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Rapport intérimaire - Rapport No. 353, Mars 2009

Cas no 2630 (El Salvador) - Date de la plainte: 03-MARS -08 - Clos

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  1. 899. La plainte fait l’objet d’une communication présentée par le Syndicat des travailleurs de la société Empresa Confitería Americana S.A. de C.V. (STECASACV) en date du 3 mars 2008, avec l’appui de la Confédération syndicale des travailleuses et des travailleurs d’El Salvador (CSTS) et de la Fédération syndicale des travailleurs salvadoriens du secteur des produits alimentaires, des boissons, de l’hôtellerie et de la restauration, et de l’industrie agroalimentaire (FESTSSABHRA), qui signent elles aussi la plainte. Le STECASACV a envoyé des informations complémentaires dans sa communication datée du 26 juin 2008.
  2. 900. A sa session de novembre 2008, le comité a fait observer que, en dépit du temps écoulé depuis la présentation de la plainte, il n’avait pas reçu les observations qu’il avait demandées au gouvernement concerné. Le comité a adressé un appel pressant au gouvernement et a attiré son attention sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il présenterait un rapport sur le fond de cette affaire à sa session suivante, même si les informations complètes attendues n’étaient pas envoyées à temps. En conséquence, le comité a instamment prié le gouvernement de lui transmettre ses observations de toute urgence. [Voir 351e rapport, paragr. 9.] Depuis lors, le gouvernement n’a toujours pas envoyé ses observations au sujet de la plainte.
  3. 901. El Salvador a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 902. Dans ses communications des 3 mars et 26 juin 2008, le Syndicat des travailleurs de la société Empresa Confitería Americana S.A. de C.V. (STECASACV) allègue qu’il a été constitué le 19 avril 1986; qu’en mai 2006 il comptait 180 membres (soit 90 pour cent du personnel de l’entreprise, dont 75 pour cent sont des femmes) contre seulement huit à l’heure actuelle.
  2. 903. D’après le syndicat plaignant, au début de mars 2006, la société Confitería Americana S.A. de C.V. a présenté à la Direction générale du travail du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale une demande de révision à la baisse des clauses 19, 25, 30, 44, 45, 50, 51, 52, 57 et 59 du contrat collectif de travail en vigueur. Depuis lors, les représentants de l’employeur ont entrepris diverses actions, consistant notamment à faire pression sur les membres du syndicat pour qu’ils renoncent à leur affiliation et s’affilient à une organisation parallèle, à laquelle le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a conféré la personnalité juridique en un temps record et à laquelle il a également attribué la titularité du contrat collectif de travail que le syndicat plaignant avait conclu avec l’entreprise. Le 26 septembre 2007, l’entreprise a demandé en justice la dissolution du syndicat plaignant et la radiation de son inscription, en arguant que celui-ci n’avait plus le nombre minimal d’affiliés requis par le Code du travail.
  3. 904. Le syndicat plaignant explique le contexte dans lequel les mesures susmentionnées ont été prises et précise que, à la suite de la demande de révision à la baisse de dix clauses à caractère économique du contrat collectif de travail en vigueur présentée par l’entreprise, le syndicat plaignant avait sollicité l’intervention de l’Inspecteur général du travail. Le 6 avril 2006, une première visite d’inspection a été effectuée et à cette occasion la plainte du syndicat a été soumise aux représentants de l’employeur, dont l’attention a été appelée sur les moyens de pression utilisés par l’employeur à l’égard des travailleurs. L’intervention de l’Inspection générale du travail ayant été de nouveau sollicitée, une nouvelle visite d’inspection a eu lieu le 29 mai 2006 au cours de laquelle une infraction au Code du travail a été constatée et une troisième visite d’inspection a été prévue afin de vérifier qu’il avait été mis fin à l’infraction en cause. Lors de cette troisième visite d’inspection, le 20 juin 2006, il a été constaté qu’il n’avait pas été mis fin à l’infraction, en conséquence de quoi un procès-verbal de sanction légale (condamnation à verser une amende) a été dressé.
  4. 905. Le syndicat plaignant ajoute que, en représailles à cette procédure de sanction, l’entreprise a intensifié ses pressions au point de menacer de licenciement tout travailleur qui ne renoncerait pas à son affiliation au syndicat plaignant. La première désaffiliation a été reçue le 24 juin 2006, et le 26 juin la désaffiliation a été massive. Pour preuve de la contrainte dont les travailleurs ont été l’objet, le syndicat plaignant joint en annexe le premier formulaire de désaffiliation et 32 autres datés du 26 juin 2006, sur lesquels on peut constater deux choses: premièrement, un formulaire avec une présentation identique a été utilisé et remis à chaque travailleur; deuxièmement, ces formulaires ont été complétés par la même personne puisque l’écriture est la même. Toutefois, les formulaires en question ont été considérés comme valables par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale qui n’a pas constaté que le nom du syndicat plaignant auquel le formulaire de désaffiliation était destiné était mal rédigé, ce qui l’invalide. Le syndicat s’est adressé à plusieurs instances (ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, procureur chargé de la défense des droits de l’homme et Commission au travail de l’Assemblée législative) sans obtenir aucun résultat.
  5. 906. Toujours d’après le syndicat plaignant, l’entreprise poursuivant son but a procédé à la création avec les travailleurs et les travailleuses (qu’elle a réussi à faire renoncer à leur affiliation au syndicat selon un procédé systématique et subtil) d’une association syndicale dénommée Association syndicale des travailleurs de la société Empresa Confitería Americana S.A. de C.V. (ASTECASACV). En un temps record, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a conféré la personnalité juridique et sociale à cette association en vertu de sa résolution du 21 février 2007 et lui a attribué la titularité du contrat collectif de travail que le syndicat plaignant avait conclu.
  6. 907. Dans ces circonstances, le syndicat plaignant, conscient du but recherché par l’entreprise, à savoir réviser à la baisse les clauses à caractère économique favorables aux travailleurs, a formé un recours le 15 mars 2007 devant la chambre des contentieux administratifs de la Cour suprême de justice pour contester la légalité de la résolution susmentionnée, recours qui n’a pas encore été traité à ce jour (les procédures de ce type durent trois ou quatre ans au El Salvador).
  7. 908. En octobre 2007, l’entreprise a saisi le tribunal du travail de la première circonscription de San Salvador pour lui demander la dissolution du syndicat et la radiation de son inscription. La demande a été déclarée irrecevable car le juge qui a statué en l’espèce a estimé que, à la date du dépôt de la demande, cela ne faisait pas un an que le nombre d’affiliés au syndicat était inférieur à celui requis par le Code du travail pour qu’une organisation syndicale puisse exister légalement, ce qui – selon le syndicat plaignant – autorise les représentants de l’employeur à renouveler ultérieurement leur demande de dissolution du syndicat et de radiation de l’inscription syndicale. Enfin, les organisations plaignantes transmettent les rapports de l’inspecteur du travail sur ce cas.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 909. Le comité regrette que, en dépit du temps écoulé, le gouvernement n’ait pas envoyé les observations attendues malgré le fait qu’il ait été invité à plusieurs reprises, notamment par la voie d’un appel pressant, à communiquer ses observations au sujet de cette affaire.
  2. 910. Dans ces conditions et conformément aux règles de procédure applicables [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit contraint de présenter un rapport sur ce cas sans disposer des informations du gouvernement qu’il escomptait recevoir.
  3. 911. Le comité rappelle au gouvernement que l’objet de l’ensemble de la procédure établie par l’Organisation internationale du Travail aux fins de l’examen des allégations relatives à des violations de la liberté syndicale est de garantir le respect de cette liberté, de droit comme de fait. Le comité est convaincu que, si cette procédure les protège certes contre des accusations sans fondement, les gouvernements devraient quant à eux reconnaître qu’il est important de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées sur le fond des faits allégués.
  4. 912. Le comité relève que dans le présent cas le syndicat plaignant allègue en substance que, après qu’il a refusé d’accepter la révision à la baisse de dix clauses du contrat collectif demandée par l’entreprise Confitería Americana S.A. de C.V., celle-ci: 1) a exercé des pressions sur les membres du syndicat pour qu’ils renoncent à leur affiliation et qu’ils adhèrent à une organisation parallèle à laquelle le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a conféré la personnalité juridique et a attribué la titularité du contrat collectif; et 2) a demandé en justice la dissolution du syndicat plaignant et la radiation de son inscription en arguant que celui-ci ne comptait plus le nombre minimal d’affiliés requis par la loi, nombre qui serait tombé de 180 membres à huit, à la suite de pressions exercées par l’entreprise.
  5. 913. Plus concrètement, le comité note que selon le syndicat plaignant, le 24 juin 2006, l’entreprise, en représailles à la procédure de sanction suivie par l’inspection du travail à la demande du syndicat, a menacé de licenciement toute personne qui ne renoncerait pas à son affiliation au syndicat plaignant, ce qui a entraîné la démission de 33 membres (le syndicat plaignant souligne que ces démissions – dont il joint copie – étaient toutes présentées de la même façon et ont été rédigées par la même personnes). Le comité observe qu’effectivement le syndicat plaignant envoie un acte établi par l’inspection du travail dans lequel il est constaté que des contraintes ont été exercées sur les travailleurs de l’entreprise afin qu’ils renoncent à leur affiliation au syndicat, agissements qui ont amené l’inspection à imposer le versement d’une amende à l’entreprise. En outre, le comité relève que, selon le syndicat plaignant, l’entreprise a procédé à la création d’une nouvelle association syndicale (ASTECASACV) et que, en un temps record, le ministère du Travail a conféré la personnalité juridique à cette association et lui a attribué la titularité du contrat collectif. La décision administrative en vertu de laquelle cette titularité a été attribuée a fait l’objet d’un recours en justice par le syndicat plaignant, recours qui n’a pas encore été traité. Enfin, le syndicat plaignant allègue que l’entreprise a présenté en octobre 2007 une demande en justice à l’effet d’obtenir la radiation de l’enregistrement et la dissolution du syndicat plaignant. Dans la décision qu’elle a prise, l’autorité judiciaire n’a pas ordonné la dissolution du syndicat au motif que cela ne faisait pas un an que celui-ci comptait un nombre d’affiliés inférieur à celui requis par le Code du travail, ce qui de l’avis du syndicat plaignant permet à l’entreprise d’engager à nouveau, en temps voulu, une action en dissolution du syndicat.
  6. 914. Le comité prie instamment le gouvernement de lui envoyer sans délai ses observations au sujet des allégations et l’ensemble des résolutions administratives – en particulier celles touchant à des problèmes de discrimination antisyndicale et d’ingérence – ainsi que les décisions prises en l’espèce (demande de dissolution, demande relative à la titularité du contrat collectif), et il espère que, par l’intermédiaire de l’organisation d’employeurs concernée, il pourra également disposer des observations de l’entreprise.
  7. 915. En l’absence des observations du gouvernement et compte tenu de la gravité des allégations, le comité souligne que d’une façon générale la convention no 98 interdit tout acte de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans les affaires syndicales et, partant, toute pratique supposant le recours à la contrainte pour obtenir l’affiliation ou le renoncement à l’affiliation à un syndicat, le soutien d’organisations de travailleurs par l’employeur et les mesures prises par un employeur pour obtenir la dissolution d’un syndicat, employeur qui en l’espèce, selon les allégations, aurait entraîné la diminution du nombre d’affiliés au moyen de pressions. Le comité demande au gouvernement de garantir le respect de ces principes et de veiller à ce que les travailleurs et le syndicat obtiennent effectivement réparation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 916. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité souligne la gravité des allégations et déplore que le gouvernement ne lui ait pas envoyé ses observations sur ce cas, alors qu’il y a été invité à plusieurs reprises et qu’un appel pressant lui a été adressé.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de lui envoyer sans délai ses observations au sujet des allégations et l’ensemble des résolutions administratives – en particulier celles touchant à des problèmes de discrimination antisyndicale et d’ingérence – ainsi que les décisions prises en l’espèce, notamment celles relatives à la demande de dissolution du syndicat présentée par l’entreprise et à la question de la titularité du contrat collectif, et espère que, par l’intermédiaire de l’organisation d’employeurs concernée, il pourra également disposer des observations de l’entreprise.
    • c) En l’absence des observations du gouvernement, le comité souligne d’une façon générale que la convention no 98 interdit tout acte de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans les affaires syndicales et, partant, toute pratique supposant le recours à la contrainte pour obtenir l’affiliation ou le renoncement à l’affiliation à un syndicat, le soutien d’organisations de travailleurs par l’employeur et les mesures prises par un employeur pour obtenir la dissolution d’un syndicat, employeur qui en l’espèce, selon les allégations, aurait entraîné la diminution du nombre d’affiliés au moyen de pressions. Le comité demande au gouvernement de garantir le respect de ces principes et de veiller à ce que les travailleurs et le syndicat obtiennent effectivement réparation.
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