à la communication institutionnelle de l’Etat de la province de Terre de Feu, Antarctique et îles de l’Atlantique Sud, laquelle, selon l’organisation plaignante, empêche les directeurs d’établissements d’enseignement de porter à la connaissance de la population, par exemple, le fait que leur établissement n’est pas en état de fonctionner, puisqu’elle dispose que, à partir du 1er septembre 2008, aucun service ne pourra, sous quelque prétexte que ce soit, émettre d’avis officiel sans avoir préalablement obtenu l’autorisation du Secrétariat à la communication institutionnelle, le comité note que, selon le gouvernement: 1) le Secrétariat à l’information institutionnelle du gouvernement provincial est responsable des trois moyens de communication publique de la province (Canal 11 d’Ushuaia, Canal 13 de Rio Grande et Radio Fundación Austral); 2) ces chaînes publiques sont l’unique offre de télévision en direct qui existe dans la province et elles couvrent donc un auditoire très large en tant que source officielle d’information publique et source de divertissement; 3) compte tenu de leur caractère de moyens de communication publics et massifs et de leur localisation stratégique, étant donné la répartition de la population dans la province, ces chaînes doivent également faire face à une demande importante d’information institutionnelle, ce qui signifie que beaucoup des institutions publiques, auxquelles il faut ajouter les institutions associées à l’Etat ainsi que les ONG à but non lucratif, font pression auprès des chaînes pour qu’elles diffusent des avis publicitaires des plus variés; 4) c’est dans le but de mettre un terme à cette situation et de définir des critères raisonnables qu’a été adoptée le 22 mai 2008 la circulaire no 001/08 disposant que tous les services de l’Etat (y compris les entités autonomes) et les organisations sociales souhaitant diffuser une publicité institutionnelle gratuite sur les chaînes de l’Etat doivent tenir compte d’une série de critères (autorisation du Secrétariat à la communication, à l’exception toutefois des avis urgents à la population tels que les alertes ou suspensions de classes); 5) en août 2008 a été édictée la circulaire no 002/08 fixant au 1er septembre 2008 la date définitive d’entrée en vigueur de la nouvelle organisation de la publicité officielle sur les chaînes de télévision de la province ainsi que le mode d’autorisation des avis pour la ville de Río Grande, les directeurs des chaînes étant tenus responsables en cas d’inexécution (sont expressément exclus du champ d’application les communiqués d’alerte à la population ou de suspension de classes); 6) aucune plainte n’a été déposée par aucun directeur d’établissement scolaire à qui il aurait été demandé de solliciter une autorisation avant de diffuser un communiqué de suspension de classes; 7) au moment de l’émission de la circulaire se déroulait entre le SUTEF et le gouvernement de la province un conflit relatif à une hausse de salaire revendiquée par le syndicat; au cours de ce conflit, la liberté d’expression a été garantie à tous les secteurs et du temps a été octroyé aux dirigeants syndicaux pour exprimer leur opinion dans les journaux télévisés; 8) les circulaires ont été publiées dans le seul but de gérer de façon ordonnée l’émission de publicité institutionnelle gratuite sur les chaînes de télévision publiques.
- 299. Compte tenu de ces informations et du fait que l’organisation plaignante n’allègue pas que la circulaire no 002/08 a été utilisée de façon discriminatoire à l’encontre de ses affiliés, ni ne fait état d’éventuels obstacles à l’exercice du droit d’expression des dirigeants syndicaux, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 300. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l’autorité compétente de la province de Terre de Feu, Antarctique et îles de l’Atlantique Sud révoque ou modifie la circulaire no 18/08 du 12 juin 2008 en consultation avec le syndicat concerné.